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L’Académie nationale de pharmacie représente toutes les disciplines qui ont vocation
à mettre le médicament au service de l’Humanité. Comme illustré par Pierre Joly, ses
membres couvrent les divers aspects de la recherche et du développement
pharmaceutique, de l’enseignement, de la fabrication, du contrôle, de la délivrance à
l’hôpital et en officine. Elle rassemble des pharmacologues, des toxicologues, des
biologistes, des industriels et des officinaux au contact direct du public.
Ayant commencé ma carrière à l’officine et à l’hôpital, puis au ministère de la santé et
enfin dans les institutions européennes, je relève de la pharmacie « administrative »,
au service de l’intérêt général et du citoyen européen. J’espère pouvoir apporter à ce
débat l'éclairage de mon expérience européenne et internationale en matière de
politique de santé et du médicament. J’ai suivi en cela l’inspiration d’un grand
pharmacien européen, Léon Robert, correspondant luxembourgeois de l’Académie,
ancien président de la Pharmacopée européenne et premier président du Comité
européen des spécialités pharmaceutiques, à qui je souhaite rendre hommage ici.
Environ 700 nouveaux produits se trouvent à l’une des diverses phases d’essais
cliniques qui, ensemble, consomment la moitié du coût total de la recherche et du
développement. Le nombre de nouvelles entités chimiques ou biologiques arrivant sur
le marché a diminué de moitié au cours des dernières années, comme ont pu le
constater la U .S. Food and Drug Administration et les agences chargées de
l’évaluation des médicaments en Europe.
Les conditions essentielles pour retenir cette recherche sont : un bon niveau de
protection de l’invention par le brevet, mais aussi un climat général favorable ainsi
que diverses mesures incitatives concrètes pour compenser partiellement les délais
réglementaires de mise sur le marché (certificat complémentaire de protection,
protection de 10 ans contre les copies).
Contrairement aux pays anglo-saxons, les pays latins ont pendant longtemps rechigné
à accepter le concept même d’un monopole temporaire sur les produits de santé. Il a
fallu successivement le brevet spécial de médicament en France, un brevet européen à
Munich et un arrêt de la Cour constitutionnelle en Italie, pour que le brevet de
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médicament devienne un acquis communautaire, qui s’impose à tout nouveau pays
candidat à l’adhésion. Ceci a d’ailleurs suscité une série de crises ouvertes lors de
l’adhésion de l’Espagne, puis de la Grèce et maintenant avec le nouvel élargissement.
Cependant, la fuite des chercheurs vers les Etats-Unis ne diminuera en rien les
dépenses pharmaceutiques de notre système d’assurance maladie. Simplement, la
facture devra être payée en dollars aux firmes américaines plutôt qu’en euros aux
firmes européennes.
Il y a treize ans, l’Union européenne avait réussi à persuader les Etats Unis et le Japon
de la rejoindre pour que les résultats de la recherche pharmaceutique soient reconnus
au plan mondial, diminuant ainsi la répétition inutile d’expérimentations chez
l’Homme et l’animal. Le nombre d’animaux d’expérimentation a baissé de moitié en
vingt ans dans ces trois régions, élargies à la Suisse et au Canada, représentant
ensemble 95 % de la recherche mondiale.
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L'achèvement du travail d'harmonisation avec le Japon et les États-Unis devrait nous
rapprocher de l'objectif d'un dossier de demande d’autorisation mondiale.
L’Union européenne œuvre depuis vingt-cinq ans à harmoniser les essais visant à
assurer la qualité, la sécurité et l’efficacité des médicaments à usage humain et
vétérinaire et à unifier leur évaluation avant et après mise sur le marché, grâce
notamment à l’Agence européenne d’évaluation des médicaments (E.M.E.A.). En tant
que premier directeur exécutif de l’E.M.E.A, j’ai eu l’honneur et le plaisir d’accueillir
une visite de l’Académie à Londres, en septembre 2000.
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L’E.M.E.A. utilise à cet effet plus de 3000 experts européens et a fourni aux firmes
innovatrices près de 440 avis scientifiques à tous les stades de la recherche et du
développement, tout en formulant des lignes d’orientation, ou « guidelines », pour les
essais de médicaments.
Le cas des médicaments orphelins est exemplaire en Europe d’un point de vue éthique
et de santé publique. Il a permis de mobiliser la recherche pharmaceutique de pointe
et les autorités publiques au service des malades atteints d’affections rares, au-delà de
considérations purement économiques. Depuis trois ans, l’E.M.E.A. a examiné plus
de 300 dossiers de médicaments destinés aux maladies rares et a permis la désignation
de 165 d’entre eux comme médicaments orphelins, afin qu’ils puissent bénéficier de
mesures incitatives pour leur développement et leur accès au marché.
Les autres médicaments continuent à être autorisés au plan national. Plus de deux
mille médicaments ont bénéficié depuis 1995 d’une reconnaissance mutuelle entre
Etats membres, avec un nombre limité d’arbitrages rendus par l’E.M.E.A. en cas de
conflit.
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PROMOUVOIR LE BON USAGE DES MEDICAMENTS
Dans le projet de résolution qui sera soumis en décembre aux ministres européens de
la santé, l’agence européenne et les agences nationales sont invitées à finaliser la mise
en place de la base de données « Europharm » pour améliorer l’accès à des
informations de qualité pour tous les médicaments en Europe, pour échanger les
méthodes et les résultats des données comparatives sur leur efficacité et disséminer
ces informations aux patients et aux professionnels de santé grâce à la création d’un
portail européen de la santé sur Internet.
Les académies de médecine et de pharmacie ont tenu en octobre une séance commune
sur le thème « L’obésité : une épidémie à maîtriser » et ce sera également l’un des
thèmes d’une réunion de la Fédération des académies de médecine de l’Union
européenne qui fête à la fin de cette semaine son10ème anniversaire à Bruxelles.
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VERS UN DROIT UNIVERSEL D’ACCES AUX MEDICAMENTS
Cette revendication globale d’un accès plus équitable aux médicaments a été
constamment défendue par l’Organisation mondiale de la santé, dans sa politique des
médicaments essentiels et ses campagnes de vaccination.
L’O.M.S. vient de célébrer les 25 ans de sa politique des médicaments essentiels. Des
listes sélectives sont adaptées aux besoins de santé primaire de chaque pays en
développement, avec l’appui technique des bureaux régionaux de l’O.M.S. pour en
assurer la qualité et un niveau de prix accessible aux malades.
L’immunisation reste une des interventions sanitaires les plus rentables du point de
vue économique, réduisant de façon considérable les coûts de traitement et les coûts
sociaux, en particulier chez les enfants. Chaque année, 130 millions d’enfants naissent
de par le monde, dont 90 millions dans les pays en développement.
Grâce à son programme étendu d’immunisation, l’O.M.S. estime avoir porté le taux
d’immunisation des enfants de moins de 5 ans dans le monde de 5 % en 1974 à 75 %
actuellement (rougeole, polio, coqueluche, diphtérie, tétanos et tuberculose). Pour un
coût de 15 € par enfant, 3 millions de vies peuvent être sauvées et 750.000 infirmités
évitées chaque année. Cependant, le taux d’immunisation ne dépasse guère 40 % en
Afrique.
Une alliance globale pour l’immunisation a été lancée à Davos en janvier 2000 avec
un capital de plus d’un milliard US$, entre des institutions philanthropiques (Bill
Gates, Rockefeller), les industriels concernés et divers pays industrialisés, pour
accélérer la recherche de nouveaux vaccins, augmenter le taux d’immunisation et
étendre la vaccination à l’hépatite B, à la grippe, à la rubéole et à la fièvre jaune.
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Après un long affrontement avec les Etats-Unis, un accord provisoire a été trouvé en
août dernier, qui fournit des garanties contre les détournements de trafic. Il devrait
être définitivement conclu par l’O.M.C. au milieu de l’an prochain. Entre-temps,
l’O.M.S. a lancé une campagne énergique contre les contrefaçons qui entraînent
chaque année des graves accidents dans les pays en développement, où ils
représentent parfois une part importante du marché.
Les académies de médecine et de pharmacie ont publié à la fin 2001 un bilan nuancé
et des recommandations sur la thérapie génique. Les thérapies cellulaires et les tissus
issus de la biotechnologie semblent promis à un développement plus rapide.
Ceci implique une réflexion nouvelle sur l’intégration du produit de santé du futur
dans un service médico-pharmaceutique complet, alliant diagnostic, information et
traitement, hautement personnalisés.