Sunteți pe pagina 1din 22

L’ASSAINISSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES ET LES

RÉFORMES STRUCTURELLES EN LITUANIE ENTRE 2008 ET 2012 :


ENTRE GRANDES AMBITIONS ET GESTION DE CRISE
MOUVEMENTÉE
Vitalis Nakrošis, Ramūnas Vilpišauskas et Vytautas Kuokštis

I.I.S.A. | « Revue Internationale des Sciences Administratives »

2015/3 Vol. 81 | pages 549 à 569


ISSN 0303-965X
ISBN 9782802752929
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


administratives-2015-3-page-549.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

Distribution électronique Cairn.info pour I.I.S.A..


© I.I.S.A.. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


Revue
Internationale
des Sciences
Administratives
L’assainissement des finances publiques et les réformes
structurelles en Lituanie entre 2008 et 2012 : entre
grandes ambitions et gestion de crise mouvementée
Vitalis Nakrošis, Ramūnas Vilpišauskas et Vytautas Kuokštis 1

Résumé

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


Dans cet article, nous analysons les ressources, les décisions, les résultats et les consé-
quences de la politique d’assainissement des finances publiques et des réformes struc-
turelles menées par les autorités lituaniennes entre 2008 et 2012. Notre étude s’ap-
puie sur des recherches documentaires, que nous avons complétées par des entretiens
avec des décideurs du gouvernement. Notre étude nous a amenés à constater que
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

la Lituanie a mené sa politique d’assainissement des finances publiques avec succès,


ce qui a contribué à stabiliser son économie et ses finances publiques. Si des fac-
teurs économiques expliquent en grande partie le calendrier des décisions en matière
d’assainissement des finances publiques, ce sont des facteurs politiques surtout qui
expliquent le fait que cet assainissement ait avant tout été axé sur les dépenses en
Lituanie. Cependant, malgré des projets ambitieux et audacieux, les réformes struc-
turelles lituaniennes se sont avérées fragmentées et progressives, faute de stabilité
dans le soutien politique, d’attention politique soutenue et de leadership politique
constant.

Remarques à l’intention des praticiens


Premièrement, l’expérience lituanienne fait apparaître l’importance des politiques
antérieures et les contraintes qu’elles engendrent tout au long de la crise, alors
même que la rapidité du processus décisionnel est déterminante. Deuxièmement, elle
démontre qu’un choc extérieur et un programme de réforme ne sont pas une condi-
tion suffisante pour une bonne mise en œuvre — les politiques de coalition et la résis-
tance institutionnelle peuvent faire dérailler les projets initialement prévus. Troisième-
ment, cette expérience indique que même les pays qui sont parvenus à appliquer un
programme d’assainissement des finances publiques à grande échelle ne parviennent

 1 Vitalis Nakrošis, Ramūnas Vilpišauskas et Vytautas Kuokštis, Institut de relations inter-


nationales et de science politique, Université de Vilnius, Lituanie. Courriel : vitalis.nakrosis@
tspmi.vu.lt. Traduction de l’article paru en anglais sous le titre : “Fiscal consolidation and
structural reforms in Lithuania in the period 2008-2012 : From grand ambitions to hectic fire
fighting”.
Copyright © 2015 IISA – Vol 81 (3) : 549-569
550  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

pas toujours à profiter de la « conjoncture favorable » offerte par la crise financière


pour mettre en œuvre des réformes structurelles à long terme.

Mots-clés : Processus décisionnel, crise financière, finances publiques, Lituanie,


budget, réformes structurelles.

Introduction
Dans cet article, nous entendons présenter et expliquer les principales tendances
dans la manière dont la Lituanie a réagi à la crise financière et économique
entre 2008 et 2012. Depuis qu’elle a retrouvé son indépendance, la Lituanie a
connu trois crises en deux décennies. La première était due à l’abandon systé-
mique de l’économie planifiée au profit de l’économie de marché, qui a provoqué
un déclin économique temporaire. Les deuxième et troisième récessions ont été
provoquées par des facteurs extérieurs — en 1998-1999, un choc extérieur dû à
la crise financière en Russie, tandis qu’un autre choc, dix ans plus tard, était dû à
la crise financière mondiale.
D’autres se sont intéressés avant nous à la gestion et aux conséquences de

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


la crise de 2008-2012 en Lituanie, mais du point de vue de l’économie politique
(Vilpišauskas, 2009) ou des réformes de la gestion publique (Nakrošis et Marti-
naitis, 2011). Dans le présent article, nous associons à l’analyse de l’économie
politique des variables politiques et administratives afin d’expliquer les causes, les
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

résultats et les conséquences de la récente crise en Lituanie de manière intégrée.


Nous nous intéressons à la politique d’assainissement des finances publiques du
gouvernement lituanien de  2008-2012, destinée à réduire le déséquilibre des
finances publiques au moyen de coupes dans les dépenses et de mesures axées
sur l’efficience, ainsi que de réformes structurelles visant à améliorer la réparti-
tion des ressources dans l’économie et à améliorer l’efficacité de la prestation de
services publics.
En réaction au ralentissement de l’économie, la Lituanie appartenait à un
groupe de pays ayant opté pour une approche procyclique fondée sur, pour
reprendre les termes de Van de Walle et Jilke (2014 : 598), « la réduction des
dépenses publiques et la réalisation d’économies en période de contraintes
financières ». Même si certaines organisations internationales considéraient l’ex-
périence lituanienne d’assainissement des finances publiques comme un exemple
de bonne pratique, ses réformes structurelles se sont avérées moins efficaces. Il
est dès lors important d’évaluer le bilan mitigé en matière de mise en œuvre du
gouvernement lituanien de  2008-2012 en période de crise : comment se fait-il
que l’assainissement des finances publiques ait produit un changement majeur,
alors que les réformes structurelles n’ont pas abouti ?
Nous avançons que même si le gouvernement dirigé par le Premier ministre
A.  Kubilius privilégiait l’assainissement des finances publiques en raison de la
nécessité de conserver la confiance des investisseurs et de protéger le cours de
la devise nationale (le litas), qui était fixé par rapport à l’euro, l’attention et le
leadership politiques dans la mise en œuvre de la plupart des réformes structu-
relles étaient insuffisants pour lever les différents obstacles institutionnels et poli-
Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  551

tiques. Nous verrons par conséquent dans cet article que même si à court terme,
la présence d’une crise peut amener les principaux acteurs à se lancer dans un
ajustement budgétaire de grande envergure, cela ne suffit pas pour produire des
réformes structurelles.
Notre article se compose de plusieurs chapitres. Après l’introduction, nous
présentons notre cadre d’analyse. Dans la troisième partie, nous présentons
l’analyse des ressources : qu’est-ce qui a provoqué la crise financière, l’assainis-
sement des finances publiques et les réformes structurelles en Lituanie ? Dans la
quatrième partie, nous expliquons la manière dont la Lituanie a réagi à la crise
en prenant différentes décisions stratégiques. La cinquième partie de notre article
examine les résultats et les conséquences des mesures d’assainissement des
finances publiques sur les plans financier/économique, du processus décisionnel
et de la répartition, ainsi que l’impact des principales réformes organisationnelles
et structurelles. Pour conclure, dans la dernière partie, nous présentons les princi-
paux aspects de l’assainissement des finances publiques et quelques observations
plus générales sur les réformes structurelles en Lituanie.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


Cadre d’analyse
Pour répondre à nos questions de recherche, nous avons mis au point un cadre
analytique, qui identifie les principaux éléments en matière d’assainissement des
finances publiques et de réformes structurelles, ainsi que les relations en général
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

entre les éléments qui sont analysés dans cet article.


Dans notre analyse, nous nous inspirerons d’observations faites dans la litté-
rature sur l’économie politique et la gestion publique. À côté de la situation éco-
nomique (comme la gravité de la crise et l’ouverture de l’économie), Williamson
(1994) et Tompson (2009), entre autres, épinglent d’autres ensembles de facteurs
importants pour les réformes stratégiques de grande envergure et irréversibles :
les conditions politiques, la nature des programmes de réforme et l’organisation
des systèmes d’élaboration des politiques. De plus, dans notre évaluation du
processus de mise en œuvre des politiques et de leurs résultats, nous prenons en
considération les principales distinctions en matière de processus décisionnel éta-
blies par Peters et al. (2011). Pour terminer, étant donné que l’assainissement des
finances publiques dans les États membres de l’Union européenne était lié aux
exigences du pacte de stabilité et de croissance, nous prenons en considération
l’influence des institutions européennes sur le processus décisionnel en Lituanie
en temps de crise.
Par conséquent, pour décrire et expliquer le changement stratégique en
Lituanie, nous nous basons sur les facteurs suivants : (1) la situation des finances
publiques avant la crise, la profondeur de la crise et l’ouverture de l’économie ;
(2) les cycles électoraux, la composition du gouvernement et la politique de coali-
tion qui caractérisaient la vie politique du pays avant et pendant la crise ; et (3) les
caractéristiques du processus décisionnel gouvernemental, y compris l’influence
des institutions européennes et le rôle du leadership politique et des agents
de l’État. Notre cadre d’analyse intègre dès lors deux ensembles importants de
facteurs qui conditionnent les principales évolutions stratégiques dans différents
552  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

sous-systèmes de politiques : les facteurs exogènes, comme la situation écono-


mique, les principales évolutions politiques et les pressions au niveau de l’Union
européenne, ainsi que les facteurs endogènes, comme les caractéristiques du
processus décisionnel et l’interaction entre différents acteurs stratégiques.
Les recherches antérieures indiquaient que plus la situation financière et
économique était difficile dans un pays donné, plus les réformes menées étaient
ambitieuses (Kickert et al., 2013 : 60). Nous supposons dès lors que les autori-
tés lituaniennes ont adopté des programmes stratégiques audacieux en raison
de la « conjoncture favorable » présente pendant la crise financière. Les chocs
extérieurs sont cependant une condition généralement nécessaire, mais pas
suffisante pour la mise en place de changements institutionnels ou stratégiques.
Nous émettons dès lors l’hypothèse que si les facteurs économiques expliquent
le fait de se lancer dans un assainissement des finances publiques, les résultats et
les conséquences des politiques doivent être déterminés par une série de facteurs
institutionnels et politiques (conformément à l’approche propre à l’économie
politique).
Nous prédisons par ailleurs que la crise a pour effet de renforcer la centrali-
sation du processus décisionnel compte tenu de la nécessité de promouvoir des

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


mesures d’austérité et des réformes structurelles urgentes à partir du centre afin
de venir à bout de la résistance institutionnelle éventuelle en période de crise.
Même si les institutions européennes et les autres organisations internationales
sont, de toute évidence, censées soutenir l’adoption et la mise en œuvre d’évo-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

lutions stratégiques majeures, le rôle des hauts fonctionnaires dans le processus


décisionnel peut s’avérer plus ambigu. Même s’ils peuvent offrir aux politiciens
des conseils stratégiques intéressants, basés sur des données empiriques, sur la
pertinence et l’efficacité des dépenses gouvernementales, ils peuvent aussi résis-
ter à la mise en œuvre d’importantes décisions de réforme dans leurs domaines
stratégiques ou institutions, en fonction des circonstances politiques ou admi-
nistratives.
Notre article s’appuie avant tout sur des recherches documentaires, compo-
sées entre autres d’une analyse de la littérature universitaire sur l’évolution de
la politique lituanienne et d’une analyse de divers documents stratégiques. En
outre, afin de vérifier nos données, nous avons interrogé plusieurs décideurs
(le Premier ministre, deux ministres, un vice-ministre et un conseiller politique)
du gouvernement lituanien au pouvoir de  2008 à  2012. Ces répondants ont
été choisis en raison de leur implication dans le processus d’élaboration des
politiques gouvernementales. Les résultats de trois entretiens seulement se sont
avérés intéressants dans la rédaction du présent article (la liste des répondants
est présentée à la fin des références). Les données empiriques complètes ont été
présentées dans une étude de cas universitaire dans le cadre du projet COCOPS 2
sur lequel s’appuie notre article.

 2 Le projet « Coordinating for Cohesion in the Public Sector of the Future » (COCOPS), financé
par le septième programme-cadre de l’Union européenne (http://www.cocops.eu).
Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  553

Ressources : quels sont les facteurs qui ont provoqué et influencé


la crise financière et la politique d’assainissement des finances en
Lituanie ?
Avant toute chose, il convient de noter que les mesures d’assainissement des
finances publiques et les réformes structurelles correspondantes en Lituanie ont
été déclenchées par l’aggravation de l’environnement économique extérieur. Elles
coïncidaient également avec les élections parlementaires qui se sont tenues en
octobre 2008, ce qui a compliqué la volonté de réagir rapidement à l’aggravation
de la situation économique. Ces complications étaient dues à deux facteurs prin-
cipaux. Premièrement, des augmentations importantes dans les dépenses budgé-
taires ont été approuvées au Parlement, début 2008. Deuxièmement, le gouver-
nement de centre gauche au pouvoir alors refusait d’admettre depuis plusieurs
mois que la Lituanie allait être touchée par le choc extérieur.

Caractéristiques de la crise financière


La nécessité de réagir vite à la détérioration rapide de la situation économique et
au déclin prévu des recettes budgétaires alors même que le nouveau gouverne-

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


ment de centre droite démarrait ses activités en décembre 2008 figurait en tête
de l’agenda politique de la coalition nouvellement constituée. La Lituanie faisait
partie des économies les plus gravement touchées au monde en 2009. La produc-
tion réelle du pays a connu une baisse de près de 15 % en 2009. Le chômage n’a
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

pas tardé à augmenter, passant de 4 % en 2007 à 14 % en 2009 et 18 % en 2010
(voir tableau 2). Ces évolutions peuvent s’expliquer par les vulnérabilités qu’avait
accumulées la Lituanie avant la récession, de même que par la réaction politique
tardive à la crise et la détérioration rapide des attentes du marché.
Pendant les années de prospérité, l’économie lituanienne avait connu un
développement très rapide, de l’ordre de 7-8 % entre  2004 et  2008. Même si
cette croissance était au départ provoquée par des gains de productivité et les
effets positifs de l’adhésion à l’UE, elle s’est de plus en plus appuyée sur l’expan-
sion de la demande intérieure, expansion favorisée par des attentes exagérément
optimistes, une explosion du crédit et des dépenses publiques en augmentation
rapide (par ex., voir Purfield et Rosenberg, 2010 : 5). L’explosion du crédit a éga-
lement donné lieu à l’inflation du prix des actifs, principalement sur le marché du
logement. D’importants déséquilibres macroéconomiques (qui s’observent dans
les énormes déficits courants) se sont développés et se sont aggravés sous l’effet
de la croissance continue des dépenses budgétaires, qui représentaient plus du
double du taux de croissance du PIB, et de l’incapacité à accumuler un excédent
budgétaire pendant les années de croissance économique rapide.
En ce qui concerne la situation budgétaire, la situation manquait de clarté.
D’une part, la Lituanie présentait un niveau relativement faible de dette publique
(voir tableau  2). D’autre part, même pendant la période de croissance élevée,
la Lituanie n’est pas parvenue à définir des budgets excédentaires. De plus,
les dépenses budgétaires augmentaient chaque année de 20-25 % pendant la
période comprise entre 2004 et 2008. La corrélation positive marquée entre la
croissance annuelle du PIB réel et la croissance de la consommation réelle du
554  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

secteur public en Lituanie (0,83) confirme la présence d’une politique budgétaire


très procyclique au cours de la période allant de 1995 à 2010 (Darvas, 2010 : 1).
Même si les déficits budgétaires réels de la Lituanie étaient limités, les déficits
structurels étaient nettement plus importants (Fonds monétaire international,
2010 : 8).

La situation politique avant et pendant la crise


La politique intérieure a elle aussi contribué à la détérioration de la situation éco-
nomique en 2008-2009, avec des décideurs moins préparés à supporter le choc
extérieur. Une expansion considérable de la politique budgétaire est intervenue
en 2007-2008, ce qui peut s’expliquer par l’approche des élections. Tant la coa-
lition au pouvoir que les membres de l’opposition se sont prononcés en faveur
d’une augmentation marquée de différents types de dépenses publiques (comme
des hausses de salaires de la fonction publique et des dépenses sociales, ainsi que
l’introduction d’une indexation automatique du salaire minimum, des pensions et
d’autres dépenses sociales).
« L’heure de la réforme a sonné » et « la crise est l’occasion de mener ces

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


réformes attendues depuis longtemps » — tels étaient les mots d’ordre du gou-
vernement de 2008 à 2012, qui a dû faire face à la crise dès la formation de la
nouvelle coalition, composée de l’Union de la patrie et du Parti chrétien-démo-
crate de Lituanie (parti conservateur), du Mouvement libéral de la République de
Lituanie, de l’Union centriste et libérale et du Parti de la résurrection nationale
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

nouvellement créé. Lorsque la nouvelle coalition a vu le jour, les acteurs ont


commencé à se renvoyer la balle, en reportant la responsabilité sur la précédente
coalition au pouvoir, au moment d’expliquer publiquement les coupes néces-
saires dans les dépenses et les hausses d’impôts en 2009.
En  2009 déjà, une partie des partenaires a quitté la coalition au pouvoir,
compliquant la poursuite des mesures de réforme, qui exigeaient l’approbation
de la majorité parlementaire. Tout au long de ses quatre années de mandat, le
gouvernement lituanien a flirté avec la position de gouvernement minoritaire et
est parvenu à adopter des décisions législatives en raison de la faible mobilisation
de l’opposition ou en formant des coalitions de convenance à court terme avec
d’autres factions politiques.
Pour terminer, il est important de mentionner les élections présidentielles
de 2009, remportées par l’ancienne commissaire Dalia Grybauskaitė, dont la can-
didature était appuyée par les deux principaux partis de la coalition au pouvoir.
Dans le cadre de son premier mandat, la nouvelle Présidente a souligné l’impor-
tance de la stabilité financière et encouragé certains changements stratégiques
(en particulier des réformes structurelles dans le domaine de l’énergie), tout en se
montrant sensible aux préoccupations sociales de certains groupes de la société.

Le processus décisionnel : de quelle manière la Lituanie a-t-elle


réagi à la crise financière ?
Le maintien de la stabilité budgétaire était la principale priorité du gouverne-
ment lituanien de 2008-2012, qu’il considérait aussi bien comme une condition
Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  555

préalable nécessaire pour appliquer des réformes structurelles que comme un


moyen de les déclencher (gouvernement de Lituanie, 2010 : 3). L’assainissement
des finances publiques avait plusieurs objectifs :

« (1) réduire les besoins en financement par l’impôt, (2) rétablir la durabilité budgé-


taire, (3) ramener les déficits sous le seuil de Maastricht (déficit budgétaire inférieur
à 3 % du PIB) dès que possible, et (4) favoriser une correction du taux de change
réel en limitant la croissance de la demande intérieure et en forçant une baisse
des salaires, maintenant ainsi ouverte l’option d’une adoption rapide de l’euro »
(Purfield et Rosenberg, 2010 : 12).

L’assainissement des finances publiques en Lituanie est intervenu en grande par-


tie du côté des dépenses, estimées à environ 80 % de l’effet total, mais cette
politique comprenait également une catégorie importante, consistant à augmen-
ter les recettes, catégorie qui représentait quant à elle les 20 % restants de la
politique d’assainissement budgétaire (entretien avec Šimonytė, 11 février 2013 ;
Purfield et Rosenberg (2010 : 18) présentent des estimations similaires).
La Lituanie avait un système de caisse d’émission ; le cours de la devise natio-

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


nale, le litas, était fixé par rapport à l’euro depuis 2002. Elle ne pouvait pas reve-
nir à une dévaluation de la devise dans le but de stimuler les exportations sans
éviter de graves conséquences négatives pour l’économie, compte tenu de la part
importante de crédits libellés en euros et de la structure des importations, en par-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

ticulier les importations d’énergie en provenance de pays hors de la zone euro,


et sans ébranler la confiance de la population dans la stabilité de la politique
monétaire nationale. Les autorités lituaniennes devaient par conséquent s’en
remettre à l’assainissement des finances publiques et à une adaptation à la baisse
des salaires pour préserver le taux de change, mais aussi restaurer la compétitivité
du pays. La défense du taux de change fixe était aussi l’une des raisons pour les-
quelles les autorités lituaniennes ne se sont pas tournées vers le FMI. Fin 2008 et
début 2009, le FMI était en effet en train de négocier les conditions d’aide avec
la Lettonie, la position de l’institution en ce qui concerne la préservation du taux
de change fixe du lat en Lettonie étant au départ ambivalente, et l’on redoutait
un effet de domino si la Lettonie était obligée de dévaluer sa devise (entretien
avec Kubilius, 13 mars 2013).
Le programme gouvernemental adopté fin 2008 prévoyait (1) un plan anticrise
composé de coupes dans les dépenses (une réduction des salaires dans le secteur
public, une réduction des contributions aux fonds de pension privés, ainsi que
des réductions dans les dépenses sociales telles que le congé de maternité ou
la retraite), des hausses d’impôts (TVA, impôt sur les bénéfices, accises et sup-
pression des exonérations de la TVA pour certains produits et services), et des
mesures visant à restaurer la croissance économique, (2)  une liste de réformes
structurelles à long terme, comme une réforme de l’enseignement supérieur,
une réforme de la politique sociale, une réforme des soins de santé, une réforme
du secteur de l’énergie et une réforme de l’administration publique. Par ailleurs,
afin de réduire l’impact de la crise sur l’économie lituanienne, le ministère de
l’Économie a préparé un paquet de relance économique en 2009. Contrairement
556  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

aux paquets de relance définis en Occident dans le but d’augmenter la consom-


mation, le plan de relance lituanien était destiné à renforcer la compétitivité des
entreprises et la capacité d’exportation.

Réduction des dépenses publiques


Des coupes dans les dépenses dans l’ensemble du secteur public lituanien. Même
si la nécessité de se lancer dans un assainissement des finances publiques s’ob-
servait déjà à la mi-2008, les partis politiques lituaniens (tant de la majorité au
pouvoir que de l’opposition) n’étaient pas favorables à des mesures d’austérité
peu populaires à la veille des élections parlementaires. La réduction des dépenses
publiques n’a par conséquent débuté que fin  2008. Pendant la période  2008-
2012, les autorités lituaniennes ont procédé au total à cinq coupes dans les
dépenses du budget de l’État à l’échelle des pouvoirs publics (voir tableau  1
ci-dessous).

Tableau 1. Coupes dans les dépenses publiques à l’échelle de l’État en Lituanie.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


N° Mois et année Volume des coupes en milliards
des coupes en milliards de LTL d’EUR
1. Décembre 2008 2,0 (à partir du projet de budget 2009) 0,58
2. Mai 2009 1,1 (à partir du budget 2009) 0,32
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

3. Juillet 2009 0,2 (à partir du budget 2009 révisé en 0,06


mai 2009)
4. Décembre 2009 1,6 (à partir du budget 2009 révisé en 0,46
juillet 2009)
5. Décembre 2011 0,6 (à partir du budget 2011) 0,17
Total : 5,5 1,59
Source : calculs basés sur des données du ministère des Finances lituanien.

Les premières coupes ont été proposées par le nouveau gouvernement au


pouvoir dans le cadre d’un plan anticrise adopté en décembre 2008. Les dépenses
prévues dans le cadre de ce plan prévoyaient des coupes généralisées : baisse de
12 % dans le budget des salaires pour les institutions du gouvernement central
et les autorités locales, baisse de 15 % dans les autres dépenses des institutions
budgétaires, baisse de 10 % au moins dans les investissements des institutions
budgétaires et baisses supplémentaires dans les dépenses de certains secteurs
(par ex., une baisse de 12,2 millions d’euros dans les dépenses en matière de
défense) ou de programmes budgétaires (par ex., une réduction des dépenses de
15 % pour le programme d’aide aux régions rurales).
Face à la détérioration de la crise économique, trois séries de coupes dans
les dépenses publiques ont dû être réalisées pendant l’année 2009. La première
coupe de  2009, adoptée par le Parlement en mai  2009, portait sur les institu-
tions budgétaires (à l’exception des ministères lituaniens), dont les dépenses
pour  2009 ont été réduites de 6 % (pour les organisations d’enseignement,
culturelles et scientifiques) à 16 % (pour les administrations de comté). La
Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  557

deuxième série de coupes en  2009, intervenue en  juillet 2009, à la suite des
élections présidentielles, prévoyait des réductions plus ciblées dans les salaires
de la fonction publique (de  8 % pour les enseignants et les autres agents du
secteur public). La troisième coupe de 2009, réalisée pendant la préparation du
budget de l’État 2010, fin 2009, prévoyait de nouvelles réductions dans le fonds
des salaires des agents de l’État (de 10 %) et les autres membres du personnel
du secteur public (allant de 2 à  8 %). Par ailleurs, une réduction considérable
des dépenses sociales a été adoptée en décembre 2009, lorsque le Parlement a
réduit les pensions, les allocations de maternité et de chômage, ainsi que d’autres
dépenses sociales. Cette réduction qui, dans le cas des pensions, s’élevait en
moyenne à environ 5 % (même si elle était progressive), était censée réduire les
dépenses programmées du fonds de sécurité sociale d’environ 8-9 % et réduire
son déficit de moitié. Ce ne fut cependant pas le cas.
Aucune coupe à l’échelle des pouvoirs publics n’a plus été réalisée ensuite
jusqu’à la fin 2011, lorsqu’il a fallu revoir un projet de budget de l’État pour 2012
en raison de la détérioration de la situation de l’économie lituanienne. Une nou-
velle réduction de 4 % pour l’ensemble des gestionnaires du budget de l’État a
été approuvée, fin 2011. Cette réduction à l’échelle du gouvernement n’était pas

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


répartie de manière égale entre les différents domaines stratégiques : si le budget
du ministère de la Défense nationale était presque intact, celui du ministère de
l’Environnement fut réduit de pas moins de 28 %. Les coupes plus importantes
dans les dépenses étaient nécessaires car fin  2011, les autorités lituaniennes
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

avaient décidé d’abandonner les coupes dans les pensions de 2009, rétablissant
ainsi les niveaux des pensions d’avant la crise (à partir du 1er janvier 2012).
Par ailleurs, début 2009, le Parlement lituanien a réduit la part de cotisations
de sécurité sociale transférée aux fonds de pension privés du deuxième pilier à
3 %, inversant ainsi la tendance de la réforme des pensions et créant une incerti-
tude à propos de sa continuité. Cette incertitude s’est encore aggravée lorsque la
deuxième coupe dans les dépenses publiques a été adoptée au printemps 2009,
réduisant encore la part des cotisations, qui passait à 2 %. Cependant, malgré
la volonté déclarée de poursuivre la réforme des pensions à l’avenir, la part de
contributions de sécurité sociale dans les fonds de pension privés du deuxième
pilier a encore été réduite pour passer à 1,5 % fin 2011.
Si les réductions des dépenses de la Lituanie étaient au départ généralisées,
des réductions plus progressives ont ensuite été adoptées dans d’autres domaines
de dépenses publiques (Hawkesworth et al., 2010 : 7). Les coupes généralisées
(horizontales) à l’échelle de la plupart des secteurs étaient plus simples à définir,
plus rapides à mettre en œuvre et semblaient plus équitables. L’ancien ministre
des Finances a reconnu que « quand on est assis autour d’une table avec qua-
torze collègues du gouvernement, personne ne va se porter volontaire pour une
réduction de ses dépenses » (entretien avec Šimonytė). Cependant, lorsque le
gouvernement a ensuite décidé de laisser plus de latitude aux responsables des
institutions budgétaires pour définir les coupes en fonction de leurs priorités,
bon nombre d’institutions se sont contentées de « durcir » temporairement leurs
budgets pour supporter la crise sans imposer de changements axés sur l’efficacité
(entretien avec Kubilius ; entretien avec Šimonytė).
558  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

Mesures opérationnelles. Dans cette partie, nous examinons les coupes opérées
dans les dépenses de personnel et les licenciements de personnel, ainsi que les
mesures axées sur l’efficience prises par les autorités lituaniennes dans le cadre
de la crise financière.
En Lituanie, les dépenses du budget de l’État se composent de dépenses d’im-
mobilisation et de dépenses d’exploitation qui couvrent séparément les dépenses
de personnel (le fonds des salaires). Le fonds des salaires s’est réduit de 17 % en
moyenne dans l’ensemble des domaines stratégiques pendant la période allant
de  2008 à  2011. Cette réduction a été la plus marquée dans les services du
Premier ministre (36 %), les domaines stratégiques de l’agriculture (32 %), de la
justice (30 %) et de l’économie nationale (29 %), tandis que les secteurs des soins
de santé et de la défense ont subi des coupes relativement réduites dans leurs
dépenses de personnel (Saulėlydžio komisija, 2012). Ces mesures sont liées au
contenu des décisions en matière d’assainissement des finances publiques prises
aux niveaux gouvernemental et ministériel.
Les salaires de la fonction publique ont baissé de 8 à 36 % dans le cadre de
la crise (Saulėlydžio komisija, 2012) ; les baisses les plus marquées ont touché les
tops managers en raison de la nature progressive des baisses de salaires dans la

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


fonction publique lituanienne. La réduction disproportionnée des salaires pour
certains groupes d’agents de l’État, destinée à montrer l’exemple en matière de
solidarité et à essayer de mobiliser le soutien politique pour ces mesures (entre-
tien avec Kubilius), sera ensuite jugée anticonstitutionnelle par la Cour constitu-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

tionnelle lituanienne.
L’État et les institutions municipales lituaniens ont fait l’objet de licenciements
de personnel considérables pendant la crise financière. Le nombre total de postes
(postes vacants inclus) dans la fonction publique a été réduit d’environ 10 % (soit
7282  postes) entre  2008 et  2011. Ces réductions étaient réparties de manière
inégale entre les services et les niveaux de gouvernement. Le nombre de postes
occupés au sein de l’exécutif lituanien et de ses institutions a baissé de 11 %, tan-
dis que le Parlement lituanien et les institutions responsables devant le Parlement
ont connu une baisse de 2 % à peine (Saulėlydžio komisija, 2012).
En outre, un certain nombre de mesures axées sur l’efficience ont été adop-
tées par les autorités lituaniennes pendant la crise. Premièrement, une politique
de gestion commune des avoirs de l’État a été mise en place afin d’améliorer
la rentabilité des entreprises publiques. À la suite de cette politique, le volume
de dividendes affectés au budget de l’État est passé de 11,9 millions d’euros
(en  2009) à 134,3 millions (en  2011) (State-Owned Enterprises in Lithuania,
2013).
Deuxièmement, afin d’améliorer l’efficience dans les résultats des institutions
au niveau central, les autorités lituaniennes ont commandé une évaluation de
l’efficience pour plusieurs fonctions du personnel (développement des ressources
humaines, marchés publics, gestion IT, gestion des biens, etc.) pour l’ensemble
des 329  institutions responsables devant le gouvernement. Malgré certaines
améliorations dans les indicateurs d’efficience de plusieurs agences gouverne-
mentales, aucune évolution majeure n’a été observée dans ce domaine dans
l’ensemble du système administratif à la suite de cette évaluation en raison de
Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  559

l’ampleur limitée des changements systémiques axés sur l’amélioration de l’effi-


cience, de l’absence de coordination centrale et de la lenteur des processus de
mise en œuvre (Saulėlydžio komisija, 2012 : 56).
Troisièmement, les autorités lituaniennes compétentes en matière de marchés
publics étaient encouragées à passer à un processus centralisé pendant la crise.
Malgré la mise en place d’une unité centralisée en matière de marchés publics,
la part de marchés de ce type restait relativement faible, puisqu’elle représentait
5,4 % du nombre total de marchés publics en 2011 (Saulėlydžio komisija, 2012 :
59). Ce phénomène est associé au refus des autorités responsables en la matière
de renoncer à leurs compétences dans ce domaine.
D’une manière générale, malgré l’adoption de quelques instruments mana-
gériaux axés sur l’efficience pendant la crise financière, ceux-ci ont souffert de
problèmes d’échelle et/ou de mise en œuvre. Ces initiatives n’ont par conséquent
pas produit d’effets majeurs sur l’assainissement des finances publiques.

Tentatives destinées à augmenter les recettes


Même si la politique d’assainissement des finances publiques de la Lituanie s’ap-

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


puyait sur la réduction des dépenses, des modifications ont également été appli-
quées dans la fiscalité. Le gouvernement de  2008-2012 a davantage recouru
à des hausses des taux d’imposition existants qu’à l’introduction de nouveaux
impôts. Il a également envisagé d’introduire des taxes globales sur l’immobilier
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

résidentiel et sur les voitures, mais ces mesures n’ont finalement pas été adoptées
en raison de l’opposition des partis libéraux et du Président de Lituanie (qui a
opposé son veto à l’introduction d’une taxe sur les voitures). Par ailleurs, même si
l’idée d’une taxe forfaitaire de 19 ou 20 % pour la TVA, les bénéfices et les reve-
nus des particuliers semblait au départ bienvenue, elle a finalement été modifiée
en raison de l’opposition des partis libéraux de la coalition.
Il fallait par ailleurs réagir rapidement et le temps manquait dès lors pour les
développements techniques et l’établissement du consensus politique nécessaires
pour procéder à des changements importants dans le système fiscal. La politique
de coalition et les contraintes de temps ont par conséquent eu un impact majeur
sur la composition finale des changements dans la fiscalité. Fin 2008, le gouver-
nement s’est empressé de produire une liste complète des changements dans la
fiscalité afin de les appliquer dès le 1er janvier 2009. Ces mesures seront ensuite
qualifiées de « réforme fiscale de nuit », afin de souligner la nature précipitée et
éclectique de ces changements. Les mesures en matière de fiscalité s’appuyaient
essentiellement sur une hausse des taxes à la consommation. Le taux standard
de TVA est passé de 18 à 19 %, puis à 21 % à partir du 1er septembre 2009, et
plusieurs types d’exonérations de TVA ont été supprimés. Les accises sur l’alcool,
le carburant et le tabac ont elles aussi été augmentées.
S’agissant de la taxation des revenus, l’impôt sur le revenu des particuliers a
été réduit, passant de 24 à 21 %. Les déductions d’impôt pour les prêts hypo-
thécaires et l’achat d’ordinateurs personnels ont été supprimées. La taxation des
revenus des dividendes est passée de 15 à 26 %. En outre, le paiement de coti-
sations à la caisse d’assurance maladie s’est étendu à des groupes de particuliers
560  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

jusque-là exemptés, ce qui augmentait la charge fiscale globale. Les catégories


de personnes assujetties à la sécurité sociale ont elles aussi été étendues. Les
cotisations de sécurité sociale pour les indépendants ont par ailleurs augmenté.
Pour ce qui est des impôts pour les entreprises, l’impôt sur les bénéfices est
passé de 15 à 20 %, mais a ensuite été réduit en 2010, pour repasser à 15 %. Des
incitants fiscaux ont été accordés aux entreprises investissant dans la recherche
et le développement pour la période 2009-2013. Un taux d’imposition spécial a
ensuite été accordé aux petites entreprises — 5 % (au lieu de 13 % jusque-là).
En octobre  2010, le gouvernement a signé l’Accord national avec d’impor-
tants groupes d’intérêts, parmi lesquels des organisations patronales et syn-
dicales. Dans cet accord, le gouvernement s’engageait à ne pas introduire de
nouvelles taxes et à ne pas augmenter la taxation existante avant 2011, sauf en
ce qui concerne les cotisations de sécurité sociale plus élevées qu’initialement
prévu. Le gouvernement a également souligné la nécessité de lutter contre la
contrebande, l’évasion fiscale et les autres activités commerciales illégales, qui se
développaient considérablement pendant la crise (voir Žukauskas (2013) pour un
aperçu de ces tendances).

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


Résultats et conséquences : quelles ont été les conséquences des
mesures d’assainissement des finances publiques ?
Conséquences financières-économiques
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

Même si les autorités lituaniennes ont réduit le volume des dépenses du budget
de l’État d’environ 1,6 milliard d’euros dans le cadre des cinq phases de coupes au
niveau de l’État (voir tableau 1 plus haut), les dépenses publiques globales n’ont
baissé que de 0,2 milliards d’euros entre 2008 et 2012. Ce phénomène s’explique
par la part croissante de l’aide européenne dans le budget de l’État, qui s’élevait à
5,7 milliards d’euros en 2011. Malgré cela, peu de besoins en dépenses publiques
ont été retirés des programmes budgétaires non cofinancés par les Fonds struc-
turels européens pour être réaffectés à des programmes cofinancés. Même si
cette façon de procéder aurait pu réduire la nécessité de réduire d’importantes
dépenses non cofinancées dans le budget de l’État, seuls quelques ministères
lituaniens ont saisi cette occasion pendant la crise. Par exemple, le ministère de
l’Éducation et des Sciences n’a pas hésité à recourir aux financements européens
pour faire avancer et financer la réforme de l’enseignement supérieur (entretien
avec Putinaitė, 14 février 2013).
En dépit des hausses dans les taux d’imposition, les recettes fiscales totales
(cotisations sociales incluses) ont baissé de 18 % en 2009. Elles ont encore baissé
de 2,5 % en 2010 (selon les calculs de l’auteur, basés sur des données Eurostat 3).
En 2009, les recettes fiscales directes et indirectes ont baissé (de 18 % et 47 %
respectivement), tandis que les recettes des cotisations de sécurité sociale ont
augmenté de 10 % (calculs des auteurs, basés sur des données Eurostat et de

 3 Gouvernement général, produit total des impôts et des cotisations sociales (y compris cotisa-
tions sociales imputées) après déduction des montants évalués, mais peu susceptibles d’être
perçus.
Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  561

la Commission européenne (2014)) 4. En 2010, les recettes fiscales indirectes ont


augmenté de 6 %, mais les recettes fiscales directes ont baissé de 19 % et les
cotisations de sécurité sociale ont diminué de 3 %. En 2011, avec la reprise de
l’économie, les recettes fiscales ont elles aussi commencé à augmenter (la crois-
sance totale des recettes fiscales s’élevait à 7 %, une croissance attribuable aux
différentes catégories principales de taxation).
Indépendamment de l’importance des réductions des dépenses et des
réformes fiscales, la situation budgétaire s’est rapidement détériorée. Le déficit
financier est passé à 3 % en 2008 et à 9 % en 2009. Le déficit n’a commencé à
baisser qu’en 2010, lorsqu’il est passé à 7 %. Naturellement, la dette publique a
elle aussi augmenté, pour atteindre environ 38 % du PIB en 2010 et près de 41 %
en 2012 (contre 16 % avant la crise, en 2008).

Tableau 2. Indicateurs économiques de la Lituanie en 2006-2012

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012


PIB réel par habitant
6900 7700 8000 6900 7100 7700 8100
(EUR par habitant)

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


Taux de croissance réelle
7,8 9,8 2,9 -14,8 1,6 6,0 3,7
du PIB (en %)
Déficit/excédent public
-0,4 -1 -3,3 -9,4 -7,2 -5,5 -3,2
général (% du PIB)
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

Dette publique brute


17,9 16,8 15,5 29,3 37,9 38,3 40,5
générale (% du PIB)
Inflation (IPCH* tous
postes, taux d’évolution 3,8 5,8 11,1 4,2 1,2 4,1 3,2
annuelle moyen)
Taux de chômage (en %) 5,2 3,8 5,3 13,6 18,0 15,3 13,3
Source : Eurostat. *IPCH : Indices des prix à la consommation harmonisés

Le PIB de la Lituanie a commencé à augmenter en  2010 et a augmenté de


plus de 6 % en  2011 (voir tableau  2 ci-dessus). Cette tendance s’explique par
la reprise de l’économie mondiale et par la compétitivité des exportations litua-
niennes. Au printemps 2010, la prime de risque a baissé pour revenir au niveau
d’avant la crise et les agences de notation ont toutes revu la note de la Lituanie à
la hausse, en la faisant passer de la catégorie « négative » à la catégorie « stable ».

Conséquences sur le processus décisionnel


Dans cette partie, nous analysons les caractéristiques du processus décisionnel en
temps de crise. Malgré les vastes coupes dans les dépenses du budget de l’État
et autres mesures opérationnelles dans différents domaines stratégiques, la poli-
tique budgétaire de la Lituanie a relativement peu évolué. Premièrement, le prin-
cipe fondamental des réductions dans les dépenses visait à ramener les dépenses

 4 Données sur les recettes fiscales (en tant que part du PIB) extraites de la Commission euro-
péenne (2014) ; données relatives au PIB nominal extraites d’Eurostat.
562  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

publiques à leur niveau de 2006 afin de supprimer effectivement les conséquences


découlant des dépenses excessives de 2007 et 2008, lorsqu’une grande partie des
recettes exceptionnelles à court terme a été transformée en engagements sociaux à
long terme. Deuxièmement, une part considérable de réductions dans les dépenses
(environ 40 % de l’assainissement dans les budgets 2009 et 2010) était définie dans
la loi comme temporaire, compte tenu des circonstances particulières de la crise. Par
exemple, les coupes dans les pensions ont été abandonnées dès la fin 2011, mais
les réductions dans les salaires de la fonction publique (y compris ceux des agents
de l’État) ont été étendues au-delà de 2012.
C’est le signe qu’en réduisant les dépenses publiques en période de crise, les
autorités lituaniennes poursuivaient globalement la même approche procyclique.
On peut donc supposer que les dépenses publiques se rétabliront progressive-
ment lorsque sera revenue la croissance économique, à moins que les contraintes
résultant du renforcement de la gouvernance économique de l’UE et du pacte
budgétaire adopté par le Parlement lituanien n’atténuent la tendance en faveur
des mesures budgétaires procycliques. L’introduction de l’euro en  2015 risque
également de limiter la croissance des dépenses à court terme, mais elle pour-
rait bien avoir l’effet inverse par la suite. Il est important de souligner que les

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


procédures européennes liées aux mesures budgétaires ont eu peu d’influence
directe sur la politique de la Lituanie jusqu’à présent, même si, de manière indi-
recte, l’objectif relatif à l’introduction de l’euro était important, s’agissant de la
dernière étape importante pour sortir de la crise. La procédure concernant les
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

déficits excessifs a été ouverte contre la Lituanie en 2009 dans le but de ramener
le déficit sous la barre des 3 % en  2011. Compte tenu des graves effets de la
crise, l’échéance a ensuite été étendue à 2012. Cependant, même si la Lituanie
n’était toujours pas parvenue en 2012 à atteindre cet objectif, la procédure a été
clôturée compte tenu du niveau relativement faible de la dette publique et du
faible écart par rapport à l’objectif.
Comme indiqué plus haut, la réforme fiscale lituanienne, fin  2008, a été
qualifiée de « réforme de nuit », plus de soixante changements législatifs ayant
été imaginés et adoptés par le Parlement en un temps record. Les décisions ont
également été prises rapidement du côté des dépenses, les autorités lituaniennes
ayant préparé et adopté relativement vite les cinq coupes dans les dépenses
publiques pour répondre à l’évolution de la situation économique. La nature
précipitée du processus décisionnel n’a pas permis de réaliser une évaluation ex
ante suffisamment poussée de l’impact de ces changements, ni une concertation
en bonne et due forme avec les acteurs sociaux.
La réponse de la Lituanie à la crise mondiale a quelque peu contribué à la
centralisation de l’autorité et du processus décisionnel au sein du gouvernement
lituanien et dans le cadre des différents domaines stratégiques. L’urgence de la
crise et le leadership central du Premier ministre et des ministres des Finances qui
lui ont succédé ont permis au gouvernement lituanien de prendre des décisions
rapides en matière d’assainissement des finances, mais leur contenu dépendait
de l’issue de négociations complexes au sein de la coalition. Il est cependant
devenu nettement plus difficile d’adopter d’importantes décisions politiques
lorsque le sentiment d’urgence budgétaire s’est atténué, que le gouvernement
Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  563

a perdu sa majorité parlementaire et que les élections parlementaires ont com-


mencé à approcher. Les réformes déclarées en matière de politique sociale, de
soins de santé et d’administration publique se sont donc enlisées dans le pro-
cessus de mise en œuvre et n’ont suscité que des changements stratégiques
mineurs. Après les élections de 2012, un nouveau gouvernement de coalition du
bloc idéologique de partis politiques opposé a exprimé son désaccord total sur
certaines réformes antérieures et a proposé quelques revirements, notamment en
ce qui concerne les réformes précédemment mises en place dans les domaines
de l’enseignement supérieur, des soins de santé et de l’administration publique.
Les coupes budgétaires dans les dépenses publiques de l’État lituanien
s’appuyaient sur peu d’éléments factuels à propos de l’efficacité des dépenses
publiques et de l’impact possible des coupes. Même si, pour le budget 2011, le
gouvernement a modifié le processus de planification stratégique et d’établisse-
ment du budget, le rapport de l’OCDE parle de l’écart existant entre « ce dont
ils ont besoin » et les contraintes à l’échelle de l’État qu’il y a lieu de combler
(Hawkesworth et al., 2010 :12). Malgré l’introduction de nouveaux instruments
d’évaluation des programmes et d’analyse fonctionnelle, aucun examen complet

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


des dépenses publiques assorti d’une situation à moyen terme n’a été réalisé par
les autorités lituaniennes. Les missions et autres rapports du FMI, de la Banque
mondiale et de la Commission européenne ont par conséquent continué à ne
servir que de sources d’informations importantes dans la formulation des propo-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

sitions stratégiques.
Globalement, en l’absence de données empiriques pertinentes, la différencia-
tion des réductions des dépenses dans les différents domaines stratégiques peut
s’expliquer par la politisation de différents secteurs stratégiques. Les dépenses
affectées à la défense et à la fonction publique, qui étaient perçues comme
bénéficiant d’un soutien moindre chez l’électeur et comme moins soutenues par
des groupes d’intérêts, ont subi des coupes plus importantes, contrairement à
des dépenses sociales plus populaires dans les secteurs de la protection sociale,
de l’éducation et des soins de santé, qui ont subi des coupes moins importantes
(voire des augmentations).

Les conséquences de l’assainissement des finances publiques sur


la répartition et les réactions sociétales
Dans cette partie, nous examinons les conséquences sur le plan de la réparti-
tion des mesures d’assainissement des finances publiques mises en œuvre par les
autorités lituaniennes. La défense nationale a été le principal perdant des mesures
d’assainissement des finances publiques en Lituanie. Selon les données fournies
par l’office lituanien de statistiques, les dépenses en faveur de la défense ont
baissé de 29,2 % au cours de la période  2008-2011. Ce domaine stratégique
a été épargné par le dernier cycle de réductions pour 2012 en raison du faible
niveau de dépenses, qui s’élevaient à environ 0,8 % du PIB national (nettement
en dessous des 2 % du PIB recommandés par l’OTAN).
Aucun ensemble de grands vainqueurs n’est ressorti de la politique d’assai-
nissement des finances publiques. Même si les dépenses de santé du budget de
564  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

l’État ont augmenté de 24,0 % de 2008 à 2011, cette hausse a en grande partie
servi à compenser la baisse des cotisations des travailleurs et des employeurs
dans le Fonds national d’assurance-maladie (un des fonds hors budget) due à la
hausse du chômage et à la baisse des salaires sur le marché du travail. De plus, le
domaine stratégique de l’enseignement supérieur a été privilégié au début de la
crise lorsque des ressources supplémentaires ont été affectées à partir du budget
de l’État (y compris de l’assistance financière de l’UE) pour financer l’introduc-
tion de bons d’études dans le cadre du processus de réforme de l’enseignement
supérieur.
D’autre part, les groupes qui ont subi des pertes financières comprenaient les
retraités, en particulier ceux qui percevaient des pensions plus importantes, ainsi
que la population active qui épargnait dans le deuxième pilier des fonds de pen-
sion, et certains autres groupes qui percevaient des allocations de maternité et
autres. Il convient de noter que la réduction des dépenses a eu des conséquences
plus importantes parce que dans bien des cas, ces dépenses avaient été consi-
dérablement augmentées juste avant la crise. La plupart des réductions étaient
progressives et affectaient dès lors davantage les ménages plus aisés. Par ailleurs,
les hausses d’impôts étaient proportionnelles et affectaient davantage les familles

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


plus pauvres. D’une manière générale, on constate qu’en Lituanie, l’impact de
l’assainissement des finances publiques sur le bien-être des ménages « suivait une
tendance en U inversé, dans laquelle les groupes à revenus moyens contribuent
moins par rapport aux groupes à revenus élevés » (Avram et al., 2013 : 11).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

Les réductions des dépenses, de même que les nombreuses modifications


dans la fiscalité et la manière relativement chaotique dont elles ont été conçues
et appliquées ont suscité de vives critiques de la part de l’opposition, des experts
économiques et de la société dans son ensemble. Début 2009, à la suite de mani-
festations importantes en Lettonie, une grande manifestation a été organisée à
côté du bâtiment abritant le Parlement, à Vilnius. Un groupe est devenu violent et
des heurts ont éclaté avec la police. Cette manifestation a cependant été l’unique
protestation violente contre les mesures d’assainissement des finances publiques.
On a attribué l’absence relative de protestations contre les mesures d’ajustement
budgétaire au fait que la société était habituée à vivre dans des conditions de
changement et d’instabilité relative depuis deux décennies, ce qui a favorisé une
« culture de la patience », ainsi qu’à la faiblesse relative des syndicats (entretien
avec Kubilius).
Même si peu de manifestations ouvertes ont été organisées, on peut avancer
que le mécontentement social en Lituanie (ainsi qu’en Lettonie) s’est exprimé par
le nombre croissant d’émigrants pendant la période de la crise et de la relance
qui a suivi 5. La remontée du nombre d’émigrants, qui était en baisse avant la
crise en  2006-2008, ainsi que les estimations parlant de la part croissante de
l’économie parallèle sont le signe que la « sortie » constitue la principale forme
de réaction sociale, même si des recherches complémentaires s’imposent pour
confirmer cette idée, au moyen de données supplémentaires.

Si l’on en croit les données d’Eurostat, entre 2007 et 2010, la migration nette pour 1000 habi-
 5

tants est passée de -3,6 à -17,0 en Lettonie, et de -6,7 à -25,2 en Lituanie.


Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  565

L’impact des grandes réformes organisationnelles et structurelles


Dans cette partie, nous examinons les conséquences des grandes réformes orga-
nisationnelles et structurelles menées par les autorités lituaniennes pendant la
crise. Le gouvernement lituanien de 2008-2012 a lancé de vastes réformes orga-
nisationnelles, qui n’ont épargné aucune institution au niveau central. L’ensemble
des ministères lituaniens ont été restructurés et plusieurs agences gouvernemen-
tales de même que bon nombre d’agences ministérielles ont été supprimées
ou réorganisées en 2009-2011, même si un nouveau ministère (le ministère de
l’Énergie) a été créé pour s’occuper des réformes structurelles en matière d’éner-
gie. Le nombre d’institutions au niveau central est passé de 1190 en 2008 à 855
en 2011 (Saulėlydžio komisija, 2012 : 14). Cette évolution considérable dans le
paysage organisationnel s’est cependant essentiellement réalisée en supprimant
ou en réorganisant des unités territoriales qui sont comprises dans le nombre
global d’institutions de ce type (Nakrošis et Martinaitis, 2011).
Aucune réforme structurelle majeure n’est intervenue en Lituanie pendant la
période allant de 2008 à 2012, à l’exception du secteur de l’enseignement supé-
rieur et de la restructuration du secteur de l’énergie. Seul le deuxième pilier du

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


système de pension a été modifié fin 2012 sans résoudre la question du finance-
ment par répartition, qui continue à menacer la durabilité des finances publiques
(Vilpišauskas, 2009 : 49). Même si le réseau composé des organisations de soins de
santé personnels a été restructuré, cette réforme n’a pas été pleinement mise en
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

œuvre dans les trois principales villes de Lituanie (Vilnius, Kaunas et Klaipėda) en rai-
son de la résistance des autorités locales et d’autres parties prenantes, et l’ampleur
de ces changements a été réduite dans le cadre du processus de mise en œuvre.
La mise en œuvre de la réforme de l’enseignement supérieur, adoptée en 2009
(lorsque le gouvernement bénéficiait d’un large appui au Parlement), s’est avérée
plus efficace en ce qui concerne l’introduction de changements considérables
dans le système de financement et de gouvernance de l’enseignement supérieur
et de la recherche. Dans ce cas, les préparatifs en vue de la réforme à la veille des
élections parlementaires ont permis une mise en œuvre rapide, profitant d’une
« de lune de miel » en matière de soutien à la réforme en 2008-2009. On peut
cependant douter de la durabilité de ses résultats compte tenu de l’arrêt défa-
vorable rendu par la Cour constitutionnelle et du désaccord marqué du nouveau
gouvernement lituanien de 2012-2016.
Dans le cas de l’énergie, l’appui du nouveau Président élu en 2009, l’introduc-
tion du 3e paquet Énergie de l’UE, qui prévoyait la possibilité d’opter pour une
privatisation complète, et la coordination des réformes en matière d’énergie dans
le cadre du plan d’interconnexion des marchés énergétiques de la région de la
Baltique (BEMIP) ont permis de progresser. Ces phénomènes pourraient renforcer
la continuité des grands projets qui ont été révisés au terme de chaque élection
parlementaire.
D’une manière générale, l’analyse de la réponse lituanienne à la crise finan-
cière fait ressortir la nature fragmentée et progressive des réformes structurelles.
Cette tendance s’explique par des facteurs institutionnels et politiques impor-
tants, dont les implications sont examinées dans la conclusion de notre article.
566  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

Conclusion et analyse
Des facteurs économiques tels que la situation des finances publiques avant la
crise ou la longueur de même que la profondeur de la récession expliquent en
grande partie le calendrier de la politique d’assainissement des finances publiques
et le lancement des réformes structurelles en Lituanie. La forte pression du mar-
ché était la principale raison à l’origine de l’assainissement. Des mesures sérieuses
n’ont été prises que lorsque cette pression s’est fait durement sentir dans la
hausse rapide des coûts d’emprunt, la possibilité de manquer à ses engagements
et l’aide financière correspondante du FMI/UE, tandis que la réglementation bud-
gétaire européenne n’avait pas joué un rôle vraiment contraignant. La décision de
défendre le taux de change fixe explique le fait que la Lituanie ait opté pour une
réponse budgétaire procyclique.
Ce sont surtout les facteurs politiques, comme les cycles électoraux, la poli-
tique de coalition et l’absence de résistance organisée du côté des groupes d’in-
térêts, qui expliquent le fait que l’assainissement des finances publiques et les
décisions y afférentes soient axés sur les dépenses. Les considérations électorales
ont aussi influencé le calendrier de la politique d’assainissement des finances

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


publiques. Par exemple, la décision des autorités lituaniennes de procéder à deux
coupes dans les dépenses publiques dans un délai de onze semaines à la mi-2009
s’expliquait par le calendrier des élections présidentielles. Les baisses de salaires
pour le personnel de la fonction publique ont été reportées à après ces élections.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

La composition du gouvernement de  2008-2012 ou, plus précisément, le


rôle des deux partis libéraux dans ce gouvernement de coalition sont importants
pour expliquer le type de mesures d’assainissement adoptées en Lituanie. Par
exemple, fin 2011, les deux partis libéraux ont rejeté une proposition de l’Union
de la patrie visant à réaliser un assainissement basé sur les recettes par le biais
essentiellement d’une nouvelle hausse de la TVA conjuguée à un abandon des
coupes dans les pensions de 2009. Au terme de négociations politiques au sein
de la coalition au pouvoir, une mosaïque de différentes mesures a été adoptée :
abandon des coupes dans les pensions, introduction d’un impôt foncier pour
les personnes physiques, réduction de l’importance des cotisations aux fonds de
pension privés et nouvelles coupes dans les dépenses.
Les facteurs administratifs ne peuvent pas expliquer les décisions importantes
en matière d’assainissement des finances publiques. Comme indiqué dans le pré-
sent article, la fonction publique lituanienne a fait l’objet de coupes sévères dans
les dépenses, au lieu de devenir une source de conseils pour préparer les mesures
d’assainissement des finances publiques au niveau du gouvernement ou de ses
différentes institutions. Les coupes plus différenciées dans les dépenses dans
certains secteurs stratégiques et l’absence de réformes structurelles s’expliquent
néanmoins par l’influence des bureaucrates sur certains ministres.
D’une manière générale, la Lituanie a pratiqué un assainissement budgétaire
axé sur les dépenses et, dans une moindre mesure, sur les recettes. Cet assai-
nissement considérable a permis, en même temps que d’autres mesures, de
stabiliser rapidement l’économie et les finances publiques de la Lituanie. Même
si la dette nationale a considérablement augmenté sous l’effet de la crise, cela
Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  567

s’explique par l’expansion du budget avant la récession. Ce qui nous amène au


principal enseignement, à savoir que l’accumulation de réserves budgétaires
afin de réduire la dette de l’État en période de croissance économique doit être
l’une des principales priorités de la politique économique de tout gouvernement,
laissant le choix des instruments et du dosage entre coupes dans les dépenses
et mesures fiscales aux différents partis en fonction de leurs programmes idéo-
logiques et des évaluations d’impact des experts. Autre enseignement : même
si l’ouverture d’économies comme celle de la Lituanie les rend sensibles aux
éventuels chocs extérieurs qui émanent d’économies partenaires importantes,
elles ne seront pas exposées à ces chocs si une politique budgétaire appropriée a
été menée pendant les « beaux jours » et si l’économie est suffisamment flexible
pour faire évoluer ses exportations grâce à un niveau suffisant de diversification
des produits et des marchés.
Contrairement à l’objectif relatif à la durabilité budgétaire, malgré des pro-
grammes stratégiques ambitieux, des réformes structurelles pour la plupart
fragmentées ont été adoptées, et leur mise en œuvre a été progressive. Cela
peut s’expliquer par certaines caractéristiques institutionnelles générales du
système politique lituanien : sa fragmentation marquée, l’absence de consen-

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


sus et son faible leadership politique. Par ailleurs, le fait que le gouvernement
ait rapidement porté son attention politique sur l’assainissement des finances
publiques a réduit les chances de mettre en œuvre des réformes structurelles,
qui sont intervenues uniquement à la suite des premières décisions de réforme,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

lorsque le gouvernement bénéficiait d’un soutien suffisant au Parlement (dans le


cas de l’enseignement supérieur) ou d’une unité soutenue parmi les principaux
décideurs (le Président, le gouvernement et les partis politiques représentés au
gouvernement) dans le cadre de certaines mesures stratégiques européennes
de 2008 à 2012 (dans le cas de l’énergie).
Notre analyse permet d’affiner encore les arguments avancés dans la litté-
rature sur l’économie politique des réformes en démontrant que la situation
caractérisée par une crise économique profonde, la présence de décideurs peu
favorables aux réformes et un programme de réforme au lendemain de l’entrée
en fonction du gouvernement ne mène pas forcément à un changement stra-
tégique majeur en l’absence de certaines conditions supplémentaires, comme
une base stable de soutien politique, une attention politique soutenue et un
leadership politique continu.

Remerciements
Les auteurs souhaitent remercier Tiina Randma-Liiv et Walter Kickert pour la coor-
dination du travail du projet COCOPS « Coordination after the crisis », ainsi que
les lecteurs de l’article pour leurs commentaires utiles.

Références bibliographiques
Avram, S., Figari, F., Leventi, C., Levy, H., Navicke, J., Matsaganis, M., Militaru, E., Paulus, A.,
Rastrigina, O. et Sutherland, H. (2013) The Distributional Effects of Fiscal Consolidation in
Nine Countries. EUROMOD Working Paper No. EM 2/13.
568  Revue Internationale des Sciences Administratives 81 (3)

Darvas, Z. (2010) “The Impact of the Crisis on Budget Policy in Central and Eastern Europe”.
OECD Journal on Budgeting 2010(1) : 1-30.
European Commission (2014) Taxation Trends in the European Union. 2014 edition. Available
at : http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/taxation/gen_info/econo-
mic_analysis/tax_structures/2014/report.pdf (accessed 26 October 2014).
Government of Lithuania (2010) Report of the Government to the Parliament for the Year 2009.
Available at  : http://www.lrv.lt/bylos/vyriausybes/15-vyr-dok/2009_ataskaita.pdf (accessed
24 October 2014).
Hawkesworth, I., Emery, R., Wehner, J. et Saegert, J. (2010) “Budgeting in Lithuania”. OECD
Journal on Budgeting 2010(3) : 1-36.
International Monetary Fund (2010) Republic of Lithuania : 2010 Article IV Consultation – Staff
Report ; Staff Supplement ; Public Information Notice on the Executive Board Discussion ;
and Statement by the Executive Director for Lithuania. Available at : https://www.imf.org/
external/pubs/ft/scr/2010/cr10201.pdf (accessed 24 October 2014).
Kickert, W., Randma-Liiv, T. et Savi, R. (2013) Fiscal Consolidation in Europe : A Compara-
tive Analysis. COCOPS Trend Report. Available at  : http://www.cocops.eu/wp-content/
uploads/2013/10/WP7-trend-report_final.pdf (accessed 4 December 2013).
State-Owned Enterprises in Lithuania : Annual Report 2012 (2013). Available at : http://vkc.vtf.lt/
static/uploads/SOE_annual_report_2012.pdf (accessed 4 December 2013).
Nakrošis, V. et Martinaitis, Ž. (2011) Lithuanian Agencies and Other Public Sector Organisations :
Organisation, Autonomy, Control and Performance. Vilnius : Vilnius University.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


Peters, B.G., Pierre, J. et Randma-Liiv, T. (2011) “Global Financial Crisis, Public Administration
and Governance : Do New Problems Require New Solutions ?”. Public Organization Review
11(1) : 13-27.
Purfield, C. et Rosenberg, C.B. (2010) Adjustment under a Currency Peg : Estonia, Latvia and
Lithuania during the Global Financial Crisis 2008-09. International Monetary Fund Working
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

Paper. Available at : http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2010/wp10213.pdf (accessed


17 February 2013).
Saulėlydžio komisija (2012) Valstybčs valdymo tobulinimo komisijos (Saulelydėio Komisijos)
2009-2012 m. Veiklos ataskaita : rezultatai ir gaires tolesniems pokyčiams. November. Avai-
lable at : http://www.lrv.lt/bylos/veikla/veiklos-ataskaitos/Saulelydzio%20ataskaita_2012%20
11%2014.pdf (accessed 17 March 2013).
Tompson, W. (2009) The Political Economy of Reform : Lessons From Pensions, Product Markets
and Labour Markets in Ten OECD Countries. Paris : OECD.
Van de Walle, S. et Jilke, S. (2014) “Savings in public services after the crisis : a multilevel analysis
of public preferences in the EU-27”. International Review of Administrative Sciences 80(3) :
597-618.
Vilpišauskas, R. (2009) “Crisis as an opportunity for reform : only some windows open”. Pinigų
studijos XIII(2) : 37-53.
Williamson, J. (ed.) (1994) The Political Economy of Policy Reform. Washington, DC : Institute
for International Economics.
Žukauskas, V. (2013) Lithuanian Shadow Economy. Lithuanian Free Market Institute. Available
at : http://files.lrinka.lt/LSE2013_2/LSE_EN.pdf (accessed 19 January 2015).

Vitalis Nakrošis est professeur d’administration publique à l’Institut de relations


internationales et de science politique de l’Université de Vilnius. Ses principaux inté-
rêts de recherche comprennent les réformes de la gestion publique, les organisations
du secteur public et la mise en œuvre de même que l’évaluation des politiques. Le
dernier ouvrage qu’il a codirigé s’intitule Lithuanian Agencies and Other Public Sector
Organisations : Organisation, Autonomy, Control and Performance (Vilnius : Université
de Vilnius, 2011).
Ramūnas Vilpišauskas est directeur et professeur à l’Institut de relations interna-
tionales et de science politique de l’Université de Vilnius. Il a publié de nombreux
Nakrošis, Vilpišauskas et Kuokštis   Réformes structurelles en Lituanie  569

documents sur l’élargissement de l’Union européenne, les réformes de transition,


l’analyse politique et les politiques d’intégration européenne. L’une de ses récentes
publications s’intitule Eurozone Crisis and European Integration : Functional Spillover,
Political Spillback ? (Journal of European Integration, 2013).
Vytautas Kuokštis est professeur à l’Institut de relations internationales et de
science politique de l’Université de Vilnius. Ses principaux intérêts de recherche
concernent l’économie politique comparée et internationale, et en particulier l’écono-
mie politique des Pays baltes et les crises financières. Sa dernière publication s’intitule
Cooperating Estonians and ‘Exiting’ Lithuanians : Trust in Times of Crisis (Post-Soviet
Affairs, 2015).

Annexe

Entretiens :
Andrius Kubilius, ancien Premier ministre, 13 mars 2013, Vilnius, Lituanie.
Ingrida Šimonytė, ancienne ministre des Finances, 11 février 2013, Vilnius, Lituanie.
Nerija Putinaitė, ancienne vice-ministre de l’Éducation et des Sciences, 14 février 2013,
Vilnius, Lituanie.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.


Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.200.163 - 11/07/2019 19h28. © I.I.S.A.

S-ar putea să vă placă și