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L’Étude de la magie chez les musulmans de Bosnie-

Herzégovine à l’époque de l’occupation austro-hongroise


(1878-1918)
Alexandre  Popovic

p. 585-607

TEXTO BIBLIOGRAFÍA NOTAS AUTOR
TEXTO COMPLETO

 1 Il s’agit du séminaire intitulé « Histoire moderne et contemporaine des musulmans

balkaniques », du (...)

1Travaillant depuis novembre 2000, dans le cadre de mon séminaire de recherche de l’École

des Hautes Études en Sciences Sociales, sur la magie chez les musulmans balkaniques1, je me

suis très rapidement rendu compte de l’intérêt qu’il y avait à mener cette recherche selon

trois principes : l’entreprendre pays par pays, afin d’analyser plus facilement l’ensemble des

publications connues et de la documentation accessible ; le faire en comparaison constante

avec la magie pratiquée chez les populations non musulmanes des pays en question ; mais

aussi, comparer à la magie pratiquée dans d’autres régions du monde musulman, et avant

tout — pour des raisons évidentes — à celle des populations de l’Empire ottoman et de la

Turquie contemporaine.

 2 Voir POPOVIC 2004a, 2005, et 2009a. Je compte publier, dès que je pourrais, deux autres

études dans (...)

 3 Voir POPOVIC 1997-1999 [volume paru en réalité en 2004], 2004b et 2009b.

2J’ai débuté ces recherches par les territoires de l’ex-Yougoslavie, car les publications et la

documentation en général y sont infiniment plus nombreuses et plus riches par rapport à

celles concernant les autres pays du Sud-Est européen. Tout en analysant de façon

1
systématique, au cours des séances bimensuelles de notre séminaire de l’EHESS l’ensemble

de la documentation trouvée (sources, études et travaux, renseignements divers, opinions et

commentaires d’auteurs postérieurs sur ces sujets, etc.), j’ai commencé à publier les tout

premiers résultats de ces recherches dans deux séries d’articles : la première est consacrée

aux travaux des principaux auteurs qui ont travaillé dans ce domaine2, et la seconde à des

études « transversales »3. Je me suis alors rendu compte qu’il serait intéressant d’ajouter à

ces deux séries d’études une troisième, dans laquelle seraient analysés séparément les travaux

publiés dans chacune des deux principales zones où vivent les populations musulmanes du

pays, c’est-à-dire : d’une part en ex-Yougoslavie occidentale, à savoir en Bosnie-Herzégovine

(désormais BH), et de l’autre, dans l’ex-Yougoslavie orientale, à savoir le Kosovo-Métohija, le

Monténégro et la Macédoine ; et cela pour chacune des quatre périodes historiques s’étalant

entre la création de cet État en 1918 et la période actuelle (donc : 1918-41, 1941-45,

1945-91, et 1992-2008). Les publications, ainsi regroupées par régions et par périodes,

permettent de déceler certains faits importants qui, pour de multiples raisons (d’ordre

politique, religieux et/ou idéologique), n’ont pas été clairement perçus, et par conséquent,

encore moins abordés, jusqu’à présent. Cette étude se situe dans cette dernière perspective,

puisqu’elle concerne les études faites en BH à l’époque de l’administration austro-hongroise,

c’est-à-dire entre 1878 et 1918. Au préalable, je ferai quelques rappels historiques sur la

région, et je rappelerai ce que nous savons sur la magie en BH à l’époque ottomane, avant

l’arrivée des Austro-Hongrois.

La Bosnie-Herzégovine : de la domination ottomane à l’administration austro-hongroise


 4 Voir POPOVIC 1986, p. 254-257.

3La conquête ottomane des diverses régions de BH a eu lieu entre 1463 (mise à mort par

les Ottomans du dernier roi de Bosnie, Stjepan V Tomašević) et 1592 (chute de la ville de

Bihać, en Bosnie occidentale). L’islamisation de la population, qui a suivi, a été très forte4.

Cependant, cette islamisation a été lente et progressive ; elle s’est opérée au cours de deux

2
périodes bien distinctes, dont chacune a duré plus de deux siècles : la première, allant de la

conquête ottomane à l’échec des Ottomans sous les murs de Vienne en 1683 ; et la seconde,

à partir de cette date, jusqu’à l’occupation austro-hongroise, imposée par les clauses du

Congrès de Berlin en 1878. Deux phénomènes importants doivent être soulignés. Tout

d’abord la BH, contrairement à certaines autres régions balkaniques de l’Empire ottoman

(comme la Bulgarie, la Grèce, ou la Macédoine), n’a nullement connu au cours de la période

ottomane une implantation massive de populations musulmanes extérieures (turcophones ou

autres), ce qui fait que la population musulmane slave de BH est restée relativement très

homogène. Ensuite, les quatre siècles d’occupation ottomane ont joué un rôle prépondérant

dans les clivages existant au sein de la population de BH, creusant un fossé entre les divers

groupes confessionnels, musulmans et non musulmans.

4Selon le premier recensement officiel de l’administration austro-hongroise (celui de 1879),

la BH comptait à cette date 1,158.440 habitants, dont : 496.761 (42,86 %) orthodoxes,

448.613 (38,72 %) musulmans, et 209.391 (18,07 %) catholiques, ainsi que 3.426 (0,29%)

Juifs (dont la plupart sont arrivés au cours du XVIe siècle), sans compter quelques autres

groupes minoritaires (POPOVIC 1986 : 271). Au cours des quarante années suivantes ces

chiffres ont varié de façon importante, car par exemple, lors du quatrième (et dernier)

recensement officiel autrichien, celui de 1910, les orthodoxes étaient 825.918 (43,49 %), les

musulmans 612.137 (32,25 %), les catholiques 434.061 (22,87 %), et les Juifs 11.868

(donc moins de 1 %). Ces chiffres, ainsi que ceux des deux recensements intermédiaires (de

1885 et 1895), montrent clairement deux choses : d’une part l’accroissement régulier de la

population musulmane de BH ; et de l’autre la diminution sensible de son importance

numérique, proportionnellement aux deux confessions chrétiennes, diminution lente mais

continue.

5Par ailleurs, pour ce qui est des rapports sociaux entre les trois principaux groupes de

populations en présence, Xavier Bougarel rappelle, fort à propos, l’essentiel :

3
De longue date, les rapports interethniques en Bosnie-Herzégovine sont, autant et

peut-être plus que des rapports interculturels, des rapports sociaux. L’islamisation

d’une partie des Slaves de Bosnie-Herzégovine s’explique elle-même avant tout

par des raisons économiques, et reste liée à des questions autour desquelles se

sont sans cesse articulés les rapports entre les groupes nationaux : la question du

pouvoir politique et administratif d’une part, la question agraire d’autre part. En

1910 encore, les structures agraires héritées de l’Empire ottoman transparaissent

dans le fait que 91,1 % des propriétaires terriens ayant des kmet (travailleurs

agricoles [donc des paysans sans terre]), à leur service sont musulmans, 6,1 %

orthodoxes et 2,5 % catholiques, alors que 73,9 % des kmet sont orthodoxes,

21,5 % catholiques et 4,6 % musulmans. Quant aux paysans libres, ils sont

musulmans à 56,6 %, orthodoxes à 25,9 % et catholiques à 16,7 %.

(BOUGAREL 1992 : 110).

La magie chez les musulmans de Bosnie-Herzégovine à l’époque ottomane


6Historiquement parlant, la magie pratiquée dans chacun de ces trois groupes ethnico-

religieux des Slaves de BH repose, bien entendu, sur plusieurs couches de croyances et

pratiques qui se sont superposées au cours des siècles, avec toutes sortes d’inévitables

mélanges entre elles. Tout au début il y avait probablement un fond commun, une « magie

slave ancienne, pré-chrétienne », mélangée à certains éléments (et rituels magiques ?)

provenant de la magie des populations ayant habité les territoires de BH dans l’antiquité,

bien avant l’arrivée vers le milieu du VIIe s. des populations slaves dans ces régions. Avec la

christianisation de ces populations slaves (environ deux siècles plus tard ?), il y eut d’abord

la magie pratiquée (autorisée ou condamnée) à l’époque du « christianisme primitif », celui

d’avant la séparation entre l’Église catholique de Rome et les diverses Églises du monde

orthodoxe. Puis, les catholiques de BH pratiquèrent une magie (autorisée ou condamnée),

sous la surveillance des autorités religieuses de Rome, alors que les orthodoxes de BH

4
pratiquèrent une magie (autorisée ou condamnée) sous la surveillance d’abord des autorités

religieuses de l’Église byzantine de Constantinople, puis, à partir de 1219, de celles de

l’Église autocéphale serbe, créée au Concile de Nicée.

 5 Il s’agit d’une pratique magique « ayant des affinités avec l’incubation antique », voir

FAHD 1974, (...)

 6 Voir mss. Şehid Ali Paşa, n° 2819/3, Süleymaniye Kütüphanesi, Istanbul, fol. 348 et

fol. 505.

 7 Voir deux études extrêmement intéressantes (parues en 1930 et 1931), d’un historien

croate, « non o (...)

7En ce qui concerne la magie pratiquée par la population musulmane de BH après la

conquête ottomane, elle repose sur les fondements de la magie islamique arabo-persano-

turque médiévale. On possède relativement peu de renseignements à son sujet. Ainsi, je n’ai

rien trouvé pour l’instant en ce qui concerne le XVe et le XVIe s., et seulement quelques

brèves mentions qui attestent son existence au XVIIe s. Parmi elles, la plus importante est la

référence que fait Münîrî Belgrâdî (fin du XVIe-début du XVIIes.), notamment au rituel

magique musulman bien connu, appelé istiḫāra en arabe (istihare en ottoman)5, dans son

ouvrage intitulé Silsiletü’ l-mukarribîn ve menâkibü’ l-mütakkîn, écrit en turc ottoman, vers

16126. Nous avons, en revanche, nettement plus de détails sur le XVIIIe s. (voir POPOVIC,

2009b). Il existe ainsi sept brèves mentions touchant au monde de la magie dans la très

riche Chronique (en turc) due à Mula Mustafa Bašeski (1731/2-1809), de Sarajevo, ouvrage

qui couvre en gros les années 1746-1804. Ses renseignements montrent à quel point la

magie faisait partie de la vie quotidienne des musulmans d’une grande ville provinciale

balkanique, comme l’était Sarajevo au XVIIIe s. Par ailleurs, une vingtaine de documents

également en turc ottoman, ont été conservés, par lesquels divers représentants des autorités

ottomanes demandaient (ou plutôt ordonnaient) aux moines franciscains du couvent de

Fojnica (Bosnie centrale) de soigner sans tarder tel ou tel malade musulman (homme ou

5
femme), censé être atteint d’une maladie provoquée par des « actes magiques7 ». Enfin, deux

autres documents d’archives sont des témoignages émanant de membres du haut clergé

catholique. Le premier est un récit enregistré au Kosovo (en 1764) par un visitateur officiel

de Rome (l’archevêque de Skoplje et légat pontifical de la curie romaine, Matija Masarek),

qui fut amené à soigner pendant quinze jours de suite un musulman malade, torturé par des

crises de fureur. Le second a été noté en Bosnie en 1780 par un évêque catholique croate,

fra Marko Dobretić, auquel un autre musulman malade (ou psychologiquement perturbé)

avait demandé lui-même de le guérir par un zapis (une « écriture »), c’est-à-dire dans le cas

précis, une prière, une bénédiction ou une invocation religieuse, écrite sur du papier.

 8 Le texte a été publié à Zagreb en 1861, donc après la mort de son auteur présumé. Sur ce

point, voi (...)

 9 Voir Anonyme/JUKIĆ 1861, p. 158-166, et POPOVIC 2009a.

 10 Voir BALTIĆ 1991, p. 226-227, et 238.

8Il existe aussi quelques renseignements intéressants sur la magie en BH dans des

publications parues au XIXe s., avant l’arrivée des troupes austro-hongroises en automne

1878. En dehors de quelques mentions microscopiques mais néanmoins très significatives,

que je laisse pour l’instant de côté, je signalerai quelques pages divertissantes écrites par deux

franciscains bosniaques, Ivan Frano Jukić (1818-1857) et Jakov/Jako Baltić (1813-1887).

Le premier décrit sous la forme d’un bref récit très drôle, non signé8, la manière dont un

musulman bosniaque, un certain Alija Pekez, fraîchement arrivé de Bosnie dans la ville

d’Edirne, s’était mis à confectionner et à vendre des amulettes et des talismans, sans avoir

aucune connaissance dans ce domaine, abusant ainsi d’une manière effrontée de la crédulité

de la population locale9. Quant à Jako Baltić, personnage beaucoup moins connu que Jukić,

il a laissé le manuscrit d’une Chronique (Godišnjak) couvrant les années 1754-1882

(publiée seulement en 1991), dans laquelle on trouve deux brefs passages concernant la

magie. Dans le premier, il est question d’un évêque catholique qui confectionnait et vendait

6
lui-aussi des zapisi (« écritures » ou talismans), cette fois-ci pendant la grande épizootie qui

toucha le gros bétail en Bosnie, lors de l’été 1862. L’affaire ayant mal tourné, celui-ci se fit

insulter par ses clients non catholiques. Une autre anecdote concerne l’introduction du

télégraphe en Bosnie, en 1865, action qui, comme toutes les autres innovations, fut plutôt

mal accueillie par la population musulmane. Certains prétendaient « qu’autour de chaque

poteau télégraphique se trouvaient cinq djinn  accroupis ». À Sarajevo, on en vint même à

faire une dâ’ira (rituel magique de la convocation des djinn), pour en savoir davantage sur

cette nouveauté. Les djinn auraient répondu en disant : « nous venons de nous réunir en

conseil nous aussi, à ce sujet, mais nous n’en savons rien non plus10 ! ».

9Le bilan provisoire de nos connaissances sur les pratiques magiques ches les populations

musulmanes de BH au cours de la période ottomane (1463-1878) peut donc être résumé

comme suit :

1. La magie islamique (sous sa forme arabo-persano-turque ottomane) s’est probablement

implantée très tôt en BH (à savoir au fur et à mesure de l’islamisation progressive d’une

partie de la population locale).

2. Avant 1878, il n’a été fait aucune étude sur la magie chez les musulmans de BH.

3. Nous n’avons donc sur celle-ci que des renseignements et témoignages épars à partir du

début du XVIIe siècle.

4. Plusieurs d’entre eux concernent le recours à des spécialistes religieux catholiques.

 11 Sur la place et l’importance de la magie dans le monde ottoman, et dans la culture

ottomane en géné (...)

Pour faire une étude de la magie chez les musulmans de BH à l’époque ottomane, il faudrait

aussi faire une analyse des nombreux textes manuscrits (en arabe, turc et persan), conservés

par exemple à la Bibliothèque Gazi Husrev-beg de Sarajevo, qui sont autant de traités, de

textes théoriques et pratiques sur la magie. L’exploitation historique de ces textes qui

témoignent des pratiques magiques dans la société musulmane de l’époque est cependant

7
difficile, dans la mesure où beaucoup ne sont pas datés, ne comportent pas de noms

d’auteurs, ni de noms de lieux11.

Les études sur la magie en BH faites à l’époque austro-hongroise (1878-1918)


 12 À partir de 1893, les articles jugés importants sont traduits en allemand (parfois avec des

complém (...)

10La situation concernant les publications sur la magie en BH change radicalement à partir

de la dernière décennie du XIXe s., à la suite de la création ex- nihilo  en 1888, par les

autorités austro-hongroises, du Zemaljski Muzej [Musée régional] de Sarajevo, conçu à

l’image du Naturhistorisches Museum de Vienne, ainsi qu’en raison du lancement (à partir de

1889) de la désormais célèbre revue scientifique locale Glasnik Zemaljskog Muzeja u Bosni i

Hercegovini [Bulletin du Musée régional de BH], (dorénavant ici GZM)12.

 13 On désignait parfois en ex-Yougoslavie ces immigrants de façon péjorative par le terme

de « kuferaš (...)

11Ces deux institutions ont joué un rôle primordial dans la collecte des données et leur

publication. Elles ont permis la parution des tout premiers articles portant directement sur

notre sujet. Ces premiers textes contiennent généralement soit des renseignements bruts sur

des objets relatifs à la magie, collectés sur le terrain (accompagnés de descriptions plutôt

sommaires), soit des observations faites (toujours sur le terrain) concernant les pratiques

magiques, le rituel ou autres phénomènes. Il s’agit d’une documentation disparate, fruit des

travaux d’une quinzaine d’auteurs, ayant des niveaux scientifiques (et des niveaux de

connaissances générales) très différents les uns par rapport aux autres. La majorité de textes

importants sont l’œuvre d’immigrants, arrivés en Bosnie après 1878 afin d’y faire carrière

dans les domaines les plus divers13. Ces immigrants venaient de différentes parties de

l’Empire austro-hongrois : de Pologne, comme le médecin Leopold Glück (dont le nom était

parfois écrit sous la forme « Glik ») ; de la Styrie slovène, comme l’ethnologue et

folklorisant, professeur dans le secondaire, Emilian/Emilijan Lilek ; ou de Croatie, comme le

8
futur haut fonctionnaire de l’administration austro-hongroise en BH, le tout premier

directeur du ZM, et rédacteur en chef du GZM, Konstantin/Kosta Hörmann/Herman ; ou

encore l’archéologue, numismate, paléographe, etc. et premier conservateur en chef du ZM,

qui devint directeur du musée à partir de 1905 et rédacteur en chef du GZM, Ćiro Truhelka.

12Plus d’une vingtaine de publications ont paru au cours de cette période, qui touchent de

près ou de loin à la magie chez les musulmans, mais parfois également chez les chrétiens

(orthodoxes et catholiques), voire aussi, de temps en temps, chez les Juifs de BH. Dans la

plupart des cas, ces publications ne traitent de la magie qu’au passage, à l’occasion de

l’analyse de sujets beaucoup plus vastes, tels les coutumes, les pratiques et la médecine

populaire (comme dans le cas des accouchements par exemple). Les auteurs décrivent aussi,

plus ou moins rapidement, comme nous le verrons plus loin, les différents objets et

croyances liés à la magie, tels les talismans et les amulettes, le mauvais œil (urok), les carrés

magiques (contre toutes sortes de maladies, les serpents, les scorpions, etc.). Parfois, ils

abordent en même temps la question de l’usage de certains termes techniques liés à la magie,

les rituels magiques (istikhâra, dâ’ira, fa’l, sihr/sihir, etc.), ainsi que les différentes catégories

de divinations (et notamment de la divination amoureuse).

13Sur le plan scientifique, la plus importante des publications parues au cours de cette

période est sans conteste, comme nous allons le voir, le livre en allemand (de 64 pages de

grand format) de Glück (1894), dans lequel l’auteur fait une synthèse de quelques unes de

ses publications antérieures. Cette étude trouve des compléments utiles dans différents

articles et dans le volume (également en allemand, de 92 p. in-4°) de Lilek (1896), ainsi

que dans les publications de Hörmann, Truhelka, Ćurčić, Kulinović et quelques autres

auteurs dont voici le profil par ordre alphabétique.

Les auteurs du corpus (BH 1878-1918)


 14 Sur l’auteur : EJ2, 2, 1982, p. 408 [par R. KAJMAKOVIĆ].

9
141. Bratić, Toma A. (1871-1929), prêtre orthodoxe, originaire d’Herzégovine.

Ethnographe amateur, il a collecté une riche et importante documentation, et a publié

dans GZM plusieurs textes touchant aux divers aspects et particularités de la population

orthodoxe de cette région. Notamment dans un article sur la médecine populaire en BH

(Bratić 1903), il constate (p. 176-178) que la croyance à la magie est omniprésente chez la

population orthodoxe, surtout dans le cas des maladies (croyance au mauvais œil, aux

sortilèges et mauvais sorts, etc.). Il s’attaque surtout aux « médecins populaires » qui

confectionnent des talismans (amajlije/hamajlije), en les qualifiant d’imposteurs14.

 15 Sur l’auteur : EJ2, 3, 1984, p. 351 [par Dj. BASLER].

152. Ćurčić, Vejsil (1868-1959), archéologue et ethnographe. Après des études à Vienne, il

travaille au Zemaljski Muzej, puis à l’Institut de la protection de monuments culturels de

Sarajevo. Il a publié un grand nombre d’études sur divers sujets. Ainsi, dans un article paru

en 1914, il décrit brièvement quelques « inscriptions magiques » (contre la foudre,

l’incendie, les serpents et les scorpions), figurant sur les dalles en pierre placées sur les murs

entourant une bâtisse (kula), à Hutovo, en Herzégovine méridionale15.

 16 Sur l’auteur, voir RADENKOVIĆ 1996, p. 268-269.

163. Dragičević, Tomo (?-1914), fonctionnaire de rang modeste dans l’administration

bosniaque et folkloriste amateur. Il est un exemple typique de collaborateur scientifique

bénévole, qui a apporté beaucoup à notre savoir sur la magie, les croyances populaires, la

protection contre les maléfices et à la guérison par la magie en BH. Il a publié dans

le GZM plusieurs articles sur les « superstitions populaires », la divination amoureuse, les

remèdes populaires liés à la magie, etc.16

 17 Sur l’auteur : Anonyme, « H. ef. Fazlagić », Narodna Uzdanica 3, Sarajevo, 1935, p. 144.

174. Fazlagić, Hajdar (1867-1933), originaire d’Herzégovine méridionale (région de

Čapljina-Trebinje). Après avoir terminé six classes de lycée, il entre à l’école normale, puis il

enseigne dans le secondaire (à Mostar, à Travnik et à Sarajevo). En 1910-1911, il participe

10
à la commission chargée d’une enquête sur les écoles musulmanes, organisée par le

Gouvernement territorial de BH. Bien plus tard (en 1926), il est nommé Inspecteur de

l’instruction publique. Il a publié dans les revues littéraires locales, tels Behar et Gajret de

Sarajevo, mais aussi des articles sur le bajanje (une forme particulière de magie, dont il sera

question un peu plus loin), le folklore et la médecine populaire, notamment sur les soins par

les plantes17.

 18 Voir les références de ses différents textes sur la magie dans la bibliographie qui figure à

la fin (...)

185. Glück (écrit aussi parfois « Glik »), Leopold (1854-1907), médecin de renommée

internationale, originaire de Galicie (en Pologne). Il fait ses études de médecine à Cracovie

et à Vienne. En 1884, il s’installe définitivement en Bosnie. Auteur d’un grand nombre de

publications (notamment sur la syphilis et la lèpre), il s’est intéressé également à

l’ethnologie, l’anthropologie, la médecine populaire et au folklore de BH. Il a ainsi beaucoup

écrit sur la magie (le mauvais œil, les amulettes et les talismans, les carrés magiques, etc.).

On reparlera de lui très souvent dans les pages qui suivent18.

 19 Sur l’auteur : RADENKOVIĆ, 1996, p. 228, 266 et 307.

196. Hodžić, Muhamed Hilmi, (?-?), écrivain bosniaque, auteur d’une brève nouvelle

« édifiante », parue dans la revue littéraire Behar de Sarajevo, en 1908, dans laquelle il est

question des incantations, du bajanje et de la divination amoureuse19.

 20 Sur l’auteur : EJ2, 1986, 4, p. 728 [par Dj. BUTUROVIĆ] ; et M. KOLAR-DIMITRIJEVIĆ,

« Savjetnik Kos (...)

207. Hörmann, Kosta (mais aussi parfois « Herman », et « Konstantin »), (1850-1921),

haut fonctionnaire de l’administration austro-hongroise de BH, né à Bjelovar en Croatie,

mort à Vienne, trois ans après la fin de la première guerre mondiale. Il arrive à Sarajevo

comme lieutenant de l’armée austro-hongroise, avec les troupes de général Filipović en

1878, et y reste jusqu’en 1915. Il a été, entre autre, le premier directeur du ZM (de 1888 à

11
1903), et le rédacteur en chef du GZM. Il a publié un très grand nombre d’articles sur

divers sujets, dans la presse locale (journaux et revues), et évidemment dans le GZM, dont

trois touchent directement à la magie (HÖRMANN, 1889, 1890, 1893)20.

 21 Voir A. ŠKALJIĆ, Turcizmi u srpskohrvatskom jeziku, Sarajevo, Svjetlost, 1965, p. 205. (Sur

l’auteu (...)

218. Kapetanović, Mehmed-beg Ljubušak (1839-1902), traducteur, publiciste, et tout

premier collectionneur et éditeur de recueils de la littérature orale des musulmans de BH,

dans lesquels il cite un proverbe devenu célèbre, concernant le fameux rituel magique de

« convocation des djinn », la dâ’ira21.

 22 KAPIĆ 1900.

229. Kapić, Juraj (1861-1925), écrivain croate. Dans un de ses livres, à savoir dans un récit

de voyage, il a décrit très rapidement une curieuse façon, qu’ont les chrétiens et les « Turcs »

de Bosnie occidentale, de faire des amulettes, à la suite d’une observation effectuée près de la

ville de Jajce, en été 189922.

 23 Sur l’auteur : RADENKOVIć 1996, p. 265-266, et p. 307.

2310. Kulinović, Muhamed Fejzi-beg (?-?), ethnographe et folklorisant, qui a collecté à la fin

du XIXe s. beaucoup de matériaux sur les coutumes, les « superstitions » et la croyance

populaire, la divination et les incantations, ainsi que sur les maladies et la guérison par la

magie, les talismans, etc. Ces matériaux ont été publiés d’abord dans la presse locale, puis

dans le GZM et les WM23.

 24 Ibid. , p. 263 et 272.

2411. Lilek, Emilian (écrit aussi parfois « Emilijan »), (1851-1940), ethnologue et

folklorisant, originaire de la Styrie slovène, arrivé en Bosnie en 1880. Professeur

au Grand gymnase (le lycée) de Sarajevo, où il enseignait les sciences naturelles, il a publié de

nombreux articles sur la BH dans le GZM, ainsi qu’un volume en allemand, dans lequel il a

rassemblé ses travaux antérieurs (parus aussi en 1896 dans les WM). Plusieurs de ses

12
travaux touchent à la médecine populaire et à la magie (LILEK 1892, 1894, 1896, et

1899)24.

 25 Ibid., p. 266.

2512. Nuić, fra Andjeo (1850-1916), franciscain originaire d’Herzégovine. Il a publié des

articles sur la médecine populaire et sur la guérison par le bajanje25.

 26 Sur lui et ses travaux : J. ŠIDAK, « Ćiro Truhelka – njegov život i

rad », Historijski Zbornik 5, Z (...)

2613. Truhelka, Ćiro (1865-1942), originaire d’Osijek en Croatie, il arrive à Sarajevo en

1886. Archéologue amateur, mais aussi antiquisant, médiéviste, numismate, paléographe,

ethnologue, historien, etc., il a été le premier conservateur en chef, puis directeur (à partir

de 1905) du ZM et rédacteur en chef du GZM. À partir de 1926, il est professeur à

l’université de Skoplje. Il a énormément écrit sur un grand nombre de sujets, et notamment,

en ce qui concerne la magie, un article sur les traitements médicaux d’après la tradition

populaire bosniaque et d’après le manuscrit d’une pharmacopée locale datant de 1749

(TRUHELKA 1889, p. 95-100 et passim)26.

 27 Sur lui et ses travaux, voir Ž. IVANKOVIĆ, « O još nekim vareškim

uglednicima », Bobovac 95, novemb (...)

2714. Žuljić, Mijo (1875-1956). Professeur et ethnographe catholique croate, il a écrit un

article sur la médecine populaire chez la population croate de la petite ville de Vareš (Bosnie

orientale), paru à Zagreb en 1906, dans lequel il s’attaque à la magie, en prétendant que

celle-ci est « répandue surtout chez les paysans serbes, peu chez les turcs [lire les

musulmans], et chez les catholiques pas du tout, ou alors très peu » ! (ŽULJIĆ 1906, p.

218)27.

Les principaux thèmes abordés


28Afin de pouvoir analyser plus facilement ces très nombreuses pages, j’utiliserai ici quatre

rubriques, qui correspondent aux quatre principaux thèmes abordés par nos auteurs : 1.

13
le « mauvais œil » ou urok  ; 2. la protection, le diagnostic et la guérison ; 3. la magie

amoureuse ou érotique (charmes et sortilèges) ; et enfin, 4. la prévision de l’avenir et la

divination.

Le « mauvais œil » ou le urok


29L’une des premières choses qui ressort très clairement des textes en question est que la

croyance en l’existence de djinn (génies, esprits) d’une part, et la croyance au « mauvais

œil », donc au urok, d’autre part, se trouvent être à la base de la magie chez les musulmans

de BH, tout comme dans l’ensemble du monde musulman d’ailleurs.

 28 GLÜCK 1894, p. 399-405 des WM  ; p. 9-15 du volume à part.

 29 Sur les autres aspects de ce texte de Glück, voir les deux parties suivantes qui traitent de

la pro (...)

30Le seul texte globalisant sur le urok, paru en BH au cours de cette période est celui de

Glück (1889, p. 58-65), qui a été republié cinq ans plus tard en allemand, à deux reprises,

avec quelques modifications minimes28. Les principales observations de Glück sont les

suivantes : la croyance au « mauvais œil » est particulièrement répandue chez les musulmans

et les Juifs venus d’Espagne. Celui-ci se propage par un simple regard, voire par une simple

parole d’admiration devant les qualités particulières d’une personne, devant ses qualités

propres (corporelles, morales ou intellectuelles) ; ou lorsqu’on s’émerveille devant ses biens,

animés ou inanimés (champs, arbres, etc.), et cela que cette personne entende la parole en

question ou ne l’entende pas. Il se déclenche également sans parole du tout. On peut même

se rendre malade du mauvais œil par soi-même, en songeant par exemple à quel point on est

bon, brave ou valeureux, riche ou prospère, etc. Si tout le monde est susceptible de pouvoir

jeter un mauvais œil sur quelqu’un, c’est cependant avant tout le domaine privilégié de

certaines vieilles femmes, sciemment ou non, par un regard malveillant. Mais, le mauvais œil

peut être jeté aussi par certains hommes, notamment ceux qui louchent, ou qui ont des

sourcils épais et touffus qui se touchent. Le urok provoque des maladies qui sont

14
dangereuses, très dangereuses, voire mortelles, et qui peuvent frapper tout le monde, mais

surtout les enfants, les jeunes filles à marier et les femmes jeunes. Chez les juifs en

particulier, il peut toucher les femmes enceintes ou les femmes en couches, et même, mais

plus rarement, leurs maris. Le urok peut tout aussi bien frapper les animaux domestiques,

avant tout les chevaux et les vaches. Quant aux objets inanimés, ils peuvent le subir

également, portant ainsi préjudices à leurs propriétaires29.

 30 Truhelka écrit « šehir » et « šehirbaz », et au féminin « šehirbazica », au lieu de sihirbaz,

(fem. (...)

31Deux autres auteurs de notre corpus ont abordé très rapidement, et tout à fait « au

passage », la question du mauvais œil. Tout d’abord Truhelka (1889, p. 97-98), dans

l’introduction à son étude d’une pharmacopée locale ancienne, le mentionne sous son nom

croate namet (en turc sihir, de l’arabe sihr)30, en insistant sur les cas de maléfices et de

sortilèges intentionnels, ayant pour but de nuire, de causer des dégâts de toutes sortes et de

provoquer des maladies qui ne peuvent être soignées que par la magie et par les procédés

magiques. Enfin, Bratić (1903, p. 176-178), le mentionne aussi, qui fustige violemment

cette superstition populaire, parce qu’elle peut nuire à la santé de la population.

La protection contre le mauvais œil, le diagnostic et la guérison


32Pratiquement tous les auteurs de la période ont écrit sur au moins l’un de ces trois

aspects. Mais, ce sont encore les textes de Glück qui sont les plus complets et les plus

savants.

 31 À cet endroit, en citant la formule nazar deǧmezsin, Glück fait une faute, en écrivant nazar

deǧmes  (...)

 32 Voir CARRA DE VAUX 1916, p. 258-259.

 33 Je compte d’ailleurs entreprendre, dès que possible, une étude sur cet auteur et ses

publications s (...)

15
33La protection. Globalement parlant et comme partout ailleurs dans le monde musulman,

la protection contre le mauvais œil se fait de trois façons : 1. en cherchant à détourner le

regard de la personne susceptible de jeter le mauvais œil, par des stratagèmes les plus

divers ; 2. en répliquant à une parole d’admiration, par une formule appropriée (la plus

courante est le mot mašallah, littéralement « ce que Dieu veut ! »)31 ; et enfin 3. en étant

muni personnellement d’une amulette ou d’un talisman (le terme employé partout en ex-

Yougoslavie est celui de zapis, ou « écriture »), donc d’une amajlija ou hamajlija (en

arabe hamâ’il)32. Glück (1889, 1890a, 1890b, 1894) fait la description d’un certain

nombre d’amulettes, de talismans et de carrés magiques confectionnés par les hodja. Il donne

des explications et détails plus ou moins longs. Il décrit les méthodes utilisées par les

musulmans et les Juifs de BH, pour contrecarrer le mauvais œil : utilisation de l’ail, du sel, de

la rue etc. ; accrochage d’une cuillère dans l’encolure d’un poulain ; accrochage au cou d’un

cheval d’un ruban ou d’une étoffe de couleur rouge, sur lequel on aura cousu au préalable

des talismans triangulaires… Pour ce qui est des objets inanimés situés à l’extérieur des

maisons (ou à l’intérieur), on accroche également des inscriptions portant les mots « Yâ

hâfiz » (écrit par Glück de façon erronée : « ya hafis »). On trouvera, évidemment,

autrement plus de détails sur les amulettes (hamajlija) et les zapisi (talismans), dans son

article consacré directement à ce sujet (1890a, p. 45-55 ; 1894, p. 25-38). Il s’agit d’un

texte riche en informations, qui mériterait une longue analyse qui ne peut pas, bien entendu,

être entreprise ici33. Disons simplement qu’il y est question des hamajlija  (donc de

l’ensemble des amulettes et des talismans) dans une vision assez large, incluant également

des remarques intéressantes sur les carrés magiques utilisés par les populations chrétiennes,

orthodoxes et catholiques de BH.

34Les cas des diverses hamajlija  chrétiennes (en général de simples médaillons représentant

des images « saintes » : le baptême de Jésus dans le Jourdain, la Vierge, le Jésus, la figure d’un

saint, etc.), ou musulmanes, ont aussi été traités, plus ou moins rapidement, par Truhelka

16
(1889, p. 97-98) et par Hörmann. Celui-ci a tout d’abord publié une notice au sujet d’un

simple médaillon chrétien (HÖRMANN 1889), puis une autre au sujet d’un sceau musulman

fort ancien, en arabe, gravé sur bois, portant la date de 932/1525-26 (H ÖRMANN 1893). Il

a en outre publié un texte concernant sept « inscriptions magiques » en arabe, gravées sur

des cartouches en pierre, placées sur les murailles d’enceinte d’une tour (kula) fortifiée

datant de la fin du XVIIIe s., qui se trouve à Hutovo, en Herzégovine méridionale. Il s’agit de

carrés magiques composés par quelques uns des « plus beaux noms d’Allah », dans le but de

protéger l’ensemble des bâtiments de cette tour, de la foudre, de l’incendie, des serpents et

des scorpions (HÖRMANN 1890, p. 167-170), sujet qui sera abordé de nouveau une

quinzaine d’années plus tard par Ćurčić (1914). Pour ce qui est des amulettes, il faut

mentionner une façon très spéciale de chercher des « ingrédients » pour confectionner

des moći, donc des reliques religieuses faisant office d’amulettes, décrite par Kapić (1900,

p. 294-295). Au cours d’un pèlerinage annuel, près de la ville de Jajce, en Bosnie centrale,

des chrétiens et des « turcs » font ensemble, à genoux, le tour d’une petite église. Ils

s’arrêtent aux quatre angles pour gratter la pierre, avec des couteaux, afin d’en récolter la

poussière qu’ils placent ensuite dans des morceaux de chiffons pour en faire des hamajlija.

35Le diagnostic. Le urok ou « mauvais œil » peut se manifester chez un enfant qui jusque-là

était en bonne santé, par le fait qu’il se met subitement à se languir, devient geignard et n’a

plus envie de jouer, donc lorsque, sans motif apparent, il devient de mauvaise humeur et

pleurnichard. Pour être sûr qu’il s’agit effectivement de cette maladie, on lui lêche la peau

entre les yeux, en remontant vers le front, et si l’on sent le goût du salé il n’y a pas de doute,

cet enfant a été frappé par le mauvais œil. Chez les adultes les signes précurseurs sont des

maux de tête, un sentiment de malaise ; le chaud et le froid se succèdent, on baille sans cesse,

tout cela sans raison évidente. La situation deviendrait très dangeureuse pour les femmes

enceintes. De même, un cheval frappé de urok peut tomber, se casser une jambe ou attraper

la gale. Une vache peut refuser la nourriture, son lait tourner. Elle peut devenir stérile ou

17
avorter de son veau. Et il en est ainsi avec les autres animaux domestiques, tout comme avec

la volaille qui se met subitement à mourir. Le urok est censé provoquer également bien

d’autres malheurs : un homme riche peut en perdre sa fortune, une mère perdre ses enfants,

une très belle jeune fille rester défigurée par la variole, etc. (G LÜCK, 1889, p. 59-62 ; 1894,

p. 10-13, où l’on trouvera d’autres exemples).

36La guérison. Comme on pouvait évidemment s’y attendre, la question de la guérison est

traitée (ou au moins abordée) par pratiquement l’ensemble des auteurs de notre corpus, les

publications de Glück étant encore une fois de loin les plus complètes et les plus

importantes, bien que l’on puisse trouver parfois aussi, ici et là, dans les textes des autres

auteurs cités, des compléments intéressants. Mais avant d’essayer d’analyser ces très

nombreuses pages, et à travers celles-ci le niveau des connaissances sur ces sujets de ces

hommes (car, comme nous avons pu le voir, il n’y a pas encore de femmes parmi ces

auteurs, et il n’y en aura d’ailleurs pas avant 1943 dans les territoires yougoslaves), il est

nécessaire de faire quelques remarques globales.

37La situation « sur le terrain » était (et est encore de nos jours) extrêmement complexe, du

fait de l’existence de deux catégories de magie — une magie non religieuse et une magie

religieuse — catégories qui se côtoient, tout en se différenciant, la seconde se subdivisant

elle-même en trois sous-catégories (voire quatre si l’on y compte en plus les peu nombreux

Juifs de BH).

 34 Les nombres sont particulièrement importants, et plus spécialement le système dit « le

dénombrement (...)

38La première, et probablement la plus ancienne, du fait qu’elle existe communément chez

toutes les populations slaves de BH (musulmanes, orthodoxes et catholiques), de même

qu’en Bulgarie, en Pologne, en Russie etc., est celle que l’on appelle partout en ex-

Yougoslavie bajanje (lire bayagné), littéralement « le fait de marmonner des incantations ». Il

s’agit d’un rituel que l’on pourrait considérer comme une forme « populaire » et profane, ou

18
même « laïque » de magie, du fait qu’elle n’est pas marquée (ou alors extrêmement

rarement) par des éléments d’ordre religieux. Ce rituel magique est pratiqué avant tout par

des femmes âgées et parfois, mais très rarement, par des hommes. Il se compose de deux

opérations simultanées qui consistent en des « choses à dire » et des « choses à faire ». Les

premières se font en murmurant à voix très basse et inintelligible des incantations

énigmatiques (appelées basma, pl. basme  ; diminutif basmica, pl. basmice, « petite basma »),

qui semblent à première vue n’avoir aucun sens, mais qui peuvent correspondre à certains

systèmes de pensée et de fonctionnement34, comme l’ont montré les travaux récents des

deux principaux spécialistes de ces questions (RADENKOVIć 1973, 1982, 1983,

1996 ; JOVANOVIĆ 1993). Les incantations en question (les basme  ou basmice) sont de

brèves formules ingénieuses. Dans certains cas, elles peuvent être plus longues. Elles

possédent parfois un remarquable et très curieux souffle poétique, jouant savamment (et

parfois brillamment) avec des mots et des termes populaires rares, ainsi que des néologismes

étonnants, et de temps en temps tout a fait remarquablement parlant. Les spécialistes

du bajanje, les bajalica (lire bayalitsa) possèdent également un arsenal de rituels magiques qui

varient à l’infini (examen du plomb fondu, de charbons incandescents, etc.), selon un

système personnel, appris oralement d’une proche parente (mère, grand-mère, ou

connaissance plus ou moins fortuite). Les façons de faire évoluent avec leurs propres

expériences. Les plantes, les minéraux et les animaux (domestiques ou sauvages) peuvent

jouer un rôle plus ou moins important ; les manières de procéder (endroit, heure de la

journée ou de la nuit, etc.) peuvent aussi varier.

39Certains auteurs postérieurs (donc après 1918) n’ont pas hésité à appeler la seconde

catégorie de magie « magie religieuse », du fait qu’elle est très clairement marquée soit par

l’islam, soit par le christianisme orthodoxe ou le catholicisme. D’où la très nette distinction

entre, d’un côté, une hamajlija (amulette) faite d’objet magique quelconque (végétal, minéral,

ou animal) sans inscription, qui peut être commun aux trois (et même aux quatre)

19
populations de BH, et de l’autre un zapis (talisman), littéralement « écriture », portant donc

des inscriptions et/ou des symboles particuliers, voire des images « saintes ». Ce dernier est

forcément lié, par son texte et son éventuelle iconographie, à un seul des quatre groupes

religieux. Néanmoins il faut souligner que le mot amajlija/hamalija en serbo-croate est

employé également pour désigner aussi bien une amulette qu’un talisman, et que son

pluriel hamajlije englobe couramment les deux termes ensemble.

40Étant lui-même médecin, Glück s’est intéressé, bien entendu, tout particulièrement à

l’aspect médical de la magie, donc au diagnostic et à la guérison, sujets sur lesquels il a publié

entre 1889 et 1894 plusieurs textes importants où l’on trouve beaucoup d’informations de

toute première main. Ces informations posent cependant toute une série de problèmes, sur

différents plans. Tout d’abord, celles-ci proviennent d’informateurs anonymes locaux, sur

lesquels nous ne savons pratiquement rien. Ensuite, ces renseignements sont éparpillés à

divers endroits de ses publications parues les unes après les autres au cours de ces six

années. Il reprend en fait souvent les mêmes thèmes sur lesquels il a déjà écrit auparavant,

en les complétant et/ou en y ajoutant de nouveaux exemples. Même dans les versions

allemandes, ces informations, sans essai de systématisation (par thème, groupe de

population, etc.) sont aussi enrichies de compléments ultérieurs. Enfin, last but not least,

n’étant pas « orientaliste », Glück n’était pas informé des acquis de l’islamologie européenne

de son époque, dans le domaine des études sur la magie arabe et musulmane, médiévale et

moderne.

 35 Voir les notes 2 et 3.

 36 Voir le dictionnaire des turcismes d’Abdulah ŠKALJIĆ, Turcizmi u srpskohrvatskom jeziku,

Sarajevo, (...)

 37 C’est-à-dire qu’il ne présente pas des signes maniaques qui se traduisent par des accès de

surexcit (...)

20
41En attendant mon article à venir sur Glück et ses travaux sur la magie en BH35, essayons

de structurer de façon thématique les principales informations qu’il nous fournit concernant

la guérison. D’après Glück (1890a, p. 51-53 ; 1894, p. 32-34), les musulmans de BH

croyaient généralement à l’époque austro-hongroise, que les causes des maladies se divisaient

en cinq catégories ; quatre auraient été des catégories de causes surnaturelles, et une seule, la

cinquième, aurait été une catégorie de causes naturelles. Les maladies d’ordre surnaturel

seraient causées soit par des djinn (ésprits ou génies), soit par des êtres humains. Parmi ces

maladies, la plus grande partie concerne le système nerveux en général, et certains nerfs en

particulier. Elles occasionneraient par exemple : l’hystérie, la paralysie, les grands vertiges,

ainsi que la folie. Ce groupe de maladies est attribué soit aux mauvais esprits, soit aux

magies faites par les humains. Dans le premier cas, on croit que le malade a mis le pied sur

un groupe de djinn, et que ceux-ci l’ont frappé (par la dépression, le lumbago, les maladies

nerveuses, etc.), ou lui ont insufflé une maladie (telle l’épilepsie, l’hystérie, etc.). Il s’agit de

deux séries de maux que l’on appelle d’un terme commun, celui

d’ograma  ou ogramak (maladie nerveuse)36. Le second cas, celui d’une maladie provoquée

par la magie des humains, correspond à des sortilèges, ou namet (ou encore sihr/sihir), etc.,

lancés par l’intermédiaire de femmes versées dans la magie. Si le malade devient fou, mais

que, d’après son comportement, il n’est visiblement pas possédé par les djinn37, alors il n’y a

pas de doute que sa maladie a été provoquée par les maléfices des humains. Il existerait en

outre des maladies provoquées par le mauvais œil, dont la pathologie et la thérapeutique ont

été décrites à part (voir GLÜCK 1889), ainsi que le pogani vjetar « le mauvais vent », une

sorte d’épidémie aiguë arrivant subitement, qui serait, elle aussi, une maladie envoyée par

les djinn. Il existe aussi des maladies que la population locale réduit à des cas de

dérangements naturels de l’organisme (dans le sens de la pathologie humorale), tout en en

imputant également la cause aux djinn ! En fait, selon Glück, les considérations concernant la

pathologie et l’étiologie chez la population musulmane de BH sont si peu claires et si

21
embrouillées, qu’il est pratiquement impossible de les ramener à un système commun (« dass

es nahezu unmöglich ist, dieselben in ein einheitliches System zu bringen », GLÜCK 1890a,

p. 51 ; 1894, p. 32-33).

 38 Ce système est donc différent de l’horoscope que l’on établit pour une personne, dans le

cas de la (...)

42Pour diagnostiquer la maladie dont souffre quelqu’un, et établir la manière de le guérir, on

doit consulter le hodja qui, sans qu’il n’ait vu le malade, fait le diagnostic de la façon

suivante : il écrit, en caractères arabes, les noms du malade et de sa mère, puis transcrit en

chiffres la valeur numérique des caractères de ces deux noms, fait l’addition de tout, puis

enlève du chiffre total le plus grand multiple de cinq, pour obtenir un chiffre compris entre

un et cinq38. Au cas où ce chiffre est le « un », le malade doit être soigné par un médecin ;

le chiffre « deux » veut dire qu’il a été frappé par le mauvais œil ; le « trois » qu’il s’agit

d’un namet  (sihir) ; le « quatre » qu’il s’agit d’un ogramak  (maladie nerveuse) ; et le « cinq »

qu’il s’agit d’un « mauvais vent ». Dans les cas de « deux » à « cinq », les remèdes

recommandés sont des zapisi (talismans), mais les zapisi  peuvent être utiles également dans

le cas où le chiffre obtenu est le « un ».

 39 Il est très intéressant de noter que cette information a été reprise d’un des tout premiers

ouvrage (...)

 40 Quelques extraits des textes de Glück sur la magie en BH ont été cités en traduction

française par (...)

43La guérison par les incantations (bajanje) ou par des procédés « magiques » divers, à

l’aide de plantes ou autrement, a été encore beaucoup plus souvent abordée dans les textes

des auteurs de notre corpus. Jugeons en, en commençant par Glück lui-même, qui a publié,

en plus de ce que nous avons pu voir jusqu’à présent, deux autres textes sur la guérison

magique. Le premier concerne une maladie bien connue, dite strava (« das Entsetzen »),

donc effroi ou frayeur (GLÜCK 1892, p. 70-72 ; 1894, p. 15-18). Dans cet article, en ce qui

22
concerne la gravité, il place cette maladie un peu en-dessous

du ogramak ou goropaština  (maladie nerveuse), du namet, (mauvais œil) et

des čini (sortilèges). Il décrit la façon de faire son diagnostic, ainsi que les moyens à

employer pour la guérison, à savoir : le bajanje, accompagné du rituel du plomb fondu

(saljevanje strave, donc fusion du plomb). Il cite à titre d’exemple le texte de deux basma que

l’on peut employer au cours de ce rituel (voir RADENKOVIć 1996, p. 262). Le second article

concerne la rage (bjesnoća), et la façon populaire de guèrir le malade en BH, entre autre par

des zapisi où figurent des carrés magiques écrits en caractères cyrilliques39, et dans lesquels

il serait question, croit-on, des noms de quelques démons malveillants (GLÜCK 1893,

p. 499-510)40.

44Chez les autres auteurs du corpus, on trouve aussi de nombreux renseignements à ce

sujet, dont la présentation exhaustive et l’analyse ne peuvent être faites ici, faute de place.

Donnons tout de même quelques exemples.

45Ainsi, Bratić (1903, p. 177) mentionne les prix des talismans, le fait que l’on les

considère comme l’unique remède pour les maladies psychiques et la façon de les utiliser. Le

malade reçoit du spécialiste le talisman en trois exemplaires qu’il doit garder pendant une

nuit. Ensuite, l’un des trois exemplaires doit être brûlé pour faire des fumigations au malade,

dans l’espoir que la fumée chasse la maladie. Le second exemplaire doit être jeté dans la mer,

afin que la maladie s’en aille chez quelqu’un d’autre. Quant au troisième exemplaire, il doit

être porté par le malade, afin que la maladie ne puisse revenir.

 41 Il s’agit d’une très intéressante basma (donc d’une formule magique) construite selon le

système ap (...)

46Dragičević (1907b, p. 317-318) décrit différents cas de bajanje  : contre la grèle, les

morsures de serpent, pour la guérison des enfants, etc. (1907b, p. 317-318, 321-323, 490-

493). Il mentionne leur pratique également contre l’épilepsie, les rhumatismes41, et

23
beaucoup d’autres maladies (1909, p. 461-478). Enfin, il cite toute une série de croyances et

de pratiques concernant le bétail (1911, p. 377-389).

47Fazlagić (1895, p. 155-157) a publié un bref article sur le bajanje, dans lequel il signale

que les bajalica  sont la plupart du temps de vieilles femmes, et fréquemment des gitanes.

48Kulinović (1898, p. 503-530) a fait paraître en feuilleton, dans le Sarajevski List (à partir

de décembre 1898), un article sur les « superstitions populaires » et les traitements

médicaux chez les musulmans de BH, qui fut republié d’abord dans le GZM, puis, en

traduction allemande dans les WM (1898, p. 339 et s.). Il y traite longuement de la

guérison, du sihr/sihir, des talismans, de la fièvre, du choléra, et de la rage (voir R ADENKOVIć

1996, p. 265-266).

49Lilek, de son côté, a rassemblé beaucoup d’informations sur la médecine populaire et la

magie en BH (voir RADENKOVIć 1996, p. 263), régulièrement publiées dans le GZM, puis en

allemand dans les WM, et ensuite reprises dans son gros volume, paru à Vienne en 1896. Sa

description du rituel de la dâ’ira (la fameuse convocation des djinn, est un véritable morceau

d’anthologie : « le hodja prend un sahan (un bassin) plein d’eau, et y place un enfant

déchaussé, qui reste debout, nu-pieds dans l’eau. Ensuite, le hodja commence à réciter, et

les djinn, l’un après l’autre, sortent de l’eau… », (LILEK 1899, p. 706). Un peu plus loin dans

ce même texte, il cite des exemples d’incantations pour obtenir la pluie, la guérison du

mauvais œil, de la peste, de la mora (cauchemar), etc. (1899, p. 710-713). Quant au bajanje,

il présente des exemples intéressants, comme celui contre le crveni vjetar (le vent rouge ou

érysipèle), ainsi qu’une incantation (basma) contre le mal de tête (1894, p. 655-672, et en

particulier, p. 662). Nous reparlerons encore de Lilek un peu plus loin, dans la partie sur la

divination.

50Nuić a publié deux articles concernant le bajanje  : le premier sur la guérison des morsures

de serpent (NUIĆ-RUBIĆ 1898, p. 256 ; voir RADENKOVIć 1996, p. 266) ; et le second

concernant la guérison de maladies diverses (1916, p. 116-128).

24
 42 Nom d’un alphabet ancien, à savoir une sorte de cyrillique, autrefois utilisé en Bosnie.

 43 On trouvera dans le catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Gazi Husrev-beg de

Sarajevo la m (...)

51Enfin, Truhelka (1889, p. 95-116) décrit globalement et brièvement quelques croyances

populaires, des remèdes sympathiques, ainsi que des traitements magiques : tels

le namet (mauvais œil), le sihr/sihir  (magie, sorcellerie) et les carrés magiques (dont il

présente un exemple en caractères cyrilliques). Il aborde ensuite, un peu plus longuement, la

question des talismans musulmans et chrétiens (p. 99-100), en essayant d’expliquer les

raisons de leur grand succès. Il traite également de la guérison par le plomb fondu, des

vertus magiques de l’ail, des méthodes employées par des sihirbazica  (magiciennes), et cite

des formules de supplication, de conjuration, et de promesses par les serments.

Particulièrement intéressant (et complexe !) est le cas d’un talisman chrétien orthodoxe, écrit

en grec, mais en alphabet dit bosančica42, sur une mince plaque en plomb (trouvée sous les

fondations d’une maison en Bosnie méridionale), dont la lecture et encore plus la

traduction se sont avérées extrêmement complexes et difficiles (p. 100-103). Ajoutons aussi,

que dans une vieille pharmacopée bosniaque datée de 1749, que Truhelka présente en

annexe (p. 105-116), figure la traduction d’un curieux talisman, destiné à protéger les

ruches et les abeilles (voir p. 108), qui constituerait le plus ancien exemple d’un zapis de ce

genre en BH43.

La magie amoureuse ou érotique (charmes et sortilèges)


52Au cours de ces quatre décennies, seulement trois auteurs de notre corpus ont publié des

textes directement axés sur la magie amoureuse ou érotique : Kulinović en 1898, Dragičević

en 1907 et 1909, et Hodžić en 1908. Cela provient probablement du fait que, dans ce cas,

l’acte magique ne se fait pas par un officiant professionnel (le hodja ou un autre « magicien

attitré »), mais par le « patient » lui-même (la jeune fille, ou le jeune homme), qui fait tout

seul une sorte de bajanje, en récitant tout simplement une (ou plusieurs ?) basma apprise de

25
quelqu’un. Il n’y a donc pas de véritable rituel organisé, et les « ingrédients » nécessaires sont

réduits au minimum : l’eau fraîche, des plantes, éventuellement un ou deux objets divers,

ainsi que quelques « produits cosmétiques » de fortune… En conséquence, à cette époque, ce

type de pratique devait être assimilé, je pense, plutôt à la catégorie des « coutumes

populaires » et au folklore, qu’à la magie à proprement parler.

 44 Signalons que, dans cette partie, Dragičević cite une très intéressante basma dans laquelle

il est (...)

53Ainsi, le seul texte globalisant et structuré sur ce sujet que l’on puisse citer ici est celui de

Dragičević (1907a, p. 31-56) qui traite des thèmes suivants : le choix de la jeune fille

(p. 31-34), les signes amoureux (p. 34-35), les sortilèges utilisés par les jeunes filles (partie

qui est évidemment la plus longue de l’article, p. 35-48)44, les sortilèges utilisés par les

garçons (p. 48-52), et le ašikluk ou ašikovanje (du turc aşıklık), « conversation entre les

amoureux », (p. 53-56).

54Kulinović (1898 : p. 513-519), quant à lui, rapporte un grand nombre d’anecdotes, de

prédictions, de recommandations et de « superstitions populaires », notamment

des basma pour les jeunes filles afin qu’elles deviennent plus belles et plus attirantes, et

qu’elles puissent ainsi ensorceler le jeune homme de leur choix. En ce qui concerne Hodžić

(1908, p. 435-439), dans une nouvelle littéraire destinée au grand public, écrite de façon

très caricaturale (avec une grande profusion de « turcismes »), il mentionne chemin faisant

trente basma, concernant les jeunes filles à marier, dans le but de ridiculiser le bajanje, cette

coutume « pseudo-magique », qu’il trouve abêtissante et retardataire, cherchant de la sorte à

élever le niveau culturel de la population musulmane locale.

La prévision de l’avenir et la divination


 45 Voir FAHD 1958, p. 777-779.

55Ces thèmes, qui sont évidemment présents partout dans le monde, et à toutes les époques,

ont été curieusement très peu abordés par les auteurs de notre corpus qui se sont penchés

26
sur la magie en BH à l’époque austro-hongroise. De façon significative, seul le « quatuor des

immigrés », à savoir Glück, Hörmann, Lilek et Truhelka, y fait référence. Ces auteurs

mentionnent en particulier quatre rituels. L’istikhâra/istihare est décrite en quelques lignes, à

deux reprises, par Lilek (1892, p. 133 ; 1894, p. 634). Une version assez particulière

du fa’l45, pratique divinatoire qui détermine les bonnes et les mauvaises augures, effectuée

ici à l’aide de graines de haricots blancs, est retracée très en détail par Lilek (1894, p. 638-

642). Le rituel du plomb fondu (voire de l’étain fondu) est mentionné par Glück dans le cas

de la maladie dite strava (GLÜCK 1892, p. 72 ; 1894, p. 17), mais également par Lilek

(1894, p. 634) et Truhelka (1889, p. 97). L’utilisation de charbons incandescents est

mentionnée par Glück dans certains rituels accompagnant le bajanje  (GLÜCK 1889, p. 63).

Enfin, Hörmann (1890, p. 269) note que le personnage principal de son article (c’est-à dire

le maître de Hutovo, un personnage historique bien connu, nommé Hadži-beg

Rizvanbegović) se serait intéressé, selon certaines rumeurs, à l’art de la divination par les

étoiles et les planètes. Rappelons toutefois que la divination est très souvent liée, bien

entendu, à la thérapie.

Conclusion
56La documentation examinée ici mériterait naturellement une analyse plus approfondie. Il

s’agissait surtout de faire un premier bilan de ce qui a été écrit sur la magie en BH durant

ces quatre décennies d’administration austro-hongroise. Les premières études, comme on l’a

vu, se sont développées en raison de la création d’un musée régional et de la stimulation

donnée par les autorités austro-hongroises à la collecte de matériaux sur la culture et les

coutumes locales. Elles sont également dues à l’intérêt pour la médecine populaire, d’un

médecin venu dans la région, Leopold Glück qui, en précurseur, fournit les matériaux les

plus riches et les plus intéressants. Elles résultent parfois aussi d’une volonté d’éradiquer les

« superstitions ».

27
 46 Ainsi HÖRMANN par exemple (1893, p. 669-671) était persuadé que, du moment que

dans le talisman qu’ (...)

57Cependant, pour ce qui est des auteurs, il est clair que la plupart n’avait qu’un faible

niveau de préparation, et de connaissances, pour pouvoir affronter avec succès les arcanes de

la magie musulmane, chrétienne, ou juive, sur le plan des rites et des pratiques, et à plus

forte raison, sur celui de la théorisation. Les auteurs d’origine locale n’avaient visiblement

pas eu accès aux publications européennes (ou autres) sur ces sujets, et il n’y a dans leurs

textes absolument aucune citation d’une source écrite quelconque. Quant au « quatuor des

auteurs immigrés », ne connaissant rien à la magie musulmane arabo-persano-turque et

ignorant totalement les langues orientales, ils citent souvent de façon erronnée les termes et

les expressions techniques46. Sur un tout autre plan, il est intéressant de noter que deux

auteurs de notre corpus, Bratić (un pope orthodoxe et Žuljić, un professeur catholique, qui

avait fait ses études chez les franciscains de Bosnie et de Rome), pour les mêmes raisons,

fustigeaient très fermement la magie, ce qui n’est pas le cas avec des hodja musulmans qui à

cette époque, n’ont pas écrit à ce sujet.

58En ce qui concerne les thèmes abordés, je ne reviendrai pas ici sur les différentes

catégories évoquées en détail dans ce texte. Il faut plutôt souligner que certains types de

magie n’apparaissent pas dans le corpus, de même que certains angles d’analyse. Tout

d’abord, à cette époque, aucun de nos auteurs ne mentionne les rites magiques cherchant à

provoquer la désunion dans un couple marié, un thème qui sera pourtant assez courant en

BH, au cours des périodes suivantes (donc après 1918). La magie par les astres est

également pratiquement absente. Surtout il faut noter l’absence d’essai de comparaison entre

les incantations et les rituels magiques, pratiqués dans les divers groupes ethnico-religieux,

voire d’analyse de leurs influences réciproques.

 47 Il s’agit des médecins Lujo Thaller (1891-1949), Stanko Sielski (1891-1958), et

Vladimir Bazala (19 (...)

28
59Après 1918, les travaux sur la magie en BH vont changer complètement de nature. En

effet, la Bosnie-Herzégovine fait dorénavant partie d’un nouvel État, créé le 1er décembre

1918, sous le nom de « Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes », qui devient à

partir du janvier 1929 le « Royaume de Yougoslavie ». Désormais, l’heure n’est plus aux

éthnologues et aux folkloristes amateurs, décrivant les objets ou les rituels de la magie

populaire observée sur le terrain, mais avant tout aux universitaires – médecins, historiens et

ethnologues, voire anthropologues professionnels47 –, qui vont publier au cours de cette

vingtaine d’années (1918-1941), à Belgrade, à Zagreb, à Sarajevo et à Skoplje, de nombreux

articles et quelques ouvrages sur la magie dans les différents territoires yougoslaves. Il s’agira

donc, de plus en plus, de publications des spécialistes avertis, ayant des connaissances plus

ou moins approfondies des travaux sur la magie en général, publiés à l’étranger.

BIBLIOGRAFÍA
Abréviations

EI1 : Encyclopédie de l’Islam, première édition

EI2 : Encyclopédie de l’Islam, nouvelle édition

EJ1 : Enciklopedija Jugoslavije, première édition, Zagreb

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NOTAS
1 Il s’agit du séminaire intitulé « Histoire moderne et contemporaine des musulmans

balkaniques », du Centre d’histoire du domaine turc de l’EHESS, qui existe depuis novembre

1973. Depuis novembre 2004, il fonctionne en collaboration avec Constant Hamès, qui avait

dirigé auparavant le GDR 2159 du CNRS intitulé « Magie et écriture islamique dans les

mondes africains et européens » (voir Hamès 2007).

2 Voir POPOVIC 2004a, 2005, et 2009a. Je compte publier, dès que je pourrais, deux autres

études dans cette série portant l’une sur l’œuvre (dans le domaine de la magie) de Gliša

Elezović (1879-1960), et l’autre sur l’œuvre de Leopold Glück (1854-1907), dont le nom

est écrit parfois sous la forme de « Glik ».

3 Voir POPOVIC 1997-1999 [volume paru en réalité en 2004], 2004b et 2009b.

4 Voir POPOVIC 1986, p. 254-257.

5 Il s’agit d’une pratique magique « ayant des affinités avec l’incubation antique », voir

FAHD 1974, p. 271-272.

6 Voir mss. Şehid Ali Paşa, n° 2819/3, Süleymaniye Kütüphanesi, Istanbul, fol. 348 et

fol. 505.

7 Voir deux études extrêmement intéressantes (parues en 1930 et 1931), d’un historien

croate, « non orientaliste » et « non turcologue », Josip Matasović (1892-1962). La

35
première est une monumentale publication contenant la traduction en serbo-croate des

résumés (regesta), en latin ou en croate, figurant au dos d’environ deux mille pièces

d’archives, dont la plus grande partie est en turc ottoman. Ces résumés avaient été faits à

diverses époques (plus ou moins bien, ou plutôt plus ou moins mal), par des traducteurs

anonymes occasionnels. La seconde publication est une synthèse de ces documents, faite

d’après les regesta  en question.

8 Le texte a été publié à Zagreb en 1861, donc après la mort de son auteur présumé. Sur ce

point, voir l’étude de Ilija Kecmanović (KECMANOVIĆ 1963, p. 177-194, et notamment la p.

177).

9 Voir Anonyme/JUKIĆ 1861, p. 158-166, et POPOVIC 2009a.

10 Voir BALTIĆ 1991, p. 226-227, et 238.

11 Sur la place et l’importance de la magie dans le monde ottoman, et dans la culture

ottomane en général, voir la riche et très éclairante étude de Jan S CHMIDT (2003). Pour ce

qui est de la situation en BH plus précisément, on peut se faire une assez bonne idée en

examinant de près le volume XII du Catalogue des manuscrits arabes, turcs, persans et bosniaques,

de la Bibliothèque de Gazi Husrev-beg de Sarajevo, et notamment les p. 361-518 (Jahić

2002).

12 À partir de 1893, les articles jugés importants sont traduits en allemand (parfois avec des

compléments ou des remaniements) et publiés dans une revue intitulée Wissenschaftliche

Mittheilungen aus Bosnien und der Herzegowina (dorénavant WM), dont il a paru treize

volumes, entre 1893 et 1916.

13 On désignait parfois en ex-Yougoslavie ces immigrants de façon péjorative par le terme

de « kuferaši », qui veut dire « gens à la valise », donc « nouveaux venus, étrangers ».

14 Sur l’auteur : EJ2, 2, 1982, p. 408 [par R. KAJMAKOVIĆ].

15 Sur l’auteur : EJ2, 3, 1984, p. 351 [par Dj. BASLER].

16 Sur l’auteur, voir RADENKOVIĆ 1996, p. 268-269.

36
17 Sur l’auteur : Anonyme, « H. ef. Fazlagić », Narodna Uzdanica 3, Sarajevo, 1935, p. 144.

18 Voir les références de ses différents textes sur la magie dans la bibliographie qui figure à

la fin de cet article ; ainsi que Dr J. FLEGER, « L. Glück, bio-bibliographie », Liječnički Vjesnik,

(Znanstveni dio), 53, Zagreb, 1931, p. 419-431 ; et Dr S. OBRADOV, EJ2, 4, 1986, p. 418.

19 Sur l’auteur : RADENKOVIĆ, 1996, p. 228, 266 et 307.

20 Sur l’auteur : EJ2, 1986, 4, p. 728 [par Dj. BUTUROVIĆ] ; et M. KOLAR-DIMITRIJEVIĆ,

« Savjetnik Kosta Hörmann promicatelj kulture i povijesne tradicije u Bosni i Hercegovini

1880-1910 godine », VDG Jahrbuch 1996, Zagreb, 1996, p. 50-75.

21 Voir A. ŠKALJIĆ, Turcizmi u srpskohrvatskom jeziku, Sarajevo, Svjetlost, 1965, p. 205. (Sur

l’auteur : EJ2, 6, 1990, p. 670 [par T. KRALJAČIĆ, M. MAGLAJLIĆ].

22 KAPIĆ 1900.

23 Sur l’auteur : RADENKOVIć 1996, p. 265-266, et p. 307.

24 Ibid. , p. 263 et 272.

25 Ibid., p. 266.

26 Sur lui et ses travaux : J. ŠIDAK, « Ćiro Truhelka – njegov život i

rad », Historijski Zbornik 5, Zagreb, 1952, p. 103-110 ; EJ1, 8, 1971, p. 381-382 [par Dj.

BASLER].

27 Sur lui et ses travaux, voir Ž. IVANKOVIĆ, « O još nekim vareškim

uglednicima », Bobovac 95, novembre 2002, p. 80 et s.)

28 GLÜCK 1894, p. 399-405 des WM  ; p. 9-15 du volume à part.

29 Sur les autres aspects de ce texte de Glück, voir les deux parties suivantes qui traitent de

la protection et de la guérison.

30 Truhelka écrit « šehir » et « šehirbaz », et au féminin « šehirbazica », au lieu de sihirbaz,

(fem. sihirbazica), magicien, magicienne. (Voir FAHD 1997, p. 590-593).

31 À cet endroit, en citant la formule nazar deǧmezsin, Glück fait une faute, en écrivant nazar

deǧmesmi (sic et resic !), (1889 : 60 ; 1894 : 11).

37
32 Voir CARRA DE VAUX 1916, p. 258-259.

33 Je compte d’ailleurs entreprendre, dès que possible, une étude sur cet auteur et ses

publications sur la magie, destinée à figurer dans la première série de mes textes sur la magie

dans les territoires ex-yougoslave, consacrée aux travaux des principaux auteurs qui se sont

illustrés dans ce domaine.

34 Les nombres sont particulièrement importants, et plus spécialement le système dit « le

dénombrement de neuf à zéro ». Les couleurs peuvent l’être aussi.

35 Voir les notes 2 et 3.

36 Voir le dictionnaire des turcismes d’Abdulah ŠKALJIĆ, Turcizmi u srpskohrvatskom jeziku,

Sarajevo, Svjetlost, 1965, p. 500.

37 C’est-à-dire qu’il ne présente pas des signes maniaques qui se traduisent par des accès de

surexcitation (qui sont par exemple ceux d’injurier, de blasphémer, de ne pas vouloir assister

à un rituel religieux, ni écouter des prières, etc.), (Voir G LÜCK 1890a, p. 51, note 2).

38 Ce système est donc différent de l’horoscope que l’on établit pour une personne, dans le

cas de la divination, où l’on enlève le plus grand multiple de douze. (Voir DJORDJEVIĆ 1932,

p. 109-114 ; et POPOVIC 2005, p. 294-299).

39 Il est très intéressant de noter que cette information a été reprise d’un des tout premiers

ouvrages sur la médecine populaire chez les Serbes de Serbie, écrit par le docteur Vladan

Djordjević, publié à Novi Sad en 1872. Glück le cite nommément à plusieurs reprises, ce qui

est absolument unique pour ce qui est des textes de notre corpus. Il sera longuement

question de V. Djordjević, dans mon article en préparation, sur la magie en Serbie avant

1918, article qui doit faire pendant à la présente étude.

40 Quelques extraits des textes de Glück sur la magie en BH ont été cités en traduction

française par Guillaume CAPUS (1896a, p. 194-195, et surtout 1896b, p. 109-114 et 123-

124), dans ses impressions de voyage. Je dois cette référence, comme beaucoup d’autres à

Philippe Gelez, que je remercie ici tout particulièrement.

38
41 Il s’agit d’une très intéressante basma (donc d’une formule magique) construite selon le

système appelé par les spécialistes du bajanje « povratnost » (retour en arrière), c’est-à-dire

répétition des mêmes syllabes, dans des mots qui se succèdent, comme dans :

« vallahi, billahi, tallahi ».

42 Nom d’un alphabet ancien, à savoir une sorte de cyrillique, autrefois utilisé en Bosnie.

43 On trouvera dans le catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Gazi Husrev-beg de

Sarajevo la mention de deux manuscrits anonymes sur ce même sujet, écrits en turc ottoman,

(JAHIĆ 2002, p. 488 et 510 ; mss. n° 7503 « R 6222 », et 7530 « R 8888 »).

44 Signalons que, dans cette partie, Dragičević cite une très intéressante basma dans laquelle

il est question de la magie faite par l’intermédiaire des djinn (p. 42). Aux pages 47 et 51,

sont citées des magies amoureuses, faites à l’aide de lettres et de chiffres en caractères arabes.

45 Voir FAHD 1958, p. 777-779.

46 Ainsi HÖRMANN par exemple (1893, p. 669-671) était persuadé que, du moment que

dans le talisman qu’il décrivait était mentionné, à côté du nom de Muhammad, celui de ‘Alī,

il s’agissait forcément d’un talisman chiite.

47 Il s’agit des médecins Lujo Thaller (1891-1949), Stanko Sielski (1891-1958), et

Vladimir Bazala (1901-1981) ; des historiens Gliša Elezović (1879-1960), Josip Matasović

(1892-1962), et Hamdija Kreševljaković (1898-1959) ; et des éthnologues Sima Trojanović

(1862-1935), Tihomir R. Djordjević (1868-1944), Jovan Erdeljanović (1874-1944),

Veselin Čajkanović (1881-1946), Borivoje Drobnjaković (1890-1960), et Milovan Gavazzi

(1895-1992).

AUTOR
Alexandre Popovic

CNRS - EHESS

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Del mismo autor
• La création des premiers partis politiques musulmans dans les Balkans : le cas de la

Yougoslavie in Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume  II  : Égypte-

Turquie, CEDEJ - Égypte/Soudan, 1992

© Presses de l’Ifpo, 2013

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