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mise au point

Neuropsychiatrie du désir sexuel


Inspirée des concepts fondamentaux des neurosciences, la neu­
ropsychiatrie est une discipline à l’interface entre psychiatrie,
psychologie, neurologie et neuropathologie. De manière inté­
ressante, la neuropsychiatrie peut également inclure des dis­
ciplines spécialisées comme la psychologie développementale,
l’endocrinologie et la sexologie. Au cours de cet article, nous
décrivons l’approche neuropsychiatrique et présentons com­
ment elle peut être reliée aux neurosciences sociales et s’ap­
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 653-8
pliquer à la médecine sexuelle en décrivant son importance
pour les dysfonctions sexuelles et le désir sexuel.
S. Ortigue
F. Bianchi-Demicheli
introduction
Pr Stephanie Ortigue
Section de psychologie Inspirée des concepts fondamentaux des neurosciences déve­
FPSE, Université de Genève
et Syracuse University, New York loppés depuis longtemps, la neuropsychiatrie est une discipline
1205 Genève à l’interface entre la psychiatrie, la psychologie, la neuropatho­
stephanie.ortigue@unige.ch
logie et la neurologie. De manière intéressante, la neuropsychia­
Dr Francesco Bianchi-Demicheli trie peut également toucher bien d’autres disciplines spécia­
Consultation de gynécologie
psychosomatique et sexologie
lisées comme la psychologie développementale, l’endocrino­
Service de psychiatrie de liaison logie, les neurosciences sociales et la sexologie. Au cours de
et d’intervention de crise cet article, nous décrirons l’approche neuropsychiatrique dans
Département de psychiatrie
HUG, 15 rue des Pitons son ensemble et présenterons de manière plus précise com­
1205 Genève ment l’approche neuropsychiatrique peut s’appliquer aux
francesco.bianchi-demicheli@hcuge.ch dysfonctions sexuelles (et notamment au désir sexuel). L’ap­
proche neuropsychiatrique comprend l’étude et la prise en
charge des troubles psychiatriques en relation avec un dys­
fonctionnement cérébral et vise à comprendre les interrela­
Neuropsychiatry of sexual desire tions complexes qui existent entre comportement et dysfonctions cérébrales.1­3
Inspired by the basic concepts of neuro­ Ceci comprend aussi bien l’étude et/ou la prise en charge de patients ayant un
science, neuropsychiatry is a discipline at the
dysfonctionnement cérébral que de patients ayant des troubles psychiatriques
interface between psychiatry, psychology,
neurology and neuropathology. Interestingly,
dont la cause est considérée comme étant non organique ou «fonctionnelle».2 Plus
neuropsychiatry can also include specialized précisément, les troubles associés aux accidents vasculaires cérébraux, aux trau­
disciplines, such as developmental psycho­ matismes crâniens, à la dépression, la schizophrénie, l’épilepsie, les démences
logy, endocrinology and sexology. In this ar­ et aux troubles génétiques peuvent être concernés par la neuropsychiatrie.
ticle, we describe the neuropsychiatric ap­ Bien que ce concept ne soit pas nouveau, il connaît, de nos jours, un nouvel
proach and present how it may be related to essor étant donné son importance concernant la santé mentale tant au niveau in­
social neuroscience, and apply to sexual me­
dividuel qu’au niveau institutionnel. En effet, avec le récent développement des
dicine by describing its importance for sexual
dysfunctions and sexual desire.
neurosciences, la neuropsychiatrie est plus que jamais d’actualité. Notamment,
elle joue un rôle crucial dans le domaine des neurosciences translationnelles qui
tentent de faire le lien entre les aires cérébrales qui s’activent lors d’une tâche
expérimentale en laboratoire contrôle et les comportements des individus dans
la réalité.
L’évaluation neuropsychiatrique requiert une expertise et une évaluation cli­
nique spécialisée sur les troubles du comportement. Selon les guidelines de
l’American Psychiatric Association, les éléments principaux d’une évaluation neu­
ropsychiatrique sont les suivants :
1. psychiatrique ;
2. neurologique ;

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3. neuropsychologique ; De manière intéressante, la neuropsychiatrie peut éga­
4. neuroimagerie et neurophysiologie. lement toucher des spécialités très pointues, comme par
En ce sens, l’évaluation neuropsychiatrique diffère des exemple la sexologie. En effet, certains troubles sexuels ont
évaluations psychiatriques conventionnelles car elle inclut un lien étroit avec des troubles neurologiques et psychia­
également une évaluation neurologique, un examen cogni­ triques.10 Ceux­ci peuvent affecter chaque phase de la ré­
tif neuropsychologique et une attention particulière aux ré­ ponse sexuelle (excitation, désir, orgasme). Ci­après, nous
sultats en neuroimagerie.4 La combinaison de ces diffé­ décrivons en exemple le cas de troubles du désir sexuel
rentes évaluations permet de mieux appréhender la sphère qui peuvent se manifester d’un point de vue phénoméno­
mentale des patients dans leur contexte, ce qui est impor­ logique tant dans le sens d’une augmentation, ou d’une di­
tant étant donné que les troubles cérébraux peuvent affec­ minution ou voire même d’une déviance.
ter de nombreux aspects du comportement, mais aussi de
la cognition, et même de la personnalité (tableau 1). Dès
lors, un examen neurologique associé à une évaluation neu­ neuropsychiatrie et désir sexuel
ropsychologique rigoureuse constitue un avantage consi­ Avant de décrire les troubles du désir sexuel qui peuvent
dérable à l’évaluation psychiatrique de base.5 être pris en charge par une approche neuropsychiatrique,
Par ailleurs, la neuropsychiatrie connaît aussi un grand il est important de donner une définition de base du désir
essor actuellement grâce au développement des neuro­ sexuel et de discuter ses normes.
sciences et des techniques d’imagerie de haute résolution Bien que le désir soit un concept universel qui existe
à la fois spatiale et temporelle qui permettent non seule­ dans différentes cultures et différents pays, il connaît des
ment d’identifier le réseau neuronal qui peut être affecté variations interindividuelles extrêmement diverses qui ren­
lors d’un trouble comportemental, mais également quand dent difficile l’élaboration d’une définition unique pour tout
(au niveau conscient ou inconscient) ce réseau neuronal est un chacun. En effet, certaines personnes ne ressentent jamais
affecté. Les techniques en neuroimagerie permettent ainsi (ou quasiment jamais) un désir sexuel, alors que d’autres
d’identifier clairement toute étiologie biologique des trou­ personnes ressentent un désir sexuel très fréquemment.7,10­15
bles du comportement qui peuvent parfois échapper aux D’un point de vue phénoménologique, de nombreuses
tests papier­crayon de certains questionnaires comme le études en psychologie sociale et en sexologie ont tenté de
mini mental test.6 Les problèmes psychiatriques les plus définir le désir sexuel objectivement. De ces études, il res­
fréquemment rencontrés après accident vasculaire cérébral sort que le désir sexuel peut se définir comme étant «une
(AVC)7 sont la dépression, les troubles anxieux et l’état de augmentation de la fréquence et de l’intensité des pen­
stress post­traumatique (PTSD). Par exemple, il a été dé­ sées/fantasmes sexuels».13,14 En ce sens, le désir sexuel
montré qu’une dépression peut être une manifestation de peut être décrit comme une expérience subjective, appa­
troubles neurologiques.6 La dépression post­AVC est en raissant comme un élan intérieur, ou une intention sexuelle
effet un phénomène commun, notamment dans le cas de pouvant pousser une personne à rechercher une expérience
lésion du lobe frontal.6 Une étude a également montré des et/ou une stimulation sexuelle ou à s’y montrer réceptif dans
différences cérébrales significatives chez les patients avec un but de satisfaire (de manière concrète ou imaginaire) un
PTSD en comparaison avec ceux sans PTSD. En bref, les ré­ plaisir sexuel potentiel qui est sur le moment inatteignable.
sultats suggèrent que la distribution du flux sanguin régio­ De ce fait, le désir sexuel est un processus personnel qui
nal chez les patients ayant un PTSD est plus hétérogène varie d’un individu à l’autre en fonction d’expériences pas­
que celle observée chez les sujets contrôles. Ces résultats sées et aussi d’expériences présentes qui sont régies par
indiquent que des traumatismes vécus à la suite de trau­ différents facteurs motivationnels d’intensité plus ou moins
matismes peuvent avoir une trace neurologique précise, forte.13 En ce sens, les modulations (augmentation ou di­
qui peut contribuer à un nombre non négligeable de plain­ minution) du désir par rapport à une norme doivent être
tes de la part des patients avec PTSD.8 Certains cas de dé­ prises en considération lors de tout bilan sexologique afin
mences peuvent aussi montrer des signes neurologiques qu’un phénomène qui peut apparaître comme étant habituel
clairs, comme par exemple, une hypoperfusion dans les pour un individu soit considéré comme tel lors de l’évalua­
lobes pariétal et temporal pour les patients souffrant d’Al­ tion clinique. La notion de normalité est en effet une ques­
zheimer, et une hypoperfusion des régions cérébrales or­ tion délicate en neuropsychiatrie qui doit être considérée
bitofrontale, frontale dorsolatérale et temporale chez les avec précaution, notamment lorsqu’il s’agit de dysfonctions
patients ayant une démence fronto­temporale.9 sexuelles.16,17 En effet, afin de comprendre ce qui est «anor­
mal», il faut tout d’abord identifier ce qui est «normal». Pour
Tableau 1. Exemple de symptômes associés aux ce faire, une étude complexe des différentes pratiques,
troubles cérébraux comportements et problématiques psychologiques, biologi­
Région cérébrale Symptômes ques, génétiques, sociales et culturelles est nécessaire. Bien
que ces critères soient très clairs, l’évaluation des normes en
Lobe frontal Changements de personnalité, incluant
désinhibition, apathie
neuropsychiatrie n’est cependant pas toujours tâche facile,
notamment dans le domaine de la sexualité. La complexité
Lobe pariétal Déficits cognitifs complexes, incluant des
de cette tâche est due au fait qu’une normalité peut se dé­
difficultés visuo-spatiales, attentionnelles,
corporelles, anosognosie finir de plusieurs manières. Tout d’abord, il existe différen­
tes formes de normalité (la normalité légale, biologique,
Lobe temporal médial Troubles émotionnels, syndromes amnésiques
statistique, morale ou encore psychologique).17 La norma­

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lité légale se définit comme une normalité qui rentre dans Diminution du désir sexuel
les limites de la loi qui est propre à un pays et à une La diminution de désir sexuel est classée dans le DSM­IV
époque. La normalité statistique se définit par la majorité sous le diagnostic «Trouble : baisse du désir sexuel (F52.0)».
des personnes qui l’utilisent/l’appliquent. La normalité Actuellement, l’appellation est «désir sexuel hypoactif
morale, elle, s’inscrit dans l’histoire de la morale et de la (DSH)» (tableau 2).20 La caractéristique essentielle de ce
religion d’un groupe ou d’une population.17 Et enfin, la nor­ trouble est un déficit (ou une absence) de «fantaisies ima­
malité psychologique est déterminée par la pudeur et par ginatives d’ordre sexuel (fantasmes sexuels) ou de désir
les habitudes que les êtres humains ont pris au cours de d’activité sexuelle», qui sont marqués par un changement
leur évolution.17 Par ailleurs, la notion de normalité, quel par rapport au désir habituel de l’individu et qui est à l’ori­
que soit son type, peut se complexifier du fait qu’elle peut gine d’une souffrance prononcée ou de difficultés relation­
également se définir de manière objective (en comparant nelles. L’individu souffrant de ce trouble est peu motivé dans
par exemple un attribut physique à une normalité biolo­ la recherche de stimuli sexuels et habituellement ne prend
gique) ; et/ou subjective (en comparant par exemple une pas l’initiative d’une activité sexuelle ou s’y livre avec réti­
fréquence de désir personnel à l’ensemble de la popula­ cence quand son partenaire prend l’initiative. Différents
tion). Ainsi, un désir sexuel peut paraître subjectivement facteurs peuvent être associés à une diminution du désir
«normal» (à tort ou à raison) pour une personne et lui ser­ sexuel. Par exemple, des facteurs somatiques, endocrino­
vir de référence de base alors que ce même désir peut pa­ logiques, psychologiques et neurobiologiques sont parfois
raître subjectivement «anormal» pour une autre personne en cause. Les études en neuroimagerie des patients avec
et/ou un autre réseau social. En ce sens, la neuropsychia­ diminution de désir sexuel constituent aussi un outil uni­
trie du désir sexuel se doit de considérer tout individu que et non invasif pour comprendre les variations neuro­
comme une entité à part entière, avant de le comparer aux nales chez ces patients. A ce jour, ces études montrent que
différents types de normes et de quantifier un comporte­ les patients avec diminution de désir sexuel ont non seu­
ment sexuel comme étant anormal. lement une diminution d’activité dans les régions cérébra­
D’un point de vue neuroscientifique, les récentes avan­ les impliquées dans les émotions ainsi que dans la repré­
cées en neurosciences cognitives et sociales permettent sentation mentale de soi, mais aussi une activité anormale
d’apporter quelques lumières quant au réseau cérébral et soutenue dans les aires cérébrales importantes pour
qui est normalement activé chez des sujets sans trouble l’inhibition des comportements motivationnels.13,14
du désir sexuel et sans trouble neurologique. Sans entrer
dans les détails, les résultats de ces études en neuroimage­ Augmentation du désir sexuel
rie montrent que le désir sexuel implique les régions du Des troubles du désir sexuel peuvent aussi se manifester
cerveau (par exemple le système limbique, les neurones par une augmentation avec une hypersexualité (American
miroirs) au niveau fronto­temporo­pariétal et aussi sous­ Psychiatric Association, 1994). Les troubles du désir sexuel
cortical qui soutient des mécanismes inconscients et cons­ hyperactif ne font pas seulement appel à des mécanismes
cients d’émotion, de récompense, satisfaction, attention, de pulsions instinctuelles, mais également à des méca­
d’identification à l’autre, d’associations mnésiques, et éga­ nismes sociocognitifs complexes qui peuvent apparaître
lement de représentation mentale de soi. Des facteurs gé­ chez l’adulte de façon soudaine ou progressive (tableau 3).
nétiques (notamment au niveau des variations du gène du Des paraphilies (voir ci­dessous) peuvent être associées à
récepteur D4 de la dopamine) ont été également décrits un désir sexuel hyperactif.
comme étant également susceptibles de jouer un rôle dans Par exemple, une étude réalisée dans les prisons en Ca­
le désir sexuel. Ainsi, il est suggéré que des modulations lifornie en 1994 montre que parmi 119 951 prisonniers, 4%
au sein de ce réseau cérébral important pour le désir sexuel (soit 4989 personnes) avaient commis des crimes liés à une
ainsi que des variations génétiques pourraient être liées paraphilie. Parmi ceux­ci, la majorité (95%, soit 4752 person­
à des modulations du comportement sexuel.10,11,13,14,18,19
L’intégration et la compréhension de l’ensemble de ces Tableau 2. Classification des troubles du désir
connaissances neuroscientifiques en psychiatrie, sexologie, (Adapté de réf.15).
neurologie et psychologie permettront au médecin clinicien
Intérêt sexuel Motivations Comparaison par
de comprendre les troubles du désir sexuel de manière rapport au désir
multidisciplinaire, et de développer une prise en charge «normal»
thérapeutique plus adaptée et personnalisée. Absence ou diminution Les motivations pour Manque d’intérêt sexuel
de l’intérêt sexuel ou essayer d’avoir une considéré comme plus
du désir sexuel, sensation érogène important que celui
troubles du désir sexuel absence de pensées sont peu importantes survenant habituellement
sexuelles ou de ou absentes dans le cadre d’un incident
La prévalence des troubles du désir sexuel est de 10­51% fantasmes du cours de la vie
dans de nombreux pays, et ces troubles constituent la pre­
Révision de la classification des dysfonctions sexuelles adaptée de celle
mière cause de consultations aussi à Genève selon les sta­
de Leiblum et Basson. Cette révision a été proposée à partir d’expé-
tistiques récentes de la Consultation de gynécologie psy­ riences personnelles cliniques multidisciplinaires exposées lors du comité
chosomatique et sexologie aux Hôpitaux universitaires. Il international que Leiblum coprésidait avec Basson. Cette révision a été
est donc important de prendre en charge ces troubles de initialement proposée pour améliorer les modèles actuels de la fonction
sexuelle féminine mais elle est également adaptable au modèle de la
manière spécialisée et adaptée étant donné les enjeux fonction sexuelle masculine.
pour la santé mentale.13

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Tableau 3. Exemples de troubles du comportement impliquées dans la perturbation de la fonction sexuelle.
sexuel lié à la phase du désir L’altération de la fonction du lobe temporal droit est souvent
(Adapté de réf.6). associée avec une hyposexualité, bien que certains patients
présentent toutefois une hypersexualité ou un comporte­
• Paraphilie • Erotomanie
ment sexuel déviant, comme le syndrome de Klüver­Bucy,
• Nymphomanie • Addiction sexuelle
qui est observé après lobectomie temporale bilatérale et
qui est caractérisé par une hypersexualité, une hyperphagie,
nes sur 4989) était des actes pédophiles. Par ailleurs, 3350 une boulimie, un comportement exploratoire tactile, des
individus avaient commis des agressions sexuelles. Des troubles mnésiques, un trouble de la reconnaissance des
études réalisées chez les patients ayant des épisodes ma­ objets ou des visages, une apathie et des changements de
niaques montrent également une augmentation des pensées l’humeur. Des études réalisées en neuroimagerie montrent
sexuelles pendant leurs épisodes maniaques.6 aussi que 41% des patients sadiques sexuels ont une atro­
phie de la partie droite du lobe temporal alors que seule­
Déviances du désir sexuel ment 11% des sujets agressifs sexuellement et sans troubles
Selon le DSM­IV, les paraphilies (comme par exemple, de sadisme sexuel, et 13% des sujets sans trouble sexuel
le fétichisme, l’exhibitionnisme, le sadisme, le masochisme) ont la même caractéristique cérébrale.21
sont caractérisées par «des impulsions sexuelles, des fan­ Les lésions du lobe frontal sont, quant à elles, souvent
taisies imaginatives, ou des comportements survenant de associées à une augmentation (voire hypersexualité) ou des
façon répétée et intense, qui impliquent des objets, activi­ déviations du désir sexuel (tableau 4).6
tés ou situations inhabituels et sont à l’origine d’une souf­ D’autres aires cérébrales peuvent aussi être impliquées
france subjective cliniquement significative ou d’une altéra­ dans les troubles du désir sexuel. Par exemple, les études
tion du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres neuroscientifiques sur les psychopathes et les agresseurs
domaines importants.»20 sexuels montrent clairement que les psychopathes (en com­
Les paraphilies sont rapportées plus souvent chez des paraison avec des sujets volontaires neurologiquement sains)
hommes que chez des femmes. Cependant, lorsque ces présentent des différences d’activations cérébrales, notam­
déviations sexuelles sont associées à des troubles neuro­ ment au niveau des aires cérébrales impliquées dans la ges­
logiques, elles sont observées de manière équivalente tant tion des émotions, de l’empathie et de la théorie de l’es­
chez les hommes que chez les femmes.6 Chez certains pa­ prit.22,23 Ces résultats indiquent que bien que les patients
tients ayant un retard mental, une démence ou une modi­ psychopathes manquent d’empathie, ils pourraient très bien
fication de la personnalité due à une affection médicale apprendre les codes sociaux et feindre certaines émotions
générale, l’intoxication par une substance ou un traumatisme comme s’ils les avaient apprises dans un dictionnaire émo­
crânien ou un épisode maniaque ou la schizophrénie, il est tionnel des relations sociales (figure 1).
possible d’observer une «diminution du jugement, des ap­
titudes sociales ou du contrôle des impulsions qui, dans de quelques recommandations pour
rares cas, conduit à un comportement sexuel inhabituel».20 la prise en charge neuropsychiatrique
Ceci peut se différencier d’une paraphilie par le fait que le
des dysfonctions sexuelles après
comportement sexuel alors généré n’est pas le mode pré­
féré de l’individu et que les symptômes sexuels associés un trouble neurologique
se produisent exclusivement au cours de l’évolution des Dans le contexte d’un trouble neurologique et/ou psy­
troubles mentaux et de l’atteinte cérébrale. Par exemple, chiatrique, il est important d’évaluer la problématique du
une étude réalisée en 1989 a examiné des «serial sexual désir sexuel avec le patient. Dans ce cas, il ne faudrait pas
murderers» et a trouvé que 70% d’entre eux faisaient preuve hésiter à demander une évaluation à une consultation spé­
de masturbation compulsive, 25% s’étaient exposés en pu­
blic de manière indécente, 75% faisaient preuve de voyeu­ Tableau 4. Exemples de troubles du désir sexuel
risme, 71% de fétichisme et 25% de transvestisme.6 après un trouble neurologique
(Adapté de réf. 6).

troubles neurologiques et troubles Nom du trouble neurologique Déviation du désir sexuel


du désir sexuel Maladie d’Alzheimer Exhibitionnisme, pédophilie,
Différents déficits neurologiques, comme ceux liés à un agression sexuelle
accident vasculaire, une tumeur, une épilepsie, la maladie Hydrocéphalie Exhibitionnisme
de Parkinson, la maladie de Huntington ou la sclérose en Maladie d’Huntington Exhibitionnisme
plaques, peuvent être à l’origine de troubles sexuels.10­12,18
Sclérose multiple Fétichisme, zoophilie
Les études cliniques, ayant abordé le problème des dys­
fonctions neurologiques (notamment la baisse du désir Maladie de Parkinson sous traitement Sadisme, masochisme
sexuel) montrent que 26% à 90% des patients ayant une sclé­ dopaminergique
rose multiple ont des troubles du désir sexuel ; et qu’entre Anévrisme de l’artère communicante Exhibitionnisme
26 et 79% des patients ayant un accident vasculaire présen­ antérieure
tent une baisse de la libido.7 Syndrome de Gilles de la Tourette Exhibitionnisme
Les lésions du lobe temporal droit sont particulièrement

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ropsychiatrie du désir sexuel associé à celui des tech­
niques d’imagerie cérébrale permet aux chercheurs et aux
cliniciens de mieux comprendre le lien entre les troubles
neurologiques et les troubles du désir sexuel qui sont as­
sociés. L’évaluation neuropsychiatrique systématique des
troubles du désir sexuel permettra, nous l’espérons dans
un proche avenir, de développer de nouvelles méthodes
thérapeutiques et une prise en charge plus adaptée aux
besoins du patient dans ce domaine spécifique. Des études
interdisciplinaires et multidisciplinaires sont nécessaires
pour parfaire les connaissances actuelles. Ce domaine cons­
titue un défi fascinant pour les neurosciences cognitives et
sociales ainsi que pour la psychiatrie.
Figure 1. Illustration d’une dissonance entre ressenti
réel et représentation des émotions
(Modifiée de Scientific American Mind 2010;21:24).
Remerciements
Bien que les patients psychopathes manquent d’empathie, ils peuvent très
bien apprendre à compenser leurs déficits et feindre certaines émotions Les auteurs remercient le Fonds universitaire Maurice Chalumeau,
comme s’ils les avaient apprises dans un dictionnaire émotionnel des re- le Fonds national suisse (grant # PP00_1_128599/1 ; SO) et la Mind
lations sociales. Science Foundation (grant # TSA2010­2; SO et FBD).

cialisée de sexologie pour une prise en charge globale et


optimale. Une anamnèse et un bilan détaillés seront effec­ Implications pratiques
tués tout en tenant compte du status avant le trouble. Une
> La neuropsychiatrie est une discipline à la jonction entre la
courbe d’évolution pourra ensuite être effectuée de ma­ psychiatrie, la psychologie, la neurologie et la neuropatholo-
nière régulière afin de mettre en corrélation la récupéra­ gie qui prend en charge les troubles psychiatriques liés aux
tion de la fonction sexuelle et affective avec celle des perturbations cérébrales
troubles cognitifs et des troubles neurologiques et psychia­ > La neuropsychiatrie peut également inclure des disciplines
triques. Un suivi à plus long terme spécifiquement sexolo­ spécialisées, comme la sexologie
gique pourra aussi être prévu si nécessaire.
> La neuropsychiatrie des dysfonctions sexuelles joue un rôle
important sur la santé mentale tant au niveau individuel qu’au
niveau institutionnel
conclusion
> Au niveau légal, la neuropsychiatrie permet l’évaluation de
Une atteinte neuropsychiatrique peut entraîner une dé­ patients qui ont imposé (ou tenté d’imposer) leur propre
gradation ou une anomalie de la fonction sexuelle, voire désir sexuel sur une personne non consentante
du désir sexuel. Le développement grandissant de la neu­

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