Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
La Croix-des-Bouquets
Haïti
(Version basse qualité d’image)
Photo 1
I) Présentation de l’école
1) Localisation et plan de l’école
2) Organisation du système scolaire haïtien et de l’école avant le séisme
Une école publique
Le système haïtien et la répartition des classes
La question des examens
La gestion administrative et financière de l’école
3) L’école lors du séisme
2
I) Présentation de l’école
1) Localisation et plan de l’école
3
Document 2 : Localisation de l’école à l’échelle du quartier
4
2) Organisation du système scolaire haïtien et de l’école avant le séisme
5
A l’école Charlotin Marcadieu, on trouve des classes allant de la 1ère à la 9ème
année, avec en moyenne 54 élèves dans chacune d’elles. Certaines classes ont un
doublon. Le fait d’accueillir des « 3ème cycle » dans les écoles est assez rare ; dans
l’arrondissement de la Croix-des-Bouquets, on en trouve seulement deux ; ici, à
Charlotin, depuis 2006 et à l’école nationale de Beudet. Il en existe d’autres mais
qui n’ont pas d’autorisation ni de reconnaissance du ministère.
L’école fonctionne sur deux sessions : une le matin (8h-13h) et une l’après-
midi (13h-17h). La session de l’après-midi accueille des élèves souvent plus âgés,
mais pas de troisième cycle. Les « Restavec » (enfants-domestiques à Haïti) étaient
assez nombreux il y a quelques années dans cette session. On en compte de moins
en moins, ce qui semble confirmer la baisse de cette pratique. Le matin (voir photo
suivante : le cahier de présence), 12 classes se partagent l’école. Deux des trois
premières années, puis une classe par niveau jusqu’à la 9ème. L’après-midi, on
compte 10 classes. Elles ont toutes un doublon, sauf la 1ère et la 6ème.
Le 3ème cycle (7ème–9ème) fonctionne de façon relativement autonome le
matin. Neuf professeurs sous la direction d’un coordinateur donnent des cours,
chacun ayant sa propre matière. On compte 7 matières différentes :
Communication française (15h), Communication créole (6h), Mathématiques (15h),
Science sociales (9h), Science expérimentale (7h), Anglais (6h) et Espagnol (6h).
Le jour de l’examen, les élèves composent dans toutes les matières, sauf une ; ils
ont en effet le choix entre l’examen d’anglais ou d’espagnol. On peut constater ici
l’absence de sport et d’activités artistiques (chant, dessin…).
L’école accueille aussi une formation professionnelle pour les filles (couture,
cuisine et art floral) qui regroupait 49 étudiantes et 3 professeurs, dont une seule
est vraiment titulaire.
6
Le weekend, des cours de langues sont donnés dans l’école. Les locaux de
l’école sont prêtés au fils d’un des professeurs qui les dirige. Les cours ont lieu le
samedi et le dimanche et ne regroupent que quelques personnes. Ainsi, le censeur
de l’école prend des cours le samedi après midi, en compagnie de trois autres
élèves. Cela lui coute 125 gourdes par mois (2,5 euros), les 100 premiers inscrits
ayant droit à une « demi-bourse ».
L’âge des élèves varie dans les classes : dans celle de 6ème , par exemple, des
élèves de 13 ans côtoient des élèves de 17 ans. Certains arrêtent l’école pour toutes
sortes de raisons avant de la reprendre. On a l’exemple de familles qui alternent les
années scolaires entre les enfants pour limiter les frais. Ceux qui se distinguent par
leur âge sont appelés des « surâgés ». Ces écarts d’âge sont très importants : il faut
penser autrement, proposer des choses qui intéresseront tous les élèves malgré
leurs âges très variés.
7
La question des examens
De la même façon qu’en France, des examens ponctuent la scolarité. On
compte deux examens, les « examens d’Etat », organisés à l’échelle du pays à la
fin de la 6ème et de la 9ème qui sont des « classes d’examens ». Ces examens
correspondent ainsi plus ou moins au certificat et au brevet en France. L’an dernier
l’école a obtenu 75% de réussite à l’examen de fin d’année pour les 9èmes.
Les autres années, les élèves ont des contrôles, avec des notes sur 20 dont la
moyenne finale, retranscrite sur un carnet (voir document 6), permet ou non le
passage dans une classe supérieure. Pour rentrer en 3ème cycle, le nombre de places
étant assez limité, l’école fait passer un petit concours. Tout redoublement est
interdit dans le troisième cycle. Dans les autres classes, il reste possible.
Les examens sont constitués la plupart du temps de QCM (voir l’exemple
avec les documents suivants). Cela pousse les élèves à apprendre par cœur de
nombreuses choses sans les maîtriser vraiment (« Quel est le fleuve le plus long du
monde ? », « Où se trouve le Kremlin ? »).
8
Document 7 : Examen de sciences sociales,
9
La gestion administrative et financière de l’école
Pour accueillir tous ces élèves, l’école dispose du personnel suivant, sous le
contrôle d’une inspectrice qui est la représentante du ministère sur le terrain. Avant
le séisme, ils étaient aidés par deux comités de parents, un pour les 2 premiers
cycles, et un pour le 3ème.
Gardien : Dieu-Seul
Surveillant : Guillaume Jean Renaud
Photo 2 Monsieur
10 Cuisinières (5 le matin et 5 l’après midi) Emond Julneau
3ème cycle
Directeur : Nérolien Jean Honert
9 professeurs
10
Photo 3 : Une partie de l'équipe enseignante du matin
11
exemple la professeure de 6ème année peut demander à ses élèves quelques gourdes
afin d’acheter des épices pour la nourriture de la cantine. En plus de ces frais, les
parents doivent acheter un uniforme, obligatoire et indispensable (les élèves
n’ayant pas d’uniforme complet ne sont pas acceptés en cours) et un minimum de
matériel scolaire (cahier, stylo…). L’achat de manuels, pas toujours respecté, reste
un investissement important pour réussir.
12
3) L’école lors du séisme
Hors de l’école, plusieurs élèves ont été tués. L’école n’ayant pas fait de
statistiques, on ne connaît pas le nombre de victimes. Il semblerait qu’il y en ait eu
entre 6 et 10. Trois des douze professeurs des premiers cycles du matin ont perdu
leur maison. Un certain nombre d’élèves ont perdu dans la catastrophe des proches
ou des parents.
Matériellement, comme on le voit sur les photos suivantes, l’école est restée
debout, mais le bâtiment de l’administration a subi des dégâts (tel un trou dans le
mur) qui obligent sa destruction. Les autres bâtiments ont subi des dommages plus
légers telle la chute de crépi ou du remblai entre les colonnes de briques.
13
Photos 4 à 7: les dégâts causés par le séisme à l'école
14
Civique français. Le 13, les cours ont finalement repris avec toute l’équipe. Le
directeur, sous la pression des parents d’élèves, d’élèves et de certains professeurs,
n’a pas autorisé un retour dans les salles de classe, malgré une visite des militaires
français du Génie. Tous les élèves se sont ainsi installés dehors pour une reprise
assez chaotique. La première semaine, avant les cours, les élèves étaient tous en
rangs et assistaient au lever de drapeau, chantaient et priaient. Ces habitudes ont
rapidement disparu.
Quelques jours après la rentrée, grâce à l’intervention de personnes
encadrant les volontaires français, des tentes ont été livrées et l’école s’est
réorganisée, comme on le voit sur le plan suivant et les photos. Les tentes,
indispensables, n’ont pas résolu tous les problèmes. Sous ces dernières, la chaleur
y est très forte, et insupportable dès 11h quand elles ne sont pas protégées par un
peu d’ombre. La promiscuité a été un grand problème, et avec tous les bruits, les
professeurs ont eu du mal à communiquer avec leur classe.
15
Document 10: La répartition des classes dans la cour
Photo 9: la classe de 4ème et 9ème Photo 10 : les classes du premier cycle dans la cour
16
Photo 12 : classes du premier cycle Photo 13 : les élèves du cours professionnel
2) Les différences
Les horaires
Suite au séisme, les horaires des cours ont changé. Auparavant, les cours
avaient lieu le matin de 8h à 13h, avec une récréation de 10h à 10h45. Après le
séisme, les cours ont été déplacés pour le 2ème cycle de 7h à 11h15 et pour le
premier cycle, de 8h à 11h30 avec une récréation. L’après-midi, les cours ont
dorénavant lieu de 13h à 16/16h30 avec également une récréation. Elles sont
rythmées par la cloche d’un « surveillant ». La fin des cours, elle, se termine de
façon assez aléatoire, parfois selon l’emploi du temps du professeur.
Pour le 3ème cycle, la situation a été plus grave, certains professeurs n’étant
pas revenus enseigner tout de suite, et les absences (qui sont, par ailleurs, très
compréhensibles) ayant été nombreuses.
17
Document 11: Lettre du directeur aux enseignants
Le nombre d’élèves
A partir des tableaux suivants, qui concernent les deux premiers cycles, on
peut voir l’évolution des effectifs, qui ont progressivement retrouvé leur niveau
d’avant le séisme. Pourtant, les élèves ne sont plus tous les mêmes : beaucoup sont
partis en province. A l’inverse, avec les déplacements liés au séisme, beaucoup
d’enfants venus de Port-au-Prince sont arrivés dans l’école, sans que cela ne soit
vraiment remarqué. Ainsi, on compterait près de 50 nouveaux inscrits dans l’école.
Ces tableaux nous fournissent d’autres indications intéressantes, tel le nombre
d’enfants par classe ou la répartition par genre.
18
Document 12 : Evolution des effectifs le matin :
Effectifs le 11 Effectifs le 12 Effectifs le 26 Effectifs le 28
Classes
janvier avril avril juillet
Filles Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles Garçons
1 19 20 7 6 21 19 17 17
1 19 24 6 11 17 31 20 30
2 24 24 28 24 39 24
2 26 25 8 9 21 21 22 20
3 26 17 8 4 21 20 28 19
3 26 24 25 29 29 30
4 33 34 14 22 30 36 30 40
5 35 30 10 18 27 26 35 27
6 28 18 18 12 27 19 31 25
9 236 216 71 82 217 225 251 232
classes filles garçons filles garçons filles garçons filles garçons
Document 14 : Totaux
11 janvier 12 avril 19 avril 28 juillet
18 914 élèves 199 749 825
19
L’arrivée des volontaires français
Le Président de la République française, lors de sa visite en Haïti, a annoncé
que de nombreux jeunes Français allaient être envoyés en Haïti, dans le cadre du
Service Civique instauré par M. Martin Hirsch, suite à une proposition de M.
Daniel Schlosser, responsable de l’éducation au sein de la MIRH (Mission
interministérielle pour la reconstruction d’Haïti).
Deux volontaires du premier contingent ont été présents dès la reprise des
cours et ont travaillé dans cette école. Trois nouveaux volontaires ont aujourd’hui
pris la relève.
Leur présence a apporté un certain dynamisme au sein de l’école, ce qui a
été particulièrement appréciable les premières semaines. Les élèves et les
professeurs, encore traumatisés, ont été heureux de trouver des jeunes assez
« exotiques » et n’ayant pas vécu le séisme. Ils ont pu, grâce à eux, voir que la
langue française n’était pas qu’un outil utilisé à l’école, mais quelque chose de
bien vivant.
Les volontaires ont particulièrement travaillé avec les élèves de 6ème année,
en organisant deux fois par semaine des ateliers de communication ou de lecture
par petits groupes. Ils ont fait ce même travail avec la classe de 5ème. Ils ont aussi
donné des cours d’histoire/géographie en 9ème année dont le professeur était absent
et de communication française en 8ème année.
Ils ont été encadrés par Bruno Delvallé,
spécialisé dans les questions de pédagogie.
Les volontaires ont aussi mis en route la
bibliothèque. En effet, ils ont découvert dans
une salle fermée à clef deux valises de livres
neufs, offertes par le PLAN. Les prêts ont été Photo 14: la valise de livres
20
utiliser. Bibliothèques Sans Frontières s’est engagée à fournir dans les mois qui
viennent de nouveaux livres pour l’école et à assurer une formation pour les
enseignants.
Un concours d’art a également été réalisé sur les thèmes de « la Coupe du
monde » ou de « l’école Charlotin ».
En plus de cela, les volontaires se sont servis de leur réseau pour appuyer le
travail de la direction. C’est avec leurs contacts que les tentes ou la nourriture ont
pu être livrés.
Jusqu’au 12 juillet, l’école n’a plus fourni de nourriture aux élèves comme
elle le faisait d’habitude grâce aux livraisons du PAM, alors que ceux-ci arrivent
régulièrement le ventre creux.
Après avoir lu un rapport sur la situation à l’école Charlotin, un capitaine de
l’armée française chargé des relations civilo-militaires (CIMIC) a contacté le PAM.
Quelques jours plus tard, le PAM, qui n’avait jamais livré l’école bien qu’au
courant de sa situation, pensant qu’elle n’avait pas d’endroit de stockage, a autorisé
World Vision, le délégué pour cette zone, à livrer 71 sacs de riz de 50 kg, 23 sacs
de pois de 50 kg, 10 bidons d’huile et un sac de 50 kg de sel.
Cette livraison ne réglait pas tous les problèmes. L’école a dû trouver de
l’argent pour embaucher des cuisinières et pour acheter du charbon de bois, ce qui
montre encore une fois l’importance du suivi et le besoin de tout analyser lors
d’actions dites humanitaires pour éviter les gâchis.
21
Photo 14: Livraison de la nourriture du PAM Photo 15 : Les cuisinières à l’œuvre
22
4) La question de la reconstruction
laissé sur le mur une marque rouge, indiquant, Photo 17 : marque rouge du MTPTC sur l’école
23
gabarit pour la destruction. Des ingénieurs japonais de la MINUSTAH se sont
rendus sur place afin de faire leurs évaluations.
Le jour où les travaux devaient commencer, les militaires ont appris qu’une
ONG (Islamic relief Haïti) avait elle aussi toutes les autorisations nécessaires pour
s’occuper de la reconstruction et l’avaient également planifiée. Rapidement, une
réunion à la mairie entre les différents partenaires a été organisée et les militaires
français se sont retirés, ayant pour consigne de ne pas gêner les ONG. De plus,
l’offre de l’ONG était beaucoup plus intéressante pour l’école, puisqu’il était
question de tout raser et de tout reconstruire avec d’importants moyens. Les
militaires ont donc, à la place, rénové la bibliothèque municipale de la Croix-des-
Bouquets et effectué des travaux à l’école nationale de Tabarre.
Les travaux de l’ONG n’ont malheureusement pas pu commencer. Le
ministère de l’éduction haïtien a en effet bloqué toutes les reconstructions,
attendant que des normes de construction pour les écoles soient adoptées.
On peut donc conclure que d’importants efforts ont été effectués par
beaucoup de partenaires et que beaucoup de temps a été consacré à cette question,
mais qu’au final l’école, hormis l’installation des tentes, n’a pas changé depuis le
séisme.
Diverses ONG sont passées dans l’école avant que les distributions du PAM
ne reprennent. Celles-ci ont effectué quelques distributions de nourriture qui n’ont
pas eu de suites. Une ONG est ainsi passée quelques jours pour distribuer du lait,
déployant une grande banderole en anglais expliquant que sa mission était de
donner de la nourriture et qu’elle le faisait bien. Ses distributions se sont arrêtées
sans explication après une demande de la direction de l’école de signer des reçus
suite aux livraisons.
24
En plus de ces ONG, des sectes évangélistes anglo-saxonnes sont venues à
deux reprises à l’école distribuer de petits livres aux enfants, tout cela avec la
bénédiction du directeur, même si l’école est censée être laïque en Haïti.
Les professeurs avaient des attentes très fortes en appui psycho-social. Une
ONG a donc été contactée afin d’apporter un appui. Elle a envoyé à deux reprises
quelqu’un afin d’évaluer les besoins. Les professeurs ne se sont pas investis dans le
projet et devant ce peu d’enthousiasme, l’école a perdu le lien avec cette ONG. Il
aurait sans doute fallu faire tout un travail de communication auprès des
professeurs pour mieux les impliquer et les informer. Ce travail, qui peut sembler
banal, est d’une rare complexité et demande beaucoup d’énergie.
Les professeurs de l’école sont d’un bon niveau. Néanmoins, les conditions
d’enseignement sont vraiment mauvaises, ce qui pose évidement problème.
Ils ont conscience de l’importance de leur rôle pour le développement du
pays et s’investissent beaucoup, même s’ils aimeraient le faire mieux en recevant
des formations. Les professeurs attendent beaucoup du ministère, qui a tendance à
les laisser pour compte.
25
a) Jean Onert Nérolien
b) Gertha Seide
Gertha est encore traumatisée par le séisme qui l’a profondément touchée.
Le 12 janvier, sa maison s’est écroulée et, sans un réflexe de sa fille qui a couru
dans la maison chercher son plus jeune fils, sa famille ne serait plus au complet.
26
Aujourd’hui, elle est préoccupée par elle-même : elle n’a pas d’argent et
plus de maison. Elle gère ainsi le quotidien très difficilement. Pourtant elle reçoit
bien son salaire qu’elle est parfois obligée d’aller chercher jusqu’au ministère,
mais celui-ci ne suffit pas.
Avec son éducation, elle cherche de l’aide, mais pour l’instant celle-ci est
très limitée : elle a seulement réussi à faire évacuer les ruines de sa maison. Sa
tente repose sur la dalle de béton. La reconstruction de sa maison sans argent
s’annonce complexe. D’ailleurs, quand on évoque avec elle la reconstruction
d’Haïti, elle ne comprend pas : pour elle, la reconstruction n’a pas commencé. On
ne peut lui donner tort puisque tous les lieux qu’elle fréquente ne sont toujours pas
remis en état.
Sa vie est assez vide et, sans argent, maison ou véhicule, les vacances d’été
n’ont pas été très plaisantes. C’est pour cela que la reprise des cours lui a fait du
bien. Dès la reprise, son fils est venu avec elle à l’école, même s’il est d’un niveau
supérieur, il a pu de cette façon commencer à retrouver une vie normale, en
attendant que son
établissement rouvre ses portes.
« J’aime enseigner, j’ai
la conscience professionnelle
et puis j’aime les enfants », dit-
elle. Mais dans ces conditions,
l’exercice n’est pas facile, bien
qu’il reste fondamental et cela,
elle le sait bien : « Mieux les
élèves seront formés, meilleur
sera l’avenir du pays ».
c) Marie-France Brutus
Marie-France a comme
lourde charge d’apprendre à lire Photo 20 : Gertha sur les restes de sa maison
27
Photo 21
d) Exantus Fleury
Pendant mes études classiques, j’ai voulu être professeur. Le professeur est à la fois le docteur et
le remède. On ne peut pas laisser le monde dans le noir. Pour cela je suis rentrée dans une école
pour apprendre ce métier, j’ai du quitter Artibonite où j’habitais pour faire mes études. Les gens
m’ont encouragée.
C’est quand les élèves comprennent. Après quelques années aussi quand on est reconnu et qu’on
croise d’anciens élèves : « Oh c’est mon professeur ! » Tout le monde t’apprécie parce que tu es
professeur. On cherche toujours à éclairer les autres.
Les parents sont démissionnaires. Il y a une question de démocratie à l’école. Tout le monde fait
ce qu’il veut et ce n’est pas constructif. Mais quand les professeurs et la direction prennent des
décisions ensemble, ça marche bien.
Il faut la volonté ; je dis toujours à mes élèves, s’ils veulent être président, sénateur ou député, il
suffit qu’ils continuent leurs études classiques et ensuite se lancent.
7) Comment voyez-vous la
suite de votre carrière ?
2) Les élèves
Afin de mieux comprendre les élèves, des questionnaires ont été distribués
lors des toutes dernières semaines de cours à une centaine d’élèves à partir de la
6ème année, précision faite que les réponses seraient anonymes. Un certain nombre
de ces dernières sont présentées ici, intégralement tout d’abord, puis sous forme
d’extraits. Elles sont complétées par quelques textes écrits par les élèves sur leur
pays.
29
Les élèves de l’école sont d’origine assez modeste. A la question
« profession de votre père », les élèves ont répondu majoritairement « cultivateur ».
On trouve aussi beaucoup de maçons, de personnes travaillant dans la sécurité,
d’ébénistes ou tailleurs et quelques policiers et professeurs. On peut aussi
remarquer la présence d’un berger et d’un charbonnier. Pour les mères, le résultat
est quasi unanime lorsqu’elles ont un métier : « commerçante ». On ne trouve que
quelques rares exceptions : couturières, agronomes, infirmières. Les élèves font
partie de familles nombreuses, la plupart comptant entre 5 et 10 enfants.
A la lecture des questionnaires, on constate combien les élèves ont été
affectés par le séisme, ce qui est difficile à imaginer quand on les voit rire et courir
tous les jours. Les professeurs expliquent qu’ils ont plus de mal à se concentrer, à
apprendre et que certains sont plus turbulents. Le traumatisme ne s’est
véritablement observé qu’une seule fois : le 26 avril, lors d’une manifestation
organisée par les élèves du lycée Jacques I. Ces derniers, qui ne pouvaient
reprendre les cours, leurs bâtiments étant occupés par des sinistrés, ont manifesté
bruyamment et ont tambouriné sur les portes métalliques de l’école.
Immédiatement, tous les enfants des premiers cycles ont couru dans tous les sens
en pleurant. Les plus grands ont cru à une attaque et plusieurs d’entre eux ont fuit
l’établissement en sautant par-dessus les murs.
L’importance que donnent les élèves à l’éducation est considérable. Ils
voient l’école comme une chance énorme et un besoin pour le développement de
leur pays, même si on sent parfois qu’ils ressortent des formules toutes faites. Ils
réclament aussi plus de rigueur et de discipline.
Tous, sans exception, ont répondu qu’ils avaient confiance en leur avenir.
Leurs ambitions professionnelles sont peu variées : plus de la moitié des élèves
veulent être docteur ou infirmière. Les autres veulent être informaticien, hôtesse de
l’air, banquière, secrétaire, ingénieur « pour mieux construire les maisons », maçon,
artiste peintre, mécanicien.
30
Il est vraiment agréable de travailler avec de tels élèves, curieux, ayant envie
d’apprendre et pleins de vie malgré tout. Ils rencontrent des difficultés assez
spécifiques, notamment dans leur rapport à la langue. Tout l’enseignement se fait
en français, alors que les élèves ne sont pas tous francophones. Cela pose bien
évidemment des problèmes graves. Dans un énoncé de mathématiques, il n’est pas
rare de voir un enfant bloqué par le vocabulaire. Néanmoins, penser que
l’enseignement en créole réglerait les problèmes est une illusion. Sans même
évoquer les atouts qu’offre la francophonie, la connaissance des deux langues
nationales est indispensable pour tous les élèves qui vont grandir au sein de la
société haïtienne.
Ces élèves ont aussi des difficultés à sortir des sentiers battus, à se libérer.
Durant le concours d’art, beaucoup ont voulu plus de contraintes, et beaucoup se
sont contentés de recopier des dessins ou poésies déjà existantes. Cela peut
s’expliquer par le fait que les élèves n’ont pas de lien avec l’image. Ils ont peu
accès aux livres, à internet, voire à la télévision. A la question qui tombe presque
tous les ans à l’examen de sciences sociales, « citer des causes de la première
guerre mondiale», un élève a répondu : « l’assassinat des Français Ferdinand ».
Cela est assez révélateur du système scolaire haïtien, ou les élèves apprennent par
cœur sans comprendre et se représenter les choses.
31
32
33
34
35
36
37
IV) Difficultés que rencontre toujours l’école
1) La question des professeurs
Les professeurs sont mal encadrés dans leur travail par un ministère dont les
moyens sont très limités.
Cela pose plusieurs problèmes dont le plus grand reste la question des
salaires. Celui-ci n’est pas versé aux professeurs travaillant dans l’école pour qui le
nom n’a pas été inscrit sur les lignes budgétaires. Ainsi, le responsable du 3ème
cycle attend son salaire depuis 3 ans et demi. Le gardien de l’école rencontre
également des problèmes, il n’a pas été payé depuis près de 6 mois. Dans ces
conditions, leur survie tient du miracle, et leur motivation ne peut être intacte.
38
Les professeurs, avec un salaire d’environ 120 euros, ont des moyens limités,
et apprécient peu leur condition modeste, qu’ils prennent parfois pour un manque
de reconnaissance de la part de l’Etat. De plus, quand leur salaire est versé, cela
peut être en retard et parfois, il faut aller chercher son chèque directement au
ministère. D’où l’absence ponctuelle de certains professeurs.
Une augmentation du nombre de professeurs serait bien sûr également
souhaitable, mais il faut bien reconnaître que le gouvernement rencontre des
problèmes financiers et que cela demande des investissements pour les formations
importantes.
Il y a également une énorme demande de formation ; comme nous l’avons
dit, tout ce qui touche à la pédagogie intéresse beaucoup les professeurs qui parlent
toujours avec plaisir des méthodes d’enseignement modernes et interactives, avec
l’utilisation de supports.
Cela a des conséquences sur leur motivation. Par exemple, il n’est pas rare
de voir des professeurs arriver très en retard, ou s’absenter. Vues les conditions
dans lesquelles ils travaillent, il n’est pas possible de leur faire des critiques.
2) Le manque de moyens
3) L’effet Haïti
Après quelque temps passé en Haïti, la motivation décroît car rien n’est
jamais acquis. Tous les projets, même les plus modestes, rencontrent des difficultés
insoupçonnées. Pour de simples photocopies, la photocopieuse (située dans une
boutique spécialisée proche de l’école) peut tomber en panne, les copies peuvent
être de mauvaise qualité et certains exercices ne sont alors plus possibles...
Cela conduit à un état peu constructif, où le risque de tomber dans
l’attentisme est grand. En effet, depuis l’école, on ne contrôle pas grand-chose. On
attend que le ministère s’occupe de la reconstruction, on attend du nouveau
mobilier scolaire. Et quand on demande pourquoi le gardien ne peut pas se charger
de remettre rapidement quelques clous aux pupitres abimés, le censeur répond,
désabusé : « il n’a pas été payé depuis 6 mois, il ne va pas être très motivé ».
40
4) Que faire ?
-Le ministère devrait être en mesure de payer lui-même tous ces instituteurs,
ce qui éviterait que certains passent plusieurs années sans être payés. Cela peut
passer par de l’appui budgétaire.
-Une augmentation des salaires pour combler le manque de reconnaissance
des professeurs semble très importante et aurait des effets non négligeables sur le
moral.
-Le ministère devrait recruter et former plus de professeurs, pour ouvrir par
exemple une session pour le 3ème cycle, l’après midi. Une diminution du nombre
d’élèves par classe est indispensable.
-Le ministère devrait être plus puissant et présent pour mieux faire passer
ces directives et combler le fossé qui existe entre lui et le terrain.
-Il serait bon de trouver rapidement un partenaire s’engageant à faire des
travaux qui pourraient comprendre un accès à l’eau potable, et que le ministère
contrôle cela efficacement.
-L’achat de pupitres ou autres fournitures serait utile mais n’est pas
absolument prioritaire.
-Il existe une demande forte pour que l’école soit dotée d’une bibliothèque et
de matériel informatique. Si cela est évidement nécessaire, l’apport de matériel,
sans un suivi extrêmement poussé et une formation des enseignants pour leur
utilisation, serait un échec total et grossier.
-Une autorisation du ranch situé à proximité pour faire des activités
sportives semble être un bon moyen de faire sortir les élèves de ce petit espace.
-Enfin, il semble important de plus faire réfléchir les enfants et de les sortir
du par cœur.
41
Chronologie exhaustive de l’école depuis la réouverture
l’école
13 juillet : visite de l’école par le Sénateur français représentant les Français établis hors de
France et Président d’ADIFLOR, M. Louis Duvernois
42
13 juillet : réunion à la Mairie de la Croix des
bouquets entre les militaires français et les
membres d’Islamic Relief Haïti au sujet de la
reconstruction
19 juillet : Début des examens à l’école
4-5 aout : Examens d’Etat pour les « 6ème
année »
10-12 août : Examens d’Etat pour les « 9ème
Photo 26: Les 6èmes en examen
année »
27 juillet : visite de l’écrivain Lionel Trouillot pour un atelier sur la poésie
27 juillet : petite fête en 6ème année
9 août : remise des carnets
août : confirmation que Bibliothèques Sans Frontières donnera de nouveaux livres à l’école
dans les mois à venir et assurera une formation
Photo 27 : La remise des carnets, un événement symbolisant le succès de la reprise des cours malgré le séisme
43
Photo 28 à 30 : les élèves dans la cour de l’école
44
Ecole Charlotin Marcadieu, année scolaire 2009-2010
Contact : goffinbenoit@hotmail.fr
45