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ARCHIVES DE L’ORIENT CHRÉTIEN

21

L’APPORT DES ASSOMPTIONNISTES FRANÇAIS


AUX ÉTUDES BYZANTINES

UNE APPROCHE CRITIQUE

Actes du colloque de Bucarest, 25-27 septembre 2014

édités sous la direction de


Marie-Hélène Blanchet et Ionuț-Alexandru Tudorie

institut français
d’études byzantines
PARIS
2017
TABLE DES MATIÈRES

Abréviations ...........................................................................................7
Albert Failler, Avant-propos ...............................................................11
Marie-Hélène Blanchet et Ionuț-Alexandru Tudorie, Introduction ....15
Liste des Assomptionnistes ...................................................................29
Programme du colloque ........................................................................33

I.  Historique

Giuseppe - M. Croce, Un demi-siècle de travaux érudits sur l’Orient


chrétien. Figures, contacts et itinéraires de recherche entre Rome
et la France (1878-1940) .................................................................39
Matthieu Cassin, Au milieu des livres  : constitution et fonctions de la
bibliothèque de l’IFEB ....................................................................65
Ionuț-Alexandru Tudorie, Academic Research and Cultural Diplo-
macy: The French Institute for Byzantine Studies in Bucharest
(1937-1947) ......................................................................................169
Albert Failler, Le transfert de l’IFEB à Paris et les nouvelles condi-
tions de son activité .........................................................................213

II.  Historiographie

Daniel Galadza, The Assumptionists and the Study of Byzantine


Liturgy ..............................................................................................233
Ivana Jevtić, «  Les images comme langage  ». La contribution de
Christopher Walter à l’étude de l’iconographie et de l’imagerie
ecclésiastique byzantines .................................................................259
Vassa Kontouma, La contribution de l’Institut byzantin des Assomp-
tionnistes à la théologie mariale catholique ....................................277
528 L’APPORT DES ASSOMPTIONNISTES

Marie-Hélène Congourdeau, L’IFEB et la redécouverte de la spiri-


tualité byzantine du 14e siècle .........................................................313
Ekaterini Mitsiou, The monastery of Kecharitomene and the contri-
bution of the Assumptionists to the study of female monasticism
in Byzantium ....................................................................................327
Peter Schreiner, Le rôle des Assomptionnistes pour les recherches
topographiques sur Constantinople et l’Empire byzantin ...............345
Vangélis Maladakis, Louis Petit, Jules Pargoire et l’épigraphie atho-
nite. Le Recueil des inscriptions chrétiennes de l’Athos (1904) ....357
Vivien Prigent, De l’apport des «  petits monuments  »  : faire de l’or
avec du plomb ..................................................................................385
Cécile Morrisson, Vitalien Laurent, numismate .................................453
Christian Gastgeber, Jean Darrouzès und das Patriarchatsregister.
Die Erschliessung einer grundlegenden Quelle zur Geschichte des
Patriarchats von Konstantinopel ......................................................465
Marie-Hélène Blanchet, Éditer un texte de polémique religieuse.
Vitalien Laurent et les Mémoires de Sylvestre Syropoulos ............485

Index ......................................................................................................505
Liste des contributeurs ..........................................................................525
Planches .................................................................................................529
«  LES IMAGES COMME LANGAGE  »
LA CONTRIBUTION DE CHRISTOPHER WALTER
À L’ÉTUDE DE L’ICONOGRAPHIE ET DE L’IMAGERIE
ECCLÉSIASTIQUE BYZANTINES

Ivana JEVTIĆ

Cette étude vise à faire ressortir les spécificités de l’œuvre scientifique de


C. Walter (Norwich, Angleterre, 1925 – Albertville, France, 2014) afin d’exa-
miner non seulement sa contribution aux études byzantines, mais d’éclairer
aussi la manière dont son travail s’inscrit dans la démarche générale des
Assomptionnistes de l’IFEB et contribue à leur mission scientifique1. Nous
reprendrons, dans leurs grandes lignes, les principales étapes de sa recherche
dans le contexte du développement de l’histoire de l’art byzantin du dernier
tiers du 20e siècle. Nous nous pencherons de plus près sur les thèmes qu’il
a abordés, sur sa méthodologie, sur les conclusions qui se dégagent de ses
travaux et sur l’influence qu’il a exercée sur d’autres historiens de l’art. Enfin,
nous essaierons de comprendre ce qui, dans son approche de l’art byzantin
et dans sa façon de l’explorer, relève de spécificités de l’historiographie
assomptionniste en histoire de l’art.
Les Assomptionnistes ont couvert différents champs disciplinaires dans
leur œuvre scientifique. Parmi ces diverses branches, l’histoire de l’art ne
tenait pas une place centrale, mais elle représentait plutôt un domaine auxi-
liaire qui servait d’appui à leurs recherches sur l’orthodoxie. Les Assomp-
tionnistes ont prêté attention aux monuments et aux antiquités byzantines.

1.  Je tiens à remercier profondément les organisateurs, M.-H. Blanchet et I.-A. Tudorie,


de leur invitation à prendre part à ce colloque. Ce travail m’a poussée à revoir l’œuvre de
C. Walter qui a influencé ma propre démarche en histoire de l’art byzantin. Je voudrais aussi
remercier chaleureusement le père M. Kubler et les frères assomptionnistes de Bucarest pour
leur soutien lors de la préparation de ma communication. – On trouvera les figures citées en
fin d’article, et les planches couleur à la fin du livre.
260 i. jevtiĆ

C’était en particulier le cas de R. Janin, qui a décrit les monuments et les


diverses œuvres d’art de Constantinople byzantine et de l’Empire byzantin,
souvent avec un intérêt archéologique aiguisé, mais sans les étudier selon
les méthodes propres à l’histoire de l’art2. En effet, la valeur de l’art byzan-
tin et la richesse de son iconographie étaient reconnues, mais cet art ne
constituait pas l’objet de recherches per se, étant considéré surtout comme
l’expression majestueuse de la religiosité et de la spiritualité orthodoxes, qui
constituaient le point focal de la recherche des Assomptionnistes3.
Dans cette perspective, la personnalité et l’activité scientifique de C. Walter
occupent une place tout à fait à part. D’un côté, C. Walter se distingue par
son orientation précise et déterminée vers l’étude de l’art, ce qui fait de lui
le véritable et le principal historien de l’art dans la congrégation. Les
Assomptionnistes, de l’autre côté, saisissaient la forte dimension religieuse
de l’art byzantin et ils étaient intéressés par la compréhension de sa relation
avec la liturgie et les rituels de l’Église byzantine. La recherche de C. Walter
s’inscrit dans cette tendance générale, mais en partant du point de vue de
l’histoire de l’art. D’ailleurs, le titre d’un de ses plus importants livres, Art
and Ritual of the Byzantine Church, annonce d’emblée que sa recherche
vise en premier lieu les procédés artistiques  : C. Walter explore la manière
dont les rituels de l’Église byzantine se reflètent dans les images, notam-
ment dans la peinture monumentale, et dont ces images aident à créer et
construire l’espace sacré, dans les églises où ces rituels ont lieu (pl. 1)4.

Dans l’ensemble, la contribution de C. Walter aux études d’histoire de


l’art byzantin est importante, savante et originale. Pour l’évaluer, rappelons
brièvement les étapes principales de son itinéraire intellectuel et de son acti-
vité scientifique au cours de sa longue carrière.
C. Walter s’est intéressé à l’histoire de l’art, notamment à l’art byzantin,
dès ses études supérieures de 1947 à 1950 à l’université d’Oxford. La
renommée dont l’IFEB jouissait dans le monde académique à cette époque,
mais aussi son désir d’engagement intellectuel pour la restauration de
l’union entre Rome et Constantinople, l’ont orienté vers les Assomption-
nistes5. C’est au sein de cette congrégation qu’il avait été ordonné prêtre
en 1964. Particulièrement intéressé par l’iconographie byzantine, C. Walter
a fait sa thèse de doctorat sur L’iconographie des conciles dans la tradition
byzantine, sous la direction de A. Grabar à l’École Pratique des Hautes

2. Janin, Constantinople byzantine  ; Janin, Églises de Constantinople.


3.  Failler, Centenaire, ici p. 5-8, 28-30.
4. C. Walter, Art and Ritual of the Byzantine Church, Londres 1982, p. 1-6.
5. C. Walter, Les Assomptionnistes au Proche-Orient (1863-1980), Paris 1982, p. 7-8.
l’étude de l’iconographie 261

Études à Paris (1965-1967). Devenu membre de l’IFEB en 1967, il colla-


bore avec les autres membres de l’Institut, même si son travail le distingue
de ses confrères tournés dans leurs recherches vers l’histoire de l’Église
byzantine, l’édition de textes, la sigillographie ou la codicologie6.
En 1980, il quitte Paris pour un séjour de deux ans à Belgrade (1980-1982),
qui représentait un centre important pour l’étude de l’art byzantin7. Ce séjour
lui a permis d’apprendre la langue serbe, de bien connaître les monuments
de Serbie, des autres régions de l’ex-Yougoslavie et de Bulgarie, et de nouer
de forts liens d’amitié avec plusieurs byzantinistes serbes comme G. Babić.
À la demande des Assomptionnistes, C. Walter s’est établi de manière plus
durable à Athènes, où il est resté quatorze ans (1982-1996). Pendant ce
temps, il a élargi la bibliothèque déjà spécialisée du Centre byzantin des
Assomptionnistes et a organisé le séminaire qui s’y réunissait régulièrement.
Grâce à son dynamisme, le Centre d’Athènes a trouvé une vigueur nouvelle
sur le plan scientifique et a accueilli des étudiants venant de tous les pays
d’Europe de l’Est. En 1996, des problèmes de santé l’ont obligé à quitter la
Grèce et à retourner en France, où il a continué ses recherches. Il est décédé
le 30 avril 2014 à Albertville en France8.
Parmi ses nombreuses publications, il faut d’abord mentionner ses quatre
ouvrages principaux  : L’iconographie des conciles dans la tradition byzan-
tine9, Art and Ritual of the Byzantine Church10, The Warrior Saints in
Byzantine Art and Tradition11 et The Iconography of Constantine the Great,
Emperor and Saint, with Associated Studies12. Quant aux articles, ils sont
plus de quatre-vingts, dont un bon nombre est paru dans la Revue des études
byzantines. Ses articles ont été rassemblés pour l’essentiel dans trois recueils
de réimpressions, sous les titres suivants  : Studies in Byzantine Iconography13,

6.  A. Failler, In memoriam. Christopher Walter (1925-2014), REB 73, 2015, p. 1-7, ici p. 1.
7.  Ajoutons que pendant son séjour à Belgrade, C. Walter a écrit son livret sur la présence
des Assomptionnistes en Orient dans lequel il a décrit les efforts de la congrégation pour
s’établir en Yougoslavie et à Belgrade  ; voir C. Walter, Les Assomptionnistes au Proche-
Orient, cité n. 5, p. 61-64.
8. A. Failler, In memoriam. Christopher Walter, cité n. 6, p. 1-2. Ce décès est intervenu
presqu’au même moment où les organisateurs ont lancé l’appel à contribution au présent
colloque.
9. C. Walter, L’iconographie des conciles dans la tradition byzantine (AOC 13), Paris
1970.
10. C. Walter, Art and Ritual, cité n. 4.
11. C. Walter, The Warrior Saints in Byzantine Art and Tradition, Aldershot 2003.
12. C. Walter, The Iconography of Constantine the Great, Emperor and Saint, with Asso-
ciated Studies, Leyde 2006.
13.  13 articles parus dans C. Walter, Studies in Byzantine Iconography (Variorum Reprints
CS65), Londres 1977.
262 i. jevtiĆ

Prayer and Power in Byzantine and Papal Imagery14 et Pictures as Language.


How the Byzantines Exploited them15. Enfin, il a également signé un grand
nombre de recensions sur une durée de quarante ans et a participé à plu-
sieurs symposia, colloques et congrès d’études byzantines16.
Cette bibliographie importante montre bien que C. Walter a mené une riche
activité scientifique tout au long de sa vie et que son champ de recherche était
large. En regardant de plus près son œuvre, nous pouvons dégager les prin-
cipales lignes d’étude et discerner les thèmes auxquels il a dédié la plus
grande part de ses efforts intellectuels et de son temps. À notre avis, ses
choix de sujets de recherche sont particulièrement révélateurs pour cette
investigation historiographique.
Mentionnons d’abord son intérêt permanent pour les manuscrits enluminés,
à commencer par le manuscrit carolingien de Verceil17 (fig. 1), en passant
par l’étude des enluminures dans les psautiers byzantins, jusqu’à la grande
entreprise collective de l’édition du Psautier Barberini (Vaticanus Barb.
Gr. 372) en 1989, à laquelle il a pris part avec J. Anderson et P. Canart18.
Sa conviction que l’étude des manuscrits exige une approche plus large et
doit inclure des méthodes diverses, y compris celles de la codicologie,
influencera le travail de plusieurs spécialistes de manuscrits byzantins
comme N. Patterson Ševčenko ou J. Anderson19.
L’iconographie des saints a constitué un autre sujet de prédilection de
C. Walter. Il s’est souvent arrêté sur les traits inhabituels et peu communs qui
apparaissent soit dans les représentations individuelles des saints, soit dans les
cycles hagiographiques, et a cherché à les interpréter. Il a par exemple été le
premier à examiner le cycle du roi Abgar de l’église de Mateič (ca. 1355,
Macédoine), qui reste unique dans l’iconographie byzantine20. Il aimait

14.  12 articles parus dans C. Walter, Prayer and Power in Byzantine and Papal Imagery
(Variorum Reprints CS396), Aldershot 1993.
15.  24 articles parus dans C. Walter, Pictures as Language. How the Byzantines Exploited
them, Londres 2000.
16.  Voir la bibliographie complète dans A. Failler, In memoriam. Christopher Walter,
cité n. 6, p. 4-7.
17. C. Walter, Les dessins carolingiens dans un manuscrit de Verceil, Cahiers archéolo-
giques 18, 1968, p. 99-107.
18. C. Walter, J. Anderson, P. Canart, The Barberini Psalter. Codex Vaticanus Barbe-
rinianus graecus 372 (Manuscripts from the Biblioteca Apostolica Vaticana 1), Zurich – New
York 1989.
19.  Ritual and Art. Byzantine Essays for Christopher Walter, éd. P. Armstrong, Londres
2006, p. 1-3. Son influence est présente, par exemple, dans N. Patterson-Ševčenko, Illustrated
Manuscripts of the Metaphrastian Menologion, Chicago – Londres 1990, et J. C. Anderson,
The New York Cruciform Lectionary, University Park (Pa.) 1992.
20. C. Walter, The Abgar cycle at Mateič, dans Studien zur byzantinischen Kunst­ge­schichte.
Festschrift für Horst Hallensleben zum 65.  Geburtstag, éd. B. Borkopp, B. Schellewald,
L. Theis, Amsterdam 1995, p. 221-231.
l’étude de l’iconographie 263

analyser les motifs iconographiques rares et en faire la matière d’articles,


dont plusieurs ont été publiés dans des revues comme Зограф (Faculté de
Philosophie, Institut d’histoire de l’art, Belgrade). Le choix de cette revue
ainsi que les thèmes abordés témoignent de son intérêt constant pour l’art
slave, notamment pour les icônes et les peintures murales de la Serbie
médiévale, qu’il a eu l’opportunité de photographier et d’étudier de près.
Dans ce domaine, il faut surtout insister sur son intérêt continu pour l’ico-
nographie et le culte des saints militaires, qui s’achèvera dans son livre The
Warrior Saints in Byzantine Art and Tradition21. En effet, ce livre repré-
sente une véritable somme traitant d’un grand nombre de saints militaires,
où l’auteur trace, étape par étape et en détail, l’évolution de leur iconographie
et l’esthétique de leurs représentations à partir d’un riche corpus d’illustra-
tions provenant de l’ensemble de la sphère culturelle byzantine (fig. 2). Il étu-
die la vie des saints militaires et le développement du culte de leurs reliques.
Il suit l’historique des martyria et des sanctuaires qui leur ont été dédiés et
retrace l’émergence de ces figures comme une catégorie distincte de saints.
Procédant de cette façon, C. Walter réussit à examiner de manière très com-
plète la place et le rôle des saints militaires dans la culture et le monde
byzantins et slaves (fig. 3). Il n’est donc pas étonnant que ce livre soit
reconnu comme un excellent ouvrage de référence dans ce domaine parti-
culier d’étude hagiographique et iconographique. Pour finir, signalons que
C. Walter montre que l’établissement des saints militaires comme une caté-
gorie iconographique distincte de saints coïncide dans sa forme définitive
avec l’apogée militaire de l’Empire byzantin aux 10e-11e siècles, ce qu’il
interprète comme le signe d’un empire théocratique en guerre perpétuelle
avec les peuples voisins22.
Son dernier livre, The Iconography of Constantine the Great, Emperor
and Saint. With Associated Studies, se situe dans le même registre et repré-
sente le fruit d’un travail mené au cours de plusieurs décennies23. Ce livre
constitue la suite de son étude sur les saints militaires, car pour C. Walter,
Constantin Ier était, entre autres choses, un militaire et un saint24. Avec cet
ouvrage, l’auteur a rassemblé une documentation très riche et il a produit une
première étude d’ensemble sur l’iconographie du premier empereur chrétien
en analysant toutes les facettes de sa représentation à partir d’un large cor-
pus d’exemples, depuis le 4e siècle (fig. 4) jusqu’à l’époque post-byzantine

21. C. Walter, The Warrior Saints, cité n. 11, p. 1-5.


22.  Ibidem, p.  261-293  ; N. Thierry, Compte rendu de C. Walter, The Warrior Saints in
Byzantine Art and Tradition, Aldershot 2003, Cahiers de civilisation médiévale 50, 2007,
p. 216-222.
23. C. Walter, The Iconography of Constantine, cité n. 12, p. 1-2.
24.  Ibidem, p. 128.
264 i. jevtiĆ

(fig. 5), sans même négliger l’imagerie des «  Nouveaux Constantins  »25.


Une étude de l’iconographie de Constantin et Hélène vient compléter ses
recherches sur le premier empereur chrétien (pl. 2), enrichie par l’examen
de leurs représentations avec la Vraie Croix sur des reliquaires26. À partir
de ces analyses, C. Walter souligne que, d’un intérêt porté d’abord envers
la figure civile de Constantin («  the secular Constantin  »), on passera après
le triomphe de l’orthodoxie en 863 à une vénération de Constantin et Hélène
en tant que saints27.
Mentionnons aussi les deux études associées au corps principal du livre  :
la première est dédiée à la recherche sur le manikion, comme attribut des
saints militaires. La deuxième est consacrée à l’étude exhaustive de l’acro-
nyme IC XC NIKA28. Comme pour les saints militaires, un travail aussi
complet sur l’iconographie du premier empereur chrétien, de ses représen-
tations avec sa mère, Hélène, et des sujets associés, faisait défaut dans
l’historiographie de l’art byzantin et représente une contribution de grande
valeur.
L’iconographie du clergé dans la tradition byzantine constitue pour
C. Walter un sujet de recherche de premier ordre. De là se développe son
désir de comprendre comment l’Église byzantine a construit l’imagerie
ecclésiastique et a exercé son influence sur la société. En effet, comprendre
comment l’Église byzantine a recouru à l’art pour redéfinir ses rituels repré-
sente le véritable spiritus movens de la recherche de C. Walter. Déjà dans
sa thèse de doctorat, devenue son premier livre, il a étudié l’iconographie
des conciles afin d’examiner la manière dont l’Église byzantine a utilisé
les images pour proclamer son droit et affirmer son autorité29. Ce livre reste
toujours une étude incontournable, car il porte sur l’ensemble des images
de tradition byzantine qui représentent les conciles de l’Église, universels et
particuliers. Signalons que C. Walter a dédié ce livre à la mémoire de
S. Salaville, son confrère et grand historien de la liturgie byzantine, qui s’était
arrêté avant lui sur les conciles œcuméniques et quelques-unes de leurs
représentations.
Dans Art and Ritual of the Byzantine Church, C. Walter va plus loin dans
cette voie en rassemblant une grande documentation sur l’iconographie des

25.  Ibidem, p. 98-110.


26.  Ibidem, p. 65-76, 98-110.
27.  Ibidem, p.  52-62  ; C. Jolivet-Lévy, Compte rendu de C. Walter, The Iconography
of Constantine the Great, Emperor and Saint, with Associated Studies, Leyde 2006, REB 66,
2008, p. 304-307.
28. C. Walter, The Iconography of Constantine, cité n. 12, p. 129-131, 139-166.
29. C. Walter, L’iconographie des conciles, cité n. 9, p. 13-17.
l’étude de l’iconographie 265

dignitaires et des rites de l’Église byzantine, en se focalisant sur la repré-


sentation des évêques, et, tout particulièrement, les Pères de l’Église30.
Il ne néglige pas les textes, mais se fonde avant tout sur les images, enlumi-
nures et peintures murales, principalement les décors des églises slaves de
l’ex-Yougoslavie qu’il contribue ainsi à faire connaître. Il étudie le vête-
ment épiscopal et certains accessoires représentatifs de la fonction, comme
l’omophorion, puis il inventorie divers types de représentations d’évêques
en montrant de nombreux exemples. Il examine avec grand soin les cérémo-
nies où interviennent les évêques et les patriarches  : le couronnement de
l’empereur, les mariages, les baptêmes, les cérémonies ecclésiastiques
(ordinations, consécrations), les cérémonies du rituel funéraire (processions,
inhumations). Surtout C. Walter prête une grande attention à l’imagerie offi-
cielle de l’Église byzantine et examine la manière dont elle s’exprime dans
les manuscrits enluminés et dans les programmes de peintures d’églises.
Il établit qu’une conception hiérarchisée des figures est présentée dans le
sanctuaire  : les saints évêques viennent juste après les apôtres et se dis-
tinguent peu à peu des autres saints, en tant que défenseurs de l’orthodoxie
(fig. 6). Si, au début du 11e siècle, les évêques figurent dans une série de
portraits frontaux et statiques (pl. 1), leur image change progressivement au
cours de la seconde moitié du 11e siècle. Désormais ce sont deux lignes
d’évêques qui convergent vers le centre et deviennent officiants, déployant
des rouleaux inscrits31 (pl. 3).
Ce changement dans la façon de représenter les saints évêques et l’impor-
tance grandissante de leurs images sont des indices importants pour C. Walter.
Il les interprète comme des signes manifestes d’un renouveau dans l’icono-
graphie qui s’exprime surtout dans la peinture monumentale, plus précisé-
ment dans les programmes peints sur les murs des absides des églises, dès
la fin du 11e siècle. D’autres signes viennent s’y ajouter. Outre les évêques
officiants et la communion des apôtres, sont introduits de nouveaux thèmes
liturgiques, comme le mélismos, qui va s’établir durablement dans le pro-
gramme des sanctuaires au 12e siècle. Au cours de l’époque tardo-byzantine,
les références visuelles à la liturgie et à la poésie liturgique continuent à
enrichir la peinture murale, comme en témoigne la représentation du Christ-
prêtre et de la liturgie céleste32 (fig. 7). Ces conclusions ont été largement

30. C. Walter, Art and Ritual, cité n. 4, p. 7-34.


31. C. Walter, Art and Ritual, cité n. 4, p. 85-163, 171-177, 200-205  ; N. Thierry,
Compte rendu de C. Walter, Art and Ritual of the Byzantine Church, Londres 1982, REB 42,
1984, p. 347-349.
32. C. Walter, Art and Ritual, cité n. 4, p. 214-238  ; N. Thierry, Compte rendu de
C. Walter, Art and Ritual, cité n. 31, p. 347-349.
266 i. jevtiĆ

acceptées par les historiens de l’art byzantin de sa génération et ont attiré


l’attention des chercheurs vers les décors de l’espace absidial des églises
médio- et tardo-byzantines.
Art and Ritual of the Byzantine Church constitue en quelque sorte une
étude «  révolutionnaire  », car depuis sa publication, le rôle de la liturgie
dans la création de l’espace sacré de l’église orthodoxe a été largement
reconnu et est désormais pris en considération bien plus qu’auparavant.
C. Walter a eu ce mérite d’avoir éclairé le fait que le développement icono-
graphique de l’art byzantin et orthodoxe, dès la période médio-byzantine,
devait être associé à l’enrichissement de la liturgie et à sa très forte influence
sur la peinture et l’architecture. Il a observé le parallélisme saillant entre une
liturgie de plus en plus structurée et une iconographie ecclésiastique de plus
en plus élaborée, qui met en valeur l’emprise grandissante de l’Église sur la
société byzantine, surtout à partir du 11e  siècle  : «  The increased ceremonial
visibility of Church ritual was not only encouraging artists to seek inspira-
tion in ecclesiastical ceremonies rather than in those of the imperial court,
but often it also inspired the visualization of liturgical texts  »33. Plusieurs
historiens de l’art de sa génération, comme G. Babić, D. Mouriki ou
S. Kissas34, vont poursuivre dans cette voie de recherche et travailler davan-
tage sur la corrélation entre l’art, la liturgie et la société à l’époque médio-
et tardo-byzantine. C. Walter a aussi donné une nouvelle impulsion aux
recherches sur les rituels et la liturgie orthodoxes dont témoignent, par
exemple, les travaux de R. Taft35.
C. Walter se distingue des autres historiens de la même époque dans son
approche et sa façon d’étudier l’art et l’iconographie. En effet, il a été plus
perméable à la pensée structuraliste française que tout autre chercheur
anglo-saxon en histoire de l’art byzantin. Rappelons qu’il a fait sa thèse à
Paris et qu’il a vécu en France au moment où la vie intellectuelle était pro-
fondément marquée par le structuralisme et le poststructuralisme. Son livre
Art and Ritual of the Byzantine Church représente une tentative novatrice
d’appliquer à l’étude de l’art byzantin les méthodes de la sémiologie et du

33. C. Walter, Art and Ritual, cité n. 4, p.  239-249  ; N.  Thierry, Compte rendu de
C. Walter, Art and Ritual, cité n. 31, p. 347-349.
34.  Voir, entre autres, G. Babić, Литургијске теме на фрескама у Богородичиној
цркви у Пећи [Les thèmes liturgiques dans les fresques de l’église de la Vierge à Peć], dans
Архиепископ Данило II и његово доба, éd. V. J. DjuriĆ, Belgrade 1991, p. 377-389  ;
D. Mouriki, Studies in Late Byzantine Painting, Londres 1995  ; S. Kissas, Representation of
Greek and Slav Saints from the Central and Western Balkans from Ninth to the Eighteenth
Century, Cyrillomethodianum 11, 1987, p. 249-255.
35. R. Taft, Divine liturgies – human problems in Byzantium, Armenia, Syria and Pales-
tine, Aldershot 2001.
l’étude de l’iconographie 267

structuralisme, où se dégage tout particulièrement l’influence de l’anthropo-


logue britannique E. Leach36. Ainsi, il a fait un pas important dans l’ouver-
ture de la byzantinologie à des méthodes nouvelles venant de la linguistique
ou de l’anthropologie37. Issu du cercle de A. Grabar, il a été influencé par
ce grand spécialiste de l’iconographie chrétienne qui se demandait comment
l’art byzantin exprimait le sacré et reflétait la célébration liturgique, et com-
ment les images s’adaptaient aux espaces ecclésiaux pour lesquels ce rituel
était conçu. Mais C. Walter est allé un peu plus loin dans la recherche d’un
nouveau cadre conceptuel pour l’art byzantin en l’ouvrant, en quelque sorte,
vers le postmodernisme, en traçant les voies de recherche qui seront pour-
suivies par R. Nelson et A. Cutler38.
Ce qui marque son œuvre est sa prise en considération de l’art byzantin
comme un langage et un moyen de communication, et non pas comme une
manifestation relevant des beaux-arts. Dans son approche, il s’est intéressé
principalement à l’analyse et à l’interprétation du contenu de l’art et de son
message, alors qu’il touchait moins à des questions de style. Contrairement
aux grandes figures de l’histoire de l’art byzantin des années 1960 et 1970,
à l’instar de K. Weitzmann ou E. Kitzinger39, C. Walter ne considérait pas
le 10e siècle et la période de la Renaissance macédonienne comme le som-
met de l’art byzantin. Au contraire, il soutenait que la période clé des chan-
gements était bien les 11e et 12e siècles et il donnait des arguments très
convaincants, aujourd’hui largement acceptés, pour soutenir cette hypo-
thèse. Il a ainsi contribué à ce que l’intérêt des byzantinistes ne se limite pas
à la période protobyzantine et se déplace aussi vers les périodes tardives.

36.  Servant de pont entre l’anthropologie britannique et française, les travaux de E. Leach
sur les formes d’expression rituelles ont été formateurs pour la démarche de C. Walter  :
E. Leach, Rethinking Anthropology, Londres 1961, et Idem, Culture and Communication: the
Logic by which Symbols are Connected, Cambridge 1976. Sur E. Leach, voir S. Hugh-Jones
et J.  Laidlaw, The Essential Edmund Leach. I, Anthropology and Society ; II, Culture and
Human Nature, New Haven (Conn.) 2000. La sémiotique et le structuralisme ont permis à
C. Walter d’aborder l’art comme une étude des signes et des contextes de significations,
comme il l’explique lui-même  : C. Walter, Art and Ritual, cité n. 4, p. 5.
37. R. Cormack dans la préface de C. Walter, Art and Ritual, cité n. 4, p. xxi-xxiii  ;
H. Maguire, Review of C. Walter, Art and Ritual of the Byzantine Church, Londres 1982,
Speculum 59, 1984, p. 210-212.
38.  Voir entre autres R. Nelson, The Iconography of Preface and Miniature in the Byzan-
tine Gospel Book, New York 1980; A. Cutler, The Aristocratic Psalters in Byzantium, Paris
1984.
39. Voir notamment K. Weitzmann, The Joshua Roll:  A Work of the Macedonian
Renaissance, Princeton 1948 ou Idem, Studies in Classical and Byzantine Manuscript Illu-
mination, Chicago-Londres 1971  ; E.  Kitzinger, Studies in Late Antique, Byzantine and
Medieval Western Art, Londres 2002-2003.
268 i. jevtiĆ

Dans l’ensemble de ses études, C. Walter aborde les grandes questions de


l’iconographie byzantine  : la genèse de l’art byzantin et de ses archétypes  ;
le contenu, le sens et l’usage de l’image, puis l’existence et l’utilisation de
modèles disparus mais reconstruits à partir de copies  ; enfin, comment
décoder le message que l’image est chargée de véhiculer. En s’appuyant sur
les sources littéraires, liturgiques et archéologiques, il a été l’un des premiers
historiens de l’art à examiner étroitement les liens entre l’iconographie
byzantine, la liturgie et l’espace liturgique et à souligner l’importance de la
représentation du clergé. Ceci lui a permis de contextualiser divers types de
représentations iconographiques, puis de resituer le décor monumental des
églises byzantines et slaves dans sa fonction particulière, selon son empla-
cement dans l’église et les rituels qui y ont lieu.
Nous pouvons conclure que C. Walter représente une grande figure de
l’histoire de l’art byzantin du dernier tiers du 20e siècle. Ses livres et ses
articles constituent un apport incontestable à la connaissance de plusieurs
facettes de l’iconographie byzantine, et sa recherche ouvre de nombreuses
pistes de recherche en art byzantin. D’ailleurs, Ritual and Art. Byzantine
Essays for Christopher Walter, le volume publié en son honneur sous la
direction de P. Armstrong en 2006, a rassemblé les contributions d’un grand
cercle de collègues et amis40. Cet ouvrage montre bien que son travail ne
cesse de nourrir la réflexion de nombreux historiens de l’art, de spécialistes
de manuscrits, de spécialistes d’étude des textes et des rituels orthodoxes.
Avec C. Walter, les Assomptionnistes ont apporté une contribution de
premier ordre à l’histoire de l’art et de la culture byzantine. Grâce à ses
recherches, la notion d’art byzantin s’élargit pour incorporer les traditions
artistiques des Slaves des Balkans, dont l’apport et la valeur culturelle seront
désormais évalués à leur juste mesure dans l’historiographie occidentale.
En même temps, à travers l’étude de l’imagerie ecclésiastique dans l’art
byzantin, C. Walter a aussi contribué à la mission scientifique de la congré-
gation  : il a rassemblé une riche documentation sur l’Église byzantine en
approfondissant les connaissances sur l’iconographie de ses rituels, de ses
saints et de ses hiérarques, et en étudiant ces images comme des éléments
d’un langage qui assurait la communication entre l’homme, l’Église et Dieu.

40.  Ritual and Art, cité n. 19. Ce volume contient des contributions de J. C. Anderson,
P. Armstrong, E. Bakalova, A. Bryer, D. Buckton, S. Dufrenne, C. Entwistle, A. Failler,
G. Gerov, V. Kepetzi, D. Korać, J.A. Munitiz, N. Patterson Ševčenko, R. Radić, R.F. Taft,
T. Velmans, P. L. Vocotopoulos.
l’étude de l’iconographie 269

Fig. 1  :  Verceil, Bibliothèque capitulaire, cod. CLXV, f. 2v (fin du xe siècle).


(D’après C. Walter, The Iconography of Constantine, cité n. 12, fig. 228)
270 i. jevtiĆ

Fig. 2  :  Kastoria, église des Saints-Anargyres. Saint Georges et Saint Démétrios


(après 1180). (D’après C. Walter, The Warrior Saints, cité n. 11, fig. 2)
l’étude de l’iconographie 271

Fig. 3  :  Gračanica, église de l’Annonciation. Saint Mercure et Saint Démétrios


(ca. 1320). (D’après C. Walter, The Warrior Saints, cité n. 11, fig. 38)
272 i. jevtiĆ

Fig. 4  :  Belgrade, Musée national. Constantin le Grand (4e siècle).


(D’après C. Walter, The Iconography of Constantine, cité n. 12, fig. 165)
l’étude de l’iconographie 273

Fig. 5  :  Mont Athos, réfectoire du monastère de Lavra. Le Premier concile avec


Constantin le Grand (1530).
(D’après C. Walter, The Iconography of Constantine, cité n. 12, fig. 244)
274 i. jevtiĆ

Fig. 6  :  Asinou, église de la Panagia Phorbiotissa (1105-1106). Vue du sanctuaire.


(D’après A. Cutler, J.-M. Spieser, Byzance médiévale 700-1204,
Paris 1996, fig. 231)
l’étude de l’iconographie 275

Fig. 7  :  Lesnovo, église de l’archange Michel. Christ Grand-Prêtre (1346-1347).


(D’après C. Walter, Art and Ritual, cité n. 4, fig. 63)

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