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française un contingent de tra- Lemmes. cette région pour alimenter expérience frustrante du com-
vailleurs non armés originaires Bivouac de Somalis les soldats du front d’Orient. bat. Ce n’est que partie
employés à la réfection des
de Djibouti. Deux compagnies routes. 17 octobre 1916.
Mais, parce qu’ils sont établis remise…
sont alors constituées et © BDIC
non loin des positions de l’en- Un deuxième recrutement
envoyées dans les Dardanelles nemi, les tirailleurs somalis est opéré au début de l’an-
pour rejoindre le corps expé- réclament au commandement née 1916. Le capitaine
ditionnaire à Sedd-Ul-Bahr et d’être dotés de fusils pour se Depuy, affecté à la garde
à Moudros pour réaliser des défendre, ce qui leur est indigène depuis 1911, en est
tâches uniquement manœu- refusé puisque leurs tâches se le principal maître d’œuvre. Il
vrières. Concrètement, il s’agit cantonnent à de la manuten- est le mieux placé pour par-
de décharger les navires qui tion. Ces hommes resteront venir à rassembler des
arrivent fréquemment dans marqués par cette première hommes sur un territoire
qu’il connaît bien. Le nom du
bataillon évolue : de Bataillon
Camp d’acclimatation à Fréjus-St Raphael Sénégalais de Madagascar, il
Le bataillon séjourne, en hivernage à Saint-Raphaël dans le Var de novembre 1916 à mars 1917, devient le 6 e Bataillon de
puis de décembre 1917 à avril 1918. Au départ, des tentes sont implantées en bord de mer puis, Marche Somali et enfin 1 er
progressivement, pour accroître le confort, des baraquements du type Adrian sont montées Bataillon de Tirailleurs Soma-
pour abriter une centaine d’hommes. Ces Camps de Fréjus-Saint-Raphaël, appelés aussi lis. Son effectif est de 1 700
« camps du Sud-Est » deviennent des centres d’instructions devant délivrer les fondamentaux hommes et il intègre les
pour que chaque tirailleur puisse se servir de ses armes, mais aussi comprendre et parler la hommes des « petites colo-
langue française. nies de l’océan Indien ». En
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1915
de prendre part à la guerre alliés, les Allemands tentent rie Coloniale du Maroc et du
et les tirailleurs ont prêté le cependant de les déstabili- 43 e Bataillon de Tirailleurs
serment coranique de fidé- ser en organisant une percée Sénégalais (BTS) aux travaux
lité contre n’importe quel dans le secteur de le recrutement pour de préparation à l’attaque
adversaire. Les discussions Verdun. Acculés pendant enrôler les Somalis dans du fort de Douaumont. Les
préliminaires de recrutement une semaine, les Français les rangs de l’armée somalis s’apprêtent donc à
ont toutes porté sur la for- parviennent à éviter le pire : française a lieu en août participer à l’un des plus
1915. Il sera complété
mule d’engagement, les la percée du front par les ensuite entre 1916 et beaux faits d’armes de la
tirailleurs voulant l’assurance Allemands. Mais, pour cela, 1919 avec plus ou moins Grande Guerre.
formelle qu’ils ne seraient il faut toujours plus de com- de succès À partir du mois de sep-
pas trompés comme en battants, mais aussi de tra- tembre, la France se met en
août 1915 ». vailleurs pour garnir ce sec- tête de reconquérir l’en-
Le recrutement est ensuite teur. Dès lors, en guise de semble du terrain perdu afin
complété entre 1916 et 1919 première affectation, le d’annihiler toute volonté
avec un peu moins de succès bataillon rejoint la région de ennemie de reprendre l’of-
puisqu’il ne concerne que Verdun dès le 26 juillet. fensive. Dans le même
835 soldats issus des mêmes
origines géographiques.
Cette contribution est loin Depuy et Bouet : les deux hommes clés
d’être dérisoire si on prend Les deux hommes forts du bataillon sont respectivement le capitaine Depuy et le commandant
en compte que le territoire Bouet. Tous deux ont su tirer le meilleur de leurs hommes tout en se faisant accepter d’eux.
djiboutien n’est alors peuplé Cette estime réciproque a produit son effet sur le terrain, dans les tranchées ou dans les
que de seulement 10 000 actions de combat. La discipline est très bonne au sein de cette unité. Dans sa correspondance
âmes. En termes de ratio, au général commandant la 38e Division pour que le bataillon soit récompensé d’une citation à
l’engagement de la Côte des l’Ordre de l’Armée, le capitaine Bouet met en avant l’esprit du devoir de ses troupes : « À l’élan
somalis est même quasiment naturel chez les primitifs ayant l’instinct du corps à corps, ils savent joindre la ténacité dans
similaire à celui de la France. les moments difficiles ». En outre, la volonté de combattre et l’esprit de dévouement ont permis
à ce bataillon d’obtenir de nombreux succès au cours de la Grande Guerre.
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avant du bastion nord-est du montré un courage et une mière ligne allemande quelles
fort. L’offensive est fixée à endurance exceptionnels, que soient les circonstances,
11 h 40 précises. Une minute malgré le marmitage intensif les réunir par deux boyaux ;
avant, la 4e compagnie, dans Blessé à trois reprises au de gros calibre et les feux de se tenir à la disposition du
un élan sort d’un bond de la cours de la reconquête du mitrailleuses. Ils ont brave- commandement pour le net-
parallèle de départ et, mal- fort de Douaumont, le ment nettoyé à la grenade toyage du terrain en avant ».
capitaine Depuy parvient
gré des pertes sérieuses, à conduire ses hommes
les abris désignés et ont La 2e compagnie mène des
dépasse les vagues précé- à l’assaut organisé la nouvelle position combats acharnés toute la
dentes et participe à la malgré une fatigue extrême, journée du 24 octobre. À
réduction des îlots de résis- des pertes sérieuses mais 22 heures, elle est placée aux
tance ennemis. Les Alle- aussi une marche rendue ordres du chef de bataillon
mands sont surpris. La 4 e pénible en raison des trous Modat commandant le 4 e
compagnie parvient à faire d’obus. Les tirailleurs en arri- Bataillon du R.I.C.M. et reçoit
une grande quantité de pri- vant sur le dernier objectif la mission de nettoyer l’abri
sonniers qu’elle remet immé- étaient tous plus ou moins 320 où sont signalés plus de
diatement aux mains des blessés ou contusion- 200 Allemands. Grâce à leur
Européens. La vague se nés. Toujours devant, gui- ardeur et à leur courage, les
poursuit, mais les conditions dant ses tirailleurs, le capi- Somalis remplissent parfaite-
climatiques viennent compli- taine Depuy est blessé à ment leur mission et font,
quer la progression. En effet, trois reprises en moins de eux aussi, de nombreux pri-
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Légende de _Pho-
to8.JPG
Drapeau du bataillon de
Somalis
française des Somalis, n’ima- d’anciens militaires afin de 19 décembre 1916, le batail-
ginaient pas que les habitants rétablir les honneurs à tous lon reçoit une compagnie de
des pays somalis puissent ser- ceux qui le méritent. Le mitrailleuses, qui leur faisait
vir comme combattants sur colonel Bouet, qui a com- défaut au moment de la
un théâtre d’opérations ! Et mandé ces hommes, s’at- reprise du fort de Douau-
pourtant, c’est confirmé ! tache personnellement à mont. Au départ, les
réaliser des recherches pour hommes sont positionnés
Quelques autres enrichir l’histoire de ce devant Hurtebise afin de
faits de gloire bataillon. Après une période réaliser des tâches de ravi-
Dans le tumulte des com- d’instruction intensive à la taillement (vivres et muni-
bats, il n’est pas toujours aisé fin de l’année 1916, le BTS tions) en premières lignes.
de discerner les hauts faits est de nouveau engagé avec Le 3 mai, il rejoint la 21e divi-
d’armes. Des recherches ont le RICM dès le printemps sion d’infanterie pour
Monument aux morts du
été entreprises après la 1er bataillon de tirailleurs 1917 dans le secteur du prendre part à l’attaque du
guerre par quelques spécia- somalis Chemin des Dames, dans la Chemin des Dames. À cette
listes historiens comme © Coll. de l’auteur région de Fisme. Le occasion, le bataillon Soma-
lis obtient sa première cita-
tion, à l’ordre de la division :
« Sous l’impulsion de son
chef, le commandant Bouet,
lors de l’offensive du 5 mai, a
fait preuve d’un courage et
d’un entrain remarquables,
nettoyant des abris formida-
blement organisés sans se
laisser arrêter par la vive
résistance des Allemands et
coopérant ainsi de la façon la
plus efficace au succès de la
division ».
Le 29 juillet 1917, le batail-
lon Somali est transporté en
camion de Lévignen à Can-
dor, où il cantonne jusqu’au
19 août en vue de participer
à des manœuvres avec la 38e
Division d’infanterie qui est
alors stationnée au camp
d’instruction de Lassigny.
C’est durant cette nouvelle
période d’instruction que le
BTS connaît un événement
qui marque son histoire : le
1er août, Pétain, général en
chef, se déplace en per-
sonne pour remettre la four-
ragère aux couleurs de la
Médaille Militaire au RICM
et en profite pour passer en
revue le célèbre Bataillon
Somali. Du 23 au 26 octobre,
le bataillon participe à la
bataille de l’Aisne avec le
RICM et prend part à l’at-
taque du fort de la Malmai-
son et des creutes de Boery.
Pour cet exploit, et pour la
première fois, le bataillon de
tirailleurs somalis est cité à
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