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Population

Transformation de la famille et habitat. Présentation d'un Cahier de


l'INED
Catherine Bonvalet, Pierre Merlin

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Bonvalet Catherine, Merlin Pierre. Transformation de la famille et habitat. Présentation d'un Cahier de l'INED. In: Population,
43ᵉ année, n°4-5, 1988. pp. 881-892;

http://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1988_num_43_4_17067

Document généré le 10/06/2016


TRANSFORMATION
DE LA FAMILLE
ET HABITAT

Présentation d'un Cahier de VINED *


et d'un ouvrage bibliographique **

Au début de 1985, le ministre de l'Urbanisme, du Logement et des


Transports, demandait au sénateur Laucournet, Président du Conseil
National de l'Habitat (CNH), de faire le point des évolutions des structures
familiales et de l'évolution des attitudes des ménages vis-à-vis de leur
logement. Il souhaitait que ce conseil cernât les tendances lourdes, ainsi
que leurs implications en matière d'habitat, et présentât des suggestions
quant à la nécessaire adaptation à ce contexte nouveau.
Au mois de juin, la commission du CNH présidée par M. Niol,
présentait un rapport *** qui établissait un bilan scientifique précis, suivi
de très nombreuses propositions d'actions concernant tant l'adaptation du
parc à la demande, que celle du droit au logement, l'évolution des
structures familiales ou les moyens de favoriser l'insertion des isolés.
Le rapport Niol, bien que peu diffusé, a eu une audience certaine.
Ses propositions, à une période peut-être peu favorable à la prise de
décision, sont pourtant toujours en attente. Il a semblé à plusieurs
organismes concernés qu'il était souhaitable à la fois d'ouvrir un large
débat scientifique sur le constat des évolutions des structures familiales,
de tester l'acceptibilité des mesures proposées et de contribuer à la
diffusion dans l'opinion des premières comme des secondes.
C'est ainsi qu'à l'automne 1985, l'Institut de l'Enfance et de la
Famille, la Direction Régionale de l'Équipement d'Ile-de-France, l'Institut
National d'Études Démographiques, bientôt soutenus par le Ministère de
l'Équipement, du Logement, de l'Aménagement du Territoire et des

* Transformation de la Famille et Habitat, édité par С Bonvalet et P. Merlin, Paris :


** PUF/INED,
Les Transformations
cahier Travaux
de la Famille
et Documents
et l'habitat,
n° bibliographie
120, 1988, 372commentée
p. sous la direction
de Catherine Bonvalet et Pierre Merlin, Paris : La Documentation Française. Documents
•** Affaires
L'Évolution
Sociales
des structures
1988, 208 familiales
p. et ses répercussions sur l'habitat, rapport de la
Commission présidée par M. Niol, rapporteur C. Bonvalet, Conseil National de l'habitat.
Ministère du logement. Juin 1985.

Population, 4-5, 1988, 881-892.


882 TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT

Transports et par le Ministère des Affaires Sociales ainsi que par la Caisse
Nationale d'Allocations Familiales, décidaient de constituer, à cette fin,
un groupe de travail informel composé de chercheurs et de professionnels
de l'habitat. C'est au cours de ces débats qu'est née l'idée d'un colloque
qui, préparé par de nombreuses séances de travail, s'est tenu à Paris les
20 et 21 octobre 1986.
Les communications présentées au colloque, quelque peu modifiées
de façon à prendre en compte les éléments du débat et les nouvelles
recherches en cours ont été réunis dans le cahier 120. Ont été rajoutés
quelques articles de fond sur la situation des familles en Ile-de-France, le
logement après la séparation ou le logement immigré.
Outre le cahier 120 dont nous présentons ici les conclusions, le
colloque a donné lieu à la publication à la Documentation Française d'un
ouvrage bibliographique.
L'ampleur du travail préalable à la tenue de ces deux journées et la
richesse des documents réunis devaient tout logiquement conduire les
organisateurs à souhaiter que ce matériau fut exploité pour et par delà la
rencontre d'octobre, tant il est vrai qu'apparaissait intéressante la
démarche pluridisciplinaire suivie. D'où l'idée de compiler les recherches
inventoriées en une bibliographie commentée qui puisse être par elle-même
un instrument de travail utile pour tous ceux qui se préoccupent de ces
questions.

Les transformations de la famille témoignent des mutations


profondes que la société connaît depuis une quinzaine d'années. Cette évolution
que l'on peut qualifier de spectaculaire n'est pas sans incidence sur
l'habitat et le logement.

I. - ÉVOLUTIONS DES STRUCTURES FAMILIALES

Les modifications des structures familiales peuvent se résumer de la


manière suivante :
1) Une montée du nombre des personnes seules : le nombre de
personnes seules a doublé en vingt ans dans presque tous les pays
industrialisés, voire triplé comme en Suisse ou quadruplé (Canada). En
France, le nombre de personnes seules a seulement augmenté de 69 % et
représente un ménage sur quatre au dernier recensement de 1982 (près de
30 % en Suisse).
2) Une augmentation des familles monoparentales : en vingt ans,
elles se sont accrues de 42 % (et de 50 % si on considère uniquement les
femmes seules ayant un enfant à charge). Si la proportion de celles-ci dans
l'ensemble des familles est la même qu'en 1962, la répartition par état
TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT 883

matrimonial a profondément changé, « Hier veuves, aujourd'hui


divorcées » a-t-on pu dire. On observe la même évolution dans les autres pays
industrialisés.
3) Une diminution des familles nombreuses au profit des familles de
deux enfants. Entre 1962 et 1982, les couples de quatre enfants de moins
de 25 ans diminuent de 35,3 % alors que ceux avec deux enfants
augmentent de 50%.
On a évoqué trois facteurs explicatifs :
1) Le premier est démographique. L'évolution de la fécondité et de
la mortalité sont des éléments essentiels de l'évolution du nombre de
ménages et donc de la demande de logements. La fécondité connaît depuis
vingt ans une baisse très, importante (2,9 enfants par femme en 1964, 1,82
en 1985). Cette chute de la natalité affecte surtout les naissances de rang
trois et plus et explique la diminution des familles nombreuses au profit
de celles de un et deux enfants. En ce qui concerne la mortalité, on assiste
depuis 1945 à une augmentation de l'espérance de vie à la naissance.
Celle-ci est passée de 61,6 ans pour les hommes et 67,2 pour les femmes
pour la période 1946-1949 à 71,3 et 79,4 ans respectivement en 1985. Cette
évolution de la mortalité s'est traduite par une augmentation du nombre
de personnes âgées qui explique en grande partie l'augmentation des
personnes seules et la croissance des couples composés d'inactifs (un
couple sur cinq en 1982).
2) Le second est économique. L'éclatement de la famille en plusieurs
ménages supposait la réalisation de plusieurs conditions. La résorption de
la crise du logement, qui s'est effectuée au moins quantitativement entre
1955 et 1975, a permis la décohabitation des jeunes, très forte entre 1968
et 1975, mais en baisse depuis 1980 sous l'effet de la crise. L'élévation du
niveau de vie, la montée du travail féminin ont permis aux ménages
d'accéder à des logements plus confortables, notamment en devenant
propriétaires de leurs logements (51 % des ménages sont propriétaires en
1984).
3) Le troisième facteur explicatif des changements familiaux est
sociologique. On a assisté ces dernières années à l'émergence de nouveaux
comportements à l'égard du mariage avec le développement de la
cohabitation hors mariage et la montée des divorces :
— la cohabitation a décuplé en quinze ans. Près d'un couple sur sept
dont l'homme a entre 25 et 29 ans vit en union libre. Au recensement de
1982, la cohabitation hors mariage concernait 800 000 couples;
— le nombre de divorces a doublé en dix ans : cette évolution
concerne l'ensemble des couples mariés, particulièrement ceux qui ont
moins de quinze ans de mariage. Pour les promotions de mariages de 1975,
le divorce concerne plus d'un mariage sur cinq.
884 TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT

1) Cycle de vie et logement Ces quelques chiffres nous montrent les


changements profonds qui affectent
l'institution familiale. L'approche longitudinale (H. Le Bras) avec le cycle
de vie nous permet d'appréhender comment ces changements affectent
l'individu tout au long de son existence. Même si les formes familiales
nouvelles attirent le plus l'attention des chercheurs, la grande majorité des
individus vivent encore le cycle de vie nucléaire, auquel s'est rajoutée
l'étape « du nid vide », c'est-à-dire la période où les couples demeurent
seuls après le départ des enfants.
Il convient donc de se focaliser sur les situations particulières et leurs
conséquences sur le logement.
La tendance au maintien de plus en plus tardif au sein du foyer
parental (F. Godard, T. Blôss) est le résultat de forces contraires : l'une,
qui pousserait au départ précoce, le désir d'autonomie des jeunes, est
toujours vivace; l'autre, plus forte, liée à la crise économique et aux
difficultés d'accès aux logements.
En terme de logement, la cohabitation hors mariage pourrait n'avoir
aucune conséquence. Les cohabitants n'occupent toujours qu'un logement.
Mais, d'une part, la baisse des mariages n'est pas entièrement compensée
par la cohabitation juvénile et on observe une augmentation de jeunes
célibataires vivant seuls; d'autre part, il semble que les cohabitants vivent
dans des logements différents de ceux des couples mariés du même âge,
tant en ce qui concerne la localisation, le type d'immeuble que le statut
d'occupation (P.A. Audirac, S. Chalmon-Demersay).
Par ailleurs, le nombre de divorces atteint, en 1985, 109 000, ce qui
représente en termes de flux un mouvement considérable sur le marché du
logement, puisque le divorce ou la séparation implique le déménagement
d'au moins une personne. Le logement, apparaît comme objet de
transaction à la fois psychologique (M. Buisson, J.C. Mermet), sociologique
et économique, transaction d'autant plus forte que la mobilisation du
couple autour de l'accession à la propriété a été grande; une des
dynamiques de la divortialité étant la suivante : l'homme garderait plus
facilement le logement qu'il a aménagé, en échange du départ de sa femme
et de ses enfants. A la suite des divorces, la demande de logement social
s'accroît fortement (P. Festy). Les femmes, économiquement fragiles, se
tournent tout naturellement vers le secteur aidé pour résoudre leurs
problèmes de logement, malgré le grand nombre d'obstacles qu'elles
rencontrent.
Enfin, dernière grande mutation, qui celle-là concerne la majorité des
ménages âgés de 55 à 65 ans, le passage à la retraite (F. Cribier). Les
images reçues au sujet des retraités étaient souvent fausses. Les générations
qui arrivent actuellement à la retraite sont les jeunes ménages de
l'après-guerre qui ont bénéficié des mutations de la société. Elles sont
entrées massivement dans les HLM, des années 1950-1960 et ont bénéficié
de la politique de crédit. Elles sont plus instruites, ont connu une mobilité
plus forte au cours de leur cycle de vie, et désirent continuer à gérer leurs
TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT 885

vies à travers des stratégies résidentielles diverses (migrations de retraite,


double résidence).
Deux points forts ressortent de ces analyses : l'éclatement familial en
petites unités et l'extrême mobilité qui en résulte — mobilité due à la
décohabitation, à la mise en couple, au divorce et à la retraite.

2) Solidarités familiales L'éclatement familial s'est traduit spatiale-


et habitat ment et a conduit à la ségrégation
graphique que nous connaissons (C.
Rhein) : les centres sont en train de devenir le lieu privilégié des personnes
seules (jeunes, âgées, célibataires, veuves ou divorcées) ou encore de
ménages sans enfant : les banlieues, et surtout les communes péri-urbaines,
le lieu de refuge des familles avec enfants. Mais la ségrégation
démographique, différente selon les classes sociales (moins marquée chez les
catégories plus aisées), ne peut s'analyser qu'à partir de l'histoire du parc
de logement et de la localisation résidentielle des différentes générations.
Cet éclatement familial ne signifie pas « la mort de la famille »,
comme on a pu l'annoncer au début des années soixante-dix, et il faut
désormais dépasser l'approche « ménages » pour étudier la famille. Il
semble même que cet éclatement se soit accompagné d'un renforcement
des liens familiaux (P. Cuturello). Le logement est vraiment une affaire
familiale où la transmission comme pratique sociale s'est maintenue dans
une société salariée et reste un modèle et constitue un projet pour les
parents (A. Gotman).
La mobilisation de la famille apparaît de plus en plus comme une
condition nécessaire pour accéder à la propriété. Cette mobilisation peut
être financière ou patrimoniale, mais également prendre la forme d'une
participation aux travaux de construction. L'entraide familiale ne se
manifeste pas seulement au moment de la constitution du patrimoine, mais
est présente tout au long du cycle de vie, que ce soit pour les jeunes qui
restent plus longtemps chez leurs parents en attendant de trouver une
situation stable, pour les jeunes couples dans leur recherche de logement
dans le parc locatif, même dans le parc social (M. Anselme), où le rôle
de la famille élargie est sans doute non négligeable; pour l'enfant divorcé,
qui recohabitera momentanément chez ses parents, ou la mère âgée qui se
rapprochera de ses enfants.
Cette aide familiale renforce la tendance à habiter à proximité de la
famille qui va d'ailleurs de pair avec la multiplication de petits ménages.
Aujoud'hui, on veut vivre dans un logement indépendant, mais à proximité
de sa famille. Les jeunes désirent s'émanciper plus tôt; les personnes âgées
rester le plus longtemps possible chez eux; les personnes seules divorcées
demeurer proches géographiquement de leurs enfants, condition
indispensable pour le développement des nouveaux modes de garde (garde
alternée, conjointe). Cette nécessité de proximité se retrouve également
chez les couples avec enfants, particulièrement lorsque la femme travaille :
886 TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT

elle a alors besoin de la famille, spécialement des grands-mères, pour


toutes sortes de services (selon une enquête INED, 25 % des enfants non
scolarisés, dont la mère travaille, sont gardés par une grand-mère et 9 %
seulement vont à la crèche).
En conclusion de cette première partie, on peut dire que le
déroulement de la vie familiale, n'est plus forcément linéaire, mais est devenu
une succession de séquences : vie solitaire, vie de couple, familles
monoparentales puis de nouveau vie de couple. L'augmentation des
personnes seules résulte en partie, outre le vieillissement de la population,
de la multiplication de ces périodes solitaires transitoires.
Cette mobilité matrimoniale et familiale, c'est-à-dire le passage plus
fréquent d'un état matrimonial de droit ou de fait à un autre, engendre
une mobilité résidentielle particulière (D. Courgeau). Le changement de
logement n'est plus aussi tranché qu'autrefois et nécessite souvent une
proximité géographique très grande : le jeune habite à la fois chez ses
parents et chez lui, ensuite chez sa compagne du moment, tout en gardant
son logement, jusqu'à l'installation qui devient définitive si les liens
perdurent.
La séparation peut prendre également plusieurs formes : on
commence par prendre chacun sa chambre, puis chacun son appartement. Il
existe même des personnes qui, tout en se réclamant du statut de couple,
ne cohabitent pas ensemble, surtout lorsqu'il s'agit de personnes divorcées
avec enfants auxquels elles ne veulent pas imposer un nouveau
compagnon. Cette « fluidité résidentielle » se retrouve également chez les
personnes âgées, que ce soit à travers les doubles résidences, les migrations
saisonnières ou les séjours temporaires chez les enfants.

II. - CONSÉQUENCES
POUR UNE POLITIQUE DE L'HABITAT

1) Du modèle dominant Ces évolutions, même si elles ne concernent


au contre-modèle pas l'intégralité de la population française,
ont des conséquences spectaculaires :
• La taille moyenne des ménages diminue rapidement : 3,84 en 1881 ;
3,06 en 1946; 2,70 en 1982 (et déjà 2,4 en Suède).
• Le cycle de vie est devenu complexe, formé de séquences
successives : la famille n'est plus un arbre, a-t-on dit... (P. Merlin).
• L'importance croissante des groupes particuliers qui, si on n'y
prend pas garde, risquent d'apparaître comme exclus : les personnes âgées
seules, les familles nombreuses (4 enfants et plus), les immigrés, les
familles monoparentales, les jeunes travailleurs célibataires. Au total, plus
de 40 % des ménages (et même plus de 50 % à Paris qui est ainsi à la fois
TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT 887

la ville des ménages aisés et celle des délaissés) (G. Desplanques, J.B.
Champion).
• Un modèle dominant de comportement vis-à-vis du logement,
favorisé par la politique de financement mise en place en 1977 : être
propriétaire (51 % de la population est propriétaire ou accédant) d'une
maison individuelle (54 % du parc, les deux tiers de la construction de ces
dernières années), en milieu périurbain (où les coûts fonciers sont faibles),
le plus tôt possible après la formation du couple (vers 30 ans pour les
accédants à ce type de logement avec un prêt aidé et l'aide personnalisée
au logement).
Pourtant, ce système est porteur de ses propres contradictions :
• La complexité du cycle de vie se traduit par une plus grande
mobilité; elle suppose une fluidité accrue du parc de logements. La part
croissante de l'accession à la propriété, la rigidité chaque jour plus grande
des secteurs locatifs (loi de 1948, HLM, mais aussi secteur dit libre), vont
en sens inverse, créant des situations de blocage.
• La ségrégation démographique, qui ne fait que s'accentuer,
s'oppose au besoin croissant de proximité et d'entraide entre les générations
et au sein de la parentèle.
• L'accession à la propriété se produit de plus en plus tôt,
exactement à l'étape du cycle familial (entre cinq et dix ans après la formation
du couple) où celui-ci est le plus fragile : quelles sont les perspectives pour
ces jeunes propriétaires, solvabilisés de façon précaire par un PAP et
l'APL, en cas de rupture de leur couple ou de perte du second salaire ?
En fait, à côté du modèle dominant qu'on a rappelé, qui semble porté
par les pouvoirs publics, semble percer un contre-modèle : celui de
ménages instables, de personnes isolées sinon seules, à la recherche d'un
logement locatif, qu'elles pourraient changer aisément, situé en zone
centrale, pas nécessairement très petit.

2) Quelle politique Les considérations précédentes sont insuffisantes


du logement ? pour définir les grandes lignes de la politique
nationale du logement à recommander. On peut
cependant en tirer quelques indications qui vont souvent à rencontre des
idées reçues :
• Malgré la stagnation démographique, la réduction de la taille des
ménages conduit à faire croître le nombre de ménages, donc de logements
nécessaires.
• Mais la réduction de la taille des ménages ne conduit pas
nécessairement à une demande de logements plus petits : une famille
monoparentale a les mêmes besoins qu'une famille biparentale et tous
souhaitent des logements plus vastes, à l'image de ceux des pays européens
comparables (0,5 personne par pièce à Stockolm).
888 TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT

• Une demande locative importante, malgré un système d'aide


financière très favorable à l'accession à la propriété.
• Un retour vers l'habitat en milieu urbain, au moins pour ces
catégories de population autres que les familles traditionnelles avec
enfants : familles monoparentales, couples en cohabitation, parents
séparés, etc.
La politique nationale du logement ne peut sans doute continuer à
privilégier un seul modèle, dominant certes, mais peut-être même pas
majoritaire, sans créer de graves blocages — qu'on observe déjà dans le
fonctionnement du (des) marché(s) locatif(s) — et des mécanismes
d'exclusion lourds de conséquences sur le fonctionnement de la société. Comment
peut se traduire une politique qui fasse une place au contre-modèle ?

3) En termes de financement : Ceci conduit inévitablement à poser


la neutralité la question de la réforme du
cement du logement, déjà étudiée
dans de nombreux rapports officiels. Il ne saurait être question, dans ce
cadre, de prétendre proposer une réforme de cette nature. Mais il est
souhaitable d'apporter à ceux qui auront à l'élaborer un éclairage qui n'a
jamais été pris en compte jusqu'ici, celui de l'évolution des structures
familiales. Une évolution qui met en jeu de façon profonde les valeurs de
la société. La seule attitude qu'il soit légitime sur ce plan d'adopter est celle
d'une parfaite neutralité à l'égard des choix éthiques personnels : les
mécanismes de financement ne doivent ni avantager, ni désavantager les
couples mariés par rapport aux couples de cohabitants; les jeunes vivant
seuls ou à plusieurs; les personnes séparées par rapport à celles qui sont
mariées, etc. Cette même attitude doit conduire également à veiller à ce
que les mesures adoptées ne soient pas porteuses d'effets pervers : ce ne
sont pas les mécanismes de financement du logement, pas plus que les
règles fiscales, qui doivent dicter aux couples leurs choix en matière de
constitution de leur famille. Or, on ne rappellera jamais trop que la
politique du logement, son financement et sa réglementation (du loyer en
particulier) ont toujours constitué, en particulier en France depuis 1982,
un champ privilégié de tels effets pervers.
On ne refera pas ici le constat des dysfonctionnements de la réforme
de 1977. On se contentera de quelques suggestions :
• Si l'accession à la propriété, que la réforme de 1977 a accélérée
(P. Lanco), a l'avantage de rendre les occupants responsables de leur
logement et, collectivement, de leur immeuble et de son environnement
immédiat, elle ne peut constituer une panacée. Les catégories, qu'on a
qualifiées de particulières, de population, qui ont plus volontiers recours
à la location, restent nombreuses et s'accroissent. Il faut donc créer les
conditions d'un secteur locatif important et diversifié. Ces catégories étant
souvent dépourvues de moyens financiers importants, c'est en priorité
— mais pas seulement — un parc locatif social qu'il faut développer, et
TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT 889

en priorité dans les quartiers centraux pour répondre aux besoins de


proximité ressentis par ces catégories.
• La solvabilité des ménages par des prêts avantageux et des aides
personnelles importantes peut, paradoxalement, les fragiliser : il est
dangereux que l'âge moyen d'accession à la propriété corresponde à celui
où le taux de divorcialité est le plus élevé, souvent aussi celui où la femme
cesse de travailler pour s'occuper de ses enfants.
• S'il est désormais admis qu'une aide trop systématiquement axée
sur l'aide à la personne n'a pas, contrairement aux espérances initiales, une
efficacité sociale supérieure à celle d'une aide reposant avant tout sur
l'aide à la pierre, il convient sans doute de dépasser cet antagonisme. Ne
peut-on concevoir une « aide à la pierre personnalisée » dont les
paramètres varieraient selon les caractéristiques du ménage et seraient
révisables lorsque celles-ci évolueraient. Après les prêts à annuités variables, ou
à taux variables, pourquoi ne pas envisager des prêts modulables et
révisables ?
Quelques situations particulières peuvent mériter des dispositifs
spécifiques :
• Quelles mesures pour permettre aux parents divorcés ou séparés
n'ayant pas la garde de leurs enfants, de disposer d'un logement
suffisamment vaste pour pouvoir accueillir ceux-ci ?
• La notion de jeune ménage et les aides spécifiques qui y sont
attachées ne sont-elles pas à revoir pour éviter des solvabilisations
fragiles ?
• Ne peut-on créer un abattement sur les ressources prises en compte
dans le calcul de l'APL, lorsque le parent isolé a au moins un enfant à
charge ?
Ajoutons que le même principe de neutralité (T. Garé) doit
s'appliquer aux aspects juridiques : le droit doit être neutre vis-à-vis du choix de
leur statut par les couples, mais peut-il l'être aussi par rapport au droit
au logement en cas de dissolution des couples ?

4) En termes de gestion : Les mécanismes de financement condi-


la fluidité tionnent l'accès au logement, mais les
nouvelles structures familiales impliquent
mobilité des ménages et fluidité du parc de logements.
L'accession à la propriété, on l'a dit, freine la mobilité. D'autant plus
qu'en France une tradition, qui ne changera pas rapidement, veut que le
logement vaille, plus que par sa valeur d'usage, comme élément majeur des
patrimoines qu'on se transmet de génération en génération. Pour accroître
la fluidité du parc en accession, on ne peut que reprendre, les propositions
du rapport Treppoz-Lanco, mais aussi souhaiter qu'on veille à ne pas
multiplier les propriétaires de logements qui s'avéreront vite invendables.
890 TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT

Mais les rigidités concernent aussi, et de plus en plus, le parc locatif


(A. Massot). Pour le secteur libre, on ne peut qu'ajouter ici une voix
supplémentaire au concert de ceux qui demandent les mesures — fiscales,
financières, réglementaires et urbanistiques (POS moins malthusiens) —
permettant de développer la construction locative. On soulignera plus loin
l'intérêt qu'il y aurait à développer un secteur locatif intermédiaire, surtout
au centre des grandes villes.
Mais c'est surtout vers le parc locatif social qu'on a tendance à se
tourner, pour demander une plus grande fluidité, une meilleure adaptation
aux nouvelles structures familiales. On peut suggérer plusieurs voies :
• D'abord une dépéréquation des loyers : il est normal que le coût
du foncier se reflète dans les loyers; qu'on ne trouve plus d'HLM vides
en périphérie, parce que leurs loyers apparaissent trop élevés pour le
service rendu, alors qu'au centre des ménages qui ne remplissent plus
depuis longtemps les conditions d'accès, bénéficient d'une importante
rente de situation.
• Une intervention plus active des organismes sociaux dans
l'utilisation et la réhabilitation du parc ancien, en particulier au centre ville
(pour y accroître l'offre locative à loyer faible ou intermédiaire) et en
milieu rural, ce qui suppose un meilleur (et un plein) usage des aides
publiques.
• Une nouvelle stratégie vis-à-vis des mutations : le surloyer n'est
pas toujours appliqué, et n'est pas dissuasif lorsque la rente de situation
est élevée. Les organismes ne doivent-ils pas prendre l'initiative de
proposer des changements de logements, même à des locataires paisibles
et réguliers dans leurs paiements, pour pouvoir disposer des moyens de
faire face aux situations des ménages en situation — parfois
provisoirement — difficile ?
• Les jeunes ne doivent-ils pas avoir accès au logement social au lieu
d'être cantonnés dans des foyers spécialisés ?
• Comment favoriser la proximité de parents séparés qui veulent
partager la garde de leurs enfants ou au moins rester à proximité ?
• Pourquoi les personnes âgées qui souhaitent aller résider à
proximité de leurs enfants n'auraient-elles pas droit à un logement social
là où ceux-ci résident ?
Bref, à la multiplicité de nouvelles stratégies résidentielles doit
répondre une fluidité maximale du parc de logements (car c'est plus avec
le parc existant que par la construction même qu'on pourra répondre à
cette demande). Le secteur locatif social à un rôle pilote à jouer : c'est une
nouvelle culture, après celle des HBM au début du siècle, et celle des HLM
depuis 1947, qu'il convient de développer (G. Renaudin et J.C. Toubon).
TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT 891

5) En termes d'urbanisme : Une politique du logement a d'autres


l'urbanité dimensions que financière et
naire : une dimension spatiale en
particulier. La démographie s'inscrit aussi dans l'espace. On a vu le poids de
la ségrégation démographique, comme l'importance des besoins de
proximité, qui augmentent avec la multiplication des configurations familiales
particulières. L'urbanisme qui a toujours fixé ses règles avec un temps de
retard sur les évolutions de la construction, mais aussi sur celles de la
société, peut-il apporter des éléments de réponse ? On n'a pas assez
souligné jusqu'ici la dimension démographique dans le vieillissement,
voire le dépérissement, de certains quartiers centraux, comme du
patrimoine bâti des bourgs et des villages; dans l'évolution des quartiers
collectifs de l'après-guerre, comme des lotissements de l'entre-deux-guer-
res; et dans celle qu'on peut déjà imaginer dans ceux du périurbain... (P.
Milovanovitch).
La réduction du volume de la construction — malgré la croissance
du nombre de ménages — et les besoins de proximité, conduisent à donner
une place particulièrement importante au patrimoine existant (J.P. Lacaze).
Mais ceci implique la mise en place de mécanismes actuellement absents :
• Développer un secteur locatif à loyers intermédiaires entre ceux
du parc social de droit (HLM) et de fait (loi de 1948) et le secteur à loyers
libres : il y a là un vaste champ d'intervention, ouvert, en construction mais
surtout en réhabilitation, aux investisseurs institutionnels et aux
organismes collecteurs du 1 % : il appartient aux pouvoirs publics d'en fixer les
règles du jeu et d'organiser la mobilisation des capitaux prêts à s'y investir.
• Mettre en place une politique spécifique d'accès des familles
nombreuses (à partir de trois enfants) au centre ville : de nombreuses
propositions ont été avancées (E. Henry, P. Merlin), concernant en
particulier la gestion du parc social ou institutionnel, la fusion de
logements, etc. On y ajoutera une double suggestion : pourquoi les
villes-centres, dont les recettes fiscales sont souvent importantes, ne
mettraient-elles pas en place une aide spécifique au logement pour les
familles nombreuses, comme la ville de Paris accorde une aide particulière
aux personnes âgées ? Pourquoi la région Ile-de-France qui a su, en moins
de vingt ans, faire d'une agglomération où les usagers manifestaient dans
la rue contre les conditions dans lesquelles « on les roulait dans les
transports », la région urbaine la mieux desservie du monde, ne se
fixerait-elle pas comme nouvelle priorité de réduire la ségrégation
démographique ?
• Définir enfin une politique vis-à-vis de l'habitat périurbain, dont
on a signalé les dangers, tant pour ceux qui l'habitent que pour les
collectivités locales et surtout pour l'environnement de nos villages.
On a pris conscience récemment — bien tard — des problèmes des
quartiers collectifs récents. Mais des difficultés aussi graves se préparent
dans le périurbain. Quant aux éléments de solution, ils sont à chercher
892 TRANSFORMATION DE LA FAMILLE ET HABITAT

dans une meilleure utilisation du patrimoine existant, dans une réduction


des mécanismes de ségrégation démographique, et dans un refus de
nouvelles situations d'exclusion. C'est une nouvelle culture urbaine, aussi
accueillante pour le contre-modèle que font naître les nouvelles structures
familiales que pour le modèle traditionnel qui reste dominant, qu'il s'agit
de construire.
Catherine Bonvalet et Pierre Merlin.

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