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ÊTRE ET EXISTER

Emmanuel Lehoux

ERES | « Psychanalyse »

2013/3 n° 28 | pages 7 à 14
ISSN 1770-0078
ISBN 9782749238890
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.inforevue-psychanalyse-2013-3-page-7.htm
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Le savoir du psychanalyste
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Être et exister
Emmanuel LEHOUX

Le symbolique est premier

Le symbolique est premier. Le sujet, « ça parle de lui ». Le sujet a un corps, ima-


ginaire. Face au fait qu’il est joui (le « ça parle de lui »), émerge le premier réel du
sujet, le moi réel primitif de Freud. Ce moi réel est objection au « être joui », objec-
tion au rapport sexuel. Il y a là un premier nouage du symbolique et de l’imaginaire
par le réel 1.

Être parlé confère au sujet son être, imaginaire. Il n’y a pas d’être réel. Il n’y a
pas de réel premier à symboliser ou imaginariser. Le premier réel est ce moi réel pri-
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mitif qui vient objecter à l’être qu’impose au sujet l’Autre du langage. C’est le début
de l’existence comme refus de se réduire à l’être. Ce premier réel est l’embryon du
symptôme 2.

Consistance et inconsistance de l’Autre

Bien que s’opposant à cette virtualisation par le signifiant, ce moi réel appelle
l’Autre à produire d’autres signifiants, qui échoueront aussi à pouvoir tout dire du
sujet. Une autre entrée du réel alors apparaît : l’objet a. Bien que l’objet a soit un effet
de structure, un effet de cette impossibilité du symbolique à tout dire du sujet, il est
lié à ce petit autre parental qui vient occuper la place du grand Autre. De structure,
cet objet a est pour tout sujet et sa tonalité dépendra de ce que l’enfant est pour
l’Autre maternel, c’est-à-dire de la place de ce jeune sujet au regard de la jouissance
de cet Autre primordial.

Notez les différentes façons de nommer ce grand Autre (primordial, maternel).


Il y a, dans cette habitude de l’appeler ainsi, une ambiguïté à lever. Disons-le tout de

Emmanuel Lehoux <emmanuel.lehoux@wanadoo.fr>


1. Pierre Bruno et Marie-Jean Sauret, Ego et moi, séminaire 2006-2007, Paris, Association de psychana-
lyse Jacques Lacan, 2007.
2. Ibid.
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suite : de structure, le grand Autre ne jouit pas. Il est l’Autre du symbolique, le trésor
des signifiants. Mais un sujet, un petit autre vient occuper la place de ce grand Autre
pour tout sujet se présentant à l’existence.

À cette ambiguïté dans notre discours s’ajoute une autre, celle de la croyance de
chaque sujet en cette jouissance de l’Autre. Cette croyance est une nécessité, dit
Lacan 3. Elle est due au nouage que réalise le Nom-du-Père. La réalité psychique qui
en sort contient cette existence d’un Autre de l’Autre. Dans Les formations de l’in-
conscient, Lacan parle du père qui occupe cette place d’Autre de l’Autre en tant que
la mère s’en réfère à lui dans la réponse qu’elle donne à la demande de l’enfant. Dans
le séminaire D’un Autre à l’autre, il dit, à propos de la réalité religieuse, qu’à cette
place (d’Autre de l’Autre) il y a Dieu la femme toute. Nous creuserons la question
quelque peu embrouillée de la jouissance de l’Autre, où parfois ce terme est utilisé sur
le mode du génitif objectif et d’autres fois sur celui du génitif subjectif. Elle recouvre
aussi l’autre jouissance, la jouissance féminine. Sa notation est J(A) ou J(A). Nous
essaierons donc de nous y retrouver. Mais, quoi qu’il en soit, dans le nœud borro-
méen, Lacan place J(A) ou J(A) à l’intersection du réel et de l’imaginaire. Le fait que
l’Autre parle, que sa place soit occupée par un sujet, le rend consistant.

Un deuxième réel
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L’objet a est la deuxième entrée du réel (après l’émergence du moi réel originaire
freudien). Il est en somme le réel de l’être, soit ce que le sujet est comme objet. Il est
tout ce que le signifiant ne peut dire mais aussi ce qui n’est pas spécularisable dans
l’image du miroir. Nous avons là les données de base pour l’édification du symptôme.
Ce dernier est issu du dédoublement du symbolique. Le sujet va ordonner à sa façon
le symbolique de la lalangue maternelle afin d’exister, de vivre sa vie. Ensuite, dans
la névrose, le Nom-du-Père viendra sceller cela en édifiant le fantasme fondamental,
une illusion.

Le symptôme se forme sur fond de castration maternelle, comme le montre la


phobie. Je vous renvoie aux articles et au livre d’Isabelle Morin à ce sujet. Lorsque le
père réel pointera le bout de son nez (et cela peut tarder comme pour Hans), le sujet
en passera par la castration et symbolisera le manque. Il en gagnera un fantasme fon-
damental. Pour reprendre ce que dit Isabelle Morin, la phobie est le passage néces-
saire vers la névrose 4. Elle indique que le sujet est à ce moment de structure où doit
advenir la castration. C’est à cet instant de la structure que se trouvent certains

3. Jacques Lacan, Le séminaire, Livre XXXIII, Le sinthome, leçon du 16 mars 1976, transcription sta-
ferla, p. 173, http://staferla.free.fr/S23/S23.htm
4. Isabelle Morin, « Vivant et féminin dans le parcours phobique », Psychanalyse, n° 2, Toulouse, érès,
2004.
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enfants que nous recevons et accompagnons dans ce passage. Le fantasme qui en sort
règle d’une certaine façon le rapport du sujet à la jouissance. Bien que ce soit un
moment de séparation de l’Autre, le lien à l’Autre est gardé dans cette illusion de la
jouissance de l’Autre. Une analyse, comme le dit Lacan, sera de défaire ce nouage
pour en faire un autre.

À ce moment de faire face à la castration maternelle, le pervers, lui, choisit une


autre solution : le démenti, qui ne marque pas un arrêt, une attente comme dans la
phobie, mais permet le passage et édifie un autre mode d’assujettissement au langage.

Voilà un petit synopsis à travers lequel j’aimerais naviguer en examinant de plus


près quelques moments de passage. C’est à partir de la psychose que je vais commen-
cer à creuser.

Première piste : un adolescent s’assure de son être pour vivre son existence

Un adolescent me parle de la guerre, qu’il étudie à l’école. Dans le même temps,


il vient d’apprendre l’identité de son père. Celui-ci habite en Allemagne. Il énonce
alors que, son père étant allemand, lui aussi l’est. Et il enchaîne : s’il avait vécu à
l’époque de cette guerre, il aurait été nazi. « C’était obligatoire. » C’est le destin, c’est
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de l’être. Parcourant ensuite la propagande nazie à travers des affiches, il s’arrête sur
l’une d’elles où des mains armées de poignards frappent le mot « juif » ensanglanté.
Il poursuit sur un souvenir : celui de sa mère le blessant avec un couteau identique à
celui du dessin. Il ne s’arrête sur ce signifiant « juif » que pour insister sur le fait que
c’est le nom qui est frappé, non pas les personnes.

Je me demandais ce que ce signifiant pouvait être pour lui. J’avais dit qu’il nom-
mait ce qu’il était pour l’Autre. Ce n’est pas faux, mais il ne s’agit pas d’un signifiant
donné par l’Autre. Il le lui prend. Il n’y a pas de prénomination. Il s’autoprénomme.
Aujourd’hui, je dirais que c’est son nom de jouissance.

Il insistait aussi pour dire qu’il avait dû faire quelque chose (une bêtise) pour
que sa mère le blessât ainsi. Il historise. Il s’institue comme acteur de ce jeu et non
pas seulement comme objet de la jouissance de l’Autre. Peut-être prénomination et
nom de jouissance ne font-ils qu’un pour lui. Disons que ce nom de jouissance vaut
comme prénomination. Ce que cela a eu comme effet et ce sur quoi il a tout de suite
poursuivi, c’est la nomination de l’Autre. En s’instaurant comme objet de l’autre, il
nomme aussi l’Autre. Par cette autoprénomination, il fait séparation entre lui et
l’Autre. Cette séparation permet au sujet d’apercevoir et/ou de questionner une
volonté de jouissance chez l’Autre. Il n’est plus seulement signifié pour l’Autre.

Cet adolescent nomme ensuite un autre bout réel, celui qu’il avait dessiné, ima-
ginarisé les séances précédentes en une chose énorme qui attend et qu’il ne faut pas
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titiller. Sans nom jusque-là, elle devient sa mère. Qu’était alors cette chose avant ? Sa
mère en tant que réelle ? Non, il s’agit de la part de lui-même la plus intime et la plus
étrangère. Part de lui-même anthropomorphisée. Il lui avait donné figure humaine et
maintenant figure de mère, figure de ce prochain là à disposition.

L’enfant pour la mère est un objet condensateur de jouissance. Il est un des


objets a dont elle s’occupe, mais, comme le précise Lacan dans R.S.I., c’est un autre
objet a qui cause le désir de cette mère. L’énigme de la jouissance de ce prochain vient
recouvrir cette volonté de jouissance qui est la sienne et qui lui est étrangère. La
Chose est le moi réel originaire mais pas sans l’objet a. Nous avons là un recouvrement
de la jouissance de l’Autre par le sujet (génitif objectif) par la jouissance qui appar-
tient à l’autre (génitif subjectif). L’autre est ici écrit avec un petit a car il s’agit de la
jouissance du sujet en place de grand Autre.

Si le moi réel initial est ce qui va engager sur la voie de l’existence, sur un désir
d’existence, c’est l’objet a pris à l’Autre qui donnera les modalités de cette existence.
Le phallus dans la névrose, ce signifiant de la jouissance, ce signifiant du « à signi-
fier », viendra organiser l’équivalence des objets du désir. La jouissance est cette
volonté du réel à se faire signifier.
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Voici donc la mère mise en place de Chose après que notre adolescent en est
passé par un père pour s’assurer de son être. Être à partir duquel il va pouvoir ordon-
ner une existence un peu sur le mode du névrosé qui s’appuie sur son fantasme, mais
dans son cas en construisant une métaphore délirante à partir du « je suis allemand ».

Le signifiant « juif », que je dis pouvant être son nom de jouissance, m’a posé
question. Pourquoi ne pas prendre celui de nazi, dans lequel il se reconnaît ? Comme
il dit, être nazi aurait été obligatoire puisqu’il est allemand. En somme, c’est le des-
tin, soit quelque chose du côté de l’être. Il ne s’est pas arrêté sur le signifiant « juif »
sinon pour dire qu’il n’aurait pas pu être juif car ils sont tous morts. Ce n’est que
quelques mois plus tard qu’il me parle de la venue dans son école de survivants des
camps venus témoigner. Là il marque un arrêt, surpris de s’apercevoir que certains
sont vivants. Même si ce nom (« juif ») le nomme comme objet pour l’Autre, que cer-
tains en soient sortis vivants fait séparation d’avec le destin inscrit dans cette nomi-
nation. Cela lui ouvre-t-il une nouvelle voie d’existence (autrement qu’appuyée sur
l’être) ? Le fait que des survivants viennent parler montre pour lui que l’on peut
réchapper de la prise dans un discours de la haine, tel que Marie-Claire Terrier nous
en a montré les ressorts 5.

5. Marie-Claire Terrier, Qu’est-ce qu’une mère ?, séminaire 2008-2009, http://www.apjl.org/spip.php?


page=archivesContrib&id_rubrique=37
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C’est dans ce discours de la haine que la métaphore délirante qu’il construit


(comme un fantasme pour le névrosé) l’installe, c’est-à-dire dans un lien à l’Autre
comme objet à l’intérieur de ce discours de la haine qui veut le rayer comme signi-
fiant (c’est le mot « juif » qui est frappé avec des poignards). Entrevoir que l’on peut
s’échapper de ce destin permettrait-il de ne pas avoir à élaborer une solution du côté
de l’être, dont l’histoire doit métaphoriser ce risque de disparition (par exemple dans
son intérêt pour l’histoire d’Héphaïstos, rejeté par sa mère car il était « moche » [sic]) ?
Peut-il trouver une autre voie dans un discours de l’amour où il pourrait bien plus
s’appuyer sur son symptôme ? Va-t-il oser aller voir de ce côté-là ? À suivre.

Petit aparté : ce lien entre discours de la haine et constitution de l’être est peut-
être une piste à explorer au regard de la clinique de la haine dans la névrose obses-
sionnelle. Freud fait valoir, dans « Pulsions et destins des pulsions », que la haine est
plus ancienne que l’amour. Ce pourrait bien être lié à ce moment premier où le sujet
est joui, où il se défend d’être réduit à un signifiant, l’amour n’apparaissant qu’avec
la question de l’objet. Tout sujet du fait d’être joui, d’être parlé en passe d’abord par
ce discours de haine.

Deuxième piste : s’appuyer sur son existence pour définir son être
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Allons maintenant vers une autre façon de faire, toujours sans le Nom-du-Père.
Il s’agit cette fois d’un adolescent qui va partir de son existence pour définir son être.
Aucun signifiant ne lui convient pour dire « quel type il est ». Toute nomination ren-
voie à l’appartenance à un groupe où chaque membre serait identique aux autres. Il
ne peut pas être geek, punk ou gothique. Un jour, il prend un signifiant qu’un autre
lui donne. « Tu es bizarre. » Cela lui va bien car dans le groupe des bizarres ils sont
tous différents. Cela lui permet alors de vivre son existence. Son être se construit dans
l’après-coup de ses actes. Cela peut même s’écrire sur le corps et surtout sur le visage,
où des événements marquants peuvent laisser leur trace dans la façon de sourire, de
regarder ou dans toute autre mimique qui aura pris forme, ou encore à force de réagir
de la même façon à certaines situations. Cependant, il n’est pas question pour lui de
croire à une science comme la morphopsychologie. Il n’y a pas de livre possible où l’on
trouverait, pour chaque signe relevé sur un visage, une interprétation universelle. Il est
comme Freud avec le rêve, c’est à chaque sujet d’en retrouver le chemin s’il le désire.

Contrairement au premier adolescent, ce signifiant lui a été donné par l’autre et


il s’en est saisi. Il le prend dans l’Autre alors qu’il est donné par l’autre. Ce nom de
jouissance est aussi prénomination, mais sans la part de ce qu’il est pour l’autre
comme objet a. Différence donc entre paranoïa et schizophrénie d’un côté et mélan-
colie et manie de l’autre. Dans ce dernier cas, il y a prénomination. Le sujet est aimé
par l’Autre tout en étant rien pour l’Autre. Il se débrouille seul dans la vie. Peut-on
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parler d’identification à ce signifiant « bizarre » ? Est-ce une identification qui permet


un nouage du nœud sans le Nom-du-Père ?

Précision

Ce « être rien pour l’Autre » n’est pas « ne pas être aimé ». Être rien pour l’Autre
est différent de « ne pas être pour l’Autre ». Il est « rien ». L’Autre refuse la jouissance
de ce bien que le destin, la nature ou la médecine lui impose. Ce refus d’en jouir
n’abolit pas le fait que le sujet est joui, comme rien. Il est signifié dans l’Autre comme
rien, ce qui constitue un être auquel le sujet s’oppose par le moi réel originaire
(comme tout sujet). Que va-t-il se passer si le sujet rencontre le Nom-du-Père, c’est-à-
dire si le père réel se pointe ? Une névrose permettra la métaphorisation de ce rien à
ce moment de son histoire. Et s’il ne rencontre pas le Nom-du-Père ? Le dire ainsi sup-
poserait qu’il l’attend. Il serait dans la situation de la phobie, face à la castration
maternelle et ce qu’elle ouvre de perception du féminin, du vivant dans la mère.

Le mélancolique rencontre-t-il la castration maternelle ? Oui, mais sur un mode


radical. Ce refus de jouir de l’enfant est sans ouverture vers une expression du désir
de la mère vers autre chose. Ce n’est pas par exemple le cas d’un « ce n’est pas le bon
moment dans ma vie ». C’est « je ne veux pas de celui-là car il n’est rien pour moi ».
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Le débat est clos. Il n’y a pas d’attente du Nom-du-Père. Cette configuration dépend
de la position du père d’entrée de jeu. Aura-t-il fait d’une femme la cause de son désir
(en sachant que cela dépend de la mère ou du père sans pouvoir le définir) ? Ce serait
la seule façon que puisse être entrevu par le sujet le vivant chez la mère. Il semble que
dans la mélancolie la réponse soit non. Le père est dans une autre position (celle du
destin, de la nature ou de la médecine, par exemple), soit un père au-dessus de la loi.
Dans ce cas, le sujet ne se fera pas un nom de sa prénomination, pour ne pas se
réduire au rien. N’y a-t-il pas là une autre forclusion que celle du Nom-du-Père, lui-
même forclos mais de fait ? C’est-à-dire une forclusion de la prénomination ? L’état
pathologique de la mélancolie où le sujet se réduit à n’être rien serait alors un retour
dans le réel de ce qui est forclos.

L’effet de cette castration réelle de la mère n’est-il pas que l’objet a n’est plus le
réel de l’être mais son essence ? Pour le dire autrement, cela ne fait-il pas du sujet l’ob-
jet a chu de l’Autre, comme s’il avait été joui comme objet et que c’était fini ? Il a été
joui sans libido (pour la mère). En d’autres termes, le rapport sexuel (qui n’existe pas)
a déjà eu lieu. Cela ferait une autre différence avec la paranoïa et la schizophrénie, où
le rapport sexuel pourrait bien toujours advenir. Cela nous donne plusieurs écritures
de l’inexistence du rapport sexuel : interdit dans la névrose (à cause de la réalité œdi-
pienne), ayant déjà eu lieu dans la mélancolie et la manie, pouvant toujours avoir lieu
dans la paranoïa et toujours là dans la schizophrénie. (Je remercie Marie-Claire Terrier
de m’avoir donné ces formules qui me paraissent justes.)
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Le rapport sexuel ayant déjà eu lieu pour le sujet mélancolique, ne lui reste-t-il
pas alors que son symptôme pour aller vers son existence ? Ne serait-ce pas là l’enjeu
de la cure dans la mélancolie ?

Question d’amour

L’un est aimé (mélancolie et manie), l’autre pas (paranoïa et schizophrénie). L’un
est prénommé mais le refuse (mélancolie), l’autre n’est pas prénommé (paranoïa et
schizophrénie). Cela me fait poser une question à Marie-Claire Terrier. Dans la pré-
nomination, n’y a-t-il pas deux faces ? Une concernerait l’être, avec notamment tout
ce qui se rapporte à l’enfant désiré, parlé avant même sa naissance, et une autre tou-
cherait à l’accueil du vivant qu’est le nouveau-né (« il a fait ses nuits tout de suite »,
« il nous en a fait baver dès qu’il a su trottiner », etc.). Il faut noter aussi que chacune
touche l’être, lui en rajoute, mais la première en tant qu’elle se rapporte à ce qu’il est
comme objet et la seconde à ce qu’il est comme sujet. Cependant, même la part
concernant ce qu’il est comme sujet est empreinte du fantasme de cet Autre maternel,
qui interprétera le comportement avec plus ou moins de plaisir ou de déplaisir, le
ramenant à sa place d’objet plus ou moins satisfaisant.

Les deux adolescents vont aborder l’amour différemment. Le premier va cher-


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cher l’amour chez sa nourrice mais pas sans lui annoncer d’abord que, s’il revoyait sa
mère, il la tuerait. Déclaration d’amour mais qui n’est pas perçue comme telle par la
nourrice. Il a besoin de tuer cette mère-Chose pour aimer sa mère-nourrice. Cela, on
le rencontre aussi dans la névrose, où l’amour pour la mère, la réconciliation avec elle,
n’a lieu parfois qu’à sa mort réelle. C’est ce que j’entendais d’ailleurs cet été dans une
chanson d’un groupe de rap français où chaque couplet où il est question de l’amour
pour la mère, de l’attention à lui prodiguer se finit par la question de sa mort. À tous
les coups elle y passe, liant ainsi la question de l’amour pour elle à celle de sa mort.

Quant à notre adolescent, après cette annonce, il prendra à cette mère-nourrice


d’autres signifiants pour programmer son existence, comme par exemple de vouloir
faire le même métier qu’un de ses fils. Il cherche à s’assurer de l’amour d’une. Cette
phase dans sa cure s’est produite avant la découverte stupéfiante que certains ont pu
survivre aux camps. Est-ce tout de même une ouverture vers le discours de l’amour ?
Ou bien une version de l’amour dans le discours de la haine ? Il semble tout de même
que cela en rajoute du côté de l’être pour définir son existence. Ce n’est pas le discours
de l’amour. C’est l’amour dans le discours de la haine.

Aujourd’hui la question est : fera-t-il le pas pour aller voir de l’autre côté, du côté
de son symptôme ? Est-ce structurellement possible ? Je dirai « pas sûr » ou « peut-
être » : il est en attente de pouvoir rencontrer des survivants. Il veut leur parler et leur
poser des questions. Il n’a pas pu être présent à la rencontre. Il les a juste vus venir à
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l’école et on lui a donné des explications. Il espère les rencontrer dans les classes supé-
rieures, quand il sera plus grand. L’amour de cette nourrice ou bien l’amour pour
cette nourrice peut-il l’aider à aller voir ? Dans Malaise dans la civilisation, Freud dit
que l’amour de la mère permet au sujet d’aller vers l’extérieur, d’aimer les autres,
mais aussi qu’il exerce une grande force pour maintenir le sujet à l’intérieur du foyer.
À suivre.

Le second adolescent va développer un amour du genre humain duquel il attend,


tout en s’en méfiant, un retour sur son existence. Cela ne va cependant pas sans un
questionnement ardu sur le respect (qui se mérite). Son respect va à ceux qui
accueillent le vivant qu’il est et non pas à ceux qui vont à la rencontre des autres dont
ils ont la charge sur le mode du fonctionnaire. Il ressent encore le poids de l’être
(notamment d’élève) que l’Autre voudrait lui imposer. Dernièrement, il s’est aperçu,
sans en reconnaître l’origine, que cela ne lui pesait plus. D’après ce qu’il dit, il ne
croit plus en l’Autre (jouisseur), non pas en l’Autre jouisseur du sujet comme objet
mais en l’Autre pouvant lui imposer un être de dit. Cela lui permet d’assumer, sans
honte, le fait qu’il ne réponde pas de façon satisfaisante pour l’Autre (notamment dans
ses résultats scolaires). Il sait qu’il peut faire quelque chose de sa vie, ce pour quoi il
a besoin du baccalauréat sans s’appuyer sur les obligations de l’école. On peut dire
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qu’il s’appuie sur son symptôme, épinglé du nom de « bizarre », pour son existence.

Conclusion

Tout ce qui précède m’amène à la question de la conduite des cures et à celle du


symptôme. Cela a à voir avec ou n’est pas sans effet sur la question de la jouissance.
Si la jouissance est la volonté du réel à se faire signifier ou la réponse à cette inten-
tion du réel, la construction pour chaque sujet de son rapport au langage est traite-
ment de la jouissance. Cela vaut pour tout mode d’assujettissement au langage
(névrose, psychose, perversion). Le symptôme, s’originant du moi réel initial freudien,
est ce sur quoi le sujet peut s’appuyer. Mais est-ce la seule voie d’existence ? Dans
R.S.I., Lacan place dans les champs d’existence les jouissances mais aussi le ternaire
freudien inhibition, symptôme, angoisse. Il y a donc une existence qui s’appuie sur
l’être, pas sans jouissance. Dans le champ social tel qu’il se présente actuellement, les
demandes que l’on reçoit sont souvent de l’ordre de l’être, du coaching. « Je n’arrive
pas à gérer mes enfants et mon boulot », « je voudrais être un homme, un vrai », etc.
La psychanalyse propose une autre voie. À la fin d’une analyse, pour le névrosé, la tra-
versée du fantasme ouvre vers l’identification au symptôme. Il ne s’agit pas de se pas-
ser du Nom-du-Père mais de ne plus y croire et de s’en servir. Cela n’est pas la même
chose que de partir de son symptôme pour s’assurer de son existence dans la psychose,
où le Nom-du-Père est forclos. D’où le psychotique va-t-il alors pouvoir extraire son
désir ? J’espère avoir donné dans ce texte quelques pistes.

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