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!VJL\;Ilt:J. \...-lUUSl.

:aJ U Le capnansme 'Oe


la séduction

Le capitalisme Michel Ctouscard

dela
séduction

Une anthropologie d e la modernité quotidienne, une crilique acide


et acerbe de l'éternel réformisme. conscient ou inconscient. respec­
tueux ou contestataire, une intervention de franc-tireur dans la
guerre Idéologique: autant de niveaux de lecture du Caplfalismede
la séducrim�
Sur les traces de Rous.seau, dans un style autant philo�ophique que
littérnire, l'auteur part à l'assaut de nouvelles idées reçues. Il décor­
tique les ri�uel� d'ihitiatioo gigognes de Ill� civlli�tion capitaliste"
- jenns, llip('!�r. mck, elisco, b�sch, J?ilnle - et nou� propo�e
...

ai11�i de reconquérir une réalité occultée par les vedettes de l'idéolo­


gie et du discou�.
Retournant comme u1� ganties formes falsifiées cela subjectivité et
d e la connaissance. de l'éthique et de l'esthétique, il en révèle les
coutures faites au gros fù de la stratégie de gesuon de la crise: le
réformisme hbertaire.
Mtchd CI<>Lt�C�td �• pt'Ofcsscurde: sociologl!: à I'Um�1! de Ponter$. Il a d�jâ
publié 1'ltr< tt ft CtXI�. �iùom Mouton, Paris-La Haye 1972 ,Nt!D-fasdrmut
/diol1>1fl� tlu tltSJr, Mmoo' Oènotl rollecùon MM1ation\ Pans t97.1; u
• •.

Fri•·olt• til•• So!mur, éd•t•ons L•bri!S-'Haf!ier, Paris 1978.

nmhlème'lléditions soci ales nrnhl])mo<!IM;;;,.nr """;,.(,...


Michel Clouscard

Le capitalisme
de la séduction

Critique
de la social-démocratie libertaire

Éditions sociales
Du même aul.enr â Domirtiqu1: Pt1gani,
à qui l'auteur doit h�aucoup.

1. 'f:tr1: �� h: t't)/le. « l.� ,-y,,c�.� tle.['rodudion ll'u n ensnuhli! prl!-


1'11/lifn/i.Hc •, éditions Mvulùll, 63U p., l'ari•·Lu Ha_v<:,
1972.
N�o-[osdsme <'1 Jdeo/ogic dtt dèi,., " L<.� Turwfl'" d" la
R.til'oll!tim? -o., �ditiotl!" Dt·nod, <.:oll<.·<.:lion n Mhliations •>,
140 p., Pt�ris, 1973.
l.r. Frivu}e e.J le Sérieu.x. �'t·rs un norn"imu protrcssismc
o. .. ,
�diti<ms Libr�s-llt�llier. \90 p .. l'uri,, 197!1.

111u�t•·;•IΕ,m de: CtJ\1\.''-''t\lll': ph'lltO C.IJ\' Lt:::n.."A\.':'(mu�c.: lwuk


{:tJUVt>t'turot: Ad�fl<" fARRt

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ISHN 1 }.(lO.Q5457·�
•,

•,

Prélude

Poster. flipper, {'uke-box? Téê!l·àgers. Une closse d'lige


fait ses cla�ses. Eco e de la vie. Disciplines d'éveil. Exercice$
de pionniers. On les prend en main, par la main. Ce n'est pas
bien difficile: il suffit de glisser la pièce. Er d'appuycr sur le
bouton.
Premiers émois. la quotidienneté $e balise de rcpè•·cs
familiers, complices. èhaleureux. On se retrouve. On se
reconnait. Autour du flipper et du ju'ke·box. Les messages
s'envolent. Remeura+elle le groupe qu'il aime?
Ah! les mots jolis qui font tilt :poster, flipper. juke-box...
Le phonème fait déjà la chanson, J'accent tonique la musi­
que. Les mots qui font les choses, celles du rêve. Tout p�s.
Et prêt-à-pOrter.
Première dynamique de groupe. Elle va nous mener loin,
très loin. Spontanêe, informelle, innocente. le frce et le
flipp.
Ces petits usages et objets anodins. d'une insignifiance
telle qu'ils som au-dessous de tout s-oupçon, sont au corn·
meneement du ricucl initiatique à la civilisation capitaliste.
Et magie, totem. potlatch, échange symbolique. Ethnolo­
gie... du plan M:�rshall.

1
De 1elles énormités, des énoncés aussi gros et &implistes curnpréhension de la modernilé sera une conlri
bUiion au
vont laire frémir toul honnête homme. Mais ce n'est pas d.-vdoppcrnem du marxisme. E1 une arme de
combat.
1out. Nous allons en rajouter : nous voulons en venir à une Nous devons établir commenL l'innocence des
prc.'m1er<;
an1hropologie de l a modernité. Et celle-ci �era un traité de la tmois a pu en venir à l'actuelle social-démocra1ie
libenairc.
frivolité Au1reme�1 d11, comment le désir e1 l'imaginaire
on1 accedé
t-;ous suivrons la vieille entremeueuse. La mode, si vous •u pouvoir cuhurel, pouvo1r devenu minislériel
prélére�. Le prè1-a-porter du désir. Comment la fesse lait
signe? Et comment le signe lait le désir?
Nous entreprendrons un peti1 tour du monde, celui de la
mondanité. Nous nous glisserons chez Castel ct Régine. Plus
rien de la jet-society ne nous sera é1ranger. Nous irons au
Club. Au Club Méditerranée et à Ibi�a. Au bal du samedi
soir, aussi. Où sont les midinettes d'aman? P&ychédélique,
sono, whisky-coca.
Quelle est la tenue de rigueur du rigorisme libéral ct
permissif? Que faut-îl djre et laire à sa première fumette?
Sur quel ton laut-il disserter du bon u�age dé la drogue?
Nous éwdierons la savame drague de l'anliphallocrate:
ne jamais oublier qu'une femme libre a é1é une jeune fille
rangée.
De même que • la comtesse a toujours 1reme ans pour le
bourgeois •. le révolutionnaire de la bourgeoi&e aura tou­
jours le5 cheveux longs. Et comme le snobisme est joli
lorsqu'il 1ransgresse et qu'il ca5se! E1 le rock, le disco, Le
reggae... Vous aimez?
Nous suivrons la bande. de sa première surboum à sa
dernière magouille. Comment l'anima1ion machinale
devicnl·elle le destin des ànimaux-mnchlnes?
Nous proposons une somme de la frivolité enfin prise au
sérieux. Nous avons déjà consacré trois livre$ à l'étl!dc de la
séduction 1, Car nous prétendons q11e son concept est devenu
nécessaire à l'explicalion de la nouvelle lulle des classes. Et
la récenle ulilisalion idéologique du mol doit nous inciter à
une londamenlale mi5e au pofm.
C'est Je frivole qui permet d'accéder à la 1o1alc compré­
hension d u sêrieux. La dialectique du frivole et du sérieux
rendra comp1e des rapports du procès de produclion e1 du
procts de consommation. U lau1 proposer le lien dialectique,
le pom en1re deux univers qui s'ignorent. lien que toul le
savoir de la modernilé a mission idéologique d'occuher.
Nous devons dire l'inconscient de l'inconscient de la psycha­
nalyse :cc que celle-ci doit oublier. cacher pour fabriquer ou
justifier les idéologies tendanciellement dominnmes. Cette

1. Plu• dt mille pag.. d• 197l a 1978 1


.

10
Première partie

L'initiation mondaine
à la
civilisation capitaliste
1

L'honnête homme ne peut pas


snober notre anthropologie
de la modernité

Notre entrcpri&c : l'anthropologie de la mod�rnit6. La


..uciété capitaliste française, de la Libération à l'actuel
pouvoir du PS, sero étudiée selon les catégories de l'anthro­
pologie : échan e symbolique, initiation, rituel. totem,
g
t11bou, mana, potlatch, etc.
Ce projet devrait, pour le moins. susciter la curiosité de
• l'honnête homme •. Nous entendons par honnête homme
/'intellectt.e/ de bonne foi. t'homme de bonne volonté, celui
•tul est capable d'une ottltude réflexive, critique. Celui qui
.lit écouter. Nous lui soumettons notre projet. C'est lui que
nuus voulons convaincre. C'est notre interlocuteur privilê·
aoe Notre • interlocuteur valable •.
Comment cet honnête homme pourrait-il nous refuser sa
hoenveillante attention? Ne l'accorde-t-il pas systématique­
tu�nt au• recherches inêdites? Parfois insolites. Bi7.arres,
oneme. Toutes les minoritk ont le droit de s'exprimer. E t
'urtout les minorités cuhurelles. E n particulier les cher­
'heurs Isolé� qui ne prétendent apporter que des contribu­
lions personnelles. L'honnéte homme défend avec ferveur cc
droit d'expression sur tous les fronts, de la connaissance, de

15
la politiqut>, des mœurs. Non St'ulemcnt il est l'avocat du ht'flllnement d'une idl!ologie - capitaliste -au" effets
droit de dire, mais il propose aussi les moyens d'être •un1 caché� que pervers? Et toute la culture récente montre
entendu. Aussi : une anthropologie de la modernité? Pour· que vous avez cherché à la dénicher aussi bien en sa
quoi pas. quotidienneté anodine que sous les masques les plus trom­
D'ailleurs. l'honnête homme pourrait-Il récuser les f'('UI' Aussi. vous vous deve2, pour être [idèle à cette
d�marches épistémologiques qu'il a agréées, qu'il loue, qu'il orlg tlance frémissante qui vous honore, d'entendre une nou·
proclame même? Celles qui ont bouleven.é la connaissance ...-11.· et iMllendue dénonciation de la stratégie de l'idt!olo-
traditionnelle de l'homme Celles qui ont fait • le nouveau •
. 11� Vou$ sauret vite si ce n'est qu'une fausse piste. Vous êtes
savoir. t ll•·mcnt averti. Honnête homme, vous vous devez de
Nous allons proposer un usage des catégories anthropo­ un•iderer avec une certaine bienveillance pour le moins, ce
logiques qui ne fera qu'apporter de l'eau à son moulin. La (Jiu nu pire serait exercice de style sur des procédés dont
grande conquête des sciences humaine� n'est-elle pas l'in· �""" !tes très friand . •
conscient? C'est aussi son cheminement que nous voulons De plus, nous prenons un engagement qui devrait piq uer
montrer. Comribuer à établir qu� le caché s'étale au grand au vif la curiosité du sceptique qui croit en savoir trop ;
jour cl que l'anodin est révélateur de l'essentiel. A notre <rtlc anthropologie de la m()dernlté veut en dire encore
manière, nous reprendrons une démarche que la psychana· plu�. ct même prétend dire autre chose que le discou rs
lyse o re ndue familière à l'honn�te homme. dr l'intelligentsia en cours. Nous prétendons que ce qui
Nou-e contribution personnelle consistera aussi à mon· !'<muait plair e comme exercice de style deviendra un très
trer que les signifiants p roposent leur propre �ogi9'!e et Il 1 o u tant travail de fond.
.
qu'un signe >ignllie autre chose que la chose qu 1l des1gne. Et nous promettons même à l'honnête homme les �mo­
L'honn�te homme va retrouver ce que la sémiologi e lui a tl orh fortes - dont il ralfole- de la subversion culturelle :
appris, d'autant plus que nous proposerons certaines consi· f'n umir à demanteler la nouvelle culture par ses propres
dérations très inMites sur les rapports du s1 g ne et du l'""'·t•dé� culturel s. Mais subversion autre que la subversion
réfé rent (rapports de la logique du signe et de la logique du U.tdlliOnnelle.
travail). Fnfin, nous ferons m�me cette promesse -qui devrait
La nouvelle histoire n'enseigne-t-elle pas que toute la h11layer ses dernières rétkençes: nous voulons satisfaire les
dyna miq ue macrosociale peut être contenue et exprimée par tirmandes épistémologiques et politiques les plus profondes.
un �vénement? Toute une structure en un carnaval. Toute Prnposer autre chose que les révélations d'u$agc d'une
l'histoire en un système de gestes. Ce sera aussi notre •ulture qui va m�me se révéler n'être que la sophistique du
démarche. Reconstituer un en$emblc à partir de certains de <nJlltnlisme.
ses éléments, rêvêler la structure à travers la conjonctur. e. Telles sont les ambitions de l'anthropologie de la moder­
Montrer que l'événement est aussi avènement de l'histoire. nil�. Mais comment constituer cette science? Quels seront
Et qu'une figure phénoménologique peut révéler toute la ••t fondements épistémologiques? Quelle méthode d'loves·
logique. tl(lution?
L'�tude de l'échange symbolique n'a-t-elle pas établi que Nous allons proposer tout d'abord la systématique des
l'échange d'un rien en révèle autant, sinon plus, que le tout tltucls d'initiation. De l'initiation au système. A la civilisa·
de l'khange? Aussi l'honnête homme ne pourra-t-il que tlom capitaliste. Ces procédures initiatiques seront révélatri ·
s'intéresSt'r à une anthropologie de la modernité qui veut c5 de ce que cette ch•ilisation a de profond, de secret,
révéler derrière l'usage banal d'un objet l'intention même de d'intime. Nous pr�tendons accéder ainsi à l'essence même
la civilisation capitaliste. De méme que l'ethnologue a pu du système. A ce qui sera révélateur de sa culture, de ses
délinir totem et tabou à partir d es usages les plus quoti· �uleu� de SC$ mœurs. Ce sera une sai sie de • l'intentionna­
.

diens. l lh • même. De la pulsion subjective qui fonde la civilisa·


Enlin, nous dirons à l'honnête homme : • N'�tes-v ous ilun capitaliste.
pas devenu le spécialiste des suspicions légitimes? N'êtes· Cette recherche aura une double armature scientifique.
vous pas le maitre du soupçon? Toutes ces d�marches de la t··� procédures initiatiques seront établies grâce à l'archéo­
" nouvelle connaissance " n'ont-e11cs p n s servi à dévoiler l e l1111ie du monde moderne. L'anthropologie culturelle se

16 17
fondera sur une analyse �pecilique des objets. L'initiation lutd1c de la nécessité. Celle de la généalogie d'un projet,
c:uhur�lle sera initiation aux ob�ts {abriquis, manufacturés. d'une intentionnalité, d'une stratégie. La phénoménologie
L'usage culturel sera l'u�ge d'un objet. La culture est le� ré\'èlc en montrant leur commencement, leur parcours.
d'abord une pratique L'initiation au système sera l'usage de leur accomplissement. Trois moments d'un réalisme radl­
certains objets du système. L'apprentissage de l'usa g e, sa cul, puisque usages qui expriment les rapports de produc­
dimension psychosociologique permettront de révéler la flun ct de consommation.
procédure initiatique. Et selon une lecture immédiate, au L'obJet de notre livre èst d'exhausser une intuition en un
premier degré. La description donnera l'explication. 'Hlli'Cp\, Nous vpulons dl re le mondain. Ce terme va progres·
Telle est la demarche :l'objet produit produit à son tour •lwment se Justifier en accédant à son contenu.
un usage. Et celui-ci est la modalité de l'initiation. L'Initiation mondaine est d'abord un système d'usages.
Un système des objets pcrmellra alors de reconstituer le 1«'lui-ci doit être reconstitu� en une phénoménologie du
syMème de leurs usages. Et celui-ci l'ensemble initiatique. ludique, du libidinal, du marginal. Ce sera la seconde
Un système de mœurs. Mtermination du mondain : la prOIIn!ssive synthèse de ces
Nous disposerons donc d'un double système de détcrmi· tru1s auributs en leur essence, en leur substance. On peut
n:Hions : les objets fabriqués et les usag es initiatiques. A a lor$ en venir à une logique du mondain. On disposera enfin
partir de cet ensemble nous pourrons définir un système du concept de mondain {phénoménologie et logique). Pour
d'objets - et d'usages - sp«ifique : les modalités de •rvc!lcr la nature profonde et combien cachée de la civilisa·
l'initiation au ludique, au libidinal, au marginnl. Une : le
li<Hl capitaliste potlatch d'uHt part dt la plus-value.
syst�matique d'usages qui sera l'initiation à la civilisation Nous avons proposé à l'honnètc homme les trois essen­
capitaliste. tl�llcs composantes de son discours. Ce sont celles de
Autant d'usages initiatiques, autant de llgurt& phénomé· l'Intellectuel de gauche, les trois éléments de sa culture.
nologiques. Le ludique, le libidinal, le marginal serunt tumment pourrait-il ne pas agréer notre projet? Nous
définis selon une phénoménologie d'usages. C'est la pro.ti<,ue >�Illlons aussi privilégier l'étude de la libido, du ludique, du
sociale qui constitue et codifie ces trois notions. Ce sont les mar&inal. Nous opérons selon les mêmes catégories de la
conduites, les fom•cs, les �ignes du relationnel, de la sociabi­ ,unnai�sance. Nous voulons subvertir la société capitaliste.
lité qui proposent les contenus. les sens de la ludicité, de la Mai� œt honn�te homme wnsenlira·HI à nou.s écouter
libido, de la marginalité (l'existence précède l'essence. c'est lo•qu'au bout? Restera-t-il notre. interlocuteur valable •?
la phénoménologie qui engendre la logique). Ces trois lur maintenant, habilité par son propre projet, nous devons
termes ne sont que des éléments constitués par les rapports l" ..oumettre à une interrogation qu'il ne pourra plus éluder.
de production et de consommation. 1·•r Interrogation qui le ronge déjà, par caricaturiste inter·
Ce réalisme radical doit permettre d'éviter les deux pu�ée, par la bande - dessinée_, par autocritique d'exor­
déviations idéologiquus de l'actuelle culture : le dJscours 'i�me. Nous dirons tout haut ce qui se dessine en marge.
métaphysique (Lacan) et les analyses du scientisme (Bour­ Nuus ne ferons qu'appuyer le trait, l'évéler, exaspérer. Claire
dieu). Il faut écarter toute spéculation sur les essences (le li•etécher va gllsser du côté du concept.
signifiant comme hypostase idéaliste qui doit cacher le Cette interrogation sera des plus graves. Et nous savon�
procès de production) ou sur les cruffres (l'hypostase positi· trn bien que le clerc dispose d'un pouvoir tel qu'il peut la
vistc des statistiques ct liOndages qui oblitèrent t'âme du lourner en dérision. Il va nous traiter de vieux grincheux, de
monde). Démarches inquiétantes. car eUes portent e n elles moraliste ... Mais nous n'aurons pas peur du ridicule. Et nous
une implicite prescription et un terrorisme larvé. . .
•hui� irons même le ton le plus solennel pour demander :
Ecartons aussi tout malentendu : une phc\nomenolog•e • Clerc, n'avez-vous pas trahi? Et trahison de classe. •

n'est pas une chronique. Celle-ci veut reconstituer la singu­ Le clerc, à l'origine, était le contempteur du monde. En
larité du (ait, son uniCité. Pour la pht\noménologlu, cc fait lin de parcours de sa laïcisation, le voilà dans le monde. Et
n'o que valeur d'élément de construction d'un ensemble clos hmgtemps, il a su résister au mondain. Il était devenu le
ct finalisé. Le chroniqueur peut toujours p réu:ndre qu'il tclmoln du monde. Dans certes, mais encore à côté : le
fallait dire un autre fait ou l'interpréter différemment. La l"ècepteur, le confesseur laïque {une certaine psychanalyse),
phénoménologie doit ignorer cette critique :elle reconstitue • oj urnali ste d'avant les media, Je romancier. Certes, il
18 19
lantosmolt le monde, éternel Topaze à l'écoute • des secrets Mois c'est le peuple qui aura la force et le pouvoir de
du grand monde •. Et du désir, de l'imaginaire. Mais, dans m1uqucr radicalement cette imposture. Et c'est lui qui
une certaine mesure, il connaissait et mnitri.ait le monde. rrootcro la définitive sanction. Par le rire, l'énorme «lat
Et il savait le dé noncer. rhc quo rcra s'«rouler la comédiehumaine qu'est devenu
Maintenant -et c'est un phénomène nouveau, �norme, lrrc Une l�istible hilarité gagnera tout auditeur de ce
capital -. l'intellcctud de gauche vient d'accéder � l a agcr du néant. Le clerc sera conservé, embaum� e n son
cOn$ommation mondaine. Et il en est m�me le princopal 1 uun., comme l'inénarrable témoignage de la vanité
u�agcr. uo go:oise.
Pire, encore, il est devenu le maitre à pe nser du monde. Il 1l�rs de peu de foi , il serait temps de vous reconvertir. Si
propose les modèles culturels du mondain. Non seulement il � '"' tcne1. encore tant soit peu à votre vocation, si vous
a a ccédé à la consommation mondaine, mais il en est l ' un
des pntrons. JI a la toute-puissance de prescrire Et de
r.r 1< nd�z être encore des i ntell ect uel s de gauche, soye:t des
ntrolocuteurs valables. Ne snobez pas notre interrogation.
codi fi er l'ordo·e du désir. N� •�n�ur�z pas cette conceptualisaUon du mon dain.
Aussi peut-on encore demander à ce nouveau privilégié Vou� ferlez votre propre procès. Ce serait la preuve que
de renoncer à ce qu'il vien t à p eine de c ueilli r? Il est enfin VOll<• �uflisa nce cl inCatuation ont définitivement submer é
invité au festin et n ous le prions de cracher dans le cavi ar et � 1t11• raison d'être, la volonté de comprendo·e alliée à gla
de lâcher le morceau. Mai s ce q ui est le plus grave, le plus Ul'' ""' de l 'nutocriti q ue. Et que vous avez définitivement
décourageant, le plus inquiétant, c'est que cet in tellect uel de hoi" la vanite! de classe et le narcissisme de caste.
gauche présente ses nou,•eaux privilèges comme des conquê­ Mais s'il est vrai me nt trop tard, que l'honnête homme­
tes révolutionnaires. Et nous v�nons lui demander de r�con­ ou du mo ins cc qui peut en rester - nous accorde quand
naitre qu'il est pris la main dans le sac.alors qu'il prétend, mfone, sans trop se compromettre, en cachette, u n petit clin
d e cette main, bran dir le Oambeau de la l iberté. d (roi complice et nostalgique.
E t voici ce clerc au pouvoir. Le mensonge du monde v a
devenir vérité politique, vertu civique. Ce phénomène est
d'une portée incalc ulable. Ce qui était censé être l'opposi­
tion au pouvoir va devenir l'alibi même du pouvoir. C'est le
principe du pourrissement de l'his toire . Et le triomphe de
• l a bête sa uva ge • : la société civile. Topaze est devenu le
maitre à pe nse r du monde, avec !es pleins pouvoirs d'une
mondanité social-démocrate tri omphant e.
N'est-il pas trop tard? Le clerc n'u·l·il pas définitivement
trahi? L'intellectuel de gauche, de libidinaiité en ludicilé,
d� marginalité en convivialité, n'cst·il pas définitivement
intégré dans le système? Dans le mondain, dons la social­
démocratie libertaire?
Mals que ce derc prenne garde. La vocation, et le
fondement de son statut, est la connaissance. S'il renonce à
sa vocation, il remet e n cause son t.tatut. S'il ne veut plus de
son rôle, ce rôle sera supprimé. C'est de lui-même qu'il
s'expose à deux remises e n ordre.
D'abord du bourgeois, qui ne l'agrée dans le monde que
dans la mesure où i l fait son métier. Un certain savoir
contestataire a pu distraire son oisiveté, meubler un temps
dont on ne salt que faire. Cet t e surenchère mondaine de la
culture a lassé. Le te mp s de l'exil est venu, pour le bouffon,
lorsque le roi s'ennui e .

20
2

Premier niveau initiatique :


poster, flipper, juke-box.­
Genèse de « l'innocence »
et échange symbolique

A.- MAGIE

Flipper ct juke·box sont des machines qui prolongent


l'univer$ magique de l'enfance dans J a société adulte. Ils
u·présentcnt un seuil ct un passage, la fin de J'cnlancc ct le
•ummencement de l'adolescence. Leur usage est aussi une
Mdsive promotion sociale : il signifie 'l'accession nu statut
•k consornmoteur. la fonction ludiqtte investit la société
Industrielle ct ln soumet à ses valeurs.
Cette magie n'est pas le génie de l'enfance. Bien au
wntraire. Elle est celle de l'idéologi-e néo-capitaliste qui
Incarne dans l enfant et qui devient alors le génie de
'

1 rnlance capitaliste. Nous sommes l à a u cœur de la


..oci�té de consommation • , du prem1er dressage du corps
·• la con.ommation.
On a voulu opposer la spontanéité et le naturt'l de
l'enfant à • la société de consommation • de l'adulte. C'est
1� contraire qui est vrai : l'enfant s'abandonne sans aucune
1etenue à l'univers de la consommation, tandis que l'adulte
lorsqu'il csl producteur- peut lui résister.

23
en l'enfant tait preuve d'une dextérité, d'une désinvolture qui stupé­
Quelle est la genèse de cette magie? Comm .�
ané Comm ent l 1 déolog1e fient le cerde de famille. Il témoigne d'une aJ!ilité d'usage,
devient-il « innocent •• • spont • ?
d'une facilité insolentes.
ion jnves tit, dès le princ i? e, l'enfancè?
de l<l consommat
ee anth\ opolo­ Toute une culture -celle de la technologie de la société
L'explication sera prôposée par un: donn
est exclus 1veme nt fonch o11 ct.e industrielle avancée - s'est consacrée, acU prix d'un
gique '· Le corps du bébé
Car c'est un imma turé. La coté : eco!ln alt Immense travail, au développement du confort, Et sa carac­
consommation. . :du�atton
el . . tériStique. est d'avoir pu aueindre une extraordinaire facilité
tette donnée ontologique : l e droit natur
L
• pnnc1 pe de tic son usage ; il suffit d'appuyer sur un bouton. Le. pri ncip e
consiste à ·reo;lresser cette nature vouée au
i)tissa ge de la cité �u métie o', le c�rps de la pédagogie d'intégration au s.ystème capitaliste est
plaisir Pad'appre
•.
et
e se soum ellrc a\l pr_oce s de producuon. alors cet usage magique -par l'enfant -du fonctionnel.
doit a ppr end r à
L'éducation politiqu e du corps oonstste à soumettre le Lénine disait que le communisme c'est l'électricité plus
« princ ipe de plaisi r '• au principe de réalité. . les So�iets. Le capitalisme, c'est l'électricité plus ta magie
Dans le s ys tème çapit aliste, ce travall �e don p;,\s ��r: lonctionnelle, 4utrefois. l'usage d'un progrès était encore
onsab1hte
fait · le droit naturel doit se prolonger en trresp une technique d'usage. Penda11t longtemps, l'instmment de
ge la conso mmat io�1 �éduc ation ?e llbéralion a enwainé de dures contraintes. Un travail
c'ivique. C'est le dressa à
de conso mmat ion u sera hbera le p�rmts· d'usage autre.que le travail de pi'Oductiq·r\. Il y avait comme
la • sociét i •
é • q .

prmé1pe de un échange symbolique, entre le travajl qui pcrmctl.lli t


sive, libertai re C'est la toute-puissance du •
.

plaisir •·
l'usage et la fonction libératrice de cet usage.
· n de 1a
Les parents ne font alors que proposer l'éducatio Avec l'électricité, il sufi'it d'une pichenette, geste magi,
liste. C!!lle- ci i�pose
société inc;\ust�i ell e �us tutelle capita que, alors, de démiurge : l'�nfant profite d'un progrès sà:ns
techn iques Un systè" !'e fo ncuon nel
l'usage coutumier de ses .•
_ donner aucun travail - même symbolîque-en échange. Il
nge les pouvo trs du peut prmce de la s'installe dans la totale ignorance du travail nécessaire à
qui prolo et multi plie .
manufacturés,
consommation. Celui-ci va jouer des objets celle consommation. La pédagogie du système consiste à
ial. Ce qui est usage foncuonnel
utilitaires du milleu fa!Dil maintenir çette ignorance et à exalter cette gratuité. L'eo­
es dev� nt t,1sage ludiq ue. droit naturel de lnnl èloit se ''autrer <lans cet univers magique : la récupéra­
pour les adult Le
Î
l'enfant deviènl dési volture d'usager. C'est l'accè
s au statut lion totale du travail el du progre�. L'univers fonclionnel­
de consommateur. o'é8ultat du fantastique travail de l'humanité -est alors
u
Usage magique :, i l suHit d'appuyer sur ':l. réduit à la fonction ludique qui prolonge et accomplit
bouton
:
tit ses privil èges dans l'espa ce famtl•al, . celu1 l'univers ludique enfantin, Le capitalisme veut qlle nous
L'enf ant inves
e mcnts
de l'équipement ménager. Et de tous les éqUtp _ restions jeune$ et que noLIS soyons comme des enfants! Le
etc) qui devi� n�ent lor$ �<:s obJets d.�
(voiture, télévision, a lravail des uns sera l'éternelle adolescence des autres.
mmat ion. Au du prmc 1pe �e pla tsJr, du !udl·
conso s rvice . Le principe de l'éducation d'avant le capitalisme mono­
dun pr?ces de

que. L'enfant profite L intégralemen�, lut- poliste d'Etat : la ludicité de l'enfant devait très vite
e - tgnorer
production qu'il peu\ - sans culpab1llté encor uffronter le sérieux de la praxis. Il fallait apprendre à vivre.
totalement. •route pédagogie était aussi un apprentissage. l;"our le moins
é ans cônna !­
,
. . . •

C'est l a magie m!lderne : u n appare1l utolis � celui des techniques d'usage de la vie quotidienn�. Car celle­
tre la nature de son {onct ionne ment , une fonct1 on assery1e
ci exigeait une multitude de u·avaux domestiques. Et cha­
du tra a ,ra �rodu ite. Dun
sans ,soupç onner l'o{dr e v i l qui
cun devait en prendre sa part. On dressage élémentaire du
sOuha it, d un seul geste,
rien, sans aucun eiT9rt, d'un se;ul corps était Je sevrage civique (celui de la passivité du corps).
surgit une çonsommat ion parla 1te. . Du corps organe de réception et d'usage, corps de la
A la co�som­
L'enfant est alors d'une totale disponibilitf;. o.llgestioo, corps originel (corps de la� société d,e coosomma·
chaodtse. Il
mation. Voyez sa manipulation de l'objet-mar lion •).
Cette structure c!ducatlve ne doit surtout pas être taxée
de bourgeoise. Ce n'est pas l'ideologie qui J'imposait, mais le
1. Cf. u FrivtHf el te �rieux,• Vers un nouvea
u progrcJ;sisme '• Albin
mode de production. Et elle se vérifiajt, par la force des
Michel, Editions ..il•r�s-Halller, Paris,
1978.

25
24
choses, davantage en milieu populaire qu'en milieu bour- Ir procès de production. Celui-ci, de !onction industrielle.
geois. d vocnt ludicité magique. C'est ce qui est signifié par le
. .
garantor cette flipper . le rituel de fécupération, d'inversion, d'idéologisa­
Mai� la bourgeoisie s'efforç;ut aussi de
chie sociale. Il Hon Alors la ludlcité devient J'acte de consommer. De
structu� il tous les niveaux de la hiérar
' ge minim um du corps (ne serait- ce que faire dttou� ncr. l'échange symbolique. eo son principe, est cette
fallait un dressa
mode d _
e lmt·rsoon- magique. li est ce coup de force : le procès de
son lit) pour participer au vécu quotidl�n d'un
dev_ l ppces ct très contrao­
c: msommation s'lmpzy..e au procès de production.
production aux technologies peu � .
e 1 a.�pren­ C'est une fatallt� de la symbolique. En effet, la nature du
gnantes. De là, par exemple. des � radotoon�. com� .
tton covoque •apitalisme ne peut �tre saisie que de lrois manières :par le
tissage sur le tas (du fils de famtllc) ou 1 éduc:a
boy-scouts (la lu11o�-le travail de conceptualisation du marxisme:pnr la
dérivée de la préparation militaire : le�
avait su propo ser un rnilha ntlsme écolo· J113xis- le travail, la trnosformalioo de la nature: pnr le
culture bourgeoise
giquo auprè s duque l les préten tions écolog isantes de notre vmbole-acte allusH. frag mentaire, concret cencs, mais
). or1lucteur au seul procès de consommation.
époque semblent bien molles et l'arcs.�cuses
nt ne trouve plus ces r�sista noes civi­ Le vécu, spontané, existentiel- celui de l'enfant puis de
Muintenant. l'enfa .
im•estissem ent ludiq ue. On le préser ve même des 1 11tlole�cent/c - est toujouo·s d'ordre symbolique. ri ne
ques à son .
us autor ola­ Jwrçolt que les apparences : les résultantes du procès de
exercices pMagogiques élémentaores, deven
technologies pooduction. l'adolescent/e se meut en dehors do la réalité
risme et brimade. On lui livre toutes les
activi sme magiq ue origin el ne rencontre plus d• la praxis et a fortiori du logos. U est porté de symbole en
d'usng e. Son
de barriere. �mbole, sourd et aveugle. Toute notre culture, celle de:
1 homme révolté, mnis combien soumis. se meut en celle
)mbolique. Elle est exorciste. L'idéalisme. en son londc­
"'"nt, consiste à cacher la réalité pour en profiter.
B.- TOTEM le sens-de I'C:'Change- est alors celui que le consom­
ooo�teur donne aux choses. La fonction symbolique véhicule
l'odéologie de l'nppropriation. de la réduction. de la récu�­
de la nouv�lle o.ttion' (et nous verrons que le symbclis,fe immnnem, au
Avec le llippef, l'animation magique -
- invest it la nouve lle sociét é glob� le. La fonctooh t•ontrairc, perme! l'ldcntilication du procès du travail et du
famille
et appro priation procès de la reconnaissance. de la poésie et de ln révolution).
ludique devient symbolique de J'échange
Le flipper est donc le symbole des symboles de celte
totémique.
ité au milieu �vmb�lique. Toute la procédur\! du machinisme ost là,
L'acte de consommer. jusqu'alor� délim
aux r�p�o rts de merveilleusement condensée, unifiée. En un appareil : ln
f<�mllfal. élargit son champ de réalisation .
coup, toute la socoét c ondus ­ loonctionnalit(! - la domestication - électrique el mécani·
production. D'un geste. d'un
inism e cl sa gestio n capita liste, sont saisis e n ' ue au service du consommateur. Pour rîen. Pour le plaisir.
tridle le mach
on miniaturée-le 1 \ est à noter que c'est un jeu où l'on ne gagne rien. Sinon
un ac � symbolique. E n une reproducti
;
flipper - qui autorise une appro priation totémique - la !Incommensurable satisfaction de rejouer. de reproduii'C, de
ot•péter. de vérilier l'ordre des choses (du capitalisme). la
partie de flipper'. .
Un gestuel rituaHsé, une saynète, rcpèe
symboh�ue­ •••a�uité c;st _l'essence du jeu : il est le contraire du travail,
. Car s1 le� tuUJOUrs ontercssé.
ment. évoque, reproduit la gest� capit� lo�te
inism e est re-JOu é, c est en tant que le flipper est la mise en jeu des jeux de la lumière du
processus du mach
symb oliqu e d'app ropria tion. L'act e de conso mmer récupère mécanisme. du son. Il est une algèbre des éléments. q 'un �
demiurge dé<:hnlne, domestique, canalise. D'un doogt, il
ordonne les lois élémentaires du machinisme. Selon la pente
naturelle, celle de la pesanteur (la consommation). Doigté de
un mom�nt du d�but de la phénomcnolog\�; U
traditionnel. Let; nouveaux �cu�
1. Nut.�t rcconStituon1
• dassique •.
a'aalt dom; du tlippcr
la sophistication du cama«laaç l"elèvent d une
�h:çtruu,quc� - cc")( de 1 Le fncani.tmc: est le meilleur �xomple de Cette idéolo(l:h:
outre • mentalité • propre à 1a crist".

26
27
pas trop en laire. . Le J?Oilatch est une dépense somptuaire qui perme!
la pichenette : consommer est un tact. Ne .
,1 etabhr la h�e�rnrchle sOC'iale selon la consommation.
. Une mena ce plane sur la consomma·
Car ça fait tîlt aussi 1 '••tude de ce potlatch (de la plus-value) permettra donc de
jeu le rappelle
tioo Une épée de Damoclès. l...o règle du wmplétu la définition des classes sociales. Et de contribuer
constamment. A apporter au marxbme le complément nécessaire aux
appropriation
Le Oipper est bien une transmutaiion et
: la prod uction capit aliste est •la,sifications déjà connues. celles du proc�s de production
svmb
' e
oliqu el totém ique
ue, libidinal. JI n'y a plus Pr�poser les fondements économiques, 'IOCiologiques.
evenue un ellercke féerique, ludiq
d h"tonqucs de cc potlatch sera définir l'intrusion du plan
. D'un imm� nse procè s de prod uction
qu'un jeu de machin � .
M..rshall' dans la société traditionnelle (en France). Le
de l'hum e
anit -o n ne ret1en t que le JeU symbolique
- celui
ironie du capita­ t>Otlatch nalt du plan Marshall. La consommation bour­
et désinvolte du machinisme. Implacable �··oisc spécifique du néo-capitalisme commence uvee la
lisme.
C'est un jeu performant • · Où, paradolle,

on ne gagné p t'n�trntlon de l'Impérialisme américain. L'américani$atlon
iée par une perfo rmance. tir la vic française s'inaugure par la consommation des
rien. Une gratuité doit être signif
la gratu ité ironis e sur ce mét·ile. \llrplus made in USA.
Celle�! dit le J'1lêrile, màis
petit être perfo rman t. Mais <lue tout Mai&, d� mêm., qu'une certaine modernité juvénile- a pu
Il faut témo igner qu'on
rman ce gratu ite. •Ille : • Httler ? connais pas •, l'intellectuel de gauche,
cela est inessentiel. Le jeu est la perfo
de la 111�mc lui - su•tout lui?- risque de nous répondre : • Plon
Ce qui veut dire que la loi est reconnue : la nc!cessité Marshall ? connais pas : on n'en parle jamais dan� le Nouvel
Mais inver sée, récup érée. Il faut signif ier qu'�n
production. Ob>. • Ou . bien : • Pour définir la modem•lè, pourquoi
que le trava.l·
peut faire aussi bien - symboliquement - ••monter s• loin? • Il est \Tai que pour cet intellectuel la
e socia l. Mai s qu'on n'en est pas
leur. Qu'on maJtrise l'ordr
modemit�. bien souvent, ne commence que par le dernier
du � jeu hlm à la mode. Le twist? Connais pas. Le reggae, oui. Et la
-le flipper - doit être à la fois passionnant-ç
a
jeu doit être pris au sérieuJ< pour guerre du coca ? Elle était devenue un affrontement natio­
accroche - et anodin. Le
au sérieux sa nal. Elle avait occasionné des débats passionnés, à I'Assem·
proclamer la gratuité de l'enjeu. Ce jeu prend
du sérieux. Se blée. Quel Intellectuel de gauche se rappelle de ce combat
fri\•olité pour témoigner de la frivolité <Ontre un trop évident symbole- alors - de la p�nétratlon
ire son mépr is de l'essentiel.
passionner pour J'anodin. c'est d .ommcrciale ct idéologique ?
symb oliqu e, appr opria tion totém ique.
Magie, échange Ceqe amnésie programmée ne fait que révéler l'impor·
potla tch. Le [lippe r ;�ccès à l'acte gratu it -
Mals aussi lllnce de ce qui doit être oublié. Le plan Marshall e-st bien
li
symbolique - est aussi accès au gaspi llage - réel. faut
cat!o n et la l'aNc étymolo�ique de notre modernité. Son rôle est fondo·
que le premier accès à la dépen se soit lu ratifi
(De même que le prem ter accès mental. Dans 1 immédiat àprès-guerre, il a greffé une écono·
proclamat ion du gaspi llage.
ludique.) Il faut mie d'abonçlaoce sur une économie de la rarNé, de ln nti$èi'C
à la machine devait répéter et prolonger le rnême. Et il a greHé le modèle américain culturel dans une
ine, la dépen se. L'éch ange symboli·
Identifier le jeu, la macb \OCiét� traditionnelle, rurale. Cette acculturation radicale a
que se perfe ctionne, • s'enr ichit •.
•utorisê ainsi un phénomène radicalement nouveau : l'im­
ma�e�ce de. l,'êconomique el du cuhurel. Alors que dans La
-.oc•éte tradH•onnelle, les deuJ< termes se dispOSent selon la
C. - POTLATCH plus grande distance possible et conservenc une autonomie
L'ETHNOLOGIE DU PLAN MARSHALL •dative certaine, la modernité sera l'immanence de leurs
rappons d'expression Le culturel sera l'e�pression des
besoins idéologiques du marché. C'est la définition de la
Nous ne ferons que rappeler les caractêrlstiques du \OCi�lé civile, que Hegel avait prévue et dénoncée.
potlatch. Car c'est tout notre livre qui sera la démonstration
que la consommation mondaine-cachée derrière la notion 1 Plan d'alde dOl USA • l'Euro)><. Du 3 avril 1948 a u 31 dlkembrc 1 95 1
idé<lloglque de • société de consommation • - n'est qu'un '*' po f
douze mHiiards de doit��ors furent fournis à sei:ze pays europ�en' (23 u
potlatch. Potlatch de la plus-value. lu Fr�nee) l..ct 516' comme don! 116' seulement comme p�t.

29
L'autre grande amnésie de l'intellectuel de gauche : le Se vendre pour manger ou se vendre pour jouer : le pian
surplus. ce commis vovageur du plan Marshall. L'extraordi· \lar&hall tient le� d�u� bouts Deux dressages. Mais alors
nalre gamme des surplus vestimentaires, machinaux, al!· •tU< l'indtpcndancc nauonaie pourra être rco:onqui<.e -
mentaires, etc Cet oubli s'explique en parue par la modemt· avmboliqueml'nt, d'ailleurs - lorsque le gaullisme aura mis
satlon de la boutique de surplus. D'abord ollicine d'un rn place le capitalisme monopeliste d'Etat, le suppiêment
produit d'une roret� et étrangeté telles qu'elles suppert ai�nt d'âme apportê pat le plan Marshall sera devenu le modèle
l'�lan de l'Imaginaire et du désir, elle cM d evenue le heu 1•rumotionnel de la mondanité juvénile. Excrois�ance mons·
méme de la banalisation de la marchandbe, du mélange des 11ueuse d'une grelle culturelle, animation machinale qui
mode� ct des produits exotiques. C'est ce processus de ••houtira à un monopole, soumission et servilité qui auront
banalisation qui est la procédure même de l'amnésie 1• 1 arrogance de se dire émancipation et libération.
La stratégie du plan Marshall - celle des surplus- va Les suq>lus utlli1aires sont des cadeaux. Et cadeaux de
révéler ln nature du potl<ttch. De ln même manière que le ·�s cadeaux : les machines ludiques. Double offrande, dou·
(llppcr et le juke-box nous ont permis de reconstituer l'acte hlr don... de l'impériali$me américain : le pain et le jcy,
magique et totémique. Définir le potlàtch revient à montrer l'utile et l'agréable, l'objet ct son mode d'emploi, la machine
la !.tratégic de séduction du plan Mnrshall. rt le rêve américain.
La conquête de marché sera la braderie des surplus, En échange ? Rien l I.e pur potlatch. Mais alors soumis·
l'offrande laite à la jeunesse du peuple de France, des jeux •llln par l'offrande ; conditionnement idéologique d'un mar­
du machinisme. Le mode d'emploi de la surabondance, du 'hl!, dressage du consommateur. C'est-à-dire tout.
factice. L'appât et l'usage des surplus. Et tout le reste suivra, Le capitalisme avait lo marchandise. Mais pas la ellen·
inexorablement : I'UDR, la mise en place du modèle de ide. En un rien de temps, il invente et produit son marché.
production américain (méprisé._ par de Gaulle 1). <renie du capit.lli,me.
Ces objets - du jeu capitaliste : llipper, juke-box, pester Le supplêment d'âme made in USA - ce bout de reve
- ne sont pas des surplus utilitaires. Mois des gadgets. Ils Américai n implant� dans une France qui crevait la faim -.
ont une fonction économique tr� pr�cise : ce sont des la ludicité du consommateur, va devenir l'idéologie néces­
primes à l'achat. Ils ont été le surplus publicitaire du plan ;alre au développement du capitalisme monopeli>te d'Etat.
Marshall, comme cadeaux, comme primes. Ce liOnt !es Le • génie • de ce cnpilnlisme est d'avoir ioventê un
enjoliveurs du plan Marshall. l
•utlatch en c;1scade;, en ricochets. Au potlatch de l'imp.!ria·
Le poster? L'image que l'on donne il l'enfant pour 10me américain, il faut aîouter le potlatch du consomma·
récompenser les parents de leurs achats. La déculpabilisa· h'ur franc;ais.
tion ùe dépenses au-dessus des moyens de la famille. Et N<)u� situerons celui-ci à deux niveaux : macrosoclal et
l'enfant Incite à l'achat, pour les images. Le père et le lils microsocjal. Le second niveau étant une répétition symboli­
sont les deux parties prenantes du plnn Mnrshnll. A l'un les j
'ue du premier. le ricochet d'un ricochet (tout un processus
surplus utilitaires. A l'autre les surplus ludique�. '<' l'expansion idêologiq uc est ainsi révélé).
En prime, un supplément d'âme. L'âme des surplus. L'implantation du plan Marshall (en France) autorise la
L'usage des surplus : la ludicité du consommateur : le rêve tupture avec la société traditionnelle. C'est l'accès au gaspil·
am�ricain. lug�. symbolise! par l'offrande faite à la machine ludique, la
Tous ces gestes ludiques seront comme des modes d'em· ptécctte gii�>�>êt! dans la fente. Il n'y a ni acte d'achat ni gain
ploi pour le bon usage du plan Marshall. Flipp.:r, juke·�>?x, l"»sible. Mais dépense ostentatoire pourune conwmmation
poster initient à la civilisation américaine du geste facile, uclusivement ludique.
car usage du surplus. Geste ludique, de con�ommateur Alors, différenciation et hiérarchisation. Avec les gens de
dé&invohc qui utili� et qui jette : supplément d'âme de la la m• et même IV" République. Avec une idéologie de
pacotille qui se lait culturelle. l'konomie sou à sou, des bouts de chandelle, du bas de
lntne. Idéologie de la privation (et même du sacrifice).
Morale du mérite : la consommation ne pOUVait etre que
1 . Oant noult proposerons les luis dans nolrt' seeonde partie : • La .elle du fruit du travail.
loalqu� du RWndain •· L'honnête homme se souviendra sans doute, n'étant pas

30 31
oublieux comme les arriviMes et les cyniques. de ces textes capitalisme est cette stratégie de la séduction,
de la soumis·
de J'école primaire (dictees du Certificat d'études, par 11on Celle-ci est conquête de marché et pratiq
ue ldéolo·
exemple) qui enseignaient la codification de la dépense. Et _
a•quc
dépense du salaire. L'usage du premier salaire - de l'ap· Tout adolescent - l'âge légal est sei�e
ans - peut
prenti- était même un rituel. L'enfant remettait fièrement .tccédcr à ce rituel initiatique. (Avant, son
désir doit mûrir
et tendrement cet argent à la mère. Caron manquait de tout, derrière la glace.) C'est le droit de toul citoye
n.
des bien> de subsist:anc�, en particulier. Parfois, certes, C'est aussi l'inversion radicale de la sensib
ilité adolcs­
l'enfant usait du prix de son travail pour quelque dépense •·cnte. L'apprentissage de la vic n'ost tllus l'appr
entissage du
pt:rsonnelle : l'achat de souliers, de vêtements. C'était une nléi!CI', mais l'np�rcntissagc du gasp!llage. (Apprentissa
g<l
dépense utilitaire. ��� ,1 usage symboltque. Imprégnation tdéologique
bien plus
L'honnête homme va hausser les épaules avec agace· qu accession aux moyens réels de cette dépen
se.)
ment : • Maintenant. nou� vivons une autre éroque. Ce n'est Cc qui cM déterminant, c'est la pédagogie
du jeu et non
plus pareiL • C'est bien ce que nous disons. Avec les raisons
.
!
telle_ �u t ava il; Des mHiions d'années-lumière séparent
la
de la différence. Le�quelle� ne sont peut-t!tre pas celles de -..:nstbtltte de 1 apprentt - celle de la misère ouvrière du
l'honnête homme. C'est ce qui le choque. Mais nou• ne (CL 1 - et la sensibilité de l'adolescent apprenti
de la
moralisons pas ; nous ne faisons qu'indiquer des procédures .onsommation libidinale, ludique. marginale.
Il faut vite
de consommation. marquer le corps de J'adolescence. Avan
t la marque du
Cet accès à une symbolique du gaspillage est le premier nrocès du travail. Pour que l'échange symb
olique - du
moment de l'arrivisme, de la promotiQn de lu nouvelle <'tmsommateur - s'interpose inévitablem
ent entre l'homme
bourgeoisie. Une nouvelle hiérarchi e - par la consomma· ''' sa production.
lion - est possible. Par un nouvel échange symbolique. L'acte de rupture - histor-Ique - de la sociét
é tradition·
Une piécetle permet de signifier le dédain d�s valeurs
traditionnelles et le mépris de leurs représentants. Comme
nelie et de la nouvelle société, se répèle
maintenant -au niveau microrelationnel
- symboliquement,
. Le gaspillage ­
cette provocation est facile el anonyme. n suffit de gli.ser la lltpper, juke-box:. poster- signifie encore
la même provoca­
pieœ à la nouvelle idéologie, à son animation machinale. tion et la même promotion. Mais au n
iveau de la vie
Tout un snobisme de mas5e est ainsi inauguré. Par quotidienne, comme radicale b;�na
li$liiÎon d'usages consa·
l'appropriation symbolique de la nouvelle consommation H�S.
ludique et margint�le. Exlraordinaire pouvoir totémique et Certes, le dernier bénéficiaire du potlatch inaug
uré par
symbolique : il peut snober la hiérarchie établie par l'idéo· l'tmpérlalisme américain répète le grand drame
macroso
logie de l'économie, de la valeur, des ):llérites, mépriser le ttal, la scène originelle de no1re çh:�mp socio-
culturel : la
sérieux d'un autre mode de production. conquête du nouveau marché ct l'écrasement
de la société
Cet échange symbolique autorise le renversement des traditiOnllcllè. L'acte étymologique, l'âète
[ondatcur du
valeurs : le ludique du néo-capitalisme dénonce le sérieux ­ •y�tème est rejoué. Mais dans l'indifférenc
e générale. Le
de la société traditionnelle. Et pour ce faire Il dispose de cet 11udique manteau de la banalisation recouvre
les significa.
alibi : ce sérieux est - aussi - celui de la bourgeoisie du tluns idéologiques. Quoi de plus anodin qu'un
juke·box ? Qui
capitalisme concurrentiel libéral. La promotion du ludique '
nt plus innocent qu un oueu j r de Cli pe
p r ? Les usages de
sera alors la dénonciation de l'oppression bourgeoise ! rupture - avec la société traditionnell e - et d'intégration
Le premier venu peut s'offrir ce potlatch : en gaspillant •u� mœurs du néo-capitalisme - ne font
plus probl�me.
- gaspillage dont le flipper, le u j ke-box, le poster sont les
.
tl oppo�ttton

f�ut est acquis. T?ul e ble joué. Appa
rl) remment plus
meilleurs symboles - il peut prétendre se meure au-dessus . Ausst qw s offusquerait d'usages insigni·
ct en dehos r de l'argent. Ou pouvoir traditionnel de la liants ? Oui entreprendrait une croisade visan
t à pourfendre
l>ourgeoisie. Ainsi il sc promeut dans la nouvelle symbolique lu banalité quotidienne?
de la consommation mondaine.
Celle-ci se révèle en son �ssence : un usage. Et noo un
avoir. Le néo-capitalisme- révolution des révolulions, celle
du libéralisme - permettra de }ouir sans avoir. Le néo- 1 CapJI•Utmc concurrenaiel libéra).

32
3

Second niveau initiatique .


Jeans, treillis,
cheveux longs, guitare
portrait robot. ­
Le prêt-à-porter
de la contestation

A. - OU MODÈLE
A SA CONSOMMATION DE MASSE :
D'HOLLYWOOD A L'INDUSTRIE DES JEANS

Pour cc nouveau banquet, une nouvelle tenue de sortie


'imposait. Le narcissisme de classe change de toileue. les
habits du dimanche deviennent démodés lorsque le diman­
'h� s'étale sur la semaine. Quel prêt-à-porter de la spoota·
fl<'llè?
Suivon5 la mode. Telle qu'en elle-mëme la vanjt� de
tllhse la change. Elle va meure la dernière main l la
panoplie vestimentaire des nouveaux usages mondains.
Quel derrière? Puisque la mode est son éternelle ct
•hongcante promotion. Et sa raison dernière.
1 1 sc portera en blue-jeans. D'un bleu dêl11vé, si possible.
1
rs jeans vous le corsètent à ravir. la troisième (Républi·
<JUC) corsetait en haut. La cinquième corsète en bas. Le
,hangement de République se mesure nu déplacement du
•""etage. Conquêtes de la frlvolilé, dites libératrices, crues

35
émancipatrices, voulu�s révolutionnaires. Les révolutions \rut que d'un derrière objet de désir. Le derrière de la
du liberalisme sont ine!!abl�. pundeuse doit s'effacer pour ne plus être que la silhou
t11venu:c par la libido capitaliste
eue
Jeans, toilene du liber.:k. Silhouette t'xquisc : le corse­
tage en basa!finc, mincit. moule, galbe. C'est vraiment autre Cette opération est réalisée par les blue-jeans. L'eurêka
chose. Porter desjeans les pattes au ras du sol lait gagner
• • tlt- la mon�anité : l'uniforme du désir, l'objectivat
un surcroît d'élégance et de sveltesse désinvolte de cinq ploullocratoe. Voici le nouveau corps pr�t-à-porter. ion Le
de la
corps
centimètres au moins. (Et camoufle les talons hauts. Double tlu dé�lr. Le, couturiers peuvent allqr sc rhabiller. Les
bénéfice.) Du côte où, pour la plupart des lemmes et pour uoc1déh�tc:s doivent se soumettre au modèle.
bien des hommes, cela a tendance à être court (d�s palles de Certes, déjà la mode était descendue dans la rue. L'élcl­
derrière). tncc
. de;• modélistes était devenue <;o!lle du prêt-à-porte
Le cul est devenu une silhouette. Et quelle silhouette! 1 omotatoon de Chanel. Pour un derr.ier combat de r.
d'm rierc -garde. Une banalisation chère. ' rue
Celle de l'archétype hollywoodien. Les eans, j à l'orig!ne '
tenue de travail, permettent de camouller cette promotton Alol'l>, la femme pauvre élégante. La toilette de la femme
mondaine, du derrière. Et la tenue de vulgarlsatton holly· 'lill ne peut la porter. Quel style : ta préte
woodienne sera le symbole du mépris d'Hollywood. de toute hourseoise de maman, affichée, proclamée. Lantion copie
petite·
de la
sophistication mondaine (constante inversion des signilica­ 'upt� comme bonne tenue, re:,pectueuse.
tions de la réalité par les signifiants mondain�). Hollywood Le blue-jean permet de franchir d'un bond
est descendu dans la rue, et les idéologues diront que la no veaux �e l'étiquette bo�rge�ise, pour revêtir le barriè res et
corps idéal,
jeunesse tourne le dos au passé, qu'elle méprise le� modes ! • o•lui qu Holly,vood a mts s1 longtemps à forger dans son
Promotion du derrière :Il est devenuenfin une solhouette udooc lt rêver. Les jeans permettent f.l:e
passer de la robe
et celle-ci est celle de la mode. Une matière a pris lorme. Ce llt<l<lèle au CQrps modèle. La toilette était valor isante du
qui était en puissnnce est devenu en acte. La sexualité a •uuturicr, de la mode. Elle revêtait le corps, Alors que les
revêtu la mode. 1<''"� donnent forme - parfaite - au corps. Le corps re­
Quelle séduction 1 Quel triomphe narcissique ! L'objet lnHnt� ! Une autre peau.
lourd, gros, obscène, la !emme encombr�e de son derri�re, La forme culturelle, d'abord prototype
de l'usine à rêver
culpabilité secrète, pesante, pendante au dos (étalée çur la t reproduite en série. C'est le modèle parfait qui deYieni
poitrine) s'el!ace et devient la silhouette longue, fine, souple, ro.t-a-porter. "· sulfit de l'endosser pour
se l'appr
galbée élégante sans le vouloir nonchalante, d�contrac·
• •, Bl.ue-jea_ns, reve de femme 1 A ln portée de toutes,oprie corps
r.
tée. Llbre. Autre. L'unisexe. Pour revendiquer l'identité r•o!att rcvetu en masse. Enfin une féminité désencombrée
(laquelle?). Ir la rnaternjté, le sexe sans la reproductio
n, le désir sans le
Le couturier vous faisait porter la toilette : toute une 111n1·ia�e Cl le '!lariage avec le divorce. Le corps libre,
civilisation. Et celle-ci s'avérait non seulement incapable de n11turd, spont , ane 1 Le corps sans la toilétte ! Le corps sans la
résoudre le problème mais aussi de le poser : que faire d'un mode- 1
derrière qui révèle, dans le moindre geste, à travers la (.''est toute l'idéologie de la libo!ralisation qui est endos­
sexualité, la maternité, Cet élargissement du bassi�, celte avt'C les jeans. Idéologie sans laquelle ces e j ans ne
disposition de l'<». iliaque, qui proclame la fonctoon de ••ocnt qu'un banal instrumt'nt de ln mode.
l'espèce en même tempb que le désir de la créature? Oucl truquage mondain ! Le corps comme silhouette à
Le couturier ne savait comment s'y prendre : le cacher l 11cr, pur fantasme phallocratique, inven
lhnne, pr�uit d'im ponationaméricain, le corps tion hollywoo­
ou le révéler, le révéler en le cachant ? Ce qui se révélait, -image, le
alors, c'était l'ambiguïté du statut de la femme ; objet de ''ps de séne - mats _ corps sophistiqué - la
lo n•ttc soph.istication, seront proclam•ês le corpsrisati vulga on
désir et moyen de reproduction. Et à mesure que la �our­ libéré 1
geoisie accède à la société civile - à la sphère des besoons­ 1 uooi!orme d époque sera le symbole de
l'émancipation.
l'icléologie du désir se développe de telle manière que le f\•1 est l'échange mondain : le bon
derrière, moyen de reproduction, est de trop (de �u�n.s, lui. 1'homme invente la lorme d'un usage de la mauvaise
désir qui n'est plus
Fragonard, Delacroix, Renoir à Van Dongen et Modtgltam). j" un fantasme. La femme soumise incarne, objective,
Le nouveau bourgeois devenu le parlait consomm31eur ne • uront' corps à ce désir. Son émancipation est son all�geance.

36 37
Celle docilité est bien curieuse, bizarre... Cherchons le IIIICrre contre la phallocratie. Elle$, qui sont si peu fêmini
·
&&ln - féministe - de cette soumission libératrice. uo·s, accèderont à l'essence de ln féminité : l'ident
it� 1 Très
Les jeans sont devenus la mesure de toute femme. fls honne affaire, c�mpcnsation symbolique ct transfe
rt p�y·
imposent un inexoJ"llble êgaUtarisme mondaon. Et la terrible •hanalytique quo est une excellente catha
rsis. Et un réel
�élection cachée par cette commune dimension (comme pouvor i .. sexiste, de séduction autoritaire car mainm
i;c sur
dans tout groupe ou communauté qui se prétend égalita· tlt• jolies bécassines et de vieux perdreau� cultur
els. Et ;ur
riste). Nou> proposerons cette mesure comme l'élément plusieurs colonnes de l'édition littéraire du
Monde.
privilégié d'une classitlcation. Comme approche d'une ana­ Double système de promotion mondaine, d'arr
ivisme des
lyse des rappons de la féminité et du féminisme. ••·mmes. Accession au statut de la femme libérée
. Mais,
n y aura donc celle$ qui en portent ct celles qui n'en longtemps unies face aux non-porteuses, en
une première
portent p�s. Deux mondes. Tout Je monde ne peut pas 1wriode d'implantation de )a mode. ces femmes vont
entrer
habiter le corps de 1'1..1sine à rêver 1• Parmi celles qui portent, <Il conflit. Et justement de par leur
succès. Processus banal
deux sous-ensembles. Celles qui peu,•ent et celles qui ne """ prises de pouvoir (on s'unit face à l'adve
rsaire puis on se
devrai ent r,
as. Deu� autres mondes : les dindons et les d«�i� pour mono_poliser ce pouvoir). La uerr
g e civile du
reines. Cel es dont le cul, par les Lcwi's, devient divin ct ltmonosme (et sa ftn) succêdera à la fin d la
e jeune (flle
celles dopt le cul devient un • gros pétard •· Celles qui sont ••ngée.
encore plus femme d'échapper au destin vesdmentairc de la A un moment ou l'autre, inévitablement, cc règlem
ent de
femme et celles qui, croyant échapper à ce destin, le mettent wmpte : • Elle est con - Elle est moche. •
L'union sacrée
grotesquement en valeur. fn,e a� non-porteuses ne résiste pas à la guéril
. la de l'identité
Trois ensembles (qui contiennent une multitude de sous­ ftmtnoste et de l'éternel féminin, ces deux
statuts de la
ensembles). Trois ordres. Trois types de femmes. lemme qui ont permis sa promotion mond
aine. Statuts
Double tare des non-porteuses, dénoncées par la conver· ltlt·ologi�ucs qui ne sont ni au féminin ni au
masculin, ni une
gence des mépris, comme pas belles et vieux jeu (les dindons ruoduc11on de 1,homme ni unè production de la femme mais
les désignent comme rbcs et les reines comme vilaines). Les ur" production commune selon les valeur
s culturell;s qui
porteuses s'accordent même pouo· dire que si elles ne sont Jkrmettent à une nouvelle classe sociale de
prendre le
pas belles e'cst ·parce qu'elles sont réacs : elles n'ont pas ��� puuvoir idéologique. Complicité profonde des
hommes el
s'épanouir, se libérer. elles sont restées soumises aux car­ d··• femmes qui profitent de cette p1·omotion
. Au désir de
cans de la mode bourgeoise, conformistes. 1 homme deven
! � le fantasme Imposé par Hollywood et
Les porteuses accèdent à un nouveau statut de la lemme, londustroe des jeans, corn respo d l'émancipation de la
poHtico·mondain. 'Les belles filles vont encore augmenter f�rnme, devenue leur promotion mondaine.
Ainsi se forge
leur pouvoir et dénoncer Je • sols belle et tais-toi • (quitle Îl t unité de cl11sse, le pouvoir du libéralisme,
le monopole
se refaire lemme-objet, au moment voulu). Elles auront un •ulturel, l'encadrement de la social-
démocratie libertaire.
langage, politisé, contestataire, subversif. Belles, oui. Mais
intelligentes, aussi. Vigilantes. L'anti·femme-objet (Joan
Baez).
Alors elles supplantent, dans la to:-rriblè concurrence 8. - LE VISAGE DE LlDÉOLOCJE
mondaine des femmes : les dames bourgeoises, les dindons
et les autrCl> belles fillt:l> (qui ne sont que belles).
Cet arrivisme mondain se complète de l'autre arrivisme • Cheveu� longs, cheve
ux lon&s. • Ah ! ces cheveux longs.
féminin par le féJl)inisme. les dindons, ou les plus vieilles Tobou suprême. Ne touchez pas à la femm
e blanche qui
(ou moins belles, car être moins belle peut être une blessure Jmtte la culott e : tabou néo-féministe. Ne touche
narcissique, en l'espèce, pire que de ne pas ètre belle) vont
politiser et inteUectualiser l'affaire à outrance et mener la
l'une h�m �e qui porte les c?eveux longs : autre
•mancopatoon. Ces idéologtes du néo-lib�ralisme
z pas au
tabou de
�ont
'""'CS : elles garantissent leur impunité en invers
ant leurs
•wniliants. Et comme dans l'ordre mondain
seuls comptent
t. Eo par1Jcu1icr à �auAf' d� tetriblc.-s c:uloltd de �h�val. lo• signifiants ...

38 39
crédulités. Ou ses • ummc toujours les martyrs de la cause ne seront pas de la
Chaque époque a sa foî. Ou ses de ceux qui en profitent.
merite. La belle âme
affectations. On a les fervellrs que l'on
1 A<C

ns et révo ltes. Et q,u'importe Cette mi�al:'derie de combat - les cheveux longs - dit
exhibera toujours ses indignatio hl�u le narcosstsme de Ses enJèux. Elle est la réussite d'une
lutio ns plato niqu es, l'essentiel n'est-il
le prétexte de cc:s révo lungue quête, phrénologique. Une époque cherchait on s
et • l'indiHérence � ?
pas de dénoncer • le conformisme

aux cheve uK longs (Heur) vl•age. Et elle le trouve, lorsque l'adolescent découvre le
Certains ont voulu €roire
comme d'autres à l'Alsa ce et à la Lorra ine. Comme d'autres 1"''1'11 de son narcissisme et la classe sociale la figure de sa
nie, tous tes trafics de •ductlon. Le charme [ou du néo-capitalisme.
aux reliqu es. De simo nie en simo
de class e. Les cheveux longs sont l'arrangement parfait de la
signes constitueront une sémiologie • vlsagéité • de l'époque. C'est la dernière touche du poster.
at 1 Admirable et
Quelle entreprise l Quel )ong çomb .
Il• uu!onsent un nouveau cadrage-montage du visage. Celui­
: prom ulgue r un narc issism e de classe - caste en
grotesqt�e '1 hn1te la photo d'art au point de devenir photogéniq1-1e.
le déris ion. Mais quel
symbole chéri de la liberté 1 Quel .
1rlle cotffure permet même d'arranger la • choséité • (la
e que la [rivol i té est le sél'ieux de
pouvoir. Le mondain révèl .
l'idéologie . Faire de la libér alisal i\)n la Ubert e de
.
1� m'?de. olunnée osseuse, tendmeuse), de modifier la physionomie,
so1t la lrber te. 1 �>tpression d'ensemblè des traits. Les cheveux longs
Avoir des martyrs. Pour que cette mode
Geme
•at·hent les oreilles décollées, le crâne aplati et le citron (de
de la bourgeoi$ie. l .lntellectuel). De même que la barbe - autre usage idéolo­
ent idéologique 1
Et quel tact, quel sens musical du mom e, autre message du poil - permet de cacher le menton
naire - mode de !a •lttu
Ni avant, ni ap�ès : la mode révolution luyant ou en galoche. Ce n'est pas à dédaigner.
la mode -es t un mom ent subtil,
révolution et révolution de .
M11os ce$ cheveux longs permettent surtout de suraj9uter
ble, mais néce ssair e. Math émat ique et
précis, imprévisi lUit' pl!ls-value esthétisante au visage. Ils aménagent la
: vous agace z ou vous
musical. Avant : vous [aites l'ire. 1\p(ès l••liesse : flou artistiqtJe, {ond scénique, auréole : boucles et
[aites sourire. Pendant : vous régn ez.
ndes affinités, uudulations frissonnantes, cascadarttes, ruisselantes sur les
Quel mot d'ordre mystérieux. quelles profo
J'omb re ces héros fJlnules. Ovale cadré, affiné, a01·éolé. Portrait encadré d'un
quels s.ens s!lbtils ont rait cheminer dans 11•1 décoratif que le visage en est stylisé, purifié.
but : les chev eux longs ? Pour
de la nuit vers le même
un mot d'ord re. Le Il aura cette touche, féminine el tendre. de l'homme pur
soudain en Jaire un cri de ra11ie ménl .
diantine. Le pouv oir c•t fomanttque. l'iconographie spiritualiste et idéaliste a
pouvoir de ce qui a été une caste. l'estu houjours enrol!é de celte auréole enjoliveuse le visage de ses
d'une idéologie. mc&sagers. Le Christ, le romantique, le hippie, 8.-H. Lévy...
• Comment en un plomb vil l'or
pur s'est-il [ondu ? •
C'est tout le processus de la récupératio
n qui se révèle. 1 lie est devenue même le meilleur moyen de la récupération
signi fiant : l'idéal est 1�volutionnaire : Guevara.
L'idée devient symbole, le symbole
ution se chang e en sémiologie , Alors, • la visagéité • est de l'ordre du décoratif et de
devenu 1� mode. La révol 1 ornemental. De l'enjoliveur. Le visage de l'époque est � )a
mondaine. lui� IIT\age d'Epinal. icône saint-sulpicienne, poster améri­
risme cullllrel et un
Putsch mondain qui devient un terro
un éclai r. fulgu rante stratégie, tout lllln et photogénique.
arrivisme politique. E'l c�u_e a�féterie mi'?audeuse, photo truquée de ramille,
pouvoir est inimitable.
le tenain a été occupé. Le signe de ce 'llh•spc-atlon �ondame, est le nouveau visage : celui de
ième génér;ltion dés
Quand il sera contrefait - la deux 1 ,'urc�letype de epoque. Il est la figure même de l'idéologie.
1
les a�tre s - il n'est plus que
cheveux longs. et t.olltes 'ion mcamation.
mass e. parta ge des miet tes, ralliement
mimétisme de Le cliché s'est substitué à la singularité, l'image au
d!l pouvoir seront­
d'après la victoire. Aussi les dépouilles l .
wrtralt; l'ei<pressiol) de la sensibilité est devenue cellè de
Quan d les appr entis -sur le
elles abandonnées au vulgaire. 'Idéologie. La visagéité n'est plus celle de l'individualité
x porte r�nt les cheve ux longs ce sera le
tas - et les bouseu d11gulière : la tête du portrait, sillonnée, ravinée par l'his­
�,till est ailleurs. Et
signe de la démode 1 • Le pouvoir mond luire. Unique. Solitaire. Mais celte face anonyme : l'idéolo-
11 1� tel�e !!u'ell� se por!e, uniforme devenu chàir, servilité
1. AlOrJ le pl,lnk, mi•'i�mode s&ns commune: me!ure nvec
le phénomèoe
Incarnee Ju�qu à devenor l,expession r du visage.
social des çhc,•eux longs.
41
40
Ce visage est un signe, un symbole, un message : celui du de l'époque? Un instrument, gracieux, mélod
ieux... Vous y
• naturel • 1 La visagéité est cette nouveauté culturelle : le �tc•..
naturel 1 Le charme d'une nature enlin atteinte, révélée, tu gu!tnre. E_h oui, la guitare 1 Un air de
,•>bjct. C est-à-d guitare ? Non :
vécue. Visage du libérateur. 1 1re le signe. Le s mbole.
y
Le montage mondain est proclamé cri spontan�. pulsion­ Qu'importe d'en jouer. Il suffit d'en porte
, r. Bt parloi§
nel, révolte l Le signe le plus artificiel est ascèse, quète d lill gratter.
dése�perée (admirable pose) du naturel. Toute-puissance Alors. jeans, cheveux longs. guitare : la panop
lie est au
d'un signifiant idéolog•que ct mondain au point d'atteindre •urnplet. Trois signes fulgurants
. : l'uniforme de la liberté.
l'archétype. 1u libe•·te de l'uniforme.
Comme si toute imitation de la nature n'éiail pas le
commencement de l'art. De l'art-i!ice. Un signe est d'autant
plus idéologique qu'il apparaît • naturel •. Laisser pousser
les cheveux, ce n'est pas naturel, mais culturel. C'est unè
déci,ion, un choix, un signe. Celui d'une nouvelle nature.
Celle de la nouvelle société. Nature de l'idéologie.

C. - LE PETIT RIEN QUI FAIT LE MODÈLE

Jeans et cheveux longs... L'image n'est pas encore par­


faite. Une enluminure manque à l'icône. Oue faut-il de plus
pour que la silhouette se profile en sa bouleversante nu'"'""·
dans 1� crépuscule tendre de l'Occident bourgeois? ........�u·
le je-ne·sais-quoi. témoin de l'ineffable, q ui rehausse
rien le classicisme d'une tenue pour en loire le tout
modèle. Ce que l'œillet (à la boutonnière) est au smoking.
que l'ombrelle était à la toilette de la e j une fille de bonne,
(amillc. Elle se déployait pour déployer les grâces m11nnuo-:
deuses d'un corps-social à la fois languide et prude.
Instrument du faire-\•aloir narcissique manque à la tenue
sortie de l'émancipation? Que faut-i) de plus pour que
nostalgie nous soit enfin cc qu'elle doit êtr<:?
Honnête homme, vous l'avez. au bout de la longue. Et
• Ah, oui • VIl confirmer que vous ne vouliez pas le dire

en le sachant bien. L'inconscient - ce [ourre-tout de


bourgeoisie - n'appartient pas au psychanalyste, mals
l'idéologie. Il est le non-dit :le rdus de dire. La volonté de
pas savoir ... ce que je vous souffle...
Mals si vous vous refuse:t. encore à dire ce que vous
voulez pas savoir... n'est-ce pas la preuve de votre compl
cilé ?.. . Complicité objective, collective, idéologique
inconscient collectif.
Alors? Que manque-t-il à votre connaissance
vous reconnaissiez votre idéologie dans la tenue idé:olcogictue

42
4

Troisième niveau initiatique


l'animation machinale. ­
La statue de Pompidou

A. - L'ANIMATION MACHINALE

L'époque est à l'animati9n. Humour noir du capitalisme.


MIJL du manque d'âme. Mot du • supplément d'âme •·
Prodigieu x pouvoir de celle animation : elle donne la vic.
1�Ile de l'idéologie. Le capitalisme va animer le corps de la
m�me manière que s'anime la matière.
Celle de la statue de Condillac. Ce philosophe sensualistc
a\llit reconstitué le corps à partir d'une statue vierge.
1n1nimée. L'expreuion corporelle, la vie elle-même se déve­
luppaient en même temps que les sens animaient 101 staiUe.
1undillac voulait montrer que la vie peut s'expliquer par la
ule vie des sens. Et que ceuJ<-ci ont méme comme effet la
lk'n>�. l'intellect n'étant que la synthèse finale des sens.
Le capitalisme procède de la méme manière : il anime
'"'" statue de chair des sens -au double sens du terme -de
l'Idéologie. C'est la synthèse de ces animations qui sera le
·'••cours idéologique. Tel est l'ordre généalogique :de l'ani­
m.ition corpoo·dle à la vie de l'idéologie. De la matière à la

45
pen�L'C : de la vie mondaine a11� repr�sentations idéologi­ d une extraordinaire vulgarlt� narcissique : des nippes
,
ques de �e vécu. •urplus vestimentaires du capitalisme.
La statue de C,ondlllac nous permettra de reconstituer SI des signifiants aussi pauvres ont le pouvoir de dont!Cr
l'animation sensible du capitalisme. Mais nous devons alors vi<•, c'est qu'il n'y avait pas d'antériorité subje
ctive ou
la débaptiser : Condillac était un philosophe des Lumières ��nll.menta le. n ne [aut pas chercher d'intentionna
lité
alors que l'animation capitaliste est un obscurantisme. uthe c. Les affects se�nt la consommation de ces signj­
.
lconts Affects des s•gmliants ct non signjfiants des
Celui de la • civilisation • capitaliste. Car c'est au moment affects ·

Où le capitalisme monopoliste d'Etat - en France - y,,. machinale.


s'ac('omplit, triomphe, que la statue atleint sa perlcctlon Le �estuel du costume porte en lui-même ln premi
ère
machinflle, grâce au supplément d'lime du régime pompido­ ·�1lmat10� machinale : flipper, juke-box, poster. Pas
besoin
lien, ce monarque éclairé de l'obscurantisme capitaliste. J upprenhssage, d'essais et Cl'l'eurs. Porter sa silhou
ette est
C'est le moment majeur de l'intégration permissive. Aussi "" ' �i �avoir user de ces objets. Ce n'est pas une nouve
lle
appellerons-nous la nouvelle statue, statue de Pompidou. • .
t-t•tat ton de � estes. mais un élargissement du champ
Le néo-capitalisme est le nouveau maitre sensuahste, à antucl, un raffinement des effets de silhouette.
penser et à de-penser Il dispose de fabuleiL� moyens expéri­ Tout naturellement, sans transition, sans m�d
iation
mentaux. Son laboratoire : la vie. Son matériau : la e j u­ ..n, a�prentissage, l'�nimation machinale prend
en charg�
nesse. Son but : le dressage sensualiste du corps. Son ll�Mm
Ir, du mannequ•�· Le corps va récevoir tous les gestes
pou,•oir : l'animaUon de la matière. A partir d'une table d us age. Usage do sa v1e. Il devient fonctionnel. L'automate
rase, la sulfisance sensualiste se lera monopole. Pour en drvlcndra système de fonctions.
venir a un jmpérialisme des sens. C'ar l�s objets veulent des gestes. Des gestes d'usage. Ces
Le sensible engendre b•en le sensible, car le sensible, par 1 les dli'Ont des mots. Gestes et mots feront des actes.
Et
définition. celle de sa dynamique, tend toujours à déborder lctes seron1 alors des affects. Ou sensualisme à l'allec
ti­
le sensible. D ne peut que surenchérir sur lui-même. Sa �ltt : aHectivit� sensualiste.
croissance est excroi�Mmce, sa reproduction prolifération, l'elle est la mise en scène de l'animation capila
liste. Le
spirale infinie d'une finalité sans lin. "'r>s est doublement animé : pàr la machiné et
par le
la statue de Pompidou sera bien plus belle que celle de l" " '�· Deux dynamiques de la machination idéolo
gique.
Condillac. Car le capitalisme apporte une animation >cnsua· Des le principe, le corps est ogi par la dynamique de
liste qui mvestit et déborde très vite les .ens du corps. Sa l•u upe. Les usag�s des objets initiatiques som les gestes
d un groupe très mfotmel mats .
machination est telle qu'elle impulse. dynamise, déborde le homogène. Mëmes obj ets,
sensualismc propre à ce corps. Les sens sont aljssit6t dopés, n•�mes gestes, m!mcs m ots. Qui se ressemble s'assemble'
drog1.1é� par l'animation machinale. Très vite alors, fllli •e plait s'imite.
grelle monstrueuse, d'une animation machinale sur la !!change du signe du groupe (du totem) - signe
. de
des créatures. Les sens sont exaltés et multipliés, emlDCir1c�s •h;m�e. Une dynam1que de groupe, factici
té chaleureuse
l1111nat1on du corps, récite la première geste du corps
par la démesure. Mach1nale surenchère, sans co1mro•e
&..- •urps du mannequi� devient le corps du group
social:
sans lin. Livré à lui-même, sans régulation structut·al,e. e. corps
hlll\•duel se construit et s,anime par la dynam
Le
l'organique se cancéri8e et devient pure idéologie. ique de
Le mannequin est déjà en place : sur les tréteaux de l"'upe.
.
.

r nn•mat10n spéc•l . .
scène mondaine, il pc>se : jeans, cheveux longs, guitare. Il •quement machinale sera d'abord ce
le port du corps du prêt-à-porter. Son animation n'est qui vient ?e !a machine qui mc t le corps, mais aussi
•.
1;1 ce qui
celle de ces objets : il vit leur vie. Comme la guitare se du <O �p.s 1mttc la maclune et repète le jeu de machine. Le
comme on se coilie, comme on use ses jeans. n est le� " •h1msme � ppone une • création continuée • du corps.
de ces choses. Il est vêtu de signes, il �·anime de '" la m achine, le corps du mannequin arréteralt son élan
Ce corps de signes, gestuel du costume, est le oremi•el • •rait incapable d'apprendre autre chose.
éveil de la statue. Un baiser réveillait la Belle Mals de par le machinal, le corps a une rn�mo
lre : la
dormant, une odeur d� rose éveillait la statue de I.UilOII 1 r•�tltlon mecanique de ce que la machi
ne lui a appris. Sans
La stalue de Pompidou. elle, s'anime par des incilat ""'une innovation. Rabâchage aussi machinal
que la

46 47
machine. L'animalion de la statue &e lcra selon ces deux Le gentil Jean de la Lune est devenu mot d'époque : le
dynamiques : la dynamique de groupe ct l'animation •••·bile. L'ahuri c�t un demeuré. Le rejeton g eignar d, pleu­
machinale Une extraocd inaire empathie naîtra de leur r<ur, peureu�. pouFsif a grandi. C'est un taré. Et Il va encore
fusion, reflet vitaliste de l'animation mêcanl$te. Un rythme, po usser : c."est un raté. La terreur de toujours de toute
une complicité organique, un code mondain. lam•lle arrtvée. le fruit sec, mûrit en série. sans vergogne.
Suivons la bande. Elle va produire le corps de la d11ns les serres chaudes de l'éducat;on libérale-pcrmi��ivc
machination capitaliste, le corps de la statue. Le type qui vou� dilapide un héritage en cinq sec. Le
poids fl!Ort qui devient le parasite de la famille. Celui qu'il
f•Ut tramer comme un boulet, enfant, adulte, vieillard. (Les
•nfonts demeurés font des vieux agités : il leur en faut du

B. - LA BANDE - LE! PARCOURS 1<mp$, pour s'éveiller, au sexe, en particulier J) le pauvre


DE LA MARGINALITÉ. Il tle que les parents portent à bout de bras. Et qui sera
tncnpa?le de gérer la boutique quand papa ne sera plus là.
1<" qu1 étal! lu secret des grandes homilles ' le débile
libéral s'est •urnouflé, planqué dnns quelque école privee de la Drôme ou
L'Instruction ci\•ique de l'Occident ,
s : le boy-scout ct ,j,. 1 At-d�chc, le demeuré, terreur et panique des dynasties
temp$ satisfaite de ces deux institution lM>urge<Hscs, s'étale maintenant au grand jour de$ classes de
initia it parfaitement à
club. Ce modèle anglo-saxon •attrapage.
. Le chic
����::;
tradi tiona liste, répé titive
société victorienne,
devait deve nir un gentl eman . La maît rise de �
soi s' c i L'autre face du caractériel : Jojo l'affreux est devenu un
t. Alofb l'Em p;
ire d•voyé. Autre terreur des dynasties bourgeoises. Le mouton
�it en héroïsme hautain du solda nuh Le gosse sournoi�. Celui qui oue j de vilains tours aux
et les guerres hégémoniques des nations. luco� et au� chats. Qui en lait voirde venes et de pas mures
dans la ".atLtre.
Le boy-scout apprenait à se débrouiller
ent. Pour maitnser 1� bonne et à l'instituteur. Qui vole les parents. Qui les
Le civisme naissait de cet affrontem cnace. Qui fait des colères terribles. Qui a de sales
se soum ettre à la disci pline de <m>uc"'
nature, il faut savoir hl toires. Qui commet des indélicatesses. Qu'il faut chas�er
. Pour
Le boy-scout était armé jusqu'aux dents
•· Toujours prët. Le
club Prl nge
))o; : ail Ou qui s'enfuit, un jour, après avoir volé l'argenterie et
• puér ile et honn ête
ervat oire des bonn es mloniè­ Ktvert le gaz. Contre qui on se cadenasse. Oui finira mal.
cette Instruction civique : cons Ces deux terrJbles ligures de la décadence de classe ont
d'apr ès le thé, d'apr ès la camp agne ,
res, de la virilité lait un saut qunntité-quallté. Cas d'espèces du temps de la
gentlemen
le trnvail. il avait inventé une intimité de '"lété victorienne, Il$ deviennent des séries proliliques.
d'en bas ct des soucis
cement protégée du monde hüUIIIcs, au nive11u de la société libérale avancée - dans le
1'économie dès mén ages .
elle pro:pa;rat pnun·issement de la sodété tradltionn�lle.
La nouvelle instruction civique, la nouv r.-lles sont les données socio culturelles. La nouvelle
relev er d'un e
au métier de boutgeois va n tmction civique va les utiliser au mieux des intérêts du
Le n6o.c:apita
dHférente et d'une grande originalité. •• libéralisme. Pour une nouvelle éducation. Pour une
face à la situa tion. Celle du plus grand dê!>armem<m
su faire •uvelle stratégie iMologique. Elle va se servir de l'échec
e. Mom ent où le
moral de la société bourgeois
bourgeois est totalemen t gâté. Alors la • société de COlr>S<>mi hJ<ati[ de la société traditionnelle pour la promotion des
d'élevage • · u,·c:lles valeurs. La dégénérescence de classe sera le
mation • e><ige une nouvelle • structure ""''n �u. renouveau de la classe dominante. La dynamique
une nouvelle culture de classe.
re de la 1 amvts� e va naître de cette décomposition éducative.
Deu>< terribles tares rongent la cultu
de la dégén ércsc e�ce de 1\lraordtnalre culture du négatif, révélatrice du pouvoir
traditionn elle, deux s ig,tes
faces de la mem e '"•'"""'� •enouvcllemcnt de la bourgeoisie. Ce qui tendait à
le débile et le dévoyé. Les deux '"'''cher la reproduction de classe va au contraire autoriser
nts bour geois ont cach é respl endit sur
Tout ce que tes pare "' tadicale mutation. Ce sera la culture par la bande
leurs rejet ons. Tout le non- dit de leurs rar>nor•
face de '"" �lnalité) de la b;�nde.
le front de 1'pnf,,�
intimes s'inscrit en lettres lumineuses sur .
( est tout un nouveau rituel d'initiation. Non plus à 111
• dlf!tcilc • , du cara
ctér iel.

49
48
société victorienne, vertueuse, mais au lib�ralisme, à la libre du s:auvagc : rompre le lien ombilical, abandonner l'adolcs·
entreprise, à la magouille, au système !l· ••·ni à lui-même, pour qu'il apprenne à se débrouiller, et par
. ..
Il faut déniaiser, dessaler, alfranch1r 1 endormi, 1 ahun.
. �<•us les moyens. Lorsqu'il aura fait ses preuves. il pourra
L'enfant trop sage doit être très vite préparé à C'es allronte· pArticiper à la société adulte. Mais alors que le sauvage ne
ments.ll faut qu'il soit . à la coule •· Qu'il en linisse au plus lait que r�pétcr- symboliquement -le Même, la structure
vite avec ses rëvasseries. De même l'agressivit� doit être tttbale, la bande elle, assure une mutation. Elle invente de
rkupérée, détournée, canalisœ. Pour faire des leaders, des nouvelles valeurs, de nouveaux modèles. Elle est le lieu du
chefs, des animateurs. olt•venir, de la mutation interne. En elle. l'essence du
La bande doit établir un équilibre entre ces deux extrê­ "J>italisme : la rêcupération idéologique du progrès.
mes. Une norme d'usage doit apparaltre par la dynami que L'Occident libéral a fait du roman d'apprentissage de la
de groupe. Une nouvelle culture doit permettre de transfor­ l�t•urgeoisic un modèle pédagogique et unç norme initiati­
mer les défauts personnels en vertus de classe. Le rêveur et quo•. Apprend1·c à changer, pour continuer ; à bouleverser,
l'agressif doivenl se corriger mutuellement, Pour ne pas 11nur préserver; à abandonner. même. pour retrouver. Le
devenir des demeurés ou des dévoyés. Un� nouvelle synthèse tinapage contrôlé sera le brevet de bonne conduite. C'est ln
doit concilier les extrêmes. l'•' sntion de> pouvoirs d'une bourgeoisie traditionaliste à
Ainsi s'opère la sélection. Ainsi sc:ront écartés les incapa­ IUil' bouraeotsie libérale et permissive. Comme conti nuit� et
bles, les trop ou les pas assez. Ceux qui témoignent d'un tc·uforcernent de la classe bourgeoise.
sy't�me éducatif • sclérosé • ligê su; des voleurs.• dépa�­ La bande est la médiation nécessaire. Entre la société qui
sé.!s • et qui ne peut plus que fabrtqucr des rates. Rates défaît ct celle qui se refait. Entre la famille en crise et la
d'une vertu impossible, ratés de la praxis, alors. Ou, caracté­ lamille des nouveaux parents (normalisation du permis$if).
riels de classe, irrécupérables car incapables de s adapter. �111re les situations perdues (de la gestion colonialiste) et les
de changer. Trop débiles ou trop violents. nouvelles affaires (du capitalisme monopoliste d'Etat). Entre
De nouveaux leaders doivent surgir. Ceux qui s'avèreront 1 débouchb traditionnels et les nouveaux métiers du ter­
ap,tcs aux mutations les plus brutales. Qui feront preU\'e lllue et du quaternaire. La bande autorjse la rupture avec la
d initiative. Oui sauront composer, participer, s'intégrer. "l�té traditionnelle et l'intégration à la .nouvelle socié�.
Ceux qui. livrés à eu)(-roêmes. sauront ne plus répéter un Car la bande permet la production çl'une empathie
rituel de classe qui a perdu toute clficience. • La sélectio� )'<'<ilique du néo-libéralisme. EUe détourrte. récupère les
_
naturelle • est terrible dans celte espèce sélectJOnnée, rafli­ "'"" sentiments cultivé� par la famWe traditionaliste. Pour
née par l'histoire : la bourgeoisie. Car elle doit la 1 RJapter aux dures réalités de la vie. Ce�tes, à un niveau
survie de l'espèce. sa reproduction matérielle èt httll<tue, symbolique, expérimental. Mais a,Hrontement qui
La sélection, contre les autres espèces (féodalité, nr.�'"'�· I IIICl de dépasser la naïveté famjlialist.e du petit bien
riat), passe par la sélection dans l'espèce. Pour appr�ndre !'­ 1 ,.,. Sans que celte émancipation tourne mal. Bien qu'elle
maltriser les autres classes socinles. le bourgeo1s datt ll�<>nlll le mal (symboliquement). Ces preuves faites, la
apprendre à supplanter ses concurrents de ln "'''' devenue adulte se prolonge en relations mondaines 1•
Lo culture de classe s'impose cette terrible police : 01 ièmc moment de l'empathie : les vieul' copains, devc-
les individus qui témoignent de fixntions culturelles 1 de Jeunes loups, font équipe et savent aider le congénère
m�es. 11 J�, a aidés ou qui les aidera.
La bande a quatre fonctions �ducatives. quatre L:ne affectivité, d'origine familiale, se déverse dans la

initiatiques. Elle doit aider à quitter la tradition ('l:�;:::!
a· �!= ll<tntté de la bande. Pour se prolonger dans les relations
victorienne : la morale). Elle doit produire les ·;. -Haire�. de carri�re, de magouille'. Certes, selon une
modèles ct symboles de l'émancipation. Elle sé l ectionne Il nte entropie. El selon de terribles mutations de l'affect
meilleurs sujets et écarte les scories de classe. Elle l!'épare
la participation, à l'intégration au syst�me. Elle dott
une rupture. éveiller une vocation, proposer un ac·nr•enllis·
1 tlwudc.o Saultl, surtout dans Vince"'· Frfmçois, llwl tl lt� tmtrts, •
�age. f111•1�11'1tnt ruis tn t�ne eettc d}•namique �c:lale.
La bande 1 la même fonction éducative que 1 1 lt sy81éll\e de porenoé défml dan• (.e Frivol•., lt Sirltux.

50 SI
étymolqgique. Mais ce sont justement ces deuJ< dernières Culture de l'incivisme, stratégie de l'arrivisme. Une
déterminations dè l'empathie qui font l'ascèse sentimentale bonde de bons copains est faite de sacrés loustics. C'est la loi
de la bou�geoisic llbérale con_qu6rante. �Il
la fl!mill� au»
, rie la bande, de l'empathie, de la marginalité. La commu­
copains, des copains aux relattons mondames (d affatrçs) : I�Auté marginale s'.:difie sur la tt·ansgrcssioll. Structure de
tel est \� parcours des se�tlroents, leur engendrement el leur toute bande.
,
finalilé. On apprend à vtvre. Le rom<�n d :).pprent•ssage est La cult1..1re de l'htcivi$m<; doit aménager un savant
une praxis de clasSIJ. Le bourgeois est • sincère • i il com­ mélange de bons sentiments et de contèsta�il)n subveFsive.
bine le sentiment et l'intérêt de classe selon un équilibre l.u bande ne doit plus reproduire les valeurs de la société
parfait. Le brave 1petit doit devenir un chic copain. Et cel�· 11aditfonnelle : plus de boy-scouts. Mais elle ne doit pas, non
ci une relation utile. El) fin de parcours, certes, parfOis, J>lus, devenir la bande à Manso•t ou la bande à Baader. Le
e
souvent même d l'amertume ou du mé'pris. Mais si J'amitié •hic type et le voyou sont les deux pôles de la bande. La
� t
se meurt, à b u de souffle, usée par le profit. la nouvelle 11ouvelle dynamique de groupe - dynamique du IJI;>éra­
bourgeoisie triomphe, portée par les magouilles de toutes les ll�me. de l'émancipation - doit 'COlicijîer les deux termes en
bandes de vieux eopains. une synthè$e qui permet d'écarter la naïvete 9ntologique,
L'éducation bOurgeoise aura garanti sa finalité: un sys­ lumilialistc, d le chantage du monde d'en bas sur les fils de
tème de discontin,uités autorise l'implacable continuité de la lumille.
classe sociale. P�r la terrible sélectio� du P.ar�ours htltiati­ C'est un échange d.e \lons procédés pêdagogique
s. Le
que. Que d'épreuves surm6ntées, de dtsconunuJtés raJUStées, voyou affranchit le chic type. En échange, c� dernie
r le
d'abandons assurés, d'intégrations n�gociée$. Pour réussir, II'Cupère (ou le neutralise). La !;>ande est cette sourno
ise
quelle accumulation de preuv.es, de métites, �e vertus. oollaboration de èlasses, du [ils de famille et du
. sous·
tes élus seront eux c QUI ont su comb•ner empathae jli'Cllétaire, du marginal à la bourgeoisie traditionnelte ct
du
illdividuelle et profit de classe. L'idéologie du capitàlisme marginal au prolétariat. Deux déclassés dont l'associ
ation
est une idéologie; de la bande, du lobby, du groupe privé. La ••t la dynamique de groupe, celle de la bande. Dynam
ique
pédagogie de clllsse initie à cette structure co�rpune �u .J,, l'arrivisme mondain d4 libéralisme avancé jusqu'
il la
cœur et à l'intérêt. Il faut les deux : tout bourgeo•s a besom -.JCial-démocratie libertaire.
des autres bourgeois. Pour suppla)'ller (l'autres bQurgeois. S'encanailler sans déchoir, jouir sans se compromettre :
Tout est bande. Iout est cult_ure.de la marginalité. . lot bande est l'initiation aux nouvelles mœurs du libéral
. isme.
<:ette empattjie est constJtuuvc de la oc•été
s c1vÜe du 1 Ile prépare même aux nouvelles carrières d1.1 libidinal, du
libéralisme avan�é de la social-démocratie, de la libéralisa­ ludique, du marginal. Faire la vie en faisant carrièr
e. La

tion des mœurs. N us avons reconstitué les trois mon•cnts hunde est surtout un nouvel usage, une nouvelle culture
­
de sa généalogie et, par conséquent, de leurs géné11logles. bUIIFgeoise - du monde d'en bas. Celui-ci est
policé,
Les bons sentiments s'émancipent par la bande. P()ur deve­ nt·utralisê, exploité. En particulier selon des formes
nouvel-
nir des usages privés, d'un groupe. Les relation� (mondai­ 1<1 de la prostitution clandestine (ainsi la michetoneuse ...
).
nes) seyant l'util,isation publique de ce c.ompromts. C'est la Ou ne se ruine plus pour les cocottes de luxe. La camara
de­
cult1.1re de la privatisation du collectif. Le famillalisme ' 1� sexuelle permet une consommation qui n'est-plus tarifée.
s'élargit dans le'gro\ipe séleotil. Et celui-ci investit la chose PIJur les filles venues du commun, la reé()nnaissanc
e dans lil
publique. Un <:;ontinuum est assuré : celui de la classe hnnde - selon un statut, un rôle - est une promot
ion
sociale. Car la généalogie de la nouvelle bourgeoisie - celle mondaine qui permet les grandes espéra nce � des carrières
du néo-libéralisme permissif devenu social-démocratie •• tlstiques ou simplement de grandes vacaoc�s. Ou
de dîner
libertaire - n'ept autre que cette progression. r11 ville. En échangè, bien sûr.,. (Mais tout cela ne va-t-il
p;�s
Tel est lê véeu d'une praxi� de classe, la relation entre )a al• �oi ? Nous ne faisons que montfer. avec un total manqu
e
famille et la �iété : la captation du domaine public par olr tact et la lourdeur d'un sociologue qui se
prend au
l'usage privé, lequel accomplit les intérêts dynastiques' · rdcux. ce qui lait le charme discret de la bourge
oisie.)
'
1. j
Tout un systè,me d� patente ob ecL I\!e èe proce$Su! selon des IOhi
doublement uccuJtt!es par l'idéoiQgie d ocnina.Qlç , que ce soît le structurU·
11� ..,,. du système de parenté de Lévi·Sll'aUS$ ou la oontcSt.;j.tiOJl du fils
�j,.1raJre.
52
53
Tout en faisant la catharsis de ses pulsions et de ses • •nuvage •· Des Tricheurs de Carné à La Cllinoise de
impuis�anccs, le nouveau bùurgeois contrôle et neutralise le 1o<tdard. De la çafétéria au grand voyage.
monde d'el) bas. Oouble normalisation, Dou�le maltrls;, par Il ne s'agit pas ici d'entrêprendrc l'histoire de la bande
La bande, du libidinal, du ludique, du margmaL Controle de tlu libéralisme. Il faudrait plusieurs volumés. JI nous suffira
soi et contrôle des autres. . •l'Indiquer les axes essentiels de son développement. Quels
Cette culture de l'incivisme lait des parvenus qui n'ont uut ses supports ? Quels rôles sociàwc. quels statuts, quels
rien de décadent. Ces bourgeois ont aUronté le vice êl ont su lllodèlcs privilégiés véhiculent l'incivisme carriériste de la
lui résister. Ils- savent même le manipvler. C'est la lorce du hnude ?
permissif, de la nouvelle élite bourgeois-e. Essentiellement : ceux de l'intellectuel et de l'artiste.
Les rites d'initiatjon om permis cette sélection. La llun$ Le Frivole et le Sérieux, nous avons défini le système de
nouvelle bourgeoisie est u,ne cuhure • morale • : celle d� 1• margina!i1é qui pèrmel tout un recyclage des surplus
.
l'incJvîsme qui sail jusqu'où il ne faut pas aller trop lom. Nt tlrmograph<ques et .culturels de l a bourgeoisie. Système très
ho� la loi ni dans la loi : les grands libéraux-libertaires sont toomplexe qui doit articuler ' dérive de l'accumulation.
des malins et dès hommes torts. Et des créatures sensiblés : �tension des secteurs de production, système de patenté,
la sentimentalité a été l'outil de leur promotion. r•oduction idéologique et esthétique. Un strict détermi­
De l'af(rontement du chic type et du voyou doit naître nl�me expliAue la production culturelle et esthétique de la
une nouvelle norme. un "ouveau système de régulation. n•ruvclle pourgeoisie.
C'êst le scénario et le pathos de toute bande 1• Trop de bons Notre étude d<l la bande n'est qu'un appendice de cette
sentiments : le voyou les manipule. Trop de subversion : le tll·llnition scientifique dé la marginalité. Elle nous a permis
chic type se perd. Tl faut des ponts, des séductions, des ,,,. proposer des ligures phénoménologiques illustratives
fascinations. Tout un jeu d'échang.es, de rencontres, de J'une conceptualisation. Et de rendre plus concrets des
con!usions. r•pports de production qui devaient d'al)ord ête r situés dans
Pour que la bande devienne ce qu'elle doit être. elle ne 1� totalité du prO.:ès de production, dans l'histoire globale.
doit tomber ni vers le hal..tt - l'édlfiéation morale - ni vers 1 histotre de la bande permet aussi de définir le système de
le bas - le délit criminel. Son homogénéisation est la l1 marginalité dans une perspective très particulière : celle
syi\thèse des bons sentiments et de la transgression. L'idêal, •h l'animation idéologique, de l'instruction civiqu� (au �ens
c'est d'établir cette réciprocité : les bons sen\iments comme 1�,ge), de la pédagogie. Elle montre bien le cheminement de
moyens de la subversion ou celle-ci comme moyen des bons l't<léologie libérale jusqu'à la social-démocratie libertaire.
sentiments. Alors l'auditoire bonrgeois applaudit des deux '" dynamique de groupe, de la bande. est le lieu même de la
mains. te gauchiste s-erà le chouchou -et la mascotte- du ptoductioo id�ologique.
système, Le no1.1veau bourgeois aura su confondre l'idéa· Et selon deux 'rôles sociaux, deux slatuts de classe,
lisme moral et la subversion de la chose publique. L'iocr· aulvilégiés par le néo-capitalisme, car supports de cette
visme est une école d'arrivisme. A condition d'avoir été bien ptqduction : l'intellectuel et l'artiste. En même temps que
élevé. • deux �urplus démographiques et culturels se recyclent.
L'histoire de la bande occidentale et libérale vérifie cette • constl!uè l'idéologie. Comme pratique idéologique.
structure. Sa dynamique de groupe commence à la récré et "mme existentiel de l'idéologie. Cès intellectuels et artistes
!init à la manil. De N;mterre, elle vous conduit dans 1111 pour fonction d'inventer des modèles qui doivent dcve­
l'Ardèche. Ou à Katmandou. Du canular aùx barricades. Des llh des usages de masse, ceux de la social-dêmocratie
copains (de Jules Romains ou de Tissot) à la communauté lth�rtaire.
L'histoire de la bande permet de montrer leur prise de
l'@VOir idéolt)gique : la promotion sociale par la promotion
l•· l'incivisme, de l'idéologie contestataire. L'arrivisme de
1. Carné, da.ns Lt.s Tricheur.s, en .a fniL un combat myth ique, une allegOr!c
, l'iutellectucl est particulièrement e�empl<1ire. Quel par·
dîgne dt!�. plu.s belles enlumi�ures du Moyeo Age.
.
'f" �
e
d uel Voyou �� Chu�
•""rs ! Indiquons son schéma (d'une bande à U)le bande).
t p� dêvoile gënlatcmcnt lt:-s c·njeux mondatn$, rr\ctaphystque�� pohtaque.s
du j�:-u dt: la bande. V())'Ou doit }oue.r au Chic lypt. comme· Chiç type: au
y Tout d'abord. l'ajmable subversion du canular : les
Voyou, Sltlitégies d'Qn sérieux. inlplac•blc. 11pains (de Jules Romains) s'initient et initienL au pouvoir

54 ss
de la nouvelle intelligentsia. Le club s'ouvre à une nouvelle !.tire carriè� d'artiste. Car elle est devenue objective, de
promotion sociale. Par la culture. Un nouveau code 6�otéri­ ',on�omma�10n co�rante. tl faudra politiser, à outrance.
que permet de constituer un clan. <A:lui-ci met en boite ­ 1our se diHércnc1er. Ce sera le gauchisme. Une autre
gentiment, encore, car pas trop sûr de ses arrières - la mrrlère. La bande à Cohn-Bendîl.
population inculte. Tels sont les éléments constitutifs d� la bande :
l'intellec­
Le boy-scout perd son sérieux. ll en vient à jouerde bons
1, bourgeo1s et le sous-prolétaire; e raé
{.
tu�l et l'art�ste ; le chic type et le dévo é; le naifet
le malin;
tour& aux bonnes gens. Son service civique tourne à la t et l'arriviste
�utour �'eux g r
dértsion. Mais on en reste là. Le canular aura permis ��itcnt ceux qui n'ont pas de rôle bien défini :
ma ls �u• en é(tnll!ve p o�
� oseront la majorité sociologique,
• l'identité • du groupe. On est autre. L'Ecole Normale a (ail :
•llencte
. use.C est un aud1to1re devant lequel sc oue le drame
j
se� gammes. Celles du terrori�me intellectuel. Pe l'�rrivisme
•k' la bande. Trois rôles sociaux ordonneront le relatio
culturel, de la promotion culturelle des nouvelles touches nnel
mo}"cnnes, émancipées ct profiteuses. Le nouveau modèle <lu groupe : le rôle du bouffon, de l'entremetteu
r du
truand '· !rois axes de la dynamique de groupe. Le
culturel devra traduire l'arrivisme dans l'appareil culturel le�der
le plus élaboré. De là des productions idéologiques ultra­ "''
� ce!u• qui sait manipuler ces rôles et ces per&onnages.
.
O ut S�ll rédut
sophistiquées, canulars objectifs et insconscients qui devien­ � les ou�rances et convaincre la majorié t
•flenc1euse. Et 1 amener a une action organisée. Norma
dront la Culture. Celle des actuelles vedettes de l'intelli­ lisée.
Arprc�tissage au mét�er d'animateur idéologique, fonctio
gentsia. n
Culture de clans, de coteries, de ba)"ldes, de groupes de �-.ent•elle du néo-capitalisme.
pression idéologique. Pour en venir à la bande à Jean Daniel '?
J.t:s odalités proprement • psychologiques • de la
qui a réussi cette performance : être un symbole et un <
ons! lluho n de la �ande importent peu. Simple jeu de
monopole. Les copains, maintenant, se oarta:2e1n1 onti(IUttk, _ de promtscuités. Ces rencontres se font partout
'"' l�s st u
gâteau : la modernité culturelle de sO<:ial-démoctratie ;ctu�� se défont, là où elles se meltent Il trainer. A
n •tor d )-ln vo1stnage: en classe, au bistrot, dans une
libertaire. A moi, à toi. De la vraie nouvelle droite (Lévy) à P , . bolte. 11
•. 11itl d .un simple Jeu de machines, des rencontres
fausse nouvelle gauche (Touraine). Ou de l'ex-gauchisme de
l nnimat10n machin:tle.
l'ex-droitisme. Culture des ismes qui savent se �cr1voyer
La. bande : le lieu de la culture de la marginalité! Elle
s
l'asceneur. Equipe Informelle mais profondément tloiiJI<>­
1•1udwt les modèles de la consommation - tr
gène, puisque leurs dissemblances sont semblables, hOI:no­ an sg re l>Sive
généité d'une bonne bande de copains qui (ait carrière. modèles de la consommation mondaine de la soc
ial·d �m O:
"nrie libertaire. Culture du plus grand écart autori
qui lait la Culture. (Nous reviendrons largement sur sé de la
rlu.. grande différence possible (dans la bourgeolsi�).
problème dan$ notre prochain livre, consacré à la produc­ Les
"'lrc!m�s sont exclus de cette subversion norma
tion culturelle.) tive. La
Et l'artiste ! Quel parcours, lui aussi 1 Une bande à
l11m�c � Mans�n et l:t bande à Baader seront des garde-
fous,
Dans nos précédents livres, nous avons voulu montrer
1 hm1tes qu 11 ne faut surtout pas franchir. La subver
sion
son histoire est révélatrice de l'histoire de l'Occident
1>il rest�r de bon goût : contestataire. Lorsque
la bande
happe a �a normalisation libérale, elle se tourne
projection d i éologique et esthétisante - fantasmatique contre sa
ltnallté quo est de promouvoir la social-démoc
des surplus de classe. De Dott Quichotte au NtVé!U ratie liber·
••1re. <A:IIe-ci, une fols en place, désigne élie-m
Rameau, de Flaubert à Artaud, la folie de l'artiste n'est ême les
l'histolrè de l'atroce blessure narcissique de celui qui est hunHères du permissif et les excès à exclure gr:\ce aux
lo111de� à Manson et à l3aader. Elle enfouit
trop dans l'être de classe. Le laissé-pour-compte objectif ainsi dans la vie
déchct, la bouche - et l'esprit - inutile. Quand il n y a llhJtidoenne ses nouveaux privilé&lés. La fureur des extré­
.
sut1je<�H '" lut permet de banaliser son incivisme. Et même
de Croisade ou d'Empire colonial, l'idéalisme de le
1 •uposer comme modèle civique. La libéralisation
devient absolu. Plus de débouchés pour le du néo­
plein de classe. Que reste·t·il? Sainlt·Genlllain··des-f'rt:s. apualisme deviendra la liberré.
bandes d'artistes. Puis le campus. Pes bandes
Et quelle concurrence, alors. La névrose - cette surer•c�tèN
narcissique du narcissisme de classe - ne suffit plus Cl. L'Erre tt le Cod•. SdJdons Mouion, 630 p., Paris·La Haye, 1972.

56 57
oncs et des déclinaisons de l'expression corporelle du machi­
nosmc).
C. - LA BANDE SONORE
Le. rythme sans le swing l Copie conforme mals contrela­
1
\Un d abol � quc Le rythmeà contretempsdu s won�r l Le geste
Jauvage r eduit au geste mondain. Car, nous l e verrons
L'autre animation : sonore. L'autre machination : boite
konguement, le rythme du rock est la récupération capita­
à ry thme, cabine leslie, pédale wah·wah, synthétiseur, .
h•te du swon�r : l a répétition mécanique se glisse dans le jazz
fender , guitare électrique, etc. L'autre Initiation à la monda·
pour l'utiliser à des fins de dressage du corps.
nit� : psychédélique. Après la mécanique de groupe, voici la . d01t réciter. Après l'uniforme, la mise au
Le mannequon
mécanique • musicale •· Branchons la sono. Le dise-jockey
ouvre les vannes.
pas : 1� psychédélique. Dressage d u corps, dressage du désir.
Suovons cette nouvelle bande marginale. Elle va propo·
La statue accède au rythme '· t'automate au déhanche­
><'l' un autre rituel initi;�tique. Un autre mode d'emploi du
ment. Le désir à sa forme : les sens s'élect risent. Le manne­
Ltlrps. Un nut•·c gestuel, un autre dressage. Le co�ps doit
quin s'anime de pulsions : gestes snccudés, répétés, figés.
d.·vcnir définitivement le corps de l'incivisme.
Bruitages de ces élans machinaux. Projection ct transferts.
Le gest�tel devient acte : conduites ordonnées selon une
Vic de machine, c0rps du désir, corps rythmé. Le désir
fon. La g�atuilé ct la ludicité d:abord ex�•·ciccs de style et
s'est éveillé. La statue est vivante : le machinal est son .
t•a ures ompusées doovent maintenant 1nvcstir l'univers
instinct (le vitalisme n'est que le rdlet actif du mécanisme.
Il n'est qu'un signiliant de l'animation machinale). L'être est
d
• uite. Pour signifier le défi de la bande à la • société •. Ln
handc va �c poser en s'opposant : son unité organique '>Cra ie
gc$tuel. Et celui-ci est Je ry thme.
umbat contre la société. Le capitalisme l'a investie de cette

Cette mimique de la musicalité machinale va prolonger
mi\�i�n : pénétrer le champ d'expression du principe de
et accomplir Je gestuel de la bande. Nous venons de voir
rt1alu� et 1mposer les valeurs du ludique, du libidinal, du
co mment la statue est devenue corps humain en empruntant
margonal.
les aestes de cette bande. L'expression corporeUe est les
ligures socio-culturelles de la bande (de loustics). Elle n'est Le rituel Initiatique devra signifier - symboliquement
que l'expression de la dynamique de groupe, u n premier .Sabord, puis réellement - la rupture et le défi. JI faut
système de mimiques. Maintenant l'�tre de la bande et pour �roposer un �change symbolique qui. dès le principe, rend
la bande va s'épanouir, s'enrichir de l'être sonore, pour ct 11utre. Le sceau de la révolte, de l'insoumission de la
par le rythmet. d
•ubversion. Pour, en fin de parcours, accéder à la ra icalisa­
tion politique (le Mal 68 estudiantin).
Car l'expression de la dynamique de groupe l!st de•ver1ue
l'animation sonore. Le groupe n'aura de réalitt: q Le leader ou animateur - le dynamiscur de la dynami­
tiqn des spatio-temporalités organisées par la m :�:���
.ch �
a '\ue de group: - s e a celui ql.ti ose. Celui qui prend
�; . . ,r
musicale (essentiellement la Boite). Les deux d � � l lnillauve. Ouo lait 1 acte sacrilège. Oui vole le feu. Et
�'épousent : la bande sera par le rythme, comme ceJtUl·CI II'IWerse le tabou. Symboliquement .
sera par la bande. A la limite la bande - le groupe ­ Le symbole se révèle alors le lieu de l'usage ludique. Le
bMde - musicale - seront la marne cho�e. la �:
·stuel sera la manipulation de signifiants très allusifs.
réification de l'humajn par la machination capitaliste. 1 ê tre de la bande n'est que œ sysème de signifiants qui ne
t

la meme bande qui se déroule, se récite, se répète, imph•ca· ••pose sur rien. Et qui ne peut être que par un volontarisme
ble programmation machinale de l'idéologie Ballet on�tant, une constante surenchère. Lieu du conformisme

mates (Béjart ne fera que sophistiquer davantage ••1hcal et de la radicale facticité. Il faut touj
.
ours en rajouter,
rhétorique morphologique, emphase esthétisante des t•rou,·er, à soo et aux autres. Le symbole doit être constam­
mrnt maintenu et renforcè par un volontarisme de l'esca­
l.de.
l. Cclul Cli.H! nous allons dé(inir comme apéciflque du nto-capitallsme Celui·ci est porté par le langage de la bande. C'est un
isomorphe, m�trique, mécaniq,u-t. qui produit des mots phares : des signifiants
d le dtbur toul malentendu : cdul du ••sot de groupe
2. R�p6tum-h , pour �carter èo
copitulhunf!. •tui sont totems et tabous. Mots inventés par le groupe, mots

58 59
de passe et mots clés. pouvoir ésotérique ct incantatoire de Elie est une allusion (cl une répétition symboliqu�.
la bande Initiatique) à l'acte étymologique de la bourgeoisie . l'accu­
Ces mots feront le passage à l'acte. Le volontarisme '""lalion primllivc, la rapine qui a fondé le destin de la
verbal dé·bouche sur une mise en demeure. A force d'en dire, bmrrgeoisie.
on en aura trop dit. Il [aut que la preuve suive. L'escalade Elle est aussi Initiation à l'affairisme. Et propédeutique
verbale impose une réaUsation effective. 111 commerce, aux aUaires. à la concussion. Savoir acheter,
Telle e•t la dynamique de groupe : un langage propria­ •
f•UI revendre en faisant du bênélice. Sa\'oir échanger. Etre
toire et incantatoire - une pr�paration psychosociologique • l'affût des bonne� affaires. Magouiller.
- doit inciter à l'acte. Celui qui en prendra le risque sera A la Libération, un premier système de cette marginalité
nlors reèonnu par le groupe comme le;�dcr. Les che[s et les urgit ; les aUaircs vont reprendre. C'est un milieu ellerves­
sorciers sont ceux qui réalisent ce que le groupe dit. Alors ils •ne, informel, con[us. diffus, relation de café, de boite, de
font ln rêalité de groupe. Et celui-ci les récompense. l"éscntatlons, où se côtoient, en particulier, magouilleurs
La bande devient par celui qui ose ce quelle dit. Elle r.lu marché noir. petits et gros revendeurs, • réacs • ou
peut quiuer la gratuité de son gestuel r,our enlln accéder à 1.1chos • en n1pturc de droits civiques, jeunes loups viclo·
un acte, lequel, aussi symbolique qu Il soit, èst enfin la rh-ux et opportunistes, (ils �e famille et dévoyés, etc. Dans ce
rupture désirée et délivrance. De la rntuité, de la ludicité, untexte de magQullle systématique, la (auchc comme

du bavardage et des rodomontades . JI faut un acte, sans 11•prentis sage de la magouille, et la combine comme lauche
que l'on puis�e trouver une raison d'agir. Mais avant tout •t�lementée. ne se dlsllnguent que par la hauteur des
échapper au terrible univers du ludique et du gratuit, celui melles, simple, double, triple.
des signifiants sans signifiés et sans référent. A tout prix un La fauche �xemplaire, l'acte fondateur de la bande
acte qui s'insère dans la réalité quotidienne, pour en finir more, à J'extraordinaire destin, l'intronisation de l'anima­
a•ec J'insignifiance radicale de la !rivalité. c ur. leader et locomotive de la bande du capitalisme
Le mot phare des mots phares : la fauch�. A force d'en monopoliste d'Etat, sera la lauche du disque. Acte haute·
parler, de le vouloir, de le rêver, le passage à l'acte. Acte ment symbolique, passage d'une époque à une autre.
étymologiqu e , sacrilège, anti·tabou : le vol. Celui qui l'ose Fauche du surplus amér icain. Encore et toujours le
devient le chef. L'initié qui initiera. Alors la bande pourra '"plus américain. On n'en sortira jamais. Il réapparaît, tel
s'élancer à la conquête d'une nouvelle réalité : un immen'>f: qu'en lui-marne le capitalisme le change, 1ndestruct1ble ;
parcours d'abord symbolique - l'esthétique de la nouvelle tute new-look, éternel surplus. Comme une prolifération
bourgeoisie - puis, enfin, politique. Le moteur de sa lliiCéreuse de la marchandise. Comme un emblème, sym-
dynamique sera dans ce passage de l'ordre ludique au h<rle suprême de l'impérialisme ct de sa séduction (jeans,
principe de réalité, de la marginalité subversive aux modè· V Llisquc, etc.).
les socio-culturels de la social-démocratie libertaire. Un : ln fauche. Deux : d'un surplus. Trois : pour la frime.
Toute la mauvaise foi de la bourgeoisie - et toute sa Ti lille composante de la ludicité marginale, de l'acte initia­
malice-est dans cette culture de l'incivisme, du système tique à la soclét� de consommation, de la symbolique
de la magouille, de la fauche qui n'est pas toue à fait le d'açcès à l'affairisme. C'est l'inauguration du nouvel ordre
• La propr iété, c'est le vol • , a dit Proudhon. Formule lnltrieur. Le commencement de l'animation sonore. De ln
de libertaire. Mais si toute propriété n'est pa$ le vol, toul l1ance ludique, libidinale, marginale qui va s'épanouir dans
est bien une appropriation illégitime, analogique à appr<,_ 1 n�picalisme monopoliste d'Etat.
priation par l'extorsion de la plus·value. Alors la fat1d1e Ainsi commence un inconscient collectif. Celui de la
rthèle un apprentissage. Celui du métier de bourgeois. "'•uvelle consommation mondaine. Inconscient sociologique
n'c$1 pas subversive, car elle a une double (onction svrnD<,_ une nation. Dans Le Frirole et le S&ieux, nous avons déjà
lique. f ruposé ses composantes économiques et historiques. Cel­
ci n'ont rien d
e commun avec l'inconscient de la psycha·
"'lyse. L'inconscient collectii est doublement caché : par la
l. l.'acle gnuut.. à la limh�. sera l'acte dA: ceue liberation Faî�
>lulion
n'Importe quoi� mads le faire. L'actt! a;ratult ne l'�l jarnuil. 11 '-"$l la .. t••ychanalyse et par... la méconnaissance sociologique. Aussi
m�taphyttlquc de J'impuis:!ian«: politique (voir Lt; PosJédh de Dostolevski). il a'étaler:. au grand jour. Car réputé (rivale et anodin,
60 61
l'�tude de ses manifestations semblera, elle aussi, La transgression devenant modèle d'usage. le V dis u e q
Car la bourgeoisie veut se cacher ce qui est inllVC>uable �t11it lancé. Le marché de la marginalité, marché des surplus
cette marginalité ludique et libidinale. ce n'est pas (qui "a renouveler le marché des puces) est consncr�. ratifié
beau ! L'âme de l'Occident est devenue le mode d'emploi 1.. 1alorisation de l'objet est autant dans sa réputation
�urplus de J'impérialisme. Ce qui est presque jet� wbveNivc que dans l'usage estMiisant. La manière d'ac·
marchand est le supplément d'âme du syMème. s• •
. .lw
rn •luérir décide de la façon d'utiliser'.
américain : pacotille mel:'cantile : culture de Mais qui fauche ? Oui peut pré1endre avoir fauché. Qui
tion! Dernière esthétiqu e. de l'Occident 1 I"'Ut être cru ? Il faut oser défier les lois de la tribu : la
Cette culture permet d'occulter la double appartenance morale de la socir!té traditionnelle, celle d'avant la guerre.
l'ordre impérialiste sous l'ambigu>té du fétichisme et de 1 t certes, les circonstances sont favorables : cette morale est
esthétisme. Le surplus est à la lois une marchandise •rlle d'une bourgeoisie vaincue, collaboratrice, totalement
signifiant absolu. Nous verrons qu'il est la synthèse Mconsidérée.
valeur idéologique et de ({1 valeur marchande. Féticlht Oui prendra l'Initiative de la définitive rupture ct qui
suprême. La pub du marché ct le march6 de la pub. 111ru le plaisir ct l'avantage d' inaugurer tout un nouveau
d'usage ct usage de la valeur. L'essence du mondain. \'&!ème promotionnel ? Car le leader désigné va devenir un
Telle est la stratégie du plan Marshall. Ou potlatch de •nimnteur et un patron. fi representera l'élite d'une généra·
plan Marshall. Les surplus sont Je commencement et tlon qui a débuté avec les 13 2, s'est installée avec la
support de la consommation mondaine des nouvelles urboum, pour triompher avec le yé·yé (et triomphe corn·
geoisies de l'Occident capitaliste. Le modèle d'usage de rlh'rcial). Elite qui M:ra à l'origine des modèles de consom­
surplus doit exprimer une intention subversive, C01ntesta mation du nêo-capitalisme.
taire. L'acte étymologique :faucher des surplus pour frimr'r Il raul une situation interlope, une double appartenance
Trois significalions en un symbole, lrois composantes la marginalité. Le leader est celui qui peut circuler d'un
lout gesluel mondain. Potlatch du capitalisme-subv•ers;iOI ,,.,..pe mar ginai ô un groupe clos. rt doit appartenir ilia lois
- régulation du système. Le capitalisme veut la N'llnte�ta ��� monde clos de la bande adolescente et à l'univers de la
tion ludique pour implanter et normaliser son marché. n•�souille adulte. C'est un entremetteur. n dispose des deux
Ainsi s'écoule la marchandise, par la promotion lie •..les ct se sert de l'un - où il n'est qu'un larbin, un
devenue gestuel mondain. Le pli est alors pris. Tout geste ummissionnaire, grouillot de la magouille- pour maitri·
con&ommation mondaine sera une allusion à l'ordre •rrttrru <1 l'autre - où il devient le leader. Affranchi par la
rai et à son acte étymologique. Un usage ludique
marginal sera antérieur à tout usage et à 1oute p
;�d' ���.�:

.• umbine adulte, à ses dépens souvent. berné pnr les grnnds,
l• l<·çon reçue Cl retenue lui permet de manipuler Je groupe
de l'objet. Dressage du corps, initiation à la conS<)mm�!ti<)O
A la Libération, donc, les GJ liquidaient, dans
juvénile. d'en imposer ct de s'imposer. Bouf(on chez les durs '
1 devient dur chez les tendres.
��
���:
qucs de surplus. les disques de jan dont l'armée a , Entremetteur aussi, entre la bourgeoisie et ce double
avait armé les unités, soudeuse du moral des Vhlèmc de mar&lnalité. C'est un fils à papa (ou pre�quc).
Disques à usage mUitaire mais bonne musique 1 lui qui fait le mur. Qui sort. Qui organise les surboums.
grandes formations, chanteurs célèbres. jazz • chtssiqtre },,� lui. A la coule. déjà animateur.
La lauche, de ces disques, inaugurera la no1uve:u ['n ces mnrginalités. d'une redoutable inculture musi·
con�mmalion musicale. Elle crée un mode d'en1pl•oi al• il témo�gne d'une certaine culture. Héritage familial,
disque 1• Elle sera au commencemenl de la dilfusion u <<�nere qut a pianoté en bâillant. Ou elienl des première&
aique par l'industrie du disque. 1 ltcs de jau, qui en a retenu quelques noms. quelques airs,
faucher le V disque, ou plus exactemenl dire à la u lques tics.
l'avoir fauché. Certains disques furent peut-être fauchés.
bien des cas acquis par des magouilles diverses, des trocs
Lt- livre \'Ole lllu(hc wra �t\l55i un (�lie� cuhurtl Le •lanc de
marché noir.
1 -

1 1111tlarlon aubvtr.&lvC" :t la culture. 1.c révoluuoooarlsmt t-Sludlan\ln fn


' f,tllll<e - MMp�ro
t. V dlque
i : disque de ta Victoi�. Lc:a ..; jeuneJ • de l'fp<Jque. ml• rn cnr1e (lllmrntnire.

62 63
Ce bagage lui sulht pour en imposer. On le croira quand r•pan�ion, en France il s'est déployé d'une mani�re outran·
il dira avoir fauché le V disque. Ln bande l'écoutera cl le •••re, caricaturale. C'est la marque de la colonisation culLu·
suivra. li sera son éducatcur-ani mate\tr. L'animation t.onore telle : le tolonisntcur • met le pnquet •, eJ<pérlmente sans
sera son œuvre. vrtgogne, osant à l'étranger ce qu'il n'osera'! Cl ne pourrait
Cette initiation. de la nouvelle généraLion bourgeoise, est l•ore chez lui . Il trouve toutes les complicités et toutes k'S
doublement caTactérisable. Ln bande sera rejetée et snobera •rnplaisances. L'arrivisme mondain du consommateur fera
ce rejel. Processus socio�ulturel très ambigu : deux raisons 1· reste : la France, de rurale, deviendra la France du rock
contraires croisent leurs cHets pour un résultat commun. Jllll\ du disco.
Indiquons très brièvement le schéma de cette animation Le rock - terme générique qui contient toutes les
sonore. "'Jlélitlons entropiques de la contrefaçon. toutes les sous·
Bile va d'abord sc heurter' aUlc deux cultures musicales onurqucs �e la rabrication originelle - va r �cupêrer le jazz
. . •
populaires. Celle du jaa. et de l'accordéon. Musique de deux ••Hnme l tdéologle de la Fete t écupérera la hesse populaire,
proletariats : du Noir américain et du Blanc lrançai5. Le vmme la mode rétro récupérera l'accord•'on.

bourgeois, rej eté, va les rejeter ; marginalisé, il va les De la même manière, le gauchisme récupérera Marx
marginaliser. Ne voula nt ni ne pouvant s'intégrer, il les !livre deuil) : l'intégration politique au système. Comme le
récupércra. nru·kMtisme des vedottcs de l'idéologie (Lévi-Strauss, Fou­
Ce processus est celui de la mise en place de la nouvelle 'nuit, Laëan, Barth�s. AJthusscr) récupértera Knnt pour
culture, de la nouvelle bourgeoisie du capitali sme monopo· ,,.,,·ul ter Hegel (Livre Lrois) : l'intégration culturelle au
liste d'Etat. Une culture bourgeoise originale n'est plus \1\lème.
possible. La bourgeoisie n'a plus de message à apporter. (Ce Suivons la bande, encore. Elle montre le cheminement
q u'elle a pu laire par exemple au moment de sa lutte contre "•tentiel de cette idéologie. Quelle trajectoire!
la monarchie de droit divin.) Elle ne cherche que des alibis Son arrivisme est celui de l'expansion du rythme • pur •.
culturels à sa consommation. Pour ce laire, elle puise dans l t on peut proposer - très schématiqueme nt - quatre ou
les traditions populaires pour justilier ses usages mond:.in�. •i uq grandes périodes de cette mutation.
C'est un processus d'esthétisation de l'esthétique qui carac­ Oc la Libération à la fin des années soi:tantc : le jaz1., la
térise l'après-guerre (du plan Marshall à la crise}. moogique instrumentale, Sydnty Bechet faee à la dynamique
L'implantation. en France, du capitali sme monopoliste •"4rndante de l'animation musicale venue des surboums. Le
d'Etat (et du modèle américain} va se mesurer d'ap rès ja11 lace à la danse. Puis une période chanJière : le yé-yé, le
l'irrésistible progression de cette nouvelle culture bour· t"bt. Tnomphe du • rythme •. Enorme conditionnement
geoise, hybride, syncrétique. commerciale, qui. partie de t•at les médià$. Ensuite, l'impériali sme du rock (et du
rien - de la surboum - va monopoliser tout le chllmp l' •tup� chanté). Avec une apothéose : les Eleatles (une entro·
culturel et laminer les traditions populaires : le jazz sera ph peut contenir de belles résurgences. L'accident qui
quasi an�anû, interdit et l'accordéon récupéré par la mode "11!1rme la règle). C 'est aussi la disparition des dernières
rétro. Cette culture musicale est un inépuisable filon com­ b<•hc� de jazz à Paris. Récemment : la première intematio­
mercial, idéologique, mondain. Implacable terrorisme '•l� musicale et esthétique. La mondialisat ion du rythme le
culturel de l'inculture du libéralisme. rh·� pauvre : le di6CO, Tout petit regain du jnn, quelques
Cet extraordinaire phénomène, �ul caractérise l'idéolo­ llnllvclles boites. Enlin, un nouveau • retour aux sources •
gie du capit alisme monopoliste d Etat, est évidemment tu rythme : le •·cggac. etc.
passé inaperçu : l'intelligentsia a bien rempli son rôle de l.c leader de la bande, l'animateur. l'enlremeucur, pas·
larbin du système. En échange. elle a reçu une consomma· '"ta la Fête avant d'aller à la boite. Il y conduira la bande.
tion mondaine privilêgiée. Le pouvoir d'initier au SYl>tètne, lête de quartier - produit de la Libération, seule
(L• Mo11d•. Le Nouvtl Observateur, u Matin, etc.). ontmation • qui pui sse se ta rguer d'avoir été r�eilemeot
Et pourtant . ce phénomène sociologique de la consom· t "l'ulaire - va perme11re à la bande de prendre ses
mat i<>n musicale est particulièrement révélateur. Alors •li•tances avec les mondanités naives el sommaires de ce qui
qu'en Amérique - lieu étymologique de celte consomma­ •1 1 pour elle la populace. La bande peut s'y commettre. Et
tion musicale - plusieurs régulat ions ont délimité son ' umuser de bon cœur. Comme on peut s'amuser des gens

64 65
simples (avec eu..c). Il y aura dans leurs gestes la • distancia· lu•tement, avec la fête de quartier et avec le jazz authenti·
tion • subtile du bourgeois qui va au peuple. Pour montrer 'l"e Il va proposer une animation sonore moderne qui
et se prouver lt1 'différence en d'imperceptibles nuance�. Puis l''�tendra dépasser des !ormes archaïques ou conservatri·
le leader, d'un bon mot, donnera le signal du départ. «S Rcjetê par deux cultures populaires, il les utilise pour
Pour aller à la boite (à la cave). A la Fête, il a pu &nober. ),., snober. en réèupér;tnt leurs signes pour trahir lçuresprit.
Et asseoir son prestige en apprenant aux autres comment Le jazz sera perverti en rock : La Fure ur de vivre. La
snober. A la boite, il s'expose à se faire snober. Il va se onu!ique de la subversion el de la révolte. C'est·à-dire
révéler l'entre·deux : celui qui quitte le bal populaire sans l'anivisme mondain de la nouvelle génération blanche. La
accéder à la culture classique- djfj à classique - du jau. Et d.·naturation du jau va alors renforceret développer l'autre
culture sélectiv�. l" rversion, qui a déjà fait le leader. L'acte �ubversif étymo·
Le jazz - celui de Bons Vian 1 - est bien alors un lua ique - la fauche - va devenir le gestuel même de
élitisme bourgeois. Celui des hériliers d'une tradition. Une l'Incivisme. Ur Fureur dt vivre sera le raccordement de deux
certaine bourgeoisie a su reconnaître, recueillir, maintenir, <lynamiques 1 celle du rythme - ct non du swing-, çelle de
conserver. Cette' musique populaire a été rèspect.!e, êtudiée. ln contestation -éi non de la révolution. Doable pre$tige du
avec dignité ct ferveur. Sans essayer de se l'approprier. Avec !�ader, initiateur à la musique et au politi�ue. Double
i ue amateur de
une rare honnêteté intel lectuelle. l'authent q •uflisance, arrogance de la bande. De la surboum aux
jazz. n'aimera pas
tellement, par exemple, dan<;er ou voir Rulling Stones.
danser du jan.
Déjà, tout un univers - un goalfre-sépare Proposons quelques repéres de cet arrivisme, de cette
l
le jau de 'amateur éclairé ou du professionnel (critique ou 1•romotlon mondaine. Ou comment l'industrie du disque a
musicien) de l'expression corporelle de l'animation sonore. <Unquis son marché.
Ces conservatcurs 2 ont repris et continué une grande tradi­ C'est d'abord chez lui que le leader amène copains et
tion. Sans dénlll urer le genre : musique instrumentale, mpincs. Pour leur faire écouter les V disques de sa fauche et
Sydney Bechet ... dr ses choix musicaux. Musique p l us dansante. plus
Aassi, entre les amateurs éclairés et la clientèle mon· oythmée, plus simple. Plus • moderne. •·
daine, le malentendu sera énorme. le leader conduit la le leader doit avoir bien des qualités. Entremet teur
bande à la boitè pour l'affranchir : pour danser, frimer, mondain, il doit aussi proposer l'appareillage élémenlllire ;
• s'amuser •. Et ils rencontrent des pédagogues, des tradi· '' disque et le pick·up. Acquis, laisse·t·il entendre, par
tionalistes. <l'autres combines. JI faut les deux pour faire les leaders
La culture jatz se révèle un barrage pour la nouvelle •l'une génération : l'équipement matériel et les signes mon.
génération mondaine d'une radlcnle inculture musicale. JI dalns, l�s tics culturels et les objets de leurs usages.
aurait fallu apprendre. Ecouter. Travailler. C'est·à·dire per­ Pnrmi tous ces leaders, certains vont devenir des patrons.
dre les prestiges de l'émancipateur. Se soumettre à des C'rux qui pourontr un saut qualitatif. Il faut pouvoir propo­
précepteurs. •·r un équipement de plus, un outil indispensable : le local.
Aussi le leader va éloigner sa bande de ces boites l.t plus à la coule des leaders crééra la nouvelle cave ou la
savantes. Mt�ls tout en récupérant soigneusement les signi­ noovelle boite. C'est celui qui, dans le système de la
fiants culturels du jazz, les usages mondains de la Boite, les onarginalité interlope, a su étabUr les meilleures relations
canevas musicaux. h)U celui qui dispose de l'argent hérité de papa). Pour
D a récupéré, de même, • l'ambiance • de lo F<lte, son
animation spontanée. Aussi dispose-t-il malmenant p'une
nouvelle sémiologie mondaine, comme signes de la rupture,

ootquérir cet équipement, par combine et magouolle.
Alors, la su version sc faisant affairisme accède à sa
vitesse de croisière. lorsque le leader devier\! le patron, l�t
lwnde devient la clientèle. la bande rabat d'outres bandes.
La fusion des bandes dans la même clientèle fera la boîte qui
1. Cf I.e$ onl
Otr q
u ts du ia-ZL â &randc: œuvre, évidemmtn& m«'onnue marche. Alors la mode relance l 'affaire.
(collection t0tt8 •).

Une mutation s'est opérêe : une dynamique marginale
2 Contcnaleun a la manière dotu Parker, A ba fln dt &a \1'(41:, r'vafl d'uo
1 maniere d'André l-lod.elr, tonqu'il propOSe les r�ale-s
conservatoire. Ou A .- ••l devenue une fonction et une structure. Un aenre est né de
de compoiltlon du J"'•· lo1 récupération mercantile, une structure d'accueil. Une

66 67
«llule centralisatrice draine la multitude des petits groupe­ dts bandes) pour une nouvelle écoute. Il a un rôle de
ments informels. Une demande, confuse au début. vient ntmli,ation et de diffusion. li consacre les groupes et lance
d'accéder à sa meilleure formalisation. Tout le restesuivra : le· nouveaux tubes.
l'indu�trie du disque, la commercialisation de l'animation C'est que l'extraordinail't' développement de l'appareil·
wnore. !1 [allait tout d'abord : l4la création du besoin; 2•1a lage technologique a dépassé les moyens de la plupart des
cellule d'accueil et d'usage : la boîte; 3• la mode et ses pntrons de boites. Tout passe d:10s la sono. la monopolisa·
annonceurs (Régine). Alots le produit manufacturé de série lion se fait comme dans tous les <lutres secteu.rs soumis à la
peut s'écouler. Il a trouv6 ses supports, ses officines de • libre entrepl'ise •· En écartant des concurrents par l'inves­

promotion. tissement dans les nouveaux moyens de production de


Mais il ne s'agit là que de la première phase de l'cxpan­ l'onimation musicale, la technologie Instrumentale avancée.
>ion de l'animation sonore. Celle-d connaîtra un extraordi­ Centralisation, mais aussi décentralisation : le groupe
naire renouveau grace au dtveloppement technologique. Et 111nérant fait Woodstock, mais il fait au�si la province, la
de la technologie de pointe. Les nouvelles figures du gestuel ampagne même. C'est comme si la boite allait à domicile,
mondain de l'animation sonore seront propos«s par ces •
r.'er l'événement. Pour in,•enter • spontanément • une
usages technologiques. l'empathie e.<t encore celle de l'ap· <10U\•elle bande : les auditeurs du concert. Un groupe homo­
pareil. Le champ d'expression de la machine est le geMuel de lène d'individus jusqu'alors isoles. Pour implanter au cœur
la bande. cie la province la demande musicale standard (le stéréotype
Du pick-up à la sono, du disque à la cassette, de la le• plus simplifié, le rythme de plus en plus sommaire).
surboum au concert : autant de bandes, de gestes, de mots l'investissement dans l'appareillage sonore est tel qu'il
qui s'auto-engendrent progressivement. Autant d'écoutes, <•xige la r"nt11bilité du produc:tivisrnc. la tournée entraîne
autant de sémiologies d'usages, d'expressions corporelles, d'énormes frais généraux. Un parc automobile est nécessaire
de ligures de la dynamique de groupe. Surproduction alors l'OUT le déplacement des instruments, des techniciens, des
d'émotions, de sentiments, d'états d'âme : tout le pathos musiciens. le groupe doit se produire en une série haras­
machinal engendré par l'animation sonore. Ou comment le •ante de concerts.
néo-capitalisme produit le spontané, le naturel, l'indigna­ Cette dynamique de la décentralisation territoriale et du
tion contestataire. 1egroupement musical (du groupes) permet d'atteindre la
Alors, du petit g o r upe de la surboum à Woodstock, totalité de la classe d'âge. Elle aboutit à Woodstock.
l'empathie juvénile d evient la sensibilité de l'époque. On a L'apothéose. la bande des bandes, le concert des concerts.
la psyché que J'on mérite. C�lle de la nouvelle consomma­ La première internationale de l'animation machinale.
I ion musicale qui permet une fabuleuse progression du la cassette ct le microsillon ; l'l!coute intimiste. De
chllfre d'affaires de l'industrie musicale. l'Intimité exLérieure et intérieure. Ecoute solitaire ou d'un
L'empathie, de cellll nouvelle dynamique de groupe, sera �etit groupe de copains.
définie par l'articulation des techniques de pointe et de la Une • sélection • s'est faite. Celle de la vulgarisation de
mécanique sociologique. L'animation sonore dispose d'un lo technologie avanc� de série. Et celle de la banalisation
extraordinaire davier : la combinatoire de deux mécani­ Immédiate des tubes, de la mode la plus avanc�.
ques, celle de l'humain et celle de la machine. Pour manipu· Cette figure tcchno-sociologique permet un double pro­
1er l'intimité intérieure et l'intimité extérieure. la subjecti· lu : musical et industriel. Par une double publicité : la
vité et la classe d'âge, l'individu et le collectif. {On peut réciproque promotion de vente de l'objet - la cassette, le
même se demander si l'extraordinaire progression technolo­ microsillon - et de l'œuvre - musicale, du groupe. Le
gique de ce secteur ne pourrait pas s'expliquer par la non disque fait vendre le rythme, comme le rythme fait vendre le
moins extraordinaire manipulation idéologique qu'il a auto­ disque. Deux sources de profit, absolument complémentai,
risée.) le concert et la cassen� permettront de tenir les deux res. La pub est rythme, comme le rythme est pub 1 • Pub du
bouts. DeuK figures techno-sodologiques qui recouvrent
l'animation sonore. qui font l'âme juvénile.
le concert est une médiation essentielle : il rassemble les 1 . R)'thmto. rc.'pifons-te encore, du nkH�:ophallsme : t'anti..swina, (iso­
clientèles des boites (comme la boîte avait déjà rassemblé morphe, mc!trlque)

68 69
syst�m�. modèle de la consommation musicale et modèle de • pétili?" · Ce qui a été sera. Ce qui .sera a étt!. Rép�tition de

l tde � Htqu�. Rythme réduit à l'isomorphe, à la s�ule
toute consommation mondaine.
métrtquc.
L'animation machinale a fait l'âme et le collectif, le cri C'est une sécurisation maximale. Total conforml$me
subjectif ct la morphologie sociale. Certes, les écoutes Rten ne peut faire Intrusion. I.e Mêm� garantit le M�me.
intimistes. mtero-sociologiques n'ont pas 1� pouvoird'inv�n­
_

l Autre est radicalement interdit. L'Autre, c'est·à-dirc: la


tion et d� promotion de l'animation corporelle de la boite ct ,],fference, aussi infime qu'elle soit. L'ouver tu re l'aventure
du concert. Ceux-d restent les lieux privil�giés du mondain. ! i mprovisation. La répétition, machinale mé �
ca ique, outO:
�s grands modèles gestuels sont événementiels : ils témoi­ mattque écarte les deux possibilités de l'intrusion de l'Autre
gnent d'une dynamique de groupe qui rend compte de la <If la rencontre. 0� la vraie vie. Ce rythme empêche - et
conjoncture historique, d'un moment particulier, vecu selon tl une manière brutale, sommaire, terroriste, impérialiste­
une symbolîque spectaculaire, dom les media garantissent ,
la fmahté ct l à-côté : cc vers quoi va le temps ct ce qui so
la diffusion promotionnelle. pnsse �n même temps. On ne veut pas savoir. tJainc de ta
Mais le côté consommation privée de la cassette ut du mélodte et de la fugue. Le temps ne doit pas échapper Il son
micrc>Sillon révèle une intox, une imprégnation sonore H'nfermernent rythmique. Durée close, d'une société clusu
encore plus contraignante et révélatrice. C'est une intériori­ d'un co�ps enclos sur sa misère, durée enclose dans le Même:
sation maximale de l'idéologie. Un procédé alors privilégié Duree sans progressiun qui exorcise l'angoisse du dcve­
de la reproduction de cette idéologie. Car gestuel d'accueil, ntr, qui se refuse à reconnaitre l'écoulement du temps vers
intimiste, de l'Autre, de toute autre information el relation. _
a fm : la mort. Refus d'a!h'Onter, d'assumer. Exorcisme
Un maniérism� de l'écoute se propose comme �ubversion lundamenral d� la culture bourgeoise. lmerdiction de toute
subjective a priori. Tout naturellement, alOI'II, l'usage du difference, de la reconnaissance de l'autre.
hasch, de la drogu�. Comme raUinem�nt d� l'usage inti­ Boum-boum : c'est toujours pareil. Sécurité machinale.
miste, ingrédient de la subjectivité. Rten ne se pas�. Rien ne se passera. Rien ne doit se paser. s
Le ha:.ch, découvert au concert, devient communion l• temps tourne en rond. Eternel Retour du Méme. l.e corps
intimiste. rentré à la maison. L'ampli, les spots, le psycl�é<lé­ "'cette pauvre certitude, d'être le Même. Mais être du non­
lique-maison font de la chambrette une petite boite. Et le tre ; le temps san� l'autre, Le temps sans l'amour.
'
hasth permet, entre intimes, d'atteindre l'intimité de l'idéo­ Cette temporalité encagée, prisonnière d'elle-m�me est
logie capitaliste, la microreproduction de l'atmosphère J,, dimension esscnliell� du capitalisme. Elle dit son g;and
extases collectives.
· nfermement. Elle est la temporalité du solipsisme, de

1 nullsmc, du narcissisme, du schiz.ophrénisme. l'expé·
ttcnce corporelle - et spirituelle -la pius pauvre,
Temps de la foule solitaire. Du psychédélique. Chacun
O. - CONTRJBUTION A UNE THÉORIE DU JAZZ : onferJ?é en , son rythme : chacun danse pour soi, corps
LE ROCK, OU I.E RYTHME SANS LE SWING. machtnal. � autre frôlé. heurté, pourtant. En fragments. La
U: SWING, OU LE TEMPS RETROUVÉ
communton • du rythme (sans le swing) est alors cet
�<hangc, du n,on-�tre. N<;>uvelle sécurisatio n : l'Autre est
.
ausst ref�s de 1 Autrt:. De 1 Echange. Tl est emmuré, lui auss1,
I.e rock, ou le jazz sans son âme, ou le rythme sans le •n sa sohtude. JI ne tentera rien pour en sortir.
swing l AIOI'II qu'il se prétend révolte et subversion, il Ry1hme (du rock) : répétition :refus et négation. Mais d�
que soumission à l'ordre capitaliste. 1_ Autre. Et con•entement au capitalisme. Refus de
Nous allons proposer à l'honoéte homme une théorie 1 Echange. Pour une sécurité terrée, égoïste, mécanique.
j
rapports du az7., du rock et du capitalisme qui de•_.a,;r, Ce rythme est ptre que conservateur. ll est réactionnaire
scandaliser les idées reçues. Les siennes, h�las. •1 porte en lui une violence de refus fascisanre. JI doit
Le rock (et ses Mrivés) découpe la durée musicale tnrerdi eà tout prix l'histoire, la reconnaissance. Le rock est
tranches homogènes, répétitives, similaires. Le �
l.t mustqu � de Ill majorité • bruyante • de la nouvelle petite
devient une durée linéaire débitée en tranches hourgeotste, du consentement au système (complément à la
identiques. C'est le temps du Même, du devenir réduit à
71
70
majorité • silencieuse • des • anciens • petits bourgeois). ttlpétitil, saccadé, fébrile. de la machine. La répétition
Surtout ne pas être dérangé de �on conformisme. Que ça •·Roiste et sécuri1>ante du Même. La volonte de consommer
continue. Que ça se répète. A jamais. '•ns rien produire. Et refus de l'échange, du partage.
Cette durée musicale est l'exploitation commerciale e• la La suprême imposture, récupération idéologique et mon­
rttupcration idéologique d'une dimension anthropologique daine, consiste è prétendre que ce rythme est le swing. A
fondamentale. mais ignorée, amaisj dite. Le rythme en son partir d'une analogie formelle - de canevas. de Kansron ­
�tymologle en sa genèse est un fait culturel, le lien social du ··mre le jazz et le rock, on dira que celui<i (et toutes ses
désir 8 la 'jouissance. Nous ne reviendrons pas sur c�u� J�rlvcs) non seulement continue le ja,_z mais encore l'ac­
qualité première du corps qui inclut toutes les autres (amsr mmplit, le libère! Ce serait le même swing, perfectionné,
les fixations psychanalytiques, qualités secondes du rela­ rpnnoui.
tionnel), C<>r nous l'avons longuement définie duns l'Eire et Idéologie de la récupération! Le swing est Autre. JI est
le Code. 11 nous suHira d'en rappeler l'essentiel. . l'Autre du rythme capitaliste. !1 n'est plus la temporalité
Pour que le désir (l'appétence) d1-1 béb� ottetgne la ancagée, cncqdréc, gardée, policée de la répétition machl­
satisfaction de l'être. il faui l'intervention de l'Autre, de la nnle, forcée, ilbr·utissante, mais au contraire le temps perdu
culture, de la mère. La première connnissanfe du corps est ,., retrouvé, le temps qui suspend son vol. Le temps éternel.
cette expérience temporelle : la consommahon apportée et llne répétition, oui, mais celle du Même et de 'Autr l e. Le
garantie par un rythme. C'es�-à-dire une régu!ation parf�ite, rrmps accompli, le temps libéré, celui de la réconciliation
. .
1
une normalisation venue de Autre, qui rdcnltfre la fonctron, Ju Même et de l'Autre. L'un. Le temps de l'harmonie.
la relation la durée. Celle temporalité est la substance :par
Car cette temporalité n'est autre que l'identification
la mère, 1� désir assouvi et garanti. L'être premier (l'anté­
p1r faite du temps de la communauté et du temps du corps.
pr�dicatil). Le rythme est le savoir organique de la sub�­
tance. Cc qui est dans le corps plus lui·M�me que lut.
1
..- temps de l'histoire humaine a su retrouveret exprimer le
r.•mps de l'innocence, celui du premier moment du corps.
L'immanence de l'être et de la cu hure.
Mais en tant que phénomène historique et culturel. C'est un
Alors est pos�ible la première mémoire : 1� • . .
nntisubstantialisme qui interdit toute récupération à des
ment du temps. Une temporalité, car dur ee répe tllrve,
!rns de consommation. Deux rythmes se confondent en une
pern1e1 un devenir en répétant un paSllé. Cette memoire
h.trmonie totale, cosmique et singulière. Le swing.
le support de toute une culture du temps, du corps,
En termes de musicologie, H est évident que le rock
l'histoire, de la musique.
La substance originelle doit 6tre progressivement t<'èupère le jazz en le réduisant à ses schémas et à des tics.
Pour accueillir· l'être de la cité. Le rythme, su-u�•u•rc Oui a la • f euille • en conviendra. Certes, le rock (et ses
manence, en sc répétant entralne le jeu du IOJ�ctlorln«:t, .l�rivés) est déjà dQns le jazz des origines. Mals comme une
. •lrtuallté connue du ju� et refus�. dédaignée. Ou ironique­
relationnel, du spatio-temporel. Et le travarl de ces '"'''ÇIS'U"
ries modifie progressivement l'expérience t�mporelle ruent utilisée.
Mais c'est surtout en anthropo l ogue que nous voulons
nelle qui doit en venir à son intégrale né� allon : la m•eroorc
1
ou lo temps finalisé par la médjation de Autre, de marquer la différence. Car c'est à ce niveau que se font les
manipulations Idéologiques. L'anthropologie historique
Toute la culture de la reconnaissance. de l'Autre, de
Alors la substance est dépassée, niée. Ses données p.rmettra decompléter notre théorie du jazz. Montrons tout
ves :le fonctionnel, le relationnel, le sp
atio IJX l devren·
- teR d'•bord le processus idéologique de la récupération, celle

)f ui veut utiliser le jazz pour justifier le rythme capitaliste,
nent autonomes. La division du travail permet a C>OJC:<:Urver
celle dynamique. 1 nimation machinale.
Toute cene culture peut être niée, refusée : la "'"""'" On nous dira que le Noir swingue en tant que race, en
lit� demeure figée dans le pur répétilif. Le devenir sera t•nt que Noir. Cette thèse substantialiste, ontologique est
Même. L'autre sera réduit au Même. C'est le rythme nlors... raciste : une qualité ontologique est attribuée � une
capitalisme : le rock. Le rythme sans le swing est l'es! !enct
, nllure, à une race. Et quelle qualité : le sens de l'harmonie,
temporelle de ce capitalisme. Il est l'expression corP < eu<
>r J, {leste de la participation immédiate à l'ordre naturel,
de • l'aliénation de l'homme •· La marque du •"'mique. Harmonie préétablie, entre un corps, une race, le

72 73
�osmos (qualité qui lait un autre peuple �lu, enchaîné et d'Etat ne fait que développer et exalter l'idéologie du
messianique). u•pitalisme concurrentiel libéral. Celle qui étall déjà l'idéo­
Mtthodologie du raci sme : les acquisitions de la culture, lo&ie du combat contre • les Lumières • et le mécanisme
de l'histoire sont dites naturelles, innées. Alors que l'être est tCientiliquc.
un a�quis historique, moment ou résultat d'une ph�noméno­ Triste imposture : le rock n'est qu'une pulsion aus,i16t
log•e. d'une praxis. d'une saga. Pour ces idé �
oloai s . le swing mécanisée, encadrée, soumise. Morne répéti tion : le swing
c't la couleur de la peau. Et non la cuhure d un groupe n est plus, ne reste que le rythme mécanique, isomorphe,
huma10 devenu homogène et particulier de par une longue mdrique, celui de la temporalité capitaliste. Piteuse contre­
histoire. qui est celle du ja7.z. laçon. Mais que la toute-puissance du capitalisme a impo·
Ces idéologues iront jusqu'à raconter qu'il y aurait un 11-e. Pourtant. peut-on établir un lie n quelconque entre le
lieu - en Afrique - de l'origine du jau, de la musicalité Mhanchement d'Elvis Presley et un chorus de Parker 7
pure. Substantialisme naïf - ou cynique ? - du retour aux 1 'intelligentsia ne s'est guère indignée de cette imposture.
sources. Thème éternel de la réaction. Retrouver l'essence de Au contraire. Po�r elle, le rock est une manière de se révolter
I'AI'rjquc sérail retrouver l'essence du Noir, l'essence du lllntrc le système.
rythme. C'est l'idéologie du néo·colonialisme écologisant. Cette conception du ja�� substantialiste, néo·capitnllstc,
id�'ologic du sous-développement : • Une race est pure ... elle mondaine, doit être dénoncée et écartée. Et contre cette
a échappé aux tares de la civilisation... Il laut la pr�serveret r\ploitation de l'harmonie préétablie de Leibniz. nous
empêcher les exploiteurs de l'équiper en biens de production rroposerons une thèse hégélienne et marxiste. Thèse antiro­
industrielle, car pollutions et nuisances vont suivre. • ll>te. Celle de ln production historique d'une temporalité
Le swing devient du coup le modèle d� la contc:st;lti<on, unique : l e swins. qui n'est ni dans la nature ni dans la race.
la subversion de la société industrielle et capitaliste. Mais fait de cuhure.
une subsumee : un lieu, une race. une e.o;ence naturelle. Le Pour swinguer. il laut être Noir. D'accord. Presque
Noir swingue et témoigne ainsi d'une pureté ontologique d accord, car pas mal de musiciens Blancs swinguent, aussi .
que le Blanc. par son histoire, a reniée, e ffacée de son corps. I l ces nombreux cas d'espèce suffisent à infirmer la thèse
pour � soumettre au gestuel policé de la civilisation. •ubstantlaliste : le swing n'est pas un [ait de race. Si des
Mais grâce au rock - qui développe le jau - le Blanc !lianes �wingucnt, c'est qu'ils participent, de l'inlérleur, à la
pourra retrouver cette innocence d'avant la civilisation 1talité historique de la culture noire. Et non en usagers.
(l'antéprêdicatif). Ces idéologuès dil•ont que le rock libère le Il faut avoir été esclave. Majs encore et surtout améri­
r
corps de son carcan eligieux et moral, du mnintien "a'u"'"'·'
uin. Il raut les trois qualilés. articulées en un ensemble
occidenllll. Alors le corps 11'est plus guindé, honteux de
dl&tlectiquc <;:1 historique : être un Noir qul devient un
même. Il s'exprime. Le corps mod.:lé pur la religion, cucp..-
blli>é, corps du péché, peut se défouler. s� libér�
e•
er d• � � ��
c·s
r•clavc et un esclave qui dovien1 américain. Le Noir est le
•uppo•·t ct le véhicule de cette culture. Au résultat, • l'es­
Cette idéologie est habilitée par toute une c 1 : � � � � k·nce • du Noir : le swing. Non pas comme permanence et
do la modernité. Il faut la psychanalyse. Et sa
1<aurgencc d'une qualité naturelle, mais comme nQ!ure
marxiste. Et l'ethnologie. Les deux quêtes de l'a1ntéor<!d
drvenue, culturelle. Fait historique. Alors que J'idéologie
tlf. De l'être d'avant la civilisation corruptdce (avant 1
••'ut en faire la contre-histoire (l'antéprédicatil).
toire individuelle et avant l'histoire de la soci�té).
td�logie de la modernité qui n'est qu'une no.luVE�Ile Cette culture du jazz est d'abord un fait de migration. Et
mouture du vita ls i me de toujours. Anthropologlsauon uon un lieu lixe et étymologique. Mjgrato i o qui est le plus
l'élan vctal. Bergsonisme revu et corrigé selon les no'uvc���x monstrueux dépl:�cement de population de l'histoire. Le
twing est la microtemporalité qui rend compte de celle
besoins Id�logiques. Par le rythme (du rock), on se
la société close (du conformisme bourgeois). Pour ae<cécler tn.&tro spatio-temporalitê. E.n un ellipse, toute une histoire.

l'harmonie et à l'innocence (de l'élan vital). A la pulsion, à 1 n un ra�'Ourci temporel, tout un espace.
�pontanéité. à l'élan. Cette migration sociale est un phénomène historique
l.'1d�logi�> utilise toujours les mêmes trucs. La vie... ounque : les deux bouts de l'histoire se rencontrent et
vlc du vilalisme. L'idéologie du capitalisme mc,no,polisc.c:, •tdcntilient. Le: mode de production du primitif ct le mode

74 75
de production capitaliste vont se contondre en un genre de de l'histoire globale. C'est un vécu qui répète l'éternelle
vie qui donnera naissance au swing. ;cène. Recréation organique car temporelle, durée existen­
Cette identification ne pourra être celle d'une cité auto­ liell� qui éprouve comme la première fols : duue musicale.
nome, l'organisation d'un espace social institutionnel. Le Supériorité de la musique sur les arts plastiques qui ne
lieu de la con-pénétration des deux cultures se�a �ne peuvent que r�présenter. Ils n'échappent pas à la fonction
temporalil�. Le surgissement du refoule! est une margmahté wmbolique. A des médiations nécessaires pour exprimer
Un à-côté de la cité institutionnelle. Le swing est dans et une înlention. A une objectivation qui rend intelligible la
côté. 'ubjectivîté, mais qui aussi ta trahit.
Cette temporaUté nouvelle, en • son essence • est Le swing, au contraire, re-vit l'histoire racontée. En un
blues. Microtemporalité, à côté de la macro spatio-ternpon•·' vécu du corps qui expérimente charnellemen1 l'acte histori·
lité américaine, et qui rend compte de la totalité que du peuple Noir américain. Il est pure subjectivité.
migration Noire (intégration à l'Amérique incluse). Et ce vécu est un savoir absolu : une synthèse organique.
unité organique temporelle doit rendre compte, en Il fait le lien entre tous les moments. Il est création ct
durée très brève, en une cellule musicale, d'une mt•llitu<ie création d'une totalité. Comme expérience du corps et
discordante et dissonante de faits hi�torlques. C'�:sl-<\·<ltire maitrisc du corps. Le pouvoir de répéter, le macro en un
le vécu tribal, le déplacement de population, Ill micro, le multiple dans l'un, le Même dans l'Autre. Tous les
nostalgique, la participation à l'ordre industriel. Part aUects sont unifiés en une sagesse historique, qui 1ranscende
lion contrainte et forcée, mais aussi participation cul les moments. Rien n'est oublié. Mais tout prend .son sens.
volontaire, involontaire, par le jazz. Armstrong • Aimez ce que jamais on ne verra deux fois. • Le jan est

chantent en américain et non dans un dialecte atrlca,tn. toujour'S Autre. Sa nuance : l'Autre dit par le Méme, ta
Autant de dissonances qui pourtant constit communication la plus intime et ta plus ac1uelle. L'lneffa·
ensemble homogène, autant d'accords dont le désa<:co,rd ble. Le Code est I'Etre. Sans aucune m�diation. Comme
.era le lien. L'unité de la cellule musicale sera •mmédiate participation. Seule la musique peut Je laire. Et
l'ensemble des di scordances. elle seule en a le droit.
Le jazz est cette élaboration synthétique : il Ceue imperceptible nuance qu'est l'existentiel ne se
selon la causalité historique et Il s'uniUe aussi selon répète jamais deu11 fois. C'est le contraire ab.solu du rock, du
finalité historique. En une ponctualité rythme machinal. Car l'expérience microrépétitivc, des
antagonismes, les ruptures, les discontinuités de l'hist,oire. moments de la saga, ne peut être jamais le m�me. On
Le swing, reproduction de la saga du peuple noir an>i>r·i. n'éprouve jamais de la mèrne manièfe ce qui nous est
cain, C$t une temporalité qui se déborde Rlle-même, consubstantiel. Le swing est cette émotion indicible : J'uni·
dêbolte pour glisser mais se rattraper juste à l •nstant où cité de valeur universell e.
semblait se perdre. Temps syncopé. qui af(irmc, puis se Le swing est l:entre-deux rythmes, constamment débor­
revient sur lui-même pour mieux se dénoncer et se re<:onn· dés : entre le tanHarn et entre le t·ock. Car Je tarn-tom ne
mcncer. Temps qui se détruit à mesure qu'ii se construit swingue pas. Encore moins le rock. Mais le swing se confond
intime. la modulalion même
gui ainsi devient une durée aussi à ces rythmes. Pour les dénoncer et se dire Autre. Alors
1 intention subjective, l'histoire du peuple Noir '· deux systèmes de «emporalités révèlent leur fonction so!curi·
Le swing est une re-création organique- individuelle sante, leur ontologie répétitive et réactionnaire, leur refus de
reconnaître cet Autre qu'est devenu le Noir - esclave -
américain. Le swing, musique populaire parce que de valeur
··r;����1t�;: universelle, dénonce à la fois la fixation régionaliste à
1. Celle-c-i est l'histoire du jn:z. Elle •'ac.M:"e et
tcmtnt de la ville c-ap t ropoll s amklc:afne.
italiste · la mi uci$ecl� l'Afrique et la rkupératîon capitaliste de l'Occident. Il
Noir. ck·la\'t paysaft. Demit:r- momt:r'll du calvalro. Moment
, refuse en meme temps le vitalisme du primitif et le machi·
.u
ja .• alors. ac-wa1iie le subjll!t"tivitê unh·erselle. Il
uaume nisme du capitalisme. Ce que l'idéologie cherche à idenlî·
occld<ntale. celle de l'homm< blanc. fier.
Cln&h•nte Jro·nle de l'histoire : alors que l'Occident �ndain singe
rythme ..Su swlng. le Noir prend en charge 1a rn�lodi" inl1n1e, Ouell� Formidable humour de la saga noire, car savoir du
en ordre ! OucHe lec.-ont M"i' alle� expliquer ça à f'oucault l!l è Jet�n passage, de la médilltion, de la rupture. Savoir du produc·

76 77
teur-esdave. Et production d'un mode de production : le •u mi�ux les stimuli utéricurs. Et de déployer, alors, tout le
mode de production indUStriel. Car c'c�t le travail de 1• 'tue! adéquat. Celui d'un dressage quasi pavlovien. toute
l'esclave qui est à l'origine de l'accumulation primitive, un,· gamme de réflexes conditionnés, ge.stes d'usages d'ob­
laquelle, réinvestie dans le secondaire, permettra l'extraor­ )eh prlvil.,giés, initiateurs.
dinaire progrès économique du capîlali�me des monopoles. Ça fonctionne. La statue est fonctionnell..-. Ses gestes se
Producteur alors totalement frustré de sa production. Ce •nt articulé,. en séries, celles-ci en conduites hiérarchi6{-e&
que le jau dénonce alors dans le nxk, c'e\t le rythme de la t finalis�s. pour faire des actes.
consommation capitaliste. Humour notr de la saga Noire , Lo dynnmiquc gestuelle, d'abord purement organique,
qui ..e &ert de ses singes Blancs (Elvis Presley) comme faire· .-t devenue psychologique, puis sociologique. Trois syst�­
valoir du swing. Le jazz est alors vraiment subvcrsiL Un l
tnes morpho ogiques se sont stratifiés pour donner des
chorus de Parker suffit à dénoncer la facticité de la révolte, lnnctions au corps. Celles des usages de la nouvelle t'Onsom­
de ln contestalîon, de la subversion machinale ct mondaine. rnution mondaine.
Le u-uqua.ge de ces Blancs qui veulent encore se servir des Vie purement maciJînnle, d'automate : de geste en geste,
Noirs. clv signe en sigrtc, de conduite en conduite, la systématique
Mais ce swing dénonce aussi le retour aux sources, thème clll paraitrc va Constituer son être. l,'être mondain. Le
essentiel du néo-colonialisme écologlsant. De même qu'il est multrc - le capitalisme - dispose de cet extraordinaire
autre que le rythme du capitalisme, bien que le Noir soit à p"uvoir magique : animer le non-êrre des gestes de sa
l'otiginc de sa puissance industrielle, il est autre que le matière. Le moindre sHmulus suffit à déclencher une
rythme africain, bien que le Noir américain soit d'origine •traordinaire complexité gestuelle, morphologique, sémio·
africaine. li renvoie Sun Ray et Elvis Presley dos à dos. La lc>atque. Tel est le paradoxe de la passivité, celle de la
contrefaçon vilaliste, de la restauraiion ontologique, ne dit n•ali �re.
pas la nostalgie du Noir mais celle du Blanc. C'est mépriser La moindre animation rencontre une totale disponibi­
le blues. expression culturelle du déplacement de popula· lhr La marque s'enfonce sans résistance et se diffuse
tion. C'est dédaigner le rôle essentiel du peuple Noir améri· Immédiatement. La matière. pur réce-ptacle, est extraordi­
cain dans le pnxès de production. C'est vouloir que l'Afrique n•trement maiMable. Son impuissance à être lui donne ce
croupisst en sa misère séculaire. l
•nuv oir · être la première lorme proposée. et n'être que celle
Idéologie du Blanc dérangé dans lUl consommntion et qui "'me. Le non-être est la plus grande disponibilité à la
voudrait la restaurer en un lieu privilégié, à l'abri des lcnme.
tut·bulences des producteurs. qu'ils soient Blancs ou Noirs. Cette dynamique de l'animation crée un univers -
,

Pour qu'un espace et un rythme sauvages intot·disenl à nt.tchinal - en expansion,. Une fois lancée, la statue ne
Jamais tout aménagement socialiste du territoire : nouvellès o'urrêtera plus. Le poids de la matière l'cntralne, constante
colonies de vacances 1• ••cèlération du rythme, de plus en plus fébrile.
Il semblerait presque que le mannequin en rajoute, de
lui même, tllnt l'élan de Ill passivité est irrésistible, à cause
de· 'a pesanteur. Cet élan vital est intarissable, une fois
E. - BlLAN PROVISOIRE tlunnée la chiquenaude initiale. fi est t-omme une vibration
DE L'AI\IMATION MACHINALE. qui ne peut plus s'arrêter et qui même s'amplifie. tant le
VITAUSME ET ANIMISME \!.Ir aide à la résonance. L'onde de l'animation machinale
t un vibrato infini
Et comme ce paraltre est vivant ! Toute une dynamique
La statue de Pompidou - celle que le régime produira et t devenue une animation et celle-ci un système de
diffu&era en serie, culture de masse - a appris à vivre et à nthmes. Le capitalisme a fait du machinal la pul�ion, la
vivre sa vie. Son intégrale passivité lui a permis d'accueillir •1•untanéité. L'élt�n vital.
Le monde de l'apparence - le mondain - est un non·
�tre diabolique, une Imitation de la vie qui [ah plus vraie
Cl. tu Coloniu de wacances. Françui� de Nesronl. ttttc la vic, qui en rajoute. Le diable e11 [ait trop pour imiter

78 79
l'inimitable. Il}' a dans l'animation machinale une fébrilité En fin d'initiation, ce �ra l'accession à des objeto
qui la trah it. Le rock en fait trop pour être le swing. :,ttchc• trh sélectifs mais u�uels (un certain usage de la
L'automate est trop parfait pour être la vie. moto, par exemple). Le mana ne S<!ra plus une expérienc"
Notre approche anthropologiq.re nous a déj à permis de ludique, momentanée, propriatoire. Mais une pratique quo­
définir le corps selon le rituel initiatique, la magie, le totem. Udlenne, une consommation, çellc du maitre de • la société
le potlatch, l'échange symbolique. C'est le corps de la ,,,. consommation • . L'intégration ou système est acquise.
consommation. Le corps de la modemité sodnl-dêmocrate. Animation machinale : vilalismc, animisme, fétichisme.
Une autre catégorie de l'ethnologie, et fondamentale - nu consommalour. Car tout cc dressage coporel r n'est que la
l'animisme -, nous permettra de compléter cette généalo· mise en place d'une forme. Celle de la consommation
gie du corps de la modernité. mondaine. Atteindre cette forme est atteindre l'essence du
Car Je vitalism� est au�si un animisme. Le corps est '.tpilalisme. Son mana.
lnilié. Initiation au mana, aux forces occultes, obscures qui Le corps se laisse animer car ainsi Il accMe à la forme la
rl!gissent les phénomènes vitaux. Rites d'initiation à un r lu' parfaite de la consommnlion mondaine. Nous avons ln
univers où les objets et les gestes sont gouvernés par une explication de l'extraordinaire facilité avec laquelle le
entité spirituelle, une âme. •" 'ps parvient à des usages cxtr*mement sophistiqués. C'est
1
Cette âme n'est outre que celle du... capitalisme C'est •·• passivité elle-même qui permet au machinal d'a ir. C'cM
s
l'âme de l'animation machinale. L'initiation est intégration •·• soumission qui autorise son pouvoir. L'abandon à la
- inconsciente - r�u système, participation idéologique (l<'.qanteur fait le jeu de machine.
spontanée, • innoce11te •, au mana (de l'être capitali�te). Extraordinaire pouvoir· d'êngcndremcnt du non-être, de
C'est ce mana ql''il faut cnpter. C'est ce à quoi il faut l'en soi. Touhl$ les ligures décrites ne sont que le développe·
s'inlégrer. A un premier niveau, c'est l'initiation aux objets ment de la même • aptitude • à recevoir sans avoir cu à
féliches et aux gcs1es totems (poster, flipper, juke-box, pot dulr c . A prendre sans rendre. A répéter sans progresser.
cheveW< longs, jeans. guitare, etc.). Première initiation la passivité, paradoxalement, deviem un acte. L'acte d'uti·
mondaine, première animation machinale, premier ani­ h•er, d'user, de se servir sans avoir i!laboré, travaillt. Cette
misme. Puis, à un second niveau, le riluel initiatique pa,sivile est la réceptivité de la matiere : pure forme de
progresse vers la participation. Elle n'est plus symbolique, 10nsommntion. Le corps ne fait que ci!der de plus en plus à
mais expérience existentielle -le rythme (celui du rock). La � pesanteur. U s'abandonne entièrement aux stimuli du
radicale soumission du corps à l'animation machinale - le •••Pttalisme. Pour élargir extraordinairement son champ
psychédélique - permet de participer au grand tout et lunctionncl.
même d'atteindre ln transe, le mana lui-même. 11 n'y a aucune progression dans la dynamique de la
Ce rythme 1 est la meilleure des Structures d'accueil de otntuc. Ce n'est pa� par un perfectlonl)ement inlime què Je
l'animation machinale, Alors l'expression corpor<!lle assi­ 111rps atteint la pedection formel!� de la consommation.
mile immédiatement, sans détour, la mécanisation du vécu C 'est au contraire par la radicalisation de sa passivité. Par le
imposée par le néo-capitalisme. Le rock est la plus parfaite plus grand abandon. La plus grande soumission.
structure de dressage du corps. 11 est une préparation à la Les marques du dressage se font ainsi de plus en plus
fébrilité de la nouvelle société. Par ce rythme, l'intégration (l<•nétrantcs. De plus en plus coercitives, impérieuses. La
machinale au machinal des rapports humains. Alors 1 1""-qivité de la statue s'avère infinie, dé(initive. Son • éduca·
vital s'identifie à la dynamique capitaliste. Le vitalisme est lion • a consisté à l'abandonner à elle-même. A sa nature A
le vécu de l'animation machinale. •un penchant. A sa • spontanéité •·
Nous verrons que les autrès niveaux de l'inltia'tiOJn Cette veulerie semble sans limite. La rhétorique machi­
mondaine à la civilisation capitaliste sont aussi n�le interdit l'authentiqué révolte. Tel est le corps mod�le
dures de captation du mana. Ainsi le hasch, ct les dr•�l!llCS •1u� Je nouvel éducateu r - ou animateur- devra fabriquet·
dures, permettront l'dta�e. l'immanence totale. 1" série.

1, Isomorphe, mt:trique.

80
5

Quatrième niveau initiatique


l'initiation mixte,
subversive et institutionnelle.
Le hasch et un certain usage
de la pilule

A. - LE CORPS AUTONOME DU MANNEQUIN

1 Du psy. du •ensuaUsme Oe psycbidEiique) l l'intEaratlon


llalhulioDJlellc
- Le corps comme machine à rêver

La dyn�mlquc de groupe et l'animation sonore ont donné


lU corps un êquipcment machinal tel qu'il peut fonctionner
de lui-même. La statue dispose, maintenant, rappelons-le,
If un savoir organique mais aussi psychologique et soclologl­
ur L'automate est devenu autonome. ll devient adulte.
Il reste un automate : il ne sait que ce qu'il a appras par
le hande et le machinal. JI ne peut que fonctionner belon la
tugrammationacquise. I l la répète, certes, machinalement,
m4i• sans que le programmateur ait à intervenir A un .

•ment de la vie machinale, la création • continuée •.


!Intervention constante des stimulateurs, ne seront plus
ut es.s
aJnos.
Au d<ibut, le mannequin n'était que pulsions. gestes
"··adés, rythme fébrile. Il était psychédélique. Son Inti·

83
mité incérieure n'était que la projeclion d� l'intimité exté­ OC"rnblent être de son invenlion. Comme le ressort en tïn de
rieure Inventée par le capitalisme. L'univers du stroboscope wurse impulse un gestuel, plus souple, plus délié, plus
ec du synchéciseur - l'animation machinale - est aussi oué, tellement semblable aux gestes rares de la créature,

l.
l'univers mental du robot humain parfaitement dressé. Les 1 anomation machinale à son zénith se dêtend au�si en une
pulsions ne sont pas des conduices. Encore moins des actes. ,.--te qui semble vraiment humaine. Alors la statue semble
Mais quand il n'y a que pulsions, le psychisme n'est qu'un avoir une erne. Comme si eUe échappait à son mécanisme
jeu de lumières et de bruits, de gesces qui ne peuvent Puur vivre d'elle-même. Ubre. D'une vie née de la perfection
concinuer, d'intentions aussitôt oubliées. Et tout cela inlas­ liu geste. Hoffmann 1 a pu s'y laisser prendre. Mais cet
sablemenl, inexorablement répécé. humain est un trop humain inexorablement dénoncé par on
Le premier sensualisme - de la statue- n'est que nr sait quelle imperceptible fébrilité.
machines. C'est le psy. du psychédélique. L'�tre m:1crnnao Ce corps parfait du machinal va pouvoir s'élancer vers
l'être des pulsions. Le bruit et la mièvre f11reur de ll.-s conduites mondaines encore plus perfectionnées. Vers
gesticulation. La satue
t de Pompidou nccède à une ani une définitive Intégration corporelle au système. Le manne­
tion spt!cillque, propre au rythme du capitalisme. Inodit••·· �ui!l .m�ndain va �ccéde� à des conduites adultes. Celles de
La statue de Condillac disposait d'un sensualisme... l lntiJauon mondame nuxte, subversh•e et institutionnelle
sens. Celle de Pompidou a le sensualisme du psy.. que seul (pAr la drogue et la liberté sexuelle).
capitalisme pouvait inventer et déverser dans la •••,...,,., Mais alors son passé devient son inconscient. Comme
Nouvelle Innervation, qui écoule et Inocule dans Je r uur �
l' u�aln. La statue aura un inconscient : Je psychédé·
intime du non-être organique les signWcations intimistes ll 1
que, unavers pulsionnel de la première animation machi­
l'animation machinale. nale. Le rêve capitaliste peuplera le rêve de l'animal­
·-ct.
L'être psychologique est celui du sensualisme. Et ccllui machi!le. _D'ellemême, maint nant, la statue devient ce que

e�t l'être du psychédélique. Le mannequin a bien la dirne11· 1� capuahsme ;a faite. Ce quelle rêve, c'esr ce qu'il y a de
1
sion • psychologique • de sa nature. Celle qu'il mc:rn•e. plus machinal, de plus extérieur. Ce sera son intimiti•, son
moi P
psy. ebl le résidu d'une sensation. Et celle-ci le r�sidu "?fond. Son cela. Ce qui est au fond de la profordeur
consommation. Le tout est un dressage. Oc l'être �
A la fin çlç la culture par la bande - de group e •: ��
� � �� MJnd
n ame : le machinal. Profondeur du superfice
noachination capitaliste.
i l : la

- Je corps dépasse ce premier conditionnement. M'""'"" Ce rave est bien ce qu'il y a de plus superficiel. Celle vie
nant, le robot dispose d'une mémoire. C'est un drs sens est le non-sens de la vie : l'élan pulsionnel ui
q
coule, qui sait vivre. Celle mén1oire est tr�s SO(philsti:qu,ée, rrrombe en même temps qu'il s'élance, la répétition fébrile.
très êlaborée. Le mannequin mondain peut répondre ln discontinuités sans [in, dis�onnances et discordances. Le
stimuli mondains - et à eux seuls - selon l.irl choix. Et rt've Cfl mécanique c�r il n'est que jeu de ' lachine. Le corps
. !
peut proposer ce qui ressemble à l'improvisation : de 1
uns autre. Mnis lmnté par i autre. Il est organique en
1 son
velles combinaisons, plus systématisées. 11 lnlflulssancc d'être sans l'autre. Et c'est son seul message.
peut p11iser
un énorme arsenal de signes, de gestes, de o r
rmes. 1 'Interprétation du rêve doit être l'interprétation de la
Pour proposer même des conduites très complexes, nttlièr� : un non-sens hanté par le sens que la culture et la
imprévisibles tant les matériaux acquis sont mul •••liOn Imposent.
divers. Le robot devient un extraordinaire montage de Cet inconscient fail du corps une machine à r�ver. Rève
estuelles Cl sonores qui s'ar1icuJenl pour proposer d machine. De la machination capitaliste. Rêve, psychédé­
e
discours machinal. Celui de la mondanilê capilallste. h•lue, hallucin g
oène sont les trois aspects de ceue animation
Le mannequin • s'humanise • · Sa machination ressern• n•·•�hinalc. Le dre
s
sage du corps est celui de l'inhmitê' de
ble de plus en plus au gestuel humain. Comme ces 1 onconscient, de l'âme du mannequin mondain.
qui, au dernier moment de leur récitation mcicanictue, Deux nutomatlsmcs vont se confondre :celui de l'anima­
proposent un geste inédit, surprenant tant il i Hon capitaliote et celui du corps. Les programmations de ces
Geste qui parait même plus vivant que le vécu oq�arlique. LI
statue, alors, semble vraiment s'animer. A de
acqub. elle se propulse même vers des improvisations 1 Celui d•o contco d'OIIouboch.

84 85
deux machines à rêver vont s'identifier pour propçscr lo mode pour une dêcade, puis pour une classe d'âge, puis
même scénario du même rêve. l"•llr un été) et supplanter les rivaux de la nouvelle mini­
L'univers du synthétiseur et du strob0$éope sont •l.>sse d'â!!e• il faut proposer d'autres modalités transgressi­
gés. conlondus en une totale lète des sens du machinal. "•· Pl�ts violentes. Plus politisées.
haut moment du rêve - par le syncrétisme de tous La subversion se radicalise, accède à la plus grande
constituants- et plus haut moment de l'animation m:ao111• llllllsgrcssion possible dans le mondain ; la drogue et le
nale - par l'e>�!rême sophistication de l'appareil ne, Cette consommation transgressive e.xaspère le message
psychédélique est alors la projection spatiale. èollor·ee, pr�Htique de l'émancipation, de la libéralisation. C'est la
temporalité briséé d'un rythme sans swi La .eo•r�•u.. Rllinde bataille contre les tabous et les jnterdits.
hachée de �e rythme reprend et répète )a dé
<:onlpc>sition' L'expression corporelle est alors la réalisation d'une
spectrale de la lumière. Imaginaire de pacotille, riche,.se Intention poliûque. Alors qu'au niveau du rock et de la
l'animation capitaliste. Le corps comme machine à rêver hnnde, la pseudo-innocence ontologique était telle que le
le prêt-à-porter du rêve bourgeois. ••<:u semblai( apolitique. Du troisième au quatrième niveau
Initiatique, l'émancipation passe du combat contre le père
•" combat contre • la sociêté •.
L La subvetsiop radicale Le Dagtant délit d'une Les conduites <:ontestaires se font systématiques, finali­
nonnalité conformiste IN'S. Elles quiitent l'univers ludique de l'adolescence, l'ani­
nhttion de groupe et l'animation sonore, pour des conduites
Ce corps bourgeois va préserver le plus ouvertement transgressives, discoureuses, personnalisées.
possible ces prérogati,•es mondaines. Car il dispose rnt(agées. Mals sans quitter définitivement l'expression
son plus grand potentiel de séduction. Tl est à la lois l'être "''porelle. L'enjeu reste le sensible, la consommation mon­
le politique, le vécu et Je message, la consommation d.tlne, l'accès aux signes, au pouvoir libidinal. ludique,
daine et la révolte. La pseudo-naîveté politique peul nt•orginal. Les •·eprésentations politiques ne se séparent pas
donner le charme de la révolte ingénue. rncore du vécu.
Cette révolte mondaine se c6nfine longtemps dans Alors la contestation mopdaine atfeint le moment dialec·
marginalités de la bande et de l'animation sonore. litJue de sa plus srande contradicUon interne : contradictiqn
savourer. Se consommer. S'utiliser comme (lrme es,;eroti<�ll� ntre l'insûtutionnel et la subversion. Car ce qui se dit
de la séduction. De la drague. Les minauderies de Llllllestation n'est qu'initiation mondaine, niveau supérieur
De<1n se reluserom longtemp.s à leur priSe de parole. do l'intégration au système, à la sOèiété permissive. Tel est I.e
Tel est l'énoncé de la mondanité occidentale ; la séd.uct.ion n1ensonge du monde. Le grand combat contre l'institution­
est contestataire. De là sa problématique : comment lit1 n'est que la substitution de l'institutionnèl de demain à
lier l'expression corporelle et le discours politique, la rlul d'hier.
cipation et la représentation, le signe et la parole. C'est ce Oagrant délit de nouvelle normalité conformiste
équilibrer la consommation mondaine et le message que nous allons dresser, à propos de la drogue et de la liberté
que. Car les deux termes sont en rapport d'expression. 'KUelle. Comme avant-dernier moment de l'initiation mon­
par la subversion politique que le mondain se valorise. dltlne. Cela nous permettra de constater, une fois de plus, la
par le mondain que le politique se promeut. 111nlonde duplicité du corps mondain. Ce corps est le
Cet équilibre parfait (dl.l troisième niveau initiatique) unNtanl double jeu d'un faux jeton. L'économie du plaisir
pourra être maintenu. Car le mondain est conoarrme ,1 celle de la mauvaise loi politique. Elle C$l le ronstant
l'escalade subversive. De par la concurrence et l'usure "JlllOrlUnisme d'une double vie t.
signes. C.e qui c6mmence comme sélection, ma�ginalité Ce corps mondain est à la fois psy. du psychédélique et
petit groupe tombe très vite da(ls la consommation '1gucité manœuvriè,-e. Il va disposer de tous les niveaux de
masse. La banalisation des signes réd4it de plus en
mièvre message contestataire des premières intti�1tuml
mondaines. Pour écarter la concun·ence de la mi,ni-trançh • 1 l:.1 oous. ''erron& que cett<." economu� n est autrt- que le poiJa•ch de la
d'âge d'avant (on est pas�é de la mode pour une génération l'lu,·valuc. l,.a forme qu e le nc!O-capitali.sme donne au parasitisme de d&.SSC1

86 87
l'initiation mondaint. Et de leurs si�nes et rit1.1el$. Il l'�vénement • . Quelque chose d'interdit. De dangereux.
celle hypocrisie, cette mauvaise foi, ce pouvoir de 1 idé'olcl· ll')elfal>les mimiques de l'impétrant. Papa dort mais la
gie : être à la fois Je sensualisme machinal et
de la nouvelle société, l'instinct pulsionnel et la gest
!• •lice veille. Va.t-il devenir un camé ? Mais les copains sortt
..
A Vigilants, chaleureux : • Respire fort ... attends. ça va
t:
l'économie, le naturel spontané et le modèle ull urel, ''-·--'-·-·
ct le désordre. Ce corps mondain est l'incarnation
•�nir. • Il y aura deux races. Ceux de la planète et les autres.
1 <'S Initiés N les bourgeois. La plus belle icône du système :
notrveau pou1•oir de classe. l• hasch. Vous tire:t sur le joint et vous entrez dans la
Mais ainsi, il aura accompli un parcours : celui tt'sistance. L'usage de la drogue est la vole royale de
l'e�<pression corporell.e. Toutes les possibilitéS :,.unmt 1 intésration - �ubverslve. Le meilleur usa!le de l'ambiguïté
vécues, accomplies, Ce corps ne peut que se wnstitutive du système.
succomber à l'inUation des signes. U tombe dans la t>analttSll-, On nous dit maintenant -on : les médias - que le hasch
tion, la culture de 111asse. r�l inoffensif! Donc, deux périodes de la valeor d'usagé
Alors s'ouvre un nouveau parcoursJUondain, celui du J>t'Oposêe par les media, les • spécialistes • de la drogue, les
discours politique. La concurrence, au niveau de 1' ,.. ,.. ;. . ••
• ·�perts, les éducateur�, etc.
$iOrl corporelle, sémiologique est telle qu'il faut �h·•�<'h<>r Les rejetons de la bourgeoisie ont longtemps pu croire et
nouveau système de réalisation. Ce sera la prise de pat·otc ••mout faire croire qu'ils ét<�ient des maudits, des suicidai­
politique, l'ère des nouveaux sophistes. A partir de rt•s, des héros des ténèbres. Puisque le hasch était la drogue.
Bendit. f1 celle-ci la déchéance. Alors qu'ils n'étaient que les pères
Le corps mondain antédcur esl alors tranquilles de l a consommation marg inale.
démodé. JI n'est plus le moyen unique de Voilà le modèle parfait de la malédiction-bidon. Elle a
mondain. Il se fera snober par J'ironie sophiste, Sans !Qngtemps servi à l'avant-garde, image cl'Epinal de l'initia­
dénqncé, car c'est aussi le corps du nouveau sophi�té. lion - à peu de 'Irais - aux tén�bres. Premier profit
l'opportunisme de celui-ci est tel qu'il utilise au m:lxtmtJm l<léologique.
les effets vestimentaires ét sémiologiques. Mais ce corps Cette image, le type • qtf\-�e-détruit·parce-que-le•sys­
néglil!é, .c distancié •. Le mondain de l'expression corporel ttme-le-clégoûte •, est un remake de J'imagerie- romantique.
deviendra le faire-valoir de la parole politique. Il n�:rmettro Mais quelle extraordinaire dégradation du contenu et du
de montrer Ill di(lérence en�re celui qui sait dire lllCSsagc, te romantîque authemique o'épouver<)it
r plus­
ne sava·it pas. Différence entre le naïf de bonne vn''"'""' Mvèc la drogue - ce que les autres veulent obtenir - par la
messager poHtique. C'est la h;volité mondaine de l'""''"'''· di'Ogue. Le romantisme est une ascèse. Un acte, une volonté.
rage qui fera le sérieuJ< du discours gauchiste. 1'extase de l'idéalisme subjectif est au résultat d'une praxis.
Nous venons de démasquer le mondain dans t•,.,,nrP«;nn 1 'amère récompense d'avoir tenté de vivre.
corporelle. Mais il est déjà ailleurs. Et dans De même, l'autre extasé de l'idéalisme sul;tjeetif -
politique ! Ç'est le SOphÎ$tC maintenant qui va
scène du monc;le. Et c'est au niveau politique que le
�������: J'.,�tase mystique - se gagne par de terribles exercices
•rlriluels. Quarante jours dans le désert. Ou tout bonnement
doit être aussi défini, poursuivi. dénoncé (ce sera le livre Ir jèûne. Mais toujours la soumission du corps, son dressage
l'intégration politique au système). ljltOtidien, celui de • J'abrutissement •· AJors parfois- mais
« n'est pa.s le but de la spiritualité - des illuminations, des
�t·nnses. Le sentiment d'être Je maitre du monde par l'e�Cpé·
rlcnce charnelle de son néant.
B. - LA DROGUE, L'USAGE MONPAlN
ET LA PHARMACOLOGIE DE L'OCCIDENT
Le drogué, au contraire, consomm e. Et consommation
IMologiqu� du corps. Il cherche à obtenir ce à quoi le
1 umantique et le mystique cherchent à s;..rracher. Le drogué
1. La manlpulatloo idfologique et la théorie maérialiste
t ••1 l'essence même de la société de consommat�on. Alors que
•m image idéologique rétend Je contraire. La drogue est le
p
Ah! La tête du petit-bourgeois à sa première lumette l�tlche par excellence de là consommation.
C'�st qu'il se passe enfin quelque cho•e. On a • C'est le rituel de l'achat qui valorise le produit. Sa

88 89
clandestinité, sa cherté (ont le sélectif de la marchandise. alité. ne sait pas que le hasch n'accroche pas. li attribue aux
rituel de la prise consacre sa valeur d'usage. Etre • drogues douces les méfaits des drogues dures.
ché • prouve la valeur ineffable de la marchandise. Cet usager est alors un pionnier, un libérateur. Il va
danger encouru témoigne que son usage est au-dessus usumer la répression policière car il veut la (jb<\ration de
moyens du commun des mortels. l lnconscie nt. Par le hasch. le déverrouillage du nocturne. de
L'acte d'achat est l'essence de
la d
rogue. Un acte l lmaginalre, du rève. Le hasch est un combat contre les
parfait : clandestin, subversil, s
éle if
ct . Une élite act�eu tnterdits et les tabous du positivisme bourgeois.
t'es,cnce mi!me de la valeur. L'extase ne peut que • On • dira que le bourgeois a peur du réve, de J'incons·

Pur geste de consommateur : le produit ne doit pas ,tent, de� pulsions. Il ne veut pas que l'imagination prenne
payé avec l'argent d'un travail. Mais avec t'argent du vol. 1, pouvoir. En même temps qu'il réprime le rêve (le hasch),
la prostitution, de la magouille, du système O. Comme il laiss e (aire le trafic des drogues dures (cocaane). Parce que
le V disque - fauché - te consommateur •·�st un commerce, ça rapporte du fric. 1\t parce que le
marchandise. Si elle signifiait une part de travail - de hourgeois est vraiment un salaud : il s'en fout que le Càmé sc
travail - elle n'aurait plus cette valeur suprême de nr.nda1il détruise. Le bourgeois, c'est l'indifférence.
de luxe. Ce dl�cours est une double incitation à la coru;ommation,
Un produit très rare doit être consommé sans avoir du hasch et des drogues dures. Le petit consommateur
• gagné • · L'idéologie parasitaire du père sc renouvelle ·�cède au statut mondain de contestataire radical. Et de
t'idéologie parasitaire du fils. La consommation- •vm�.oU \llntestatlon poétique. Un peu de fumée, et la preuve est
que - du luxe est proposée à tous : la rar•ete lulle. li n'est plus un bourgeois. Il est autre . lniljé au
marchandise est consommée comme • rareté • du mn«""' nocturne. Ailleurs.
mateur. C'est un moment essentiel de la consom mat ion mon·
Le hasch est maintenant proclamé inolfensif. Jame. Après avoir valorisé l'usage par la malédiction
danger. Il • n'accroche • pas : l'imagerie de la d�cho�arao rumanti9ue, on le survalorise par le message politique. Le
romantiq u e était totalement usurpée. Alors se danger s est d�placé : il n'est plus dans J'eUet du hasch mais
ment le f étichisme de la marchandise. Le drogu� dans la répre�sion policière. Fumer, ce n'est plus vouloir se
accroché : à un fétiche. Le fétiche privilégié de la société .t.truirc. C'est détruire le système. Et devenir un poète.
consommation. Celle qu'il prétend contester. En même temps, les drogues dures relancent la vieille
Ce second moment de l'usage du hasch va autoriser ntnlédiction. Le statut de maudit sera définitivement
extraordinaire déploiement idéologique. Une savante 111ranti. Car triplement désigné : par les media, par la
lcctique de la mauvaise foi permettra plusieurs niveaux police, par les consommateurs (et marchands) du hasch.
re::lunee. Ultime avatar de la poésie maudite : pourètrc nuthcnti·
• On • a chassé la malédiction du hasch. Aussi va··t·ell ha1 maudit il faut être un camé. Hors de la drogue, point de
1 nves t ir, maintenant, ex<:lusivernent les drogues tlatut ni de salut poétique. C'est parce que l'on est un camé
D'une pierre deux coups : on relance le statut du maudit
on revalorise, par une nouvelle signilication
consommation banale (en évitant sa trop gra
����f;·��·��;�;! QIIC l'on est maudit, donc un poète. Le signe de la malédic·
tum s'est substitué à l'œuvre et au message. Le poète de la
naudernité n'a plus à écrire mais à témoigner (Artaud). Sa
tion). Ainsi on élargit les champs d'usages idl;ol<>giqu,el ���·se i , c'est sa vie : la drogue (dure). Tout le reste n'est que
Pour gagner de nouveUes clientèles. Il s'agit nutvrerie littéraire. • Shootez •-vous. Oétrulsez.vous. C'est
d'une valorisation. Par l'idéologie. 1 ,euJ témoignage recevable, face au système.
L'usager du hasch redevient une victime : celle de C'est que l'inllation des signes de la subversion est telle
l*ti<e répressive du bourgeois, de l'éternel philistin 1• tn'll faut constamment apporter la preuve. La surenchère
petit consommateur devient l'innocence encore et to�tJOI.II miologique est une constante de la marginalité. C'est elle
persécutée par le conlormisme. Le bourgeois, en sa '1"1 hiérarchise. Par elle la conquête du statut. Le pouvoir
• • aignes est un âpr e combat. Il [aut pouvoir proposer le
1 De nos jours, comme cha�;.·un te sillit, telui-ci n"cst autre que le
111ne que l'autre n'a pas encore. Le signe d'après. Le signe
�toHmrn (,,�ignes,

90 91
Car à mesure que les usages marginaux .se banalisent tttamates de la cocaïne, par exemple, sont évidents. Notre
signes qui les désignent perdent leur prestige, leur autorité. theorie - matérialiste - prétend au contraire que tout ce
Ils sont vite recouverts par d'autres sianes, plus subversifs. qu• est psychologique -et même surtout ce qui est psycho­
Le mondain, c'est le pouvoir du moment présent. Et c'est ouc:iologique - est aussi organique. Mais d'une oraanicité
siane qu'il faut proposer. q111 peut ne pas .se révéler, en effet, selon les mesures
En fin de parcours, cette escalade sémiologique aboutit quantitatives dont on dispose actuellement. La traœ n'en
au camé. La dialectique de la marginalisation est '' pas moins dans le corps.
�:eante : il faut sans cesse prouver, à soi, aux copains, aux Tout geste de consommation est d'ordre stnsiblt. Il
parents, aux éducateurs, aux flics, aux journalistes, aux marque le corps à la lois par un produit ct par l'usage de ce
fille�... La subversion est prise au mot : • Montre produit . L<! plaisir - de la consommation -est un acte qui
piquoutes. • Oue serait un maudit qui ne oc défonc;crait pas ! t1"lut à la [ois la morphologie sociale (le geste micro-social)
A cc prix, le statut mondain, 1 la [onction organique. Ce qui accroche, donc, c'est aussi et
Une simple constatation permettra une première démys• 111rtoul, la forme, l'usage, la façon (de consommer). Et ainsi
tHicatlon de l'idéolo�ie du • jcuné·qui·se-détrult-parce-que· ., constitue la mémoire sensible, l'inconscient :�u bon sens
lc·sy,tème-le-dégoûte •· Certains falls pt·ouvent au �v;""'"'" du mot : la mémoire de la matière, de l'organique (ct non la
qu'il n'a que trop aimé le système et que sa or,�tenaue ..ulc mémoire libidinale). Le matériau social est aussi
.
autodestruction romantique n'a été qu'un moolh,emr •ulx Important que le maté•iau apporté par le corps. Celui·d est
dent. L'issue fatale provient, presque toujours, des mtVUICC& la�onné par cette morphologie sociale. L'habitude est portée
de la consommation. Ainsi l'overdose. Un minimum ar cette excentration du corps qui est la mémoire du corps.
précautions a éte négligé. Ou l'usager 5'cst laissé • refiler Tout un gestuel social devient ainsi la voie d'accès au
une came pourrie. La malédiction n'est pas dans le produ pl,isir. Geste initiatique, préparatoire, proprlatoire. Et
mais dans son usage. Même l'acte de consommer ·�•ow""' r •te qui est plus que symbolique, car commencement de
une certaine discipline, un certain travail. Tout con�>mm;•· •ete. Et si ce geste est proposé par une quasi-institutionali­
teur abusif -en quelque domaine que ce soit - prend ation, le corps ne peut alors que le ratifier. Le répéter. Pour
risques, de consommateur. rr•.sentir encore le plaisir déjà éprouvé. Ainsi nalt l'accoutu­
Nou� venons d'établir un premier niveau de la '.ê
:�� .�
�;{j:; Rldnce. Elle est un fait organique : à la fois social et
tloo lMologlque : le statut du cami'!. Mais pour d urporel, morphologique et fonctionnel. psychologique et
définitivement cette idéologie, el voir à quoi et à .,k•ologiquc.
sert, cela ne suffit pas. Il faut proposer une théorie sc''""'"'" Nous avons vu que le rythme était au commencement du
q u!l de la drogue. De son usage idéologique. Le
doit oser lntet·venir en un domaine où le sophlstè 1
P�ii���o�t�J urps comme volonte\ de la répétition, principe de l'�ternel
re-lour cl de l'élan vital. Et comme lien culturel ct organique
où tout expert a son contre-expert, les spécia du désir et de la jouissance. Aussi le corps ne peut que
scientistes - du soéiologisme et du psycl\oloaisn�e �uùloir la répétltion du plaisir. Du nouveau plaisir. Les
illuminés de la nouvelle éducation ··A·••" ln<ilations morphologiques et sêmiologiques seront aussi
les idées reçues, par de l'intelln<enu..a. lucsistibles que les Incitations biologiques originelles.
Notre théorie consistera à inverser le discours de 1 Et dès le premier geste. l'accoutumance. La première
loaie. Celui des spécialistes du psy. Nous diroM : le nsation. aussi infime soit-elle, est déjà mémoire. Memoire
accroche. Et c'est un fléau social. Par contre, les dro�2lJL"S ul veut la répétition. Le premier rituel est habitude. La
dure. n'entraînent pas nécessairement l"accoutuma ·�mière prise un manque.
Elles ont deux usages : le bon et le mauvais. Il n'y a p;u d'expérience corporelle gratuite, comme ça,
Un a priori essentiel à notre démonstration : il 111r voir. Rien n'est anodin, sans conséquence Tout mar·
i"<:arcer le dualisme de l'âme et du corps qui préside l'", tout eM dressage. Le sensible ne peut que vouloir
discours idéalistes de l'intelligenbia. Pour ces savants ••p�ter le sensible : le corps lait ce qu'il sait faire. C'est une
cialiMcs du • manque • . puisque le hasch n'a pas m•chine à répéter ce qu'il a appris.
organiques décelables, ü n'accrocherait pas. Pas de Notre m11tèriallsme est... leibnizien. C'est l'infinitésimal
pas de preuve. Pas V\.1, pas pris. Alors qu'au contraire les •till compte, la plus petite différence, la moindre marque.

92 93
Car toutes ces trac<!s, aussi légères soient-elles, s'accumulent moment lablleux. cette renaissnnce. Soit par la répétition
du ntuel - al �
pOUr constituer la sensation. Leur multitude devient une sera alors accroché au hasch - soit par la
forme a priori du corps : la sensation. Ce qui du corps est recherche d'un rituel de rupture encore plus radical -ce
tellement attentif au plaisir qu'il ne retient que le pltlisir et '>era l'escalade.
la plus Infime solliciilltion de ce plaisir. Tout sert à la Le hasch est bien un rtéau social : la fétichisation d'une
sensation et commence par l'infime. consommation initiatique à la vraie société de consomma­
Telle sera notre définition du sensible : le pouvoir d'ac­ tion. Il est intronisation au snobisme de masse Initiation
coutumance du corps et pouvoir tel que la moindre sollicita­ mondaine à la ci �il!�ti s �n capitaliste. JI es1 1� plus pur
don est reprise comme r�pétltion-rythme. Tout accroche. lymbole dé celle CIYIIasat•on de la conSQmmatjon - trans­
.
Tout. une fois éprouvé, devient manque. Et qu'importe la gressave.
nature du plaisir; la sensation est l'acte d'unifier en une Osons le mot : le hasch e�t l'initiation au parasitisme
forme, et le rythme l'acte de répéter cette sensation, le �aal -:- de la nouvelle bourgeoisie. A l'cs�ence du système ·
1 ClUo�1on de la plus-value à des fins de
môme. jouissance, de
Le sensible se répète ct se déborde lui-même. La scnsa· ..en�ahon : une consommation resquillée.
tion, produite, se reproduit. Constituée, elle devient une L usage de la drogue dure relève du même usage
du
forme a priori du corps. un service organique. Elle ne veut �nsible, de la d�lectique �
e l'inJinitésimal et de la répéti­
qu'elle-même, la répétition. Prenez trois cerises dans un tion. de la relati on qu antné-qualité, du conditionnement
pante�. 1out le panier y passe. Abandonnez un paquet de morphologique et sémiologiquc, Aussi distinguerons
-nou�
bonbons à un bambin... L'appétit vient en mangeant. L'ac­ deux usages : l'usage misérabiliste et le • bon • usage.
Celui
coutumance commence à la première cigarette, au premier qui a he. Et la jouissance heureuse de la marchandise.
��
verre, à la première femme, à la première bouffe La d1Ueren ce se ramenant à deux attitudes op�s de
: •onsommateur.
Et bien sûr à la première fumette. Celle-ca accroche
Répétons-le encore : le probli:me de l'u�coutumance
d'autant plus que Je rituel de la consommation en impose à est
<elu! du mode d'emploi. De la façon. de la manf�r
l'initié. Ce qui le marque, répétons-le inlassablement, c'est . e. Une
<ertatne culture permet une attitude de consommateu
la morphologie de l'acte. l'investissement socio-culturel. Le r qui
•utorise la pleine jouissance, sans déchéance
conditionnement répétiiH prend forme Cl sens selon l'im· physique,
lntellectuclle, morale. en Orient, par exemple,
pact du gestuel social dans le corps. Plus ce gestuel est . lorsque la
.!rogue date dure est Intégrée dans un genre de vie
ritualisé, solennisé, valorisé et plus la tendance à répéter qui par
lua même conditionn� � priori le bon usage. Et à
s'impose. elle sera fonction de l'impact de la rupture et de la l aussi une
<tude approfondie révélerait qu'il s'agit d'une cuhure
transgression. Plus l'événement a de sens. plus la scnsat éli­
tl6te, sélecti.ve. L,usage de mas$e ne pouvan
est prégnante. Plus le corps se souvient cl plus il tend t être que
misérabiliste, abrutissant.
reconduire, à répéter l'affect étymologique. Plus il
Les usagers incompétents. maladroits, trop avides, trop
accoutumé, accrochê, en état d'attente, de manque.
dr1involtes nbuseront du produit. Ce qui est la caracté
De là l'importance des rituels initiatiques dans toutes risti­
'l"e du pan•enu de la consommation. Et non la
civilisations : il faut inscrire la loi du socius dans le seule
u�ractéristlque de celui qui est accroché aux drogue
Par la morphologie sociale, la forme et le sens de s dures
Alors l'incompétence de l'usager manque la bonne
sensation. Ce sont les marques de la sociabilité qui iro,.,.,,,. jouis:
les voies d'accès au plaisir. Le corps devient ainsi un acte �
..nee. Ile est pure!l'ent quantltati,•e. Pour ce panen
. u, la
qu�ntate est la qualité. Aussi aura-t-H la déchéance
sociabilitè, une pratique sociale, une praxis. Un langage sans la
tuuassance : il sera toujours - en bon petli consommàleu
une fonction. _ r
l-'usager du hasch est accroché par son propre 1111 n.e maatris e pas la consommation -en état de manque.
.
Plu\ al en prend, plus al lui en faut.
son investissement affectif, politique, culturel. Le cé1ré•noo
nlal de la lumette a une valeur tellement symbolique ­ Certains conso�ment la symbolique, d'autres le produit.
rupture avec la .société traditionnelle et de passage à i11ut� consommataon est une culture : le même produit
nouvelle soci�té - qu'il marque à jamais la seJ\Silbiliit4 •utra�era des effets ct des significations contradictoires.
adolescente. Le nouveau bourgeois cherchera à rép�ter t •ruuns se soumettent à un modèle culturel -celui de la

94 95
malédiction de la drogue - d'autres soumettent la drogue d'une catastrophe linancière. Preu,·e supplémentaire que ce
au bon usage de leur savoir. n'est pas la drogue en tant que telle qui accroche. mnis le
C'e�t bien le mau\'ais usage de la drogue dure qui •onditionnement psycho·sociologique, l'environnement
accroche : lorsque l'on consomme au·dessus de ses moyens, affectif et «onomique.
phy\iologiqucs, psychologiques, financiers, on tombe dans Une théorie de la drogue - et une thérapeutique du
la misère, physiologique, psychologique, financi�re. Et c'est drogué - consiste donc, d'abord. à démystifier les idées
la misère qui accroche. C'est le misérabilisme de l'usager reçues. A montrer que tout n'est qu'usages de la mondanité
qui fait le manque. La drogue est alors le besoin du manque. •·t mondanité de l'ldéologte : uo nouveau champ d'e�pres·
Parce que le mis�rabilisme est besoin el mnnque. •ion d u néo·capitnliste, un nouveau pouvoir de manipula·
le camé e�t d'abord accroché par le statut mondain du tton.
maudh. Puis accroché par le misérabilisme de l'usage. Le
bon usage de la drogue dure, évitanl ces deux pièges,
n'acc:rochc )'as. C'est la consommation du connaisseur. Du
l. La dro1ue, la patholoaie mentale et l'arythmie sociale
produit en lam que produit. Et non consommation lot'cée de
l'imagerie.
Le camé misérabiliste, par la double emprise de l'ldêolo· L'honnête homme nous pardonnera·t-il d'avoir osé criti­
gie - et par su double soumission à cet te idéologie - est quer ce qui n été, peut-être, l'une de ses promotions ou
déjà soumis il la drogue. U ne peut ré-sister, sc reprendre. A valori�ations mondaines ? Et de lui asséner que ce qu'il
chaque traitement, il recbute. Car c'est un accroché • en prenall pour un voyage au bout de la nuit n'était qu'une
soi •. Son profil psycho-sociologique en fait, dlectivement, promenade pantoullarde au jardin des idées reçues? Accep·
. .
un prédcMiné La mi�re psychologique, sociologique, éco­ tera-t-tl de constd�rer comme une • aliénation • ce qu'il a
nomique. ne peut que recréer de la mi�re. Croire é chapper à proclamé être une libération?
son destin en profilant d'une idéologie sélective, élitiste, E�ayons encore d'ébranler le scepticisme du consomma­
c'est le réaliser par les moyens mêmes de l'évasion. teur tmbu de fausse innocence. En élargissant cene théorie
Le connals�cur. au contraire, goûte à tous les produits. A de la dr�gue. En montrant les rapports de la drogue, de ln
la recherche du meilleur produit. Mais surtout du meilleur pathologte mentale et de l'arythmie sociale. En expliquant
usage. D'une manière précautionneuse, habile. li s'agit de tomment la pharmacopée occidentale a pu devenir une
profiter. Oc jouir. C'est la savante économie de l'usage qui thérapeutique - celle des psychotropes - de la drogue 1
donne au pt•odui1 ses qualités. De même qu'il y a un bon Comment peut-on soigner en inoculant le mal?
usage gastronomique des vins fins et chers. Il y n un art de , �out d:abord : comment classer les drogues? (1 faut un
vivre tlu drogué. Né pas confondre éthylisme rnonduin et cr•!ere qut rende comp(e de la totalité du phénomène
social
délirium tremens de l'Assommoir. Un gentleman, ivre-mort, qu est le syndrome du drogué. La distinction dr ogue dure ­
saura encore sc tenir raide et sauver la lace. Le voyou vomit drogue douce vient de se révéler artificielle idéologique
partout. Le bon usage de la drogue • dure • ? Demandez à la journalistique. Il faut proposer la composante �ommune Il l�
Maison-Blanche. Mais • les secrets du grand monde • • "���� • de la droiue (sa qualité intrinsè
•.
que). au corps de
échapperont toujour� aux Topazes de notre Intelligentsia. J mdtv1du. au corpa social.
Une certaine culture des classes sociales dominantes Le rythme originel du corps sera le critère retenu. JI sc
permet d'accueillir toutes les expériences et même toutes les décompose en un temp� lort et un temps faible. un haut
et
habitudes de la consommation monda ine. D'autres ne un bas, une impulsion et une retombée. Il est l'unité
savent pas s'y prendre. La consommation les submerge, les organique des deux pul�ions contradictoires du t:orps.
En
déborde : ils ne sont pas faits pour ça, diront les habiles une cellule temporelle, la contradiction, mais aussi la
usagers du permissif. •ynthèse, des deux données sensibles : l'élan et la pesanteur
'
Il c�t vrai, aussi, que le drogué - heureux - peut avoir l'en soi et le pour soi, la dé ense et J'économie.
p
des histoires. Et qu'il peut chuter, lui aus<i. dans le miséra· De là., par analogie, la classification des drogues selon la
bilisme et ln fébrilité du manque. du mauvais usage qui patholo�te de ce cou le : excitant·stupélian t ; exaltation·
p
accroche. A partir d'un déboire, d'un échec sentimental, dépresston, Selon les deux temps - pervertis - du rythme

96 97
le qui conlient comme L'ani?�ation machinale veut le paroxysme Ce rythme
originel 1• Classification trés simp raro�ysuque va casser. L'unité organique de ses deux
s références e t nomencla­
qualités secondes' toutes les autre •Onstotuants se défait La cellule, qui équilibrait en une
olog ie rythm es permettra alors
tures. Montrer la path des
harmonie vitale la pulsion et sa retombée, se désagrège.
d'eKpliquer le syndrome du drogué. Ca� chaque terme s'est hypertrophié au point d'empê·
psycho·somntlque
<;omment cette structure de base du <hcr 1 autre. Alors que le rythme est un éguflibre tel que les
atteinte? Com men t se font les lésions de cette
peut être s avons constaté que deu� c?ntraires som un tout organique, 1 ary1hmie du néo·
forme a priori de la sensibilîté? Nou ,·apuahsme en arrive à opposer les deux éléments constitu·
le mon opole et l'impéria·
l'idéologie capitaliste avait imposé tifs du '·écu le plus intime. Le psychosomatique est atteint
le swin g). Ce terro rism e culturel -el
lisme du rythme (�ans •n ses rondements. L'équilibre du corps. de la cellule de base
un impl acab le dressa ge du corp s. �ar cette
mondain - est qui porte l'élan vital, est remis en question.
à deve nu path olog oquc, car
monopolisation, le rythme est déj nta· De là, deux pathologies : la fébrilité paranoïde et la
le. ,b,lors , toute autr e expé rime
pure répétition machina prostration schizoïde. Le moteur s'emballe ou Il ne peut plus
e est interdite. corp s n'a que vocation de
tion temporell Le
dé mnrrer. La mac�ine ne fonctionne plus. Elle ne peut plus
rmination : répétition
conso;ommation. Selon cette triple déte .
raJuster, synchrontser ses expériences temporelles. Elle en
l'aut re, pass age automatique du
sécurisante, exclusion de l�ot trop. Ou pas assez.. Deux temporalités : les deux expé­
désir à la jouissan ce.
é d'établirque sl le rtcnces essentielles de l'existentiel, les deux modalités
Dans 1 Etrt tt le Code nousavons euay constitutives du vécu se juxtaposent et prornèrent comme
molo g que du corps �e heu
rythme était l'ex�rien�e ét.r !
une lésion cancéreuse du psychosomatique. L'animati on
qu unit e orga noqu e de la (onctoon, de
la substance en tant machinale néo·capitalisme en a trop demandé.
m deva it êtr�
relation, du spallo·temporel) ce ryth � Et il (a�t bien �olr que dès le principe cette pathologie
la reco nnaiS sanc e de ! autre. .
par l'éducation, le civisme, . ncl, tst dtalectique : boen que le rythme soit malade, îl tend
niée : le fonc tion nel, le rela uon
substance doit être tncore � se répéter : les deux hypertr'Ophics vont se succéder
spécilicité, leur
spàtio-temporcl doivent acquérir leur (exaltation - prostration ; paranoïa - schi�ophrénie) et
te, l'exp êrlen ce temporelle
nomie, leur cuhurc. A la limi même se compénétrer.
la mélodie Infinie. Le néo-capitalisme a substitué, à l'harmonie originelle
çette éducation. Toute
La culture capitaliste interdit du corps- celle que le swing redécouvre -la dissonance et
r,
animation machinale tend à exaspére la discordance. Au nom du rythme -celui du mécanique.
la temporalité de la conso mma tion. p
La o.gle
ath<>l ,,,.
, .. ,,.
.
,
• Hurlez sans lin, dissonances, ct di sloquez les ombres. • La
cons omm ation s'act ualise dans
à la société dite de
otion. Maladie de falsification est devenue la maladie (et celle-cl (ait la leçon à
formes mêmes de cette consomm la bonne santé 1).
justi ce imm anen te qui salnct.tOJ1nl
consommation abusive, Dès qu'un terme 11pparaft, il est guetté et absorbé par son
ose - objective -
la consommation mondaine. La névr contraire (qui avant 1 équilibrait). Et ce cycle va se répéter.
me même du rythme.
système ,,a se d�velopper au ryth La cyclothymie sera constitutive de l'arythmie du nêo­
selon des mesures quan titati ves : celles de la
de la socia�ilité �u upitalisme. Cyclothymie du paranoïde et du schizoïde.
celles des spat io-te mpo ralit és
rotle liberta1re. Cette patholo;ogie va se révéler à troi
s niveaux : aux trois
lisme avancé jusqu'à la social-démoc moments de hiatus, de rupture, de cassure du rythme
capitaliste ... Trois modalités du syndrome du drogué. Car la
drogue sera eUet et cause. poison et remède.
D'abord l'ex.citant. Pouo· répondre à la demande. Pour
$�Ivre les autres. Participer. La drogue pérmet l'accéléra­
lion. Le coup de fouet. La pulsion s'exalte, répète de plus en
plus vite. De coup de fouet en coup de fouet, de drogue en
drogue, la machone est de plus en plus fébrile. Le corps ne
peut plus se suivre.
Puis le calmant : deuxième moment de l'acquisition du

99
98
syndrome. Mal� �on usage [onclionne comme celui de un moyen essentiel de la reproduction des rapports de
l'excitant : par le 1rop. (Alors que le ry1hm� du swing est une production. De modèle séJecûl, la drogue éSt devenue une
.
relation d'équilibre. un dosage.) Le drogue, pour rétabhr le pratique sociale, dê masse.
rythme, en fait 1rop. l� �rogué cOllesta!aire fait la publicité et la promotion
Enfin troisième moment : pour guérir la prostration et ùu systeme. Et !'honnete homme comprendra mieux, main­
1
l'atonie encore un excitanL C'est le momenl de la répéli­ tenant, pourquoj l'idéologie néo-capitaliste le valorise. le
tion : c�citant..çalmanL Premier et second moment : l'un ou propose comme un héros de la contestation, de l'éfuancipa·
l'autre. Troisième moment : l'un et l'autre. Aux deux pre­ tlon, dernier héros romantique. C'est qu'il doit servit de
miers niveaux un seul élément est alteint, arythmie par· modèle, d'exemple à imiter.
tielle. Au troisième niveau, la maladie a tout pénétré el elle �
Gr;îc� à la drogue, e néo-capitalisme peut imposer et
e:dge la répéti1ion du mal. r'eprodu•re Je tythme mfernal du système. L'animation
Alors l'accoutumance. Le sujet est accroché. lrrémédia­ m�chinale pê�t être ma i aJe, paroxystique. Alors la dyna­
. � "?
blemenl. (Justice immanente : le rythme - sans le swing ­ m•que cap•tahste e s mamtoent, se relance, se répète. Pour un

crèvera du rythme.) La surconsommation mondaine - productivisme du corps, du sensible, de l'existentiel {indus­


l'abus - est une névrose objective qui débouche sur la trie du plaisir el du loisir). Pour Je plus grand profit.
psychose. Et elle peut se localiser et se mesu•·cr par Publicité et promotion se font essentiellement à deux
l'arythmie sociale. niveaux. Promotion des temporalités rythmées. celles de la
Cette théorie - élargie - de la drogue nous permet donc mond3;nité, de l'industrie du loisir et du plaisir, de la vie
de corriger - encore - les idées reçues : il �·y a pas quo�1d1enne aussi. ·Et p·l)mot�on de l'industrie chimique qui
� de
d'escalade mais un cycle· ce qui accroche, ce n est pas le lubnque la pharmacopee J Occident. Engendrement réci­
r
poduit m�is son usage. 1� cycle, le r thme de l'.aryth'?ie, proque de ces promotions de vente. L'ar.ythmie sociale fait
r
La cause du syndrome du drogue est exténeure a la l;� promotion des psychotropes et ceux-ci entretiennent,
drogue : elle est dans la surchauffe de l'animation machi· <'Xaltent l'arythmie de l'animation machinale. L'usage de la
nale imposée par le néo-capitalisme. Le corps a perdu son drogue $e banalise, se vulgarise comme les rythmes de la
équilibre : wur le retrouver il a recours à l'autre déséquili· 'onsommàtion mondaine. la drogue est bien l'initiation
1uprème au systèJl'le, l'intégration maximale.
bre, I l manque constamment son objeçtif. C'est cette course
éperdue après un rylhme perdu - celui du swing - qui Entre les drogues du drogué. contestatl!ire et celles de la
la cause du syndrome. thérapeutique • norm�lé • il n'y a pas de différence de
Telle est l'origine de la pathologie de • la soc�êté nature. Mais de dose. De degré dans l'àccoutumancè. C'est la
consommation •· De la vraie société de consommation. même maladie, le même syndrome, la même thérapeutique.
la consommatîon mondaine. Alors cette dialectique. de l,a drogue cause la maladie, puis la drogue • soigne • l'effet
rythme à la drogue : tic la maladie 1 La vraie différence entre le drogué • anli·
1. Le vécu est réduit à la seule temporalité du rv•.n�oe. �
•yst�me � et e p�tit usager de la drogue est Je passage du
2. Exaspération de c� rythme : sur-consommation IJiodele selecn1 a 1 usage de masse. EJttraordinaire paradoxe,
dinale, ludique, marginale. tcl'tes : la drogue, de marginalité subversive devient norme
3. Cassures e t rattrapage par la drogue; le et prescription médi.cale. Mais ces renversements de sens ne
entretient la maladie : la drogue soigne la drogue. ltmt que témoigner des manipulations idéologiques. Et de
4. Accoutumance à la drogue; celle-ci refait le ryth l<�ur extraordinaire pouvoir.
celui de l'arythmie. Cette théorie des rapports de la drogue, de la pathologie
Le drogué est au résultat d'un proçessus objectif. En me�t�le et de !'arythmie sociale doit encore s'élargir pour
de parcours. l'existentiel est •·adicalement artificiel, d�hn�r la totalité des rapports de production.
ct drogue. Alors qu'elle se croit marginale, la •v,nholiaw Le ythme
r du capitalisme monopoliste d'Etat est patho­
contestat!llre de la drogue non seulement l<Jglque en son essence. Il est la matrice de la névl'ose
système mais en est le ciment. Elle est devenull�.�!d:����j:,: •Jbjective de l'époque, de son double versant, schizoièle et
pnra toï�e.Anxlété chronique, dépression nerveuse, névrose
l'animation machinale, au rythme lébrile, P
!
· ObJecuv., »,
imposé par la dynamique du néo-capitalisme. Elle s psychose latente : quatre niveaux, quatre

100 101
êtapes de l'arythmie sociale, car quatr� effets • culturels • .P?ur substitu<;r au rythme rural le productivisme géné­
.
rahsc, le capuahsme monopoliste d'Etat a désintégre la
du capitalisme monopoliste d'Etat, d'une réorganisation
spatio-temporelle du vécu extraordinairement brutale. En • llulc familiale. C'est le lieu de l'emploi et non plus
le lieu
un peu moins d'une génération, un peu plus d'une décade, ce d'origine qui fixe la famille. matntenant. Une extraordinaire
mode de poduction
r capitaliste a totalement modifi� la vie tllaspora des régions recouvre 1'hexagone.
quotidienne, le genre de vie, la qualité de la vic. L'urba­ Cette arythmie .macro-sociale nous semble être la cause
nisme sauvage. la eité-dortoir sont le résultat d'un formida­ ,.8,cnticllc de la pathol?gie sociale. Car elle objective le
ble déplacement de population. Avec, c;omme corollaire, ta •!�placement de populatiOn et le productivi�me. Oeu>t énor·
d�rtification des campagnes. 111es lraumnHsmes qui s'actualisent, s'expriment tout
Aussi, tes temporalités traditionnelles- celtes qui auto­ tl'a�ord dans les conflits familiaux. La pathologie de la
risaient le rythme villageois de ta société préindustriellé el lamolle est avant tout le reflet du rythme fou impose par les
qui s'étaient maintenues même sous le capitalisme conc,ur­ •adences du néo-capitalisme. Le lieu de refuge organique,

rcntiel libéral - ont été totalement liquidée' ... ,,.,.,�, '"thm ê par la communauté villageoise, est devenu terre
�1: �:� ::
temps de travail et te temps de non-travail s c a :
autour de la cellule familiale. Et celle-ci dans

l
. uli
If. désagregation d� 1� cel!ule f�milialr sera récupérée
naut� villageoise. Le temps de loisir, en tant que l' r 1 odéologte, comme 1deolog1e de 1 émancipation. Le coup
n'existait pas : tes temporalités de la famille ct de d• lorce, de terreur du néo-capitalisme - à la campagne­
commu!Uluté l'impliquaient, le contenaient, l'organ•.,••en••· lll'rn camouflé par tout un discours de la libération - à la
Tel étail le rythme du vécu, à partir de la cellule l"'""'"'e• •Ille
Mode d\' production sans productivisme systémati�é. E� même temps, la société industrielle invente Je temps
temporalités informelles, vacantes, fluides. •lt• lotsir. Temporalité qui sera le lieu de l'émancipation. Car
Nous définissons Ici une structure temporelle " lemps de loisir va se dé,•elopper sous la double pression

certaine imman�1\C� du vécu personnel et du vécu colle<:tif. du progrès social (Front populaire, Résistance) et de l'indus­
Cela ne veut pas dire que c'était • le bon vieux ·-···.-­ ic
tl du loisir. Et de telle manière que les conquétes sociales
C'était une �xistence au rythme lent, compass�. rural. ront utilisées, récupérées par l'industrie du loisir et du
d'un mode de production précapitaliste (ou encore r
plaosir. Pour en venir au ministère du Tem s libre.
soumis au capitalisme). Les temporalités ne se oousc:ut:�teDI �e 9ui !ait q�e le no�veau rythme socia ne dispose plus
. .
pas, ne se disputaient pas le temps. C'était un moment où 1
d• unotê organoque fam1lle/vollage, d une temporalité apai­
temps ne courait pas après lul-méme. Où le temps avait aanrc, de longue durée, lente, équilibrée. A la place : deux
temps. Où l'on prenait son temps. •v•tèmcs spalio-temporels : le temps de travail et Ill temps
Le capitalisme monopoliste d'Eiat a inventé un d• loisir, Et entre les deux, ce monstruèux cancer spatio­
étrangement absent à lui-même. Un temps du tt·op tôt ou trmporcl : le temps de tran�port.
trop tard. Un temps qui �e sou,•ient trop et qui attend Trois systèmes du vécu sans lien organique et sans lieu
Un temps d'entre deux temps : d u passé et de l'avenir, de l�rcmiel. T':ois mouvances sociales hétérogènes. Et oppo­
• .
• · ContradictOires
nostalgie et de la prospective, de l'avenir du lut ur et de même. Et chaque système devient de
maison de campagne, du lutur antérieur et du pl uo tn �lus com�lexe. Sa pratique interne de plus en plus
composé. dill erencoée. Ausst, les raccordements des trois existences
Le capitalism� monopoliste d'Etat a totalement tl�o:n.ll nil de plus en plus heunés, conflictuels. On ne peut pas
l'harmonie spatio-temporelle inventée par �••re trois vies en une : un temps de tra,·ail soumis aux
France (celle de ses modes de production). Si les éc•�lc•gil>t� o1lcnces infernales, un temps de loisir plein à craquer, un
étaient sérieux, ils ne diraient pas vouloir protéser la nat.un t onps marginal, qui n'est ni temps de loisir ni temps de
mais le traV$il de l'homme objectivé, devenu nature, ttttvnil, vide à pleurer.
naturel : campagne humanisée, forêt désèrts Cette arythmie sociale est une situation objective : la
marécages cultivés, montagnes recouvertes t••thologie inhêrente au système capitaliste, à l'organisation
domestiqués, etc. • Oui au cantonnier, non à l'é<:Oi<)gil;ml t \on e!.pace et de son temps. Pathologie de la famille.
mondain. • "''vt ose objective. Forme à priori de la dépression nerveuse.

102 103
d� r�l •· de la montJ.·!! et du calendrier, ne peut plus oontenir ces
Totalt> désagrégation de J'intimité. A la place, J'intimis.me
(oule : les- bandes de jeunes et les troupea ux de tour tstes . trois temporalités à tendances monopolistes et impérialis­
. cette
Le systèm e est incapa ble de propos er un remède a tes. Ce qui fait un rythme social infernal, un vécu à
r �u­
situution puthologique. Et pour cause. Ses idéologues � .:o.ntre(emps, un temps qui n'a pas le temps, qui court après
sent toute perspective synthétique. �ncurab leme t
� � e pms· lut-même et qui n'est plus qu'une durée impartie entre deux
des
tes, ils proposent soit des idéologies du trava1l so•t autres durées impératives.

idéologies du loisir. Encore et toujours la c-omplémentan Car le néo-capitalisme, maintenant exploite au maxi·
du rechn�rate et du gauchiste. Le technoc rate pour tech no· mum ces trois systèmes de spatio-temporalités. U gagne sur
le
cratiser le temps de travail. Le gauchiste pour g�uc)tiser le temps de travail (productivhme et licenciements), sur le
temps de loisir. Le système veut les deux, pour JUXtapos�r temps de loisir (énorme exploitation par J'industrie du loisir
·
deux univers. les rendre irréductibles, pour que cette oppos• du week-end, des va(:ances), sur le temps de transport
tion b1'écifique du capit;>l isme de � ien n
. � .
te destin de (augmentation sntématique du prix des transports en
e,
l'homm� : le travail ou la consommation hb•dmale, Jucuq•u commun, de l'essence...). L'exploitation de l'homme n'c:st
marginale. Et pour interdire ainsi l'étude de 1� totalité : plus seulement celle de son travail. Mais aussi celle de son
rapports de la production et de la consomma!lon. temps, de son vécu. Et au moment où c:é vécu se croit eri
i.es idéologues du travail ne considéreront qu.e l_'elfet : dehors du système (consommation mondaine).
l'aménagement spatio-temporel. En se gardant b1en D'où la radicalisation de la pathologie de ce temps volé ;
changer la cause : Je mode de production capitaliste. l'excès de rythme ou le décrochage, l'excitation fébrile et la
Les gauchistes ne retiendront, eux, que l'e:Kpl'essio•nl Jlrostration atonique, la surtension et la sou�·tensioq.
intersubjective de cette névrose objective. Pour proposer
solutions volontaristes et subjectivtstes à base de pos•�•·: Il s'agit d'une pathologie • normale • : celle de la sur;ac­
tivité d'un appareil psychosomatique qui fonctionne au­
visme naturaliste : l'écologie. (lessus de ses moyens. Au productivisme du systèm� corr'es·

�;���:
Alors les deux idéologies se juxtaposent pour ca.cho.r pond un productivisme psychosomatique qui, nécessaire•
'
l'ènoncé du problème. Et pour exas�ér �r l'aryth':'iee ment, un jour ou l'autre, aura des ratés. L'arythmie sociale
Trois univers· se b<1uscu lent et se dech�re nt. Tro•s s� pourrit les relations intersubjectives, familiales, intimes. La
de spatlo .temp oralité se d!sput enl, S!1 vQient les 24 heures t�n�lçn mo11te. Un simple reta�d ... Et la dispute éclate. Pour
la joumee, les 7 j�urs d� la sen:'ain , e. les 52 s ' 'au�es un rien, semble-t-il. ·
. c: : :
l'année. s,.ns qu il y a1t un heu d homog ene1 �auo_n La pharmacopée �<:identale répond à l'animation
d'unHic ation. Bien au contrai re : par une cruelle •rome, machinale ' elle est devenue l'industrie de la drogue. be
système se sert de la référence uni!aix:e pour . . même que le capitalisl)le fabrique la pollution et l'industrie
l'arythmie sociale. La famille - �a reumo� fam•l.•a llntipoUutive, il [abrique la pathologie mentale et ses remè­
devenue l'une des raisons essentielles de 1 excro•ssance des. C'est encore une double source de profits, pour les
tiers-temps (le temps de transport). La famille éclatée, monopoles.
se retrouver, dépense temps et argent en de longs Le capHalisme a d'abord proposé le 'rythme - symbole
multiples voyages. En voiture. �• usage - comme voie d'accès au plaisir d� la social­
La dynamique néo-capitaliste tend à l'arythmie rMiica:,l• démocratie libertaire. C'est la promesse et l'alibi de la
et à la plus forte pathologie sociale. Car le tiers-:ten�ps
temps marginal au loisir et au travail) a�gmente ��:�;�';:':î! <lvili�alion capitaliste : le bonheur en tant que plaisir. Et ce
plaistr cm tant que consommation ludique, libidinale, mac­
de l'augmentation du rythme du travatl et du Hinale,
loisir (le rythme de travail sous l'effet du prood:•ct:ivi.snae Cette promese s nest plus qu'une pharmacopêe : l'usage
de la manipulation des rythmes �iaux, le rythme du de la drogue - rythme : stupéfiant - calmant, fébrilité ­
sou$ l'effet dè l'industrie du loisir). Alors le temps • prostration. A la limite, les deux effets contradictoires dans
lt• même produit, comme certaines drogu,es le proposent
dèjà.
1. Oeu)l CX"nl quatre·vingt-dnq millions de tourlstes en 1980! soil5 Et cette industrialisatîon de la drogue a fait coup
de plu• qu'en 1979. double : elle vend le rythme et le plaisir. Elle garantit la

104 lOS
cadence inlernale du vêcu el le dernier plaisir possible d� cè et de ses prétendus contestataires. Cet anti-instilutionnel
vécu. vise à l'institutionnel. l'atteint presque, mais 1� pouv(lir
Implacable mesure du plnisir apportépar le capitalisme. préserve un espace infime entre la revendication et l a
Extraordinaire chute de la promesse initiale. Le bonheur reconnaissance officielle... pour préserver le statut contesta­
devenu plaisir, le plaisir tellement dégradé qu'il n'est plus taire. Ou bien (nous allons le voir) l'Institutionnel glisse vers
qu'une épicerie du sensible. Et pire encore : une pharmaco­ un usage particulier, outrancier, que le législateur n'avait
pée. Il ne s'agit même plus de jouir. Ou de proposer les >lG$ prévu, n'avait pas voulu prévoir. La norme obten\.le par
conditions de la jouis$ance. Mais i:l'anesthêsier. Le bonlleur n nouvelle loi apporte c,le tels avantages, satisfait tellement
est devenu le moyen d'avoir moins mal. De pouvoir encore le progrès social, que l'usage abusif, scandaleux, en est
tenir lé coup. habilité, justifié, oublié 0\.1 toléré. Deux stratégies du sys­
Lè capitalisme se dénonce lui-même. l l a ainsi perdu ses tème. du pouvoir du libéralisme, de sens contraire (ce qui
alibis ija justification. la conquête du plaisir s'achève à brouille les pistes) mais qui garantissent le jeu malin et
l'infir�èrie. Dérisoire parcours : de l'exaltation du plaisir à •tructural de l'autorité et de sa prétendue contestation.
sa maladie. Mais en même temps, le capitalisme prospère. li Au niveau de l'usage du hasch, et bien plus encore de
a bien • accroché • sa clientèle. 11 vend son propre condi­ l'usage outrancier de la pilule, l'initiation mondaine à la
tionnement, les moyens de soumission à la 1emporalîté et à dvilisation capitaliste rend à accéder à la consommation de
la finalité qu'il pi'Opose. masse. li ne s'agit plus, comme nous l'avons vu au niveau de
r
On achHe, dans le même acte, la maladie et le emêde. l'animation de groupe et de l'animation Sonore, de produire
C'est le même produit. A la fois cause de la maladie et moyen une • élite • mondaine qui Jm•entera des modèles. Mais
de l a guérison. La drogue pet·met d'aul!indre la perfection d'inciter à une consommation'collective. Selon deux nouvel­
diabolique du dressage du corps : la meilleure soumission ks pénétrations, quantitatives. La drogue atteint toutes les
au système par la plus grande tromperie sur la marchandise • la�$es d'âge et toutes les catégories socio-professionnelles.

vendue. Le capitalisme, marchand de rythme el de drogue, Rdativemenl, certes. Mais il ne s'agit déjà plus d'une
entremetteur de l'imaginaire. • unsommation de club, super privée e� sélective. L'usage
llléologique et tendancieux de la pilule doit conditionner
ltlUie la jeunesse. A partir de cetre tranche d'âge 14-16 ans,
•die de la nouvelle scolarité obligatoire. Au moment où la
C. - LES FAÇONS SEXUELLES : fillette devient une adolescente.
D'UN CERTAIN APPRENTISSAGE DE l..A PILULE L'institutionalisation de la pilule a été une grande
A LA NOUVELLE COQUETTERIE (LE FÉMINISME) u f!lQuête du progtès sotial 1 et du progrès moral. Nous
'"''rons dlre qu'elle est une moralisation décisive des
mœur·s. (Et ce qui va t·out d'abord s'avérer scandaleux, c'est
1. La pilule, la régulation démograpb.ique et la fillette. 1111'un droit institutionnel soit rejeté dans la clandestinité
l'usage civique à l'usage mondajn r•or la mauvaise volonté de certains praticieps. Ainsi se
"vèlc la mauvaise foi du moralisme bourgeois.)
Le hasch, en se décrochant des drogues dures, est La loi Neuwirth sur la pilule est d'abord la reconnais­
subversion qui tend à une reconnaissance institullonneu,e.' noce par l'Etal du pt·ogrès de la médecine. C'est ta consé­
La pilule, institutionnelle, légale, tend, par un èer·taiin ""tion iustitutionnelle de la reche1·che scienû(ique. Le
- nous disons bien par un certain usage, et l•'&islateur a vulgarisé une acquisition de laboratoire qui
général - à la subversion. Deux stratégies
deux dynamiques, mais de sens inverse, ratifient le
idéologique du système : la consommation - l Cette loi a valeur univers rmes. l'at OOits.équent, ne relèNenl
e-lle. Ses no
Celle-ci joue alors ;tu maximum de 1 l'" • � <.'"}ct\$ d 'espèces. Car c
ous les cas doh·ent tto
u\'er leurs solutions dans
contestation et l'ordre. Avec le hasch est apparu -. l""r�pe Ctivc universelle de la loi. L'Uni versalité n 'est pas l'addition de
• _. 1 1 les: ca�. Mais un a priori q u l les inclue . Ju.sCirter la loi par d e.s C i\ S
social du pata el de l'infra-institutionnel où se l r�r�pèces autoris�ra l'in· ttrvenl iOn de l'idéo lp gic. Oans les d�ux sens :
profonde complicité - mais jamais reconnue -du pottvoir l'titiste et gauchist e.

1 06 107
permet un progrès décisif de la contraception. Le� gara_nt1e_s Le détournement de la loi sera un phénomène idéologi­
institutionnelles de l'usage consacrent les garanhes sctenu· que extraordinaire. Pour servir et justifier la nouvelle
fiques du produit. La chimie et la loi normalisent ainsi la bourgeoisie. Notre critique va consister à montrer cette
fécondité·. Celle-ci n'est plu� • naturelle • , spontanée, désor­ •·écupération, l'inv�rsto11 de l'intention du législ&teur. E.n
donnée. Mais doublement S\)Umise à l'ordre social. La effet, la coutume sèmble avoir consacré çieux usag es de la
·
lécondit� e�l policée. Au sens étymologique de pl)litlque, pilule : l'usage bourgeois e� l'usage popt.�laire.
civilisé. D'un côté, la oon-t.�tilisation de la pilule, une éviderate
Cètte acquisition po)itique autorise un deuxième pro· sous-consommation et, pavadoxalement, dans les milieux
grès : la normali�ation démographique. L'universalité de la sociaux qui en auraient le plus besoin. La loi a le moins
loi vise à la mondialisation de son application. La science d'effectivité dans les couches- sociales pour lesquelles pour­
•.

doit intervenir en un domaine jusqu'alors totalement aban­ tnnt, elle était laite. En particulier dans les lieux privilégies
donné à la nature : la natalité. La nature doit êtré soumise et traditionnels de la misère sexue)le.
au polilique, en. son ?rincipe même. Le biologique doil être Par ai lléurs, dall!l de nouvelles couches sociales, on
dirigé par le sctentitique. Et les deul\ dçnvent se soumettre constate deux phénomènes, quantitatif et qu,alitatil. Une
au poli tique. sutconsommatiol) si l'on ose qire, de la pilule. Surconsom­
Il s'agît d'une révolution - nataliste et biologique ­ mation relativement à la sous-consommation des milieux
d'une portée iromense. Aussi essentielle q\le la révolution populaires. Et, en même temps, le glissement du sens de
technologique et scientifiqt.�e accolllplie par le travailleur l'usage. La pilule devient le moyen du droit au plaisir,
c(lllectil. On peut en particùlicr envisager, enfin, une solu­ l'essentielle conquète de l'idéologie du désir. Alors la culture
tion à ce lléau : la laim dans le monde. sexuelle est réc;luite au plaisir. Et à une conception encore
Troisième niveau. corollaire du progrês social apporté Jllus réductrice du plaisir, Celoi·ci n'est plus qu'un usage
par la pilule : le planning familial. La visée démographique 5exologique, de [onction, de consommation.
doit se réaliser d'abord par une programmlltion el des L'intention de l a loi èt l'usage idéologique s'avèrent être
coutumes qui transforment la vie familiale. Pour normali�er en relatior. inverse. Alors que l'universaHté d� la loi ne
la vie sexuelle, il faut se soumettre à de nouvelles contraln· préjugç pas des cas particulîers, l'idéologie lui ÎlllPOSe des
tt;S : l'usage de la pilule. Contraintes légères qyi pQrtent en Intérêts de classe, <)e. corporation, d'individu. Pour crét.)r �es
elles de nouvelles normes civiques. �égrégations de classe, d'âge et de sexe. Pour occulter la lutte
Car la loi, la science, le progrès soèial, dans cette des classes.
perspective universelle, s'identifient pour proposer une nou­ Tel est le fonctionnement idéologique, le passago: de
velle civilité : l'usage qe la pilule est un devoir civique. Ce l'univet·salité dé la loi à son usage de classe :
qui veut dire aussi : la Hbêration. de la femme. _Au sens a�ors 1. Les forces de progrès imposent ùne loi révolution­
récis. de libération � .liberté. Parce que la lot permet a la naire, de portée t.�nivers�;lle. Première récupération de la
p
condité d'échapper à l'i#ologje politique et au hasard
fé bourgeoisie : justilier son pouvoir qe classé par la loi
biologique. Aux deux systèmes de l'irrationalité qu�, habile­ 1,rogressiste (Neuwirth).
ment combinés, ont fa)t d� là femme la nature de 1 homme. 2. U détournement de la loi, selon <leux autres récupéra­
�lors <JUe celui-ci, d'animal politique, devenait le dtoyen du lions :
monde.
- par sa non-appli cation dans l!!S populations qui pour­
De par la loi, il s'agit d'en finir avec une idéologie
l&nt en ont le plus grand besoin;
réactionnaire, mutilapte de la lemme : celle d'une procréa·
tion soumise aux ha�<ttds de l'espèce de par les dé\érminis· - par de nouveaux modèles de la consommation mon·
daine, à l'usage de la nouvelle bourgeoisie.
mes idéologiques. Double aliénation, Par l'idéologie, qu,i
réduit la femme à un fonctionnalisme �eproduereur : le Autrement d i t ; le privilège de classe - la nouvelle
cj-oamp fertile de la JXlOdeuse e�t expl<;>lté selo.n ��� besoins consommation libidinale, ludique, margin;1le - va s'habill"
.
des classes dominantes, Et par 1 orgamque, qut latt de cette ter, se justifier par la loi révOL\ItiOnoaire. Ce privilège va se
procréation une espèce de loterie, de par le mépris des loi& proposer comme un droit. Un droit à conquérir. Le nouveau
de l'ovulation. t·ombat révolutionnaire. Combat pour la liberté - du jeune

108 109
et de la femme - contre les tabou' et les interdits de •c qui n'est plus c t n'est pas encore. Réalité qui devient
l'homme adulte. imaginaire et imaginaire qui cherche sa réalité.
Extraordinaire habileté de l'idéologie : a'•oir identifié le Alors, l'acquis de l'enfance, l'aUectiv iét acqui;,e- grâce
sexe et la liberté, la consommation sexuelle et la libération a la famille et à l'éducation familiale - projette des
des opprimés. Le sexe, en dEfinitive, est le chemin de la •�alisations d'adulte sans encore disposer des moyens
liberté. Ainsi le nouveau bourgeois se dœulpabilise en ociaux qui permettent leur accomplissement. Moment
promouvant sa sexualité en combat r�volutlonnalre. D'une pnvilég ié . âge de 1;� vie de l'imaginaire. Moment concret,
pierre deux coups, contre la bourgeoisie traditionnelle et urganique, de l'imosinaire. Celul-ci n'est pas alors fonction
contre le prolétariat. Ainsi l'idéologie tient les deux bouts : uu entité abstraites. Mais expérience corporelle. Un geste du
la loi et la révolution, le statut légaliste ct le statut subversif. •orps : un imaginaire réel.
Nous demanderons à l'honnête homme si vraiment on Toutes les culturt�s ont mô\�nilié, célébré, protéaé ce
peut croire - si vraiment il a pu croire : moment. Celui de l'attente, qe la foi, de l'initiation. Attente
1 , Que le modèle de celte sexualité • révolutionnaire • .te l'amour par le plus grand potentiel affectif. L'affectivité
n'avait rien à voir avec le nouvel usage bourgeois de la •pprise dans le cercle familial vo:ut Se déverser, s'épancher
libido ? dans l'Autre. Alors la grande rencontre : la Jeune Pille et le
2. Que l'expansion universelle de ceue libido, ludicité, Jeune Homme. Et n'nyons pas peur du ridicule : la vierge ct
marginalité ferait éclater les structures • répressives • de la lr puceau. Les meilleures conditions possibles du projet
'IOCiélé? •objectif. L'égalité des chances et la chance de l'égalité.
N 'a·t·ll pa� pensé, au contraire, ne serait-ce qu'un 1haque sexe est l'égal de l'autre et chaque sexe apprend à
moment : l'autre pour s'apprendre lui-meme. Alors les relations indi·
vtduelles accomplissent la fusion des genres. Tel cM le grand
1. Que le modèle de cette sexualité pseudo-révolution·
naire n'a d'usage possible que dans le contexte d'une social· Imag inaire : la rencontre. Le couple 1•
démocratie libertaire? Contrairement à ce que raconte la niaiserie culturelle
•mbinnte, l'Occident n'est pas phallocratique. Bien au
2. Qu'alors sa vocation véritable est de soumettre les
<Ontraire. C'est même lui qui a inventé la psyché, cette
âmes ct les corps pour empêcher la révolution des travail·
histoire d'amour de l'Occident. La culture de l'Occident est
leurs?
ltministc. Il n'a pas interdit l'imag inaire amoureux. la
Ln cible, c'est la iillette. la classe d'âge, la sous-classe •encontre, Je couple : tl a exhaussé ce moment en des\in -

d'âge, de 14 à 16 ans. Il faut l'amener à consommer la pilule ; de l'homme ct de la [èmme.


tout le reste suivra. L'usage du produit entralnera l'idéolo­ Mai$ si l'Occident a su poser le p.r:oblème de la reconnnls·
gie de l'usage, une nouvelle initiation au système.
lance amoureuse - Je problème du couple - il a été
Il laut saisir la lemme à la sortie de l'enlance. Au moment Incapable d'apporter une solution heureuse. La psyché est
de sa plus grande malléabil!lé, vulnérabilité. Affective, llagique : il n y a pas d'amour heureux. (Sau[ au moment de
psychologique, morale, civique. Moment iMal du meilleur lo collaboration de classe de la bourgeoisie ct de la
dressage : la moindre marque sc fait indélébile. Le corps m1blesse : la bourgeoisie de robe.) C'est que le& nèce&sités de
ensuite ne pourra que répéter. C'est un âge desarmé : il n'a la reproduction de classe (longuement explicitées dans l'Eire
plus la dynamique de l'enfance, il n'a pas la structuration de " lt Code) doivent briser les prétentions subjectives. Proces­
la femme. Un âge disponible. •us fatal : il interdit l'amour en même temps qu'ill'invt!nte.
Enorme entreprise de subversion de l'âme adolescente : 1 'tnterdit est la cause de la passion amoureuse. Alors que
il faut empêcher la psyché, l'écraser en son lieu d'éclosion. l'tdêoloaue bourgeois croit que la passion est contre l'inter­
Car lieu de rEsistance à la consommation mondaine. Lieu de .Jn C'est le contraire : la psyché est spécitique a l'Occident
la pudeur ct de l'imaginaire.
Car celui-ci est un âge de la vie : entre l'enfant et l'adulte,
l'adolescence ou la virginité. Age d'or, moment où le génie 1 Lu fonceion .:duc:ntJHt dt: la soc;jétédoit consistera donner b �hacun let
de l'enfnnce prend l'âge d'homme (ou de femme). Où l'élan m•Uitures chance' d� \'l'f'rv tel âgf;' de la vic.. De le préterv�r c� d'aides n lo.
c.l'un corp� devient le pro jet d'une conscience. Fécondité de u..11�1ion de son projet.

110 Ill
Les st�rêotypes loncrionnels fonctionnent tout seuls. Le
car eUe propose lu conditions de la reconnaissance... pour
corps réctte la leçon de choses et de gestes appris. Pour agir
l'empêcher. En son essence, en sa structure le psychisme
dans,ct selon ce langage imposé.
bourgeois est • sado-masochiste •· A cause des rapports d�
L âme machinale va passer à l'acte sexuel machinale·
production et non à cause de la libido.
ment : elle � est conduire fatalement, par le gestuel appris.
l.a classe sociale dominante se lait Sllr la commune Le gestu7J d avant le prép:ue, le commence, l 'Impose. L acte
Mfaite de l'homme et de la lemme. L'être de classe n'est ni
�cxu�l n �st �lus qu'un geste situé dans une série. JI n'a plus
phallocratique ni féministe. li est du genre neutre qui
de Mgmhcahon par lui-même. Mais de par la totalité du
résulte de la neutralisation des deux intentions subjectives.
L'asexualité de la classe sociale �t acquise, paradoxale­
comportem�nt. J:A: sens de t'acte est dans ce qui le précède et
dans ce qu• le su•t. JI est la signification de la série. Une
ment, par I'EI·os de classe. Le pouvoir de cla&SC est la .
con�mmatoon de pli;IS, un rythme de plus. L'acte sexuel est
reciproque dénonciation des pouvoirs du sexe. On renonce
un clément parmi_ d autres qui a la nécessité sociologique
au couple : en êchnnge, le pouvoir de classe.
des ge�tes à faire et des mots à dire.
Le problème du couple n'a donc pas encore trouvé sa Alors l'initiation sexue(le écarte la culture de la déClorai­
solution. Il a été posé. Tl ne peut plus être éludé. Les c�• hure$
"'"· les riluels er les cél6brations valorisantes, qui faisaient
socialistes cl commun'istes auront comme essentielle voca­
de ce nome ':' t !-'
': mo�cnt privilégié, unique, d'une portée
tion de réconcilier l'homme ct la lemme. En tant qu'indivi·
•ymb

o hque mhme. L 1déolog.ie de la consommation fait de
dus qui font le collectivisme. En tant que [in de la psyché
occidentale. Et en tant qu'accomplissement de cette psyché.

la sexu�lué une con_som �atio parmi d'autres. la psyché se
paupénse, se banaltse à 1 extr eme. Après avoir écarté l'ima·
Après celte longue digression (qui n'en est pas une, car
amaire de t'allente, l'Idéologie dévalorise l'acte sexuel en le
elle permet de situer le problème conjonctul;'e.l de la pilule
r<!duisant à uo acte d'ubage, à la consommation (du plaisir).
dans l'histoire de 13 psyché et ce livre dans l'ensemble de
A la place de la psyché, l'initiation de série. L'impératif
notre producl ion) revenons à l'â�e de la vie - l'imo�inaire
wtégorique de l'opinion libérale. Le� adolescentes sont
de l'adolescent - qui prépare à 1 €Ige d'homme ou à J âge de
Jlllonnécs de slogans, de modèles, de signes de conseils' de
femme.
Cet âge tendre doit être rayé de la Carte du Tendre. En � vues, de spécialistes, d'éducateurs... Malheur à ceUe qui

n est pas dans le coup. Elle sera repérée, désignée, dénoncée,
échange, la carte des usages mondains. usages de masse.
moquée. Comment pourrait-elle se dérober? Les copines qui
lonclionnels, de l'animation machinale. Celte répression de
la subjectivité de l'imaginaire, des Hauts de 1furlevent, du
<ous tou�nent le d
�. Les garçons qui vous charrient. La
quaranr �me mondame. Laquelle consentirait d'être • une
Château d'Argol, du romanesque, sera proclamée émancipa·
lion!
h�

t g r cotse •.? eo_mment la filleue pourrait-elle - d'elle·
_
meme - res1ster a cet environnement idéologique et s'écar·
On peut proposer trois moments de cette • émallclpa· '''' du tro�pea� ? Comment pourrait-elle soudain briser en
tion •· D'abord écarter le problème mêtaphysique, posé et rlle tout 1 acquts culturel et al!ectil de l'animation machl·
non résolu : celui du couple. Première régression. Ecrnser "tic qui déjà l'a inexorablement modelée?
psyché. Une fois bâillonnée, le discours sexualiste s'imp<; Surtout lorsque c'est la mère qui lait fonction d'entre·
sera. Le naturalisme, vitalisme, mécanisme de l'animation metteuse. La mère ou l'éducateur. Bien Intentionnés, ils
machinale. La psyché est réduite à l'émancipation sexuelle 1 pocnnent les devants. Leur démarche est préventive. Ils sont
Pour une idéologie de la consommation libidinale, ludique, -..ucicux des intérêts de l'adolescente. lls pensent agir pour
marginale qui sera l'idéologie de l'industrie du loisir. t, mieux. Etant donné l'époque, pensent-ils, il • vaut
Ce dressage procède par conditionnements so•ciolo�:iqoJCI mieux • ':'e pas attend�c qu'elle soit bêtement enceinte. tl
progressifs. C'est d'abord le ges1uel de la première coo�so·m·• .
vaut m•eux- • évtter 1 avortement. Bien que l'avortement
t
matioo ludique (julœ-box, flipper. poster, ec.). Puis
lui ouui_. ait été banalisé, vulgarisé. Mais quand même :
de l'uniforme, le portrait-robot. Pour en venir à la doublle JI<>Urquot prendre le moindre risque alors qu'il y a la pilule'
animation machinale. Alors le travail de conditionne Aussi la mam r,
an ou J'éducateur sym a agissent préventi�
est quasi accompli : la fillette est déjà mûre. Pour la pi'IUI•e. _
''ment : � Tu sa•� ma petite fille... la pi ule. • Nouvel avatar
C'est dans la Ioulée, portée, projetée par cette dy•namiiqu�e,
ol la senllmentalné bourgeoise : le néo-intimisme du positi·
qu'elle consommera un produit de plus.
113
1 12
visme petit-bourgeois. Celui de la mère et de la fillette, de 3. Alors prendre la pilule.
l'éducateur et de la fillette, de la fillette et de sa copine, de Jo. Qu'importe l'ordre empirique des motivations. En tous
fillette et de son partenaire. A la fois légal ct intime, secret et les cas une • causalité structurale • - d'ordre logique et
public, subversif et instilutionnel. Dernier avatar de la non �vén�men
. tlel - régit le fonctionnement idéologique. La
psyché occidentale forme extrême de sa pau�risation, de
• prescn p1on id�logique est impérative. C'est elle qui
t
son extinction. Une culture de l'ôme accommode ses restes. motive : le droit à la pilule est le droit à la sexualité comme
Et intimisme qui s'étale, maintenant, dans les media. le droit à la sexualité est le droit à ta pilule. La garantie
Intimllé bavardée sur les ondes, sur les écrans, sur huit contraceptive incite à l'usage comme l'usage à la précau·
colonnes à la une. Courrier du cœur, du sexe, des magazines tlon.
�cialisés ou pas et des émi�sions intimistes des radios .. Ainsi � révèle le '!léean\sme idéologique de l'usage.
commerciales. Stéréotypes de ma�se qui se proposent l tdéolog.e crée le besotn et 1 usage. Cet usage devient une
comme culture de l'intériorité. fonction sociale. Et cette fonction crée l'orgasme.
Cette procédure Initiatique s'est substituée à l'initiation
L'idéologie impose une pratique. Celle-ci devien� une
clandestine, sauvage, politique. Celle des premiers combats
fonction. Et celle-ci l'émancipation sexuelle.
pour l'usage des contraceptifs, de la pilule. Combats
Mais orgasme à la mesure de son usage : sociolo ique,
d'avant-garde des nouveaux docteurs Folamour, des éduca· g
fonctionnel. machinal. Une jouissance à la mesure d e son
teurs • apprenons à faire l'amour • au lycée. Ou défi à la
conditionnement. Et nous nous permettrons de donner
• répression sexuelle bourgeoise •· Aux tabous et interdits. un
conseil aux sexologues, puisque sexologues il y a, et m�me
Maintenant, les inciUHions de l'opinion libérale sont telles
aux psyc�analystcs. Ne cherchez pas ailleurs les causes de la
que ta fillette demande • spontanément • sa pilule. On a
pathologte de la nouvelle sexualité. Un sexualisme de masse
te.llemcnt bien su la lui dorer.
aussi fonctionnal!st� et sociologique est à priori une forme
Une troisième période de l'usage semble même déborder
réduct�•ce de la joUJ�sance. Ce trouble de jouissance, cenes,
nnitiation intimiste (comme celte-ci avait dépa� la reven·
se mantfeste de multiples manières. Mais la cause essentielle
dication politique). C'est celle qui s'avoue franchement
est dans la soumission au modèle de série.
revendication d'u�gcr, dé consommateur : la pilule du
distributeur automatique. El gratuite. Entre te flipper et le On a la jouissance que l'on mérite. Que voulez-vous : le
.
distributeur de coca-cola et de chewing·gum. Et pourquoi socio!ogtque est frigide! Et le macbJnal machina l ! Si pour
pas dons la salle de classe ? cert�ms le sexe est de,•enu un Instrument politi que, pour­
Loi des trois états de la consommation-transgressive : quot s'étonner de ln piètre jouissance qu'il apporte? Justice
message politique, pratique intimiste, usage de masse. A 111manente. Une remarque, pour conclure ce chapitre. Nous
mesure que la consommation gagne en c:xtension le message n)avons entrepris ni un travail de sociologue ni un truvaU
politique se perd dans l a banalité de la consommation d'expert. Rappelons que nous cherchons à définir les figures
quotidienne. L'initiation reste clandestine, marginale. Mais phénoménologiques de l'initiation mondnlne à la civilisa­
eUe est devenue une banalité et une conduite de masse! Lu tion capitaliste. Aussi que J'honnête homme n'attende pas de
deux dynamiques conMitutives de l'ambigu"ité social-démo­ nous le discours culturel que justement nous cherchons
à
crate sc �ont parfaitement compénétrées. Subversion tt dénoncer. C'est-à-dire les spéculations du sociologisme el de
institution s'équilibrent pour proposer un nouveau type de l'expertisme. Car à expert contre-expert et à sondage contre·
conduite : le normatif contestataire. so�dag e . N�us récu�ns cette culture scientiste et empirique
,
Ce modèle culturel, ce dressage de masse, cette pression QUt a loncllon d ahmenter le confusionisme de l'idéologie.
de l'opinion fonctionne selon trois moments constHutib Nous n'avons pas cherché à faire le bilan des divers
1 . Il faut s'émanciper, se libêrer des interdits et méfaits et bienfaits de la pilule à la manière du néo·
tabous. positivisme. Ce n'est pas notre propos. Nous avons voulu
2. Donc prendre la pilule. disting�er deux usages. L'':'snge révolutionnaire et l'usage
3. Alors passer à l'acte sexuel. �
t éologtque. Comment la pilule peut libérer la lemme: - et
ou bien : 1h omme - et comment elle conditionne la femme et
2. Donc passer à l'acte sexuel. l'homme. La me IIPure et la pire des choses. Soit l'initiation

114 115
mondaine à la consommation libidinale, ludiqut', margi­ des salonards de la mondanité culturelle. Ne serait� que
nale. Soit la maîtrise de la nature et un nouveau ch•isme. par son énormité : • Si vous vous refusez à tout critère
reflexif, rationnel. vous autorise1 la pire des confusions. A la
limite, alors, vous vous exposa à cette interrogation : et si
l. Le &exisme mondain, la psyché et la lutte du classes la néophallocratie... c'était le féminisme ? Si le dernier
masque du monstre imitait le visage de sa victime? Si la
Protester contre le détournement. .. d'usage de la pilule et phallocratie atteignait sa perfection par sa pseudo-dénon­
le- dressage... mondain de la filieUe va povoque�
r l'Inévitable cla\ion? Et si les militantes du MLF n'étaient que des
réplique mondaine : • Phullucrate! • Et peut-être mên\e manipulées de l'éternel pouvoir mâle ? Permettez-moi d'ex­
dans la bouché de l'honn�te homme. poser cette hypothèse... Recevez-la d'abord comme uno
Jouons le eju ; en piste pour la dispute mondaine. Celle amuserie culturelle, une énormité qui vous fera bien rire. El
ui structure le mondain. La scène du monde ne s'anime que puis... •
q
d'éternels poncifs. Chacun doit réciter son rôle. La procréa­ Eh oui, tout ce travail de mise en scène est nécessaire
lion semble avoir programmé ces piques de sexe. Ell� font pour forcer la scène mondaine! Autrement, le savoir reste
partie de l'approche amoureuse. Ce sont des rituels mon· aliéné par sa formalisation abstraite. Une mimique ou un
d;.dns. On a ainsi quelque chow à dire el à se dire. Joutes de bon mol suffisent alors pour le ridiculiser et l'écarter. Nous
sexe, conventions mondaines, ingrédients du d�sir. Un ne faisons que suivre la leçon de Socrate : la provocation
homme arrive. Un phollo ? • L'ennui s'envole. • réflexive doit affronter les sophistes. Sur leur terrain. Pour
Et çomme le mot sonne bien. Pballo... Toute puissance leur mettre le nez dans leurs mondanités, leurs trucs de
mondaine du signifiant. Mot choc, boun·é de sens et d'énw· aéduction.
tions. Mot de vigilance. De militantê. Mot totem. Celle qui le Nous nous proposons donc d'établir la vacuité concep·
dit la première a gagné. tuelle des termes féministes �l phallocrates en montrant
Mals si nous voulons jouer le jeu de la dispute mondaine, leur plénitude mondaine.
c'est pour amener des arguments peu usités dans le genre. L'émancipation de la femme passerait par le refus du
Notre • entrisme • nous permettra de forcer la place. C'est mariage? Par l'union libre ? En luttant contre I'institutiona·
sur la scène mondaine elle-même que nous poserons ce hsation du [pjt sexuel? Mais c'est l'éternel combat du
problème de la connaissance : quels sont les fondements phallo! • Je n'épouse jamais • avait fait broder sur ses
cpistémologiques du fémini�me ? draps un célèbre tombeur, cité par Montherlant avec quelle
Alors, deux répon�es. féministes. Deux contres, �dmiration 1 Et l'essentielle préoccupation de cet homme de
dnins : bâiller ou snober. le bâillement, irrésistible. au plaisir n'était-elle pas, en bon rentier, en bonne littérature
de deux ou trois répliques. • Quel raseur 1 • Ou la de rentier, de se sauver du mariage ? On n'épouse que par
dédaigneuse. L'ironie mêprisante d'une jolie bot•che. pitié.
beaux yeux écarquillés d'un étonnement amusé. L
Pour le dragueur, ce pur produit de la modernité (ce fléau
rire de la femme spontan(-c face au savoir sclérosant.
oocial, Iront jusqu'à dire les féministes) n'est-ce pas le mème
avant d'être éconduit de la scène mondaine, derechef : •
.umbat ? Et quand un homme se marie, les copains n'ont·ils
moins, définissez le domaine de l'émancipation de la fenom-'
pas toujours dit qu'il se passai t la corde au cou ? Mais qu'eux
et celui de sa récu�rntion. Puisque vous dites votJs·rnelme.
n� se feraient pas avoir de s i tôt...
que tout est récu�ré. Donc, comment distinguer l'autlterlti•
que féminisme de sa contrefaçon, mondaine. bourgeoise ? Dieu sait si le phalio redoute l'institutionnel. Est·
En profitant d'un certain flottement de l'auditoire li nécessaire de développer encore ce thème du ma·
peut-être même d'un (•ncouragement. dans le regard liage épouvantail du pouvoir mâle ? La {in de la jeu­
l'honnéhe homme, nous gliswrons le problème de la C011nlliS. nesse. la fln des Incartades ! la belle-mè.re, le travail, les
snnce sous les colifichets rhétoriques de la mcmdlanlté ••nfants 1 Adieu lu belle vie : • Si tu veux pas que ta lemme
en lcroftS un paradoxe mondain. La provocation l'emmerde .. •
.

présentera sous la forme d'un nouveau jeu de sociét� Le phallo - de maman - n'avait qu'une crainte : le
proposerons une hypothèse qui devrait exciter la curio.sit,Ai •hantage à l'en[anl. Sous la pression sociale (anti-phallo en

116 117
l'occurrence car l'opinion publique ne soutient pas le • pou· E.n un premier moment, donc, que demande le phallo?
\'Oir mile •• contrairement à ce que peuvent dire certains Le refus de l'Institution et le droit à l'avortement. Ce seront
idéoloaues) i1 fallait bien qu'il • y passe •· Aussi. quelle les premiers exercices imposés. Au [éminisme. Premières
terreur. quand elle n'avait plus ses règles. tâches. Première manipulation.
Mais il pouvait encore sauver son coup. Par l'avortement. Le phallo- de maman - ne se retirait pas, bien sur : à
E.ncore un autre pouvoir de classe. Dans le milieu populaire, la gêne point de plai�ir. Pas de préservatif. non plus. Cela
le phallo. lorsqu'il avait mis une fille enceime, lui, devait pte la spontanéité. Tout échoit à la lemme. Autres tâches
�pouser, c obligé •· Dans la bourgeoisie, le pouvoir mâle ménagères : • Lave-toi... tu t'es bien lavée?... Je t'avais dit
avait recours à l'avortement. De deul< manières, directe et de faire attention ... • Et le phaUo engage le combat pour
indirecte. En l'imposant à la lille c séduite •. Ou en l'aban· l'avortement libre. Mais sans se • mouiller •. sans avoir à
donnant purement et simplement, surtout lor�qu'il s'agis· laire le moindre travail. Ses femmes seront en première
sait de quelque boniche ou autre Hile du commun. Alors ligne. Avec les héroYnes de la libération de la remmc. Celles
celle-ci, complètement paumée, d'elle-même, nvait recours à qui ;�ccumulaicnt les avortements pour donner le bon
la [aiscuse d'anges. Ou comble de la misère sexuelle, exemple. Les performantes (alors qu'il est maintenant établi
s'avortait die-même. que les accouchenlcnts prématurés et même les fausses
Pour le phallo bien né, qui prenait en charge l'avorte· touches spontanées sont proportionnels au nombre d'avor­
ment, que de problèmes : • Avec les lemmes on a toujours tements subis antérieurement.) Celles qui exploraient les
des histoires... • Ça coûtait cher. un avortement. Il fallait techniques nouvelles. Ou qui partaient et partent encore,
trouver une avorteuse. Se compromettre. Oue de ri<oou•'" pitoyables troupeaux, par autobus entiers, en de� pay�
Que de soucis 1 Rappelez-vous Mathieu, ce brave moins • répressifs • (les • mecs • n'ayant pas toujours payé
lorsqu'il inaugure lts ChemJnsde la li�rté.Ce héros •aru>en. le voyage). Un personnage de Ionesco ne pourrait-il pas
comme tout bon petit bourgeois qui veut vivre d>n: : • Mais comme c'est curieul< .. Ce sont toujours les
.

cherche à laire avortersa maîtresse. Et comme il est cm1bêté •. lemmes qui avonent. •
Remarquable continuité du pouvoir mâle. Derrière Et comme c'est curieux. ce sont toujours les lemmes qui
!déoloaies apparemment opposées, la méme attitude. prennent la pilule. De même qu'elles ont été - et sont
chemins de la libi:rté- du (ils - c:ommencent où linisS<:nl· •·ncore - les victimes de l'avortement tTop clandestin de la
ceux de la littérature des reotiers - du père. La relève est laiseusc d'ange�. aux suites opératoires difficiles 1, de m�me
assurée. Le refus de l'institutionnel est aussi le refus d'u qu'elles ont été soumises à l'avortement de série, qui
certaine paterriité. Avant, les bâtards du prince poussa tllminuc les chances de grossesse à bon terme, de m�me elles
/
• à la va que e te pousse • · Mais le code Napoléon est

regardant : es lois recherchent la paternlté. Le


ont dû • essuyer les plâtres • d'une pilule qui était devenue
usuelle sons êtt·e encore au point. Et c'e�t bieo tardivement
contraint à de graves obligations : pensions allmtmtair·es� que l'on a découvert, par exemple, qu'après 35 ans, les cHets
etc. Certes, obligations théoriques et platoniques : <'llnjugués du tabac et de la pilule exposent aux risques
s'il e$t condamné, peut ne pas s'exécuter (même e ��:;� �� •ardio-vasculaircs. Les groupes industriels multinationaux
deux tiers des bommes ne paient pas les pensions a t. unt évidemment édulcoré ces effets négatifs. Le gauchisme
res auxquelles ils ont été pourtant condamnés. Sans t.·s passe aussi sous silence (collusion objective des deux
vaise volonté avouée : ils gagnent si peu 1). Mais il y a t�rmes). Alors que des examens médicaux préventifs ct
risques. des menaces. Les gosses, ça revient cher, il faut •y•tématis�s auraient énormément réduit ces risques. Cc
nourrir. les élever, s'en occuper... n'est que maintenant que l'on invite les fumeuses de plus de
Pas de mariage et pas d'enfant : la liaison et t·a· vm·te­ IS ans à choisir soit de ne plus fumer, soit un autre
ment, constant mot d'ordre de la phallocratie
Son combat anti·institutionnel. Ses chemins d
�;���::,::
e la
'ontraceptil (le diaphragme ou le stérilet).

Pour ratifier la famille, se marier et avoir des enfants


moment (bourgeois) venu. Avec certaines : on n'épouse
et on lait avorter. Avec d'autres : on sc marie et on a 1 L'II\'Onemcmt, m�mc dans les meilleur($ conditiôni, reste un acte
enfants. ����lica-.thir\.lrQic.:al qui peut avoir dH oomptic:a,tlcu'llS

118 119
Dlscr�te et ron�tante ironie du p()uvoir male : la lemme phallo mais encore élargit extraordinairement son champ
objet d'u�u&" et sujet d'expérience doit veiller, d'elle-même. tl.- consommation. • La circulation des femmes • e�t deve·
au bon entretien du matériel. • Ton corps est à toi; sache nue ce que le phallo n'osait imaginer.
que les • mecs • ne veulent plus de ri<que�. d'ennuis. Sois Nous verrons dans la libéralisation des lois du divorce
da�ponible à leurs désirs sans les importuner de ton corps une autre conqu�te de la phallocratie moderniste, machid·
IOf'squ'lls n'en ont plus besoin. Sois fonctionnelle : gère tes •étique et manipulatrice. Qui profite du divorce (dans la
ovule comme une bonJlf! lemme. Cela fait partie. mainte· onj oncture actuelle?) Ne sert·il pas, en définitive, à liberer
nant de tes obligations mondaines. C'est ton problème. Et ··ncore plus le pouvoir mâle de l'institutionnel, du mariage,
nou• en avons proposé la bonne solution. Tout est pour le •le ses obligations, en particulier à l'égard des enfant&?
mieux dans le meilleur des mondes des bommes possible. l.tudlons de près le proHI socio-professionnel du couple qui
Sols lolministe et tais-toi. • divorce. Pour en dégager une loi tendancielle, non-dite ct
C'est la r&:upération mondaine du pro�:r�s social que �
• couverte par les motivations psychologiques soulflées.
nous dénonçons, sous sa couverture féministe. Que le rhé· wrinées, par les médias. Intéressons-nous à une catégorie
teur mondain ne profite pas de notre dénonciation d'un d'âge particulière : celle des gens de 35·40 ans jusqu'à 50·
certain usnge de l' a vortement pour insinuer que nous le SS ans. A ccqe génération mariée avant 1968, qui est l'âge
condamno(ls. Nous souhaitons, au contrair-e, le plein usage • mûr • et qui peut bénéficier maintenant des facilités du

de la loi. Rappelons que nous voulons l'abrogation dês divorce, octroyées par le libéralisme d u système. En lui
restrictions mentales, de la clause de conscience qui permet toisant grâce des 1>tatistiques, nous proposerons à l'honnête
encore à bien de� médecins d'éluder son intégrale applica­ homme, deux portraits robots.
tion. Et nous proposons même comme exemple à suivre Lui : après des débuts parfois difficiles, il dispose main·
celui de� pa)s de l'Est. trnanl d'une bonne situation. Ne serail-ce qu e par le mérite
L'avortement n'est concevable qu'en écartant le libéra· de l'ancienneté. JI s'est maintenu en bonne l orme. ll est dans
lisme pcrmi\�if- qui le récupère - et l'iM oio gic réaction­ Ir secondaire, et surtout, le tertiaire. Profession libérale,
naire- qui l'interdit. Il faut établir, là aussi, la ligMjuste ct udrc, Ingénieur, professeur.
dénoncer les usages abusifs, mondains qui manipulent les Elle : ne dispose d'aucune qualification professionnelle.
lemmes pour maimenir le confort sexuel male. Et exiger l'ils de métier. Elle a abandonné ses études pour sc marier,
l'applica1ion de la loi dans les secteurs où elle est le plus older son mari, élever �es enfants.
sous-utilisée, alors qu'il s'agit de la plus authentique misère Elle : au foyer. Lui : au bureau, en voyage d'affaires, en
sexuelle, sociale, affective. Et nous constatet·ons que cha· diner, en soirée. Autant d'occasions de rencontrer des
cunc de ces idéologies se justifie par l'aull'C. Pour ainsi lemmes d'un autre milieu social, plus jeunes et disponibles.
empêcher le bon usage de la loi. Il dispose enfin du genre de vie (argent , standing) que le
Une féministe conséquente, réellement anti-pballo, mili­ oystème a mis au point pour séduire. Aussi va-t-il délaisser
tante en guerre contre les privilèges. ne devrait-elle pas puis répudier l'épouse non compétitive.
exiger la pilule pour les • mecs • ? Ou autre; garanties, Sa nouvelle et jeune [emme, par-dessus le marché,
chlfurgicales. même? Ne sont-ils pas concernés. eux aussi ? dispose d'un métier. d'une qualiiicalion professionnelle. Un
De quels droits celle aHüude et ces privilèges de purs outre traitement. Réel ou virtuel (elle pourra cesser de
consommateurs? N'est-ce pas une vieille habitude lt'Rvailler ou elle pourra se mettre à travailler).
• macho • : que la femme prenne tout en charge ? A elle les Comment la lemme délaissée, répudi�, pourrait-elle
responsabilités, l'entretien du matériel. A l'homme l'usage, • refaire sa vie • ? Elle propose, eUe, deux ou troi s enfants à
le plai,ir. Et la désinvolture du consommateur. Les sauteurs endre
- en charge, un corps fatigué, une cane de chômeuse.
,.
qui ne pourraient présenter le cenificat médical adéquat ne Il va falloir qu'elle clw:rcbe du travail. Tout en s'occupant
d<:vraicnt-ils ptts être boycottrs ? rntore des enfants...
Encore une fois : la femme a toul à gagner des lois Telle est la situation type que la libéralisation du divorce
sociales et le phallocrate a tout à gagner du féminisme. • autorisée. Deux destins de femme. Une perdante. Deux
l-'émancipation mondaine de ln femme non �ulemcnt tl\1&nants.
s'accompagne d'une plus grande garantie d'usage pour le Bien sûr, il est d'autres divorces. Pour d'autres classes

120 121
d'âge. Mais avec cette constant� . prise en charge des terribles drames, des traumatismes irrécupérables, des
tprwves insurmontables.
enfants par la mère 1
rf et non·pakmcnt des dérisoire&
•••

pensions ahmentai s. Situation de fait qui est le reflet d'un


privilège objectif.
Certes, ce n'est plus le destin de Fantine. L'idéologie de la
classe dominante s'est • humanisée •· Un certain misérabi·
Comment le nouvcliu phallocrntc ne serait-il pas lémi· lisme féminin n'est plus possible. Mais le néo·capitalisme
niste, puisque le féminisme est le vieux projet phallocro te condamne toujours à un échec objectif la majorité de la
adapté au libéralisme avancé jusqu'à la social-démocratie population féminine. Echec sexuel, affectif, social.
libertair e? De toute son hypocrisie sexiste, il a \•oulu que la Le système a su gérer magistralement cet C-chec. Grâce à
lemme c réussisse • son divorce comme elle a déja >eS lois • sociales • qui empêchent ces femmes de s'insurger.
• réussi • ses avortements. De même. en lançant la lemme Il a su récupérer le n�gatif par une bonne gestion de l'échec :
&ur le marché du travail, il rèus�ira à en faire une un bon avortement, un bon divorce, un bon chômage. Toute
chômeuse. une population féminine est assurée de • réussir • ses
échecs. Au prix d'une in.sntlslaction r Mais aussi
Car là aussi, lcb dés som pipés : toujours deux dcst1ns de p ofonde .
lemme, Celles qui profitent du Système. Célles qui en sont d'un moindre maL politique. Cette • fourchette • idéologi,
victimes. Les bourgeoise$, nanties de diplômes el qui se sont que permet au système de ne rien accorder d'essentiel à ces
casées avant la r�cesso i n. Ou qui, maintenant, bénéficient lemmes tout en empêchant leur révolte.
d'une qualilication professionnelle qui leur permet d'exer· Trois moments du destin de la [emme, trois promesses
cer un métier libéral, ou d occuper les secteurs de pointe d�
' tlu capitalisme libéral. Avortement, divorce, travail-chi.>·
public-relations, des mass-media. Ccll«:l> qui ont le pouvo•r mage. Pour certaines. trois ligures du malheur. Pour d'au­
de choisir. D'attendre. De se !aire pistonner. Qui savent tres, trois moyens de s'Intégrer, d'arriver. Pour beaucoup les
plaire. Qui gèrent les boutiques de mode. Qui ont du deux à la fois, tantôt l'un, tantôt l'autre. Et alors l'extraordi­
relations. Des oncles bien placés. Celles qui peuvent rentrer naire confusion idéologique du discours féministe.
à la maison. Après avoir gagné la moiso1\ de campagne. ôu Répétons-le : nous n'avons entrepris ceue polémique que
l'autre voiture. rour battre l'adversaire sur son terrain : la dispute mon­
Et les femmes d'origine populaire. Sans diplôme. San• daine. Pour montrer que son audience ne repo� que sur un
qualirïcation professionnelle. M�me pa.s ouvrières. Même pouvoir idéologique. Le fémiois.me n'a aucun fondement
pas OS. Les femmes de salle. Les balayeuses. Les serveu�es. th�rique.
Les bonnes (portugaises). Lc!s femmes de ménage. Les Aussi, maintenant, devons-nous élever le d�bat. Et pro­
vendeuses. L'imr(lense armée des femmes à tout faire. poser notre contribution aux fondements scientifiques d'une
Contraintes de pr�ndre n'importe quel travail. Les salsun· theorie révolutionnaire des rapports du sexe. de l'homme et
nières. Et toutes <:elles qui ne trouvent même pns ces de la femme.
humbles et pauvres tâches. Chômeuses. Ou même pot Certes, le féminisme relève d'un bon sentiment. A l'ori·
chômeuses. aine, c'est la saine et même sainte colère de la femme
Le! féminisme est celle idéologie qui consacre une nou· uutragée. C'est \•oulolr reconquérir une dignité bafouée.
velle et terrible ségrégation dans le sexe féminin. Ségréga­ O•anité de la femme scandalisée d'être réduite à la seule
tion de classe qui organise deux destins de femme. •ille
u r d'usage. Légitime protestation, morale, devant la
Celles qui parviennent, arrivent. Qui s'intègTenl à la tl�gradation de la psyché. Revendication aUective de la
dynamique du syMème. Celles qui ont droit aux essais et ltmme qui prétend ne plus être réduite au fonctionnalisme
erreurs. Aux expériences non seulement permises mais vulgaire du sexe.
recommandées. Et qui, en définitive, réussissent ou réussi­ Mais ces bons sentiments sont aussitôt récupér�s par
ront leurs mariages, leurs enlants, leurs carrières. Et celles l'idéologie, par le féminisme. Ce ne sera pas la faute du néo-
pour qui J'avortement, le divorce, le travail-chômage sont de •apitalisme. Ce ne sera pas la social-démocratie libertaire
qui �ra responsable. Mais l'homme. Pas tel groupe d'born·
llles. Mais l'homme en général. L'homme en tant qu'essence.
1 U • papa·poule • n'est qu•un gad3t't idMiotJ.iq�� On. n'a pas 11 c'est e 1 délaisant l'homme que la nouvelle femme se fera.
V\1 de papa�poute chez les • to
r is�huil •. Cette modernité • révolutionnaire • se révèle n'être

122 123
�u·un archaïsme à usage réactionnaire. Une rÇactivnt!on dé l'etetnelle querelle domestique. Le conrlit intime de tout
1 Eve éternelle, sous prétexte de retrouver l'identité perdue. c-ouple. Cene querelle est devenue le fondement de la
El!ectivcment, très longtemps, �es origines de l'huma­ eom�dle humaine. l'ironie de l'humanité eM n� de cette
nit� au �ystème occidental d esclasses sociale•. • la wciété • ...,mpitemelle el vainc querelle. .Exercice somme toute plato­
a étc !ondée sur les rapports de sexes. En raison de deux raits nique. catharsis.
e�wntlcls qui se recoupent : la division du travail et le Ce conflit est culturel, objectU. Ce n'est pas comme Je
système de parenté. croient certain� idéologues un conflit biologique, inscrit
La première division du travail s'organise sur la dJvlsioo clans la nature. Ce naturallsme esraJors une métaphysique.
des sexes. Le travail - de reproduction de l'espèce - et te C''est au contrairt: un conflit inhérent au mode de production
travoi l - de 8ubsistance- sont deux systèmes spécifiques rymologiqu,
r e. Et pr�sent dans J'inconscient collec:tlf. C'est
C'est un a priori • logique •· Le lait de l11 mutemité, et de la une reproduction des rapports de production.
premièl'c structt,tre d'éleva�e, entraine une répartition de-<· l.e féminisme va se servir de ce fopd atavique. l'our
tâ�hes qui peut être très sommaire, certes, en fonction du l'utiliser en une modernité idéolo·giqus; qui pl'<:t.,!ld dépasser
$Cx�:. Oès le princlpe, il Ya unedif(érertce. Et POI!r 1\l!tant que lu lutte des ol�sscs. Alo\'1! qu'au <;ontraire c't:st là lutte ÙIJS
la femme participe au travail d,e sub!li$tance et de reproduc­ .tasses qui réactive ces fixatiotts étymologiques et leur
tion de la torce de trayajJ, c'est selon <;les fonctions et des .tonne leur sens exact.
rythmes qui prévoieNt cette différence. Diflérencll qui ne L'Occident feodal et bourgeois, par l'organisnlion des
veut p ns dire néeessaircment subordination ori&inelle. dasses sociales. dépasse mais aussi ré cupè re Je dualism�J
'
L ordre du travail se di$pose alors néce!>Saircment selon unginel. La nobl<"sse ct le servage, la bo u rgeoisie ct le
un $ytt�me de parenté soit masculin, soit (éminin. Dans le• rrol�tariot dé(ini�scnl deux nouveaux univers. Celui où l'on
deu� cas, ce système de parenté - et qu'importe qu'il soit •�torque la plus-value (et où on en_ profite, de près ou de
matrilinéain: ou patrilinéaire ou un compromis d� deux ­ Juin : dérive de l'accun\ulation). Et celui où l'on produit
réduit le destin politique et le destin de chacun à n'être que •�tte plus-value. Bien sûr, dans ce nouveau système, les
l'e�preSliion naive, mécaniste de la division de� sexes. Le antagonismes �tymologiques continuent à se manïrester.
politiq u e et la vie pcrsoonelle ne sont que l'expression de la Mais dans. La lutte des classes subsume et conditionne la

rjlroduction de la tribu. hme des sexes.
Il est eSlientiel de constater<tue cette diH�rence objective, Dans la classe dominante, la femme prolite aussi dé
structurale n'indique pas une subordination conStitutive de l'extorsion de la plus-value. D'un(> manière objective, évi­
la femme. Cette nature sociale Qriginelte ne peut servir demment (il ne s'agit pas <l'apprécier- les bons ou les
d'argument ni aux pha�loètales ni nux (émitlistes. On ·a mauvai$ scmimcntS). Don<;, comme .,. exploitatrlce • de
voulu l'interpréter en I?�Jétllnt une ld�logic moderne sur l'autre femme, de la classe dominée. Ge qu.i nt>, l'empêche pas
une structure qui, p�r elle·mcmé, n'est pas un ord•·e de d'etre aussi, éventuellement, • exploitée • par l'homme de
domln:tlion. Et même Engels est tomhé. à notre avis, 1� dasse dominante. (On peut être la pt'olét.aire de l'homm�
partiellement. dans ce piège. ri IlVOir une année de lnrbîn$, Une simple bonnè ou fcmnle
Mals Il c&t auSlii essentiel de constater que la dil(érence ,
J.. ménagl' �uffit ))arfois à faire la Madame). Alors on peut
Implique le conllictuel. l'antagonisme, le cOntradictoire. Ce l'roposer cetLè équation, objective, comme la division de la
conflit par lui-même n'eS'! pas négatiL Il n'y a pas une MM:iétê en classes sociales : exploitation de la clas.>�e dominée
ratalit� de domination, mais plut6t le principe de la dynami· (plus grande) que l'exploitation de lâ {emme par l'homme
que sociale. Et nous pensons que ce conflictuel est même ,lens la classe dominante.
n�crssaire à la structure d'éle\'3ge. L'enfant doit être la Plus grande, parce que c'est le pouvoir de classe - la
reproduction d'un double, d'une contradiction interne. Pour <lumioation d'une autre classe sociale - qu.i 11utorise, qui
devenir. Pour qu'il y oit une dynamique de l'être. Pour qu'il 'untlent le pouvoir de l'homme - mais de la classe domt
se projcue. "''nte - sur fcti femme& - de la classe dominée mais auui
l'inwnsdcnt collectif, Je nôtre, celui de l'époque, porte ,,,. la classe dominante. Et la cause inclut, contient toujours
cette culture. Celle de la tribu fondée sur la division dé$ 1 rllet. La cause est plus grande que l'effet. L'antériorité
&Ci"t:S. Son actualîsntion. au niveau de la vie quotidienne, est l..glque, économique, politique -de la lutte des clas�cs -

124 125
lait de la lulle des sexes une consêquence, un eifel. La ••-connaissance totale est aussi l'ab!>Olu de l'a mour , elle ne
chronologie historique - celle qui apporte la mémoire rtmet pas en quesli o. elle ne doit pas remellre en question
.
. IIOD <,>
collective de cette lulle des sexes - est soumise à la la CODITadiC ma)Cure entre (esclasses sociales. fl ne peut
caunlit� politique et économique. La lutte des classes avoir de lieu politique qui institutionalise cette dérive
YInterne Elle doit rester 'i consc
! l
réactive la lutte des sexes. Ccllc·cl n'était plus qu'une lorme ; ienl de classe (celui que
l_
vide qui va véhiculer le nouveau contenu historique. ta lutte nous d1sons). La contradoctoon relative ne peut que rester
des sexes n'a alors de sens que par la lutte des classes. dans la contradiction majeure. Ç'est le principe de la
Celle logique se vérHic abondamment au niveau em iri­ contradiction relative incluse. Le fondement du destin, de la
p poésie et de la musique de l'Occident, L'amour fou l'impos-
que. Quelques questions très • naïves • permettront de le '
constater. Quel était Je pouvoir du charbonnier sur la �lble amour : la psyché ou la mélodie Innnie.
châtelaine? Quel est celui du travailleur éiranger sur Del­ �
• Ces thèses sont éveloppées dans deux. de nos livres.
phine Scyrig? Voit-on souvent les dames des classes domi· cette
l. Etr� tt le Code est 1 étude de psyché, de ses origines­
nantes être soum ises à des hommes de telle manièrequ'elles le mythe occidental de l'amour : Tr istan et Iseult - au
acceptent de vivre comme el avec les femmes des classes romanesque bourgeois et à la fin du romanesque Oa psycha·
dominées? Certes, il y a des variables. Nous en avons étudié nalyse). Le Frivole et le Sérùwc est l'étude de la bourgeoisie
les lois : la dérive de l'accumulation porte un système de moderne, po,t-romanesque. la contradiction intern e issue
parenté qui ne fait que confirmer la loi que nous venons de de la dérive de l'accumulation, est devenue le ga ;
uchi me. Il
proposer. ne remet pas en question la contradiction majeure. Mais il
�ésumons en deux propositions les rapports • sclenlifl· ocusslt à renverser, à son profit, ln contradiction interne. Le
l
ques • de la lutre des c asses et de la lutte des sexes : llbéralism� avancé et �rmi�sil du fils succède à l'idéolo!lie
1 . La femme de la clt1sse dominante • exploite • - o.:Onscrvatnce el morahsatnce d11 père et chemine vers la
objectivement - à la lois l'homme el la femme de la classe prise de pouvoir social-démocrate.
dominée. Les deux propositions fondamentales, scientifiques, que
2. L'homme de la classe dominante • exploite • - nous avons établies montrent que la luue des cl asses a
objectivement - la femme (de la classe dominante et de la totalement transformé, travaillé l'antaeonisme des sexes qui
classe dominée) et lôomme (de la classe dominée). �st au commencement de l'histoire de l'humanié. t Mainte·
Ce système de relations est constitulif du pathos occiden· nant. la femme s'oppose à la femme comme l'homme
tai. Il ordonne l'intersubjectivité structurale. Celle qui est a'oppose à l'homme. E.tla femme s'allie à l'homme comme

lions • psychologiques explicites. Et nous ajouter "s


le petit appendice qui explique plus p r é
:,� :����
l'inconscient. Et qui est recouverte, cachée par les • moti

cisémentlla � :
l�s classes sociales s'opposent (et certes en ce domaine les
q
trahisons de clas�e sont multiples, puis ue mythe et ro�a­
nesque il y a ; mais mythe et romanesque sont aussi des
l'âme de l'Occident : dans la classe dominante se . •égulations de classe).
:
aussi la contradiction de classe, en tant que co,ntradiictiinn L'extraordinaire expansion des couches moyennes peut
int�rne, relative, hiérarchie dans la classe. Ainsi le •occulter la contradiction majeure : bourgeoisie - proléta­
d'alnesse. 11 s'agit là d'une donnée structurale de nat. Et la lulle des classes peut être sous-estimée, ignorée et
classe dominante. n1éme con�idé� comme • dépasr.éc •. Pour blen des rem­
Alors les deWl dominés-!nternes peuvent -et ne De1uv••nt noes, ol n'est pas évident qu'elles participent à l'exploitation
que - se reconnaître ct s'allier face au dominateur. C'est Je la classe dominée et que celle exploitation soit plus
situation structurale de l'amour (d'abord courtoi�) et l'and e que leur exploitation par l'homme de la classe
mythe de Tristan et Iseult. Le vassal, le cadet, le cheval J
,ominante . C'est qu'elles méconnaissent le rôle exact de ces
• s'allie • subjectivement à la (emme, à la lille. à la sœur 'ouches moyennes dans le procès de production et dans le
suzerain. wocès de consommation. Et il est vrai que le statut de ces
Mais impossible amour. Terrible piège : les conditions touches sociales est partlculièremcnt ambigu.
la reconnaissance sont proposées... et sont aussi • su:ut'IUira• Elles son1 à la fois victimes cl profiteuses de l'extorsion
lement • impossibles. Alors amour fou. Si l'alliance m•en• Il� la plus-val �e. Elles ne possèdent pas les moyens de
est quasi-inévitable. de par l'analogie des situations. si l'•oduction mars extorquent une certaine plus-value. Cette

126 127
double monstruosité Matutalre explique la confusion fonda­ bon sentiment : la révolte 1/igitime de la lemme outragée
mentale de la nouvelle idéolog ie et. en particulier, le (toute idéologie se farde d'une vertu. Pour la détourner).
féminisme. Celui-ci va inverser la situation objective (que l'emme doublcmenJ outragée : par l'homme de la SOciété
nous avons définie). L'antagonisme de sexe, originel, sera victor ienne et par l'homme violeur de la modernité. A
réactiv� au point de prétendre dépa�ser la lulle des classes. rra,·ers les modes de production, continuité du • salaud • .
Et le marxisme (surtout lorsqu'il sera léniniste), sera même Cette femme va revendiquer - très légitimement -
dénoncé comme un phallocratlsme larvé. l'cgallté des sexes. Mais pour glisser aussitôt dans la récupé­
Apparaît alors un corporatisme du sexe : un sexisme. Le rn11on idéologique : celle qui combine, amalgame, Jo réelle
mélange confus des • intéréts • du sexe - féminin - de la situation de la femme dans la société moderne et la revendi­
culture- bourgeoise -du di<cours -libertaire. Est sexiste cation sexiste du féminisme.
toute représentation qui (alt du sexe une • c•scnce •· une Le féminisme sera celle contradicrion absolue, cc pur
d�termination transcendante à l'histoire. Sexe • naturel •. paradoxe mis en place et promu par le pouvoir : l'égalité des
pur, au-delà des rapports de production. Ce corporatisme 'exes est voulue en même temps que le sexisme radical (du.
promeut un fait biologique en une • nature • métuphysique. féminisme). Et m�mc par ce sexisme. Comme si l'anté­
Aussi, tout pouvoir politique, de toute culture historique, pérdtcatif pouvait se concilier à sa négation. Comme si
sera identifié au pouvoir mâle. Le combat révolutionnaire l'égalité • naturelle • pouvait s'identifier à l'égalité politi­
du féminisme est le combat contre l'homme en tant que sexe que et culturelle. Comme si le processus de dc!substantialisa­
qui s'est identifié au processus de l'histoire. taon de l'histoire pouvait à son résultat, proclamer la
Alors, ce n'est plus la guerre des sexes de l'origine. C'est �ubsta»ce absolue.
une nouvelle guerre. D'ordre métaphysique. Celle de la La seule mesua·c de l'égalilé politique entre l'homme et la
substance contre l'histoire. La femme est l'anté-prédicatif, femme, c'est l'égalité devant le travail. C'est l'égalité propo­
la non-détermination, la non-représentation. Elle est ce qui •ée par le socialisme (celui qui lutte contre la social­
était avant la culture. Elle est l'ami-progr�s absolu. Elle est démocratie). C'est la seule manière d'en finir à la lois avec
l'humanité d'avant l'histoire. J-listoire décrétée vaine, pré· l'Eve éternelle et l'Homme éternel. Alors plus de phallocra­
texte à la prise de pouvoir phallocratique. tes ni de féministes. Mais un r61e commun, dans le procès de
Le combat féministe se révèle n'être que le combM de production et de consommation. Rôle de l'égalité collecti­
l'idéologie r6>ctionnaire contre le sens de l'histoire. Et sou• viste.
une forme moderniste. Le féminisme réactive un archaïsme, Bien sùr, le féminisme ne peut avoir que du mépris pour
le dénMure, le fal�ific pour en faire uoe nouvelle idéologie de ce genre d'égalité. L'émancipation ne peut être que l'�man­
la substnncc : l'Etre sans l'histoire (idéologie commune à dpation du sexe par Je sexe. Alors la contradiction fonda­
tous tes penseurs de la m()dcrnlté bourgeoise. à partir de mentale du féminisme - l'égalité d�s sexes par le sexisme ­
Heidegger). Ce corporatisme va Intervenir dans la lutte des l'avère la coquerteriede la femme moderne. La contradiction
classes pour em�cher... la libération de la lemme : l a fin de ne fait que camouner la stratégie éternelle de l'Eve éternelle.
l'extorsion de la plus-value. Car c'est ce mécanisme du capiua­ La coquetterie n'est qu'un stratagème du pouvo ir du sexe,
lisme qui contient, aussi, toutes les • aliénations • de la lemme une ruse sexiste. Si le féminisme dénonce la femme-objet,
C'est dans le système capitaliste que s'accomplit c'est pour mieux valoriser le sexe féminin.
corporâtlsme : le nouveau statut conféré à ta femme n'cal La coquetterie classique est bien connue :
autre, alors que son nouveau pouvoir mondain. La collusion 1 . Provoquer (subtilement, si possible) l'homme :
de la revendication féministe et de l'extorsion de la 2. Se refuser:
value est une nouvelle stratégie, mondaine, du pouv·o•r 3. Alors • l'intéresser •. Banal et efficace.
classe. Elle a fonction d'implanter la soclal··dêmcJCr:at Mals ce travail de valorisation n'est pas l'essence de la
libennire • et ce q�•i est désolant (rappelons··le) féminité, de sa nature originelle. C'est un travail culturel, de

1 Tf'f �tt le p.JJ'CC)UtS du feminisme rewendicattOft archaisantt­


· nc;crclc -.ins1 $« opposanll. car IJ dispose de deux dtscoun.. d�u�
l'opposlt•on puis partlc..pation doucereuse au pouYoir. &,.to: ftm>iDI!imol tratêaies. Elerncl ftmi.Un!

128 129
civili�atlon ; valoriser la femme, l'arTacher à sa banalit� mudèle cultur�l. L'hystérie ayant comme CQ("Oitaire la lrlgi­
fonctionnelle, à s a simple valeur d'usage. L'Occident féodal •llt�. Car comment jouir si l'acte d'amour se lait contre ?
et bourgeois. qui a perfectionné et $Ublimé ce processus, est N'est-ce pas la meilleure préparation à l'insatisfaction
profondément • féminl�te •· répétons-le. La psyché est la •exucllc, dont l'errance sentimentale est le symptôme ?
finalité de sa cuhw·e. Mais cela est de l'ordre de l'incons· Choisir à qui se refuser? Pourquoi un tel travail ? Ne faut-il
cient collectif. La stratégie culturelle se camoufle sous les pa� être, pour employer le langage à la mode, aussi maso
apparences institutionnelles. Tous ceux qui dénoncent la <lUC sado ? Quelle nostalgei de l'époux! Quel hommage ! Et
phallocratie logocentrique -les Derrida, Deleuze, Foucault, •tue! dépit ! Amoureux.
etc. - s'y sont laissés prendre. Une justice immanente frappe ln coquette f�miniSte :
Le féminisme va sc servir de la tr�dition culturelle de double échec de sa vie de [emme, de l'orgasme et du cœur.
l'Occident à des fins corporatives. l>our servir les intérêts L••s grandes amouo·cuses n'ont pas de rhétorique.
particuliers de certaines lemmes. Tout un arrivisme mondain va exaspérer et caricaturer
Comment procède la nouvelle coquetterie? .,. processus. La coquetterie, d'arme secrète, démonique, va
1 . • Je veux bien dincr avec vous. Je suis une femme vulgariser en un modèle culturel prét·à·porter, lui aussi.
émancipée. Sans tabous ni interdits. J'ai [ait toutes les S•miologie et morphologie de la nouvelle mondanité, mais
expériences, pour me llb�rer. Je suis disponible . .. Je mgnnisée selon un code qui reste, aussi laxiste qu'il soit,
écoute... •clui de groupes sociologiques clos. En fonction des valeurs
2. Je ne sui.s pas celle que vous croyez. Vous ave1. cru que Je la bande, par exemple. Ou d'une mode. La llbcrté sexuelle
j'étais une femme à homme et une femme [acile, parce que ll'�te �élective. La femme est libre, mais de circuler et de
suis une femme libre. Je me refuse à vous puisque vous a •'tchanger dans ces enclos culturels et sociologiques. En
cru que j'étais ce contre quoi je me bats. Vous venez de vous .J,flnitive, elle est toujours chasse gardée. Comme dans les
révéler ,Phallocrate. uuupeaux où les grands mâles se partagent les femelles
3. J ajouterai que je vais me donner à d'autres oour aeux. (apr�s de durs combats) ct chassent ensemble les Intrus. Le
ralsoM contradictoires, cupricieuses : bourgeois chasse à l'extérieur. Mais chasse gardée à la
- parce que cet autre me sert, sexuellement, sans que maison. Ou bien il est échangiste. Donnant, donnant.
pe e engager quoi que çe soit de ma personnalité et de
ns Aussi le code peut être mal Interprété. De terribles
aUectlvité. malentendus peuvent naHre d'une mauvaise lecture.
- parce que œt autre est partisan de la li�ration 1 ttranger - à ce code- peut faire d'énormes contresens. U
[emmes. Lui n'est pas phallo. f'<' Ut croire que la femme qui s'offre - dans J'universel de
4. Je vous ferai constater au passage que vous mi;nr·i"""' l'Idéologie, dans le �roupe, le milieu, la bande -s'offre aussi
ces deux types d'homme& PQur des raisons que • lui. 11 croira que c est son tour, Que c'est facile. Qu'il en a le
rêvolutlonnaires : ce sont des bellâtres naïvement mnch<>l doult. Mais on lui dit : • Liberté sexuelle, out, mals surtout
ou des courtisans de l'idéologie dominante. li se trouve, pa\ avec vous. • L'interdit est aussi brutal que la provoca­
ami, qu'il y a plus beau ou plus malin que vous. llon a pu être évidente.
Je me résume (dit-elle) : vous me vouliez, mais Cette situation subjective peut s'exaspérer selon des
donne à qui vous mépri&ez. Voilà. Je vous laisse l·aciOI'IlOn, dt�nnées objectives. Alors la com�dle humaine tournera au
vous m'avez invitée. • dtame social. Le permissif rencontre le cas exemplaire de la
Nous avons dramatisé et psychologl&é le processus de t�tlicnle exclusion du festin : le travailleur immigré. JI s'ag it
coquetterie moderniste pour bien établir sa stratégie. d'un type d'homme particulièrement incapable- de d.!cod er
tes, no� coquettes féministes sont bien incapables de 1• provocation mondaine. li vient d'une culture, d'une classe
un discours aussi explicite, cohérent, lucide. Elles le oudale, d'un mode de production qui ignorent tout des
en fragments. En lambeaux, plus exactement. pr �dures d'incitation au permissif. La relation antérieure,
<><:
Nous laisserons au psychanalyste le soin de �� �rite en termes psychologiques, devient alors le choc de
en nous permettant de lui suggérer une hvnothi'<" ,J,•ux civilisations. La provocation objective des exclus peut
travail : n'y a-t-il pas une dimension hv•té
trictue JIH•ndr e cette figure : le sexisme du féminisme et le racisme
altitude ? Objectivement hystérique : conduite so<:iolloglqloe, J.
,, la nouvelle bourge�isie s'épaulent pour piéger cet intrus,
130 131
lui lnisser croire que c'est pour lui, que son heure est venue. tause du mal ne peut se plaindre d'un effet du mal. Prendre
A travers les Individus, la rencontre prend atoN tes propor· de lorce une putain, c'est la punir par où elle a péché : c'est
tioll$ d'une trngédie antique. Les situations deviennent ne pas la payer. •
mythiques. C'est un affrontement brutal de stéréotypes - • Oui, bien sûr, dit la féntiniste. C'est l'homme qui a

culturels. la déconvenue. la colère d'avoir êtê bafoué peu· commencê. De même qu'il a créé l'esclavage, il a impos4! la
vent inciter à une terrible revanche, de classe, de roce, de prostitution. Celle-ci est essentiellement une violence. Toute
sexe. Et c'est le viol. prostituée est constamment violée. Prendre de force une
Ce prolil est l'inverse de celui du violeur fils à papa, prostituée n'est qu'une redondance de l'ignoble : c'est vou­
blow.on doré un peu laf sur les bords, dont les motivations loir lui prouver,encore qu'elle n'a aucune liberté, aucune
sont opposëcs à celle du travaiUeur immigré. e>t.istence personnelle en dehors de l'exercice de son
La diversité des situations, leur contradiction meme, métier. •
prouve bien que le viol peut être autre chose que l'act,e la prostitution, c'est la faute de l'homme ou de la
macho, l'actualisation criminelle de la latence phallocrato· lemme? Ce débat Sclliste - celui qui cherche à imputer lçs
que qui sommeillerait en tout homme. Il s'cllplique, avant responsabilltês à tel ou tel autre sexe - débouche sur une
tout, selon les rapports de classe. (Et nous avons peut-être eu casuistique où le libéralisme révèle toutes ses contradic·
le tort de trop psychologiser ces situati�ns. Ma!s nous nv . ns
o tlons, son opportunisme, son éclectisme et son syncrétisme.
voulu proposer aussi nos apports théor1ques d une manoère Il conduit à des paradoxes insoutenables et à un alexandri­
concr�te. Selon des scènes mondaines, des illustrations du nisme à la lois odieux et ridicule. les attendus de certains
drame social.) juges, à l'occasion de procès pour viol, témoignent d'un
Toute notre démonstration tend à établir que la guerre extraordinaire talent de navigateur à vue à travers les
des sexes ne fait qu'exprimer une situation idéologique, et écueils du libéralisme. Courteline et Ubu ne sont pas
que le féminisme est l'une des idéologies de la social· loin.
démocratie. Il n'y a pas d'essence des sexe� : un antiprêdica­ Peaufinons cet alexandrinisme : peut-on être violée en
tif antêrleur aux rapports de production. Mais de� désl�na­ piU'touze ? Ou bien peut-on, dans le même acte sexuel, être
.

t ions très subt iles et des signi(ications très ra!llnées des roies consentante et refusante? La chatte de la voisine aura-t-elle
sociaux de l'homme et de la femme. Par le mode de le droit de témoigner ? Si le mari préfère une position
production et de consommation. amoureuse et si sa f emme la refuse, est-ce un cas de divorce ?
Au bénéfice de qui? Où est le licite et l'illicite du IlL
Alions au cœur de la dernière sensibilité bourgeoise
conjugal? Et de celui de l'union libre ?
occidentale. Etablissons l'aporie qui prouve l'Inanité des
co11sidérntlons féministes et phallocratiques. Proposons au Vanité de ces débats. Dérisoire remake de la dispute
théologique à po·opos de l'origine du mal. Mot d'enfant :
jugement de Salomon la situation para�oxale qui prouve
• C'est lui qui o commencé... •
que la solution ne peut apparaltre qu en dehors de cet
Guerre des sexe$, guerre en dentelles. Le champ de
antagonisme • <:temel • ·
bataille est ln scène mondnine. Ce qu.i importe à la stratégie
Peut-on violer une putain? C'est le problème posé par
idéologique, cc n'est ni les phallocrates, ni les féministes.
Sarto� dan� Lil Putain respectueuse. Et qui est le problème
Mais leur dispute. Celle de Jean Cau et de Gisèle Halimi. le
même du libéralisme sexuel. Probl�me révélateur des limi·
tapage et la retape des mondains. Pour empêcher de poser
tes cullurelles d'une civilisation.
les vrais probl�mes. Pour faire diversion. Pour occulter les
- • Non, bien sûr, dit le phallo. C'est elle qui a com­ énoncés scientifiques.
mencê. D'elle-même la prostituée s'est mise en dehors de la le vrai débat doit être proposé selon les rapports de
loi éternelle pour vivre sans rien laore du travail de l'homme. production. C'est seulement par leur connaissance que l'on
On ne peut violer qu'une femme honnête. Celle qui vil selon peut énoncer le probl�me. Et envisager sa solution. Tout
la loi. Alors c'est un terrible péché. Qui doit �tre puni de d'abord en situant phallocratie et féntinisme dans la lulle
mort. Mais une putain non consentante est une contradic· des classes. Ce sont deux statuts mondains, sexistes. Pour
tion dans les termes. l'impure ne peut ètre atteinte d'une une commune consommation libidinale, ludique, margi­
impureté. Une putain ne peut pas protester d'un viol. La nale. Celle de la social-démocratie libertaire. la f arouche

132 133
6
guerre des sexe, n'est qu'une querelle de consommateurs.
Portés par une commune idéologie, les deux vieux complices
se disputent boUigcolsement la plus gro8se part du gâteau
libidinal.

Cinquième niveau initiatique :


la moto, la chaîne hi-fi,
la guitare électrique, le nikon. ­
La définitive intégration
au système
par la technologie avancée

A. - L'USAGE PROGRESSISTE
ET L'USAGE MONDAIN

Comme pour la pilule, comme pour lous les produits


r
commercialisés de la science, de la techno ogie, du progrès,
il y aura deux usages de la moto : le b<in ct le mauvais.
l'usage utilitaire et l'usage Idéologique. Celui du progrès et
celui de la récupération corporatiste, mondaine.
Bien sùr, l'idéologie nes embarrasse pa� de ce distinguo,
qui est pourtant d'une importance capitale. Au contraire,
elle procède par l'amalgame, le con[usionnisme. Pour le
vieux *rincheux, tous les motards sont •<les pétaradeurs.
Ainsi 1 idéologie peut condamner tout usager de la moto à
cause des abus de l'usnge corporatif et mondain. Aussi
dirons·nous : vive la moto 1 Et pour cel�. dénonçons tout
d'abord la récupération idéologique de sun u�age.
• Si tu as ton bac, tu l'auras ta moto. • Ou la guitare

electrique, ou la chaine hi-fi. ou le nikon. Ces objets


prcstigi�ux vont inaugurer un nouvel échange à la [ois

135
symbolique et pratique. dans la famille et dans la société. modernité a reconduites et banalisées (casseurs, auto·
Un protocole de l'accession à l'objèt va caractériser son nomes).
usage. Ce nouvel usage fera la médiation cnu·c ceux de la Nous ne pensons pas que l'actuel àorpor<ttlsrne des
consommation-transgressive et t'eux de 1<.> sociét� dite de motards soit lclointifiable à ée modèle. Car la mondanité de
consommation. L'initiation adolescente s'acl•ève et la parti· l'usage a gommé l'essentiel de la mythologie originelle.
dpation adulte a4 systèmé commen�e. Par un simple glisse­ Même - et SUl'tout récupérée - la technologie très avan�ée
ment. Un rien qui permèl dé passer Jes btuel$ initiatiques à du néo.capitalisme a imposé une nouvelle dynamique de
l'intégration radicale. llroupe. (Cependant, une certaine conduite s<�uvage retrou·
Il e.�t pr(>po$é un modèle d'usage qui prolonge et achève vera le nomadisme conquérant et le défi ll la norme.)
la conso·mmation mixte, celle de l'initiation mondaine, à la Ce c6rpor(ltisme se présente comme une �llégeance. Et à
• la société de cQnsom!Jlaljon •, dont il est l'une des plus
fois subversive ct institutionnelle. L'ambiguïté constitutive
se dépasse en s'accomplissant. Le modèle d'usage n'est plus belles vitrh;�es. fln prcmièrè 1\pproche, c'est plutôt un trou­
·un monopole de l'adolescence sans ètre d'usage coltrant peau de moutons qu'un commando de choc. Mythologie?
pôut· l'adulte. Tl n'c)st plus margio'-\1 silns être vraiment Oui, de • la soéiété de consommation •. C'est une sémiologie
banalisè. Ce n'est plus un usage exclusivement ludique sans de l'avoir, du prestige, du pouvoir d'avoir.
êt<:
r cependant purement fonctionnel. La moto est devenue une sémiologie du standing. Ce qui
séduit, c'est l'objet de luxe. Ç'est-à-dire non utilitaire. Jl doit
C'est qve l'usage vienL ·d'accomplir un très insidi�ux
propose� un niveau de consommation qui écarte, éconduit
mais très importa(lt renversement de signHicatlon. 11 $Îgni·
to4te allusion à l'instrument de travail. L'ol;:>jet est stan­
fie, encor�. la différence. JI fajt autre. Mais alor� qu'antérieu­ ding : grosses cylindrées, chromes rutilants, gàdgets dernier
rement il s'agis�ait de signifier une différence avec la
cri, performances ahurissantes, vitesSes vertigineuses, cuirs
société, c'est maintenant l'ne différenèe 4cms la société. Les rares, marques exotiques. Tout est prétexte â des regroupe­
nouveaux usages hiérarchisent dans les classes sociales. E�
ments, des dé(i]és qui sont des expositions ostentatoires.
non pllts dans la marginalité. Ils marquent une barrière et Cette symbolique de l'avoir est aussi -une m)'th�logie de
un niveau. Ce sont déjà des éléments de standing. Des signe$
l'évasion. l-'idéologie social-démocrate dl.l temps libre
de possession. �ls'coûtent cher.
trouve là un appare!llagl! de col)lmando du loisir. J..a moto
La stratégie d� subversion-intêgrative ooosiste à multi­ est l'objet qui véhicule idéalement l'imaginaite, le lantas­
plier ces corporatismes de consommateurs. Face à la lutte matique de la social-démocratie libcrtaîrc. Elle permet à
des class�s. se constitue un système de corporations d'usa­ l'idéologie de prendre corps, de s'objectiver. Elle donne
gers qui pfélend transcender les classes sociales. Et fédérer (orme et sens au virtuel, au potentiel. Celui de l'évasion.
lés int�rèts partiQuliers de selle el de classe d'âge. En une, Mais évasion par l'avoir. Par le luxe. De la technologie
sorte d'immense ',fédératiôn qui contiendrait les multiples avancée, cet imaginaire ne retient que les prestiges du
façons de la consommation ludique, margina,le, libidinale. standing. Ceux qui permettent d'écarter les autres usagers.
Alor•s ce système• inter-corporatif imposerait ses valeurs. Ceux qui avalent l'espace qui sépare la vie quotidiennedè Ill
Tout d'abord en occultant la lutte des classes. En.suite en e
s vie de loisir, du temps libre : • La moto était belle et s'en
proposant comme un idl!al révolutionnaire qui dépasserait allait là-bas. •
célie lutte des classes (ces intérêts corporatifs So!)t le Sémiologie de .l'avoir, mythologie de l'�vasion : la moto
fondement des f r� e do-marxismes). sera donc le signe-objet privUégié de la séduction, séduction
Le corporatisl'!lc des motards est très révélateur de ce objective. C'est la moto qui fait tout le boulot du dragueur,
proce$sus. Pour le situer historiquement, nous le mcttron� par rituel interposé. Se révèle alors le nouvel ordre de la
en relation avec une bande très particulière, celle qui séduction, qui dénoncé la séduction traditionnelle. La
devient hord,e, c�lle de 1'équipe é sauvage. Ce Hlm, que conquête amoureuse n'est plus celle de la femme par
l'intellectuel de gauche, alors, avait beauc<lup al m.!, dénol;l­ l'homme (ou de l'homme par la femme). Ellees.t la conquête
çail une dynamique de groupe qui vire au commando. Et de l'idéologie, de ses signes-objets. Ces jeunes sont amou­
toute une série de Hlms américains a montré comment reux de l'idéologie. A travers les sign,es ils adhèrent sans
s'enchaînent les exactions que le terrorisme mondain de la réserve à une situation politique. Mais ainsi ' l'idéologie leur

136 137
� mœurs ac10elles. Le ludique. le marginal. Je
donne le poU\oir de la 'édoction. Le sign�·Ob_ieL est
dcv�nu rè':élatrice d
La plus qu un lrbodrnal se g liSsent dans les spallo-temporalitês de l'usage
la lin et le moyen de la séduct ion. n�nelle n est
gadget de plu�. un �tanding de plus. un ;igne e plus. . ? _
dvrquc. Sous préteKte de contester la soci�té de consomma­
tion, on nargue l'usager de la route.
Cette ludicité, libidinalilé, marginalité çlc 1 usage socoal­
rejoindr\'1� mytho\ogi� originelle, c;lle de la Le corponnisme do la moto est une réalité qu'il fallait
dérnO<:rate va
. définir en son • intentionallté • . Il est avant tout une
horde sauvage. Mythologre alors afladre, amolhe, exsang
ue.
ce nomad ique qui devien t •traté�ie de la séduction. Il veut imposer une sémiologie
du • vive la mort �. L'erran _
invasion et occupa tion terroris te va u ;;.., symbo liquem ent 1écupcratnce de tout motard. Cette stratégie ne doit être ni
que •urestimée (ne considérer que eN usage, et tomber dans le
r�apparaitre. Mab in�istons sur ce point : il ne s'ag�r�
de furtives résurgences. d'allus ions au ;" mythes �nJltr M! IS. panneau de l'idéologie qui veut que cette int�ration soit
En d'autre • termes : la ludicité de 1
usage - 1 rdcolog re •lccompli�) ni sous-estimée (considérer le phénomène moto
social-démocrate - va récupérer et intégrer le, • vi ve 1� •omme négligeable).
Aussi, maintenant, allons-nous situer ce fait corporatif
mort • - l'idéologie fasciste. Le défi à la mort devrent
le déh
danger - nt ­ dans la totalité du fait social. Nous complètcrons sa phéno­
du motard. Le très grand, statisti que, alarma
de mort ménologie en le situant dans la hiérarchie des classes
de la moto devient le piment du loi�ir. Le risque -
- est alors le sérit•ux - du jeu. La ludicitê de l'u�age
sc oociales. Alors i l apparaiu·a que les rapports de classe
valorise du risque de l'usage. L'enjeu , du jeu, est énorme � tnclu�nt et subsument la tentation corporative, mondaine.
H q� ols apportent une régulation objective.
gratuité de l'usaRe mondain retrouve .une mytholpgoe,
comme une nouvelle chevalerie. celle de 1 errance de
1 étcr· �ordre des classe� sociales se reproduit par la consom­
a comme lin secrète et dernièr e l'affron te· mation de la production industrielle. Et celle·ei �61 l'impla­
nel marginal qui
ce déji. •Able hiérarchie des prix. Tout usager de la moto s'inscrit
ment de la mort. Rungis a été le lieu privilégié de
L'hécatombe dés courses de moto csl uuc promotion
com· nécessairement dans cet ordre, capitaliste. Le corporatisme
nlondain, celui de la consommation de luxe et de standing
merciale par la promo tion de la mort. . .

Et cette idéolollic prétend se vivre auss1 sur la


vooc nnh en haut. et se pro�age de haut en bas. Alors que 1�
. romant ique. anti·no r­ atrreux foncuonnel de l usage est soumis à une d
publique! L'us,age privatif. sélectif ynamique
dt! l'usage p u blic . L'épreu ve. la ltl\crse. Il n.y a nen de commun enlre l'humble d eux roues
matif s'exerce au lieu mc!me
reuse a comme champ de réalisa tion le code . de qu'est la mobylette. le vélomoteur, le cyclomoteur et le gros
quête aventu
la route. Le corpornti�me de consommateurs en tant
qu al· cube exotique que 1� quidam contemple bouche �e. Leur
.
lrontement de J'autre (celui qui ni! dispose pas d e rrlatoon est celle de 1 rnsolence de la rareté (mercantile) et de
en de la mort 1 humble banalité de l'usage.
sémiologie de caste) ct tant qu'a!lr onteme nt
devient un conflit avec l'ensemble des usagers de la
La malice idé�logique, pour confondre les deux usages,
C'est le dernier avatar du combat contre le systèm
e. Il lltllise une analog1e pour conclure à une identité. A partir de
leader& de ce corpor atisme . Ceux qui dunnées infrastructurales communes elle va en venir à des
mené par les
nc.lus,ions de mauvaise foi . Le confusionnisme procède
de l'idéologie contestataire. qui l'ont promulguée ou
lin••· c est sa force : u.n élément réel permet de JOUer sur les
sée. Oo retrouve trois types d'animateurs : le !ils à
blouson doré venu du 1 6•, le cadre contestataire. le toLroan
ocmblances et à parlir d'un point commun infrastructu·
1 on conclut à une identité superstructurale.
ou rocker.
La contestation de l'ordre, du quotidien, de Tout engin à deux roues dispose d'u.ne mobilité d'une
é en. une boite, un ?istrot. . maniabilité enviées et même jalousées par le corpo�
n'est plus maq;inale, parque atisme
campus. Elle est une co•tduite lud1quo, 1nytholog1que
qu1 tin quatre roues. Les deux roues ont en particulier cet
S<:rt de l'usager banal comme d'un faire-v aloir. Et h<lf!'"C svanlage de pouvoir se faufiler dans les bouchons.
. Au' 1 le chauffeur agacé peut identifier l'avantage !onction·
l'expose, à son tour, à l'accident
1 auJC abus du corporatisme mondai n, à sa conduite
La consommation-transgresshe est devenue 1
que de la voie publique. Pro\ocalion objectiv� et oarog"
orntureuse. L'équipement 5�'cilique de tout motard est
h r. compliq� é. bizarre (casque, combinaison, luncues,
réel Conduisant dolléremment ce motard condwr mal.
est •ni\, etc.) . C est que la sécurité routière exige de tout
ligure de l'affrontement du frivole t'L du sérieux

138 139
usager des deux roues une sophistication protectrice telle aucune Msinvolture de l'entretien. On sail trop ce que coûte
qu'elle peut apparallre comme OUirt111cière, comme un une moto et à quel point elle est nécessaire. Il y a une prise
accoutrement, un déguisement même, une façon coûteuse de en charge de l'objet. Et une rupture radicale avec l'usage
se diférenéier.
f Le chauffeur en surchauffe - celui du magique. Alors que dans les premiers niveaux de l'initiation
bouchon - dira que c'est un maniérisme. El un mani�rlsme mondaine, l'usage des objets est la totale ignorance de leur
de jeunes. production matérielle, économique, politique, cet utilisa·
Car la qua•i·tutalité des usagers de la moto sont des teur tend au contraire à un entretien de reconstitution et de
jeunes. Pour la bonne raison que c'est un moyen de locomo· re-production. C'est toute une quètc, révélatrice d'un pro­
lion moins cher que la voiture. Telle sera l'inversion de la fond besoin. Et celui-ci est bien plus, est autre chose que le
mau,•aise foi · alors que le cyclo-moteur t�moigne de la besoin de br icoler. Ce n'est pas une nostalgie témoignant
modicité des ressources et que l'équipement est extrême· d'une fidélité archatsante, comme l'ethnologue-idéologue
ment contraignant, on dira qu'il s'agit d'une fantaisie et cet voudrait le faire croire. C'est llu contraire, tout d'abord, une
équipement :,cra même le signe de lo vanité d'être jeunè. gestion de pauvre. Plus qu'une économie (éviter d'aller
.Mais peul·<ll1 confondre celui qui achète une petite p endrc • un coup de barre • chez le garagiste), une néces·
_r ,
cylindrée avec l'argent de son travail et de ses économies et stté : on n a pas le sou.
celui pour qui le gros cube n'est qu'un cadeau parmi Aussi cette nécessité va s'identifier légitimement à une
d'autres? Quelle mauvaise loi, d'identifier un moyen de ludktt�. Et le besoin au plaisir. La prise de po�session de
transpon nécessaire au travail el un gadget n«essaire à la l'objet (l'avoir) sera justifiée par tout un travail. Alors, tout
drague. le progressisme de cet usage apparaît. Cela commence par
Et nous dirons m�me que c'est à cc niveau que l'on peut un rituel d'entretien. L'adolescent astique son engin après
établir une permanence de la sensibilit� populaire. Ceci dit chaque sortie. Et avant. Puis il en vient à des Interventions
sans aucun populistne. Se révèle, en effet, une fondamentale ponctuelles, des réparations. Il considère qu'il doit pouvoir
contlnuité de classe entre le paysan-ouvrier du capitalisme s� tirer d'sUaire en css de panne. Il aide ses copains et se fait
concurrentiel libéral et le travailleur de banlieue ct de la atder par eux. Une omicalt! spontanée, de quartier ou
grande banlieue. C'est la même situation et du coup la d'entrepr ise, qui n'a rien à voir avec le corporatisme
même sensibilité qui se véhicule. C'est la même empathie mondain. naît de la moto.
adolescente, de l'apprenti de l'atelier à l'auxiliaire des Puis s'instaure, phénomène que tout observateur peut
grands services de Ill nation. C'est la même entrée dans la repérer (le dimanche matin, par exemple), tout un rituel de
vie, la même r�ponse. montage-démontage. C'est la dêlinitive rupture avec l'usage
Tout un comportement, alors, témoigne d'une totale magique. L'adolescent veut savoir comment cel;t fonctionne.
fidélité de classe. Et du coup d'une grande indifférence à la Il veut reconslf\lire, refaire ce qui lui a été livré comme
séduction mondaine. Se révèle une naïveté, au sens noblt' du p�oduit magique. Ainsi il démysti!ie l'objet, ji l'arraèhe à
terme, une fraîcheur adolescente soigneusement censurée l'tdéologie. Pour le rendre à la technique, au travail, au
par les imagiers des media. Car elle est adhésion spontanée sérieux. Tout en prenant son plaisir. C'est un jeu. Alors il se
au progrès technologique et refus de l'idéologie du mépris détourne totalement de la consommation mondaine. Il tend
du progrès. l devenir un technicien. A la limite, la moto n'est plus qu'un
C'est que, pour les classes laborieuses, en milieu rural et mini-laboratoire expérimental.
ouvrier, èn particulier, la moto n'est pas un gadget. Elle e61 Tout cela, bien sùr, ne peut être explicité par l'adoles­
un investissement d'équipement, Un instrument deve11u cent. C'est doublement interdit. .Par le corporatisme mon·
nécessaire à la vie de u·avail. Que cet engin serve aussi au dain, de l'usage magique et du plaisir transgressil. Et par le
divertissement, pourquoi pas? Que la moto permette le cen_seur, pour qui_ la moto ne peut être qu'usage magique et
samedi soir de promener Mimi -et de l'épater, mine de rien platsir transgresstf. Les deux discours se renforcent mutuel­
- o u qu'aux beaux j o urs elle autorise une balade à la mer, lement pour occulter le niveau de l'usage populaire. L'in·
quel censeur aurait le droit de s'en formaliser? Les travail· conscient collectif est là, caché, interdit. traqué car mena·
leurs vivent leur vie. eux aussi. ante potentialité d'une l:antastique reconquête de l'univers
Ç
Dans ce conditionnement familial et professionnel, des objets. Et démystification opérée au niveau de la plus

140 141
,.
haute séduction technologique, au plus haut niveau de qu'il assure le grand passage), ceux qui n'auront reçu que
l'u�agc magique, totémique, terroriste. les initiation� insuffisantes, qui persisteront dans la
<
�'Onsommation des signHic:ations ouvertement transgressi­
vcs. Ou bien ce> ratés de la consommation - qui auraient
b1en voulu mais qui n'ont pas pu-feront des f ixations aux
B - LE GRAND PASSAGE n1veaux initiatiques antérieurs (usages machinaux, cheveux
longs, etc.). Les autres intégreront ces moments, et leurs
aignes dans la totalit� du parcours. Us peuvent les conserver.
Nous allons maintenant situer ln nouvelle Initiation mais leurs significations seront autres. A la limite, deux
mondaine dans la totalité initiatique cnr ce moment est personnes pourront avoir le même système sémiologlque
l'accomplissement de toute une éducation. A la fois civique vestimentaire pour des significations d'usages radicalement
ct mondaine. différentes. Les signes n'indiquent que les stratilicalions
Nous avons vu q�•e la société capitaliste a inventé une archéologiques. Le même signe peut marquer la plus grande
péda(logie d'intégrntion au système : l'usage ludique du différence d'usage. Ce que les specialistes du signe semblent
fonctionnel. Et nous avons essayé de montrer q ue le premier ne pas avoir compris. C'est l'usage du signe qui importe. Et
moment Initiatique est cer • apprentissage • de l'enfant : le non le signe en tant que tel.
lransfert de son animation magique dans les techniques de En fin de parcours Initiatique, l'arnbigu ité conslilutive
l'environnement familial. Parti d'une manipulation des du rituel - entre la marginalilé et l'institutionnel, la
objcu fabriqués, de la récupération de l'univer� fonctionnel, ,ontestation et l'intégration - va devenir l'ambiguité de la
de la société industrielle. le processus initiatique revient à la nouvelle bourgeoisie, de la nouvelle société. Le dernier
technolo�ie avancée, pour s'achever ct s'accomplir. Mais modèle iniliatique sera l'ambigu ïté même de la social­
alors qu au commencèment il s'agil d'actes symboliques. démocratie libertaire.
d'exercices formels, maintenant c'est un usagé de prise de Le mode d'emploi des objets sera révélateur d'un nou·
possession. L'appropriation n'esl plus totémique, allusion à veau genre de vie, d'un nouvel échange symbolique, d'un
des scènes étymologiques, comme pour les jeux auiOmati­ nouveau conlrat -oc:ial, d'un nouvel usage de l'avoir. Aussi.
qucs (flipper). Elle est une pratique sociale, une manipula­ devons-nous, tout d'abord, compléter la dé f inition de ce
tion s�ricuse. Elle exige un entretien, une technique d'usage mode d'emploi. Pour êtablir Je principe qui ordonne la
très élaborée, qui doivent s'apprendre. modernité. les nouvelles mœurs.
1\ussl, est-ce une suffisance quasi ontologique qui est C'est plus qu'un corporatisme de consommnteur. la
garantie par ces deux entrées dans la vie, de l'cn!ant puis de définitic;>n de celui-ci a certes permis une première approche.
l'adolescent. t.a progressive initiation mondaine sera enca­ Mais elle ne suffit pas à la dé f inition d'une stn.tclure
drée, portée, par cette animation technologique. Les 2'. 3', tonslitutivc des rapports de production. Lo nouvelle
4• niveaux initiatiques sont inclus dans l'usage ludique, consommation sélective est essentiellement ln consomma­
magique de la production induslrielle. Ils sont dynamisés, tion du luxe de la technologie. Il ne s'agit en aucune manière
propulsés par l'animation machinale. Ainsi se compénètrent de biens d'équipements (soit collectifs, soit des ménages) à
sons problème, la libido et l'induslrie, le ludique et le vocation lonct!onnelle. utilitaire. C'est le sé l �ctif de la
fonctionnel, le marginal et l'inslitutionnel. technologie qui est consommé. L'usage cher et rare. Le
Tous ces usages libidinaux, ludiques. marginaux, prototype. Le modèle. la première série. la série la plus
d'abord appris en tant que tels au niveau initiatique, seront <hère. la plus recente SC:rie. Celle que l'on se di�pute. Le
ensuite reconduits comme pratiques de masse, comme dernier cri. le dernier perfectionnement. La dernière trou­
usages de la soc:ial·démocratie libertaire. Mais après toute •aille. Celle qui change tout. Oui fait autre. C'es1 la série qui
une transmutation, celle du passage du modèle SC:Iec:lil à a valeur symbolique et valeur d'usage, usage du �ymbole
l'usage de masse. dans le quotidi�n. Cette appropriation totémique reconsti­
Et c'est seulement ceux qui n'ont pu réaliser le parcours tue le club, le clan. C'est la SC:Iection d'une élite. Par un
complet, ceux qui, par la lorce des chose�. n'ont pu ètre totem qui est aussi un usage prestigieux.
initiés au toul dernier échange symbolique (essentiel. parce L'accession au luxe de la technologie a une portée

142 143
7
symbolique qui permet même de snober le luxe traditionnel.
Car elle témoigne de l'intégration à l'essene<.' même du
SVMème, à '<On mana. Elle est la récupér:�tion. à usng� privé
ei ludique, de la révolution technologique et '!<:ientilique de
!',poqu
e. Et r�up�ration particulièrement habile, car la
l
va eu r s�mbolique est im·estie dans l'usage. Ce qui permet
a),,., l'accè> au plu.� grand pou,•oir de sèductton.
Le travail des autres, l extraordinaire revolution techno­
'

logique et bcicntifique, est devenu l'u�age privé, intime,


•ingul•l.'r. Usage qui n'a rien de commun Avec l'ubage
quotidien, usage domestique ou usage du travailleur. Mai�
nouvel usage qui permet de reprendre et de transcender
l'us:�ge ludique, libidinal, marginal acquis antérieuement.
r
Cllttc pure con�omm';llion mondain�. exercices et signes nés
de l'animation machinale (de groupe ct sonore) ôtait quand
même marquée d'une certaine gratuité. Ce qui était une
force et une faiblesse. Car pur signifiant mondain maja
:1ussi.. manque de moyen. Maintenant, la technologie avan­
.

cée permet d'exalter la sémiologie de séduction antérieure,


de multiplie r ses effets par un nouvel lbage du luxe. Le
d
pouvoir e S<'duction est un fonctionnel devenu ludique un ,
La social-démocratie libertaire
sérieux de\'enu lrivole un procès de production devenu
,

u�age mondain.
L'u�age proposé est l'accession à un genre de vic réelle·
ment parasitaire. Aux meilleures cond itions de la consom·
mation transgressive. Car la consommation ludique, libidi· A. - LE NOUVEAU CONTRAT SOCIAL
nale, marginale veut dire, maintenant, deux systèmes de DU PÈRE ET DU RLS
récupérat ion. L'objet a été produit par l'autre :le travailleur
de la rl-volutlon technologique et scientlriquc. Et aussi payé,
off<!rt par l'autre : Je père. Au sommet du syst�me, trône une Le père ct le fils ont passé un contrat social (• SI tu as ton
çullllàrnmation mo11daine d'une • innocence • parlaile. Et bac, tu l'auras, ta moto •). C'est un moment crucial du
!lui si gnilic la plus parfaite exploitation de l'homme par
nouveau modèlè éducatif. Et c'è.st à ce niveau que doivent
1 homme. Aussi ce modèle d'usage tend à devenir le genre de �Ire situés et traités les ràpports du père, de la société, du
vie de ln social-démocratie libertaire. La consommation· lils. Ce que les idéologues et les psychanalystes ne semblent
trùngrcs�ivc devenue objective - rapports de production même pas soupçonner. C'est alors que la problématique
"'t le fondement du nouvel ordre intérieur. psychanalytique venue de la société traditionnelle trouve
•cs solutions par le libéralisme avancé jusqu'à la social­
democratie. De l'interdiction à la permission. Solution par
l'avoir-bourgeois des problèmes de l'être-de classe.
Ce moment n'n pas existé pour Kafka. Alors qu'il est
maintenant devenu la norme familialiste : un rituel de
ru pture et d'intégration, le protocole d'accords de la nou·
>elle famille (entre le père libéral et le fils contestataire).
1'est un véritable contrat social : un acte d'échange à la fois
•ymbolique et pratique, aux multiples attendus implicites.
t'est le résultat d'une négociation, d'un compromis.

145
Ce moment est l'achèvement du rituel familial et diplômes. Et aux situations. L'adolescent doit comprendre
commencement de l'entrée dans La vie. Il accomplit un 11ue ses privièges
l ant�rieurement acquis ne seront garantis,
système de récompenses- par l'obj et ludique - de toute ,t élargis, que par la r�ussite scolaire. Alors le contrat social,
ratllicatlon de l'ordre familial. Récompenses du travail d'abord conclu dans la famille. devient le contrat social
scolaire. A partir du oj uet machinal de la première enfonce, entre la nouvelle soci�té et le nouveau citoyen.
le fils a ainsi reçu un formidable �uipement ludique : Le fils doit adhérer à la dialectique de la consommation
l'équipement pour la montagne (habits, chaussures, skis), libérale et permissive. li ne lui sera pas demandé de
l'équipement paur la mer (fusil de plong� so1us-:manne. oenoncer au système de consommation libidinale, ludique,
bateau pneumatique, planche à voile), l'équipement marginale, celui de l'initiation l't)Ondaine. Le père n'attend
tennis, l'équipement paur le cheval. etc. Recouvert '
las un tel sacrilice. Ce n'est pas l'un ou l'autre. Mais l'un �t
ct d'usages ludiques, J'enfant progresse dans l'ins•titoJti•omnel 'autre à condition que ce soit aussi l'un après l'autre :
en fonction de cet équipement de l'industrie du loisir. • Après le bac, tu pourras te défouler. • Et l'un par l'autre :

La r�cotnpense du succès au bac opère un saut qualitatif. • Si tu, a$ le bac, tu l'aura� ta moto. • Il est demandé au fils

Il est demandé une ratification solennelle de l'institution­ de savoir y loire. De savoir en laire tant soit peu pour en
nel : Le bachot est le grade minimum de l'entrée dans la vie nvoir beaucoup. Le fils doit comprendre qu'en délimitant
bourgeoise, de l'accès à la classe sociale. En momentanément sa consommation mondaine - sortir un
parents proposent eux-mêmes l'extraordinaire peu moins, ne plus fréquenter telle boite, tel copain, laisser
que, libidinal. marginal qui, tout en continuant n:��:::�: tomber les Illies jusqu'à l'examen, etc. -elle lu! sera rendue
mondaine et parachevant l'êquipement ludique, au centuple. Car il aura acquis les moyens de la reconduire
aussi (et cela est essentiel) La différence sociale. Un ··n un champ de réalisation bien plus vaste.
tellement sélectif, coûteux, prestigieux qu'il mérite ou.et<>WS Répétons-le, le système initiatique est �lectil. JI doit
elfons, quelques sacrifices. propaser les modalités de l'adaptation, de la radicale muta­
Hon d'une classe sociale. Pour une nouvelle hiérarchoe. Il
���
Autrement dit, la famille consent à l'émancipation
�:e
l'adolescent. Dans la mesure où celui-ci s'Intègre à llla �
t laut apprendre la consommation libidinale, ludique, margi­
Et cette intégration est non seulement acceptable, l' nale. Et il faut apprendre à la maîtriser. Beaucoup doivent
(pour le fils) mais encore voulue, demandée. Car elle -e perdre en ro111e. Et végéter diln� les Abus d.u ludique, d11
dult, accomplit même, la consommation ludique. En marginal, du libidinal. Les plus forts feront une nouvelle
sant de la technologie avancée. race de bourgeois, maltres de leur libido, de leur classe
La famille a fait de l'enfant un citoyen. Elle a "''nrt"f" ,ociale, de la société.
les rapports de production. Elle a assuré le passage de Le fils qui saura ratifier ce contrat social fera preuve d'un
/
société traditionaliste à la sociétê libérale avancée ·u�qu'à •ens moral digne de celui de son père. Nous distinguerons
social-démocratie libertaire. Trois subtiles ortlcu ations tleux genres de • reconversion • morale, apparemment
l'émancipation dans le système. Dialectique machiavél upposés.
de l'�ducation du libéralisme. On !Ibère le fils. Dans le cas de la reconversion • sincère • l'adolescent
mesure où il s'intègre au système. Et il veut s'intégrer, ••ccepte de jouer le jeu du père, car manipulé-manipulant, il
alors il élargit son champ de consommation. va (comme nous l'avons déjà indiqué), prolonger, recon·
Ainsi la société acquien un nouveau modèle de reJ)TCKI�lC• duire, renforcer les privilèges acquis dans les phases anté­
tlon des rapports de production. Le système travail.r.l-.c.r>rn. neures du processus initiatique. Et formidable ironie, grâce
pense-consommation ludique (de la technologie de pomt·eJ ap ap a 1 C'est lui qui a proposé le marché. le nouvel khanae
assure la reproduction du système. Sans se substi •ymbolique et réel. Ainsi, l'adolescent se réconcilie avec la
totalement au modèle de reproduction de la société lamille sans renoncer A la consommation-transgressive. En
tionnellc, il le dynamise et prend sa relève en faisant plaisir à papa, il garantit institutionnellement l'es­
circonstances de la scolarité grande, moyenne, petite �ntiel des prérogatives acquises. Un équilibre heureux est
geoise. 'nfin établi, entre le transgressif et l'institutionnel, entre le
Ce modèle permet de renforcer... la sélection. Il incite doamp imaginaire ct les nouveaux usages fonctionnels,
ratifier le système scolaire et encourage â la course •ntre les copains de la bande et les parents, entre ln botte et

146 147
les études. La continuité entre les générations bourgeoises huurgeois, s'installe définitivement dans le confort de la
est réalisée Entre l'ami-système des jeunes et le système des mauvaise foi du libéralisme avancé jusqr.là la social-démo­
adultes. 'ra tic libertaire.
Formidable opération de déculpabilisation de la consom­ Le contestataire faussement reconverti va (aire de • J'en­
mation-tran�gressi \'e, de l'adolescent, de la nou velle bour­ trhme •. Un vieux procédé stratégique de la subversion,
geoisie. C'est l'Institutionnel lw-même, le père, le pouvoir t!largi, maintenant, aux dimensions du système. Il va jouer
qui ratifient le désordre établi comme nouvel ordre lnt�­ 1� ,teu, lui aussi, ct laisser croire qu'il ratifie le contrat social
rieur. L'ordre moral est dénoncé par le père. Papa conseille proposé par le père. Il affectera de �ravailler. Passera
même le bon usage de la consommation ludique, marginale, examens et concours. Pour entrer dans le ;système. Mais sans
libidinale. avoir renoncé à la consommation-transgressive. Et c'est le
Alors, l'e"traordinaire désinvolture morale du nouveau nouveau contrat qui va lui permettre de la vivre dans des
bourgeois, de l'adolesc:cnL Le v6llà décomplexé, libéré. postes privilé�iés, des situations clés. Alors il • détruira • le
Totalement décontracté. Il disposait déjà symboliquement •ystème de ! Intérieur. Arrivisme macJliavélique, pour la
du p rincipe de réalité par la r.Jcupération ludique, magique bonne cause. ,
du fonctionnel acquis par le travail dès autres. Maintenant, le fils. alors, consomme sans "ergogne les objets du
ccue consommation est non seulement autorisée mais nouvel échange symbolique. D'abord •;eux que la famille
recommandée. Et par le gardien de l'ordre. peut procurer. 11 va extorquer le • maximum • aux parents.
La généalogie de la fausse innocence s'achève. Elle a Puls par magouilles et combines divèrses, par tuus les
commencé par le transfert de la magie enfantine dans procédés d'une marginalité dont nous ayons vu les modali­
l'usage fonctionnel. Et elle s'accomplit par la ratification te• de promotion (la bande), i l accédera à une consomma·
adulte, institutionnelle, morale de la consommation libidi­ lion libidinale, ludique, marginale, exeeptionnelle, exem­
nale autorisée par cette falsification originelle du principe plaire. Cet adolescent, devenu homme du système-antl·
de réalité. (Il faut bien souligner que si le père bourgeois se •ystème, dira ct mème croira que celle contestation interne
prete à ce eu,
j c'est qu'U n'est qu'un symbole du pri ncip
e de - subversion, transgression - démoralise l'Occident, mine
réalité. C'est-à-dire une usurpation. Le principe de réalité ­ l'ordre social qui s'écroulera par la �volution libidinale,
en sa réalité - est le produçteur. le prolétariat, le travail· ludique, marginale.
leur. Le père - la fonction symbolique - ne lait que Certes, cette stratégie n'est vécue que très rarement sous
représenter la classe profiteuse de ce travail. JI est le gardien r.rtte forme radicale ct politique. En [ait, nous avons proposé
des lntêr�ts de classe - de la r�alité de la classe dominante un • entrisme • d'ordre freudo·J;Darxis\e. En lui attribuant
- c t non le principe de réalité en son essence. La psychana­ 1one cohérence stratégique parfaite. Le plus souvent l'adolcs­
lyse exploite cette ambiguïté. Sa fonction a été d' identifier le q
'cnt ne propose que des éléments, es lambeaux de ce
symbole - de classe - et le principe d� réalité. Pour discours. 1
permettre au père -au symbole - J'opérQ\fon idéologique Mais que ce soit sous une forme politique ou sémiologi­
dimension libertaire s'épanouit dans la social­
que nous décrivons.) que, la
Déculpabiliser la consommation mondaine : c'est non 1
<6mocratic. Dimension qui deviendra constitutive du sys­
seulement un mot d'ordre de la nouvelle morale, du nouveau t•·me. Et qui sera même son fondement idéologique. Toute
civisme, mais surtout une nécessi té �conomique. Il laue une nouvelle bourgeoisie, libérale et permissive, croira
consommer la nouvelle production. Celle de l'i ndustre i néo­ ontester J'ordre établi, par ses mœurs. Elle prétendra
,
capitaliste du loisir et du plaisir. Toute l'initiation décrite meme préparer une révolution radicale, à la fois sociale et
est une préparation à ce devoir civique. De nou,•eau" •xuelle qui dépasserait un marxisme fondamentalement
..
besoins ont été créés. Besoins d'ordre ludique, libidinal. repressi(. lui aussi.
marginal. Toute une consommation parasitaire est devenue Quelle science de la mauvaise foi : prétendre dénoncer
nécessaire au nouvel ordre intérieur. 1 extorsion de la plus-value en la consommant, en la gaspil­
L'autre reconversion est machiavélique. Elle permet lant au nom de ln révolution libidinale, ludique, marginale !
aussi de renforcer la déculpabilisation. C'est J'autre achève.. lomme s'il n'y avait pa s une complicité pr ofond e, une
ment de la fausse innocence. Alors J'adolescent, le nouveau H
1clation de cause à e et , du moyen à la Hn. Les deux

148 149
opéralions sont un ensemble de complémentarités. Les deux Un malentendu à propos de l'usage d'une part de la plw.·
laces de la plus·\'alue :son extorsion et son usage. Le profit a value. Une fois ce problème résolu un formidable front
deux moments · celui de l'extorsion et celui de la jouissance. unitaire se constitue race à la classe ouvrière. Celui de la
La stratégie idéologique consiste à proposer comme un !a
l-dém oc ratie libertaire. L'opposition au système:, ultra

antasonisme ces deux moments. Mais cet antasonisme, du hbérale, a viré. Elle est devenue l'aile gauche de la socinl­
père et du fils, de la bourgeoisie traditionnelle et de la democrate i . Le syst�me s'est renforcé de son opposition (la
bourseoisie libérale et social-démocrate n'est que la complé­ contestat.ion). li peut se fermer sur lui-même. Le libérah�me
mentaritr des deux fonctions du système, des deux moments avancé jusqu'� la MJcial-démocratie libertaire, pourra, s'il le
historiques de la bourgeoisie, de l'économie politique et de faut, redeven•r autoritaire. conservateur, réactionnaire
l'économie libidinale du capitalisme. Alors u e autre dynamique, une autre strntésie politique

Tel est l'ordre de la nouvelle consommation mondaine. pour gerer la crise. Le nouvel ordre intérieur, issu de
Elle se caractérise, essentiellement, par 1.1ne double déculpa­ l'ascendance du capitalisme monopoliste d'Etat, de ln crois­
bi)iSalion. Par le pète et par la contestation. ll fallait en finir sance, profilera de la crise pour garantir ses acquis.
avec l'ordre moral, Pour proposer un autre modèle de la
reproduction des r'pports de production. Celui qui rend
compte de la révolution technologique et scientifique. Pour
la récupérer. B. - DE L'AVOIR SANS L'USAGE
1
L'actuel régime - Gelui du PS au pouvoir - en son A L'USAGE SANS L'AVOIR
versant de gauche a�torise l'accomplissement de toute cette
culture de l'émancipation. U permet, plus que amais, j les
deux reconversions du fils, les deux entrées dans la vie du La jouissance n'est plus dans la thésaurisation - de
nouveau bourgeois. Il unilie tous les courants contestataires, l'argent. L'avoir pour l'avoir. Le bas de laine. Ni m�me dans
PSU, écologistes, • divers gauche •. etc. Il russure,l�gitime la possesis on de l'objet. Mats dans l'usage. Celui de l'usu­
même, toute la culture de la marginalité, de la ludicité, de la fruit. Celui du • rentier •· Celui du gaspillage. Le nouveau
libidinalité. Ce qui est peut-être perdu en qualit� - les contrat soc.ial garant!t un nouveau st tut de l'usage : dispo­

modèles durs, purs - est regagné en extension, par la ser des o�JCts srlecttfs sans le$ avotr produits
_ et sans les
gestion politique. avotr payes. Statut sélectif, qui tend à devenir le mod�le de
Une formidable opération idéologique e5t alors vraisem• consommation de la nouvelle bourgeoisie.
blable : la culture libertairé deviendrait pouvoir politique. La stratégie du système - de la social·démocratie
L'accomplissement se révèle n'être qu'un commencement ; libertaire - consiste à proposer ce modèle - de classe - à
toute cette idéologiq va s'institutionnaliser dan� l'ap areil toute la société. E suyer d'intégrer la société globale dans
p s
d'Etat. Le libertaire: peut accéder à un terrorisme d'Etat l'idéologie de la classe sociale (démarche terroriste du
parliculi�rcment original : l'organisationnel d� l'autoges­ libéralisme : une partie cherche à soumettre le tout). Faire
tion libidinale, ludique, marginale. Pour un conditionne· de ce qui est le pratique d'un groupe- de strate de classe ­
ment des masses sans précédent, une industrie du loisir et l'idéolo!'ie d'une classe d'âge. Puis élargir cette idéologie en
du plaisir devenue essentielle sourœ de profit et principe de idéologte d'une génération. Puis en idéologie d'une sociét4!.
régulation do.: la crise. Pour accéder à la société de consommation, la vraie société
Deux syst�me.s d'exploitation, maintenant, s'6quilibrent de consommation.
et sc complètent. Celui du procès de production et celui du Celle-cl n'est pas. en son essence - comme on a voulu
procès de consornmafion. La bourgeoisie a refait son unité. nous le faire croire -la soumission aux objets manufacturés
La contradiction originelle-ordre moral e t contestation ­ de la producto i n de série (et l'aliénation par leur avuir). C'est
s'est dépassée en une synthèse harmonieuse. C'est la réconci· Ir populaie qui resp ecte, �urestime même l'objet fabriqué.
lintion, sincère ou machiavélique, du père et du fils. Le l;t à son nt�veau le plus banal : la grosse production de série.
capitalisme a garanti sa rontlnuité par la discontinuité de la ·
lt po�r cause : 1 ouvrier sait ce qu'il en coûte, pour Je
bourgeoisie, vers le nouvel ordre intérieur. produire et pour l'acheter. Dans l'économie de la famille
Le conflit père et fils n'était qu'un problème de partage. uuvrière, Il y a un ordre implacable des priorités. Que
'

150 151
l'honnête homme sourcilleul( consulte le budget des ména· compréhension, en sa pureté • contestataire • et en consom·
ges. En IJrioritê : les l:!iens de subsistanGe. Puis les biens mation de masse. Il cède à la pesanteur sociologique ou il
d'équipement. Enfin e l budget des vacances familiales. Et ce �xaspère sa signification idéologique.
qui reste est consacré à J'équipeMent ludique ùes enfants. La consommation-transgressive, ludique et désinvolte,
S'il en reste. E.t comme à tous les coups il en reste peu, cet vo accéder à ia quintessence du système. A la formulation
équipement qui passe au$sj après l'équipement, co'!'bien politique - gestuelle et sé)l'liologique - du modèle. C'est
coûteux, de l'écolier, se réduit à peu de chose, Au" JOUets �
l' ltime forme du potlatch. Cdui de l'Occident capitaliste.
.
traditionnels, avec quelques fantai�ies vestimentaires. Ce l échange symboltque devenu un qouveau contrat social.
budget ignore donc: les objets de la série pmmotionnclle de p
ropose ses signifiant$ les plus purs. Alors la boucle est
là société de consommation (oHerts sur un plateau par le bouclée : l'initiation mondaine qui débute par le potlatch
pèr e bourgeois). A moins que l'adolescent ne travaille pour !lnit par le potlatch. Mais celui-ci, au début purement
)es acheter. Ce qui est une tout autre affaire. •ymbolique et imaginaire, s'élargit maintenant aux dimen·
L'usage mondain, au contraire, doit proclamer \a liberté •ions des rapports de production et prétend même les
dans l'avoir. La manipulation des Obj ets sélectifs de la remodeler. Des machines à $0US du potlatch en miniature
production de série ne doit pas rèlever de la praxis. Ils ne (flipper, juke-bo") l'usage mondain a accédé au potlatch de
servent pas à [açiliter la vie du travailleur (équip,ements la plus-value.
collectifs et du ménage). Ils ont une tout autre fonction. Us La culture bourgeoise s'avère byper-réaliste, puisqu'elle
sont de l'ordre du divertissement et de la fantaisie. Leur peut soumettre le principe de réalîté lui-même. En créant
usage doit justement permettre. la • distanciation • a':ec t�re sym�9ltque de l'imaginaire. C'est-à-dire une pratique de
l'univers du �ravail et de la subststance. Usage ostentatOire l •déolog1e qui est une systématique de l'usage mondain.
et ironique. Il faut montrer que l'on a. Au P?int de sav.oir Toute une sémiologie va se détacher de ses usàges pour ne
s'en moquer. Et de jeter. Ce dont les autres revent. La [ete. �ignifier qu'elle-même. (Nous allons étudier ce processus
Cettes, le principe de réalité est pris en considér�tion. dans le n• livre). Ces signifiants seront le sélect du sélect de
Pour être iro)'liquement récupéré, consommé. Et a so•t la consommation·transgressive, Ils vont autoriser un acti·
meilleur motnent ; le progrès apporté par la révolution visme mondain qui vire très vite au politique : gaspiller,
technologique et scientifique: Pou; réduire cette technol�gie jeter, casser.

avancée à une !onction de dt\ erttssement. Tous ces obJets, C'est un des meilleurs moments de la séduction mon­
en définitive, ne sont p<l$ pris au sérieux. Le progrès est daine. Càr il propose la meilleure synthèse de l'animation
subtilement ba(oué : il n'est qu'un gadget. mondaine (des stades initiatiquèS) et de l'activisme politi­
Alors que l'ouvrier, au contraire, • sacralise • l'objet que. Le gestuel, le sémiologiquc, le morphologique acquis
fabriqu�. Et à son plus bas degré : la production d� grosse par les usagers des objets de la consommation mondaine
série. Dérisoire camelote, diront les freudo-�at'X!stes, à «•rviront à l'exp�essîon des signifia�ts idéologiques. Tc>ut
laquelle il sacrifie sa liberté. Le nouveau ftls a papa •l'"!n coup surgiront des êtres (des adolescents), purs pro·
témoigne élégamment de son mépris en se jouant, lui, de ces dutts de cette consommation mondaine, qui disposeront
objets • aliénants •. Et des plu$ beaux. Des plus chers. Des nussi de la geste du casseur.
plus rares. De la production. il ne retient que ce qui amuse, Ce terrorisme mondain - gaspiller, jeter, casser - a
divertit. Mais usage qui utilise, consomme, en affectant de t�ujours été Je couronnement de la promotion mondaine. Le
dédaigner. L'idéologie néo-capjtàliste a multiplié les •Igne de l'élite du procès de consommation. Les exemples
moyens d'apporter cette preuve. l'oute une sémiologie qui historiques abondent. Marque - anale? - du consomma·
balise le chemin de l'arrivisJlle mondain. Il faut être cet h•ur- radical. Elle a une double signification : bafouer le
autre qui n'appartient pas à l'univers du travail, de la l
•roducteur et empêcher la consommation de l'autre. Deux
production, de l'économie familiale, mais à celui de la uis salir, marquer. Ce n'est plus la consommation en tant
consommation ludique, marginale, libidinale. Tel est le sen$ l
' ue tell� qui imp�rte. Mai� ses entendus, ce qu'elle implique.
_
fondamental de l'ini!iation au nouvel usàge de l'avoir. •t' poltttque et d économique. n faut passer à la sig nifica­
Ce modèle de consommation mondaine - sélectH - va tion, la révéler, l'expH.,iter. Par la destruction de l'o
bjet on
se dédoubler. C'est une loi sociologique. En extension et en lignifie Ja destruction - symbolique entore - de l'autre.

152 153
Car dcstruclion de ce qu'il a produit et de ce Alors le système dispose d'une régulation Interne : le jeu
consomme. Symboliquement, on le prive, on le castre en sa de bascule- ou d'alternance- du centre droit et du centre
double compo�ante vitale, de producteur et de consomma­ gauche. Pour une consommation régulée en !onction de la
teur pesanteur sociologique d'une nation qui change tOUl en
L'extraordinaire pouvoir du capitalisme a été d'offrir ce préservant ses arrières capitalistes. Toute sa stratégie, main·
luxe suprême - l'exaction - au premier venu. Ce qui était tenant, consiste à unl!ier définitivement ces couches moyen­
la marque d'une aristocratie s'est banalisé, vulgarisé. N'im· nes. Selon les modèles de la différence, de la séduccion, de la
porte qui a pu se l'offrir. Certes, le plus souvent au niveau consommation. Pour en venir à une première étape ' la
des signes et des gestes. Mais aussi en tant qu'acte • auto­ radicale dérive des Hxations poUtiques originelles vers une
nome • · Le luxe suprême : casser, gaspiller. jeter, est des­ dasse sociale qui serait l'identification de toutes les couches
cendu dans la rue. • L'autonome • a été l'apothéose du moyennes.
système. Sa dernière cocotte de luxe. Enfin, seconde et dernière étape : la fusion de ces
L'autre usage - de masse - du modèle de consomma· çouches ll)Oyenncs et des classes moyennes traditionnelles,
tlon mondaine est d'une importance capitale : nous en la fusion du centre gauche et du centre droit, en une clasoe
av(>ns fait le principe de l'explication des nouveaux rapport$ unique, nouvelle clnsse moyenne qui n'aurait même plus
de clMses. Dans nos deux dernîers livres (Néo-fascisme et besoin de l'alternance.
idéologie du désir et le Frivole et le Sérieux) nous avons Dans ces conditions. on comprend très bien la stratégie
es.sayé de définir • l'essence • de la social-démocratie. A du PCF : l'unité d'action à la base. L'alliance des couches
parth· de ses fondements économiques, sociologiques, cultu­ moyennes et de: la classe ouvrière selon ce corps organique :
rels. Pour établir les nouveaux enjeux du eu j polllique. Nous le travallleur collectif.
résumerons nos thèses en quelques propo'lhions actualisées. Et nous nous permc:urons d'ajouter que c'est l'exploita·
Toute une stratégie de séduction porte sur les couches tion de ce travailleur colleCLil qui fait la consommation
moyennes. Car leur extension quantitative a autorisé ce saut mondaine. Et que, par conséquent, l'alliance à la ba�oe est
qualitatif : elles décident du destin électoral de la Fran.ce. El aussi la prise de conscience du procès de consommation que
leur statut ambigu les rend particulièrement vuln�rables nous venons de définir.
(rfoppçlons q�'elles ne possèdent pas les moyens de produc­
tion... mais qu'elles extorquent une certaine plus-value .•.

alors qu'en m�me temps elles sont aussi soumises à cette


extorsion!).
Le but de cette stratégie est d'unifier l'opposition au PC
en constituant une • classe unique •· A l'origine, ces couches
moyennes (e�sentiellement issues du tertiaire ct du quater­
noire) sc redistribuent selon l'ordre politique traditionnel.
De droite à gauche, quatre dynamiques. Chirac, de J'UDR au
RPR : c'est l'alignement des couches moyennes sur les
classes moyennes traditionnellement réactionnaires. Le cou·
ranc • d�mocratie avancée • veut profiter de la modernisa·
tion et propose un réformisme avancé. Le centre-gauche est
l'opposition à ces deux courants: il propose un réformisme
radical. Enfin, une partie de ces couches moyennes tend à
s'allier avec le PC.
En un premier moment, la séduction social-démocrate a
proposé un consensus idéologique, race nu PC. En un second
moment, le pouvoir de séduction sur les couches moyennes a
été tel qu'il n attiré une partie importante de l'électorat de
Chirac et de Giscard. Et même du PC.

154
8

Les lois de l'initiation mondaine


à l a civilisation capitaliste

Tout un syst�me d'obJets -fabriqués- et de produits ­


•endus - a autorisé la systématique de l'initiation mon­
daine à la société capitaliste. Ce système d'objets est à la
production économique ce que l'institutionnel est à la
production idéologique : la révélation objective des rap.
ports de classes.
C'est dire à quel point il est essentiel. Car constitutiF,
K<'néalogique. (Toute la pensée contemporaine l'ignore : elle
rst idéaliste. Elle peut ainsi, à la manière des rreudo­
marxistes et des idéologues de l'émancipation inverser
l'ordre des choses).
Les modes d'emploi, les usages de ces objets sont des
hgures phénoménologiques. Celles<i expriment le sens -
tdéologique -en ronction de l'usage de l'objet.
Le tableau de ces usages permet de proposer la systéma­
tique initiatique, selon une progressive intégration à la
nouvelle société, l'actuelle social-démocratie libertaire.
l" nivellu : llippu, juke·boxe, poster, etc.
2' nivellu : jeans, (cheveux longs), treillis, guitare, etc.
3' nivellu : sono, synthétiseur, stroboscope, lender, etc.
(les objets de l'animation sonore et machinale de groupe).

157
4' niveau : drogue et (un certain usage de la) pilule. 2•. Ensuite, la participation à un vecteur sociologique, à
5' niveau : moto (un certain usage), chaine hi-li, un� dynamique de groupe structurée, Onalisée, hiérarchisée,
électrique, nikon, etc. pdaa-lnstitutionncllc : la bande. Et l'homogénéisation de
Cc tableau de> ligures initiatiques- des modes d'en1pl•r>l toutes ces bandes par l'animation sonore (3• niveau initia­
idéologiques d'objets et de produits spéciliques de tique).
duction néo<apataliste - est l'Initiation à la • s<><:iét:é J•. En!in, à partir de cet axe sociologique et grâce aussi à
consommation • · A la vraie société de con ..)mm•llicJn l• ��miologie apprise, l'accession aux conduites psychologi­
que les idéologues de la société de oonsommabo•• ques. Conduites tr�s personnalisées, très • dillérentes •. très
mission de cacher. La consommation est mondaine : uo'""" . tl'lectives (4• niveau).
nale, ludique, marginale. De la sémiologie à la dynamique de groupe, de celle-ci
Cet apprentissage est celui d'une société • hi�1toJrioue •u� condu ites individualisantes. fi faut une base, sur
Les objets initiatiques sont ceux de la prc:>d\JCt:ion indus• l•quelle s'appuie un vecteur, pour se projeter vers le som­
triellc. Et les ligures phénoménologiques de met. Pour qu'il y ait enfin une consommation libidinale,
celles de la modernité. ludiquQ, marginale autonome. Pour • libérer • Je jeune ct la
Cette historicité a étê située dans la totalité antlu'Op•olc>­ Irmme des tabous et des Interdits. Tels sont les détermlnis·
gique 1• Nous avons voulu montrer comment la vie pe111 c - u11 mes sociaux de • la liberté • libidinale.
modelée par l'histoire. Comment les âges de la J' 4ge : l'âge d'homme. L'investissement de cette culture
s'identi!ier aux âges d'une culture. Comment emanl. dans la structure même de la social-démocratie, dans la
lescent, l'adulte deviennent les trois âges de la cu1mre o<x:iêté adulte (5• niveau). C'est la totale récupération -par
capitaliste. l'usage libidinal, ludique, mt�rglnal - de la production
Nous aurons un autre tableau. qui indique les trois industrielle. Ce processus s'objective en Industrie du plaisir
de celle culture. Ceue identification situera dans un rt du loisir. Une ressource essentielle de l'état social­
champ de réalisation les donnélllt historique$ et les donnees démocrate. Et la fin et les moyens de l'idéologie libidinale,
anthropologiques. Nous aurons ainsi la relation continui ludique, marginale devenue adulte.
du p rincipe de plaisir à la consommation social-démocrate, De l'enfance à l'adolescence, de celle-ci à l'âge adulte '­
de la
pulsion à l'ob]èl, de l'h1conscient à l'infrastructure. L'enfant doit atre uo pseudo-adulte. L'adolescent infan·
Nous pourrons établir les lois de la cootinuitê généalogiqu�. tlle. Et l'adulte un éternel adolescent. Tel est le processus de
Lois dial�ctiques des passages. Le parcours de l'intention l'infantilisation d'une société : faire de l'immaturé un adulte
sa réali�ation. de la puissance A l'acte. •rr.:spon$8ble. Par la médiation de l'adolescence, d'une
l" dge : de l'animisme magique de l'enfance à <Ontestation qui n'est que voie d'accès à la consommation
ludique et marginal de la machine, de la te,:hr•ol•ogie mondaine. Pour cela, produire un enfant à la coule, un
(1"' niveau initiatique). u�ager averti et difficile. Ecaner de l'éducation les conduites
2' 4gt : l'acquisition des usages mondains spécifiques d'apprentls$8ge du procès de production. A insi que toutes
la nouvelle société La culture libidinale, ludique, margina lrs valeurs qui s'y rattachent. Ne proposer que les conduites
en tant que telle. de consommation ludique et marginale, libidinale.
Cette culture prévoit trois niveaux iniliatlqu<ls. Pour que l'adolescent reconduise cet univers ludique
relais, trois articulations d'une progtession. Autre loi !lans la société adulte. En t.ant qu'immaturation devenue
l'initiation mondaine. irresponsabilité civique. Mais, nous l'avons vu, irresponsa·
1°. D'abord, l'initiation sémiologique. L'intégration hilité prise en charge par le système · irresponsabilité
petites touches, au détail {l" et 2• n iveau initiatique). r. ro
gr ammée du consommateur, lequel ne fait qu'accomplir
un apprentissage pointilliste, expérimental, de petits bouts. e plan du néo-capitalisme qul conquiert ainsi un immense
De signe en signe, de reconnaissance en reconnaissance. ct nouveau marchél,

1 Un nouvel àge � le ttohfème Aac •· oou"elle dlent�le- de l'industrie


1 Au tcN uh prt!<'lf maintt-nant. de Kieoce: d� l'homme. Et non pfu.t du k)l-5fr. esl m craJn de compM-u�r ce 11bleau.
..ton la �uctlc>n de l'anlhropologic l l'ethnologie.. 2. ct. la préface de LI flivol• ., ,. Sirl<UA.

158 159
En reprenant tout le processus historique et anthropolo­ èlre qu'une lorme de classe qui alors prend un contenu
gique on peut alors, pour conclure cette première partie, idéologique. L'appareil infrastructure! est au commence­
p�opo$er les trois lois de l'initiation mondaine â la société men\ et à la fin de la carrière libidinale, ludique, marginale.
capitaliste. Lois dont l'universalité contient les trois séries S!l récupération est le principe et le but de la culture
de lois déjà établies (le tableau des usages, celui des âges c:le mondaine.
la vic, les trois articulations de la culture libidinale en tant Tel est le double support de l'initiation, de l'intégration
que telle). au système : intérieur et extérieur, infrastruc(uel r et incons­
l" loi : La vraie société de consommalion commence dès cient, économique el libidinal. C'est à la fojs l'apprentissage
la pll.IS tendre enfance : le jouet machinal. L'infrastructure du rêve americain (il pan ir du plan Marshall) ct l'initiation
industrielle esl constitutive de la ludicité enfantine. au parasitisme social de la bourgeoisie (grâce à l'extorsion
Dès le principe, l'enfant récupère le fonctionnel. le il� la plus-\•alue). L'idéologie social·d�moérate, à partir du
technologique. Son animisme magique deviendra le plan Marshall, est devenue l'idéologie de l'émanci)'ation
pragmatisme ludique du parlait consommateur. libidinale, ludique, marginale. Le fonctionnel -acquis par
2' loi : Le principe de plaisir n'a pas une existence le travail des autres - devient ludique en même temps que
spécifique qui pourraH être extérieure (et · au la f:r:�mce se soumet au modèle amériéain.
principe de réalité. Oès le r,rincipe, l'investissement ne.• •o•1·
nal n'est possible que p lU· ! infrastructure, la technolog•e, le

• •

fonctionnel.
3' loi : Société de consommation et pl'incipe de plaisir La systématique des usages de l'initiation mondaine
s'engendrent réciproquement. 11 faut la collaboration, la nous a permis d'établir la phénoménologie du mondain. Le
rédprocité de l'infrastructufe économique et de la pulsion second livre va consister à définir la Logique du mondain.
libidinale pour faire une société de consommation : la Phénoménologie et logique constituent le concept de
• civilisation • capllaliste. mondain. Ou les modalités - C;ichées par toute la cultuTè
Corollaire :Il n'y a pas d'innocence ontologique du jeune regnante, éelle qui a pfoduit l'idéologie du néo·capitalisl)le
er de la lemme. Mais une fausse innocence que la mau - d u poùatch d'une part de la plus.-value.
foi des idéologues a rendue • naturelle • · Production capita­
liste et contestation d'ordre freudo.marxiste ne sont pas une
réelle co(ltradiciion, mais, au contraire, une comp.lémenta·
rité stratégique. Le principe de plaisir n'est jamais
usage (autremeni, il est pure mythologie, mé·taJ>h)•sicjue').
èst un corollaire du principe de réalité. Car sa re,::u: r :� �; n,; :
La consommation d'une part de la plus·value. � � �
objective d'un pouvoir de classe.
Les niveaux de l'initiation mondaine révèlent que c'est
partir de l'appareil infrastructure! la libido se
loppe. C'est dans et par cette à
économique et sociale, que les figures p�!��:é�o
de la consommalion mondaine peuvèot naître,
��:���
���
, se
per, acquérir leur autonomie. Autonomie qui se soumet à
société globale, à l'infrcastructure du mode de production.
C'est dans l'industrie du loisir et du plaisir que la libido fera
sa carrière adulte.
Nous avons proposé un anti lreudo·marxisme radical.
n'est pas la société capitaliste qui a récupéré )a libido.
I l! société capitaliSle q1.1i a • inventé • la libido. Celle-ci
pas une essence, un a priori, un antéprédicatif. Elle ne peut

160
Deuxième partie

La logique du mondain
1

L'irrésistible
expansion mondaine

A. - D� LA PHÉNOMÉNOLOGT� A LA LOGIQUE

1. De l'autonomie fooctioooeUe des usages moodaios A leur


tyst�me de siplfi�nts - Le symbolùlme immanent et le
lignifiant mondain

A plusieurs reprises, nous avons montré la qualité exptln·


,loniste d'un certain genre d'objets. Ceux de l'animation
machinale. Ils veulent des gestes. Gestes d'usages qui à leur
tour veulent des mots, des phrases, des discours. Pour
constituer des actes privilégiés.
Ces usages passent progressivement d'une initiation
êhtiste à une pratique de masse. Alors les actes et di•cours
,..;Jectifs se sy&tématisent en conduites psycho-sociologiques.
Celles qui relèvenl des mesures de la sociologie et de la
psychologie universitaire. En fin de parcours. tout un champ
de conduices fonctionnelles devient autonome. C'ebt un saut
de la quantité à la qualicé, une accumulation de macériaux
telle qu'ils peuvent ê1re organisés indépendamment de leur

165
détermination originelle. Un univers- celui de la consom· ( rM le passage <lu $ignifié au setù signifiant. L'éloignement
mation mondaine - a atteint \.me telle expansion qu'il se ll•llnit)f de· la réalitê par le signe, le mondain, le pouvoir
clôt sur lui-même, de par sa suffisance fonctionnelle. Et qu'il ullurel de la nouvelle bourgeoisie.
se gère lui-même. Rupture-négation : l e procès de consommation se coupe
Deux caractéristiques de cet ensemble : l'nbord du rrocès de production. li accède à son propre
1 . Une conduite peut se condenser, $" contracter en une fnnclionalisme (celui de l'animation machinale). Pour accé­
marque tellement signifiante qu'elle peut se substituer à la ch•r ensuite à un système logiq1.1e de signifiants. Et celui-ci
conduite : le signe. J'CUL même se faire autonomé et • oublier • son [onctionnel
2. On peut circuler d'une conduite à l'autre en échan­ d'origine.
geant les signes qui les expriment. Telle est la première rampe de lancement de l'idéalisme :
Parce que l'allusion à la conduite est devenue évidente ltluble
c oubli, double amnésie, des moments anlé1·ieurs, ceux
pour tous. Parce que toutes les conduites expriment les cie la phénoménologie, ceux de la réalité originelle.
mêmes valeurs. Alors, celte autonomie fonctionnelle peut Mais il ne s'agit là que de la première Opération de la
devenlr un système de signifiants. Une causalité structurale lrBtégie nominaliste de l'idéologie. Car le système des
codifie la multitude des conduites (powtant très l;lifféren­ •IKnifianls revient sur la réalité. Pour, grâce au pouvoir
ciées, très sophistiquées) selon un réf érent unique. lc léologique, l'investir des sigr�Îfications du mondain. Et
L'autonomie fonctionnelle est acq�,ti�e : un langage nou· 1111�i, attribuer aux choses, selon la systématique d'usages
veau s'est constirué, qui peut se couper de ses origines et que nous avons définie, les déterminations idéologiques de
fonctionner par Je propre jeu de ses allusions. C'est un autre ln coosommation mondaine.
usage : l'incitation n'est plus dans l'animation machinale Ce second moment est esse11tiel : après avoir acquis son
mais dans le pouvoir sémiologique. Proposer le signe sera �lltQnomie fonctionnelle el accédé au système logique de ses
disposer de la [onction sans avoir à s'y soumettre, à la 11 ratiques , le mondain, par le signifiant, tend à se faire
repmduire. C'est pouvoir la consommer mai� aussi pouvoir hégémonique, letroriste, impérialiste. li revient dans le réel,
glisser à l'usage d'autres fonctions. Tout est devenu inter­ <hargé du pouvoir idéologique. Pour l'occulter, le subvertir,
changeable. Et disponible. h· nier.
Alors la donation de sens ne s� fait plus à partir des Telles sont les moc;lalités de l'affrontement des deux
choses vers la consdence. Mais à partir des mots, du �ystèmes, du procès de consommation et du procès de
discours. Pour revenir aux choses, les désigné�. Et les t>roduction. L'économie humaine, celle du néo-capitalisme,
réanimer par l'idéologie mondaine. En leur insufflant des •·•t cette relation des objets et des signes. Celle des biens
signiHcations qu'elles n'avaient pas originellément. tlroduits,
manulaèturés, el celle des signes qui autorisent
L'animaüon machinale a propos\� une systématique cur usage. Relation du travail et de sa consommation : le
d'usages. Celle-ci est devenue un système de signifiants. Et rassage de la valeur d'usage brut à la valeur mondaine.
celui-ci s'est lait opératoire. Ueux univers.
Alors l'élan vital n'a plus besoin de ses supports mécanis· Il est essentiel de comprendre que par définition, l'uni·
tes. C'est l'intention subjective qui décide et conditionne. vers du travail ne peut pas s'opposer à cet inwstissemenl :
Pour r11venir sur la réalité sociale et l'investir de ses l'objet, une fois produit, lui échappe, De par les lois du
décisions. Pour proposer une autre dynamique, une autre �npitalisme. De plus, t:n son • essence •, le proc;ès de
expansion. Alors l'animation idéologique lient les deux production ne dispose pas d'une sémiologie spécifique. De
bouts. pnr la bonne et simple raison que son discouvs, c'est la
Telle est la généalogie du nominalisme moderne. Généa· production des biens matériels! Son dire et son faire !
logie définie en sa réalité économique; politique, culturelle. l'objet manufacturé. L'ordre du travail n'a rien à dire. Car il
Néo-nominalisme de toute l'actuelle culture bourgeoise. est. Son intention est réalisée par sa production, Immanence
C'est le substrat idéologique du discours des vedettes du de la puissance et de l'acte, de l'intention et de la réalisation.
discours (Lacan, Foucault, Barthes, et même Althusser). (Dieu doit partager ce privilège ontologique avec le principe
Ce nominalisme est une double opération. D';;�bord le de rêalité, le procès de production, le prolétariat.)
passage des objets aux conduites, de celles.ci awc signes. Cet univers ne dispose pas d'un système d'expression

166 167
autonome. Pas de signifiants autres que le référent. Cette Immanent une relation verticale. Dans le système capita·
rblité ne se d édouble pas. Elle n'a pas à produire un liste, œ dernier relationnel, renvoyant 1\ une praxis refus�.
langage autre que la p rodu ction. ni�. perd toute valeur, toute signification. Le circuit est
Immanence du relationnel et du [onctionnel. La relation déconnecté. Le courant ne passe plus. Le ,ymbole immanent
avec l'autre est dans la production. Le système relationnel et devient un signe banal, commun. Une platitude dont le
le po:ocès de production s'identifient et s'e><priment l'un par signifiant mondain se gausse. Ce signe est en ef(et tr�s
l'autre. Toute symboliquo alors 11e peut être qu'immanente pauvre, car ce n'était pas sa richesse formelle qui lui donnait
au réel. La symbolique de l'échange est dans l'objectivité de son sens, mals seulement son contenu qui maintenant est
ln productiçm. Il n'y a pas de distance essentielle, de rupture mis entre parenthèses par les signifiants mondains.
entre les deux ordres. Par contre, ln communication horizontale par les signi·
La symbolique immanente dit cette interp�nétratlon. Hants se diHuse sans aucun problème. Le signe renvoie à un
.Elle est un acte, un vécu dans le réel, sans médiation. Alors autre signe, comme l'artilice renvoie à l'artifice. le méme au
que le signifiant mondain est pur artifice, convention. Il n'a même. Le lien est établi : l'échange mondain : la consom·
de validité que par le pouvoir idéologique. Celte symbolique mation parasitaire.
Immanente établit la participation, alors que le signifiant Alors, le signifiant mondain, par l'échange de ses s ignes,
mondain n'est qu'une représentation autoritaire et conven· devient la réalité même. Et le symbolisme immanent,
tionnelle. déconnecté, apparaît comme irréel, signe vide. • dépa$Sé ••
Le réalisme socialiste, en tant qu'épistémologie et esthé· lieu commun. Monstrueux renversement du sens des choses
tique, prétend reconstituer oct univers. Et s'identifier ainsi à N de la significa\ion des signes. Monstrueu>t pouvoir dl!s
la grande poésie. celle d'Hôlderlin, de la quête du • NGtion· aignes su•· le� choses et les personnes.
ncl •, qui est l'immanence de l'existeoliel et du géo·politl·
que. l'ldentification du procès du travail, de l'humanisation
de la nature, de l'appareil sensible du corps '· Ne plus l. Les atratfiJcs du afo·oom.inaliame : occuper Je champ politi·
représenter mais participer. Hôlderlin et Lénine ont eu le que et le champ culturel
m�me projet : accéder à la réalité, participer à son être. .Et
pour cela dénoncer et écarter la culture idéal1ste, bour· Toute la culture actuelle s'est efforcée de donner un
geoise, celle des signiUants, de l'artifice, du ttatut épistémologique au signe. Pour justifier, par la
mondain. connaissance scientifique, l'opération fondamentalement
Mais c'est justement cette trop grande richesse humaine Idéologique qu'est le néo-nominalisme. La remise en ordre,
du symbolisme immanent qui permet au signHiant mtmclain que nous avons entreprise, permet de dévoiler la stratégie
de s'i!llposer. Car ]'économie capitaliste ne reconnait que c:ulturelle et politique du n(-o·capitallsme.
signes de �on pouvoir. Dans le [nee à face des deux La logique des signifiants est devenue opératoire. Tout
mes : celui du procès de production et du procès de c611SO•m· <l'abord en se réinvestissant dans tout le système relationnel
mation, du principe de ré:.lité et du principe de du vécu de la modernité. Pour Je baliser de signifiants
travail et du mondaio. de l'échange du symbolisme immll• essentiellement idéologiques qui véhiculent les valeurs de la
nent et de l'échange du signifiant mondain, c'est le pouv•Dir nouvelle classe dominante. L'inter-subjectivité sera soumise
idéologique qui l'emporte. � une sémiologie de l'échange qui écarte a priori tout le
Sur le champ de bataille, de l'esprit et du mondain. procès de production. L'échange n'est plus que l'échange
signe - de la représentation - et un symbole Ulondain, celui des signes de la consommation parasitaire.
l'immanence. Le signe renvoie à un autre signe, le sv•rnbolà Mais ce qui caractérise la culture de l'après-guerre. et
renvoie au réel. Et c'est l'artifice qui gagne. Car particulièrement celle de l'ascendance du capitalisme
syStèmes se disposent contradictoirement : le monopoliste d'Etat, c'est l'investissement de cette lo�iquc
mondain établit une relation horizontale et lè sy1mb·o1!sm,• tl�s signifiants dans deult systèmes, deux domaines qui
jusqu'alors savaient résister au mondain : le politique et le
'ulturel. C'est une étape essentielle de l'édification terroriste
1 Cf L'Etr• <l lt Cod•. du néo-nominalisme : la conquête de catégor ies qui ont

168 169
pourtant comme justilication et mission de proposer les
valeurs universelles, norm;ttives du sérieux. Alors le mon·
dain peut non seulement 9pérer en un domaine jusqu'alors J, Le d�oubleme11t stratégique du modèle et les deu�t domaines
étranger et hostile, mais encore � servir des catégories de la nouvelle sensibilit�
politiques et culturelles pour véhiculer ses propres valeur�.
Ce sera l'ère des sophistes : le volitique et le culturel soum•s Mais a'ilant de déployer ces stratégies de l'idéologie,
aux nouvelles idéologies du système. Période de l'impéria· 1evenons sur nos acquisitions épistémologiques. Car $i
lisme, de l'hégémonie néo-nominaliste. Lé formalisme I'Jnitiation mondaine est achevée, en tant q1,1e dressage
triomphe '. wrporel par l'animation machinale, le parcours Spécifique
Aussi. devrons-nous prendre l'honnête homme par la •le la catégorie -le mondain - lui, est loin d'être accompli.
main (celle qui n'aura pas été prise la main dans le sac) pour La dynamique mondaine dispose. en fin de parcours de
le gqider à travets ces dédales stratégiques de l'idéologie. l l Iïnitialion, d'un arsenal opératoire complet et parfait.
faudra lui montrer d'abord comment l'arrivisme mondain Appareil mondain qui va autoriser une nouvelle expansion.
est <IUSSi la promotion politique. Celle synthèse, de l'inspira· La catégor'ie mondaine a d'abord été modèle culturel.
lion mondaine et de ses moyens polltiques, autorise une l'our devenir fonction sociale. Puis structure des rapports de
terrifiante occ1.1ltation et dénaturation des valeurs de gau­ dusse. Et enfin système logique autonome et opératoire. En
cl)e, socialistes, révolutionnaires. Ce sera le parcours poli· lin de parcours, le mondain peut utiliser toutes ces données
tico-mondain du lreudo-marxJsme à l'actuel pouvoir socia­ .liachroniques comme outils. moyens. L'accumulatio·n est
liste : de Rocard à Rocard, du PSU au PS. Ce sera l'objet du l<'lle qu'elle opère un saut qualitatif. Toutes les acquisitions
deuxième livre de l'initiation à la civilisation capitaliste : de la généalogie sont synthétisées en un seul acte.
• l'initiation politique •· Nous sommes passés de la phénoménologie à la logique :
Et pour compléter son édiliéalion, nous guiderons l'hon­ le mondain est une catégorie et une pratique qui opèrent en
nête homme à travers un autre '" savant dédale. Celui de la fonction d'une finalité globale. Et celle-ci s'accomplit selon
culture Pour lui révéler les ruses de l'autre • entrisme • des moyens articulés en un ensemble hiérarchisé. Mainte­
mondain. l'occupation de j'espace culturel par le fiant nant, à n'importe quel moment de la généalogie, le sujet
rpond<�in. Ce sera l'objet d'un troisième livre : • L mondain peut opérer selon cette logique. Il dispose de la fin
culturelle à la civilisation capitaliste. • èl des moyens.
Il nous faudra établir le processus de monopolisation C'est l'acquisition d'un autre pouvoir. Celui de la logi­
savoir par la nouvelle bourgeoisie. Montrer que son que. La phénoménologie permettait le pouvoir sur le
est profondément homogène alors qu'il semble très rli,,P...i. moment, sur une [igu�e. �ur un objet. Pouvoir du nouveau,
fié et mème disparate. Culture terroriste qui doit interdir·e de la mode, de la • création • . Pouvoir des !cadets, des
référent historique. Et qui occulte même le siJ!nifié locomotives, des prescripteurs, des annonceurs. Si la logi·
rapports de production. Lé discours des vedettes 1 iCl(iol•O· '}UC a perdu ce privilège, elle invente, par contre, deux
gje : l-évi-strauss, Lacan, Foucault, Barthes, Althusser. techniques essentielles de la rnondanitê : le syncrétisme et
nous permettra de reconstituer la spécificité du conS�en:sul l'alternance ... Les deux faees de l'opportunisme. Les deux
culturel de l'après-guerre à la crise. De par justement <lpérations possibles sur la phénoménologie : l'utllisatioq de
procédés employés pour cacher Je éontenu historique, politi· •n totalité ou d'une partie, techniques dê gestion de la
que, culturel de la social-démocratie. consommation.
L'expansion du mondain est maintenant celle de cette
Ioglque. Selon un arsenal opératoire très différent de celui
de la phénoménologie. Mais qui se dispose comme une
deuxième rampe de lancement.
Nous avons déjà indiqué à propos de la phénoménologie,
•ans insister sur ses modalités, le principe de cette dynami­
1. Dans la pJ•emiêre parile de l'Erre 1-t le Codt nous a"·ons exposé lea que : tout modèle sélectif se dédouble en conduites encore
modaliLêS pls•êmoloa.iqucs
è dt: ée poûvoir nëo-kancien. plus êlitistes et ell usages de masse. C'est une loi soêiologi-

170 171
que. Le modèle succombe à la pesanteur � ����: � � ;
l'utilitaire... Ce qui libère son aspect form � �r: �
el, sémi, .
m••nccment alors qu'elle n'est qu'un accomplissement. Et la
ri'Océdure d'exclusion des autres sensibilités s'achèvero par
morphologique. Ce qui autorise alors tout un un� opération particulièrement machiavélique de cette
formalisation, d'esthétisation. l•usse innocence : la mode rétro.
L'expan�ion mondaine se réalise selon ces deu� dvoa1mJ. La nouvelle sensibilité sera à la fois la banalité sociologi­
que• : en extension et en compréhension, en quantite qu� et les archétype$ de l'inconscient collectif. Sensibilit�
qualité. Pour que le mondain accède à sa r•dicalement mondanisée. Terrorisme mondain, terrorisme
faut ce dédoublement, qui permet d'occuper du libéralisme, terrori�mc du néo-capitalisme.
très différents, considérés comme opposés et Ce dédoublement du modèle n'est pas le dernier moment
�;�� � �
tibles : les masses et les élites, le philistin et l'intelll
les usnges communs et les archétypes, la banalité S< � =
�� matégique de la mondanité. Nous verrons au�sl que le
rnondain, après s'être ironiquement contredit, pour mieux
que et l'inconscient collectif. brouiller les pistes ld�loglques et pour mieux prospt1rer,
Ce dédoublement révèle la stratégie essentielle du on�ra retrouver l'unité organique dù modèle originel. Ce
tèmc. Car ce strntagème mondain lui permet de m<mc•pc,Jisef ocra l11 forme derni�re de la social-démocratie libertaire.
la senslbili1é de l'époque. Selon deux opérations.
manipulations idéologiques.
Tout d'abord, réduire la sensibilité aux seulès m••u•u
du mondain. Il n'y aura d'expression corporelle et B. - LES MÉTALANGUES OU MONDAIN - L'IDÉAL
subjecti�e que par les figures phénoménologiques
décrites. Puis, tout relationnel libidinal, ludique, m••rR:rn;n
devra s'exprimer selon les deux modalités de la IO�Dq'�· 1. L'uthftinrio11 du arts - L'accà au fantasme
Selon le d�doublement du modèle.
Alors ces deux dérives seront proposées comme antago­ Le système logique- celui des signifiants mondains -
nistes. Leurs connïts vont enclore, circonscrire le ��:=�� r.
d'expression possible de la sensibilité. Il n'y aura de ••
va surenchérir sur sa logique. Et exaspérer sa propre
lurmalisation, stylisation, esthétisation. .En se dédoublant
lité que dans et par les rapportS des usages communs et rn une axiomatisation de l'axiomatiqiJJ! (de l'axiomatique
archétypes, du bon bourgeois et de l'intelllaentsin, de qu'est déjà le système des signlfian!s). C'esl la production
coutume normative et du signe électif, de l'institution et de d'une métalangue. Celle du mondain.
ln transgression. Chaque terme va se poser en s'opposant à JI s'agit d'un saut dialectique. Celui du passage de la
l'autre. Pour ainsi se développer jusqu'à sa perfection. quantité à la qualité. Celle opération est réalisable lorsque
L'id�logie tient bien les deu/( bouts, les deux entrées le premier système de slgni[iants est saturé, redondant. Un
système. Celle sensibilité est le lieu de la dispute mondaine. choix est alors possible : écarter les éléments qui sont de
Pour ou contre. Mais dispute des deux modalités du même. moins en moins signifiants et conserver ceux qui le sont de
Pour p roposer le choix entre deux variantes et ainsi consa­ plus en plus. Alors, plusieurs étapes du travail de sur­
crer les mêmes valeurs. Celles de la consommation mon­ axiomatisation. Nous situerons d'abord une démarche qui
daine d'un mode de production. caractérise la modernité : la nou\•elle esthétique. Ou l'esthé­
Alors, se révèle la deuxi ème opération idéologique, celle tisation des arts. Les nouveaux beaux-arts. JI faudrait dire,
qui permet la totale monopolisation de la sensibilité. Car plus prkisément : • jolis arts •.
cene procédure d'inclusion des termes de la pseudo-contra­ Nous définirons très brièvement cette essence culturelle.
diction eM aussi procédure d'exclusion de la vraie contradic­ Car nous la traiterons ultérieurement (dans le h\'re consa�
tion. Les sensibilités antérieures sont totnlement ignorées, • l'initiation culturelle) d'une manière syst�malique. En
reduites à l'insigniliance. L'époque sera coupée de toute déterminant l'infrastructure qui la produit. U nous suffira
tradition, de tout modèle historique. Ce sera une totale ici d'indiquer le processus de cette super-formalisation.
amnésie du cœur et même des sens. Tout commencera par L'art sera soumis aux signifiants mondains. Les signes
le• signes et les formes de la mondanité n�-capitaliste. du mondain, déjà extraordinairement élaborés. seront sélec­
.Extrnordlnalre fausse innocence qui prétend être un corn- tionnés, condensés, stylisés. Et organisés en systèmes d'ex-
172 173
pression €orporelle spêcitiques. Ce sera l'art des si�mifiantl I'Prcours. Et ce parcours, rapp�lons·le, est celui de la
Ceux de l'expression mondaine du corps. lmnsgressioo, révolte, cooteSl<!liOn.
Alors, de nouvelles castes vont manipuller u� O:������
���

ne Le fantasme est ce moment, d�:s beaux-arts, de l'c�théti­
culturelle très sélective. Et accomplir un t>· p •ation subversive � la sophi!;'tication extrême d'une expres­
formalisation. Le gestuel, la sémiologie, dnn corporelle comme point de non-retour de la révolte, de
mondain sont réduits à leurs éléments co,�stti\JLUIS. QiuelquLet ln négation. Moment par.oxistique. Un signe parfait est
axiomes de b�se. Et ceux-ci s'organisent ensuite en •rparu. Comme rÇcompense d'une quète, d'une ascèse.
discours spécifique : les combinaisons possibles de Signe suprême. Le vivre et l'exprimer, par l'expression
axiomes. Et les dérives (expressives) de cette grammaire «trporelle, est alors la singularité même. l..'acte suprême de
corps. Iii subjectivité. Lé geste irrécupérable. Celui du maudit. te
Tous les arts traditionnels seront alors revus et .-n•,••··�· oigne qui fait autre. L'artiste.
El s.oumis à cette esthétisation. Le théàtre, la mtJSiLQUI�. Nous avons déjà proposé tout un parcours de cette
danse, le cinéma seront • rénovés • en fonction iltnla�magorie idéaliste à la bourgeoisie. Celui de l'esthétisa­
exigences. Une extraordinaire dynamique de groupe rion de la subjectivité par les nouveaux beaux-arts 1 • C'est en
sera tous azimuts la nouvelle expression corporelle. <léfinitive, presque toute la culture moderne. L'exploitation
nouveau corps de l'esthétisation de l'art. uulximale du formalisme (du signifiant mondain).
Tous, ayant voulu le même modèle sélectif, se rellrouv•e­ li s'agit là de la forme parox,i$tique des I)Ouveaux beaux·
ronl dans la même culture de masse. Celle-ci, fortd!omen,tal•e­ arts. La mondanité culturellè se sa.tislera (et ainsi se défi­
ment snob, se dira populaire. La sophistication extrême nira) d'un compromis entre cet esotérisme fantasmatique et
gestuel sera proposée au peuple, Comme -gestuel de 1� première formalisation des signifiants mondains. Syn­
liberation. Ce paradoxe est constilutl{ de • l'art • mL)dJ!rnLe; lhèse harmonieuse qui permettra de ckculer d'un domaine à
Les avant-gardes sont descendue$ dans la rue. l'autre, du fantasme au môndain, de la recherche d'avant·
chent à vulgariser une sémiologie mondaine devenue anrde à 1<! consommation libidinale, �ans trop se compro·
lon et brouillon de culture. L'animation culturelle or<>ooS<I mettre dans l'un ou l'autre. Ne pas être trop mondain
la "" spontanéité • du corps. Et plus l'alibi poli (Coateau). Ne Ji)�s être trop [ou ( Artaud). Mais être un peu
radicalise, comme message révolutionnaire, et lou, un peu mondain. Proposer à la fois l'art pur et l'art
tuel et le signe sont sophistiqués. rafiinés, 1-«>tl>rl� ...�•. populaire. Disposer à la fols du peuple et du geste le plus
elliptiques. •ophistiqué. Quelle séduction 1 Quel artiste, quel cr6ateur 1
Alors se constitue un super çode de séduction, un .�v·••"'m• Cette stylîsation exquise permet à l'intelligentsia de
d'allusions sémiologiques qui dè sélection en séllecLtioJn, jouer sur les deux tableaux, du l�ntasme ct du mondain.
media en media, de subvention en impnesario s'i:mp•os,erl! Consommation du fantasme et consommation mondaine.
dans un certain public. Celui des p ���:�:·�':::: i."une par l'autre. C'est le fantasme �ui sert à séduire cac le
féminines déjà conditionnées par les IAntasme est J'ess ence du mondain,
ménologie, de l'initiation mondaine, par les usages De grands noms illustrent celte esthétisation de l'art;
premier degré, de la mondanité. Une nouvelle dynamique vedettes des jolis-arts : Godard (le cinéma) ; Chéreau
groupe apparaît. Elle autorise une ultime sélection , !l'opéra) ; Béjart (la danse) ; le Living, Planchon (le théâtre).
daine. Celle des producteurs de cette nouvelle esthétique. L'expression corporelle de la mondanité bou�geolse.
celle des premiers usagers de cette production. La !.'avant-garde des avant-garçles. La fantasma;gorte prescrite,
culturelle permet la constitution d'une nouvelle élite les modèleS d'usage de la mondanit!S cultur�:tle.
daine qui monopolise les signes de la séduction. Les Nous venons de reconstituer le parcours du beau de la
veaux prescripteurs du mondain. Mais culturel. modernité. Ou CO!Jlmenl la sensibilité a été invesiie par le
A la limite, cette esthétique accédera à la production mondain : l'esthétique est devenue l'esthétisation. celle-ci
fantasme. Et de toute une fantasmagorie esthétique. une sémiologie qui s'achève en fantasmagorie. Ce lorma·
que le signe, de formalisation en formalisation, est deveniJ
un extraordinaire condensé. Le signe des signes. Celui qui
accomplit, en une ponctualité explosive, la totalité d'un

174 175
lisme radical est un idéalisme parfait. L'irr�alit6 du ré!fél'enl tué' le processus de formalisation . d'axiomatisation, en un
el du signifié autorise la réalité de cel univers. Ccl domaine qui proposait certains rl:�res à l 'honnête homme
est une pratique cuhui'CIIe. Et il règne en maitre. ll'nrl moderne). Pour acquérir un modèle qui nous guidera
œuvre esthl'tique qui voudra exprimer le rêi�!'Cnl rn un domaine où tout est à faire. Celui des mythologies, de�
signifié sera considérée comme art pompier, dém<l<lé e, arcltétypes de l'inconscient collectif de notre modernité. li
pauvreté C>thétique. ""s'agil plus de Mcrii'C des mœurs comme au niveau de la
Nous avons aussi établi une continuité : celle de phénoménologie. Mais de reconstituer leurs lois. Il ne s'agit
connaissance- du libéralisme, de la social-démocratie-et rlus de monti'Cr la vie. mais à travers la vie, la loi qui
celle de l'esthétique - du libéralisme, de la social-démocra· pokide à ces mœurs.
lie. Par leur lieu commun : le signe, lieu commun de La mythologisation commence de la même manière que
l'idéalisme. L'idéologie du signifiant permet la double opé­ 1 esthétisalion des arts. Elle utilise les mêmes éléments :
ration do l'idéalisme. D'abord, la dénégation du référent ct .rux de la formalisation logique, qui propose l;� perfection
du signifié. Et même l'inversion de sens par ln d�� formes ct des contenus. Cette formalisation recouvre
des significations - du signifiant - sur Je sens .t'esthétique tout 5011 nppareil ppératoire. Une extraordl·
du travail des hommes. Le néo-nominalisme qui préside naire richesse des mo.tédaux (gestes, signes, conduites,
l'épistémologie de la modernité sc continue ct s'accomplit actes) esl disponible, matériaux d é
jà transmutés.
dans le néo-f ormalisme qui engendre l'art moderne. Alors pourront apparairre les ..llégories, les mythes de la
Tel est le parcours de la culture de la modernité. modernité du néo-capitalisme : des actes exemplaires
tenons les deux bouts de l'idéalisme, de la synraxe arcomplis par des personnages exemplaires en des sp<�tio­
mondanité. Entendement et sensibilité se développent trmpora lité� cxemplnires. Ces mythes sont au résultat d'un
le �me ensemble idéologique. Car les deux systèmes long proc�us de la logique mondaine.
soumettent au même pouvoir sémiologlque de la m•onc:la­ Toute figure de la phénoménologie du mondain est
nité. Celle-ci engendi'C une connaissance Idéaliste qui <onstituée de trois éléments : un acte (ou une conduite, ou
peut qu'engendrer, à son tour, une eMhètiquc mondaine. un geste); un personnage (ou plusieurs); une spatio-tempo­
L'esthélique du formalisme n'est qu'une dérive du nomi<na· oalité. Au niveau empirique, concret, ces matériaux se
i
lisme. Car le savoir de l'idéologie ne peut que pourrir en disposent d'une manière plus ou mons arbitraire. Les
esthétisme. N'éUlil-il pas, dans le principe,le po'urriss,ement ,irconslances ct les événement$ peuvent faire que tel élé·
de l'entendement ? onen! - au moment du surgissement de la figure - est
La culture de la moder:nilé est profondément homcogène. privilégié ou négligé. Alors qu'ultérieurement on inversera
Alors qu'elle affirme le contraire : les discontinu �un importance. Les figures ph�noménologiques apparais­
catégories et les domaines hétérogènes. Cet art el "ent dans le désordre, en fonctio.� des hécessilés historiques.
épistémologie onl la même fonction Idéologique : produire 1:1 leurs compo santes se disposent aussi selon ces événc­
le monde réel de l'imaginaire, le monde voulu par l'idéolo­ onents, selonln onjoncture.
c
gie. La réalité est doublement camouflée :par le travestisse­ Tout autre est le processus logique de la mylhologisa­
ment fant asmatique des beau><-arts et par te travestissement llon. Progressivement se constituent trois systèmes de d�ter·
que l'idéologie du signe impose aux sciences humaines. oninations de l'acte, du personnage, du spatio-lemporcl.
(h aque composante de la dynamique mondaine s'élabore en
,a spèci!icilé. Indépendamment de l'ordre phénoménologi·
2. La productio11 des arc:Utypea du moadaln. �olocies 4ue. Acte, personnage, spatio-temporalité s'épurent de plus
,n plus de leurs contingences événementielles. Certains
ognes sont abandonnés. D'autres. au contraire, privtlégiés.
a) L 'uistence idlologique
li y a accumulation, condensalion de sens. Et allègement,
Aussi importante et révélatrice que soit celle métalangue tylisation de la forme. Plus on accède au contenu pur cl
du mondain - l'art moderne - elle est incluse dans un J>lus cette forme se dégage des malé'riaux de la contingence.
processus encore plus général, essentiel : la production des Certains moments de ceue logique vont autoriser la
mythologies d'une civilisation. Nous avons d'abord reconsti· tonveo·gence ct l'unification des trois systèmes de détermi-

176 177
nations. Ce sont des ligures très riches qui marquent que. la lorme et le contenu se rencontrent en leur perlee­
étap.:� essentielles de la logique. linn ? Quel est le lieu. l'espace social qui permet à la réalité
Ces accomplissements (de la logique) seront le moment do· �c faire fiction, à la fiction de se faire réelle? Comment
parlait où les trois systèmes de déterminations. après avoir ,trculc+on du réel à l'Imaginaire. de l'imaginaire au ré<!! ?
r�allsl! leur perfection spécifique, vont converger pour (omment les mythologies? Comment le mondain produit
atteindre une parfaite unité. C'est le mythe : un acte exem· "'' archétypes? Répondre à Ct's questions. c'est reconstituer
platte accompli par un personnage exemplaire en une spatio­ la g énéalogie de lïnconscient collectif. Non pas propo,;er,
temporalitê exemplaire. Un acte idéolo&lque est devenu '"mme le f ait la ps>.'chanalyse. l'interprétation des rêves et
archetype Et comme c'est beau ! Exemple : le hippie. <irs fantasmes de 1 individu. mais le procès de production
C'est un moment parfait ; celui de l'incarnation ldéologi· olt·S archétypes dans les rapports de production. Produclion
que. Toutes les conditions étaient rêunics pour que la Inconsciente en ce «!n� : elle ne semble pas s·e�prlmer par
perfection de l'essence entraîne l'existence. A un moment, la •··s rapports de production. Mais à côlé. Et même sans. E1, à
pression ct le conditionnement idéologiques SOill tels qu'ils la limite, oonlre. L'inconscient semble une enlité autre què
c:récnt l'évén�ment :le hippje, le casseur, lc Mai 68 �studian­ Ir� rapport$ de production.
lln, Woodstock, etc. C'est que les modalités de sa production sont ignorées,
Surg it l'acte idéal, la figure logièjue qui synlhétlse les o..:cultécs. Elles som non dites et non sues. Et c'est cc qui loit
multipl es conditions de son existence. Et moment parfait, lo• mystère de l'inconsèient. Alors qu'il est une pratique. un
d'existence phénoménolog ique, laps de temps où cet acte vécu sociologique, selon des relais objectifs de la soclabllit�.
s'impose comme une évidence, une nécessité. Mais sociabilité cochée. Et qui n'est autre que le chemine­
Ces archétypes ne sont ni imaginaires, ni réels. Mais ment de l'idéolosie dans l'existentiel.
mythologiques : m i-réels, m i-imaginaires. ns sont la réalité Toute la culture actuelle s'efforce de cacher cet incon�·
de l'imaginaire social. Leur existence de fait est certes une ,tent collectif. • Oubli • combien révélateur. Volonte de ne
fulgurance. Existence d'éphémères, qua�l irréelle. Mais leur ra
s savoir et de ne pas dire qui est, en définitive, le projet et
avant et leur aprh témoignent bien de la réalité. Celle de rssence de la psychanalyse. C'est l'inconscient de l'încons­
l'Idéologie. Avant : ils sont des projets, des désirs. Après : ils 'ient de la psychanalyse qu'il faut révéler. Celte démarche
sonl des regrets, des nostalgies. Les deux ancrages dans montrera le pi'OCt'ssus Idéologique de l'occultation. C'est-à·
l'Inconscient collectif. L'existence de l'imaginaire, c'est la dire le refus de dire et même de connaltre la catégorie
perfection de ln formalisaritm qui l'impose. L'archétype est mondaine. la procédure de sa mise en scène et en âme. Refus
comme un archange : si bf!au qu'on le désire et qu'on le d'établir la manipulation du procès de consommation par
regrcuc. S'JI n'a pas d'existence réelle, il est l'�xistcnce du l'Idéologie du néo·capirolisme, selon des figures du libidinal,
désir et du regret. \ du ludique, du mQrginnl qui sont les à priori objccllls cie
Cc qui est bien réel, c'est èe double mouvement de la Inule expression subjeètlve.
logique : la production des contenus idéologiques selon une Aussi. montrer comment, dans la réalité sociologique,
esth6tlsation progressive. Ure pratiq ue devenue très exten· cela se fait, se cache, s'oublie e1 comment cela se rappelle, se
sive et un modèle devenu forme parfaite. n.o·actualise, c'est montrer à la fois le processus idéologique
Les archétypes sont des ·fictions si belles qu'elles appel­ que la psychanalyse permet d'occulter (et l'idéologie de la
lent l'existence. Celle-ci n'est autre que la convergence d'un psychanalyse) et la production des archétype� du mondain.
extraordinaire concours de· circonstances. Une vie naît du Projet énorme. Ambition qui peul paraitre, évidemmcmt,
hasard - des circonstances - et de la nécessité - de prétentieuse et démesurée. Lorsque nous aborderons la
l'idéologie. Pour aussitôt se défaire et proposer les motiva­ dimension spécillquement culturelle du néo<apitalismc,
tions du vécu, du mondain. Double existence du mythe. nous exposerons la synthèse de nos contributions. Nous

b) La g;nialogi� d� l'inconscient collectif : la mode -


r. r
oposerons l'histoire de la sensibilité occidentale selon la
ogique de la production, celle des modes de production
dimodt. u refr;s du néo-nominalisme et d� 1 'antlprtdicarif Pour définir le syst�me entropique de cette l>Cnsibilité.
Quel eSI 1� processus concret de Ct'tte production de Quatre • continents • la constituent : le mythe féodal. le
l'imaginsirc social? Par quelle réalit� hibloriquc, sociologi· romanesque sentlmenlal de la bourgeoisie, la llbido de la

178 179
psychana.lyse, le .sexualisme de l'actuelle social-démoèratie du néo.capilalisme, aspect majeur de • l'aliénation
libertajrc. Il s'agit là des modalités concrêtes dés rapports humaine • et de la nouvellè explojtalion de l'homme par
de production. des lois de l'inter-subjectivité. Celles de l'homme. La mode est par l'extorsion de la plus-value et par
l'infrastructure du relationnel de l'homme et de la femme. ln consommation parasitaire d'une part de ce • surplus •·
(Lois qui doivent ècre situées dans les déterminations du Mode et démode ainsi redéfinie$ vont nous permettre de
relationnel déjà proposées, au qu11trième niveau initia­ •Ir uer sociologiquement, par une lecture au prerni�r degré, 1<:
tique.) •h�minement de l'inconscient collectif et la production de
L'inconscient collectif est alo•·s défini comme une lecture •cs archétypes.
au premier degré de l'hjstoire. Il ne s'agit pas de révéler ce La démode est aussi révélatrice que la mode, sinon plus.
qui es� caché derrière. Mais d'établir la réalité immédiate du Hile est le moment essentiel de cet inconscient. La mode
non dit et du non su. Ce qui est l'idéologie et que J'Idéologie n'est que la fixation, l'objectivation libidinale. Et tout le
rend • inconscient •· travoil de 1'o1obli - de l'inconscient - �� dans le processus
Dans notre actuelle perspective, il nous suUira de locali­ ,Je la démQde.
ser un premier cheminement de l'inconscient collectif dans Modè et démode pré�ntent cet avantage inestimable,
et par les rapv.orts de production. Pour définir le schéma de rour le théoricien du mondain, d'être des phénomènes naïfs,
ce processus. Ou comment les archétypes se c:onnituent. au premier degré, type de phénomènes qui épuisen� en leur
Les rapports de la mode et de la démode vont nous développement phénoménologique ' tout leur contenu, toute
permettre cette localisallon. Mode et démode seront la leur signification. Apparaissent alors, en loute naïveté socio­
partie visible de l'iceberg dont la partie invisible est le logique, psychologique les processus de la fixation et de
mondain. l'oubli. Au niveau méthodologique, c'est une chance : pou­
Le$ idéologtes dominantes ne retien0ent que J'aspec� voir mesurer -par le superficiel, l'évidencebanale, l'évéJie·
visible. superficiel, banal du phénomène. Le sigrùfiant seul ment, le fait -le processus de l'inconscient. Les mystères du
importe. La consommation mondaine est ainsi téduite il otocturne s'exposent alors au plein soleil des mesures anthro­
priori aux mondanités et aux modes. Que ce soit pour le duc pologiques.
de Lévis-Mirepoix ou pour l'idéologue social-démocrate Mais la production des archétypes du mondain ne peul
(Banhes) la mode n'est que le signe de la mode. L'énorme �1re réduite à ce� manilestalions phénoménologiques Oa
partie cachée de l'icebe�g - l a consommation mondaine en rnodll et la démode). Celles-ci n'indiqu�r()nt que des proces­
tant q1,1e )>ouvoir de l'idéologie - étant ignorée n'existe pas. \US, des lieux de circulation. Ce ne sont que des repères.
On ne retient que le signifiant du mondain. Le gros du !.'inconscient collectif ne doit pas être pensé comme une
signifiant : la mode. •ubstance. Il n'est pas le support des archétypes. Il est le
Le meilleur exemple de cette réduction superficielle d'un procès de production des archétypes,
phénomêne qui pourtant est le révélateur des rapports de JI faut écarter tout être référentiel, tout à priori, toute
classe, est bien la mode selon Barthes. Son outrecuidance •ubslantialité. L'inconscient collectif est un lieu sans mys­
néo-nominaliste lui permet d'escamoter, comme un presti­ tère : celuj d'une circult�tion très particulière i:le l'informa­


digitateur, le contenu philosophique, économique, politique lion et de la communication.
de la consommation mondaine : le potlatch d'une part de la Il faut donc éliminer l'antéptédicallf huserlien s qlli
plus-value. Alors que la mode est la rencontre du procès de préside à toute l'tdéologie actuelle. Idéologie d'un commen­ 1
production et du J?rocès de consorpmation, le lieu privilégié �cment pré-discursif, antérieur à l'histoire, Innocence anté­
de leurs rapports. Phénomène global, structural, fait social oleure aux rapports de production. Et idéologie de la
total. •lonation de sens par cet anléprédicatif. sens qui se super­
Mais la soumission idéologique au système est telle que J){lse, pour le nier, au sens de l'histoh-e. Ce substantialisme
le signiCiant de la mod<: permet de l'il!norer. Que ce soit au n�ïf èt réactionnaire caractérise, en particulier, la psyehana·
niveau de la con�ommation mondaine naïve ou au niveau de
l'étude • scientifique •· Ce terrorisme c1.11turel de la frivo­
lité, de l'étude frivole du frivole veut interdie r l'explication 1. R�p�tonti·lc pour éc:��rter Loutt ilmbîguitê: le signHltuu n·cst qu'un
par la consommation mondaine, consommation idéologique de
"''PCCl ceue phl:nomênologie.

180 181
lyse moderniste. (Celle de Lacan : le stade du de production. le sens n'est pas enfoui ou caché. Il s'étale au
• avant • le processus de sociabilisation.) e•and jour, naif. immédiat, au premier degré. Celui d'un
l'antéprédicatil va aulociser l'idéologie des pulsions "'eau $pécifique de la circulation de l'information et de la
même temps que le m�prls du progrès. tl est le princi u1mmunication. l'étude de la mode-démode permettra de le
réactionnaire de l'idéoloaie social-démocr:ue. les rrvéler. en termes sociologiques. Monlrer cette réalité est
seurs en vogue. dans la mesure où ils ont dévellop,pé All•�i faire apparaîtrecomment elle a été cachée, dénaturée.
principe épistémologique (chacun en son domaine : sp<:cll>U•; t'est établir comment l'inconscient est ce que cache la
SMlon du travail ldéologiè)ue) et sans s'en douter tt,ychanalyse.
souvent, sont des Idéologues du s ystème 1 •
Il faut écarter toute no$talgie théologique et toutes ') Les trois moments sociologiques dt l'lnconsciem collectif.
dérives épistémologiques. Notre destin n'a pas été perdu. 1a circulation idéologique de la libido
n'a jamas i eu Lieu. Il n'y a pas eu de destin. Le sens n'a
été, quelque pari, donné, rlxé. Puis oublié. En tous les La mode-démode, circulant en ce lieu concrer : l'incons·
perverti par l'histoire. li faut récuser toute quête Cl relï;ta•un•� ,ient collectif. va permettre de produire cette extraordinaire
tion d'une substance perdue. Dans Je domaine de la co•�mus­ arme de guerre idéologique : les archétypes. D'abord. des
�ance comme dans celui de la politique. La nostalaie de rrdondances d'évidences, des inflati ons de signes. Puis
substance londe toute idéologie réactionnalre. ll n l'oubli soudain, total. Pourquoi ?
marque indélébile, plaie secrèle de l'Eternel Graal, irroèc"•sa· • L'inconscient • travaille vraiment en profondeur : il

ble témoignage d'une pureté ou innocence perdue. J'longe dans les ténèbres ce q11i triomphait sous les sun·
Notre destin est à laire. Tout c:ommence, tout a li ghts . Mals pour un terrîble travail de la vieille taupe, taupe
mencé, par les rapports de production. l'inconscicnl Id éologique qui chemine souterrainement pour construire
menee dans et par ces rapports. n n'exprime pas tnut un domaJne : le mondain ct ses archélypes.
chose. Il n'est qu'une modalité de l'échange, du rela·•---�• D'abord, la fixation : la mode. l'émergence de • la
Une figure spécilîque de l'information et de la co,mnou,,ica-1 I'Ulsion •· Brutale. soudaine, imprévisible. Spontanhe. Sur­
tion. IS
IJ Sement d'un geste, d'un signe. d'un groupe. Une belle
Et la circulation du message est très visible. inomédia f orme est née. Un style, un genre. C'est la forme - belle ­
au premier degr�. étalement phénoménologique sans d'une symbolique de l'échange ; l'expression et la commun!·
tère. le contenu du message est aussi évident, aussi 'ation d'un groupe très s�lectif. Alors la difJusion est
ment sociologique. Aussi, le libidinal, le ludique, le mar"inal Immédiate, fulgurante.
sont immédiatement définissables. leur su•·gll>seme � mode est une dynamique de groupe. Mais très
lixat10n, Jeur Statut, leur U$8ge1 leur Ul>iOUnliiUTl particulière. Son implantation est ce moment où l 'échange
sance et excroissance peuvent être situés dans l'e111Sc:mlble tlu groupe est l'acquisition d'une nouvelle [orme esth�tique.
d'un parcours connu. Celui des pratiques, des usages, l.a quelle forme s'use très vite. se démode, car elle n'est que
coutumes de la vie quotidienne. la f orme d'un moment. Celle de la promotion de vente d'un
Il ne [aut donc chercher ni derrière, ni avant. ubjet, d'un signe, d'un produit qui tombe ensuite dans la
dessous, n i en dessus. Ni à côté. Mais dans. Dans les ra[ID<Jl rui •onwmmalion courante 1•
la mode est devenue nécessaire à l'économie de marché.
Et c:ela est valable pour tous les produits de l'échange. En
1. L'antépr�dicadf et lt nfo.nominaUsme fOnt les deux fondt'ments particulier pour ceux du libidinal, du ludique, du marginal.
1'actue11e l �
modetnhé, pour propo$er un neo-po5itivisme. C'eJt h• P� :,1g���:�! �1:�;�;\�
loa:le. Celle que \lchi<:uJ.ent les scien(;er. humalnb de

ale des adversaires, avoués ou p.-.s. du matériaH$me hislorlque .


l.t pour leb produits culturels (nous le verrons plus longue·
ment lorsqu'il s'agira d'établir la signification ontologique
n'est pas dans et par le pro<:h de production. Mal, avant ou ou:,� <SI UO. de l'échange dans l'économie de marché).
Avam l'histoire ct dant le slane. Au$Si mettronJ.-nous dAns le Ponc, la mode : l'identification de la pulsion. de lu
H1.1sSerl, Heidegger, Uvl·Strâull, Lacan� les fteudo·m8tXI&ltS, o
F:
t•o�����
Barthes. et<:. Et même Allhullcr. •urtout Ahhus�er (Cl. la pr61tt<l de
tr te Code). Dans le trobi�mé Hvre de ce crait6 de la soclal·démocrade
ferons Ja synthèt t de nos critiques. 1. De le bwt�que P\IX antnds maaa!\:{nJ tl lUI( &randes Surfaces.
182 183
lixalion, du transfert. Si pulsions de la psychanalyse il à un moment, les cheveux longs permettent. sans long
avait, elles se fixeraient et se tran sféreraie ...tn i � �; ���:
� ;:;� de supplanter un rival ? Et pourquoi, à un autre
ment en cette première formalisation de la o n 1. 1noment, c:e même signe est devenu anodin, anonyme?
libidinale, ludique, marginale. Dès le principe, elles umment les jeans ont pu être un signe de nonoonformisme,
draient la forme et le oomenu de cette figure sociologique •mi-institutionnel, contestataire même, et devenir le signe
la oonsommation mondaine. mtme de la banalité ?
La ph�noménologie du mondain, celle que Quel est le rôle de l'oubli? Et son cheminement soeiolo­
proposée, montre bien qu'il ne peut y avoir de l•<tue? En fait, la mode en exil de sa gloire, endehorsde son
sens de la libido que par des figures d'incitation idéolcogi<tue mument, n'a fait que déplacer son centre de gravité et
Et que le ludique, le marginal, le libidinal - t'ln�taller en d'autres territoires. Si elle a disparu de la
contenu - ne deviennent que ce que cette ohén,omoén.ol<>llil "'ème mondaine. si le groupe qui l'a implantée s'efface et se
devient. L'efficience, l'actualisation, la sation dl�sout, c'est que son message a pu gagner une audience
libido ne sont possibles que par le mondain. Et à mesure tll<'ore plus quantitative et qualitative. Selon l'extension
cette libido se développe, se conquiert le pouvoir du quantitative d'un uut•·c groupe (banalisation et vulgarisa­
dain. (Pouvoir tel qu'il soumellra même le politique et tion du modèle) et selon l'extension qualitative de la
culturel.) lurmalistltion (esthétisation des beaux-arts).
Constatons que la psychanalyse s'avère Incapable C'est une nouvelle application de la loi plusieurs fols
situer !:1 libido dans la phénoménologie et la logique �rrifiée : Je modèle sélectif, originel, se dédouble en usages
mondain. (Que peut valoir une analyse qui Ignore ce dt masse et en formalisation esthétisante. Pour deux nouvel·
tionnement fondamental de la soeiété libérale? Ses lo·s clientèles. C'est aussi le cheminement de la démode.
nismes, ses lins, ses moyens? Sa srratégie ?) Alors qu Alors que pour les obM!rvateurs superficiels (le discours de
théorie du mondain permet de rendre compte de tous l •ntelligentsia sur la mode) la démode est une fin. pour le
termes de la psychanalyse, démystifiés et situés dans théoricien du mondain die sera. au contraire, le oommence·
rapports de production 1• ment d'une dynamique de oonquéte d'autres espaces. d'au·
Le deUldème moment de la généalogie de l'inconscient tres populations : l'esthétique d'avant-garde et les usages de
la démode. C'est l'oubli. Le refoulement. Après la filu1tic•n, masse.
l'éclat, le travail du deuil. Et ainsi. ailleurs, le rerllorcc,m.enl Mals elle n'est pas reconnue. Elle chemine masquée, en
de la marque apportée par la première actualisation li •'étalant au grand jour. La mode se camoufle sous la
nale. Tout un travail du négatif. démode. Ainsi renlorcêe, dilatée, cette double expansion,
Etablir le cheminement de la démode est encore l'Xtension, est une double stratégie du camouflage ldéologi·
révélateur que de constater c;omment la mode s'lm que. Cheminement souterrain - de l'inconscient - ct en
Comment un signe peut supplanter un autre signé ? •urrace - les groupes sociologiques - de la consommation
mondaine.
Forme et fond, groupe et message. dans une relation
1 1\êpo'loni·le, il n'y a �"'' d'ant<'prc!dloatll. 1..<• puloloiU

d'implication mutuelle et de totale réciprocité au moment
1�r.��;\��:; �� de la mode, se dédoublent maintenant en deux dynamiques
aveu d� leur père spi.ritUêl, sont mytholoc iquès (au
idèa!Ualtl) Lts pulsions. c:'t$t l� champ du dè$îr OU\I<'rt par ta i
1 Incitations dtsordonlk!es •• m
.. h
ac in a..
l propooo'eo par d'expansion, de conquète. L'échange mondain investit d'au·
i
t'bnonllt de marc:h6. Pulsions qu deYJt111\ent fantatmtt par tres territoires. d'autres espaces sociCH:ulturels
..ltc:the d\.t mondain Et sous des formes, en effet, qui ne semblent plus être
Au nweau anth.ropologique. nouJ a\-ons euay� de monuw q\M �
• comme.nce • par le rythme. C"n
celles de la mode originelle. Ce sont des dcrl•es bien
1 la donnée p�mf�t't". qui cof'llicnt
pulslon comm� un é.J-rmcnt. une donnee con�litutive Cett lonque lointaines de l'événement étymologique qui s'expriment
r)'th� te dèfah que ta pulsion �t rait anarchi1te, dHordonMc. Non pas dans la formalisation et la massification On reconnalt
pQr S« propres qualités. mais de par une cxaJpfration tt une C'I.Jsure difficilement le modèle originel, historique, dans les raffine­
r)'thme aocial. Cetle: ternpot"alitê orla:tnellf - lt- rythme: - c•l la substanc-e,
ments sophistiqués de l'avant-garde. Et la consommation de
lt: pn.:rntcr Uen du bioloaique et du culturel. Ce que 1< corps veul reproduire,
répéu=r. Temporalité qui accueille et �r[e les incltacJuns culturelles 1\ ta masse semble trahir le message d'origine.
<.:ou.onunnuou llb1dinale. ludiqtJe. marglnale, Llchc11 uu IIUtilet. Mais ainsi, la mode s'est étendue jusqu'à obtenir les

184 185
C'Onditlons, objectives et subjectives, de la nouvelle Il faut donc écarter les banalités d'usage, celles des
Une autre formalisation - plus esth�tique - et un l ld,tol·ogiJes : la mode
• Eu:rnel Retour • ou la mode caprice,

receptacle - plus large, plus sociologique. Pour discontinuités accidentelles. La mode n'est ni cycle ni
faudra deux nou•eaux consentements. Des gens venus nlingence. ll faut aussi renvoyer à sa fonction idéologique
dcut. grou� op� devront se rencontrer 5elon k discours de Banhes . la modesigniliant ne signifiant que
conditions de l'expansion économique et odJ����·,!� ;� ; :� lul·même. C'est ainsi effectivement, qu'elle apparalt au
pri'Ci•C1J, pour constilUcr un nouveau gr
néité sera la nouvelle mode 1•
oupe d ont
�� � unsommateur de la mode. La pseudo-scientificité de la
lugoque des signifiants ne fait que dire la naive idéologie du
Alors b'opère une nouvelle sélection. Apparaissent onsommateur.
nouveaux groupements. D'abord hétéroclites, puis de La logique de la mode est dans le référent et dans le
en plus homogènes. Bloc syncétique lu t que •Y••meu1
r p ôt IIQnilié : dans les rapports de production. Elle est, dans le
que. Un collage. Et surgit la nouvelle mode : pfinclpe, incitation à la consommation mondaine, laquelle
phénoménologique qui lait la synthèse d'un r•t fondamentalement conditionnée par l'idéologie, laquelle
contenu I!OCiologiquc el d'une nouvelle lorme éStnelll5;m•eJ rwopose les con\lltions de la consommation des privilégiés
stylisante. Le même est devenu l'Autre ; avec du vieux on d1• sytème.
fait du neuf. Une mode. Une nouvelle séduction.
La mode est une progression linéaire des modes. Vers
C'est le troisième moment sociologique de la gé•�é
. la
,gi� <d() une finalité : la production de ses archétypes. L'accumula­
de l'inconscient collectif : la re-actualisation.
tion des modes doit permettre la production de la mode en
tion, aprè s l'oubli, une nouvelle actualisation.
wn essence. D'usage en usage, de signe en signe, la mode
ta fixation a été la mode. Son oubli, la démode. Et
nouvelle ligure, qui réveille. sollicite, relance la
originelle est la nouvelle mode. Et sans qu'il !>Oit n
������ou� doit produire les modèles parfaits de la consommation
mondaine. De mode en mode, d'oubli en oubli, le mondain
doit atteindre les synthè5es délinitives (les archétypes}.
dan� la nouwlle ligure, l'ancienne fixation. C'est ce
caractériM: cet inconscient collectif : à chaque coup c'est Alors le mondain a trouvé ses plus larges assises, son
neuf. Oc la création. De la spontané ïté. ruenslon maximale dans les groupements sociaux. En
La libido - et le ludique et le marginal - a d'abord même temps, la formalisation esthétisante a écané tous le$
fixée et di(fusée par la mode. Refoulée par la démode �léments contingent s. Elle a effacé les singularités d'époque
�·est étalée el approfondie. Pour réapparaltre selon une' pour exaspérer l es constantes. La geste mondaine s'accom­
grande exu�nsion et une meilleure stylisation. Autre. plit alors en allégories, mythologies. Actes parraits de la
L'inconscient colleclif chemine bien selon des .:onsommation mondaine. Ceux d'un mode de producllon.
sociologiques. La banalisation et la formalisation de la P..t qui répondent - en inversant les sens - aux actes
Hbido se !ont loujours selon des groupes sociaux. l'incons­ J!arfaits du PfOCès de production. Pour proposer l'autre iacc,
cient collcclil est une dynamique de groupe. Mals faite de cachée, dç l'<!xplolt:ltion de l'homme par l'homme : l'esthé­
discontinuités : celle des modes. Discontinuités qui révèlent tique de la consommation. Celle du capitalisme monopoliste
la profonde continuité de la mode, la profonde continuité de d'Etat. Le système a produit la beauté du capitali�me. Ln
la dynamique de groupe. La mode a cheminé par la démode marque prolonde du pouvoir mondain dan• l'inconscient
pour de•enir la nouvelle mode. Tel es1 le processus radicale­ �ollectif d'un mode de production (capitalisme monopolistr
ment continulste et finaliste de la mode. Les discontinuités d'Etat}. ta • sensibilité • accède à son plus pur message. A
des modes constituent l'homogénéi1é de la mode. un idéal vécu. L'Incarnation de l'idéologie.
L'honnête homme va sans doute juger cette démonslrn·
tion trop théorique et abstraite. Mais la conceptualisation
l Dan• lA Fr;WJI, '' 1.- � nous: fiVONnsa)f d'frabllr 1« lob de c;e�o doot savoir sc priver des appuis sensibles de l'inluition,
r�fl('<.ltllrn lâ dcn...e de l'eC'CUmulatlon en ea;t le heu, en rani quC" "ystème
puisqu'elle prétend établir des lois universelles et dénoncer
de p.-�nl� qu. r�nd compte aussi de. la crc>t&Sanct écorwmiquto Plu1icun
loi" uwd"rn:lcllt's converaent pour que se fas�ent ètl frivoles r� n
le
s abus idéologiques du sensible. Néanmoins, pour nider
contr
nt(t$�Air� • la ctoi.s.sanct: ec;onomiquc. et cuhurell� de t• bouracoiJic'�
c.f. l'honnête homme à se défaire de ses préjugés mondains,
frivoltt rl'fil qu'u1l mode du sérieux capitalts1e. nous lui montrerons quelques·unes des belle5 images qui

1�6 187
peuplent le nocturne de l'Occident. Icônes qui veillenl sur MH•ods artistes, pas tout à t'ait reconnus de leur vivant, qui,
rêve mondain et qui hantent l'inconscient collectif. •tne fols morts, tombent. el) • enfer •. que l'on oublie même,
Flash, fulgurance, éclair en notre nuit : dans le or.mtt• �� que l'on retrouve soudain à la une, sur huit colonnes,
cule bleu, le hippie chemine, guitare au dos. Sol tocJuvelles idoles des jeunes, leur tombe devertant alors un
mépris. Au.delà de l'oubli, celui qui a osé le rêve impossible lieu de pèlerinage cult11rel tan4is que leurs œuvres s'étalent
le grand silence. El sa musique. i
tl�ns les musées nat.onaux . La crise permet l'ul!ime
Autre archetype du rêve libenaire de la soc:ial-dénJoc:ra• •lt'mode. Celle qui consacre la mode.
tic : sur les barricades, en jeans, baskets, treillis, chevc�u• Modèle de consommation, Imagerie de l'avant-garde,
long� ruisselants, estampe estompée par la fumée usage de masse ont cheminé dans l'inconscient collectif pour
grenades (défensives), Oou artistique, le sable sous le pavé, ,.1re consacrés en fin de service, mytbes de la m6dernité.
pavé à la main, l'étudiant brave les CRS. l}uelle promotion mondaine l 01.1e l'imagination prenne le
Autre icône du système, figée, décomposée, hiératisée puuvoir? Hélas, cela est fait depuis 10ngtemps. Triste
ses fragments psychédéliques : l'adolescent(e) se libère oéalité.
les {ulgurances du rock. Corps cambré, rythmé, dé<:onplo�x � Ces archê!ypes sont la super-production du système : les
En transe. Pulsions et désirs d'une jeunesse qui • � modèles culturels parfaits de • l<t société de consomma­
système b. lion •, société de la consommation mondaine : libidin<tl<:,
• Planètes des jeunes. • Le capitalisme est devenu lttdi'lue. marginale (nous verrons, en \ermes politiques et
grand imagier. L'usine du prêt-à"rêver. Utopies l!at·anuct .-ult11rels, que ces archétypes sont les à�légories représentati­
increvables. L'honnête homme, qui s'appelle nuance, cet vos de l'idéologie freudo•marxiste de la nouvelle social­
du libéralisme et de la restriction mentale, qui <lémocratie).
d'accorder, en gros, et de tout reprendre, en détail, va Leur per(ection témoigne de l'apogée du capitalisme
doute objecter qu'une.radicalisation outrancière gâte Il! 1110nopoliste d'Etat (de la phase d'ascendance). C'est l'ul­
de vérité contenue dans notre analyse. Nous m�li.n:tenons llme rêve de la statue de Pompidou (celle qui nous a permis
dil)mp de la sensibilité est totalement recouvert par _

�d': ���
de reconstituer la sensibilité de l'animation sonore et machi·
logie. Parce qu'il est devenu le champ de la c��: � flijle), C'est le grand potlatch d'une-part de la plus-value. Les
mol)daine. La libido, le ludique, le marginal sont l : modèles de consommation (autorisés par la S\lr'production
les véhicules de cette idéologie. L'ordre de'�lla=
��,���:: �� ·�: t•l le gaspillage) de la grande illusion. Celle d'un capitalisme
est totalement occupé par J'iaéologie de la s• � � la croissaoce sans pr<>blème. Beaucoup ont cru que la Fête
libertaire, ne fàl$8i! que commencer. Alors que c'était déjà une fin, de
L'honnête homme dira encore : • Le hippie, les 1eal\s, partie. €ertes, dès que ces archétypes ont atteint leur
chèveux longs, toute la panoplie sémiologique d une perfection et alors leur existence (puisque la perfection
taine contestation venue de Mai 68 ... C'est démodé ! contient l'existence) ils ont été refoulés par la crise. Mais cet
quoi en parler! la crise a remis toutes ces choses echec leur confère là gloire du nocturne : ils vivent dans
place. • Nous le remercierons de J'argument qui ret>lor"" l'inconscient collectif. Et ils attendent le grand retour du
notre démonstration et lui apporte même sa cot>cl:usion. rc:foulé. Hs sont devenus les grandes allégories de la liberté
Car la grande démodeuse des modes el même tlu libéralisme. Ils sont une promesse. Ils témoignent de ce
dain, c'est bien la crise. C'est elle qui a balayé les ctame:ur1 qui a pu être. Ce à quoi on a dû renoncer. Partiellement.
idéologiques et mondaines d'un certain Mai 68, que le Provisoirement. C'e�>t aussi ce que l'on pourra refaire, en
Juin des travailleurs avait déjà remis à sa place. Mais mieux. Si la social-démocratie gère bien la crise.
brutale intrusion du principe de réalité autorise le
refoulé. Elle permet de reconstituer· ailleurs, dans l'ino:o�ts· d) La mode rétro, ultime en.c/os au Pam/ti:m
é des arc/tétypes
cient collectif, la par[aite esthétique de l'idéologie.
loules ces images deviennent alors parfaites : arc:héttvnes. Le système se clôt sur et par cc Panthéon des archétypes.
côn$ommatlon mondaine accède au Panthéon des m'tthol<,. Bt il s'enclôt par la mode rétro. Dès qu'il atteint la
gies. Si la mode se démode, c'est pour que ces ar<:bétYI>CS perfeçtiol). de ses mythes, il tirelepont-levis sur les sensibili­
règnent dans l'inconscient collectif. Un peu comme tés des époques antérieures. Il ne doit pas y avoir d'autre

188 189
mémoire que celle du système, celle du capitalisme mrmn.,.. de l'existence, doivent être soumis au monopole­
list� d'Etat. C'est l'ultime moment de la catégorie -du modèle de la consommation mondaine.
daine, celui de son impérialisme hégémonique. l.a mode rétro permettra d'e>tprimer le signifiant mon­
Ce moment nous semble avoir été celui du disco. ln du néo-<:opitalisme dans des [ormes culturelles pour­
pouvoir mondain s'est étendu, étalé jusqu'à recouvrir nt radicalement differentes. Formes qui semblaient s'avé­
mond�. Le disco. radicale vulgarisatoon du r v thm e ""IP""' ' Irreductibles. Et qui pourtant seront marquées du sceau
liste, d'un rythme réduit à n'être plus qutune sc:ms.to� • pouvoir. Celui de ln nouvelle • coloniution • culturelle.
binaore mécanique, a eu une audience universelle. Ce lut modes, n'ayant pu �trc liquidées. seront conservées et
phénomime extraordinaire : la pr�mière immédiate 1••me • rénovées •· Pour être soumises à un autre code
dialisation d'un modèle esthétique, d'un canevas musoc;ao uhurel. Entreprise d'une très subtile perversion. Il sulflra
New York. Paris. Mais aussi à Moscou. Tokyo, "c•ouJI"o lun très léger lnlléchissement, d'un glissement, d'une
Partout. Dans le moindre bled. Son implantation ollllractiou,
d'un oubli. Alors un seul signifiant mondain,
lul11urante, en quelques semaines. Le néo-càpitalisme •llusif même, permettra une 1 radicale inversion de sens.
prouvé qu'il peut maintenant imposer - par les
immédiatement, totalement la forme culturelle qui •
n::·���,;: l'h�nomènc classl<jue, banal, celui de la rêcupérnllon.
Le rétro va donc désigner la mode ennemie. Et feindre de
le plus parfaitement le conditionnement nécessaire à 1 •dopter. Pour sc distancier malicieusement. Pour se
consommation mondaine des masses. La sensibilité l··marqueren affectant d'imiter. Une nuance, ce rien qui fait
devenue un mode d'emploi. Et cela au niveau pllmé·taire. utre, diHérencc seulement �rceptlble des initiés. ralflne-
Phénomène d'une portée incalculable. notnt sélectif, permet, dans la sémiologie même de l'ndver­
Mais cet impérialisme totalitair� du n
rencontre encore des ilots de résistance : le
:�:� !�':,
sauo.-..
'r uore, d'ironiser sur le gestuel d'une autre époque-
La moquerie ne semble s'adresse-r qu'à certains signes,
. •
venues des modes de production antérieurs Car clunt on met en exergue la naiveté, la platitude ou la
toujours à,
l ces modes démodées par la mode du cajpnansmte, ...,dondance. Mais ainsi est dénoncé tout le vécu que ces
monopoliste d'Etat. Le chiffre de vente du musette, Isnes révèlent. Celui d'avant la modernité, d'époques sans
l'accordéon, de Tino Rossi est loin d'avoir baissé. Marne au u$ages sélcctils, raflinés, sans modèles sophistiqués. Sans
moment de l'apogée du rock. On relu.sait du monde vèritable consommation mondaine. Sans l'extraordinaire
Châtelet. L'opérette a toujours une Immense audience. pouvoir autorisé par le modèle de consommation du néo­
tango lait toujours des ravages. '"pitalismc.
Des modes d'antan, ce qui suscite la haine -cachée - de
f)utant de po·uuves de la permanence de sensibilités
ln mode r�tro, c'est leur sériéu)<. Celui-ci est insupponnb)e à
autre$. Diflérentcs (mais alors réellement dil!ercntcs). Et
l11 frivolité de la nouvelle t"nsommation mondaine. Cè$
autant de menaces pour le monopole musical du néo­
modes témoignent d'une libldo, ludlcité, marginalité grnves.
capitalisme. Car non seulement ces formes de sensibilité
Ces choses-là n'étaient pas encore devenues des produits de
témoignent de J'opposition farouche des vieilles générations,
çonsommatlon, la promotion de vente d'un mode de produc­
mais aussi de la résistance de certains éléments des nouvel­
uon.
les &énérations qui renâclent, hésitent encore à se soumettre
Ces modes d'aman expriment des traditions populaires
au rythme de l
a machination sonore. Et qui cherchent
qui sont des formes de résistance aux incitations de l'indus­
d'autres formes d'expression.
trie du plaisir. à la consommation mondaine du libidinal, du
La mode rétro permettra de colmater ces fissures et de ludique, du marginal. C'est l'univers du jazz et de l'accor­
juguler définitivement ces témoignages des traditions popu­ déon. Et nous avons vu que, en son principe, la mondanité
laires. La formalisation esthétisante produite par le capita­ du néo-capitalisme était leur perversion. leur récupération.
lisme monopoliste d'Etat va s'exporter. Et occuper les La mode rétro ne lait que clore la boucle.
autres territoires de la sensibilité, ceux qui résistent encore La facticité mondaine s'insurge d'une telle crédulité. Elle
au monopole. Cette expansion hégémonique du mondain dénonce ce sérieux. Cette bonne foi. Aussi, sous prétexte de
dans la sensibilité est comparable à son expansion dans le retrouver cet univers perdu, on le recouvre de signes
politique et le cultureL Toutes les catégories, tous les sophisliqués qui dénoncent sa naïveté, sa lourdeur beso-

190 191
gneuse. L'extraordinaire système des signifiants mcondaia
du néo-capitaUsme va proposer des deuxième, uu'•»•m•
quatrième niveaux de lecture et d'usage du tCltle origi
.
Nouveau code d'une consommation mondaine raffinée, C. - LE PROSAÏQUE DU MOI:OAIN :
braie, agressive, terroriste. Consommation amusée ct LES NOUVELLES COUTUMES DE MASSE
sante d'un mode de production aux sentiments et ET LA CASCADE DES SNOBISMES
révolus, d'une bonne f ol de péquenots.
Mais il est essentiel de �omprendre que ce mépris
objectif. Il est dans les formd, les signes. C'est une struc1u� 1 Le droit à la différence : la nouvelle blérucbie sociale. -

culturelle. L'objectivation d'un processus. Une résu La ali!JIIIaril' : le signe d'un genre
L'usage de cette lorme culturelle est un usage • objectif •
mépris amusé. Il ne s'explicite pas en sentimenu. Cela Après l'idéal, le prosaique. Passons à l'ordinaire de la
tellement de soi. Ce serait inutile. C'est une époque cmsommation libidinale, ludique, marginale. Celle qui se
s'adresse à une autre époque. 'Les individus ne font que d•tache du modèle sé lectif originel pour se banaliser, se
cette dif!érence radicale, objective. Ils consomment ulgarlser en consommation de masse.
mépris indifférent, si l'on peut dire. Car la différence Comment définir la systématique des usages mondains?
tellement radicale que l'on peut s'en amuser sans roëme Ouel est le processus de l'implantation dans les masses?
rendre compte de ce qu'elle signifie. Quel critère proposer pour une classification? Le droit à la
La plus extraordinah·c réussite du système, son aèl1ève• dilrérence - ce f ameux droit à la diUérence revendiqué avec
ment sera cette mauvajsc foi : l'ignorance 1u111 de passion par les dqètrlnaires du libéralisme - va
l'intention objective. Elle va autoriser un né<)·p,at•�r�oaliisnle! l't'rmettre de sîtuer les nouvelles hiérarchies sociales. Celles
rétro. Celui qui se scandalise du pa1ter11al,lsrroe du potlatch de la consommation mondaine. Différences qui
degré, raciste ct colonialiste, de papa. La rn.etc•r•c•ue ur1t fonction idéologique de • dépasser • les hiérarchies du
casuistique mondaines vonl proposer un procès de production : les classes sociales. Droit à la diffé­
renouveau de l'idéologie du • bon sauvage • qui a rence qui prétend rendre subsidiaire le critère de classilica­
l'Idéologie quasi or!iciellc du paternaüsrne çOIOnialiste. El liOn selon CCli clu$e$�iales. Des stratificatioos d'une autre
belle âme mondaine surenchérit même sur cette idê!ol<)gi•e.! tpoque, révolue, nous dira-t-on.
Alors que papa voulait faire du • bien • à Nous avons déj à constaté que les diiiérences définies par
prétendait lui apporter le frogrès, le fils contestataire Ir procès de consommation n'étalent que des corporatismes
voudra, lui, con$erver intact cette bonne nature. Car lieu de consommateurs. Le droit à la différence se révèle n'�lre
anthropologique, ethnologique, archaïque, de la substance, qu'une stratégie de diversion, de séduction, d'intégration.
du rythme, de l'harmonie préétablie. Ce que la vilenie Bt comment ne pas ironiser sur ce droit à la diH ércnce,
colonialiste et le progrès polluant n'ont pu en1amcr. puisqu'il se ramène, en définitive, au droit d'imiter? Il n'a
Cette idéologie du bon sauvage est l'idéologie du retour de réalité que dans la mesure où l'individu s'intèjlre à un
aux sources qui au·delà du rétro enrobe la consommation
, aroupement. Ce sont des différences corporatives. Des res­
mondaine de l'Ineffable bonne volonté de l'idéalisme moral. ..cmblances, alors.
Idéologie de l'archaTsme qui fonde l'esthétique de la moder· Certes, ces di(férences se modulent selon toul un système
nité. Que l'indigène reste aussi merveilleusement simple et de variantes. Du libéralisme traditionnel à la nouvelle
pur 1 Qu'il ne soit pas. lui aussi, une victime du progrès. ,ociétê. De celle·ci au libéralisme avancé, à la radicalisation
Nous verrons, au niveau politique et culturel, les modalités de la société permissive. Du libéralisme avancé au triomphe
de ce néo-colonialisme écologisant. politique de la social-démocratie de Mitterrand. L'histoire
o·écente propose un extraordinaire cl:wier de diHérences. la
stratificatiOn de trois régimes.
La redistribution du modèle selon ces dif[érences s'est
alors tellement affinée, perfectionnée, personnalisée qu'il
semblerah que l'on ne peut plus le reconnaître dans ses

192
usages. La dillérence, vraiment ? Une originalité telle (rt égalitarisme de la dillérence autori:.e un autre
l'individu pourrait être radicalement autre? mc de hiérarchies. Alors qu'il pr�tend dépasser les
Il n'en est rien. C'est tOUJOurs le même standard. hies de classe5 Il les renforce par le� hiérarchies
même signe, le même groupe, le même modèle. _, �;
1

t
1 �ê ��c�A� c haque moment, un signe signifie barrière et

différent que soli l'usage, il n'est possible que dans I V• d des diffé•·cnces. cascade des mépris, cascade
dynamique de groupe, en référcnèc à un ensemble. Et dan> la hiérarchie • horizontale • du
Nous avons atteint le paradoxe même de la m<m<unm• mondain. Chacun snobe l'autre dans la mesure où
Sa cüff�rence est l'imitation. On est un individu re peut l e snober. Le pouvoir de snober c&l consenti à
mesure où l'on rep�sente un genre. On est singulier . qui consentent à se faire snober. Ainsi e�t-on dilférent
l'on est le signe d'un genre. Le mondain est ce procusus elle guerre des �ignes mondains, aussi fèroce qu'elle
valorisation de l'individu par le genre. Il autonsc ce � joue dans le même consentement au mondain. C'est
usurpation narcissique : dire n'être que soi-même alors guerre froide idéologique dans le contexte d'une roexis­
l'on n'est qu'une résuhante de l a dynamique de groupe, paclfique. Chacun vit sa vie. C'est un snobisme de
copie conforme. Et avec quelle suHisance métaphysique ce confor·
Ce qui est l'essence du mondain est aussi la diHérence sociologique sera revendiqué : l'individu contre le
social-démocratie libertaire. Le standard est vécu co�nm wnem•e. La libérallsation du libéralisme doit être vécue
J'originalité. L'individu se singularise dans la mesure ou
s'intègre à un genre. La proclamation subjective n'est que
::�:�:�1111:a�;c�;o
nquête de la liberté. L'idéologie néo-capitaliste
son but. La révolution du libéralisme sera la
ratification d'un groupe sociologique. Et plus oo est le at•·olution. Celle qui a mis en place la social-démocratie
genre d'un genre, plus on se croit M>i-même.
Tel est l e jeu de la diffé•·eoce : le plus grand écart
modèle est la sup1·éme ratification du standard. ._nnolJ�
proclame une singularité qui sc rcconnalt et s'affirme par a. Les trois piliers de la civilisation capitaliste : la boîte, la
signes d'un genre. Le néo-capitalisme a privatisé ..
ade, l'animateur
outrance : la diflérence. Pour produire ce modèle standard
l'individu de la social-dé!IlQÇratie libenaire. Un genre
·

Les trois piliers du système : la boite, la bande. l'anima­


que. Celui de tout individu. L'indh,idu est un genre comme t�ur. L'âme du capitalisme. On peut imaginer un ethnologue
le genre est un Individu. ,1, l'an 1 00000. en qu�te de civilisations disparues, qui
Ce système de dHrérenœs - rappelons·le- doit aboutir ••·constituera it la société cap ital iste à p artir de ces trois
à la classe unique. C'est une stratl\gie . Le droit à la diHércnce lunctions. Celles qui permettent de reconstituer tout le
débouche sur 1� ressemblance d e tous les différents. La !lJ'tK:ès de la consommation mondaine. Et les valeurs de
classe unique sera la [édération de tous les corporatismes de ilmc mondaine.
consommateurs. Homogénéisation d'abord des couches Mnls quel moraliste de notre époque s'en soucie? Les
moyennes. Puis de la société globale. Le procès de consom­ ,.ienccs humaines ne les évoquent amais.
j La psychologie
mation imposerait ses valeurs a u pl"QCès de production. ,
1 � prolondeurs ne semble même pas soupçonner ces bou­
..
• Comme c'est curieux, comme c'est bizarre • ce para· •hes d'ombres du non-dit.
doxe du mondain : la singulari té en U>nt que genre! L'ani­ Alors que la boîte. la bande, l'animateur sont les clés de
mation de la statue débouche sur une intimité inLérieure qui la civilisat ion capitaliste. Les pivots de la &ensib!lité d'une
n'est que le pur reflet des mécanismes sociaux. Extraordl· epoque. Leurs usages sont la tram!! même de la libido dans
naire pouvoir de l'idéologie : imposer une subjectivilé les rapports de production. Ils modèlent un relationnel
machinale, aussi. ,�ché qui deviendra une nouvelle civilité. Quel extraordi­
Il y a là comme une grâce. Que le capitalisme distribue à naire parcours! Quelle généalogie :du modèle marginal à la
ses dévôts. Aux initiés. Pouvoir proclamer spontanéité créa· norme institutionnelle 1 Mais quel chercheur semble soup­
triee, conduite liUbversivc même, ce qui traine partout çonner ces évidences. l'extraordinaire richc'<oe de ces maté­
comme signes de genre! Le lieu commun est devenu valeur tiaux de la connaissance ?
privée. Le con[ormismc le signe de la singularité. Voyez l'animateur. Il est parti de rien. De la surboom.

194 1 95
D'un rien. qui sera tout : J'ambiance. Une boite qui mo.,.,.llu ruposent les • pulsions • comme étant à l'origine du
c',est une boîte où • iJ y a de l'ambiance •. Ce petit parcours libidinal ! Des entités abstraites, imaginaires.
d une bande a fait une grande carrire è . Sa fonction a nwthologlques à la place du rormidable appareil d'incita­
un fabuleux déploiement. C'est lui qui préside aux dest
lions esthétiques, économiques, politiques du néo<aplta·
mondaines (animateur de club). C'est lui qua va maîtr iser lr•me.
media. C'est lui qui deviendra le nouvel éducateur. C'est La psychanalyse est bien le couronnement idéolosique
qui dlrlse le marketing et m!me le service de vente du du système. Elle parachève l'entreprise d'occultation de la
capitalisme. Il fait aussi les révolutions, à l'occasion ualité. Alors que • l'inconscient • s'étale au grand Jourde la
Bendit). Les p arti s politiques ne peuvent plus s'en h•nalilé quotidienne. Réalité que L'on ne doit pas dire, qu'Il
C'est que la bande est arrivée. Elle s'est élargie 1.1ut feindre d'ignorer et qui devient ainsi • l'inconscient •
o cuper les rapports de production. Et dans les postes .te la psychanalyse, inconscient de J'inconscient.
7 COmment peut·On ignorer ces évidences économiques,
d1rection du système de production et du système
consommation. Tout est lobl;>y, mainmise de groupes. 'ullurellcs, morales révélées par la catésorie du mondain?
. Surt111.1t lol"8que l'on se propose de soigner une névrose
pes de press•on ct rapports de forces de groupements. <ombien objective, surdéterminée par la surconwmmation
bande, tout un arrivisme social occupe les postes de leader-.,
de managers, de responsables. mondaine. La psyehologie des profondeurs devrait avoir ln
L'aJTivisme de la bande (cl. le 3° niveau de l'loi profondeur de remonter ilia surface. Là où cela se passe. Au
mondaine) complète J'arrivisme par le système de Darer•� arand jour (celui des lumières tamisées). Mais comme la
(cf. u Frivol� tt le Sérieux). La dynamique du libéra11isme J'Sychanalyse a convaincu tout le monde que la vérilé de la
au confluent de ces deux dynamiques de groupes. <haïr est cochée et Inconsciente, il sufrit à la libido capita·
nouvelle bourgeoisie encadre la modernité. Pour A'"·""­ liste - et à ses moyens d'expression et de diffusion - de
rénover les entreprises traditionnelles. Selon de no•uvoell•"' •étaler au grand jour pour être isnorée.
méthodes de gestion (public·rtlarions. etc.). Et
modeler toutes les nouvelles entrepr ises du
quaternaire même. Selon les nouveaux besoins de 3. Les niveau de la consommation mondaine
trie du loisir �� du plaisir.
L'animateur est le médiateur entre le système a) Régine et Cosrel
que la plus.value et le système qui la consomme t"''"'AI'I·-�
ment). On le retrouve à toutes les charnières : Une clnssilicatlon des usages mondains sera possible
de la
grâce aux déterminations apportées par • les différences •
production, celles de la consommation, celles du passage de
ct les • piliers • de la civlllsation capitaliste. Ln nouvelle
1� production à la consommation. C'est lui qui met l'ldéolo-
8•e en acte. En acte de commercialisalion. Il est le mêtlér de hiérarchie soclale - celle du mondain. celle de la consom­
l'idéologie et l'ideologie de ce métier. mation - eut sc reconstituer selon les spécificités de la
p
boite, de la bande. de l'animateur. Les signes des di!rérences
1! est ainsi le grand révélateur. La dynamique de son indiqueront l�s particularités d'usages de groupes homo­
rnét1er l'év�le la dynamique de l'idéologie. Et en dernière
analyse la finalité de cette idéologie. A quoi sert-il ? A quoi gènes.
sert, en dernière in�tance, le capitalisme ? Pourquoi cette Nous proposerons trois types d'usages de l 'lll;age stan·
imm�nse complic ité organisationnelle et redistributive? Ça dard : trois sous�nsembles de cet ensemble qu'est le mon­
sert a la consommation libidinale, ludique, marg inale. Aux dain. (Sous<nsembles qui contiennent des sous-divisions a
valeurs de la social-démocratie libertaire. A la consomma­ l'infini, de par le droit à la di!Iérence.) Trois ports de signes.
t!onmondaine. Comment? Par la bande, par la boite, par Trois prët·à·porter de la libéralisation des mœur�. Trois
. • continents • de la sensibilité néo-capitaliste Trois types
1 ammateur. Les lieux, les moyens, les lins de la mondanité.
Lieux initiatiques et usages quotidiens. d'usage du libidinal, du ludique, du marsinal.
Le sommet, lo base, l'entre-deux. Castel et Régine ; la
, Rendons à �es ha'!tS lieux de la civilisation capitaliste lièvre du samedi soir (ou vendredi soir) ; le Club Médlterra·
1 �o �mage q�.Ils mé r rtent. Puisque ceux qui se sont donné
m1ss•on de debusquer le caché les ignorent. Et qu'ils nous née et lbi�a.

196 197
La nouvelle gentry, aristocratie bourgeoise, d'abord. l honnê
t e homme va peut-être penser que notre descrip·
noblesse peut y être admise. Sur dérogation, natrcona,• e•t bien emphatique et encore une fois outrancière.
piston. Les clubs où l'on peut même snober ,., comment exprimer l'horreur spirituelle éprouvêe
princesses. Nouvelle étiquette, celle de l'arrivisme m<>n<ilall lk'•nrH le triomphe du prince de ce monde ? Aussi pousse·
C'est le gratin. Un pouvoir nollchnlant de matou� repus •n•·nous l'emphase jusqu'à l'allégorie. Pour montrer à un
avides. Des animateurs qui ont lait et défait les moeurs unnêtc homme réticent - car s'il ne va pas chez Régine ou
deux générations. Les grands modélistes. Et qui sc •Mt'l pe ut·êtr
e espère-t-il un jour être introduit ? - ce que
vent, élile suprême, locomotives un peu [atiguées l>1able a gagné.
consacrées. Jusqu'alors le mondain - le pouvoir du monde - se
La botte est devenue club. On ne reçoit plus des clien•111 heurtait à la grande allégorie spiritualiste, morale, éthique,
mais des amis. Et les amis des amis. Arnicale, asliOCiation le l'Occident : Richesse ne peut acheter Amour. Telles
corporation de la réussite mondaine. Desgens qui ont hticnt les limites du mondain, une opposltton lnsurmonta-
dai)S le spectacle, les arts du mondain (la chanson. hl' · Jeunesse-Beauté, lieu de résistance, de pureté, {ace à la
dnéma, etc.). L'Olympe du mondain, vassaux ct comrne1n. �duction de l'argent et du pouvoir. L'amour ne s'achète pas.
saux. Lobby de la consommation mondaine. Pabu Pl • qui sc consacre à l'or doit renoncer à l'Amour •.
accumulation des consécrations mondaines, des prestiges Mals avec la fabuleuse promotion de la Vedette, une
vedettes. "'"diation dialectique surgit qui permettra la réconciliation
Avec un noyau d'intimes, qui rêgentent le club. PntJvoif tirs inconciliables. La Vedette comble les aspirations mon­
dans le pouvoir, quasi occulte. Ceux qui ont !ail la ba daines. Celles dont nous avons vu la généalogie, et qui sont
devenue boite, devenue club. Trois moments de leur d�venues • inconscientes •· C'est-à-dire les plus intimes, les
visme, trois moments d'un terrible combat. Aussi sorlt·i'IJ plus profondes. La Vedette est un autre archétype du
comme de vieux briscard�. vieux complices qui en ont mondain. Des usages mondains. Il est la réussite même, la
vertes et de pas mOres, mais qui, maintenant, mc•nopollscmt perfection des aspirations libidinales, ludlqu�s. marginales.
le pouvoir mondain. Il est la &élection des sélections. On ne peut pas trouver
Quelle est la sous-boite de l'autre ? Car là aussi. et mieux. Il est l'essence même du mondain. Son statut est
surtout là, la • différence • est énorme. Castel snobc·t·il objectif. JI n'est plus une revend ication narcissique. JI est
vraiment R�gine? De quel droit ? L'établir serait faire constamment consacre par le plébiscite des media. La
progresser la connaissance • des secrets du grand monde •· Vedette ne cherche plus la reconnaissance. Elle est poursui·
ce caché révélateur des pouvoirs du prin ce de ce monde. vie, traquée par ses admirateurs, par les fans. La gloire
Clubs de J'olympe mondaine. Pour des festins de princes. l'importune, trouble sa vie privée.
Les invités ? Les grands de ce monde :la Jeunesse, la Beauté, l,.cs grands club� autorisent la rencontre, hl reconnais·
la Jet-society. sance et les amours de Jeunesse-Beauté et de ln Vedettè. La
Fabuleuse sélection. Extraordinaire concentration des séduction du monde séduit même les incorruptibles, cor·
pouvoirs. Quatre élites, quatre petits princes de ce monde­ rompt les mythes, bafoue les allégories, dénature les contes.
Jeunesse, Beaut�. Vedette, Argent - se sont donnés rendez­ Amour lui-même, qui avait pour mission de résister au
vous pour refaire l'Olympe. Celui du capitalisme. pomoir mondain, qui devait témoigner de l'authenticité
Nous prétendons qu'en ces lieux, en ces clubs, règne un d'une pulsion amoureuse Indifférente aux prestiges du
pouvoir turible. Ce pouvoir est même un terrorisme, cdui pouvoir, succombe devant la réussite sociale. Les nouvelles
de la désacralisation. Car ce sont les lieux mêmes de la lin mythologies bourgeoises l'emportent : les media ont plus de
totale des tabous. Tous les interdits mythiques ont été poids que l'éternelle nllégol'lc. Celle que l'Occident avait
balay�s. Là, on a osé. On est ailé jusqu'au bout. On a pu aller inventée comme modèle culturel absolu. Prescription éthi­
jusqu'au bout. C'est le temps ct le lieu incroyables de la fin que : le cœur doit mépriser le monde. L'amour est celle
- vécue - des valeurs occidentales. En ces lieux, le liberté qui peut dire non au prince. Et choisir le berger.
capitaJisme atteint la perfection mondaine. Les valeurs Berger qui est maintenant le travailleur étranger 1 L'OS ne
bourgeoises - du libidinal. du ludique, du marginal -ont fait P8!. le poids devant ln Vedelle.
liquidé tout empêchement. Elles triomphent. Les civilisations de l'Occident s'étaient transmises ce

198 199
message. A partir des conflits mythiques de l'Olympe que 1 capitalisme - en son hégémonie - liquide. à sn
.•
civilisation grecque avait proposés pour instaurer ct · nl�re, ce système de reconnaissance, la psyché occiden·
nir la hiérarchie de se.s valeurs. Mythes repris par le Les grands clubs- Régine et Castel - ont promus une
jl
A e chretien : les allégories de la civilisation chevalerc:�Q'IM prostitutionnelle. Car la Vedette eM bien la
L �thique devenue esthétique. Le mythe féodal s'était aro•n<lle pute du syst�me. Le pur produit de la promotion de
longé dans le romanesque de la bourgeoisie : l'amour de l'industrie, du loisir et du plaisir. Elle s'est vendue
le long et douloureux travail de la reconnaissance u •uccès, au show-business. Aux valeurs culturelles des
danb le monde. EnHn ces catégories-�ternelles-··•••n'•·� �<dia. C'est elle qui conditionne les masses.
axiomatis�s en un scientisme petit·bourgeois : le Je, l!n ces lieux, chacun se prostitue au succès. L'argent
Cela, le Sur·moi. Et leurjeu abstrait sur une scène du u �i. D'abord l'argent : le producteur est à la remorque du
abstraite. Ultime stade d'une entropie. Tels sont les qua Investissement. Il lait la cour au succès qu'il ne faut pas
moments du parçours gréco·judéo-chrétien : quatre mome:nc nu•nqucr sous peine de faillite. Vedette et producteur se font
de la c:ulture de l'àme et du cœur face aux valeurs du mc1ndle. nlutuellcmcnt la cour. Quant à Jeunesse et Beauté, elles ne
La culture néo·çapitalistc a balayé cette 6tlllq•ue·est.hé•tl• 11vent plus à qui sc prostituer. A la vedette, au producteur,
que. A la place, j'Olympe des vedctLes : les loir es 111 metteur en scène, au journaliste, à l'animateur? li n'y
g
sunlights, des media, du show-business, de la publicité. oura de Beauté que reconnue, statutaire, codifi�e p;�r tous
la médiation de la Vedette, les élans du cœur et les oo•uv<>ini ca entremetteurs du succès. Peut-il )" avoir une Beauté si
d�• monde opèrent une monstrueuse synthèse. La M•rn••ntinn rllc n'est pas mise sur la scène du monde, si elle n'accède pas
mondaine altère l'inaltérable. Amour et Argent aiment ou pouvoir mondain, si elle n'a pas le rôle de la Beauté :
Vedette. Et celle-ci aime Amour et Argent. Il n'y a plus mannequin, artiste de cinéma, cover-girl, etc.? Que de
contradictoire. Par le truchement de la Vedette, tout l··ndrillons attendent que leur beauté soit reconnue par ces
monde - de cet Olympe -copine. Les termes allégolriquet princes charmants du mondain.
sont devenus des partenaires. Ils se partagent le DO'UVo)irl Commune dimension prostitutionnelle. Mais mondaine.
mondain d u capitalisme. Le grand tabou est Ille est un échange. Et non un achat. Elle n'a pas la brutalité
L'Olympe est devenue un club. Ce que le capitalisme peut de la corruption natve (celle du marchand). Elle témoigne
offrir de plus privé. d'une brutalitê encore plus terrible, car civilis�. mondani·
Ces noces monstrueuses des narcissismes du capitalisme .œ. Elle a valeur d'échange symbolique : elle est la trame du
sont donc la fin des valeurs occidentales. Celles qui avaient relationnel. Ce n'est pas un acte isolé. Mais le modèle
inventé la Psyché, l'Amour, la Femme. Inventions - laut·il ,J'usage. La corruption est telle qu'elle est devenue le signe
encore le répéter- incluses dans la Jojlique de 111
produc­ même de la reconnaissance.
tion, dtlns l'histoire des modes de production (de la fin du En ces lieux, l'argent n'�st plus un problème, ne doit plus
mode de production esclavagiste au mode de production être un probl�me. Il ne saurait être une linalité. Il est un
capitaliste, en passant par la nécessaire médiation du mode moyen parmi d'autres. Reconnu et accepté par tous. Cet
de production féodal). Valeurs, certes, des classes dominan­ univers mondain fait même de l'argent un moyen très
tes. En ce sens que le statut de la Femme et celui de l'Amour relatif. On peut ncc�der à son pouvoir par bieo d'autres
ont pu �tre extraordinairement privilésiés de par l'exploita· moyens. Plus prestigieux. Plus valorisants.
.
110n du seri et de l'ouvrier. La noblesse et la bourgeoisie Tous savent que l'argent est la loi. Mais loi qui doit
avaient fait de J'amour une praxis de classe : le s stème de composer avec les autres pouvoirs d11 mondain. C'est une loi
y
parenté qui garantit la reproduction des rapports d
e produc­ dont on se sert. Et qui n'est plus qu'une convention mon·
t•on. Mais alors l'Amour et la Femme, promus par la culture daine parmi d'autres.
de classe, '!Ont aussi soumis, aliénés par cette c:ulrure : il n'y L'argent est là comme par surcroît. Il n'est que le
aura pas d'amour heureux 1• (Sinon celui du mariage, du corollaire des mérites mondains. Un signe, une preuve. Mais
moment de la bourgeoisie de robe.) il n'est pas le but. Total renversement d'une idéologie de
J'argent venue du capitalisme de papa : l'argent qui achète
tout, l'argent du luxe, du noceur.
1 Cl 1.'l.!m ., 1• Coda. L'argent n'est plus qu'un des moyens du mondain. Le

200 201
potlatch s'est substitué à la th�saurisation. Le •u
n'est pa� d'acheter le luxe. Car le luxe est
�;e���::' .,.,,...
u .,
une pertectlon esthétique et idéaliste, ces clubs
l'autre perfection mondaine. Mais alors que les
potlatch : le mondain. Et l'argent n'est qu'un de sont une sublimation évanescente les clubs
ments, qui doit composer avec Vedeue, .feune�se. 1mois1nent d'une pesanteur matérielle qui s'abaisse jusqu'à
L'argent est fait pour être dépens�. Donc, il en faut, l)rostitution mondaine.
méprise l'avoir de l'argent car on exige son usage. Et Tels sont les deux bouts du rêve capitaliste. Ses deux
usage est purement mondain. 11
doit signifier, aussi, l!uctures d'accueil el ses deux systèmes promotionnels.
mépris des usages, par la mode. L'avoir en tant que tel encerclement par le haut el par Je bas, par l'argent et par
doit jamai� signifier. Ce serait une balourdise. Une ldtal. par le hippie et par la Vedeue, par la contestation et
goùt. Tr�� grave. Le signi!iant, c'est le mépris de pilr le succès. Les chemins du rêve partent en sens contraire,
Par la dépense, le gaspillage, le caprice frivole et CO'ùt�:ux I'J'Iaremment, mais convergent vers l'Olympe du mondain.
geste surprenant, improvisé, spontané. L v"'ll""'"'"'; O.·ux terribles escalades. Mais ceux qui arriveront seront
fastueuse mise en scène libidinale ou ludique. •rr,um•• umme des Dieux. Les idoles des jeunes. Idoles d'une
en des lieux inhabituels, populaires. Pour d'ironiques n.,uvelle civilisation.
amusantes provocations. Quête du bizarre, du saugrenu, Ces deux modèles de l'arrivisme mondain encerclent
cocasse. A tout prix 1• toutes les valeurs de l'opposition au système. Le rêve
L'argent nco compte pas pour les Dieux. Ils le m#nri...• apilalisle, son imaginaire, sa sensibiiit� rl:duisent le prin·
Mais ils en ont besoin pour le dépenser (Le sapeur �:: lpe de n!alité à n'�tre plus qu'un fantasme. Une menace
bert dit l'ironie des Dieux et la prétention du n lointaine. Celte de l'ennui, de la répression, du communisme
bourgeois). En ces mondes, tous savent qu'il faut de l'a •talinien.
On leur en a donné, ils save"t en donner. L'argent est Tel est le pouvoir mondain selon les deux promotions de
po1,1r circuler. Comme les belles femmes. Et ce n'est la libido, du ludique, du marginal, selon deux styles de vie
l'argent qui fait la différence. Cat· toute une multitude •tui peuvent mêmé prétendre se faire la guerre. Pour mieux
et veut donner de l'argent pour • sortir • les jolies 11!allsj:r leur encerclement stratégique. Deux modèles de
Mais ces gens-là ne sont pas admis chez Castel ou l'emancipation, de la libéralisation des mœurs, du vivre sa
Régine ou ne font pas partie de l'aéropage. Pas de v1e. Oeu�< loçomotivC$ d11 rÇve çppiu!liSie. Voilil le pQWqt4<>i
de prestige, pas de signe. Aucune signification mcmclaill4 du rêve. Alors que la psychanalyse ne lait que rêpondre au
Les courtisanes des vedettes se refusent aux riches. de quoi et de qui l'on rêve. La psychanalyse n'est qu'une clé
elles alors des courtisanes? Elles choisissent ceux des songes. Nous pr op osons la clé de leur réalité. Ce ne sont
gloire a choisis (et elles sont payées, de surcroit). Elles d
pas les mécanismes e l'usage individuel qui nous intéres·
partie du Club. Jeunesse et Beauté n'auraient pas suffi •cnt, mais la production de l'imaginaire social. Et sa
la reconnaissance mondaine. Autrement, elles ne ser'aie'n distribution mondaine selon des usages qui permettent de
que des michetoneuses de luxe. contrôler les deux entrées du champ social : par l'archétype
Que l'honn�te homme comprenne que le mondain et par le Club, par l'opposition à la réussite et par la
n'est ni le pouvoir de l'argent, ni celui du sexe, ni celui de soummission à la réussite. Cet imaginaire est bien plus que
jeunesse, ni celui de la beauté. Mais le meiUeur système le rêve et que l'imagination. C'est la réalité mëme de
leurs rapports. Leur promotion réciproque. Chaque l'Idéologie. La s -<l
ocial émocratle libertaire. en son essence.
sans les autres, n'est rien. La Vedette est le
suprême de cet ensemble. Par lequel chaque terme b) Le Cl ub Méditerranée er Ibiza.
plit. A la gloire du capitalisme.
De m!me que les archétypes - le hippie - ont Après la grande pr�trise mondaine, venons-en au mon·
dain à l'usage des couches moyennes. li se consomme au
Club Méditerranée et à Ibiza. Pourrait-on dire que le Club
M<!diterranée est à lbi7a ce que Castel e.t li Régine? Mais la
1 Felltni nt le Jnnd ima
ger
i de ce pollllchJOcial-dlmo<nllo Visconli.
• dilférence • n'est pas que de Lonalité. Le Club Médi­
au contrau"'t. ttmotrne <k l'
héroJ\mc qu'ett la rèsistance proa:rusi•1e ;.u
mondam. terranée consacre l'arrivisme des couches moyennes. Alors

202 203
qu'Ibiza représente la consommation de masse (de
couches moyennes) : un modèle d'usage qui dérive
toutes les stations de l'industrie du loisir, à la mer ou à
neige. • C'est snob sans l'être • ; c'est sélectif. mais tout
monde peut y aller!
• de thésaurisation. source de privation et d'austérité.
crédits de vacances. Usage de l'objet prêté. Louer
Usage de passage. Joui$sance sans s'embarrasser de
, de la possession. A la limite, l'avoir est inutile. De
!
1

Ce qui rend le Club Méditerra.née inimitable, l'a liberté se�uetle du Club Méditerran�. le modèle
d'avoir proposé le rituel initiatique à la cor1s0:m de )a circulation des objet.s est j\ussi celui de la
ludique, marginale, libidinale selon un sens exquis de ln·ulation des femmes : en user sans s'embarrasser de la
sensibilité de ces couches moyennes. Celles qui ont ..
�session. Partage démocratique de la jouissance. Parts de
promues par la dynamique de la croissance, des no\Jv�:au ouls5ance. Dans le Club. Entre membres. Car cet égalit<o·
secteurs el services. Ainsi qu'une fraction des classes
nes traditionnelles, reconverties au moment de l'asce11d;mc
du CME.
!l'me libertaù·e de l'usage est dans une propriété privëe
m icro-reproduction de la structure de la social-démocratie

Ces gens-là étaient en quête d'un mo d èle


:l,
du loisir, d'un style, d'un geru·e. Le Club l\ 1
�:� ft:;������ ��


,ertaire).
il
Cette idéologie ne fait qu'<Hargir, systématiser les
OIJ.duites définies au dernier niveau de l'initiation mon·
prop<>se alors un modèle parfait. celui • des gens duine (l'usage ludique des objets de la technologie avancée).
savent s'amuser •· La permission ludique, libidinale, 1c Club Méditerranée reprend çc moment en une industrie
nale sera proposée par la hiérarchie sociale. Elle ne sera du loisir qui est aussi une idéologie du plaisir. Ce qui était
une conquête d'intention transgressive. Mais un modèle un exercice initiatique est devenu une pratique, à la [ois
divertissement proposé par l'élite bourgeoise. Celui de banale et sélective, coutumes de masse des couches
classe sociale - ou de la strate de classe - située immc �dia· moyennes.
tement au-dessus. Dans Le Frivole el le Sérieux nous nous sommes deman·
La clientèle du début ' sera la frange inférieure de tlés lequel récupérait l'autre : ;rrigano ou Foucaul t ? Ce
grande bourgeoisie immédiatement mêlée aux franges dcmier est-il le service de promotion de vente de la nouvelle
r ieures des couches moyennes : professions libérales, "a<lr.-• Industrie du loisir ? Ou Trigano est-il Je disciple des philoSO·
supérieurs, chefs d'entrepris(:," Un lieu culturel corn phes de la libéralisation libertaire des mœun ? \(ain débat,
permet de rencontrer et même de fréquenter - cotnm:e avons-nous conèlu ear les deux ont coopéré, chaèun en son
Gentils membres - des gens enviés et admirés, t)umaine, à la mise en place \lu nouvel ordre intérieur : celui
Cette promiscuité mondaine est le modèle qui va awtori· de la phase d'ascendance du CME. l i laut à la fois préparer
ser la progressive démocratisation du loisir sélectiL les mentalités et proposer les infrastructures. Apporter une
deuxième moment, ce sera les cadres moyens, des torlctiort· i id�ologie et le modèle de son usage,
naires (enseignants) les • moyens • des professions libéra­ Trois caractéristiques du Club Méditerranée - l'élargis·
les. Puis dernière étape, l'ouverture du Club aux petits �cment • démocra,�ique • de la clientèle ; le libéralisme
employés, midinettes même, étudiants. Tout le monde peut permissif du libidinal, ludiquq, I!Tlargina l ; la cberté encore
envisager un séjoll'r au Club Méditerranée. sélective du séjour - préfigurent la • classe unique • -
En presque tous tes cas l'argent du séjour provient du classe moyenne - qui est Je pJ;Y.Jjet e�$entiel de la social·
métier et non de la ·propriété. Les nouvelles mœurs de là démocratie. Ces trois caractéristi�ues de la civilisation du
conommation
s moderne seront celles de la jouissance de loisir tendent à une massi!icatiolh du libéralisme et à une
nouveau;'( revenus. Tl s'agit alors d'un radical changement libéralisation des masses (bourgeoises). L'émancipation
du genre de vie. libératrice doit homogénéiser toutes les couches moyennes
Trigano a eu l'immense • mérîte • de théOriser cette selon le meme modèle promoti0n111el de J'industrie du loisir.
situation. La jouissance ne doit plus dériver de l'avoir mais Le Club Méditerrane � témoigne d'un saut qualitatif de
de l'usàge. Et il faut apprendre à user de celle jouissllncè. cette idéologie. Il est la mesure parfaite du ch�min parcouru
par la bande, le leader-animateur, la boite. Au commence·
ment des procédures d'initiation àila consommation (libidi·
l . Du dèbut de la mondanité c:t non pas du début dll Club. nale, ludique, marginale) l'aspect provocateur, transgressif,

204 205
subversif est essentiel. Maintenant l'intégration est ac•quiise, La bonne conscience du groupe, sa sarlté morale sol)t
La symbolique de rupture, symbolique Initiatique .tnns le dosage savant des activités du Club. La consommà·
SIJ.ge de la bourgeoisie Lraditi()naliste, vertueuse, éc<,nr•m••- ' tlon mondaine doiL enfin devenir totalement innocepte.
thésaurisante à la bourgeoisie émancipée, libérée, dé] l•
pêr �nos aucune culpabilité ni agressivité. Modèle parlait d'une
sière est, certes, encore maintenue. Mais selon des " " 'u"""'• 'IOCiété per�T,�issive et • responsable •• Voie royale c;le l'auto·
d'usage de la bande, de l'animateur, de la boite qui "'"''-''• � tstion du libidioal, du ludique, du marginal dans la social­
gnent d'une autre • mentalité • · d'un ardvisme tranquille, ,élmocrade.
sans aucune fébrilité, sans mau.vaise conscience. C'est la Aptès le Club, voici la libre cité de cette consommation
vites$e de croisière de la consommation mondaine. mondairle : Ibiza. C'est un pas de plw; vers l'émancipation
La subversioq a cédé le, pas à un aimable copinage ues masses bourgeoises. Celles-ci débordent enfin les d�ux
libidinal, ludiq1.1e, marginal. L'acte d'achat des services a modèles qui, en même teml?s, les subjùguaient et les
garanti ces usages. Et justifie la éonsommation. Elle e$t brimaient. Deux interdit$, deux blutages, Mais aussi deux
On est là pour • récupérer • ct • se relaxer •· Incitations.
Aussi l'animateur - l e leader de la dynamique de groupe Saint-Tropez et le Cl1.1b MéditeJTanée ont longteP\pS été
- se dét11che du groupe pour accéder à une autonomie un niveau et une barrière. Un exemple, mais ilnpossible à
fonctionnelle. 11 accède au métier et au statut de ce métier. Huivre. tln interdit, de par la cherté commune lill Club et à
L'encadrement de l'univer� du loisir est cehd du patefna· Saint-Tropez. Un blocage devant le terrible snobisme venu
lisme lorsqu'il vire au <;opinage. Le coodiHonnement ne doit de l'après-guerre, des profiteurs de la libération (marché
surtout pas être autoritaire. Mais hyper-libéral, permissif. noir, BOF 1 , etc.) du show-business-, des locomotives mytho,
La dynamique libe�taire d1.1 'groupe de consomq�ateurs logiques (B.B.). Blocage aussi devant le culturel et l'espl'it de
(mondains) rencontre la dynamique libérale du système Club.
organisationnel de l'indus.trie du loisir. Les deux s'identi• Ces in\libitions ont pu être levées de par un saut qualita­
lient en cette figure de l'encadrement. le Gentil Organisa­ tif et qual'ltltatil des couches moyennes. Expansion qui a été
Leur (GO) qui chevauche les deux intèntionalités et qui les celle d'un moment de la croissance (phase d'ascendance du
conèilîe. Fonction idéale de la social-démocratie libertaire. CME.). Un nouveau potentiel économique a auto•'isé une
(Idéal du système, principe de son autogestion.) autre gestion du budget de vacances. L'industrie du loisir· a
L'animateur - GO - doit réaliser la synthèse des su prévoir cette mutation. En particulier en E.�pagne qui
demandes de la consommation mondaine. D'une consom­ n'est. pas chère (proche et sous•développée) q1,1i est dépay­
mation paisible, arrivée. Le problèq�e n'est plus comment y sante (car sous-dévelopJ?ée) et gorgée de soleil (gat'anti).
accéder. Ce n'est plus la frénésie, la fébrilité transgressives. Un no]Jveau style de consommation mondaine esl
Mais comment la gérer. Ce n'est plus qu'un problème apparu. Sans locomotive (de boite) et sans animateur (de
d'emploi du temps. Club). Double banalisation de l'esthétisme des modèles de la
Car i l s'avère que la jOuissance ne va PliS de soi : son consommation mondaine. Ce,.x--ei se dégradent en quelques
usage rbvèle des contradictions, des incompatibilités. Les signes ponctuels. Cette consommation de masse ignore les
doctrines épicurienqes en témoignent. La Jouissance doit belles manières sélectives. Plus de tabous mon dains. La
être une économie libidina)e, une gestion, une programma. consommation se veut sans médiations, sans alibis, sans
tion, up dosage. détours. Elle est brutale et massive. Pa$ de temps à perdre.
Le GO doit proposer un équilibre savant de ludicité, de Cette nouvelle bringue n'a pourtant rien de commun
copinage, de libidinalité et ... de culture. Quatre entrées dans avec la bringue de papa, celle du ft:tard, du noceur en
le syst<lme de la jouissanqe, (inaliu! de la $oc.ial-démocratie smoking des années lolles. Car aussi dégradé que soit le
libertaire. Quatre options, mais aussi quatre tentations du modèle originel. aussi • libéré • que soit le consommateur
modèle parfait de la sociétê des loisirs. mondain (ljbéré même des usages séleçtifs) la jouissance est
Il est essentiel que l'équilibre soit maintenu. Car ces toujours �oumise à l'organisatiqnnel de l'indu$trie du loisir.
composantes se justifient réciproquement. Libidinalité oui,
car il [aul se défouler. C'pst la culture qui le dît. Ludicité,
mais entre gens qui save�t aussi s'apprécier et sympathiser. 1 . BeUI're, œuJs, fromage.

206 207
On doit prévoir, là aossi, un emploi du temps. Du nant, aux incultes du mondain. Il faut proposer de bons
permissif, cene,, mais régi par des prévisions de rer>ta'billit4 sig:ne:s, pour permettre au • plus demeuré • d'adhérer à
On ne peut échapper aux coutumes et usages qui ré�tisl>ent de la consommation capitaliste Il faut
o
une civilisati n. la populace, les troupiers du mondain, ses
La nouvelle bringue s'organise selon des
réltulati•o.­ t11dlaSl;es On doit les amener à une consommation de signes
ntces>aires. Comme au Club Méditerranée, Il faut plus •de• de tout contenu, à un gestuel si élémentaire qu'à c6té
moins équilibrer les quatres (onctions duloisir moderne k salut militaire peut paraltre un raffinement.
libldlnalité, culture. copinage, ludiclté. Selon des 1me11
lor Car le contenu libidinal, ludique, marginal est quasi nul,
d
certes égradées, mais cependant génératrices d'un cj�;i�� 1 on le compare au qualitatif et quantitatif de Castel,
équilibre, d'une certaine mesure qui témoignent, c
tive, d'une mailrise certaine de la consommation libidinal<ll
Régine, du Club Méditerranée, d'fbiza. Ce ne sont que des
•••stes. Ceux du [estin de la consommation monda ne offerte
i
et ludique. rar le néo-capitalisme. Mais ces signes semblent • accra·
Bringuer, oui, mais en copains. S'éclater, mals sans 1her • d'autnnt plus qu'ils sont rudimentaires, !rustres.
détruire (les drogués sont de plus en plus mal Ctttc consommation mondaine, la part du vulgair-e, doit
Ignorés). On partage les frais. Pourquoi ne po.s se oa:rtaszèr 1•rrmettrè trois opérations idéologiques. D'abord fixer les
l�s femmes. On se les passe, même, comme on se aonsibilités aux symboles de la consommation mondaine du
voiture. C'est les vacances. Ça ne dure qu'un moment. Il .apitalismc. Et selon les ligures les plus pauvres. Pour
en profiter. Il y a un impératif permissif de l'industrie rmpêcher ces jeunes d'accéder à une conscience politiqu e.
loisir Pour fabriquer des abrutis. Verrouiller les âmes et œurs. les c
Vacances mi-sportives, mi-bringucuses ; mi-tJDtainates Boum-boum et pam-pam. La sono ct les coups.
mi-copineuses. On ne se couche pas trop tard en pr.ev•s•on: Ensuite créer le besoin du libidinal, du ludique, du
d'une partie de chasSC" sous-marine. Trop fumer empt...:he de marginal. Sans le satisfaire réellement. Exaspérer l'envie et
bien plonger. ne pas laisser accéder au festin. Rendre impur sans laisser
Parfois, quelques regrets, en partant • Si ma lemme (ou consommer. Exciter la concupiscence et ne céder des que
ma maitresse) n'avai t pas été là •. L'année prochaine, on miettes. Ainsi conditionner une énorme clientèle au marché
s'organisera mieux. Mais déjà, auxsports d'hiver... a
du désir. Et prép rer une certaine intêgration des à masses
la social-démocratie libertaire du loisir et du plaisir. Inciter
cl La fièvre du samedi soir
u
A ne consommation idéologique, sémiologique, bymbo­
Castel et Régine, c'est permanent. Ibiza ne dure qu'une liquc.
saison. Un mois même. Apr ès, • ce n'est f lus ça •· • La
fièvre du samedi soir • (ou du vendredi soir ne durera que
La • violence • est alors la forme subversive ln plus
totalement int6grée au système 1• Et même son garde-fou.
quelques heures. Aussi le bal organisé par une association La • violence • joue un rôle de régulation interne, de
sportive ou professionnèile, ou la boite qui draine la jeu­ neutralisation r{:ciproque. Elle est une soupape de sécurité.
p
nesse lusieurs lieues à la ronde devront proposer, à l'usage Certes, le !lie est le symbole à abattre. Mais cela ne va pas
du vulgaire, un condensé explosif... Pour une consommation plus loin. Le système paie des gens pour jouer ce rôle. Ils
ultra-rapide, immédiate, brutale. Il fout en prendre pour la per-mettent de • se défouler •. de récupérer le mécontente­
semaine. Une bonne et grosse soupe pour les rustauds du ment au niveau d'une symbolique très conventionnelle.
mondain. Dressage sommaire : boum-boum ct pam·pam. Le De même, les leaders de la Mmocratie avancée jusqu'au
rythme et la • violence •· Et alle>:: vous coucher. permissif n'étaient pas mécontents que l 'instituteur et le
�s deux animations essentielles de la mondanité capita­ professeur soient eux aussi considérés comme de�
Oies. Et
liste, la bande et le rythme, sont reduites à leur plus simple que ladite • violence • puisse les atteindre. On se vengeait
expression. Leur commune linalité - la subversion - n'est ainsi, par loustics interposés, des budgétivores.
On déconsi-
plus que • violence • gratuite. En œs lieux, l'appauvrisse­
ment des signiliant.s mondains est radical.
J. Nous uallerons t�l loncutrnent du p r � de la vioJC'nc.,) dimll le
oblt"m
C'est qu'on n'a plus besoin de raflincr, on ne s'adresse livre Il o·inltlation polltlqu�). Il nous su
fHa. maintenant, de montrer un
r
pl vs à de' gens cultivés, à des groupes sélectifs. Mais au tout- rôle priviléat' de cene • violence •·

208 209
déralt la fonction publique et l'école lalque. Ou temps
maos. c'était l'action directe sur les petils chefs. Le sy•stèll(
propose machiavéliquement des cibles. En
bureaucratie et fonction publique, il justifie le • combat
2
du voyou contre la répression étatique.
Le nouveau régime saura-t-il comballre
une idéologie dont le laxisme tend à devenir force de
Les gauchistes qui sympathisaient avec les casseurs
ont volé au secours de la victoire socialiste vont-Us faire
auto-critique ?
Le système doit multiplier les défoulements sv:m�10U
ques. Pour Interdire une réelle prise de conscllc ,ce
Cn 'il ���c:;�� �
Cette vlolenc�. répétons-le, ne dépasse pas lac , �� i
symbolique. Elle a un rôle de catharsis, même. Alors que
frusu·otion de ces tatés de la consommation mondaine
l'agressivité qui en résulte vont atteindre. réellement
profondément, les petites gens.
Ceux qwsont aux • preml�res •· Car les
victimes de la violence (voir les statistiques) sont
l'environnement immédiat du pré-délinquant ou du
délinquant. On se fait lesdents sur les vieux, les fe� nm .es, Une nouvelle civilisation
Immigrés, les petits commerçants, les petits empl oyés.
sur la famille.
Mals il est essenliel de constater que la • violence ••
retourne contre le violent. C'est une guerilla
constante entre les parqués des nouveaux ghettos A. - SES PÉCHÉS CAPITAUX
nlsation pompidolienne. Ainsi une parfaite ne•utr·alisa:tion,
régulation. normalisation de ces nouvt'lles • classes aao!lc�­
reuses •· De par, justement, le libre jeu de ln violence. 1. Le mondain : la aenhe de son innocenee et sa valeur
Le • violent • rati[ie et préserve le nouvel ordre inté­ �plstemologique
rieur. .en portant la guerre civile dans son propre camp. En
acceptant de disputer férocement à l'autr<l lui-même le$ Nous avons voulu définir une dimension essentielle des
quelques miettes du festin qui servent de misérables appâts. rapports de production. Le mondain, Ce terme permet de
Mals comment pourrait-il échapper à la pression des circonscrire les modalités du procès de consommation qui
médie, au bourrage de crâne ? La • violence • est le geste et expriment au mieux la spécificité du néo-capitalisme. Le
l'image qu'il suffit de ramasser dans la boue Idéologique mondain est le Ueu même de l'expression idéologique. ll est
pour croire être enfin quelqu'un ou quelque chose. Dérision l'essence du système. Et l'essence de la social-d�mocratie.
des dérisions : la • v iolence •, le geste même de l'impuis­ Nous avons progressivement exhaussé une intuition en
sance mondaine, devient son dernier signe. Cette subversion une catégorie de la connaissance. Le terme - mondain -
est le meilleur g&-"3nt du nouvel ordre Intérieur. Et, noLis le est devenu un concept.
verrons au n iveau politique, elle permet de mobiliser les ri a d'abord été défini comme une phénoméoologie. Nous
classes mo1ennes c.radilionalistes, face • à la montée d e la avons montré les procédures de l'initiation mondaine. Nous
violence • . Pour un fascisme quotidien. avons proposé la systématique de ces initiations. Nous
avons ainsi établi la généalogie des nouvelles mœurs. La
stratégie mondaine qui permet de supplanter les coutumes
1. t.a lune contre: la violc:nce a été l'alibl de lA lat Pcyrdflue. de la tradition.

211
Puis nous avons proposé la logique du mondain.
fonctionnement de la catégorie lor�q1.1'ell� devient
nome. C'est un autre système. La catégorie a valeur nnén•­
toire lorsque la phénoménologie s'e$1 accomplie. LOrsooue
aystème. L'essence du mondain. Elle fbnde la • civilisation "
lllpitaliste. Elle est le • civilisé • de la nouvellê civilisation.
l 'Idéal et la pratique du système. Son <1libi, son projet, sa
vocation. Le néo-capitalisme a fabriqué, machiné, importé
l
nouvelles mœurs sont devenues cèlles du libéralisme ""'"""' QI exporté cette nouvelle civilisation. Et la sodal-démocratie
jusqu'à la social-démocratie. �st la meilleure gestion de ce système.
La catégorie a pu ètre définie comme une phén•omtenol<>-: La caté!iorie du mondain - elle seule - permet de
gie et comme une logique. Deux systèmes de uetcrnu1n�,u•"•• révéler l'impOsture, la mauvaise foi, le mensonge de cette
- complémentaires, unitaires - des modalités civilisation. Elle apporte l'aJ?pareil épistémologique qui
consommation mondaine autorisée par la société c•vue. 1évèle la stratégie du néo-capitalisme. Elle autorise l'homo­
,
C'est dire la fécondité de ce concept opératoire. La caté�rorie ation des multiples modalités de réalisation de l'idéo­
tténéis
- le mondain - a permis à une intuition logie (corporelle, culturelle, politique). Le mondain est à la
l'appareil démonstratif que nous venons de proposer lois un lieu synthétique et un moyen de réalisation. Il
l'honnête homme. propose l'acte de l'idéologie. 11 révèle sa finalité et le moyen
Phénoménologie et logique concourent pour définir de son accomplissement.
sensibilité elle-,nême. Le pouvoir de la catégori<: est tel que Notre dernière dénonciation du mondain - et de la
le mondain e�t devenu la sensibilité de l'époque, le vécu au fausse innocence qui le couronne - va consister à montrer
niveau existentiel, subjectil, intentionnel. L'élan du cœur "el les trois péchés capitaux de cette civilisation (ainsi nous
l'état d'âme, ferons la synthèse de toutes nos critiques antérieures).
Après la perfection phénoménolo!;!ique, puis Trois thèses sur la civilisation capitaliste :
logique, la catégorie s'accomplit en cette ultime petrfe.:ti<>n.< 1. Civilisation de la fausse innocence : première civilisa-
Elle est devenue la sensibilité d'un mode de pn�u''"''"'"· tion sensuelle.
Bien au-delà d'une conjoncture, d'une époque, d pays. ,
2. Potlatch d'une part de la plus-value.
tant que commune référence des figures ludiques, mar�ina­ 3. Civilisation machinale.
les, libidinales, apparemment les plus contradictoires. Sen­ Et les trois thèses s'ordonnent dialectiquement selon une
sibilité en profondeur et en surface : archét)'pes de l'incons­
relation causale et continuiste. En une ellipse, résumons
cient collectif et usages de masse. l'ensemble : première civilisation sensuelle, civilisation
La sensibilité de l'homme, ce qu'il a de plus intime et de machinale. Autrement dl!, il n'est de réelle sensualité que
plus spontané, est devenue la sensi,bilité du nio-capitaUsme. par le machinisme. Celte ellipse a le mérite de bien montrer
De l'homme mondain, celui qui est soumis aux puissances la relation cacl;!ée entre la libido et la machine. Alors que les
trompeuses. Celles de l'idéologie : un imaginaire qui est idéologies du consensus prétendent à une hétérogénéité
devenu une pratique, un vécu, une existence : l'ordre signi­
radicale et même à une contradiction absolue.
fiant.
Mais cc raccourci peut aussi induire en erreur. Car il
L'accomplissement du mondain est cette (ondamentale
manque la médiation essentielle qui propose l'explication
perversion. Et elle se propose comme innocence ! Selon les
globale. JI faut bien insister : c'est par le deuxièmemen(que
mu)!i ples modalit�s d'expression de la phénoménologie et
l'ellipse révèle son sens. C'est par le potlatch d'une part deJa
de la logique. Autant de figures de la c:onsommation mon­
plus-value que s'instaure le système généralisé d'un nou­
daine. Autant de déterminations du libidinal, du ludique, du
veau parasitisme social. Osons le dire,
marginal. Monstrueux vouvuir de l'idéologie, pouvoir d'in­
verser la réalité, pouvoir de l'idéalisme, pouvoir mondain. Cette • civilisation • ne peut revendiquer aucune tradl­
Le capitalisme a inventé l'innocence. Plus de culpabilité, tion, aucune référence historique. Elle est radlcalei,'Oent
de péché, d'interdit. de tabou! Mais le droit à la jouissance. autre. Son • innocence • ne peut être justifiée ni par le
Tout et toul de suite. L'usage naïf. spontané, pêremptoire. paganisme ni par le Sauvage.
Usagé devenu d'évidence, vérité d'évidence qui n'a plus à se Parce que l'échange mondain est un potlatch de la plus­
justifier ou à se proclamer. value. La consommation mondaine est une symbolique et
C'est cette fausse innocence qui est l'essence même du une pratique des rapports de classe. Elle exprime la totalité

2L2 213

••
de l'exploitation de l'homme par l'homme. Elle est le� lf<IIOUie dire que le travailleur étranger est • l'industrie du
du capital en tant que modèle d'khange. du plaisir ce que l'esclave était à l'épicurisme. {Il
C'est que cette civilisation est structuralement la lr•nblle que plus le procès de production est répressif et plus
ration de la production industrielle. Elle est un octol•m consommation libidinale, ludique, marginale est permis·
ment de fonction de la maclline, détournement d'usage tlve.)
l'objet fabriqué. Toute la consommation mondaine relève Différence essentielle des deux modes de production : le
l'animation machinale, d'un modèle standard, d'un paganisme était une civilisation du sacré. Alors que la
robot. Elle est le pur reflet vitaliste de la fonction de lvilislltion capitaliste se définit, au contraire, comme une
machine. Elle est machination idéologique : r�pération d«acralisalion radicale. La lin des tl\bous et des interdits.
la machine, du fonctionnel pour le pro[it ludique, mntrllilna Le sacré du paganisme Interdisait le libéralisme permis·
libidinal. Et cet asservissement prétend dénoncer 111, la dimension libertaire de l'actuelle social-démocratie
nisme, la sociéé t industrielle, la production de occidentale. Au même titre, en définitive, que le christia·
robotisation socialiste ! Depuis Huxley jusqu'à l'é•colngisnll4 msme. Polythéisme ct monothé isme ont en commun le
c'est toujours la même chanson. Ouelle imposture r�spect, la vénération de Dieu ou des Dieux, qu'importe. SI
culot ! l�s ùmes appartiennent à Dieu, les corps appartenaient aux
Di�ux. Dans les deux cas, la vie civique doit �e soumettre,
Impérativement, aux tables et lois des révélations divines.
2. La pcem.ihe civilisatioll susaeUe Auni, dans le paganisme, la fête des sens est la fête des
Dieux. La sensualité ne lait qu'honorer les Dieux. On leur
Le nouveau statut du corps est la mesure de r�nd ce qu'ils ont donné.
première civilisation sensuelle de l'histoire. Le corps a Mais selon un rituel sacré. Lequel doit gérer l'économie
effectivement • libéré •· JI vient d'accéder à un du corps selon les lois de la cité. Honorer les Dieux, c'e'•
politico-anthropologique d'une radicale originalité. honorer la cité. C'(St dérendre l'ordre social, le ritualiser, le
Ce corps a acquis une autonomie quasi totale. ...,,...., atructurer, C'est interdire toute consommation-transgres,
disons bien le corps. Et non • l'homme, le ci alve. Ce qui serait un double crime : à l'égard de� Dieux, à
personne •.) 11 s'autogestionne. Il e�t devenu cet l'égard des autres. Crime civique et sacrilège relig'eux.
social qui fonctionne san< aucune transcendance. C'est seulement au moment de la décadence que la
aucune référence à la transcendance verticale sensualité déborde les Dieux, au nom des Dieux. La désacra·
Dieux...) ou à la transcendance horizontale (le devoir llsation - les Dieux devenus symboles ornementaull de la
la société). Le corps est à luJ-mame ses propres 'tins culture sceptique - autorise alors la première consomma·
moyens. cion libidinale, ludique, marginale. A la Cour, chez l'empe·
Le paganisme, objectera l'honnête homme, n'étail-ce reur, le prince. A la ville, chez le riche ou le 11'\êtèque
déjà une civilisation sensuelle? Et ce que nous avons parvenu.
dénoncé comme consommation - transgressive ou forme C'est ce moment qui deviendra, pour la culture libérale
mondaine, ne serait-ce pas, au contraine, des préfigurations de la bourgeoisie, le paganisme. Réduction qui permet de
d'un retour aux sources? Les commencements d'une nou­ proposer un modèle permissif exemplaire au nom d'un
velle innocence ? Les premiers moments d'une libération athéisme conséquent. Ou au nom d'une • authentique •
radicale des contraintes artificielles de la civilisation judéo­ émancipation.
chréticnne? Ce sera aus.si le premier • malaise de la civilisation • ; le
Certes, le paganisme, dans la mesure où il était un mode scepticisme rooge la cit6; les idéologues de l'époque cher­
de production esclavagiste, a pu être une civilisation sen­ chent désespérément à retrouver l'ordre perdu. Stoïciens ct
•uelle. Le corps - force productive - libérait le corps ­ Epicuriens s'efforcent de redéfinir la • ligne juste • de la
�oyen de jouissance. Le travail des uns autorisait déj à la consommation. Le lléau de la balance oscille entre le trop ou
hb•do des autres. Et notre mode de production, dans la le pas assez. Toute logique des besoin� l'lot impossible
� esure où il autorise l'exploitation de l'homme par lorsqu'eUe • oublie • le producteur.
l homme, propose aussi une culture du plaisir. On pourrait Et le Sauvage ? N'est-il pas un autre exemple de l'inno-

214 215
c�nce de ln consommation libidinal�. ludique,
Bien au contraire. En œs modes de p r oduction
rn�����:� .•,.,.,oue. Celui d'un coll�til tellement structuré que toute
dt�oen,;e ne peut que ratifier la volonté générale. Alors qu'au
l'ordre social régit une économie de la rareté. Aussi, •ntraire la consommation individualiste ratifie le désordre
une société de l'étatisation rad1cale 1. Et sans que le tabli par les incitations libidinales de la société civile (désir
social soit diversifié : sans appareil d'Etat. Etat alors dt· la psychanalyse, qui se confirme étre l'idéologie du
ment intériorisé, tdlement est forte la pression des tote� · st ll�ralîsme).
des tabous qui garantissent le mode de production. n Est-ce que les descriptions proposées par les ethnologues
survivre. Aucune marge de sécurité. Le besoin ne pourra rrndent bien compte de la globalité sociale ? Le potlatch
maitrisé, presque maîtrisé, que par une mécanisation •tu'ils définissent est·ll bien • un fait social total • ? On a
du fonctionnement du groupe, de la tribu (système vcmlu faire du potlatch la preuve du mépris de la possession.
parenté, en particulier). Il témoignerait d'un l!change symbolique pur, du dédain de
Mais le potlatch ? N'est-il pas justement ln preuve l'<�voir. Pour fain� honte à l'occidental, aliéné dans l'échange
surplus? La fête ? Le gaspillage? La desu·uction •v'""'"'"' d•• l'économie de marché.
des •·ichesse$? Mais ce potlatch n'est-il pas celui de l'ethnologue plutôt
Certes, c1d, et c'est pour cela justement que nous que celui du Sauvage? L'ethnologue- occidental- n'a·t·il
sons le terme de potlatch pour caractériser un certain pas transférc! dans une nature idéale son idéolo!Jie idéaliste ?
de dépense de la civilisation capitaliste. Trois analo·gie•s' N'a·t·il pas inventé un lieu d'innocence antéprédieativc,
consommation de surplus; dépense ostentatoire, prédiscursive? L'Eden d'avant l'histoire, Et le rève d'une
tuaire, illimitée; pour instaurer une hiérarchie sociale consommation libidinale, ludique, marginale n'a·t·il pas été
ne r�lève pas du procès de production mais du procès Innocenté par cett� innocence inventée du potlatch?
consommation. Mais analogies formelles qui expriment Il faudrait examiner de très près les modalités de la
sianilications politiques et culturelles très différentes. production et de la consommation du Sauvage. Destruction
Le potlatch du Sauvage instaure un système de co1ntraia ;omptual� des riches�s? Par qui ? Ceux qui les ont produi­
tes sociales, au-delà des biens de subsistance, par tes? N'y a·t·il·pas des écartés, des interdits de potlatch ?
s'avère un systèm� collectif de redistribution, de c•rcuttattlot Tout Je mond� y a·t·il droit? Féte de qui?
des richesses. C'est un échange collectif très coJntraig:nalll N'y aurait-il pas potlatch et potlatch? Sous ses dehors
coercltil et répressii. en définitive, qui ln somptuaires, un certain potlatch serait-il vraiment telle·
consommation de type libertaire. Alors que le ""l "
l .'a"'""'l ment difll:rcnt de l'économie de marché? Cenaines de ses
propose les moyens, les extraordinaires moyens d� la modalité� ne seraient-elles pas les formes mêmes du marché
sation libidinale, ludique, marginale do l'ntomc social. de l'économie précapitaliste ?
l'individu en tant qu'individu. Le potlatch est un échange de biens d'une écOnomie qui a
Et dans son principe, cette consommation est tra,ns.�re•s; su dépasser l'économie de subsistance, Mais échange qui,
sivc. Contre l'Etat, le père, les institutions, la soc:iêt·é, derriere Je rêve ethnologique, serait déjà une stratclgic de
Car le capitalisme a instauré un espace social marché. La première conquête de marché.
pas chez le primitif : celui de la société civile. SP hèl
des besoins issus de la production capitaliste :

��
d
��: Le potlatch ne sernit que promotion de vente. Et d'ordr�
politique : le moyen de gagner des alliances. Le pot de vin
sion a priori des valeurs libérales, d'un désir qui qui permet de convnincrc, de séduire. Pour troquer ensuite
qu'exprim er la concupiscence d'une économie de marct1t11 selon des équivalences mercantiles qui n'auraient pas été
qul s'�st total�m�nt substituée à l'économie reconnues comme telles par les ethnologues.
nelle. Alors ce désir est subversi!, par
exprim � le libéralisme économique qui. pou rs
����dé;.��;;;�;:
e
Le potlatch : première pub ? Et pub totale. Pubdes pubs.
Phl!nomène social total qui engage toute la structure sociale,
a dû liquider les blocages sociaux originels. l'appareil d'état étant t�llement lourd que la nouvelle
La fête et le potlatch- du Sauvage-consacrent l'n•rnr.-• démarche économique l'engage totalement. Société du
potlatch, société de la pub.
En ce cas, il faudrait rem•erser la relation établie par
1 Ct. Nto·/D&ci&mt tt ldéûloaie dai des;r. l'idéalisme de l'ethnologue. Le lieu de l'antéprédlcatll, loin

216 217
d'être celui de l'innocence, Je merveilleux exemple dt�nce. La • démoralisation de l'Occident • témoigne de la

l'échange symbolique pur, non mercantile, sc:rait tuutc puissance du capitalisme et de la foudroyante progres·
contraire un merveilleux exemple pour l'économie ca.IPit;a­ lon de la social-démocratie libertaire. Le capitalisme n
liste. Celui d'une pub intégrale, structurale, modèle
mique qui modèle tout le relationnel. Le Sauvâge ,.,

� � �' �
.!
Intégré dans le sysème
t toutes les �ppositions extérieures à
1� classe ouvrière et au procès du 4ravail. Aussi ne peut-on
rait le procédé Je plus e[ficace de l'économie de marché : <Onsidérer comme décadentes une idéologie et dés mœurs
pub doit gérer l'intirnité roême des relations humaines ; ul garantissent un tel pouvoir. R€>aliser une telle intégra·
q
étatisée, modèle d'échange devenu structure du reLaticlnrtel. tlon et récupération est le signe même de la vitalité, de la
Quelles que soient les analogies apparentes ou réelles, 1•ugnacité du néo·capita!isme.
aucune civilisation, en aucun mode de production iJ n'y Qui, mais : la crise'? Crise incluse dans la croissance.
l'équivalent de J'actuelle consommation mondaine. Crise du capitalisme et non extérieure au système. Car c'est
,
qui est autorisée p·arla société tivile sphère de besoins lu croissance elle-même qui révèle Ues contradictions inter·
cHiques du mode de production capitaliste. Mode �
nes du capitalisme. L'impossibilité d tenir les promesses du
consommation issu de l'extorsion de la plu.�·value. rêve américain, du lreudo-mar'Xisme, du libêraUsme avancé
Le potlatch du Sauvage - en tous les cas - ......a.a jusqu'à la social·démocratiè libertaire.
l'ordre étatique d'un collectivisme. li a fonction 1
la marginalisation par la consommation. Au coJ>lraire,
consommation mondaine est oelle d'un atome social. 3. Le potlatch d'une part de la plus-value
une consommation - transgressive, Ubertaire, anti-sociale.
La décadence du paganisme est celle d'un mode de u) La consommation du manque de diutre et de la hiérarchi·
production. Al,l contraire, la consomm;uion mondain� q11e .sation mondaine
nous avons définie est celle de l'ascendance de ce mode de
production ultime du capitalisme : le capitalisme monopo­ La genèse de l'innocence est l'accession à la consomma·
liste d'Etat. Elle témoigne de la toute-puissance de l'impé· tion mondaine. Monstrueuse innocen<:e : potlatch d'une part
rialisme économique sur les âmes et les cœurs : l'aliénation de la plus·value. Parasitisme sociaJ d'une c,lxtra6rtlinaire
mç>J;�daine. • ridlesse • idéologiql!e, 11\!X ml.lllip!ç� lorm�:� C! masql.lfl$.

L'idéologit! du qésir - idéologie de la société civile - a Une part de la plus-value. donc, après extorsion, n'est ni
permis la récupération de toutes les oppositions tradition­ réinvestie, ni éapitaliséc. Mais déperlsée. Cette dépense va
nelles, celles de l'humanisme libéral. C'est un phénomène déterminer là double composante éco\lomico-politique de la
d'une énorme importance : le système a récupéré son oppo· consommation mondaine.
silion de gauche. Et il l'a même intégrée dans son idéologie, Alors le mondain s'alfirme bien comme le lieu privilégié
comme promotion de vente des pr6duits libidinaux, ludi­ du système capitaliste. Lieu de réalisation et de synthèse.
ques, marginaux qui sont la promotion dé vente des l!Utres Ceue catégorie est l'articulation de l'Jdéologie de la consom·
produits fabriqués (Foucault, pub de l'rigano : Trigano. pub mation et de l'écOJ;>omie du marché. Le mondain révèle le
1
de l'industrie du loisir et du plaisir; celle-ci pub de la société f6nctionnement de la société civile.
industrielle capitaliste). Il n'y a plus d'opposition c:ullurelle, Ce qui est dépensé est aussi une part, une quantité de
de l'inteJlectuel en tant qu'intellectuel, de l'lnteJiigentsia. Le travail (cf. Le Capital). Mais alors que Je Sauvage, par Je
consensus idéologique est acquis. (
potlatch dépense et gaspille) sa propre production, il s'agit
Il lau! bien souligner que l'idéOlogie lreudo-marxiste - -au niveau de l'économie capitaliste - de la dépense, de la
e�ntielle composante de l'idéologie social-démocrate - a consommation, du gaspillage de la production de l'Autre : la
connu sa croissance ct son expansion dans la période classe ouvrière.
d'ascepdance du capitalisme monopoliste d'EtaL P6u1· En sa nature, donc, la consomm<�tion du surplus - la
culmine� et connai!re son apothéose en Mai 68 (estudiantin). part de la plus-value - corréspond au manque de consom­
�est l'idéologie de la consommation libidinale, ludique, mation du producteur. Tel est le princ:ipe des correspondan­
marginale autorisée par la totale expansion de la société ces entre le procès de production et le procês de consomma­
clvile. Ce n'est pas une idéologie de décadence mais d'ascen• tion. Loi sommaire. brutale. (Et que l'honnête homme ne

218 219
nous reproche pas un mécanisme qui est celui du ca�11111 Ce n'est que dans les périodes de crise, de situation
lisme. Nous ne faisons que reconstituer sirnolerne1nt paroxistique, de bouleversement social que certaines per·
fonctionnement des lois élémentaires, sommaires, onu...... \Onnes vivront subjectivement, explicitement cette situa·
du capitalisme.) lion : Sade. Alors la reconnaissance amoureu,e - du mon·
En son fondement économique, la con.wmmation dain - devient sadomasochiste. La crise est telle que les
daine du surplus est aussi la consommation, si l'on •apports de classes wnt éprouvés - subjectivement -en
dire, du manque de l'Autre. Par la dépense, se confondent lrur essence. Comme une o ppre ssio n totale. Et comme une
s'exaltent réciproquement la consommation du surplus et totale culpabilité. l'autre d evra être victime et bourreau.
privation du nécessaire. Nous avons Il les deux donn<éet Celle essence de la consommation mondaine - jouis·
constitutives du mondain (du nouvel échange instauré par 1.1nce du surplus en tant que privation de l'autre - est
néo-capitalisme). évidente pour le luxe. Par exemple la haute couture. C'est le
En son fondement anthropologique, la cOI�somrnati<>n travail de la cousette qui fait l'éclat d'une toilette. J..a peine
mondaine - l a symbolique de l'échange du ll�)·CI!pitalilsmJo de l'une est la Joie de rautre. Le !�xe est le reflet invcrbCÎ d.c la
- sera aussi cette monstrueuse syn\hèsc : misère, Cela étai\ évadent, <�uSsl, ,pour la morale traditton·
l'un- est le manque - de l'autre. Bt )'usage mo·nd.aln nolle. Celle d'avant 1c lreudo-mal<isme.
r L'économie fDmi·
au!re q11e la consommaJion de cette situation �o�''"''min''" lialc contraignait l'enfant à ne rîen gaspiller. Exemple : les
Situation objective des rapports du procès de 1ra1vau habits du dimanche, ou ne pas laisser de restes, à table.
procès de consommation vécue sous une forme "�'"'"·•q••c.1 La consommation mondaine est bien essentiellement
Nous disons bien : Je mondain, en son essence, e$t cette une dégustation de classe. Un acte de participation à l'ordre
jouissance des rapports de production. Par le mondain, deux social objectif. Acte • inconS<:ient • de ratification. Non su
principes économiques font une synthèse anthropologique. comme tel. Ce qui est une autre source de jouissance : celle
Surgit une existence spécifique :de par le manque de l'un, le de la mauvaise loi, celle du jeu bourgeois qui cache son jeu.
surplus de l'autre. Chaque terme n'a d'existence que par Mauvaise foi de la fausse innocence qui ainsi garantit son
l'autre. impunité. Alors qu'il s'agit d'une provocation obj ective,
Tout banalement dit : la jouissance mondaine est la fondamentale, de classe.
jouissance de l'exploitation de l'homme par l'homme. Ce qui Deuxième (onction idéologique de ce potlatch : marquer
fait le charme de la consommation du surplus, c'est bien sûr la différence. Non plus maintenant entre les classes sociales
la consommation, mais parce qu'elle est J'exploitation de (bourgeoisie - prolétariat), entre les genres, mals entre les
l'homme par l'homme. C'est parce que l'autre n'a pas le individus du même genre, dans la bourgeoisie.
nécessaire. La richesse est le moyen traditionnel de cette valori�a·
Il s'agil là d'une situation objective : celte des rapports tlon. Les dépenses oslentàloires dq riche, du parvenu propo­
de production. Et ji s'agit du lieu objectif de l1incor1Scient. sent barrière et niveau. Les sociologues ont particulièrement
Celui que la psychanalyse doit cacher. Le mondain est bien étudié ln dimension standing de la nouvelle soclnbillté.
l'expression structurale des rappor t s de classe. li est, de Le genre de vie et les signes extérieurs de richesse sont
l'inter.subjectivité, ce qui n'a pas besoin de se savoir pour devenus un repère fiscal (c'est dire leur importance).
être. Mais si le [rie est un moyen de la diliérence. celleo<:i ne
La jouissance mondaine, en son essence de classe, est le peut se r�duire à son usage. Il est une modalité du potlatch
reflet de ces rapports. Elle est essentiellement, pour qui permet d'exprimer cette différence sans le fric. Et de
employer un mot en vogue. sadique. Mnls d'un sadisme snober. De snober même le riche et le fric. C'est le potlatch
ob�ctif, enfoui dans les rapports de classe. Ce n'est pas une suprême : obtenir sans l'argent ce que les autres se dispu·
intentionalité maligne. Mais une situation objective, telle­ tent à prix d'or 1 Potlatch d'une aristocratie. Modalités
ment r�lle qu'elle n'a pas besoin de s'�prouver subjective­ bype rs·
é lectlves de l'échange mondain.
ment. Et elle ne doit pas s'expliciter. Elle doit rester un Obtenir un échange sans rien dormer en échange? Sans
rapport impersonnel. anonyme. Car rapport de classe. Ce donner de l'argent ou une marchandise ? C'est apporter un
Slldlsme ne s'arlresse pas aux personnes. Mais à une classe au-delà de ces valeurs. Des signes très promotionnels ct très
sociale. L'lnter>uùjeclivité ne doit pas le reconnDitre. hiérarchisants.

220 221
Ce pouvoir n'est possible qu'à un certain niveau orps. L'un apporte les sens de l'usage. L'autre ptrmet
l'échange •ymboliquc. Il faut proposer des conduites, 1 usage des sens. L'un initie au genre, propose les manières,
sianes. dt'S gestes si chargés de signification
qu'ils !.Ont directement opératoires. Des • Séz

i;��������
ame
apporte les moyens (la drogue par exemple). L'autre accorde
"' faveurs. Tel est l'échange du couple idéal de la social­
toi •· Pour autoriser une quasi-appropriation à priori dt•mocralie libertaire. Tel est le principe-au sommet- de
meilleur du libidinal. du ludique, du marginal. Des signes la libéralisation du libéralisme, le modèle de l'échange
or qui erm nt comme un droit de cuissage ld�logique.
ette •ymbolique entre hommes et lemmes qui se soumettent au
p
L'abs olue appropriation totémique. •ystème idéologique.
C'est par ex�mple et évidemment le pouvoir id�logique Par cet échange amoureux, le jeune et la femme accèdent
de la mode. Pouvoir de ses prescripteurs et dlfluseurs. Ils A ln culture. Au pouvoir - caché - de la culture social­
bénéficient de tous les prestiges d'une séduction fonction· démocrate. L'intellectuel de gauche, l'honnête homme (ce
nelle. C'est surtout le pouvoir de la mode idéologique. Ce <JU'll en rest�) lui, accède au pouvoir sur le sexe, la jeunesse,
pouvoir doit être situé à trois niveaux : le prescripteur, le la femme.
diffuseur, le consommateur. De Foucault à Jean Daniel, Double errlvlsrnc. La séduction n'est qu'une stratégie
celui-cl à la vulgate de la consommation transgressive politique : ln procédure d'unification des couches moyennes
gaucho de cafétéria, par exemple). (Nous avons déjà or(>DO•sé pilotées par ces modèles existentiels. Elle est la soumission
le concept opératoire qui permet d'articuler les au système, la manière de s'échanger sur le marché mondain
moments de ce pouvoir : la dérive de l'accumulation. Elle pour accéder au pouvoir. Celui-ci a une double faoo : le
est le heu de production et de circulation de l'id�logie pouvoir politique et le pouvoir du sexe. La social-démocratie
mondaine de la social-démocratie libertaire.) libertaire permet leur synthèse. le pouvoir suprême.
Ce pouvoir culturel permet de proposer au·delà des Par cette modalité de l'échange symbolique - stratégie
usages prestigieux des nouveaux obj ets, au-delà de leurs de la séduction-nous avons établi une modalité du don qui
sémiologies d'usages, la quintessence de l'usage mondain. mobe même le fric. Ce suprème poùatch est l'accès à la plus
Alors l'ld�logie saisit le vif, elle devient l'intentionnalité belle différence. Il permet la sélection et la hiérarchie
même du suj et. Elle est en lui plus lui-même que lui. Elle mondaine par la dépense provocante des signifiants mon­
produit le oc<: plus ultra du mondain, les modèle$ existen­ dains et de la libido. On accède à ce que l'on ne peut pas
tiels, les œuvres esthétiques. Elle s'Incarne même, son avoir par le !rie, mais {'Br la culture.
pouvoir étant tel que l'essence produit l'existence. Dans Ce à quoi el :\ qui le fric fera la cour. Pour apporter -
1'6tcrnité, celle des archétypes : le hippie, le casseur, la discrètement, selon de savants détours - un support finan­
vedette, l'animateur... le maitre à penser. cier à ce suprême potlatch mondain. Les idéol o ues de la
g
Alors cette fétichisation <lu sujet devient le suprême social-démocratie qualifieront celle ultime phase de récupé­
totem. Le sujet (l'Individu qui s'est identifl� à l'idéologie ration. Alors qu'il s'agit d'un moment privilégié du passage
mondaine la plllli avancée) peut se proposer lui·même du modèle sélectif à l usage de masse. Moment qui mnrque
'
comme objet d'échange du suprême potlatch. Nous sommes une continuité ct non une dif[érence.
là au coeur de la séduction. Nous dévoilons son fonctionne­ Telles sont les deux caractéristiques du potlatch de la
ment le plus intime. C'est-à-dire le plein pouvoir de l'idéo­ plus-value. Double racine du snobisme • objectif • : le
logie. mépris du travailleur·producteur et la hiérarchisation de la
Ce sujet se propose comme le signe absolu. le signe consommation mondaine. Ce sont deux qualités a priori qui
Incarné. Son pouvoir de séduction consiste l s'Identifier à modèlent tout usage mondain. Et toute autre signification
l'id�logie. Sa subjectivité est l'obj
ectivation du mondain. ll affective ne sera que qualité seconde (en particulier les
e5t l'archétype. intentions de la belle âme gauchisante).
L'�change symboHque idéal va être celui de ce pouvoir
idéologique, de cette parfaite sémiologie du ludique, du b) u s�rvic� de promotiorr de vente d'urre civllisario11. Dt la
libidinal, du marginal, et... de la chair [ralche. Donnant, mode au mo11dain : de la valeur d'usage à la valeur d'�change
donnant. L'un apporte la culture, l'autre sa jeunesse et sa Mais ce potlatch est bien plus que la valorisation mon­
beauté. L'un, les modèles, les signes, les styles; l'autre, son daine de la bourgeoisie. n a aussi, et peut·être avant tout.

222 223
une fonction économique. Il est le service promotionnel l'achèvement esthétisant. De l'une à l'autre, Il y a, en
capitalisme. M!initive, rapports d'expression. Le mercantile produit de
La part de la plus·value, qu'est Ir potlatch, est 1 <'sthétisme comme celui-ci du mercantile. Esthètes et
dtpensée. Non ré investie. Mais dépense qui, en délliniitl• t«hnocrates sont la double face du système 1 .
s'avère rentable. Et qui est même le moteur de l'économie Par la mode, la preuve a été faite : le nouveau produit est
marché Le service promotionnel de la société civile. •dectif. Il est la meilleure eKpression conjoncturelle de la
C'est 58 pub. Et pub des pubs. Pub au sommet : les qualité productive du capitalisme. la mode dit cette
ualités mondaines du potlatch, les deux attributs à <OUCnce. Le modèle d'usage est la façon de signifier l'ldéolo­
q
de la consommation mondaine, se réinvestissent dans lie dans et par l'utilisation de l'objet. La mode est le
promotion de la marchandise. roces�us d'intégration qualitative du nouvel objet dans
p
Nous sommes maintenant au lieu même de l'arti•cul:�tliOI l'univers des objets et de ses usages. Et c'est par et dans
de l'idéologie et de l'économie de marché. C l'ensemble que tel objet et tel usage prennent leur significa­
et le comment de l'idéologie du marché et de l'éc:o�10n1ie tion idéologiqlle.
l'idéologie. Les deux termes sont l)n un" telle réciprocité l,.a mode c&t lu \'>romotion du système des objets. Leur
leurs aHributions s'échangent. Marché et idéologie ne promotiQn de vente est f11ite par l'idéologie. Cc système des
vent se comprendre que par cette complémentarité. objets manufacturés est à deux niveaux. C'est d'abord le
idéologie pas de marché. Sans marcM pas d'Idéologie. 'ystème des objets de l'initiation mondaine. Nous l'avons
C'est le lieu d'explication privilégié des rapports dé fini par la phénoménologie des usages mondains (de la
l'infrastructure et de la superstructure. l'idéologie n'est
que ;uperstructurale. Le marché n'est pas qu'une
économ ique. Si le marxisme veut gagner la guerre
�r�!�i� première partie). C'est ensuite la fonction symbolique de
l'usage, l'à priori iMologique qui préside à tout usage. Toute
fonction de l'objet sera récupérée par la signification ldéolo­
que contre la social-démocratie, il devra établir les &ique de son usage.
mes précis de cette compénétralion de l'idéologie Au premier niveau, celui du dressage mondain par
m a rché (notre étude du pouvoir mondain est une contr-ib,,.. l'usage mondain. le capitalisme impose une consommation
tion à cette recherche). libidinale, ludique, marginale. Des a priori. des empr;!intes,
Marcht! et idéologie ont donc en oommun cette mt,ma. des automatismes. Pour qu'ils modèlent ensuite tout usage
tion : le service promotionnel du néo-capitalisme. Et fonctionnel et même la consommation de subsistance. De
deux qualités mondaine a priori, deu�t attribu ut•s ����:���:��; ! telle manière que toute production capitaliste est obligntoi·
l'idéologie et au marché : i l faut signHier une c• rement estampillée de son usage mondain, promotionnel.
qui objective les rapports de classe. La consomma.uo•n C'est le rôle de la mode.
mondaine est le pur rèOet inversé de la production J . La valorisation idéologique de la marchandise est le rôle
C�$ deux attributs mondains vont permettre la nrc>rno>­ capital de la mode. Nous ne saurions trop y insister. Toute
tion de la marchandise : la mode. Nous en venons à sa mode est le plus beau des potlatcbs de la plus·value. La
derni�re détermination. La mode est, étymologiquement. dépense de prestige qul est la plus beUe marque hiérarchi·
promotion de vente. En fin de parcours, elle est pure que. La mode est une consommation parasitaire privilégiée
esthétique (les jolis arts, ceux de l'esthétisation de l'art}. car exemplairement parasitaire. Elle est le mode d'emploi
C'est ce parcours qui révèle l'essence de la mode, l'essence de l'idéologie. Comme mode d'emploi de l'objet.
du mondain. L'origine économique du phénomène (de la Et il n'y a de mode que parcequ'il y a des objets à vendre.
mode) exphque l'esthétisme de son expression demi�re. La La mode est le corollaire de la marchandise. Elle est la
compromission mercantile de l'origine est la raison de première et essentielle conquête du marché. Le meilleur des
modèles de consommation de la production des autres.
Mais la caractéristique essentielle du phénomène de la

,
1 Mrtan••mc de notre:démarche, dira l'honn�tc homme. 0\ai, cncoTrunc
fois commt'tont mécanistes lb loi! du marthé et <IA' I'Idfolosle. Mi:canisme
de la con�ommation lmmidiatt':, ront:rète. de l'exploit•rion de: l'homme: par
mode est de faire oublier cette fonction mercantile, essen-

l'homme. Ce qut est aussl le mêc'.aoisme de la ��l�tlon entre proflteurs.


Nout ne faltont qu'un tnwail de" monst.r,.tion •· 1. Un t,.emplc apectaculair� � le dcsi&n.

224 225
tlelle de l'économie de marché (nous l'avons constaté rromotlon de la marchandise et la promotion mondaine
propos du discours idéologique sur la mode, ùngendrent réciproquement, symétriquement, harmonleu­
Barthes). L'économique doit disparaître sous le sig;nuiaa "'mcnt. De l'esthétisation de la marchandise à l'esthétisa­
La fonction esthétique doit cacher la fonction é�•o,:�:�:
La loi de diffusion de tout modèle mondain va
lion de la subjectivité, le capitalisme a réalisé le plus
r"raordinaire assuj ettissement de l'humain. Par le frivole,
de montrer comment la mode s'innocente et comrnet�t la très sérieuse stn�té gie du potlatch de la plus-value.
arrive à cacher son rôle économique sous l'esttoétiolle. Mais ce potlatch d e la plus-value n'est que le couronne­
mode doit mëme signifier le mépris de l'bcor•o�niqtue. ment d'un édilice. Et il ne faudrait pas que cette description
être le meilleur support publicitaire de l'écoo1ornie d'une réalité superstructurale lasse oublier l'infrastructure
liste. qui la porte. Aussi. nous rappellerons :
La mode, d'abord naïve promotion de la production, 1. Q1,1e la nouvelle mondanité -la nouvelle symbolique
déploie selon deux sphères spéciliques du mondain. de l'échange - n'est que Je • reflet •. combien actif, d'une
mode d'emploi au moment de l'apparition d'un objet mutation fantastique de l'économie de marahé. Elle marque
veau sur le marché, elle devient indilf.!rcnte à l'objet, le passage du capitalisme concurrentiel Ubéral ou capita­
�� �:����
détache, pour n'être que manières du relationnel: , lisme monopoliste d'Etat. C'est une totale m1,1tatlon éconl)·
qucs d'usages de groupes. La mode est passée du[, � . mique et une totale mutation des mentalités. l!n un peu
moins d'une aénération, un peu plus d'une décade. une
au relationnel. De la mode au mondain.
Nous avons longuement essayé de montrer que le extraordinaire contraction économique s'est accomplie : le
s'éloigne de la (onction jusqu'à se laire autonome capitalisme des monopoles est très vite devenu le capita­
inverser l'ordre des choses : alors le slsniflant. lisme monopoliste d'Etat. Et celui-ci v�hlcule l'impérla·
système très sélectif s'instaure : celui du pouvoir mc>n<lail lisme bconomique des grandes soci�tés. L'irrésistible étale­
de cette sémiologie qui fonctionne non plus sur les ob,jets ment mondain de l'époque ne fait que rendre compte du
mais sur les personnes. Ce système s'oraanise à saut qualitatif de la croissance économique.
sy5tème des objets de l'initiation mondaine jusqu'aux 2. Que le mondain lui-même est porté par une infras­
trpes du mondain (le hippie, le casseur). l!n passant tructure. Le pa ss
age de la bourgeoisie traditionaliste au
1 esthétisation des arts de la modernité. potlatch de la plus-value se réalise selon une nouvelle
L'autre sphère spécifique du relationnel mondain distribution des classes sociales. Dans ù Frivole er le Sirleux
déploie parallèlemem à l'usage sélectif : l'usage prc>sa:ique, nous avons essayé de définir le moteur du changement. C'est
la consommation libidinale, ludique, margina de un ensemble trc)s complexe : la dérive de l'accumulation. JI
Castel, Régine, du Club Méditerranée, d'ibiza. des st! � :� �! articule : système de parenté, croissance é conomi ue, exten­
q
de J'industrie du loisir, de la lièvre du samedi soir. 1 �! sion des secteurs de la pl'oduction, statuts culturtols. C'est le
de la mode tend à se banaliser et à se vulaarlser à l'e:
Ktrêm<.
. Heu llOCiologi que de la transmutation de J'économique en
A la limite, le potlatch de la plus·valuc se consomme culture. C'est le lieu de la production idéologique. Tout un
lamille (ln maison de campagne). système de pat·cnté se développe pour gérer le mondain.
Trois aspects, donc, de la mode : celui du mode d'emploi Chasse gardée. immense domaine de la nouvelle exploita­
de l'objet et ceux du mode d'emploi de l"autre. Oouble face tion réservée au !ils contestataire, énorme réservoir des
du mondain. la mode a porté la valeur ldbologique de nouveaux métiers.
l'objet dans la valeur relationnelle. Le mode d'emploi, de Si une part de l'extorsion de la plus-value a été réinvestie
l"objet, est devenu le mode d'emploi de l'autre. Certes. dans l'économie libidinale, c'est qu'il y a une nouvelle
l'objet étymologique a disparu du ch:.mps usuel. Mais sa source de profits. Et de nouvelles strates de classes qui en
valeur d'usage est devenue la valeur d'échange. profitent. La dérive de l'accumulation nous a permis d'éta·
la mode est bien la réciproque exaltation de l'idbologi­ blir les modalités de l'implantation des couches sociales qui
que et de l'économique, de l'usage et de l'objet, de l'écon<>­ promeuvent le libéralisme avancé jusqu'à la social-démo­
mie libidinale et de la libidinalité de l'économie. Elle est cratie libertaire.
l'échange de la valeur d'usage ct de la valeur d'échange. La
réification de l'échange et l'idéologisatlon de l'usage. La

226 227
llllltllrtal•c. ludique, marginal e - instinctuelle, naturelle ­
la consommation de la production de série du
tcme. Les rejetons -en révolte - des couches moyennes
4. Civilisation sens�teUe : ciYilisatioa machiJ:Ial� rnanciperonr les travailleurs. Par l'Eros
Nous venon� de proposer un modèle idéologique qui se
Civili•ation mondaine. civilisation sensuelle. de la -.udule bien sür selon la conjoncture et la tendance politi·
innocence, du potlatch de la plus·\•alue : civilisation que, du gauchisme à l'uhra-libéraüsme. de celui-ci au PS.
nale. Mais pour autant que les variantes semblent s'éloigner de ce
Nous entendons par machinal la soumission à modèle, celui-cl reste la ré f érence commune de la nou"elle
tion machinale. Une machination - une idéologie, lM liche non (et anti) communiste. C'est J'idêologie qui tend à
�h·atégic - récupère le machinisme. Le mal ne vient pas dominer les autres idéologies. en Occident. M�mc le giscar­
la société industrielle en tant que telle, de la civilisation dl&mc s'en est Inspiré. partiellement : alibi de l'austérité.
la machine, mais de la perversion idéologiqùc qui produit Nous avons essayé de dénoncer cette imposture. 11 faut
s6ri� lcg animauJt•machines. mverscr les thèses qui fondent la ci"ilisation capitaliste
Animation machinale : civilisation caphallste. e lle de la gestion du libéralisme économique par la social·
(<
témoigne d'IJn do1-1ble complot : contre la machine et d émocratie). La machine est innocente e t la fausse inno­
l'âme. Elle est réc1-1pération du progrès et corruption <ence est coupable.
tuclle. El les dewt sont en réciprocité. En une re'"""' Cette dernière est la résultante de l'animation machi­
d'engendrement réciproque. La récupération du progrès nale. Sensualité et sensibilité se sont constituées par un
à l'origine de l'avilissement moral. Oe même que celui-ci <ertain usage - idéologique - de la machine et des objets
peut se développer que par les moyen� de la pr<lducti<)l qu'elle produit. Ceue animation machinale est m�me deve­
capitaliste. nue le machinal de l'inconscient (les archétypes). Et ceue
L'idéologie tendanciellement dominante- celle du animation préside aux usages de masse.
ralisme avancé qui vire à !asocial-démocratie libertaire Le vitalisme (l'aspect sauvage, barbare, instinctuel du
évidemment comme essentielle [onction de cacher mondain) n'est que le renet du mécanisme. La machine a
structure de la civilisation capitaliste. Et même de inscrit dans la chair son fonctionnement. Comme la
verser. machine fonctionne, fonctionne l'usage mondain. C'est le
Résumons ses thèses. Ce som celles de l'uhime nrr•�•�' même déroulement d'un • pi'Ogramme • commun à la
tion de la civilisaiion capitaliste. Et formidable ironie mécanique et à la chair.
l'hiMoire, celles de l'opposition au système 1 Celles de C'est le mondain q1,1i témoigne de la robotisation, du
ltoùvclle gauche (celle qui voudrait e�clure le PC). radical manque d'imagination de la nouvelle bourgeoisie.
autorisoront aussi l'idéologie de la gcstiqn de la crise. Toute la geste subversive et contestataire de l'étatisation
Le progrè$ a trouvé ses limites : pollt,&tions et nuisances. technocratique n'est que jeu de machine. La statue dévide
La machine a engendré la société technicienne. Celle-ci la une bande, la programmation ludique, machinale, libidi­
technocratie (et son corollaire : la bureaucratie étatique). La nale que le système propose en séries. C'est le a:rand
�uumlssion à cette situation permet l'accession à la société renfermement du libéralisme monopoliste. Les animaux­
de con�ommation. Celle-ci est la récupération de la classe machines vivent la vie machinale de l'animation machinale.
ouvrière, qui s'embourgeoise. Le système se cl6t sur lui­ En un premier moment une machine a produit l'usage. Puis
même. sur le désespoir de l'honnête homme. Mais une l'usage a produit une autre machine, plus perfectionnée.
opposition se développe, une nouvelle révolution se prépare. Si la machine lait aussi vite et aussi bien une sensibilité
une doctrine révolulionnaire est nee. C'est la révolte de la et si celle-cl [ait aussi vite et aussi bien du machinal. n'est-ce
'ensibilité contre cene rationalité étatisée et répressive. Le pas la preuve que cette sensibilité est en ses origines et en ses
degré zéro de croissance. l'écologie. la lune contre les fins, machinale ? Pure répétition d'un programme impose.
centrales atomiques en sont les manifestations les plus Cette sensibilité qui se prétend instinctuelle, pulsion­
récentes. nelle, contestataire n'est que la [orme de la domestication
L'orig ine, de cette philosophie antisy!.tème, est rappe­ idéologique. Cene soumission autorise la jouissance.
l
lons-le, e {reudo-marxisme : la rêvolte de l'authenticité
229
228
Comme récompense. Sensibilité qui est la Conne même de trmps de travail et du temps libre. de la production et de la
technocratie, le haut lieu de la récupération du progrès, u�mmation. Les deux momentS essentiel� de cette clviii·
détournement d'usage par l'idéologie. Elle est le otion machinale, de la machination qui récupére le machi­
d'emploi de la technocratie. La gestlon idéologique rusme .
système . Premier moment : l'industrialisation a autorisé une
La machine est innocente. par contre, en son norme libération du temps de travail. Dans Le Frivole et le
fonctionnel Elle est l'obj ectivation du progrès. Et \rrleux nous en avons proposé une mesure spectaculaire :
progrès au service du collectif. Elle permet une "y''"�""' ou Moyen Age, il fallait 28 heures de travail abstrait pour
naire gamme de biens d'équipements. A quatre nhreAm•l une livre de pain. Maintenant, U suUit d'une demi heure.-
biens d'équipements collectifs (électricité, tranSIPOirts, 1 'industrialisation a libéré l'humanité de la terreur du
biens d'équipements mi-collectifs - ml-des m1:na1ges 11\anque. Elle sarantlt la vie de subsistance en libérant tout
courante, etc.); biens des ménages (cuisine 6lect .,.••• •. un temps de travail qui avant ne suffisait même pas à
machine à laver, etc.) ; biens spécifiques à la vie tlcquérir le nécessaire pour vivre .
de la famille (voiture) et à ses distractions (télévision). Deuxième moment : cette libération par le temps de
L'idéologie - essentiellement pnr le freudo-marxisme travail•abstrllil a été récupéée,
r par la nouvelle bourgeoisie,
p
a cherché à faire croire que ces biens d'équi ements comme temps marginal concret. Comme marginalités, ludi·
assimilables aux biens de consommation. (P eJ>
our or<,t dr dtés, llbidlnalités du mondain. (Le meilleur symbole de
que la classe ouvrière - qui en eliet accède, rcllali.ve,ment. e
c tte récupération est le hippie.) Alors que les travailleurs,
ce genre de biens - était intégrée dans le sv:stème eux, ont à peine profité de cette libération dont Ils sont
biens ne témoignent, par eux·mêmes, tn•lesUsile pourtant la cause.
ment libidinal. • Consomme •·t·on le tout à
machine à laver comme les biens de l'usage
Aussi peut-on dire que la nouvelle aliénation, par le
machini�mc, n'est que le corollaire, l'effet des nouvelles
ludique, marginal ? Comme le hasch ?
marginalités, ludichés, libidinalités, autorisées par le
N'est-li pas d'ailleurs légitime que le travailleur accède détournement d'usage de la machine. Au potlatch de la plus­
la possession des biens, des machines qu'Il a produits? value cor respon d la nouvelle exploitation du travailleur.
sont des biens utiles, des instruments qui facilitent
L'autre face de la consommation mondaine, c'est le produc·
l
travuil. le travail domestique (de la lemme en pa rtic,ulie r) tivisme, l'inflation, le chômage. Et c'est la classe ouvrière
les tâches ménagères. Ils permettent une vie
qui en est l'essentielle victime. L'autre face du hippie, c'est
certain bien-être (combien relatif} de la classe nuvrii�r·•�
le travailleur étranger. A l'idéologie de la Fête correspond
qu'ils autorisent une autre vie que la vie dç s�
��:rr!:�;�:� s
l'au térité sur le$ tnlVailleurs. Au ministère du Temps libre.
Niveau de vie et genre de vie restent radicalement
de ceux de la consommation mondaine. (Dilf�rencc de
1 800 000 chômeurS'.
Oui la machine est libératrice. Et la Causse innocence ­
sociale).
qui pro(itc du capitalisme en condamnant toute société
L'usage de ces biens ne déborde pas leur fonction.
vertu progressiste est dans leur fonctionnalité, que la
industrielle - est coupable, aliéna te n .
bilité mondaioe ne peut réellement investir. Bien D'un cOté, la maîtrise de la technologie. En sa production
essaie, par la publicité, et l'usage idéologique des tm!OJ1a. et en son usage. Double maltrise de la classe ouvrière.
Deux types de biens, deux types d'usases : ceux Double maîtrise du maitre. (Celui que la psychanalyse
mondain et ceux du progrès. El ile
st vrai que les deu" ignore pour ne spéculer que surson substitut, sa caricature :
syst�mes sont des effets du machinisme. Et l'OS, l'horr•m,e· le père.) Double modalité du principe de rêalité, en tant que
outil, l'homme devenu outil de la machine, en est le réciprocité du procès de production et du procès de consom·
symbole. 11 est la forme extrême de l'aliénation. mation.
Mais il faut bien voir que cette situation n'est pas .
De l'autre la soummission à la technocratie :la consom­
inhérente à la production industrielle, mais qu'elle est l'effet mation mondaine, la nouvelle sensiblité, la nouvelle bour­
de l'exploitation capitaliste. La moderne gestion de l'écono­ geoisie. l.c principe de plaisir en tant que potlatch de la
e
mie capitalist a imposé un nouvel ordre, structural du plus-value. Le parasitisme social camouflé sous les ligures

230 231
mondaines de la consommation plus ou moins transgres­ d'une connaissance anthropologique qui démystllie la psy·
sive. chanalyse ct ses dérive� (lesquelles fondent les idéologies de
Le machinisme a deux effets : la rationalit� fonctionnelle la social-démocralie libertaire). Celle donc nous avon� pro·
'" la �>ensibilité mondaine. le bon usage du progrès. Et posé les éléments. Et qui permet d'accéder à une connai5·
l'usage de la récupération du progrès. •ance matérialiste du corps. Pour vivre une scnsibilit� enlin
Une machination s'oppose à une authentique libération. libérée de l'ideologie.
En inversant le� propositions du libéralisme, nous dirons Pour un corp5 �ans mondanité. Un corps enlin libre qui
qu'une société technicienne devient technocratique - et ne sera plus soit seulement une foJ:'ce productive, soit
bureaucratique et étatique - lorsque la machine sert à la seulement un moyen de jouissance. U n corps libéré de la
consommation libidinale, ludique, marginale. Et par contre, vacuité ludique et de la nécessité écon<>miquc. Un corps qui
une société technicienne devient socialiste lor�qu'elle per­ ne sern plus oucll de cravail et qui ne sera plu� objet de
met la libération des masses (par la nationalisation des fantasme. C'est le corps de la chtilisation socialiste (le corps
!onctions producUves) et la liMration du corps de l'industrie antj-soclal-démoçrnte). Alors la double aliénation du sensi­
du loisir et du divertissement. ble sera dépas�ée. le corps sera réconcilié avec 11.11-mêmc.
D'un côté, la privatisation et. .. l'étatisation du progrès. La lutte des classes a hypostasié Je sensible en une
Car les deux vont de pair. C'est la caractéristique du terrible contradiction : le plaisir et le travaîl (et la psycha·
capitallsme monopoliste d'Etat : les nationalisations ont été nalyse a essayé de camoufler cette réalité- la jouissance de
récupérée> par l'Etat à des fins de privatisation, pour servir l'un par l'exploitation de l'aurre - en un antagonisme
les int�r�ts particuliers. Grâce à l'Etat, l'extraordinaire symbolique et arbitraire : principe de plai sir et principe de
expansion de l'industrie capitaliste du loisir et du plaisir. réalité). La société socialiste sera la fin de la contradlcclon
Capitalisme monopoliste d'Etat : consommation mondaine. intime, subjective. La fin de t'instinct de mon. Une liberté
Le privatif s'étatise définitivement par le truchement du que l'on ne peut même pas imaginer.
divercissement social-démocrate. La vic privée devenue vie Comment ? Le l>OCialisme Je dira. Car il faut sc garder de
de loisir est immédiatement gérée par les instances étati­ projeter dans la société sans classes le cond•tionnernent
ques. La spontanéité libertaire, venue de la consommation­ inconscient de l'actuelle culture. li faut sc préserver il tout
tr:�nsgressive, du freudo-marxis111e, du g11uchismc, qui a prix des dérisoires utopies proposées comme poétiques par
cheminé des premiers émois, autour du flipper cl du juke­ l'idéologie. La liberté (vécue) est encore de J'ordre du
boxe, jusqu'à Woodstock est, en fin de parcours, prise en Noumène.
charge par le ministère du Temps librt:. La société assistée Mais sa première exigence, immédiate et impérative, est
devient celle de la libido assistée. bien de dénoncer ses contre-façons : le mondain. El si
Le sens idéologique de l'étymologie sc dévoile sans poétique il doit y avoir, si un projet-pr:ogramme peut être
vergogne en son aceompHssement. la jleste libertaire évoqu6, nous proposerons cette lormule : l'habitat humain
s'abandonne à l'Etat, dans la mesure où celui-ci accomplit rêvé par Marx sera aussi le • N'ationnel • d'Hôlderlln.
ses désirs. Certes, c'est un processus de banalisation. Mais
c'est aussi une • conquête de masse •· le révolté, le trans­
gresseur jette le masque : ce n'est qu'un veau. le hasch sera
en vente libre. 8. - SON APOGÉE :
De l'autre côté, l'usage collectif du progrès. Le passage L'INFORMATISATION DE LA SOCI�T�
au socialisme. Dans la perspective du dé�rissement de AU SERVICE DE LA CONVIAVIUTÉ
l'Etat. Et aussi du dépérissement du mondain, des modèles
idéologiques de l'usage libidinal, ludique, marginal. La fin
du tcrTOrisme mondain. De son pouvoir nominaliste et de 1. La maiaoD de c:arapape, lieu de toutes Jeo ric:oac:iliaûooo
son formali>mc esthétisant. Des idéolo ies dérivées de la
g
com.ummatiC'n - transgressive. Des archécypes et des usa­ L'informatisation de la soci�té, au sc,·vice de la convivia­
ges de masse de la social-démocratie libertaire. lité. sera l'idéologie humaniste de Ja nouvelle sociét� social·
Alo••· l'Interdit mondain écarté, la vraie vie. A partir démocrate. Cette idéologie est une synthèse. Celle des deux

232 233
dynamiques, apparemment opposées, constitutives du sys­ çaise, l'autre caractéristique de l'impérialisme américain).
tème. Cette synthl!se n'est possible que lorsque chaque A un certain moment de la croissance - à son 1.énith­
composante s'est accomplie en sa perfeclion Il a fallu que cette animation idéologique, des grands commis de l'état et
l'animation en vienne à la convivialité. Et que la technocra­ des grands managers des multinationales, ''a rencontrer
tie accède à l'informatisation. l'animation idéoloalque que nous venons de reconstituer
La mondanité - le mode d'emploi de la consommation (l'animation machinale du mondain). Pour une synthèse au
de la nouvelle bourgeoisie - aura connu trois grandes sommet, humaniste. Synth� de la dynamique contestaire,
périodes. L'lmplantatiOl. sauvage, d'abord. Celle de la subversive, écologique ct de la dynamique organisationnelle
bande, de la subversion. Le règne du provo, du rock, du des public-r�lations et des techniques nouvelles de l'informa­
rythme. du hasch. U fallait proposer des modèle$ de rupture, tion et de la communication.
percutants, violents. X.., lieu de synthèse? La maison de campagne. Ccll(!·ci
Pl,tfs l'implantatipn de masse. Les usages mondains selon sera le symbole de la rencontre et de la réconciliation des
les trois niveaux de la nouvelle hiérarchie sociale. A J'usage deux grands systètn�s d'exploitation et de profils du sys·
des 61ites, des couclll:s moY.ennes, du populaire. Ln pesan­ tème. Nous en ferons le symbole de la nouvelle société, du
teur sociologique du mondain. nouvel humanisme. Et le moyen de leur explication.
Enfin, la dernière période : après le surgissement du La France de I'UDR - de la gestion gaulliste- est un
modèle et la vulgarisation des usages, voici l'Informatisa­ merveilleux exemple de l'arrivisme économique, politique,
rion au service de la convivialité. culturel. Elle a mis en place tout un nouveau système de
Alors le système en est à sa vitesse de croisière. • La profit et de réinvestissement de ce profit. Une nouvelle
société de consommation • -celle de la nouvelle bourgeoi­ forme de classe - avec gTande, moyenne, petite-bourgeoisie
sie qui exclut la classe ouvrière, mais qui cherche à la - est apparue. Nouvelle classe sociale qui est l'essentielle
séduire et à la manipuler-accède à son Idéologie • huma­ profiteuse du système, du capitalisme monopoliste d'Etat.
niste •. La convivialité est le meilleur usage de la société de Son parcours est urbanistique : de la spéculation immo­
• consommation •. Le mode d'emploi des modes d'emploi, bilière à la maison de campagne. Des cabanes à lapins de
celui qui subsume tous les moments de l'accession à la Pompidou à la somptueuse résidence secondaire. Le profit
consommation mondaine. fait sur la ••ille est réinvesti (partiellement) à la campagne.
C'est une loi de la production idéologique : le discours (Comme ln bourgeoisie d'argent l'a toujours fait depuis le
humaniste surgit comme couronnement d'une systématique Moyen Age).
d'usages, Ceux de la consommation • libératrice � d'une Trois moments • socto-culturels • de cette spéculatiun.
production aliénante. On discours théorique justifie dans D'abord. la déserci[lcatlon des campagnes : envoyer les
une perspective universelle des intérêts de classe. Cette pana�s et les habitants des petits bourgs travailler dans lcb
théorisation philosophique surgit à chaque moment impor­ grandes villes ct dans la banlieue parisienne (et expédier
tant de 111 croissance du mode de production. aussi les travailleurs de Paris dans la banlieue). Puis, alor�.
t'humanisme est donc le véhicule de la bonne volonté racheter à vil prix lerres èt maisons. Enlin, par la loi sur les
(celle qui pave l'enfer), de l'idéologie. Il permet de dé,•elop­ plus-values. empêcher d'autres parvenus, trop tard parve­
per un discours bienveillant, cordial, généreux m!me. Cet nus, de faire ces sp�culations. (Le hippie se situe, lui au��i.
aspect humain s'épanouit d'abord dans le paternalisme. dans cette mouvance. Comme un charognard, il s'installe
La modernité humaniste va faire de ce p�re un grand dans la misère rurale. De la désertilication, il rait un décor
frère. Le paternalisme va se donner une dimension protee· bucolique. De la restauration archaïque et artisanale - au
triee et organisationnelle qui rend encore plus • humain • noir - une source de revenus). Liquidation de la Vieille
l'humanisme du capitalisme. La larme à l'œil du radical­ France, réinvestissement des pro(its de l'industrie et du
socialiste sincère deviendra celle du social-démocrate commerce, bucoUsme écologisant � triple dimension de la
convaincu, pathos revu et corrigé par les public-relations de résidence secondaire qui entrelace les acquis de la techno­
l'américanisation. L'animation idéologique du pouvoir poli­ cratisation et les rheries champêtres des arrivistes et
tique ct économique est la synthèse de ces deult dynamiques parvenus.
du néo-capitalisme (l'une spécifique de la bourgeoî�îe fran- Autant l'implantation des usages mondains de la civilisa-

234 235
ti011 capitaliste témoigne d'un arrivisme 51!uvage, d'un d'avant la mainmise de i'UDR sur Je territoire rural, d'avant
narcissisme vulgaire, d'une libido arrogante, autant la la migration imposée par l'indusrrialisatiot1 capi'taliste. EUe
maîtrise de toutes les techniques et de tous les moments de est devenue le décor rêvé du fantasme hippie : une nature
la consommation mondaine témoigne de la convivialité. bucolique, désertique. solitaire, aux villages abandonnés,
C'est le moment de la halte. Du repos. La maison de aux maisons en ruine... Pourquoi Je fils repartirait-il cher­
campagne- était nécessaire à la consommation mondaine. On cher en un ailleurs dont il a éprouvé l'inconfort ce qu'il a
aime se reposer auprès d'un bon feu de bois. Après la sous la main ? Et puis, à la maison de campagne, il pourra
promiscuité libidinale des marginalités mondaines. la cam· installer la chaine hi-fi, tous les gadgets. Et avec sa moto...
pagne sauvage. Les autochtones, ça changé quand même d� Le grand moment de la réconciliation, du père et du fils,
têtes du cosmopolitisme àe l'industrie du loisir. Et puis, à la ce sera la commune restauration, dont on parle depuis des
maison de campagno, il y a aussi tout cè qu'il faut. On peut, années, tout en rustique. Le père apporte le fric. Le fils ses
entre intimes, à l'occasion, s'y éclater encore, tranquille· visions. Et la main-d'œuvre à bon marché. Celle du travail
ment. noir : les copains de$ Ans déco, les hippies - ex-hippies. ­
Ayant" usé et abusé de toutes les animations, prêt à reconvertis dans l'artisanat d'art, etc.
repartir vers de nouveaux rivages, l e nouveau bourgeois se On s'était fâcl'té i) la ville (après le résultat des examens} ;
repo$e en sa maison de campagne, relais et pivot de sa on se réconcilie à la campagne. L;J. comédie bourgeoise ­
prodigieuse migration mondaine (renet inversé de la migra· comédie familiale - en est à l'une de ses dernières scènes.
tion du travailleur rural qu'il a délogé). C'est au cœur de la famille que le système réconcilie le
La convivialité elit bien l'humeur cordiale, réjouie, profiteur qui a créé le système et celui qui le consomme. On
joviale, hilare même, de la nouvelle bour!leoisie qui a réussi. se redécouvre. Le père écologise et le fils bricole : • s'il
L'idéologie de )a participation, à la ville, devient, à la voulait � dira le père. El la mère de répondre : • ce qu'il est
campagne, la convivialité. Moment du potlatch, de l'étale· doué •. Ensemble on va traquer les antiquaires de la rc!gion.
ment des richesses et des (petitS) cadeaux somptuaires. A la On accumule, on engrange les objet$ les plus variés. Des plus
ville, on s'acc�oche, on {once, on se bat. A la campagne, on se archaïques aux plus sophistiqués. Le système des objets
relaxe. On reçoit les amis. On exhibe sa réussite. On la fête. attei'nt sa plénitude. Le père rafistole la vieille bagnole
Plus dtl fébrilité. Les jeux sont faits. La bande a triomphé. découverte par un coup de veine inouïe, dans une vieille
Elle est devenue caste ou strate de classe même, sélectionnée grange. Ou le vieux meuble que le • père Machin • a enfin
par le système. Le prolétariat? C'est une notion périmée, lâché. L�: fils s'affaire entre la tondeuse à gazon. S'il moto et
arcbalque, qui fait sourire. On peut, entre vieWt éQpllins, se sa chaine hi-fi. la mère astiql'e les chaud ons âprement
c
rappeler les vieux souvenirs, le temps de la vache enragée. marchandés chez le brocante4r du village. E.t la fille pro·
Après s'être partagé les wofits. A ce festin, cordial et jovial mène ses rêveries bucoliques, du retour auic sources, à
- et il y a de quoi - on peut même inviter un pauvre. Au bicyclette.
bout de la table. Pour le dessert (ça porte bonheur). Tout le monde est de'\'enu copain. 'La convivialité a
Mais l'invité le plus attendu, c'est le [ils. Et le plus triomphé des conflits familiaux. (Ceux du frère et de la sœur,
inattendu. Le plus fêté. Son arrivée surprise, inopinée, sera du père et du lils, du mari et de la lemme). Elle a apporté la
un grand moment familial. Le couronnement de la convivia· solution moderne, pragmalique 'à des problèmes d'avant la
lité : le père consent à passèr l'éponge sur bien des choses. maison de campagne).
Son humeur champêtre, accueillante, bienveillante, sur­ On tue le veau d'or. Le père invitera les copains et les
prend et touche le fils prodigue, un peu penaud et embar­ copines du fils. Le ms sera copain avec les copains du père et
rassé. Et le père - le système - va même offrir au füs de la sœur (brochettes). J..es deux générations vont s'in"iter.
révolté le décor de ses rêves : une nature sauvage. La réalité la convivialité est bien l'idéologie ùe la réconciliation des
même du rêve hippie. Un �illeurs sans J'autre (sans le de1.1x courants constitutifs du système et jusqu'aJon; radica­
producteur). Natt.�re sauvage qui n'est autre qu'une nature lement opposés : celui de la techno-structure et celui de
longtemps travaillée, humaniSé!! puis abandonnée. Nature l'émancipat.ion libertaire. Ce qui veut dire que le système a
faussement sauvage : désertifiée. Une ceqaine campagne a atteint un équilibre décisil, structural. Toutes les formes
été désencombrée de sa praxis, de l'animation industrieuse antérieures ont été dépassées et intégrées dans un ensemble

236 237
qui n'autorise plus les outrances et exac1lons qui ont pu être lialion du père et du fils, de la production technostructurale
néce�saires pour écarter et effacer la société traditionnelle. et de la consommation libertaire, de la France du nouvel
Maintenant, il s'agit de gérer un acquis. Comme aprè s toute avoir et de celle de la jouissance, elle va s'élargir en
révolution, lorsque la situation apparaît irréversible. ll laut structure de civilisation (du loisir).
normaliser, institutionnaliser. La nouvelle consommation La convivialité devient une forme de soc iabilité à priori.
mondaine, après avoir jeté sa gourme, usé ct abusé du Celle de la vraie • société de consommation • (ludi ue,
libidinal et du ludique, doit s'apaiser. Elle s'installe à la libidinale, marginale). Forme qui modèle la gestion In dqus­
maison de campagne. melle et mondiale du divertissement social-démocrate. Elle
C'est l'étape-repos. Elle est un accomplissement et un est le contrat tacite entre les consommateurs et entre ces
commencement. Elle est la fin de l'émanclpatlon·transgres­ consommateurs accomplis que sont les parfaits touristes. Et
sive. Et le commencemeDl du libéralisme avancé jus qu'à la elle doit être aussi le mode d'échange entre Je touriste et
social-démocratie libertaire. La l)lédiation bucolique de la !'indigène. Bntrc le nouvel exploitant et J'exploité de tou­
maison de campagne permet de passer du PS1J au PS. La Jours.
maison de campagne est l'articulation entre l'arrivisme et Cette qualité de la vie est l'impératif catégorique du néo­
l'arrivé. colonialisme écologisant. Car J'industrie du tourisme, du
La société traditionnelle- de l'avoir sans la jouissance loisir, du plaisir - sous ses multiple� àspects- n'est autre
- a été liquidée par la nouvelle société de la jouissance sans que celle lorme combien sournoise de l'impérillllsme écono·
l'avoir. Plus de combats d'arrière-garde. Mais au contraire, mique et culturel. Que ce soit à l'intérieur - à la maison de
la paix des braves : la jouissance sans l'avoir se complète de campagne -ou à l'étranger- au Maroc, à Ibiza, etc. - il
l'avoir de la jouissance. La nouvelle bourgeoisie a intégré la faut • être bien • avec l'indigène. Le considérer, le flauer
consommation mondaine d'avant-garde dans la tradition même. Pour bénéficier du meiUeur service, de la mellleure
bourgeoise. La France est centre-gauche : social-démocratie qualité de la vic, du meilleur usage.
libertaire. Le contrat d'amabilité, de convivialité engage les deux
Et on convivialise eo diable. On invite tout le monde, partis. Le touriste appone les devises,consent au • service •
pour un potlatch bon en(ant. Les hobereaux ruinés du coin, et accorde même le pourboire. En toute bienveillance,
pour leur montrer ce qu'ils ont perdu. Les amis enrichis amabilité, sindrité. Il vient consommer de la qualité de la
pour leur montrer qu'on est plus riche qu'eux. Et si on n'est vie. C'esr-à-dire les modalités ludiques, libidinal.s, margi·
pas plus riche qu'on a plus de goût, qu'on est artiste. Les nales offertes par cc néo-colonialisme. Il n'a aucune inten·
amis des enfants, pour s'en faire des amis et contrôler les tion agressive. faisons l'amour, pas la guerre.
enfants. J..e directeur pour lui faire la cour. Aussi ne veut·il pas être trompé sur la marchandise. Le
Le curé du coin (s/;1 en reste un). Mon curé chez les riches. set-vice de l'indigène doit satisfaire son empathie tourisll­
Vieille Structure. Un intégri$te, c'est l'idéal : • Ce qu'il est que. La convivialité est une réciprocité : l'indigène doit
marrant • · L'instituteur, quand Il est gauchiste. Mon gau· savoir offrir les services adéquats : artisanat d'art, prosl1lu·
chistc che:t les riches. Nouvelle structure : • Au lond, il a tion, spécialités culinaires, gentillesse, etc. D'une manière
raison. • Et les indigènes. main-d'œuvre à bon marché, si on pittoresque et spontan�e. Ces services font partie de l'envi­
sait y laire. On s'en son avec de bonnes paroles et un bon ronnement. De la qualité de la vie. L'animation idéologique
verre. Ce n'est même pas du travail noir. C'est de l'entraide. est devenue le nouvel humanisme. Les public-relations en
Pour entretenir la pelouse, tailler les arbres, (aire un garage. sont les véhicules et les métiers. La convivialité est la morale
Les braves gens du coin feront aussi le gardiennage. Ils de • la société de consommation •.
surveilleront la propriété, en hiver. Mais l'internationalisation, et même la mondialisntlon
de l'industrie du loisir (et de la société qu'elle modèle) pose
2. La aodal-d�mocratie libertaire, comme aolutioo des contra· d'énormes problcmes d'organisation et de gestion.
diction• du Ubûalisme avaod Ne serait-ce que pour une gestion immédiate de cette
industrie du loisir. Comment concilier les rythmes ACOiaires,
Cette convivialité est une structure relationnelle essen­ la meilleure rentabilité des stations de neige ou balnéaires
tielle de la nouvelle société et d'abord modèle de la réconci· ou thermales, !� circulation automobile et Je budget familial
238 239
des loisir�? Et à moyenne échéance, horizon 90, par exem­ pour critiquer les réalisations des pays socialistes. Mai 68 a
ple : étant donné l'augmentation du pr!Jt de l'essence, le été J'apothéose de celle prétendue résistance du ludique et
nombre de chômeurs et le taux de scolarisation, l'augmenta­ du marginal à l'Etat technoct'ati que.
tion des salaires et la construction des autoroutes, quelle Et voilà que le nouvel humanisme sera l'inFormatisation
industrie automobile. quelle voiture de tourisme, quelle de la société! Et au service de la convivialité 1 Et celle
chaine de montage ? nouvelle doctrine libêrutrice est proposée par ceux-là
A longue échunce, il faut prévoir l'évolution structurale m�mes qui se sont Faits les chant:res de la contestation. de la
de la social-démocratie : articuler le procès de production et libérali�ation des mœurs, de la convivialité.
le procès de consommation. Pour établir l'équilibre entre la C'est le Monde lui-même qui a fait la promotion du
quantiu! de chômeurs possible et la qualitli du loisir pro­ rapport Nora. Le Monde, cet Officiel d'un libéralisme huma­
posé. Et moduler le tout selon l'âge, le sexe, la profession. niste réfl�chi et responsable, le porte-parole de toutes les
Onns les trois c;as, cela doit se faire à ln gloire de la social­ contestations ct dissidences, si auac;hé aux libertés el aux
d6mocratie libertaire. li faut donc aussi concilier le profit et droits do l'homme. Pierre Vinnsson·Ponté, lui-même, qui lut
l'Idéologie, la séduction des masses et leur· exploitation. l'un des plus grands journalîstes du Monde et peut-être le
C'est cc que l'informatisation de la société devra réaliser. plus exemplaire, prestigieux diffuseur et prescrlpte�1r d'opi·
C'est le fameux rapport Nora. Déjà, Bison Futé était au nions (de celles qui lonl les majorités sociologiques) a fait le
service du barbecue. Mais ce n'était là qu'une esquisse, un marketlns do cette nouvelle doctrine en deux articles
aspect local du problème. L'informatisation sera un super­ • remarquables • ' ·
plan. Le plan des plans (ceux-ci ne seront plus que des Et. apparemment, cette prise de position n'a pas fait
tranches de réalisation). Cette informatisation de la société problème pour les lecteurs du Mortdt, ni pour les humanistes
sera au service de la convivialité (de l'industrie du loisir et bon teint de l'Intelligentsia. Pas de fracassante levée de
du plaisir) 1, boucliers ni d'abondant courrier des lecteurs.
Pourtant, le phénomène journalistique et idéologique est
Evidemment, cette intrusion de l'ordinateur dans la vie
de loisir-qui est devenue la vie privée, comme la vie privée
énorme. C'est une extraordinaire volte-face. De l'huma­
nisme au nom de l'humanisme. Puisque le discours libéral.
est devenue la vie de loisir - pose des problèmes humanis·
subversif même, en tous les cas contestataire, s'identifie,
tes à l'idéologie convivialiste. unanimiste, écologiste du
maintenant, à la pire des programmation�. celle de l'lnfor·
loisir. L'o•·dinateur n'est-il pas réputé etre le !lie, l'Etat, la
matique 1 C'est l'opposition libérale, elle-mème, celle qui
machine, la logique, l'ennemi de toujours de la spontanéité
glorHic la vie libre, spontanée, sans artifice, celle de l'indi·
ludique, marginale, libidinale?
vidu libéré des carcans idéolosiques, étatiques, technoerati·
Cette Idéologie humaniste et libertaire va se trahir et
ques, qui non seulement se réconcilie avec la programma·
révéler son opportunisme. L'humanl$mc va apparaître
tion bureaucratique - si ardemment dénoncée en Mai 68-
comme le lieu de réconciliation de ln bourgeoisie de gauche
mais qui lui demande de réaliser son propre projet d'éman­
et du pouvoir, la manière de concilier les privilèges corpora·
cipation. en surenchérissant même sur une programmation
tils de l'intelligentsia et le projet culturel du pouvoir.
qui devra être Informatisée l Au nom de la convivialité, de la
l'intelligentsia, longtemps certes, s'est opposée, d'un bel soclét� lib�rale avancée. On croit rêver 1 Que cela soit
�lan de sa belle âme, à l'intrusion d'une programmation proposé par le ltbérateur libéral ! Et apparemment agré<! par
�tatlque dans la vie privée et l'univers du loisir. C'�tait l'intelligentsia contestataire!
l'e�sentiel de son d iscours Face au pouvoir. C'est le thème Ce néo-humanisme technocratique et convivlall�te est,
�me de la littérature et des ans engagés. u Meilleur des en définitive, parfaitement logique. Il vériFie, d'une manière
mondes d'Aldous Huxley est le livre, le symbole, le mythe parfaite, notre dHinition de la civilisation capitaliste :
m�me de la contestation du Fonctionnel programmé. Et Dieu civilisation ludiq ue et sensuelle� civilisation machinale.
salt si la belle âme indignée a usé et abusé d
e
ces archétypes Alors que l'idé l
o ogie dominante a prétendu le contraire

L c·t"ll la récQridHatlon des- deuJl Françc:, rêJafit11ne Cl conviviale� t. Cl. U Mo•d• du 28 Juin el du 29 uin
j 1978.

240 241
(jusqu'à l'énorme lapsus révélateur de P. Viansson-Ponté). économie humaine. Elle révèle les fondements • spirituels •
C'est la structure mème du capitalisme. Mals a j mais dite, de la civilisation capitoliste.
jamais avouée (sau[ par le lapsus). Car c'est le lieu même de la nouvene gauche - celle qui veut écarter le PC de la
l'inconscient : l'interférence du procès de production ct du gnuchc- a offert .
procès de consommation (cc que la psychanalyse doit 1. Le discours c:ontcstataire du pouvoif traditionn�l.
cacher). 2. Le nouveau modèle d'usage des objets.
Ce néo-humanisme est un accomplissement stratégique. En échange, elle a reçu :
JI doit permettre de réaliser le projet du néo-capitalisme :le 1 . L'institutionnalisation de la libéralisation des mœurs,
rérormisme social radicalis�. comme la solution des contra­ jusqu'à la société permissive.
dictions du li�raltsme �nomique. 2. Les pleins pouvoirs politiqu es.
Cette stratégie politique est • la meilleure • solution de La nouvelle droite a oH ert :
la contradiction interne du capitalisme. Le libéralisme n'a 1. L'appareil infraotructural de production technocrati·
pu persévérer dans la croissance que par le capitalisme que et étatique.
monopoliste d'Etat. Selon sa double fac e : l'étatisation de 2. Les objets de la consommation mondaine et de la
l'économie et la social-démocratie politique. En lin de société des loisirs.
parcours, le capitalisme est ce monstrueux paradoxe : le En échange, elle a reçu :
libéralisme �nomique est étatique et l'appareil d'Etat est 1 . la gestion de la crise par la nouvelle gauche ; recon­
social-démocrate. Le capitalisme a .nré à gauche - au duction de l'austérit� imposée aux tranllleurs (producti­
niveau polltlco<ulturel - et a viré à droite - au niveau visme, inflation, chômage).
économico-social. Sa dialectique a inversé ses composantes 2. Le détournement de la révolution technologique et
originelles : libéralisme économique et conservatisme poli· scientili ue par ceux-là mêmes qui avaient mission d'en
q
tique. Quelle ruse 1 [aire profiter les travailleurs.
Ce paradoxe est la dernière chance de la gestion c:apita· Le meilleur des mond�s possible - l'informatisation de
liste : la • normalisation • de l'Impérialisme économique la société au service de la convivialité - l'apothéose de la
par le • sociali�me • de la social-démocratie. Le néo-capiLa· c:ivllisalion capitaliste, sera cette synthèse, au sommet, des
lisme réduit à une insoutenable contradiction, soutient le deux courants constitutifs de la social-démocratie liber­
capitalisme par cette comradiction même, devenue straté· taire ; la �nciliation du ceolre-<lroit (qui récupère de plus
gie d'intégration ct de récupération. en plus les droites traditionnelles) et du centre-gauche (qui a
Dans Nlo-{ascisme et Idéologie du désir et dans Le Frivole mission de rééquilibrer la gauche en isolant le PC), celle
j
tt le Sérieux, nous avons dé à essayé d'établir les modalités aussi du technocrate et du libéral, de l'Etat et de la
cultuelles et politiques de c:otte stratégie. De montrer
r contestation. C'est la meilleure adaptation du réformisme
pourquoi la technostructure étatique et la consommation ­ soèlal radicalisé au • libéralisme • économique, la meil­
transgressive étaient en complémentarité. Et comment l'or· leure gestion de la production par la consommation (pro­
ganisation de la production (par la nouvelle droite) t et de duction du travailleur collectil et consommation de la
l'organisation de la consommation (par la nouvelle gauche) nouvelle bourgeoisie).
constituaient un ensemble bomog�ne : la social-démocratie La crise va révéler la nature profonde de ce syst�me :
libertaire. l'austérité (la répression économique sur les travailleurs,
Nous résumerons cette stratégie en quelques proposl· essentiellement la classe ouvrière) a comme corollaire non
lions. Tl s'ag it, pour les deux camps, de casser la société seulement le maintien mais l'expansion de la c:onsommation
traditionnelle selon une division du travail straté�lque. social-démocrate. C'est en pleine période de crise qu'est née
Selon un système d'échanges. Chaque partie offre à 1 autre l'idéologie de l'informatisation de la société au service de la
des services et reçoit sa récompense. C'est une nouvelle convivialité. A mesure que l'austérité s'aggrave, le chJffre
d'aflalres de l'industrie du loisir, du tourisme, du plaisir
augmente. Les deux semblent être en raison inverse. La
l Il ne ,·aau ë"•d�mmt'-nt pat de . la nou'·dle droite •. inv�ncHcoc:nmc:
dh•crs.lon par t-es médlot.J mais de la MU\'tlle drohe réelle.c:elle quia misen jouissance social-démocrate a comme condition le producti·
plact" l� capitah,rnc monopoliste d'Et.at visme, l'inflation, le chômage, etc.

242 243
Cette jouissance n'est possible que par la récupération de
la révolution scientifique et technologique au nom de
l'inlormo.tisation de l a convivialité. Le détoumement
d'usage de la machine, de l'usage fonctionnel, au profit de
l'usage ludique, lib1dinal, marginal auemt un seuil limite.
Ce détournement a deux effets : faciliter la vie de • convivia·
lité • et rendre plus dure la vie des travailleurs. Ceux..ci
doivent produire davantage et dans des conditions de plus
en plus difficiles pour que les non-producteurs aient la vie de
plus en plus facile. (La sous-consommation des ménages ­
pe
et tout d'abord au niveau de l'équi ment - a comme
d
corollaire la surconsommation de J'in ustrie du loisir.) C'est
l'ultime machination capitaliste, le dernier perfectionne.
ment du détournement de l'usage fonctionnel. Ce détourne·
ment de sens - du sens progressiste de l'industrialisation­
aboutit à l'actuelle crise. Crise structurale, interne, logique :
celle des contradictions internes du libéralisme économi·
que, celle de sa gestion par la social-démocratie libertaire.

Table des matières

Prélude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . .. . . • . ...... 9

Première partie :

L'initiation mondaine à la civilisation capitaliste

Ch:;J.pitre premier : L'honnête homme ne peut pae


snober ootre anthropoloaie de la modemitf , , . , . . . , . . . , 1S

Chapitre 2 : Premier niveau n


i itiatique : poster, fUpper,
iuke·box Geohe de l'innocucc et «banae symboli-
-

que ..
. . . . . . ,........ . . . . . ........ .. . .. .
. . . . . . . . . 23
A. Magie
- ...... .... . ............. . . .
. . • . 23
B. Totem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- . 26
C. - Potlatch - L'ethnologie du Plan Marshall . 28
i itiatique : jei.IIS, nUUs,
Chapitre 3 : Second niveau n

cheveux loop, phare : portrait robot - Le prêt·•·
poner de la cootestatioo , ....
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
A. - Ou modèle à sa consommation de masse :
d'Hollywood à l'industrie des jeans . . . . . . . . , 35

245
- Le visage de l'id�ologie . . . . . . . . . . . . . . . . . .
I:J. 39 B. - De l'avoir sans l'usage à l'usage sans
C. - Le petit rien qui lait le modèle . . . . . . . . . . . . . 42 l'avoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . ,.. ., . 151
Chapitre 4 : Ttoisl�me oiveau lniliJitique : l'animation �h�pit�e 8: _Le�
lois de l'initiation mondaine l la
machinale- La ltahlt de Pompidou . . . . . . . . . . . . . , . . . 45
c1v
U ste. . . . . . . . . . , . , , , , • , . . . . . . . . . . .
•sahon capitali 157
A. - L'animation machinale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
B. - La bande -Le parcours de la marginalité . . 48
Deuxième partie :
C. - La bande sonore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
D. - Contributio n â u ne théoriedujaxL-Le rock La loJique du monèlain
ou le rythmt! sans le swing. Le swing ou le
temps retrouvé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Chapitre premier : L'intlistible expansion mondaine 165
E. - Bilan provisoire de l'ammalion machinale
g
A. - De la phênoménolo ic à la logique . . . . . . . . 165
- Vitalisme et animisme . . . . . . .... .. . 78
f
1. De l'autonomie onctionnelle des usages
Chapitre 5 Quatrl�me lliveau iaitiatlque : l'illiliatioo mondains à leur SJStèmc de signifiants­
mixte, subvenive et iattitutionnelle - Le hasch et ua Le symbolisme Immanent ct le signmant
«nain ul8ge de la pUule . . . ......... 83 mondain . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
A. - Le corps (autonome) du mannequin . . . . . . . . 83 2. Les stratégies du néo-nominalisme :
1. Du psy du sensualisme (le psychédélique) occuper le champ politique et le champ
à l'intégration institutionnelle- Le corps culturel . . .. .. . . . . . . . . . . .. . . . . . . 169
comme machine à rêver . . . . . . . . . . . . . . . 83 3. Le dédoublement stratégique du modèle
2. La subversion radicale - Le flagrant et les deux domaines de la nouvelle sensi·
délit d'une autre normalité conformiste . . 86 bililé' ' ' ' ' ' ' ' ' ' ' ' ' . . . ' . . ' . . . . . . . . . . . 171
'
B. - La drogue. l'usage mondain et la pharmaco· B. - Les métalangues du mondain. L'iMal . . . .. . 173
logie de l'Occident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 1 . L'esthétisation des arts - L'accès au
1 . La manipulation idéologique et la théorie fantasme . , , . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
mntérinlistt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 2. La production des orchétypes du mon·
2. La drogue, la pathologie mentale et dain - Mythologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
l'arythmie sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . . 97 a) L'existence idéologique , , , . , . . . . . . . . . . . . . 176
C. - Les façons sexuelles : d'u11 certain appren· b) La généalogie de l'illcOnscient collectif : la
tissage de la pilule à la nouvelle coquelleric mode-dimode. Le refus du néo·nomltta·
(le féminisme) . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . 106 /ismett de l'ontéprédicatl{ · '· . . . . . . . . . . . . . 178
1 , La pilule, )a régulation démographique et c) Les trois moments sociologiq ues de l'in·
la fillclle - De l'usage civique à l'usage conscle111 collectif- La c1rfulat1on idéolo-
mondnln . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 gique de la libido . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
2. Les sexismes mondains, la psyché et la d) La mode ritro, ultime enclos du Panthéon
lutte des classes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 des archüypes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
C. - Le prosaïque du mondain : les nouvelles
Chapltre 6 : Cinqui�me niveau ialùa.tique : la moto, la coutumes de masse et la cascade des snobis·
chaine hl·fl, la lllitate �lectrlque, le nikon - a dtfini· L mes . . . . . . , . , , . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
tive inttaration au syStlme par la technologie avancée . . . 135 1 . Le droit à la différence : la nouvelle hié·
A. - L'usage progres�iste et l'usage mondain . . . . rarchie sociale - La singularité : le signe
B. - Le grand passage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .142 d'un genre . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . 193
2. Les trois piliers de la civili�allon capila·
Chapitre 7 :La social-dtmoc.ratie Libertaire • • . . . • . . • .. 145 liste : l a boite, la bande, l'animateur 195
A. - Le nouveau contrat social du père ct du 3. Les niveaux de la consommation mon·
his . . . . . . . . . . . ............. . 145 daine . . . . . . . .. . . . . . . . . . 197

246 247
a) Régir�e et Castel . .......
. . . . . . . . . . . . . . . • 197
b) Le Club Méditerranée et !bita . . . . . . . . . . • 203
c) lA fièvre du samedi soir . . . . . ..
. . . . . . . . . • 208
Chapilre 2 ; Uoe DOuvelle dvil.isatioo . . . . . . 211 La collection Problèmes
A. - Sespéchéscapitaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
1 . Le mondain : la genèse de son innocence (directeur : Jacques Milhau)
et sa valeur épistémolog ique . . . . . . . . . 211
2 . ln première civilisation sensuelle . . . . . . . 214
3. le potlatch d'une part de la plus-value . . . 219 Depuis 1945, public des etudes, des essais individuel$ ou collec­
a) La consommation du manque de l'autre et tt!s qui prennent place au cœur des débats th�oriques et idtoloal­
ques de notre époque.
de la hiérachisation
r mondaine . , . . . . . . . . 219
Aujourd'hui, elle chnnse de format.
b) Le service de promotion de velite d'une
civilisatio•t. De la mode au mondain :de la elle s'agra,ndlt
valeur d'usage à la valeur d 'écl: w e . . . . . . 223 elle s 'enrichir
ug
4. Civilisation sensuelle : civili s ation �jà�ut :
machinale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
B. - Son apogée : l'informatisation de la société Michèle BeRTRAND : u statut de la religion chtz Marx tf Entls.
g
au service de la convivialité . . . . . . . . . . . . . . 233 Man et En&cls ont·ll� été les détracteurs de la religion �u• 'on l
croh? Bien au contraire, leur intérêt pour la rclisJon ne s est pas
1 . la ma�S?" �e campagne. lieude toutes les
d�menti, et c'e<tt en hommes de science, non tn propagandistes.
réconcthauons. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 qu'ils tn ont abc;rdê l'étude D'où '•lent cet intfrtt >
2. la social-démocratie libenaire, comme
solution des contradictions du libéra- D Burrucu. J. LoJtmœ. E. 0ARY, R. Dl!uc-ttotx. c. MAtii8U ·
Clas'* ouvrllre tl 50Cial-dbnocratle : Lille et Mars<tllt.
lismeavancé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 Quelle e" l'originalité de la SOtial-démocratie françeise? Pour
.

répondre à cette question les auteurs ont choisi de confronter


l'analyse du déveiOpfl"ment ouvrier à celle de l'exercice du pouvoir
municipal daM les dcu>< principaux • bastions • pol itiques du
Purti !IOCiallste : Lille et Marseille.
Michel J)tON : us catholiques tl lt pouvoir : crlst du • constnsus •
(enqul(t$ en Moyenne et en Lorraine).
r
Quelle C$t l 'in!l ucntC de l a crise Sur le com ortcmcnt des <hn;.
tiens? Oucls sont les rapports nou�s au n de l'histoire entre
• consensus • et catholicisme?
Claude DUMR : Format/or• perm antn(t tt contradictions sociales.
LA • formation professionne
lle continue • est entrée duns l'uttua­
lité au début des années 70. Exigence issue de mal t968, elle �tait
censée bouleverser les méthodes traditionnelle• d'éducation, per·
mettre aux travailleur$ de gravir des echelons dans la hiérarchie
sociale et éponoulr leur penonoalité... 0\i en est-on aujourd'hui
rklltmmr?
Jean C•oar.v · lA rhioorit konomiqut libbalt ou nioo-classiqut.
Jèlln Gadrey rbume simplement les arsuments de lo theori<:
dominante, sans recourir à la lormalis;�tion. Ce crnvoil de rechtr·
the est donc IMgement accessible aux non·spéclali•te•.l tous ceux
qui entendent sc situer de façon critique dans le concert des idée•
économiques courantes. Ils y seront aidk par un alossaire de
termes courants de lo théorie néo-classiql,le
Jeon·Paul Jou"tv : Comprendre les illu$ÎO"·'· Michel VovnLLr : V/lit tl campagne au xvuf siécle. Chartru er la
L'illusion exi�1e bien. Elle a ses causes el ses consêquences &aue�'. Prt{ace d'E!.rnest L.ol>rousse.
lhllorlques e1 pratiques Elle joue un rôle dans nos pen�. Pour la
. Une \•ille qui lire toute sa substance de la campagne let hommes.
depa�..er, 11 fau1 donc la prendre au sérieux ' d�mon1er les 1llusions les graines mais �unout la rente.
que nou� enu..:tcnons vis-à-vis d'elle C'est le tell> de cel essai Mals cene cil� d�pendanteellt en réalité domlnatri<:<!, par l'cmp1 ise
phllowphlque.. qu'elle manife\le 'ur le monde rural.
Solanae Muco�R JOSA : Pour lin H�el ., Marx. Ce sont bien 111 des • problèmes nationa11x d'histoire sociale •
I.e rapport Hegcl/Marx est le sujet depuis qu1nu ans d'un d�bat comme l'écril Ernt'st Labrousse dans sa préface.
philo�uphique nourri. Solange Mercier Josa en renouvelle le. Et <ba• l'aadeiiU prfaentation (poche) :
terme• et nous propose une �crure crois� qui �claire bien des
aspccl• de la question. Jacques MILliAU : Cloronlquu pl1ilosophiques.
Henri S•LvAT : L 'imelllgtnct, mythes tt rklités.
Jean SUR8T·C�NALe : ES$aîs d'ltistofro africaine (dt la trolle des Pierre BRVKO, Catherine Ct.2MEN1', Lucien SEVE : Pour unt critique
marxiste de la tl1éorl• psychanalytique.
Noirs au coloroialisme).
Je��n Surei·Canalc, dont on conroait déjà ln série importante Suzanne de BRUNHilfF : l.a Monnaie éhez Marx.
d ouvrages géné.-aux sur l'hî$toir� de l'Afrique lropleale el sur le
' Jacques d'IIONil'r : Htgtl .,, son temps.
tiers monde, abùrde Ici quelques problèmes clts de celle partie du p
Pierre J�UOLE : Essai "" l'es ace et le temp•.
monde : la traite el ses répercussions à l'époque précolonialc, les Maurice OP.!'AILLOr, Edmond PRETECI!ILLe, Jean·Pitrre TOI!kAIL :
économies africaines a.près l'indépendance, e1c. &soins tl mod• dt producrion.
Et dans la s�ric ProbltmtJ·histoin Jean-Pierre DeuLI!l : L'Etat du changemtrot.
(direclour : François Hincker} : Michèle BI!RTRAND · Hi!;toire eo théories économlquts.
Etc.
Rofer BouRouo� : Le Fascismt, idtlologit et pratiques.
Ou est-ce que le fascisme? En s'appuyam sur l'histoire des mouve­
mcnb et d
u i
panis fascstes leW'$ slrucluJ"Cs, leun: programmes.
.

leur propaaande a>ant la prise du pou•oir, on p.:ut montrer à la


fols les sp�ifkités el les caractères communs du la$Cismes el du
!aac;.me.
R. BoUR06Ro�. J. BURLF.S, J. CtR.AULT, R. MAII.TtLLI, J·l RODQRT,
J.J. SCOT, o. T�RTAKOWSKV. G. WtLLARO, s. WOLIKOW : Le l'CF,
�lapes tt probltmes, 1920-1972.
Ont.c lcxtcs d'historiens �'<>mmunistes sur le PCF, sa >lrutégie son
activité. son roncHonnement : une source lm orrante de connais­
p
sance e1 de �flexion, une étape dans une e
r h
c erche à long terme.
Antoine CASANOVA, Ange RoveR.I! : Peuple corse, rivolution er nation
/r<mçalse.
Oue uvon>·nous de l'histoire de la Cor<e ? La Vendetla. Napol�on
Cl Colomba cachent une réalité beaucoup plus complexe faite de
spécificités nationales et régionales qui onl permi> I'Jntégràllon de
l'Ile • lo Fronce. I.e momen1 où tout se joue : le xvu.. slkle.

M OtoK. R HuARD, A. LAcROix, M. MotSSONNtco., M. SIMON,


O. TART�ROWSKV, · 1.4 Clasu
S. WoUicow ouvriùefraroçalu tl la
polltiqut
l.a naiuance des partis politiques en France, les oraanJsa1lons du
Parll communiste dans les entreprises et son analySé de la classe
ouvrl�re autour des années trente. les rapports des lunes revendi·
calivc\ cl poliliques, l'influence des partis de droite et, plus
général�mcnl, le� rapporls entre les grand& courants idllologiques
et les choix politiques en milieu ouvrier.
Une matière riche el souven1 inédite pour ln réflexion.
.4'h""� d'ilttprimtr sur prtJst CAMERON
dans l,.. a�tll
•"' dt /o S.E.P.C.
à SainH.,mand·MOHtrond (Cker)
pour le complc d4 MIJ61dor1Êdlsiotfs socialtJ
146� ru� du Ptwbout�·/IQÎ$�mm1h'�
15010 Pari$.

N• d'Edition : 1912. N• d'lmpr•Mion : 176711069


D�pl>t léaal : 4' trlmtllr. 1981.

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