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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E.

Alex 2019-
2020

INTRODUCTION AU DROIT

Cours pour les formations professionnelles

1. Pourquoi un cours d’introduction à l’étude du droit ? L’étudiant qui, après

ses études secondaires, choisit d’entreprendre des études juridiques, n’a que, à

l’instar de tout novice, que quelques idées vagues du droit. Il approche la matière par

les professions judiciaires (Avocat, magistrat, notaire, huissier, commissaires-priseurs

etc.) ou juridiques (conseil juridique, agent d’affaires etc.). Il la découvre aussi au

travers des représentations qu’en font les artistes par le théâtre et le cinéma1, les

auteurs et même les interventions des acteurs politiques et de certains citoyens à la

télévision. Or, le droit ou ce qu’on pourrait déjà appeler les sciences juridiques

constitue un vaste champ de connaissance et de pratique avec ses personnages, ses

outils, son langage, ses codes d’accès. Il faut pouvoir donc en connaître l’esprit en

vue d’une imprégnation facilement digeste. L’objet du présent cours est de fournir

une clé d’accès à la compréhension d’une discipline si vaste, si variée et en profonde

et incessante mutation.

Au sens ordinaire, l’introduction n’est-elle pas « l’action d’introduire, de faire

entrer quelqu’un ». C’est ce qui prépare quelqu’un à la connaissance d’une chose,

d’une matière. C’est une forme d’initiation. L’initié est appelé à approfondir les pré-

requis qui lui sont transmis. Et d’autres enseignants viendront, chacun avec sa

discipline, vous conduire plus loin dans la connaissance du droit. On a évoqué les

mots « code » et « initiation ». C’est parce que le droit a son langage propre auquel il

faut dès à présent se familiariser. Une science, (si on peut déjà parler de science

juridique) se construit à partir d’un système d’expression et de communication. Ce

langage qui recense les techniques et la pensée juridique paraît difficile, et, à certains

égards, ésotérique. Le niveau de langue est souvent relevé avec l’emploi fréquent de

mots peu usités (déclinatoire, usucapion, grever de servitude, hypothèque etc.), de

verbes défectifs, c'est-à-dire les verbes dont certaines formes de conjugaison (modes,

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temps, personnes) ne sont plus usitées : exemple : seoir (il sied de considérer

l’introduction à l’étude du droit comme un cours fondamental) ; surseoir (obtenir un

sursis à statuer ; un sursis à l’exécution d’une peine etc.). Les locutions latines sont

courantes. Exemples : ab initio (dès le début) ; ab intestat (sans testament : succession

ab intestat) ; abusus (le pouvoir de disposition), usus (le pouvoir d’user une chose) ;

fructus (le pouvoir de jouir des fruits d’une chose), etc. Vous vous familiariserez

également aux aphorismes ou adages du droit. L’adage est une maxime ancienne et

populaire élevée en principes de droit. Exemple : en amour, trompe qui peut (cela

veut dire qu’alors que la tromperie est sanctionnée par la loi, dans les relations

sentimentales, elle est parfois admise quand elle fait partie de la séduction).

L’aphorisme est une brève définition, c'est-à-dire une formule concise résumant une

théorie et renfermant un précepte. Ex : En fait de meubles, la possession vaut titre

(celui qui détient un bien meuble est présumé avoir le titre de propriété) ; Error

communis facit jus (l’erreur commune devient la règle).

2. Quel droit introduire ? Lorsqu’on observe la planète terre, c’est la diversité

du droit qui est frappante : le droit américain, le droit français, le droit chinois, le

droit béninois, le droit sénégalais, le droit espagnol, suisse ou rwandais etc. Quand

on emprunte une approche historique, on évoque le droit romain, le droit

babylonien, l’ancien droit français, le droit coutumier ou traditionnel africain. A la

diversité ethnique, géographique et historique, correspond une variété juridique.

C’est bien en raison de ce que, Ubi societas, ibi jus : pas de société sans droit. Mais

cette diversité juridique ne contrarie-t-elle pas les droits humains, universels parce

que attachés à l’être humain en tant que tel et indépendamment de son espace de vie,

de sa race ou de son ethnie ? Comment construire alors une mondialisation de

l’économie sans une universalisation du droit ? A la vérité, on assiste à la disparition

des barrières de toutes sortes en vue de la formation d’un ordre juridique quasi

universel, fondé sur les principes progressivement établis au profit de tous les

peuples (la non discrimination, la propriété, la liberté, la protection de la vie etc.).

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Le présent cours prendra en considération cette évolution. Il se construira

cependant à partir des systèmes juridiques qui ont produit le droit béninois. C’est

donc le droit béninois qu’il faut introduire, dans ses composantes, avec son héritage,

en prenant en compte la contribution historique du droit traditionnel et du droit

français dans sa formation. On remarquera assez tôt que ce droit est essentiellement

ouvert à toutes sortes d’influence. C’est parce ce que les barrières juridiques tombent

progressivement, avec les barrières politiques. Le droit communautaire (OHADA,

UEMOA CIMA etc.) sont les instruments que les citoyens utilisent au quotidien et

qui font l’objet d’enseignement et de recherches approfondies dans nos facultés. Mais

le monde s’universalise et le droit aussi. OMC, le statut de Rome instituant la Cour

pénale internationale, les instruments universels et régionaux de protection des

droits humains constituent les principaux outils d’étude du droit.

Indépendamment des orientations futures auxquelles l’étudiant en année de

Licence sera confronté (droit privé, droit public, sciences politiques, histoire du

droit), la présente introduction intéresse le droit dans son étendue. Elle posera les

principes, c'est-à-dire offrira les clés au moyen desquels la connaissance des

différentes disciplines juridiques pourra être facilitée.

3. Comment introduire le droit ? Introduire, c’est d’abord présenter les

phénomènes du droit (première partie) avant d’en saisir les composantes à travers le

Droit objectif (Deuxième partie) et les droits subjectifs (Troisième partie).

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Plan du cours

Introduction

Première partie : Les phénomènes du droit

Chapitre 1 : La règle de droit

Chapitre 2 : Les branches du droit

Chapitre 3 : Les fondements du droit

Chapitre 4 : Les particularismes du droit béninois

Chapitre 5 : La méthode juridique

Chapitre 6 : Les institutions et l’organisation judiciaires

Deuxième partie : Le Droit objectif

Chapitre 1 : Les sources du Droit objectif

Les sources formelles

Les sources réelles

Chapitre 2 : Les autorités en droit civil

La jurisprudence

La doctrine

La méthode de la jurisprudence et de la doctrine

Troisième partie : Les droits subjectifs

Chapitre 1 : La création des droits subjectifs

Les espèces de droits subjectifs (droits réels ; droits personnels ; le patrimoine)

Les différentes sources de droits subjectifs (le fait juridique, l’acte juridique, la

responsabilité)

Chapitre 2 : La réalisation des droits subjectifs

La réalisation extrajudiciaire des droits subjectifs

La réalisation judiciaire des droits subjectifs

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Bibliographie sommaire

I – Codes et lois

1. Code civil français, édition Dalloz ou Litec, la plus récente.

2. Code civil français rendu applicable aux colonies de l’Afrique Occidentale

Française.

3. Loi n°2002-07 du 24 Août 2004 portant Code des personnes et de la famille de la

République du Bénin.

II – Lexiques et Dictionnaires

1. ALLAND (Denis) et RIALS (Stéphane) (dir.), Dictionnaire de la culture juridique,

Lamy/PUF, 2003.

2. BALEYTE (J.), KURGANSKY ( A.), LAROCHE (Ch.), SPINDLER (J.), Dictionnaire

économique et juridique Français/Anglais, L.G.D.J., 5ème éd., Paris, 2000.

3. CABRILLAC (Rémy), (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, 2ème éd., LITEC,

Paris, 2004.

4. CADIET (Loïc), (dir.), Dictionnaire de la Justice, PUF, Paris, 2004

5. CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, PUF,

Paris, 2007, 986 pages.

6. SAINT DAHL (Henry), Dictionnaire juridique Dahl, Français/Anglais ; Dalloz, 2ème

éd,

Paris.

7. GATSI (Jean), NDJOCK (Jean Aimé), FOMCHIGBOU MBANCHOUT (Jean Jules),

Nouveau Dictionnaire juridique ; UNIDA, Presses Universitaires Libres, Limbé, 2008

8. GUILLIEN (Raymond), VINCENT (Jean) (dir.), Lexique des termes juridiques,

DALLOZ, 10ème éd., Paris, 2009.

9. ROLAND (Henri), BOYER (Laurent), Adages du droit français, LITEC, 4ème éd.,

Paris, 1999.

10. ROLAND (Henri), BOYER (Laurent), Locutions latines du droit français, LITEC,

4ème éd., Paris, 1998.

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III – OUVRAGES

1. ATIAS (Christian), Philosophie du droit, PUF, Paris, 2004.

2. ATIAS (Christian), Epistémologie juridique, 1ère éd., DALLOZ, Paris, 2002.

3. CARBONNIER (Jean), Droit civil : Introduction, les personnes, la famille, l’enfant,

le couple, PUF, Paris, 2004.

4. CORNU (Gérard), Droit civil : introduction au droit, 13ème éd.,

MONTCHRESTIEN, PARIS, 2008.

5. CORNU (Gérard), Droit civil : Introduction, les personnes, les biens, 10ème éd.,

MONTCHRESTIEN, PARIS, 2001.

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Première partie : Les phénomènes du droit

Nous entendons par phénomènes les manifestations du droit. Ce par quoi

cette discipline émerge à la conscience. Ces manifestations sont de divers ordres. On

pourrait retenir : La règle de droit ; les branches du droit ; les fondements du droit ;

les particularismes du droit béninois ; la méthode juridique ; les institutions et

l’organisation judiciaires. Chacun de ces phénomènes fera l’objet d’un chapitre.

Chapitre premier : La règle de droit

Qui qu’il soit, l’homme est un être de besoins à satisfaire, de prétentions à

exprimer, d’intérêts à protéger. En première année, les étudiants sont, par exemple,

plus de 2 000. A l’heure du cours de l’introduction à l’étude du droit, chacun serait

certainement intéressé à être devant pour mieux écouter le Professeur. Or, 2000

étudiants ne pourront pas rester aux premières loges. Comment faire accepter aux

uns de rester au fond de la salle, aux autres dans les escaliers, à certains autres à

l’entrée, tout en admettant que d’autres encore puissent se mettre au premier rang

tout en maintenant l’ordre social ? Dans l’autobus qui conduit les étudiants au cours,

les places assises ne suffiront pas à tous, certains vont nécessairement rester debout.

A quel titre d’autres vont s’asseoir ? Et au nom de quoi, le jeune homme qui est le

premier à s’introduire dans le véhicule, et a pu se trouver un siège, devrait se lever et

laisser sa place à la femme enceinte ou au vieil homme resté debout ? Quand nous

ouvrons le code des personnes et de la famille nous lisons à l’article 153 : « Les époux

s’obligent à une communauté de vie. Ils se doivent respect, secours et assistance ». A

la mosquée, l’Imam, et à la paroisse, le Curé ou le Pasteur nous prodiguent le même

enseignement. On dit aussi, à l’article 122 du même texte, que le mariage ne peut

avoir lieu, ni avec l’un de ses ascendants, ni avec l’un de ses descendants. C’est ce

qu’on appelle un inceste : c'est-à-dire la relation charnelle entre proches parents ou

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alliés dont le mariage est prohibé par la loi. On dit encore qu’à tout âge, l’enfant doit

honneur et respect à ses père et mère (article 405 du Code des personnes et de la

famille). Or, le décalogue enseigne aussi : « tu honoreras ton père et ta mère ». Le

Code pénal dispose aussi que, en son article 295, que « l’homicide commis

volontairement est qualifié meurtre ». Cela rappelle un autre commandement,

contenu dans le décalogue : « tu ne tueras point ». On peut retenir que dans

l’amphithéâtre (ou amphi) de la première année de droit et de sciences politiques, les

étudiants ont du se conformer à des règles pour se mettre en place et suivre le cours.

On peut aussi affirmer que dans le bus, des règles ont été appliquées afin que

certains restent debout et d’autres assis, et qu’en dépit de son retard, la femme

enceinte et le vieil homme ont pu trouver une place assise. Dans une société

humaine, il faut des règles, des normes. Au sein de notre famille, à l’atelier, à l’usine,

au théâtre ou au cinéma, dans une entreprise, à l’école ou à l’université, tout est

organisé au moyen de règles. Pour être possible, la vie en société appelle des

prescriptions, des commandements, un ordre, une organisation. On peut même dire :

organiser, c’est ordonner, c'est-à-dire, mettre en ordre ; donner des ordres, sous

forme de normes et de principes. Dans les exemples cités, on peut reconnaître des

règles morales, des préceptes religieux, des règles de bienséance, c’est-à-dire les

usages mondains, les règles de civilité. Elles sont toutes, avec les règles de droit, des

règles de conduite sociale. Elles gouvernent la vie sociale. On peut aussi citer les

traditions, les rites et les pratiques d’ordre sectaire ou clanique. Les règles de

conduites ont pour fonction d’assurer la régulation sociale. Mais parmi ces règles, il

faut encore désigner celles qui sont des règles de droit. A quoi pourrait-on

reconnaître une règle de droit et la distinguer des autres règles de conduite ?

Autrement dit, dans l’autobus des étudiants, dans l’enceinte de l’amphithéâtre, dans

les exemples tirés de la bible, du Code des personnes et de la famille, du Code civil

français, du Code pénal, quelles sont les règles de droit ?

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Pour le savoir, il faut rechercher les caractères de la règle de droit. A cet égard,

il faut distinguer les caractères génériques (en ce qu’ils sont communs à toutes les

règles de conduites (Section première) des caractères spécifiques (Section II)

Section première : Les caractères génériques

Un important auteur, le Doyen Gérard CORNU, relève avec justesse,

qu’étymologiquement, « règle de droit » procède à la fois d’une métaphore et d’un

pléonasme. Le mot « règle » vient du latin (« regula »). Il désigne un objet rigide et

rectiligne qui empêche de dévier. Le mot droit vient « direct », c'est-à-dire du latin «

directum, ou dirigere » et signifie à la fois « en ligne droite » (en suivant les règle) et,

au figuré, « conforme à la règle ». Mais il n’en demeure pas moins que la règle de

droit développe des caractères relevant des « gènes » qu’elle a en partage avec les

autres règles de conduites. Il s’agit du caractère obligatoire et du caractère général.

Paragraphe premier : Le caractère obligatoire

Une règle se définit par son caractère obligatoire : elle prescrit un commandement,

appelle à être obéit. Elle contient un ordre, soit en ce qu’elle implique une action :

porter secours et assistance à son conjoint, fournir des aliments à un ascendant dans

le besoin ; soit en ce qu’elle interdise d’en accomplir et, prescrit plutôt une

abstention. Exemples : interdiction de voler, de tuer etc.

Mais la règle de droit se distingue aussi par son caractère général.

Paragraphe II : Le caractère général

Si on considère l’espace dans lequel il est édicté, la règle de droit n’a pas

vocation à s’appliquer à un seul individu. Elle envisage de régir tout le groupe

pressenti. Exemples : La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 s’applique à

l’espace territorial béninois. Elle est la loi fondamentale qui détermine la forme de

l’Etat, institue des droits au profit des citoyens, fixe leurs obligations, crée des

organes principaux qui exercent le pouvoir d’Etat et pourvoit à leur fonctionnement.

La loi béninoise sur le code des personnes et de la famille a pour objet de régir le

statut de la personne et de la famille en vertu de leur identification juridique au

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Bénin. Le Code du travail du Bénin organise les rapports juridiques entre les

employeurs16 et les travailleurs (encore appelés employés). La loi sur le Barreau du

Bénin règle l’exercice de la profession d’Avocat dans ce pays et s’impose à tous ceux

qui exercent cette profession. En considérant que la règle de droit a un caractère

général, on peut donc retenir qu’elle n’est pas universelle. Son caractère général est

alors relatif : aucune règle ne s’applique, en tant que telle, à l’ensemble de l’humanité

même s’il est vrai que les êtres humains ont en partage certains droits et principes

qui sont considérés comme des droits fondamentaux. Exemples : le droit à la vie, le

droit à la protection de sa vie privée etc. Le caractère général de la règle de droit

implique néanmoins que lorsqu’une loi s’adresse à une personne, elle n’est pas en

réalité une règle : elle est plutôt une norme personnelle. C’est le cas de la loi portant

immunité personnelle qui a été adoptée en 1990 au profit de l’ancien président

Mathieu KEREKOU. Il s’agit plutôt d’une norme personnelle. Les romains parlent de

disposition ad personam. La règle de droit est un précepte commun, une norme

impersonnelle. La règle est générale lorsqu’elle a vocation à régir un ensemble de

sujets.

De la même manière, le caractère général voudrait qu’une règle de droit soit

une solution pour un type de situations et non la décision sur un cas ou une espèce

précise : la règle de droit n’est pas un jugement. Mais ici, il convient de préciser :

certaines règles constituent des principes. Exemples : Un principe : la liberté d’aller et

venir (articles 15, 16 et 18 de la Constitution). L’exception : la garde à vue et la

détention préventive. Un autre principe : l’inviolabilité du corps humain.

L’exception, l’intervention chirurgicale à fin thérapeutique. Cependant, l’exception

est aussi une règle puisqu’elle entend régir une série de situations et non à apporter

la solution à un cas précis. Enfin, à l’exception des préceptes religieux, aucune règle

de droit n’est destinée à régir la vie pour l’éternité : la règle de droit étant un outil de

régulation de la vie sociale, elle évolue avec le temps et l’espace, autant que les êtres

humains évoluent avec les conditions économiques, écologiques, sociales, politiques

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etc. Même si elle ambitionne de maîtriser l’avenir en constituant un acte de prévision,

elle emprunte à l’être humain sa nature mortelle. Néanmoins, il faut distinguer les

règles permanentes, établies sans limitation de temps, des règles de circonstances,

prévues pour des événements déterminés. Exemple : les règles édictées pour régir les

rapports des différentes institutions nées de la Conférence des forces vives de la

nation pendant la période politique appelée la Transition.

La règle de droit ne se distingue pas seulement par ses traits génériques. Elle se

mesure aussi par ses caractères spécifiques.

Section II : Les caractères spécifiques

La règle de droit est aussi caractérisé pas un élément extérieur, sensible et par sa

finalité.

Paragraphe premier : L’élément extérieur : la contrainte étatique

La contrainte étatique est la marque la plus caractéristique de la règle de droit.

La règle de droit est alors une règle de conduite ou une norme dont le respect est

assuré, quand il le faut, au moyen de l’intervention de l’autorité publique. Pendant

longtemps, dans les sociétés primitives dont l’organisation sociale était élémentaire,

c’est le sujet du droit qui se fait lui-même justice. Il assure ainsi la sanction de la

norme transgressée : c’est la justice privée. Son expression la plus courante est la

vengeance. Mais dans une société organisée, les sujets renoncent au pouvoir qu’ils

tiennent de la force de se rendre justice à eux-mêmes. C’est au corps social (Etat,

communautés diverses etc.) qu’ils confient ce pouvoir, notamment à travers le

contrat social (la Constitution, la loi fondamentale). En tant que corps social, l’Etat

détient ainsi le monopole de la violence qu’il exerce en organisant la justice, en

sanctionnant les transgressions et violations de la loi, en prêtant cette force au respect

de la règle de droit.

Au sein de la société, on imagine difficilement une justice sans recours à la

force publique. Le recours à la justice comprends, d’une part, l’exercice par le citoyen

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du pouvoir de faire reconnaître son droit par une action en justice et, d’autre part, le

droit d’obtenir l’exécution forcée, s’il y a lieu, de ce qui aura été jugé, en empruntant

les voies légales d’exécution.

La règle de droit n’est donc distincte des autres règles de conduites que par

l’immanence de la sanction étatique. Dans une règle de droit, pèse toujours une

sanction en cas de non respect. Dans les cas que nous avons exposés, l’enfant qui

n’honore pas ses parents, qui les insulte par exemple, pourrait être exhéréder, c'est-à-

dire privé de droit successoraux.20 La personne qui tue sera poursuivie pour meurtre

et condamnée à une peine de privation de la liberté individuelle (5, 10, 15, 20 ans de

travaux forcés, la prison à vie), ou, en droit béninois, à la peine de mort. Le défaut de

cohabitation par les époux pourra être sanctionné par le divorce et le mariage entre

parents sera annulé. Les normes qui établissent ces règles de conduites sont des

règles de droit.

En revanche, si dans le bus le jeune garçon ne s’était pas levé pour permettre à

la femme enceinte ou à l’homme plus âgé de s’asseoir, il n’y aura que la réprobation

de sa communauté, de sa société, de ses camarades : son comportement tend au

respect d’une règle de bienséance et non d’une règle de droit. La raison est que, s’il

ne se levait pas, il n’y aura pas de contrainte étatique. De même, l’enfant n’a pas prié

avant de se coucher le soir, ou qui n’a pas fait sa toilette n’enfreint pas une règle de

droit. Il s’agirait plutôt d’une règle religieuse ou d’un précepte pour la protection de

son corps. Il n’y aura pas de sanction étatique pour le contraindre.

Cela dit, les sanctions qui assurent l’effectivité de la règle de droit sont

caractérisées par leur diversité. Il y a des sanctions de nature préventive : un juge

ordonne l’apposition des scellés pour éviter la disparition des pièces ou des preuves

à l’occasion d’un décès ; il ordonne le huis clos pour éviter les troubles à l’audience,

ou pour protéger la moralité et la dignité de la personne qui comparaît (mineur dans

une procédure de viol ; époux dans une instance de divorce pour faute etc.).

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D’autres sont de nature répressive. Il s’agit des sanctions pénales : amende,

emprisonnement, peine de mort etc. D’autres encore ont une nature réparatrice : ce

sont les sanctions civiles. Exemples : restitution, annulation d’un contrat contraire à

l’ordre public ou aux bonnes mœurs, remise d’un objet ou bien dégradé dans son état

(il s’agit, dans ces cas, d’une réparation en nature) ; allocation de dommages et intérêt

(on dit, dans ce dernier cas, qu’il y a une réparation par équivalent). La sanction peut

également avoir une nature disciplinaire (révocation d’un magistrat, radiation d’un

avocat etc.). Elle s’adresse alors à un professionnel qui a violé les règles d’exercice de

sa profession (on parle de règles déontologiques). La sanction peut également être

fiscale ou administrative. Il faut néanmoins souligner que la sanction ou contrainte

étatique dont la règle de droit est porteuse n’est appliquée que de manière

exceptionnelle, en cas de violation de la norme protégée et de mise en œuvre de la

procédure judiciaire de sanction. Ces cas sont peu nombreux, au regard de

l’importance de la réalité conflictuelle dans une société. D’autres mécanismes sont

souvent préférés par les citoyens (règlement par le chef de famille, transaction,

intervention d’un responsable de culte etc.). Il est même souhaitable que la contrainte

étatique reste à l’état de menace (on dit que la contrainte étatique a une vertu

comminatoire). La vie humaine serait difficile à vivre si le droit devrait s’appliquer à

toutes les situations. Outre la contrainte étatique, la règle de droit se caractérise aussi

par sa finalité.

Paragraphe II – La finalité de la règle de droit

La vocation de la règle de droit est de faire Reigner la paix sociale. Or, celle-ci

passe par la régulation des rapports extérieurs que les êtres humains entretiennent.

La finalité de la règle de droit est de régler ces relations extérieures des êtres

humains. C’est ce qui distingue la règle de droit des autres règles de conduite,

notamment la religion, la morale et les règles de bienséance. Il sera alors possible de

distinguer entre les sociétés juridiques et les sociétés non juridiques.

A – La règle de droit et les commandements religieux

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Lorsqu’une religion adresse des commandements (des préceptes ou règles) à ses

fidèles, c’est pour enseigner la morale évangélique et, notamment, l’éthique de la

charité : aimer son prochain, éteindre dans son cœur la convoitise, la jalousie. Mais

certaines règles religieuses coïncident avec les règles de droit : tu ne tueras point. On

peut constater que la règle de droit partage la même finalité que les commandements

religieux : ils poursuivent la paix sociale. S’il est interdit de tuer son prochain, c’est

pour protéger chaque individu, ainsi que le corps social. Ces préceptes tendent à

prévenir les troubles.

Qu’est-ce qui distingue alors les commandements religieux de la règle de droit ?

La distinction s’opère quant aux domaines d’application des deux corps de règles.

Les commandements religieux établissent un lien, un rapport entre l’être humain et

Dieu. Alors que la règle de droit sanctionne les rapports entre l’être humain et ses

semblables. La distinction s’affirme aussi quant à la sanction attendue de leur

violation : dans le commandement religieux, la sanction n’appartient pas à l’Etat. Elle

ébranle plutôt l’espérance d’une attente spirituelle. Exemple : la vie éternelle.

Ces distinctions devront néanmoins être nuancées : dans certaines sociétés, les

préceptes religieux sont élevés au rang de règles juridiques de sorte que leur

effectivité est assurée au moyen de la contrainte étatique. Il s’agit des Etats

théocratiques ou religieux. On en compte quelques-uns dans le monde : le Soudan,

Israël, l’Iran, l’Afghanistan, etc. Ces Etats sont à distinguer des Etats laïcs comme le

Bénin, le Sénégal, La France, au sein desquels la contrainte étatique n’assure pas

l’application des règles religieuses.

B – La règle de droit et les règles de morale

La règle de droit et les règles de morale visent aussi, avec les commandements

religieux, la paix sociale. Mais à partir de cet objectif général, les distinctions se

déclinent aussitôt.

En premier lieu, la distinction est relative aux buts spécifiques : le but du droit est le

maintien de l’ordre social. Le but de la morale est le perfectionnement intérieur de

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l’être humain. La liste des devoirs de la morale est plus étendue et les préceptes plus

rigoureux que celle du droit. La règle morale interdit, par exemple, la tromperie sous

toutes ses formes. Mais en droit, notamment en ce qui concerne les fiançailles et le

mariage, un principe, sous forme d’adage ou de maxime juridique : « trompe qui

peut ». C’est pourquoi on considère que le dol (la tromperie) n’est pas une cause de

nullité du mariage. La justice poursuivie par le droit est relative, elle n’a pour objet

que de maintenir l’ordre social. Or, la justice recherchée par la morale est absolue.

Alors que la justice poursuivie par le droit est portée par l’impératif hypothétique

(fais ce qui est nécessaire si cela contribue au maintien de l’ordre social), celle

envisagée par la règle morale est dominée par l’impératif catégorique (fais ce que

dois, advienne que pourra : peu importe les conséquences, agis conformément à la

morale). En deuxième lieu, elle (la distinction) porte sur l’appréciation du mérite des

actions. Le droit s’en tient, en principe, aux attitudes extérieures. Ce sont elles qui

sont sanctionnées. Ainsi, dans l’adultère par exemple, ce n’est pas le désir, ni la

volonté d’entretenir une relation charnelle avec une personne mariée qui sont

réprimés par la loi. Ces attitudes ne sont pas extérieures. Ce sont plutôt les rapports

physiques, les comportements extérieurs qui laissent supposer ces rapports qui sont

sanctionnés par le droit aussi bien en matière civile (annulation du mariage pour

faute) ou pénale. Or, la morale entend pénétrer les cœurs et, dans le cas que nous

venons d’exposer, la simple convoitise, le désir et la volonté de solliciter les faveurs

charnelles de la personne mariée sont soumis à la sanction morale.

En troisième lieu, la différence est notable, en ce qui concerne la sanction. La sanction

de la règle de droit est étatique alors que celle de la règle de morale est

essentiellement extérieure : ici, c’est la voix de la conscience qui parle au sujet. La

différence tient aussi à la nature des deux corps de règles.

Le philosophe Emmanuel KANT a mis en évidence cette distinction : il considère

que le droit est hétéronome, qu’on ne peut être, à la fois, juge et partie ; alors que la

morale est autonome, c'est-à dire qu’en morale, chacun est son premier juge. Il faut

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néanmoins souligner que lorsque la violation de la règle de morale n’est pas restée

secrète, c'est-à-dire ignorée des autres membres du groupe, elle fait l’objet de

réprobation de la collectivité. Elle devient alors hétéronome. A l’inverse, le droit

laisse un sentiment d’autonomie aux contractants sur lesquels il exerce une

contrainte : ceux-ci sont obligés parce qu’ils l’ont voulu.

Soulignons que la séparation du droit et de la morale avait été fortement critiquée

par un célèbre auteur : Georges RIPERT (1880-1958). Il a considéré que la morale a

fortement pénétré le droit. Par exemple, le dol (c'est-à-dire la tromperie) peut être

une cause de nullité de certain contrat. La bonne foi des parties est exigée dans

l’exécution d’un contrat (art. 1134 al. 3 du Code civil).

C – La règle de droit et les règles de bienséance

Il y a de nombreuses règles extra juridiques qui ont également pour vocation

d’assurer l’ordre social mais qui ne sont pas des règles de droit. Ces règles de

bienséance sont des règles de civilité ou de courtoisie. Elles correspondent aux codes

d’honneur : s’incliner devant une femme mariée en lui tenant la main ; se lever

lorsqu’une autorité entre ; ne pas offenser dans son discours la morale en employant

des mots et expressions desquels sont exclue la trivialité, la familiarité etc.

La distinction entre les règles de bienséance et la règle de droit ne tient pas en ce que

les premières seraient dépourvues de sanctions : la sanction existe bien dans les

règles de bienséance. Tantôt, c’est la réprobation du corps social, l’exclusion du

groupe auquel on appartient ; les représailles, la raclée paternelle etc.

La distinction réside en ce que les règles de bienséance sont dépourvues d’action en

justice. Les règles de bienséance n’ont pas atteint le degré de juridicité nécessaire

pour assurer leur protection par le droit.

D – Sociétés juridiques et sociétés non juridiques

La règle de droit, rempli des caractères qui précèdent, ne règle pas la vie

sociale suivant la même importance dans tous les Etats. Si l’on considère que la

contrainte étatique est le trait de caractère le plus important de la règle de droit, ce

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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sont les sociétés dans lesquelles la formation de l’Etat atteint son degré d’achèvement

qui consacrent la règle de droit dans sa plénitude. La contrainte suppose d’abord la

formation de l’Etat. Or, il y a des sociétés sans Etats. C’est le cas de certaines nations :

les kurdes par exemples. Il y a des sociétés dans lesquels l’Etat dégénère : c’est le cas

de la Somalie. La contrainte suppose en outre la présence de l’Etat, même si celui-ci

est formé. Or, on se rend compte que dans de nombreuses sociétés africaines, l’Etat

n’est pas partout présent. La règle de droit non plus. Dans tous ces cas, ce sont

d’autres normes, comme les règles de morale ou les préceptes religieux qui assure,

dans une proportion importante, la régulation sociale. On en vient alors à distinguer

les sociétés juridiques des sociétés non juridiques. Au sein de la première catégorie,

la règle de droit à une prééminence dans la régulation sociale : ce sont les sociétés

occidentales. Au sein de la seconde catégorie, ce sont les règles de morale ou les

préceptes religieux qui ont la faveur de la régulation sociale : c’est le cas des sociétés

africaines et orientales.

Mais la distinction n’est pas radicale. Il y a un mouvement important qui s’observe

même en occident. C’est la tendance en faveur de la banalisation du droit. On

recherche en effet les faveurs des autres normes. L’une des manifestations est le

développement des modes alternatifs de règlement des conflits (MARC). Il s’agit de

la médiation, de la conciliation et, pour certains, de l’arbitrage. Or, la médiation et la

conciliation visent à écarter le droit dans le règlement du conflit.

L’équité, concept à valeur morale, reprend du terrain. L’autre manifestation de ce

courant porté par les sociologues est la dejuridicisation (le fait de ne plus attacher

de valeur juridique à certaines normes afin d’éviter des sanctions de même nature)

et la déjudiciarisation (le fait de ne pas rechercher la sanction judiciaire en cas de

transgression d’une norme). Développés dans les Etats d’Amérique du Nord (Etats-

Unis, Canada), cette tendance à gagner l’Europe, notamment la France et on a pu

remarquer qu’en matière pénale, les tribunaux peuvent ne pas connaître de certaines

infractions lorsque la personne poursuivie reconnaît l’acte commis. Elle négociera la

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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peine avec les représentant de l’ordre public : c’est la procédure du plaider coupable,

encore appelée la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. C’est une

forme de déjudiciarisation.

En revanche, les sociétés africaines et orientales s’éveillent à la modernité par le biais

des activités commerciales.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Chapitre II : Les branches du droit

On reconnaît le droit à travers ses branches. C’est que le droit est un gros arbre

constitué de plusieurs branches. On pourrait également le comparer à une pièce qui,

si elle n’est pas en lambeaux (coupée en plusieurs, de manière non harmonieuse et

incohérente) est néanmoins en rameaux (subdivisée en plusieurs, de manière

cohérente et harmonieuse. Chaque pièce fait partie d’un système, au sein duquel elle

joue un rôle important, et en dehors duquel elle perdrait toute identité, toute

spécificité et toute effectivité : il s’agit du système juridique). Le droit répond ainsi à

une division classique, c'est-à-dire traditionnelle (Section première). Mais il y a lieu

de souligner aussi les divisions nouvelles (Section II).

Section première : Les distinctions traditionnelles

On oppose d’abord le droit privé au droit public (Paragraphe premier). On

oppose ensuite les droits substantiels aux droits non substantiels (Paragraphe II).

Paragraphe premier : Distinction entre droit public et droit privé

Dans le système juridique d’inspiration et de tradition française, c’est la

division majeure. Le système juridique anglo-saxon, fondé sur la Common Law

échappe quelque peu à cette division. Mais elle traverse tout le droit béninois, avec,

néanmoins, quelques atténuations sur lesquelles il convient de revenir.

Le droit public a pour objet la forme de l’Etat, l’organisation et le

fonctionnement des pouvoirs publics en son sein. Par exemple : l’Etat du Bénin

devrait-il être une monarchie1, c’est à dire une Principauté2, ou une royauté3 ? Ou

1 La monarchie est le régime politique caractérisé par le commandement d’un seul homme. La
transmission du pouvoir est généralement héréditaire, notamment au sein d’une même famille.

2Une Principauté est une entité politique de faible superficie avec un gouvernement souvent de type
monarchique. Exemples : Liechtenstein, Monaco, les Emirats arabes unis.

3C’est le régime politique dont le chef est un roi. Il prend, souvent, la forme d’une monarchie
héréditaire, à l’image du Royaume du Maroc ou du Royaume du Swaziland en Afrique australe.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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bien l’Etat devrait-il prendre la forme d’une République4 ? La Constitution béninoise

du 11 décembre 1990 décide que l’Etat béninois est une République. Elle règle ainsi la

question de la forme de l’Etat. Mais l’Etat doit exercer des pouvoirs pour assurer la

protection, la sécurité et l’épanouissement de ses sujets, aussi bien à l’intérieur qu’à

l’extérieur (l’éducation, l’emploi, la santé, l’économie etc.). Ce sont les pouvoirs

d’Etat au sujet desquels un penseur célèbre, MONTESQUIEU, affirme qu’il ne faut

pas les confier à une seule personne, à un seul organe. Il faut les séparer : c’est la

théorie de la séparation des pouvoirs : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le

pouvoir judiciaire. Mais à quels organes confier ces pouvoirs et comment vont-ils

fonctionner ? C’est encore le droit public, notamment le droit constitutionnel qui en

donne la réponse. Par exemple : la Constitution béninoise a décidé de confier le

pouvoir exécutif au Président de la République qui l’exerce à travers son

gouvernement. Elle confie le pouvoir législatif à l’Assemblée nationale composée de

députés. Elle confie enfin le Pouvoir judiciaire, au plus haut sommet, à la Cour

suprême et à la Haute Cour de justice.

Le droit public organise aussi les rapports juridiques entre l’Etat et les

citoyens. Ces rapports sont réglés, en grande partie, par le droit administratif.

Par contre, le droit privé régit les rapports des particuliers entre eux. C’est le droit

des relations privées, de particuliers à particuliers. Il faut bien comprendre que le

particulier peut être une personne physique comme il peut être une personne morale

de droit privé, c'est-à-dire un groupement auquel la loi a accordé les attributs d’une

personne juridique. Exemples : une société, une association.

4
La République est, généralement, la forme du Gouvernement dans lequel les citoyens détiennent la
souveraineté.

La forme républicaine de l’Etat béninois est contenue affirmée par l’article 1er al. 1er de la Constitution
en ces termes : « L’Etat du Bénin est une République indépendante ».

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Le droit civil est l’une des branches essentielles du droit privé. C’est la branche

du droit privé qui régit les rapports de la personne et de la famille, tant dans ses

droits que dans ses obligations. C’est le droit de la personne dans ses rapports

intimes (la conception, la naissance, la famille, la mort, la succession etc.), et surtout

non professionnels. Dans ce domaine, le droit civil s’applique toutes les fois qu’une

disposition de la loi ne renvoie pas la solution à une autre discipline juridique : on dit

que le droit civil est le droit commun. Exemple, la loi a soumis l’exécution du contrat

commercial au droit commercial. Mais la formation du contrat commercial est régie

par le droit civil, à travers le code du même nom (article 1107 et suivant du code

civil).

Le droit commercial est une autre branche du droit privé. Il s’occupe des

rapports entre les particuliers qui exercent une activité commerciale. C’est ainsi qu’il

règle le statut du commerçant, les actes de commerce, les opérations commerciales, le

droit des sociétés commerciales etc. Au droit commercial, se substitue de plus en plus

le droit des affaires, qui regroupe les disciplines voisines à la matière commerciale.

Exemple : le droit du travail et de la sécurité sociale, les procédures collectives

d’apurement du passif, les voies d’exécution. Les instruments juridiques du droit

commercial et de son substitut, le droit des affaires sont, dans les Etats membres de

l’espace OHADA comme le Bénin, constitués des Actes uniformes5. Certains

soutiennent même l’existence d’un droit économique, avec un volet droit public. Ce

droit économique comprendrait, outre les matières du droit des affaires, le droit des

biens, celui, en droit public, des marchés publics ; le droit fiscal etc.

5
On appelle Actes uniformes, les actes pris par le Conseil des Ministres de l’OHADA pour l’adoption des règles communes
dans le cadre de l’harmonisation du droit des affaires (article 5 du traité instituant l’OHADA). A ce jour, les Actes uniformes
ci-après sont en vigueur : droit commercial général, droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique (GIE), droit comptable, sûretés, procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, procédures
collectives d’apurement du passif, transport de marchandises par route.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Paragraphe II : Distinction entre droits substantiels ou déterminateurs et droits non

substantiels ou sanctionnateurs

Certains droits sont dits substantiels ou matériels en raison de ce qu’ils

définissent, sans référence à d’autres corps de règles, la matière sur laquelle ils

portent. En réalité, les auteurs ont remarqué que parmi les règles de droit, certaines

posent des règles de conduite sociale, définissent les droits et obligations de chacun ;

prescrivent ou prohibent certains comportements. Ils qualifient ces droits de droits

déterminateurs en raison de ce que ceux-ci déterminent les droits subjectifs

substantiels dont un sujet peut se prétendre titulaire. Exemple : le droit de propriété,

le droit de créance etc. Ils sont qualifiés de droits substantiels parce qu’ils touchent la

substance des droits dont ils définissent les conditions d’existence, d’exercice, de

transmission ou d’extinction. C’est le cas du droit civil, du droit administratif, du

droit commercial et même du droit pénal. Tous ces droits définissent des règles de

conduite, en terme d’action ou d’abstention voire de prohibition comme les

infractions en droit pénal.

En revanche, le droit est dit sanctionnateur ou non substantiel lorsque son

objet et sa fonction consistent à assurer la sanction des droits déterminateurs. Le droit

sanctionnateur n’a donc pas d’existence propre. Il est l’accessoire du droit

déterminateur ou substantiel dont il assure l’effectivité ou la jouissance. Le droit

sanctionnateur règle l’application du droit déterminateur (à ce titre, on l’appelle

aussi droit régulateur). Il en assure aussi la réalisation (à ce titre, on l’appelle

également droit réalisateur). Jura supra jura, les droits sanctionnateurs sont les droits

sur les droits. Le droit judiciaire privé, la procédure administrative et la procédure

pénale, font partie des droits sanctionnateurs ou non substantiels. Leur existence

dépend, bien entendu, de droit substantiel qu’est le droit civil, pris au sens large. «

Servantes des autres lois », les droits non substantiels ne peuvent être compris ni

appliqués dans l’ignorance de « ces autres lois ». Au demeurant, le législateur fixe, de

plus en plus, avec les règles substantielles, déterminatrices, les règles de procédure,

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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sanctionnatrices. Exemples : Le Code des personnes et de la famille (art. 235 et s.) a, à

l’instar du Code civil français (art. 247 et s.) fixé les règles relatives à la procédure à la

suite de celles touchant au fond du divorce (art. 220 et s. du CPF et art. 229 et s. du

Code civil français).

Au-delà de cette division classique, il existe des branches dont l’objet de

réflexion est le droit lui-même, prise comme une discipline scientifique. On pourrait

citer :

1°) La théorie générale du droit. Elle étudie les concepts dont le droit se sert : la

faute, la fraude, le silence, la bonne foi, l’ordre public ; l’Etat, la Nation, la

souveraineté etc. Elle fixe abstraitement la signification des notions courantes

(contrat, convention, risque etc.). Pour en avoir une première idée, il faut rechercher

les ouvrages de théorie générale du droit cité dans la notice bibliographique ainsi que

le Vocabulaire juridique de Gérard CORNU, ou encore l’édition dernière du Lexique

des termes juridiques.

2°) La philosophie juridique. Elle se propose de rechercher les fondements des

débats et des solutions juridiques. Elle vise aussi le sens et la finalité des réflexions

juridiques. Il convient de se référer à la documentation proposée, notamment les

ouvrages de philosophie du droit.

3°) La légistique ou la science de la législation. Comment élaborer une norme

juridique, une règle de droit ? Quels sont les outils, les méthodes utilisés. C’est l’objet

de la science de la législation, encore appelée légistique.

Même si les tendances traditionnelles n’ont pas disparu, des divisions nouvelles

s’imposent à la compréhension du droit.

Section II : Les divisions nouvelles

De nouvelles classifications émergent, au gré du développement économique,

de la mutation des rapports sociaux. On pourrait signaler, d’une part, la classification

née de l’ouverture des disciplines juridiques (Paragraphe premier) et, d’autre part,

les classifications de l’approfondissement des disciplines juridiques (Paragraphe II).

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Paragraphe premier : Les classifications nées de l’ouverture des disciplines juridiques

De nouvelles disciplines viennent au droit. Il s’agit, en particulier, de la sociologie

juridique, de l’ethnologie juridique, de la psychologie juridique, de la linguistique

juridique. Sciences sociales par nature, elles développent, en réalité, une

anthropologie juridique moderne.

A- La sociologie juridique

Encore appelé sociologie du droit, elle présente les phénomènes juridiques comme

des phénomènes sociaux dont elle vise l’étude. Il faut comprendre néanmoins que le

sociologue du droit n’est pas un juriste. Elle étudie le droit du dehors et non de

l’intérieur. Elle étudie également le droit non pas avec les outils et la méthode

juridiques mais plutôt avec les outils et la méthode de la sociologie générale.

B – L’ethnologie juridique

Elle se présente comme une sociologie juridique spécialisée dans l’étude des

systèmes juridiques des peuples dits primitifs. Elle s’occupe des droits locaux,

notamment coutumiers. Dans un sens strict, l’ethnologie juridique se propose

d’étudier le droit de chaque ethnie en ce qu’il a de spécifique. Elle devient

anthropologie juridique lorsqu’elle envisage d’étudier ce qu’il y a d’essentiel dans

l’homme juridique, c'est-à-dire l’être humain vivant en société sous l’autorité ou la

conduite du droit.

C – La psychologie juridique

Elle se propose d’étudier, par l’observation ou l’expérimentation (les tests), les

causes psychiques des phénomènes juridiques (Exemple : elle découvre qu’un enfant

qui subit des violences au foyer devient violent en société et commet des infractions

sur les personnes : violences et voies de fait, viols, homicides etc.).

D – La linguistique économique

C’est la science du langage telle qu’elle est appliquée au langage du droit. Le

droit à son vocabulaire, emploie des mots qui ne sont qu’à lui, dans les formulations

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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qui lui sont propres. Par exemple : dans ce cours, nous avons déjà découvert certains

: légistique, juridicité, ordre public, bonnes mœurs etc.

Nous en découvrirons d’autres. Il faut souligner que la particularité du langage

juridique tient à ce que, dans l’espace d’inspiration juridique française, le droit

apparaît comme le gardien de la langue française. C’est encore en droit, qu’on utilise

avec fréquence les modes peu ordinaires : le subjonctif, le conditionnel ; les verbes

défectifs etc.

Paragraphe II : Les classifications nées de l’approfondissement des disciplines

juridiques

L’approfondissement des disciplines juridiques classiques conduit à la

spécialisation du droit par voie d’apparition de nouvelles branches.

On a, par exemple, le droit pénal des affaires. Son objet est d’étudier les infractions

pénales auxquelles pourraient conduire l’exercice d’une activité commerciale : abus

de biens sociaux, défaut de libération de parts sociales etc.

Il y a aussi le droit de la cybercriminalité, du contrat virtuel. Le droit maritime a fini

par se détacher du droit commercial ainsi que le droit des transports aériens. On

soulignera aussi le développement du droit de la propriété intellectuelle ou

industrielle etc.

Chapitre III – Les fondements du droit

On a défini la règle de droit comme une règle de conduite nécessaire à la vie en

société. Mais il n’est pas sans intérêt de s’interroger sur les fondements de cette règle.

Une question essentielle se pose :

Au-delà du droit, tel que nous le percevons, tel qu’il se décline au travers des lois,

des coutumes, de la jurisprudence, existe-t-il un droit absolu ? Y a – t – il une règle

qui soit au-delà de la règle de droit ? La question occupe encore juristes et

philosophes, notamment les philosophes du droit. Plusieurs tendances se dégagent

au niveau de la pensée. On peut en retenir les deux principales suivant que l’on

considère que le droit se suffit et ne s’explique que par la réalité positive, au

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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contraire, qu’il ne s’explique que par des données, (ou des idées) qui lui sont

supérieures. On distinguera alors les tendances positivistes (Section première) de

celles idéalistes (Section II).

Section première : Les tendances positivistes

Selon les positivistes, le droit ne s’explique que par la réalité positive. Le

contenu du droit se trouverait alors dans les phénomènes par lesquels il se manifeste

: la loi, la coutume, la jurisprudence etc. Ces penseurs nient l’hypothèse de données

extérieures à ces phénomènes, qui justifieraient et qui serviraient de fondements à la

règle de droit. Mais comment déterminer ou fixer le contenu de cette réalité positive ?

La réponse à cette question fait éclater les positivistes en deux grandes écoles.

Certains considèrent que cette réalité positive se trouve dans le droit lui-même ou la

norme : c’est le positivisme formaliste (Paragraphe premier) ; d’autres la recherche

dans les faits : c’est le positivisme factualiste (Paragraphe II).

Paragraphe premier : Le positivisme formaliste

On dit du positivisme qu’il est formaliste en ce qu’il fonde la règle de droit

dans son expression formelle, c'est-à-dire au travers des institutions juridiques qui

l’incarne. C’est un positivisme « fermé sur le droit » si l’on emprunte les termes du

Doyen CARBONNIER. Il s’agirait d’un positivisme juridique. Selon les auteurs de

cette tendance, il existe un droit positif constitué par l’ensemble des règles de droit en

vigueur dans un Etat à un moment donné. Ainsi, lorsqu’on parle du droit béninois,

on désignera l’ensemble des règles de droit actuellement en vigueur dans ce pays. Ce

sont les règles juridiques effectives. Deux sous-tendances se profilent : le légalisme et

le normativisme.

A – Le légalisme (ou positivisme légaliste)

Le positivisme légaliste fonde le droit dans la loi qu’il a pendant longtemps,

considéré comme ressort exclusif du droit. Si le droit est identifié à la loi, il n’y a que

l’Etat qui produise celle-ci. Le droit procède donc de la volonté de l’Etat ainsi que

l’affirme Thomas HOBBES qui est l’un des auteurs de cette tendance. Un autre

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auteur du légalisme est le philosophe HEGEL qui identifie le droit à l’Etat lui-même,

d’où le concept de l’Etat de droit. Puisque c’est l’Etat qui proclame le droit, la règle

de droit, alors qu’il est le seul à avoir le monopole de la force, un grand juriste

allemand du XIXème JHERING (prononcer IHERING) siècle a pu considérer qu’est

la politique de la force. Mais le légalisme est dépassé. On constate que l’Etat n’est

plus le seul à produire la règle de droit (Organisations internationales, droit

communautaire, juridictions internationales). Par ailleurs, la loi n’est plus célébrée

comme l’expression exclusive de la règle de droit, comme cela a pu être le cas au

cours de la première moitié du XXe siècle en France avec le régime d’assemblée en

France. C’est pourquoi une autre tendance à la faveur de la doctrine contemporaine :

le normativisme.

JHERING Rudolf Von Aurich (Hanovre) 1818 – Göttingen (Basse-Saxe) 1892

JHERING est un auteur du XIXe siècle. De sa doctrine, on peut retenir :

1°) Après en avoir été quelque peu influencé, il a combattu l’Ecole historique de

Savigny qui considère le droit comme le produit autonome de la culture d’un peuple.

Selon JHERING, il existe une interaction entre les cultures juridiques et, à cet égard, il

a fortement inspiré Raymond SALEILLES qui sera présenté plus loin.

2°) Pour JHERING, « La paix est le but que poursuit le droit, la lutte est le moyen de

l’atteindre ». Il relève alors que le droit est dynamique et qu’il n’est pas le produit de

l’évolution progressive d’une conscience. Le droit serait ainsi le résultat des rapports

de force, portés vers un but : « La défense de la personne même et de son sentiment

du droit, d’une lésion personnelle ». Il ajoute que « Le droit est la condition de

l’existence morale de la personne, la défense du droit constitue la conservation

morale de la personne ».

3°) Il considère aussi que le but est la force motrice du droit. A ce titre, selon lui, il n’y

a pas d’action sans but. La règle de droit comme toute action humaine est dominée

par l’intérêt et surtout par la vie en société. Il prône ainsi l’utilitarisme de la règle de

droit : « Nul n’existe par lui seul, pas plus pour lui seul : chacun existe par d’autres et

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pour d’autres ». De ce point de vue, l’impératif catégorique ne tient pas : « Agir sans

intérêt est un non-être, au même titre qu’agir sans but. C’est une impossibilité

psychologique ». Le droit a une fonction utilitaire. Certain reprochent ainsi à

JHERING son absence de moral en justice.

4°) Cet auteur lie le droit à la force : « Le droit est la politique de la force… Il n’est

que le moyen de réaliser un but qui est maintien de la société ». Il lie aussi le droit à

la contrainte. Or c’est l’Etat qui détient la contrainte. Il en déduit que seul l’Etat

produit le droit. A la vérité, il est partisan du positivisme juridique, encore appelé

positivisme étatiste.

B – Le normativisme (ou positivisme normativiste)

La tendance normativiste (le normativisme) fonde la règle de droit dans la hiérarchie

des normes. L’ordre juridique interne est considérée comme une parfaite expression

de la force absolue du droit. A l’intérieur de cet ordre, la Constitution s’est imposée

comme la norme juridique supérieure de laquelle se déduit tout le système juridique

et politique d’un pays. Toutes les règles de droit sont fondées dans la Constitution et

doivent lui être conforme. L’expression la plus éloquente de ce normativisme est le

contrôle de la Constitutionalité des lois à laquelle procède une juridiction

constitutionnelle. Au Bénin, la Cour constitutionnelle assure, in fine (à la fin), le

respect de la hiérarchie des normes. Du point de vue des tenants de l’école

normativiste, la règle de droit s’insère ou intègre un ordre : l’ordre juridique. On

étudiera plus tard l’ordre juridique ou l’ordonnancement juridique béninois.

La plus grande figure du normativisme est le philosophe autrichien Hans Kelsen. Il

est l’auteur d’un ouvrage resté célèbre : « La théorie pure du droit ».

KELSEN (Hans) (1881-1973)

KELSEN est un philosophe du droit. Il est autrichien. On peut résumer en quelques

points sa pensée.

1°) Il compare les sciences de la nature aux sciences normatives. Dans le

premier cas, il s’agit de ce qui est (en allemand : sein) et dans le second, il s’agit de ce

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qui devrait être (en allemand : sollen). Il conclut que les sciences de la nature sont

soumises au principe de la causalité alors que les sciences de la nature sont soumises

à celle de l’imputation.

2°) La norme juridique se caractérise par cinq éléments : l’impératif

hypothétique, la validité, la contrainte, l’ordonnancement et l’efficacité.

a) Alors que la norme morale est soumise à un impératif catégorique, c'est-à-

dire sans conditions (exemples : ne vole pas, ne mens pas etc.), la norme juridique est

assortie de conditions.

b) A la différence de la norme morale, la norme juridique comporte une

contrainte.

c) Pour qu’une norme soit juridique, elle doit être valide, c'est-à-dire accomplie

en vertu d’une norme préétablie qui donne à son auteur le pouvoir de le faire.

d) On en conclut que le droit ne résulte jamais d’une norme unique, mais d’un

ensemble de normes cohérent, constituant un système ordonné. Il en déduit un

ordonnancement juridique que l’on a appelé la « pyramide Kelsenienne »

e) Enfin, l’ordre juridique n’est valable que si elle est effective. Cette

considération légitime les gouvernements qui arrivent au pouvoir par la force. Il leur

suffit d’assurer l’effectivité des normes qu’ils édictent.

III – On attribue à KELSEN le monisme juridique. Par cette doctrine, l’Etat

s’identifierait au droit, le droit objectif au droit subjectif, le droit privé au droit

public, le droit interne au droit international.

Paragraphe II – Le positivisme factualiste

Dans le positivisme factualiste, on considère que le fondement de la règle de

droit n’est la réalité juridique constituée des phénomènes du droit mais, plutôt, le fait

social. On du de ce positivisme qu’il est ouvert sur le fait. Auguste COMTE avait déjà

établi que le droit, objet d’une science positive, procède de déterminismes sociaux. A

sa suite, SPENCER, DURKHEIM et, notamment, Léon DUGUIT ont marqué leur

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différence avec le positivisme formaliste. Ces auteurs considèrent que le droit n’est

pas une volonté plus ou moins arbitraire de l’Etat. Le fondement du droit devrait être

recherché, selon eux, dans le milieu social, c'est-à-dire les mœurs, les coutumes, les

règles corporatives. Ces auteurs développent, en quelque sorte, un positivisme

sociologique.

Section II : Les tendances idéalistes

En droit, l’idéalisme postule l’affirmation d’une valeur supérieure au droit, à

laquelle il est possible de se référer en cas d’injustice. Cette valeur est tellement

éminente que le droit positif doit s’y référer. L’idéalisme juridique est constitué de

deux branches principales. Pour les uns, la nature est la valeur supérieure au droit :

c’est l’école du droit naturel encore appelé le naturalisme. Pour les autres il s’agirait

de la raison : c’est le rationalisme.

Paragraphe premier : L’école du droit naturel

L’école du droit naturel part du postulat qu’il y a des lois non écrites, immuables et

supérieure aux lois positives. Le droit positif tire sa validité en ce qu’il est conforme à

ce droit naturel, à ces lois naturelles. SOPHOCLE en a fourni une expression dans

Antigone. En effet, Antigone a désobéi à l’édit de Créon, en donnant une sépulture à

son frère, et, pour se justifier, déclare : « Je ne pensais pas, s’écrie-t-elle, qu’il eût

assez de force, ton édit, pour donner à un être mortel, le pouvoir de violer les divines

lois non écrites que personne ne peut ébranler. Elles ne sont pas d’aujourd’hui, ni

d’hier, mais elles sont éternelles, et personne ne sait quel est leur passé profond ».

Pour certains, les lois naturelles sont inspirées de la nature cosmique. C’est ainsi que

le philosophe Romain CICERON considère que « le droit a un fondement dans la

nature même ». C’est pour cette raison qu’il présente un caractère universel.

En revanche, pour d’autres, les lois ont plutôt une nature divine : elles procèdent de

Dieu. La philosophie chrétienne a développé cette approche. Pour Saint Augustin

(philosophe du IVe siècle), les lois profanes sont injustes car il n’y a pas de justice

sans adhésion à Dieu. Chaque chrétien ne se trouve lié à la cité des hommes que de

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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manière précaire. En réalité, il ressent beaucoup plus son appartenance à la cité de

Dieu, cité supraterrestre et intemporelle. Saint-Augustin déduit de cette analyse que

la source authentique du droit ne peut être cherchée ailleurs que dans l’Ecriture

Sainte.

Paragraphe II : L’école du rationalisme

Plus tard, Saint Thomas d’ACQUIN (XIIIe siècle) a nuancé l’approche de son

prédécesseur (on appelle sa doctrine le thomisme). Dans la somme théologique, il a

considéré que face à la loi divine, éternelle et immuable, non saisissable par les sens,

existe une loi naturelle présente en chaque homme dont doit se déduire la loi

humaine. Pour lui, le droit est fondé en raison. Seulement, il existe des degrés.

C’est ainsi qu’au sommet, la loi éternelle (lex aeterna) exprime la raison divine

présente dans l’intelligence du monde.

A un degré inférieur, Saint-Thomas situe la loi naturelle (lex naturalis) qui est

accessible à l’homme par l’exercice de la raison spéculative. La lex naturalis marque la

relation entre la raison divine et la liberté humaine, rationnelle. Enfin, la lex humana

correspond à la raison humaine qui élabore les règles pratiques de vie individuelle et

sociale. Elle constitue en réalité le droit positif.

Mais le thomisme annonce plutôt le rationalisme. D’autres auteurs vont faire

prospérer ce courant de penser de l’idéalisme. Il s’agit de Emmanuel KANT, de

GROTIUS et de PUFENDORF. Ceux-ci contribueront, avec d’autres, à asseoir les

droits fondamentaux de la personne, qui sont, par hypothèse, pré ou anté juridique,

c'est-à-dire qui préexistent au droit positif qui doit leur être conforme.

Chapitre IV – Les particularismes du droit béninois

Le droit béninois, tel qu’il apparaît aujourd’hui, est, comme le droit dans toute

société humaine, le produit de l’histoire et de la culture. Il convient, dès lors, de

présenter le processus de formation du droit béninois (Section première) avant de

relever les données qui influencent, de nos jours, le droit privé (Section II).

Section première : La formation du droit

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Deux éléments sont à la base de la formation du droit privé béninois. Le

premier est la rencontre avec l’étranger. Le second est la consolidation de l’héritage

colonial.

Paragraphe premier : La rencontre avec l’étranger

L’espace juridique béninois est constitué de groupes ethniques et culturels

variés. Avec la colonisation française, le droit de tradition française y a été introduit.

La rencontre avec l’étranger marque une certaine vitalité du droit dans ce pays. Il

convient de rappeler le processus de la rencontre avant de présenter l’un des

instruments juridiques introduits : le Code civil.

A – Le processus de la rencontre

Il faut considérer que les sociétés africaines précoloniales n’étaient pas dans

l’ignorance du droit. Il n’y a pas de sociétés humaines sans règles juridiques.

Seulement, la règle de droit était formée à partir de l’une de ses sources principales,

la coutume. Chaque groupe humain était placé sous le régime de plusieurs

coutumes. C’est en cet état que la colonisation est arrivée.

Le droit français avait été alors introduit dans les anciennes colonies. C’est

ainsi qu’en droit privé, le Code civil et le Code du commerce ont été, en partie

importante, introduite dans le territoire de l’ancien Dahomey. Par quelle méthode le

droit français a-t-il été introduit au Bénin ?

Le colonisateur avait le choix entre deux options. Soit assimiler le droit

français au droit de l’ancienne colonie. Cela consisterait à déclarer systématiquement

applicable au Dahomey tous les textes de droit pris en France : c’est le principe de

l’assimilation. Soit préserver le droit traditionnel africain, en/ introduisant dans cet

espace, au coup par coup, les textes jugés adaptables aux colonies : c’est le principe

de la spécialisation. Laissant échapper le principe de l’assimilation législative au

profit de la spécialité, la colonisation française a introduit de manière partielle et

éparse, les textes émanant de la législation de ce pays. Comme le souligne M. SOSSA,

« En réalité, le principe de l’assimilation législative n’a jamais prospéré dans les rapports

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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coloniaux franco-africains. On a plutôt assisté au triomphe de la règle de la spécialité

législative ».

En vertu de ce principe, les lois ne sont applicables aux territoires d’outremer

que si elles ont été faites précisément en vue de les régir, à moins d’être spécialement

par une disposition contenue dans la loi elle-même ou dans un autre texte spécifique

et postérieur. MM. SOL et HARANGER ont pu, dans leur « note préliminaire »

introductive du Code de procédure civile applicable aux colonies, déduire de cette

situation que : « le règlement de la procédure civile aux colonies est une des matières

des plus confuses, - on peut même dire la matière la plus confuse – de la législation

coloniale. La nécessité de tenir compte à la fois des besoins des justiciables, de la

configuration des divers territoires, des mœurs particulières des habitants, des

particularités de l’organisation judiciaire, etc., a non seulement eu pour résultat de

provoquer une grande diversité des règles de procédure suivant les pays d’outre-

mer, mais encore a poussé le législateur, à rester dans un vague prudent, dans la

crainte d’édicter des règles inapplicables ou contradictoires avec des contingences

locales ». Mais à la vérité, la spécialité est de pur droit puisqu’en fait, c’est le principe

de l’assimilation qui a prévalu. Les mêmes auteurs avaient souligné cet aspect

lorsqu’ils ont affirmé : « Cette situation a donné naissance non point, malheureusement, à

une sorte de droit prétorien solidement établi, mais à un amas de décisions jurisprudentielles

fragmentaires, instables et souvent contradictoires. Sous la poussée d’impérieuses nécessités,

les tribunaux, devant la carence des législations locales, ont dû, choisissant entre deux maux

le moindre, faire foin du principe de la promulgation spéciale aux colonies et appliquer la

législation métropolitaine, invoquée à titre de raison écrite ». Cette assimilation de fait

prévaut encore dans certains Etats qui se sont abstenus de légiférer dans cette

matière après leur accession à l’indépendance. C’est le cas de la République du

Bénin, notamment en droit des obligations civiles, en procédure civile et en droit

pénal.

B – Présentation du Code civil

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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On appelle Code, l’ensemble des lois ordonnées, regroupant les matières qui

font partie d’une même branche. Le Code civil français a été promulgué le 21 mars

1804. Il fut l’œuvre de BONAPARTE (Napoléon BONAPARTE ou Napoléon 1er), qui

confia à une commission le soin de réunir en un seul corps de règles (un Code),

l’ensemble de la législation civile française éclatée dans les différentes coutumes du

pays. La commission était présidée par Jean-Etienne PORTALIS (1745-1807) et

composée de : François TRONCHET, Félix Bigot de PREAMENEU et du Marquis

Jacques de MALLEVILLE. PORTALIS et Bigot de PREAMENEU étaient des avocats ;

TRONCHET et MALEVILLE des magistrats. Le projet qui a été retenu est précédé

d’un Discours Préliminaire, sorte d’exposé des motifs que PORTALIS a présenté. Le

Code avait été baptisé Code Napoléon. Il a gagné l’Europe, notamment la Belgique,

la Suisse, l’Allemagne ; l’Amérique Latine et le Québec. Par la colonisation, il a été

introduit en Afrique.

Les principales idées du XIXe siècle ont profondément marqué le Code civil,

considéré par certains comme une Constitution civile. On y sent la présence de la

philosophie du droit naturel ; des idées progressistes comme la liberté, la propriété,

l’égalité etc. Certaines idées conservatrices sont néanmoins maintenues dans le Code.

Exemple : la protection de la famille. PORTALIS considérait même que le mariage n’a

d’autre objet que la procréation. Il est vrai que les travaux de certains grands

penseurs français ont influencé l’œuvre de la commission Portalis. Il s’agit,

notamment, de Jean DOMAT (1625-1696). « Il a écrit : Les lois civiles dans leur ordre

naturel ». Il s’agit aussi de Robert-Joseph POTHIER ainsi que du Chancelier Henri-

François D’AGUESSEAU ».

Paragraphe II – La consolidation de l’héritage colonial

Le droit contemporain béninois n’a pas rompu avec l’héritage colonial. Bien au

contraire. Il a été renforcé. D’une part par l’ancrage dans le système juridique et

judiciaire d’inspiration et de tradition française. C’est ainsi que les quelques réformes

effectuées après l’indépendance n’ont fait que reprendre l’état du droit français au

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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moment de leur intervention. Il en est ainsi de l’ordonnance n°25 P.R. /M.J.L. portant

Code de procédure pénale qui introduit en droit béninois la réforme intervenue en

France courant l’année 1958 sur la procédure pénale. Il en est également ainsi de la

réforme intervenue en 2004 sur le Code des personnes et de la famille qui introduit

en droit béninois l’évolution de la législation française sur le sujet. D’autre part, la

communautarisation du droit à travers les systèmes d’intégration juridique et

judiciaire marque davantage la dépendance du droit béninois de l’esprit du droit

français. L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des affaires

(OHADA), l’Union économique et monétaire Ouest Africain (UEMOA) ainsi que

d’autres systèmes d’intégration sont caractérisés par la présence en leur sein de la

majorité de la quasi-totalité des Etats africains francophones de l’espace de référence.

Section II : Les dimensions nouvelles du droit béninois

L’évolution du droit excède les considérations géopolitiques. Le droit français

lui-même est influencé par le droit anglo-saxon qui a les faveurs des acteurs de

l’économie mondiale. Un droit universel prend progressivement corps, dans le

domaine des affaires, de la protection des droits individuels et de la lutte contre la

criminalité internationale. Le droit béninois est également ouvert à ces influences

nouvelles. On peut retenir que le droit béninois se cherche entre tradition et

modernité d’une part (Paragraphe premier) et entre stabilité et dynamisme d’autre

part (Paragraphe II).

Paragraphe premier : Un droit entre tradition et modernité

Le droit est le produit de la culture. Le droit béninois n’échappe pas à cette

dimension. Il est juste de préciser, en effet, que la règle de droit reflète, par endroits,

les traditions des peuples regroupés à l’intérieur du territoire béninois. La coutume,

source réelle du droit, est présente dans les corps de règles ainsi que dans

l’organisation judiciaire. C’est ainsi, qu’en matière traditionnelle, le juge est assisté de

dépositaire des coutumes des parties : Ce sont les assesseurs. La force des coutumes

avait même conduit le colonisateur à les traduire dans un recueil appelé « le

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coutumier du Dahomey ». Il s’agit d’un recueil des coutumes pratiquées et

auxquelles il est reconnu une efficacité juridique. Avec la promulgation du Code des

personnes et de la famille, le coutumier du Dahomey est abrogé en ce qui concerne

l’état de la personne (c'est-à-dire le statut des personnes et de la famille). Son contenu

inspire encore le juge en ce qui concerne les biens, lorsqu’il n’est pas contraire à un

texte de loi ou à la Constitution.

Mais le droit coutumier, encore appelé le droit traditionnel a de moins en

moins les faveurs de la modernité. Il est même combattu par elle. La Cour

constitutionnelle a considéré, suivant une interprétation forte pertinente, que les

coutumes n’ont plus d’efficacité juridique en ce qui concerne le statut des personnes

et de la famille. Elles sont donc abrogées, de manière implicite. Le droit traditionnel

est également ébranlé par l’expansion du droit des affaires. Les transactions

commerciales gagnent du terrain et le droit qui les portes restreintes davantage le

domaine du droit local. Il demeure néanmoins qu’on ne saurait priver une société de

ses fondements culturels. A cet égard, c’est le droit traditionnel qui s’applique à la

majorité des Africains, y compris des béninois.

Paragraphe II : Un droit entre stabilité et dynamisme

Le Bénin a la particularité d’effectuer assez lentement les réformes

qu’imposent les exigences de la modernité. Les règles civiles, hors la partie

concernant le statut des personnes et de la famille, le régime des infractions sont

encore régies par les dispositions coloniales. Les principales réformes opérées par le

législateur béninois l’ont été sous des régimes non démocratiques. On peut citer, à

titre d’illustration, de l’ordonnance n°74/24 du 14 mars 1974 portant Code de

commerce maritime promulguée sous le régime qui a suivi le Coup d’Etat de 1972 ;

de l’ordonnance n°25 P.R. M.J.L portant Code de procédure pénale, promulguée le 7

Août 1967 par le Général Christophe SOGLO, alors Chef de l’Etat.

Mais le droit béninois connaît de plus en plus un dynamisme et une fertilité

porteuse d’efficacité sous la pression du droit communautaire. Le traité de

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l’OHADA, celui de l’UEMOA, l’Accord révisé de Bangui sur l’Organisation africaine

de la propriété intellectuelle contribuent à fournir les raisons de soutenir que c’est un

droit en net progression.

Chapitre V – La méthode juridique

Le droit est constitué de normes dont l’application nécessite une interprétation

avisée. Les juges et les auteurs ne pourraient assurer ou faire assurer une mise en

œuvre effective de la règle de droit sens en rechercher le sens. Pour y parvenir, ils

empruntent des mécanismes intellectuels encore appelés des méthodes juridiques : ce

sont des méthodes d’interprétation (Section première). Mais leur utilisation répond

aux règles pratiques auxquelles elles sont soumises (Section II).

Section première : Les méthodes d’interprétation

Quand le législateur pose la règle de droit, il n’est plus là pour en fournir le

sens au moment de son application. Dans un régime de séparation des pouvoirs, le

législateur n’applique même pas la norme qu’elle a posée. Ce travail revient au juge.

Or, celui-ci est appelé à interpréter la loi, c'est-à-dire à rechercher et à donner un sens

au texte adopté par un autre organe. Ayant craint les excès du pouvoir judiciaire sous

l’Ancien régime français, les révolutionnaires français avaient exclu toute possibilité,

de la part du juge, d’interpréter la règle de droit. Ils avaient alors institué un référé

législatif. C’est une procédure rapide de saisine de l’Assemblée législative afin que

celle-ci fournisse au juge le sens d’une loi. Il est bien entendu que cette procédure n’a

pas survécu au temps et il a fallu bien laisser aux praticiens le soin d’interpréter la

règle de droit. C’est ainsi qu’à l’avènement du Code civil, les auteurs qui ont

entrepris de l’interpréter et d’enseigner le droit qui s’en infère avaient emprunté une

méthode classique que l’histoire a baptisé la méthode exégétique (Paragraphe

premier). C’est en raison de ce que cette méthode classique s’oppose à certaines

autres appelées méthodes modernes (Paragraphe II).

Paragraphe premier : La méthode exégétique

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L’exégèse renvoie à une science dont le but est d’établir le sens d’un texte. Elle

est pratiquée par les interprètes des écritures saintes, notamment, la Bible. En droit,

l’exégèse a inspiré une méthode d’interprétation (on parle de méthode exégétique ou

d’interprétation exégétique) dont le principe est de rechercher la volonté de l’auteur

du texte à partir de celui-ci, du contexte de son élaboration, des travaux

préparatoires. Le but visé est de dégager le sens exact de la règle de droit, notamment

de la loi et de fixer sa portée. Contrairement à ce qu’on a pu penser, l’interprétation

exégétique ne se résume pas à une interprétation littérale au sens restreint de ce

terme, ce que le Doyen CARBONIER a désigné par le « littéralisme ». Si ce n’est que

cela, on rechercherait le sens du texte à travers une glose sur chacun des mots qui le

constitue. Il est vrai que certains auteurs ont succombé à cette tentation de sorte

que, ce qui faisait partie de « l’école de l’exégèse » au XIXe siècle faisaient bien, à

maints égards, le culte du texte de la loi. La méthode exégétique recherche plutôt

l’esprit de la loi dans le texte lui-même appuyé par les documents qui l’ont préparé.

Paragraphe II : Les méthodes nouvelles

Les modernes ont formulées des critiques quant à la pertinence de la méthode

exégétique. Ils relèvent notamment que la notion d’intention du législateur paraît

bien incertaine. Ils soulignent aussi le fait que les travaux préparatoires sont parfois

hors d’atteinte. Ces griefs un écho encore plus forts en Afrique. En effet, les

difficultés de constitution et d’entretien des archives rendent impossibles l’accès aux

travaux préparatoires. D’un autre côté, l’intention du législateur est difficile à

rechercher en l’absence d’une légistique fondamentale. Le développement des lois

types, à l’image du prêt-à-porter, rend encore la méthode exégétique délicate. Aussi

bien, certains ont-ils mis en lumière d’autres méthodes, plus adaptées, modernes.

Parmi les méthodes dites modernes, on peut citer la méthode téléologique, la

méthode historique, la méthode structuraliste, la méthode de la libre recherche

scientifique.

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En suivant la méthode téléologique, l’interprète recherche la finalité du texte.

Cette méthode a deux tendances. La première a été expérimentée au début du

XXème siècle. Elle considère que la portée d’une loi se détermine au moyen de deux

éléments : la formule littérale du texte (survivance de l’interprétation exégétique) et

le but social poursuivi au moment de son élaboration (la finalité). La formule littérale

est l’élément fixe. Le but social est l’élément mobile qui peut être réalisé suivant des

moyens différents. La seconde tendance de la méthode téléologique a été l’œuvre de

la doctrine contemporaine. Elle recherche plutôt l’objectif qui a présidé à

l’élaboration de la règle de droit. Selon les tenants de cette tendance, on pourrait en

tirer la politique législative qui permettrait d’établir le sens de la règle.

Dans la méthode historique, ou évolutive, l’interprète peut adapter le texte aux

nécessités de son époque. Il rechercherait alors ce qui se passerait si le législateur

avait adopté le texte au moment où il l’interprète. Suivant cette méthode, on pourrait

affirmer que ce qui importe, ce n’est pas l’intention du législateur quand il adoptait le

Code civil en 1804, mais ce qu’il dirait s’il devrait l’adopter en 2010. En suivant la

méthode évolutive, un même texte pourrait avoir des applications différentes selon

les époques.

La méthode structuraliste fait revenir l’interprète au texte, mais non en

recherchant dans les éléments exogènes le sens, mais en se référant à la structure du

texte : emploi fréquent de certains vocables, d’expressions anciennes ou argotiques,

la symétrie ou la dissymétrie des dispositions etc. Ici, l’interprète applique à la règle

de droit une méthode de science expérimentale.

Enfin, dans la libre recherche scientifique, inventé par François GENY,

l’interprète devra considérer que la règle de droit ne peut prévoir toutes les

situations. A partir d’un moment ou d’un point, il y a un vide juridique que le juge

devra combler. Il recherche les solutions aux problèmes posés non pas en

interprétant la règle de droit (en présence d’un vide, d’un imprévu), mais en

procédant à une libre recherche scientifique. Il fait alors œuvre de législateur en

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empruntant les outils les plus adaptés à la situation : histoire, sociologie, philosophie,

cultes etc.

Section II : Les règles d’interprétation

Sur le terrain de la pratique, l’interprète utilise certaines règles au service de sa

méthode. On distingue les procédés d’interprétation (paragraphe premier) des

maximes d’interprétation (paragraphe II).

Paragraphe premier : Les procédés d’interprétation

Suivant le langage ordinaire, le procédé est le moyen pratique pour faire

quelque chose et obtenir un résultat. C’est la technique ou le système qui met en

œuvre une donnée scientifique. Les procédés sont donc aussi les techniques

d’interprétation. Ils ont constitué des recettes empiriques auxquelles les interprètes

ont recours. Sont utilisés, avec fréquence, les procédés suivants : le raisonnement par

analogie, l’argument a contrario, l’argument a fortiori.

Dans le raisonnement ou l’argument par analogie, on étend l’application de la

loi à des matière ou des cas qu’elle n’a pas prévus. On passe du connu à l’inconnu. A

proprement parler, il ne s’agit pas d’une interprétation mais plutôt d’une extension

de la règle aux hypothèses qui lui étaient restées inconnues au moment de son

élaboration. De ce que la loi a régi une situation, on déduit qu’elle est applicable aux

situations semblables. Le raisonnement par analogie est encore appelé l’argument a

pari. Exemple : Les articles 144 à 152 du Code des personnes et de la famille ont

disposé sur « la sanction des règles de formation du mariage ». Mais le législateur n’a

pas disposé des effets de l’annulation quant du mariage à l’égard des époux. Le bon

sens convie à penser que l’annulation du mariage éteint les devoirs de fidélité, de

secours et d’assistance. Mais le législateur ne l’a pas décidé ainsi. Que pourrait alors

faire le juge face au silence de la loi ? Le raisonnement par analogie permet de

s’inspirer d’une disposition relative à une institution qui ressemble fort à

l’annulation du mariage : le divorce. En effet, l’article 261 du Code des personnes et

de la famille règle, en partie, les effets du divorce à l’égard des époux. Suivant

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l’alinéa premier de ce texte, « Le divorce dissout le mariage, met fin aux devoirs

réciproques des époux… ». On considère donc, par analogie, que l’annulation dissout

le mariage et met fin à toutes obligations entre les parties.

Dans le raisonnement ou l’argument a contrario, on considère que si la règle

de droit, (un texte de loi par exemple), dit quelque chose, elle est censée nier le

contraire. Exemple : l’article 6 du Code civil dispose : « On ne peut pas déroger, par

des dispositions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes

mœurs ». Le raisonnement ou l’argument a contrario conduirait à dire :

On peut déroger, par des dispositions spéciales, aux lois qui n’intéressent ni l’ordre

public, ni les bonnes mœurs. L’argument a fortiori est celui par lequel on étend

l’application d’une loi à un cas non prévu en raison de ce que les motifs qui ont

conduit à son élaboration sont encore plus justifiés dans le cas non prévu. Exemple :

l’article 113 du Code des personnes et de la famille dispose que les fiançailles sont

une convention solennelle. Si le législateur a décidé que les fiançailles soient

consacrées par une convention solennelle, a fortiori, le mariage est également un acte

solennel.

Paragraphe II : Les maximes d’interprétation

Les maximes sont des principes généraux du droit exprimé le plus souvent

sous forme d’adage. Certains servent à l’interprétation de la règle de droit. Sans être

exhaustif, on peut citer celles qui suivent :

1. Exceptio est strictissime interpretationis : Les exceptions sont d’interprétation

stricte. Cette maxime signifie que lorsque le législateur admet une exception, celle-ci

doit être comprise de manière restrictive. Il ne faut pas étendre son application. En

outre, l’exception doit être prévue par un texte.

2. Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus : Il ne faut pas distinguer la où

la loi ne distingue pas. Cela signifie que l’interprète n’a pas le pouvoir de restreindre

l’application d’une loi conçue en termes généraux.

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3. Cessante ratione legis, cessat ejus dispositio : La loi cesse là où cessent ses motifs.

Cela veut dire que la loi ne doit pas être appliquée à des situations qui, tout en

paraissant être prévues par la lettre du texte, se trouvent excluent de son esprit.

Chapitre VI : L’organisation judiciaire en République du Bénin

Encore appelé ordonnancement judiciaire, l’organisation judiciaire est la

composition du système judiciaire envisagé comme un ensemble d’organes

juridictionnels lié entre eux par des relations fonctionnelles. En ce qu’il constitue une

véritable architecture judiciaire dans un Etat, l’ordonnancement judiciaire est fondé

sur des principes hérités du service public (Section première) et animé par personnel

spécialisé (section II).

Section première : Les principes du service public de la justice civile

Il convient d’abord de clarifier quelques concepts et expressions : juge des faits

et juges du droit ; ordre et degré de juridiction. Le juge des faits est celui que la loi

autorise à apprécier les faits avant de leur appliquer la règle de droit appropriée. On

dit qu’il statue en fait au fond. Il est donc, aussi, le juge du fond. Evidemment, si le

juge examine les faits c’est pour mieux trancher en droit : il statue également en droit.

Au Bénin, les tribunaux de première instance et les Cours d’appel sont juges des

faits, c'est-à-dire du fond et du droit.

Le juge du droit est celui qui a pour compétence de vérifier si les juges qui ont

statué en fait ou au fond ont bien fait application de la règle de droit. C’est, en

particulier, le rôle primordial de la Chambre judiciaire de la Cour suprême. La

chambre judiciaire de la Cour suprême du Bénin correspond à la Cour de cassation

en France. Ces organes statuent en droit au moyen des demandes particulières

auxquelles on a donné le nom de « pourvoi en cassation ». Si la Chambre judiciaire

ou la Cour de cassation admet le pourvoi, donc la demande, elle casse la décision et

renvoie l’affaire devant une autre juridiction du même degré (même niveau) ou

devant la même juridiction autrement composée afin qu’il soit à nouveau statuer. En

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principe, au Bénin, la juridiction saisie à nouveau doit suivre l’orientation donnée par

la Chambre judiciaire de la Cour suprême. Mais si la Chambre judiciaire de la Cour

suprême rejette le pourvoi, la décision rendue par la juridiction de fond sort son

plein et entier effet. Cette décision devient irrévocable. Notons que la chambre

administrative de la Cour suprême correspond au Conseil d’Etat en France et la

Chambre des comptes à la Cour des comptes. On voit bien que le Bénin concentre les

Hautes juridictions en une seule Cour, la Cour suprême alors que certains Etats les

éclatent en plusieurs organes. Outre la France, c’est aussi le Cas du Burkina Faso et

du Gabon. Au sens de l’organisation judiciaire, « l’ordre » désigne l’ensemble des

tribunaux ou juridictions placé sous le contrôle d’une même juridiction supérieure.

Au Bénin, les juridictions statuant en matière sociale, civile, commerciale,

pénale sont placées sous le contrôle de la chambre judiciaire de la Cour suprême :

elles relèvent de l’ordre judiciaire. Les juridictions statuant en matière administrative

sont placées sous le contrôle de la chambre administrative de la Cour suprême : elles

relèvent de l’ordre administratif.

Le degré d’une juridiction précise sa place dans la hiérarchie des juridictions

compétentes pour trancher les litiges au font. Ne relève pas d’un degré, une

juridiction qui ne tranche le litige qu’en droit. Or, la Cour suprême, notamment la

chambre judiciaire, examine la conformité à la loi des décisions rendues par les

juridictions de fond. Au Bénin, c’est le principe du double degré de juridiction. Sauf

application du taux du ressort, toute affaire peut faire éventuellement l’objet d’une

double instance : première instance-Cour d’Appel ; juge d’instruction-Chambre

d’accusation. Notons cependant l’apparition d’un troisième degré de juridiction avec

l’avènement de la Cour de justice et d’Arbitrage de l’Ohada dont le siège est à

Abidjan, République de Côte d’Ivoire. La CCJA ne fait pas que vérifier la conformité

des décisions rendues par les juridictions de fond en droit : elle statue aussi en fait et

tranche les litiges après avoir évoqué. Mais la justice assure un service public. Il

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importe alors d’insister sur les principes qui gouvernent le service public de la

justice, notamment les principes de continuité et d’égalité.

Paragraphe premier : La continuité du service public de la justice civile

Le principe de la continuité du service public de la justice doit être envisagé

sous deux rapports : La justice civile doit être assurée en permanence, en tout temps ;

la justice civile doit être assurée sur toute l’étendue du territoire national.

A – La justice civile doit être assurée en tout temps

Selon ce principe, la justice civile doit être assurée à titre permanent et chaque

justiciable a le droit de saisir une juridiction civile, lorsque la situation l’exige, même

en cas d’urgence. C’est en vertu de ce principe que la loi autorise que la justice puisse

être rendue même les dimanches et les jours fériés si la situation l’exige. Cela dit, la

prise en compte de ce principe a conduit le législateur à organiser la tenue des

audiences en posant plusieurs règles.

En premier lieu, il a déterminé l’année judiciaire, c'est-à-dire la période de

l’année pendant laquelle, sans interruption, les juridictions sont accessibles aux

citoyens. La loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en

République du Bénin fixe cette période du 15 octobre au 31 juillet au moins de

chaque année. Pendant cette période, il est établi des audiences ordinaires des

tribunaux suivant un calendrier judiciaire que chaque juridiction arrête et rend

public.

En second lieu, il a fixé la période de repos du personnel judiciaire. Cette

période de repos est appelée la période des vacances judiciaires. En conformité avec

l’art. 17 de la loi déjà citée, « la durée et la date des vacances judiciaires sont fixées

par ordonnance des premiers présidents des cours d’appel. Elles doivent se situer

dans la période allant du 1er août au 15 octobre de chaque année ».

Pendant ces vacances judiciaires, les juridictions ne sont pas fermées. Des

audiences sont tenues, dans l’enceinte des tribunaux : ce sont des audiences de

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vacation. Il est vrai qu’au sens de la loi : « ces audiences ont uniquement pour but

d’expédier les affaires de simple police, les affaires correctionnelles comportant des

détenus et les affaires civiles et sociales qui requièrent célérité » (art. 17 al. 2 de la loi

portant organisation judiciaire). C’est au regard de ce calendrier que le justiciable est

informé des jours et heure auxquels il pourrait attraire (c'est-à-dire convoquer, faire

conduire) son adversaire devant une juridiction civile. Pendant l’année judiciaire ou

en période de vacation, certaines juridictions sont saisies, hors toute urgence, pour

examiner de manière approfondie les causes qui leur sont soumises : on les appelle

des juridictions du fond. En revanche, d’autres seront saisies en vertu de l’urgence,

pour prescrire des mesures conservatoires, assurer la protection des preuves et, dans

tous les cas, interviennent lorsque la contestation n’est pas sérieuse : c’est le juge des

référés. Mais à côté de ces audiences ordinaires, il est également prévu, pendant les

mêmes périodes, que les juridictions puissent être saisies, à titre extraordinaire, sur

autorisation du président pour répondre au cas d’extrême urgence : on cite le cas où

la juridiction statuant au fond tien son audience à jour fixe (c'est-à-dire à un jour non

ordinaire mais spécialement indiqué dans l’acte qui saisit le juge).

On cite aussi le cas dans lequel le juge des référés est saisi d’heure à heure

(c'est-à-dire à des heures précises, indiquées dans l’acte de saisine du juge). Dans ces

situations, l’audience civile peut même être tenue, un dimanche ou un jour férié,

dans l’enceinte du tribunal ou dans l’hôtel (domicile, résidence) du juge, les portes

restant ouvertes. Le principe de la continuité du service public de la justice civile

souffre de plus en plus de graves entorses. Les arrêts ou suspensions récurrentes du

travail au sein de l’administration judiciaire constituent l’une de ses entorses.

Ailleurs, notamment en France, c’est en vertu de la continuité du service public de la

justice qu’il est interdit aux magistrats de l’ordre judiciaire le droit de grève et, plus

généralement, « toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le

fonctionnement des juridictions » (Art. 10, al. 3 de l’ordonnance française n°58-1270

du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature).

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Le principe de continuité suppose aussi que la justice soit assurée en tout lieu.

B – La justice doit être assurée en tout lieu

L’égalité de tous les citoyens devant la loi implique, au plan judiciaire, que

tous les citoyens aient un égal accès à la justice, quelle que soit, par ailleurs, leur

situation géographique. La prise en compte de ce principe a conduit le législateur à

procéder à une répartition géographique des tribunaux en rapprochant ceux-ci au

plus près des justiciables. Cette répartition territoriale est essentiellement organisée

par la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du

Bénin. Cette loi a créé plusieurs juridictions réparties sur tout le territoire. Il y a

d’abord les tribunaux de conciliation qui assurent la justice de proximité. Au titre de

l’article 21 de cette loi, un tribunal de conciliation est institué par arrondissement

dans les communes à statut particulier, alors que chacune des autres communes en

reçoit un. En somme, il devrait exister plus de 100 tribunaux de conciliation dans le

pays. Il est utile de rappeler que les tribunaux de conciliation sont compétents en

toutes matières, sauf les exceptions prévues par la loi (notamment en matière civile

moderne, pénale, en matière de conflits individuel de travail et d’état des personnes).

Mais la saisine du tribunal de conciliation n’est pas obligatoire. En plus, la procédure

devant ce tribunal répond aux règles, plus souples, de la procédure de droit

traditionnel.

C’est certainement à cause de ce caractère facultatif que les justiciables

préfèrent saisir le tribunal de première instance. Au sein de chaque commune à statut

particulier, il est institué un tribunal de première instance de première classe. La

qualification de « première classe » attribuée à ces tribunaux est un élément de la

gestion administrative des juridictions. Elle est déterminée par la démographie et

certains aspects de l’administration territoriale. Elle a pour résultat d’affecter plus de

ressources humaines (magistrats, greffiers, secrétaires des greffes et parquets etc.)

ainsi que des ressources financières et matérielles à ces juridictions. En l’état actuel

des lois sur la décentralisation, il existe trois villes à statut particulier et, par suite,

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trois tribunaux de première instance de première classe : Cotonou, Porto-Novo et

Parakou. Les autres tribunaux de première instance sont classés dans la deuxième

classe. Ils sont au nombre de vingt-cinq (25). C’est ainsi que le Bénin compte vingt-

huit tribunaux de première instance. Parmi ces tribunaux, seuls huit sont

fonctionnels (Cotonou, Ouidah, Lokossa, Porto-Novo, Abomey, Parakou, Natitingou,

Kandi). Les autres ne sont pas encore installés. Si on arrivait même à installer tous ces

tribunaux, le taux de couverture des juridictions de première instance serait de 1

tribunal pour 320 000 habitants.41 Ce taux est largement en deçà de la couverture

raisonnable. D’un autre côté, il est inégalement réparti, au plan géographique et au

plan démographique.

Cela dit, les tribunaux de première instance sont juges de droit commun en

matière pénale, civile, commerciale, sociale et administrative. Il faut souligner que le

second degré est assuré par trois Cour d’appel : Cotonou, Abomey et Parakou.

Toutes ces juridictions ayant à leur tête une Cour suprême installées à Cotonou et

regroupant la trilogie connue ailleurs comme la Cour de cassation, le Conseil d’Etat

et la Cour des comptes. Au Bénin, ces hautes juridictions sont regroupées en une

seule : la Cour suprême. Celle-ci est subdivisée en trois importantes chambres : la

Chambre judiciaire, la Chambre administrative, et la Chambre des comptes.

D’autres juridictions particulières ont des impacts certains sur

l’ordonnancement judiciaire béninois. Il s’agit, en premier lieu de la Cour

constitutionnelle et, en deuxième lieu, des juridictions communautaires telles que la

Cour de Justice de l’UEMOA, la Cour commune de justice et d’arbitrage de

l’OHADA ainsi que la Cour de justice de la CEDEAO. La Cour constitutionnelle est

créée par la Constitution béninoise pour connaître de la conformité à la Constitution

des lois ainsi que pour censurer les actes qui portent atteinte aux droits humains.

Les juridictions communautaires sont instituées par les traités qui ont créé ces

communautés ou par des protocoles additionnels. C’est ainsi que le traité signé à

Port-Louis signé le 17 octobre 1993 par quatorze Etats africains et qui institue

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l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des affaires a créé une

juridiction supranationale, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) dont

le siège est à Abidjan (Rép. De Côte-d’Ivoire). Elle a pour mission de connaître, en

dernier ressort, l’interprétation et l’application des Actes uniformes (qui sont de

nouvelles espèces de règles uniformes applicables aux Etats de l’espace OHADA en

matière de droit des affaires). C’est également ainsi qu’au titre de l’UEMOA, une

Cour de justice a été également instituée, la Cour de Justice de l’UEMOA dont le

siège est à Ouagadougou (Burkina Faso). De même, la CEDEAO a créé une Cour

communautaire, la Cour de Justice de la Communauté CEDEAO, siégeant à Abuja

(République du Nigéria).

Ces juridictions supranationales sont supérieures aux juridictions nationales.

Dans leur domaine de compétence, les décisions qu’elles rendent s’imposent aux

autorités nationales. Mais du fait de l’adhésion des Etats aux différents traités qui les

instituent, elles sont intégrées dans l’environnement judiciaire interne et contribuent

à renforcer la présence de la justice en tout lieu. Le principe de la continuité appelle

un autre, celui de l’égalité.

Paragraphe II – L’égalité des citoyens devant le service public de la justice

Le principe de l’égalité vise à faire assurer à tous les citoyens un égal accès au

droit et à la justice civile. D’une part, il conduit à la prohibition des privilèges dont

certains pourraient se prévaloir dans une société de classes ; d’autre part, il vise

surtout à ce que tous les justiciables puissent recourir à la justice afin d’obtenir une

solution juridictionnelle aux différends qui les opposent. C’est l’égale chance d’accès

à la justice qui constitue un droit du citoyen. On pourrait, avec intérêt, poser la

question : à quelle condition tous les citoyens pourraient, sans discrimination,

accéder au service public de la justice, si l’on considère qu’au sein de la société, se

distinguent les classes, certaines plus fortunées que d’autres ? C’est poser en quelque

sorte la problématique de la gratuité de la justice.

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Le principe de la gratuité qui est le corollaire de l’égalité devant la justice

suppose l’intervention de l’Etat pour réduire les discriminations liées à la fortune.

C’est ainsi qu’en République du Bénin, c’est l’Etat qui paie le traitement des juges.

C’est également l’Etat qui dote la justice de moyens matériels et financiers. Il

pourvoit les juridictions en ressources humaines. Mais il faut souligner que le

principe de la gratuité souffre d’importantes limites qui finissent par atteindre celui

de l’égalité. C’est ainsi, en premier lieu, que les parties doivent supporter les dépens.

On appelle ainsi les frais juridiquement indispensables à la poursuite du procès et

dont le montant fait l’objet d’une tarification (les actes des huissiers, des

commissaires-priseurs etc.), soit par voie réglementaire, comme les émoluments des

officiers publics ou ministériels, soit par voie de décision judiciaire comme les

rémunérations des techniciens investis d’une mission d’instruction (les experts).

En principe, c’est le plaideur qui a succombé au procès qui est condamné à

supporter les dépens. Mais par décision spécialement motivé, le tribunal peut

condamner également la partie qui a gagné le procès à les assumer. Il est à préciser

que lorsque les auxiliaires de justice commettent des erreurs, dans la rédaction et la

signification des actes, il peut être mis à leur charge les actes mal rédigés. C’est

également ainsi, en deuxième lieu, que les plaideurs doivent supporter les frais qui

ne sont pas compris dans les dépens. Il s’agit, pour l’essentiel, des honoraires des

Avocats, principaux mandataires judiciaires ainsi que les frais de déplacement aux

audiences. On les appelle des frais irrépétitibles. Ils sont ainsi appelés en raison de ce

qu’une partie ne peut les faire supporter par l’autre, notamment celle qui aura

succombé au procès. On considère que la représentation et l’assistance judiciaires

étant facultatives, chaque partie se paiera le « luxe » du mandataire professionnel

qu’elle s’offre. Mais on devrait intégrer les honoraires d’avocat parmi les dépens,

d’autant que certaines procédures ne peuvent être introduites et suivies que par ces

professionnels (exemples : les pourvois devant la chambre judiciaire de la Cour

suprême, ainsi que ceux devant la chambre criminelle de la même Cour). La nouvelle

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loi portant Code de procédure civile, commerciale, sociale et administrative rend

même obligatoire la présence d’un avocat devant les Cours d’appel.

Il ne s’agit donc plus de l’exercice d’une faculté : solliciter un avocat est une

obligation. C’est surtout ainsi, en troisième lieu, que les plaideurs paient les arbitres,

ces juges privés autorisés par la loi. Il faut aussi souligner que le phénomène de la

corruption est une cause de rupture du principe de la gratuité et, par suite, de

l’égalité. En somme, ce principe demeure un idéal difficilement atteint, en l’absence

d’un système d’aide juridictionnelle efficace. Dans tous les cas, ces principes

directeurs de l’activité judiciaire en matière civile sont appelés à être

quotidiennement mis en œuvre par le personnel judiciaire dont le maillon important

est constitué des magistrats.

Section II – Le personnel judiciaire

La justice civile est animée par un personnel au sein duquel les magistrats

jouent un important rôle. Ce sont eux, en effet qui incarnent la justice, qu’ils soient

du siège (magistrature assise), ou du parquet (magistrature debout). Le magistrat qui

exerce dans une formation juridictionnelle est généralement appelé juge. Plus

spécifiquement, il s’agit de celui qui exerce au siège. Mais tous les juges ne sont pas

des magistrats. En effet, certaines personnes sont membre d’une formation

juridictionnelle sans être des magistrats. Exemples : certains juges à la chambre

administrative de la Cour suprême, les juges à la chambre des comptes de la Cour

suprême. C’est qu’ils sont ainsi désignés compte tenu de leur qualification

professionnelle et conformément aux dispositions de la loi.

Les magistrats sont des fonctionnaires intégrés dans un corps spécial, celui de

la magistrature. Ils sont régis par la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de

la magistrature. Indépendants quand ils exercent au siège et inamovibles sauf leur

accord, les magistrats sont soumis à un régime particulier de protection et

d’obligations. Ils sont nécessairement impartiaux à l’égard des justiciables lesquels

pourraient, lorsqu’ils relèvent des cause d’impartialité à leur encontre, les récuser.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Les magistrats sont accompagnés dans leur mission par les greffiers dont la fonction

est de tenir la mémoire du tribunal et d’assister les juges. D’autres corps de métiers

accomplissent des fonctions diverses au sein d’une juridiction. Il s’agit, par exemple,

des secrétaires des greffes et parquets. L’ensemble de ce personnel contribue à la

mise en œuvre de l’activité judiciaire.

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Deuxième partie : Le droit objectif

On définit le Droit objectif (noter que c’est avec D majuscule, par opposition

aux droits subjectifs « d » minuscule) comme l’ensemble des règles de conduites qui

s’imposent aux membres d’une société en ce qu’elles sont assorties de la contrainte

du corps social, c'est-à-dire de la société. En quelque sorte, c’est l’ensemble des règles

de droit. C’est le Droit objectif, c'est-à-dire le droit en relation avec son objet, qui fixe,

à l’égard des sujets, les prérogatives dont chacun dispose, c'est-à-dire les droits

subjectifs de chacun. Pour reconnaître et désigner les règles de Droit objectif, il faut

remonter aux sources du droit, c'est-à-dire à la création du droit : il s’agit de la loi et

de la coutume. On les appelle sources formelles du Droit. Il faut encore rechercher les

autorités du droit, c'est-à-dire celles qui permettent aux règles de droit d’être visibles.

Ces autorités assurent l’interprétation du droit. Il s’agit de la doctrine et de la

jurisprudence. Certains les qualifient de sources interprétatives du droit. Aussi bien,

envisagera-t-on successivement les sources formelles (Chapitre premier) et les

autorités (chapitre second) du Droit objectif.

Chapitre premier : Les sources formelles du droit objectif

Dans un système de droit écrit comme le droit de tradition française, la loi est

la source principale (Section première). La coutume apparaît comme la source

secondaire, quoique importante (Section II).

Section première : La loi

La notion de loi renvoie à deux sens : le sens large et le sens restreint. Lato

sensu, la loi est prise au sens générique : Il s’agira alors de toute règle de droit

formulée par un organe étatique compétent. Que le texte soit pris par le parlement,

par le gouvernement ou par une autorité administrative. Il suffit qu’il soit assorti de

contrainte, c'est-à-dire de la force exécutoire. Mais c’est au sens strict (stricto sensu)

que la loi est le plus souvent désignée, notamment par les chercheurs et les

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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praticiens. Dans ce sens, c’est la règle de droit produite par l’organe législatif dans un

Etat.

Au Bénin, c’est l’Assemblée nationale qui est l’organe législatif. La règle de

droit produite par le pouvoir exécutif et l’administration d’une manière générale

prend le nom de règlement. Nous examinerons les différents types de règlement dans

le paragraphe suivant. Cela dit, un constat s’impose : la multiplicité des normes dans

une société. Comment alors distinguer la loi ? (Paragraphe premier). Ensuite, deux

autres questions : quelle est la force de la loi ? (Paragraphe II) et comment régler les

difficultés de son application dans le temps ? (Paragraphe 3). Lorsqu’il s’agit de

résoudre une question relevant du droit privé, l’étudiant, le chercheur, le praticien ou

l’enseignant est confronté à plusieurs textes de droit écrit. Les confusions qui

accroissent les difficultés sont possibles. Elles rendent nécessaires les distinctions.

Certaines distinctions sont propres à la loi telle qu’elle est définie au sens large : elles

sont consacrées par le droit public (A). D’autres sont spécifiques au droit privé (B).

A – Les distinctions propres au droit public

Rappelons qu’au sens large, la loi s’entend de toute règle de droit qui émane

d’un organe étatique et qui peut être mise en exécution par le biais de la contrainte

publique. Mais la Constitution établit une première distinction entre domaine

législatif et domaine réglementaire. Cette distinction relève du droit public, c'est-à-

dire de la branche du droit qui s’occupe de la création, du fonctionnement, des

attributions des institutions et pouvoirs publics ainsi que des relations qu’ils

entretiennent, les uns à l’égard des autres. La Constitution béninoise a fait cette

distinction en déterminant le domaine de la loi en tant que règle de droit produite

par l’Assemblée nationale. C’est l’article 98 de la Constitution du Bénin qui a

déterminé le domaine de la loi. Selon ce texte : « Sont du domaine de la loi, les règles

concernant :

- La citoyenneté, les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux

citoyens pour l’exercice des libertés publiques ;

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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-les sujétions imposées, dans l’intérêt de la défense nationale et de la sécurité

publique, aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;

- La nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les

successions et les libéralités ;

- La procédure suivant laquelle les coutumes seront constatées et mises en harmonie

avec les principes fondamentaux de la Constitution ;

- La détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ;

- L’amnistie ;

- L’organisation des juridictions de tous ordres et la procédure suivie devant ces

juridictions, la création de nouveaux ordres de juridiction, le statut de la

magistrature, des offices ministériels et des auxiliaires de justice ;

- L’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes

natures ;

- Le régime d’émission de la monnaie ;

- Le régime électoral du Président de la République, des membres de l’Assemblée

nationale et des Assemblées locales ;

- La création des catégories d’établissements publics ;

- Le Statut Général de la fonction publique ;

- Le statut des personnels militaires, des forces de sécurité publique et assimilés ;

- L’organisation générale de l’administration

- L’organisation territoriale, la création et la modification de circonscriptions

administratives ainsi que les découpages électoraux ;

- L’état de siège et l’état d’urgence ».

En outre, dans d’autres domaines, la loi pose les principes fondamentaux : il s’agit,

par exemple, de l’organisation de la défense nationale ; de l’enseignement et de la

recherche scientifique ; des nationalisations et dénationalisations d’entreprises du

secteur public au secteur privé ; du régime de la propriété, des droits réels et des

obligations civiles et commerciales etc.

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Toutes les matières qui ne relèvent pas du domaine de la loi sont du domaine des

règlements, c'est-à-dire du pouvoir exécutif.

Il faut néanmoins souligner :

1°) les matières qui relèvent de la loi par les principes fondamentaux relèvent

également du domaine réglementaire par leur contenu. On dit de ces matières

qu’elles sont partiellement soumises à la loi.

2°) puisque c’est le domaine de la loi qui est délimité, le domaine

réglementaire est plus large. C’est le domaine de la loi qui est restreint.

La sanction de la violation du domaine réglementaire par le parlement est

l’irrecevabilité qui pourrait être opposée à l’examen d’une proposition de loi à

l’Assemblée nationale. En effet, au terme de l’article 104 de la Constitution béninoise,

les propositions, projets et amendements qui ne sont pas du domaine de la loi sont

irrecevables. Cette sanction est prononcée par le Président de l’Assemblée Nationale

après délibération du bureau.

A l’intérieur de la loi, il faut distinguer :

1°) Les lois organiques. Les lois organiques sont celles qui fixent,

conformément à la Constitution, les règles relatives au fonctionnement des pouvoirs

publics (Cour constitutionnelle, Cour suprême, HAAC, CES, HCJ, Assemblée

nationale). L’adoption de ces lois suit une procédure spéciale. Les lois qui ne sont pas

organiques sont des lois ordinaires.

2°) Les lois de finances déterminent les recettes et les dépenses de l’Etat. On

les distingue des lois de règlement par lesquelles l’Assemblée nationale procède au

contrôle de l’exécution des lois de finance, sous la réserve de l’apurement ultérieur

des comptes de la Nation par la Chambre des Comptes de la Cour suprême.

3°) Les lois programmes déterminent les objectifs de l’action économique et

sociale de l’Etat.

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A l’intérieur des règlements, il faut distinguer :

1°) Les ordonnances : ce sont des règlements administratifs, c'est-à-dire des

décrets, qui a pour l’objet une matière relevant du domaine de la loi. C’est une

exception à la délimitation des domaines législatif et réglementaire. Par les

ordonnances, le pouvoir exécutif intervient dans le domaine législatif. Mais cette

intervention est encadrée par la Constitution. D’abord les ordonnances peuvent être

prises par le Chef de l’Etat, dans les circonstances exceptionnelles prévues par

l’article 68 de la Constitution béninoise : « Lorsque les Institutions de la République,

l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des

engagements internationaux sont menacées de manière grave et immédiate et que le

fonctionnement régulier des pouvoirs publics et constitutionnels est menacé ou

interrompu, le Président de la République, après consultation du Président de

l’Assemblée nationale et du Président de la Cour constitutionnelle, prend en conseil

des ministres les mesures exceptionnelles exigées par les circonstances sans que les

droits des citoyens garantis par la Constitution soient suspendus. Il en informe la

Nation par un message. L’Assemblée Nationale se réunit de plein droit en session

extraordinaire. »

Cette disposition a fait l’objet d’assez nombreuses applications de la part des

titulaires respectifs du pouvoir exécutif, notamment en matière économique (mise en

application de la loi des finances par exemple). Or, on a bien observé que les

conditions sont fixées par la Constitution :

· Il faut une menace

· Il faut que cette menace ait un degré de gravité tel qu’elle mette en péril

l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire ainsi que le fonctionnement

régulier des institutions républicaines et les engagements internationaux.

Mais il est juste de préciser aussi que l’appréciation de l’existence et de la gravité du

péril relève du Chef de l’Etat. Il s’agit d’une appréciation discrétionnaire de la

situation. Elle ne peut donc pas faire l’objet de sanction par la Cour constitutionnelle.

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Il suffit que la procédure prescrite par la Constitution soit observée par le Chef de

l’Etat : consulter les président des institutions (Cour Constitutionnelle, Assemblée

nationale) ; informer la Nation par un message. Ensuite, l’article 102 de la

Constitution permet au Gouvernement d’être autorisé par l’Assemblée nationale, à

prendre par ordonnance pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement

du domaine de la loi. Cette autorisation est accordée suivant une loi par l’Assemblée

nationale. Elle permet au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires à

l’exécution de son programme économique sans recourir au parlement.

2°) Il y a ensuite les décrets, pris en conseil des ministres, les arrêtés

ministériels, préfectoraux ou municipaux.

3°) Enfin, sans être exhaustif, on peut citer également les circulaires ou

instructions ministérielles. Ce sont des textes susceptibles d’une application générale

et permanente, à l’instar des décrets et arrêtés. Mais, en principe, ces textes n’ont de

protée qu’à l’intérieur de l’administration concernée.

B – Les distinctions spécifiques au droit privé

A l’intérieur du droit privé, une première distinction oppose les lois

impératives aux lois supplétives. Une seconde distinction détache les lois générales

des lois spéciales.

1 – Les lois impératives et les lois supplétives de volonté

Les lois s’adressent aux particuliers qui doivent s’y soumettre. Mais dans certains

cas, il est permis aux particuliers, sujets de droit, de suppléer, c'est-à-dire substituer

sa propre volonté à celle du législateur : ces lois sont dites supplétives de volonté.

En d’autres termes, la loi ne sera applicable que si les parties n’ont pas exprimé une

volonté contraire. Exemple : le Code des personnes et de la famille a offert aux futurs

époux la possibilité de choisir leur régime matrimonial, c'est-à-dire de fixer par eux-

mêmes les règles auxquelles ils soumettent leur patrimoine. Mais lorsque les futurs

époux n’expriment pas une volonté, un choix, le Code a prévu qu’il leur sera

appliqué le régime de la séparation des biens. Selon l’article 184 du Code : « A défaut

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de contrat de mariage, les époux sont soumis au régime de la séparation des biens ».

La disposition citée de cette loi est supplétive de volonté.

En revanche, l’application d’une loi peut-être rigide et exclure toute volonté contraire

du sujet de droit. On dit d’une telle loi qu’elle est impérative, c'est-à-dire d’ordre

public. L’article 6 du Code civil dispose bien que : « On ne peut déroger, par des

conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs

». Souvent, c’est le législateur qui indique dans le texte de loi que celle-ci est d’ordre

public.

2 – Lois générales et lois spéciales

Une loi peut avoir un domaine plus restreint, une vocation plus étroite. Elle est

alors comparée avec une loi qui a un domaine plus étendu. La première est une loi

spéciale, la seconde, une loi générale. On considère que si le législateur accentue son

attention sur une matière plus étroite, c’est qu’elle lui accorde plus d’importance.

Exemple : on sait qu’il y a des infractions contre les personnes régies par le Code

pénal, et particulièrement, les infractions contre la dignité de la personne (articles 373

et suivants du Code pénal sur les calomnies, injures, révélations de secrets). Mais en

marge de ces dispositions générales, le législateur béninois a pris une loi spéciale : loi

97-010 du 20 août 1997 portant libéralisation de l’espace audiovisuel et dispositions

pénales spéciales relatives aux délits en matière de presse et de communication

audiovisuelle en République du Bénin. En matière de presse, ce texte réprime les

délits d’injure, de diffamation, d’outrage et d’offense. L’interprétation des lois

spéciale est plus restrictive que celle des lois générales. Cela dit, si une loi générale

intervient avant une loi spéciale, la première ne saurait déroger à la seconde : on dit

que par une loi générale, on ne peut pas déroger aux lois spéciales (legi speciali per

generalem non derogatur). Mais, si une loi spéciale intervient avant une loi générale,

on dit que la loi spéciale a partiellement abrogé la loi générale (specialia generalibus

derogant).

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Paragraphe II : La force de la loi

On a vu que, règle de droit, la loi a une force obligatoire que lui prête la

contrainte étatique. Cette force se situe entre deux termes : l’entrée en vigueur et

l’abrogation. Entre les deux termes, la loi aura exercé sa force obligatoire.

A – L’entrée en vigueur de la loi

Pour être opposable aux citoyens, la loi doit être connue de ceux-ci, de chaque

sujet du droit. Normalement, les autorités publiques devraient s’assurer que chacun

ait connaissance de la loi ou, au sens général, de la règle de droit. Ainsi, chaque

citoyen pourrait éviter (on dit aussi évincer) l’application d’une loi en alléguant (en

affirmant, en se justifiant, en soulevant ou en excipant de ce…) qu’il n’a pas eu

connaissance de cette loi. Il ne pourrait donc pas l’appliquer ou se la voir opposer. La

personne qui poursuit serait alors conduite à produire la preuve que celle qui est

poursuivie avait été informée de l’existence de la loi. Cette preuve serait difficile à

établir. C’est pour régler cette difficulté qu’il a été posé le principe (principe général

du droit) « nul n’est censé ignorer la loi », ou, en latin : « Nemo censetur legem

ignorare ». Il s’agit d’une présomption de connaissance de la loi qui pèse sur chaque

citoyen. Cela veut dire que chacun est supposé être informé de l’existence de la loi et

de la connaissance de son contenu. En conséquence, nul ne pourra évincer

l’application d’une loi au motif qu’il ignorait son existence ou son contenu. Mais à

partir de quand le principe est valable ? Le principe n’est applicable qu’à partir de

l’entrée en vigueur de la loi.

La loi entre en vigueur à partir de l’accomplissement de formalités juridiques

successives : la promulgation, la publication et l’épuisement d’un délai légal

d’information des sujets.

1 – La promulgation

La promulgation est l’acte par lequel la loi adoptée est rendue publique. C’est l’acte

par lequel le Président de la République atteste l’existence de la loi votée par

l’Assemblée nationale et donne l’ordre aux autorités publiques de l’observer et la

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faire observer. C’est qu’il ne suffit pas que le parlement élabore la loi et l’adopte pour

la rendre applicable par les citoyens et obligatoire. Il faut encore qu’un

commandement émane de la plus haute autorité du pouvoir exécutif pour faire part

aux citoyens de l’existence de la loi et les engage à s’y soumettre. Au Bénin, c’est

l’article 57 de la Constitution qui est le siège juridique de la promulgation. Selon

l’alinéa 2 de cet article : « Il (le Président de la République) assure la promulgation

des lois dans les quinze jours qui suivent la transmission qui lui en est faite par

Président de l’Assemblée nationale ». Ainsi, lorsque la loi est adoptée (votée) par

l’Assemblée nationale, le président de cette institution la transmet au Président de la

République aux fins (en vue de, pour les besoins de…) de promulgation.

Dans les quinze jours qui suivent cette transmission, le Président de la

République a l’obligation de promulguer la loi. Ce délai est même ramené à cinq (5)

jours en cas d’urgence déclarée par l’Assemblée nationale. Mais le Président de la

République peut éviter la promulgation en demande à l’Assemblée nationale de

réexaminer la loi : il s’agit de la deuxième lecture. A l’issue de cette deuxième

délibération (ou lecture) la loi est transmise à nouveau et le Président de la

République doit la promulguer dans le même délai. A défaut par lui de le faire, la

Cour constitutionnelle, saisie par le Président de l’Assemblée Nationale, déclare la loi

exécutoire, si elle est conforme à la Constitution. En somme, au Bénin, à titre

principal, c’est le Président de la République qui promulgue la loi votée.

Mais à titre exceptionnelle, en cas de défaillance du Président de la République, il y

est procédé par la Cour constitutionnelle, saisie par le Président de l’Assemblée

nationale. Le texte de la promulgation se présente généralement comme suit : «

L’Assemblée Nationale a adopté, le Président de la République promulgue la loi dont

la teneur suit… ». Puis, à la fin du texte, on a la formule suivante : « …La présente loi

sera promulguée comme loi de l’Etat. Fait à …, le (la date de la promulgation) »

La loi promulguée a un numéro d’ordre, en ce qu’elle est inscrite dans une série

annuelle. Exemple : L’Assemblée Nationale a voté le Code des personnes et de la

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famille en 2002 (en fait, une première fois en 2002, puis, à la suite du contrôle de

conformité à la Cour constitutionnelle, une seconde fois en 2004). Dans l’ordre des

lois adoptées en 2002, c’est la loi n°7. Ce Code a été promulgué par le Chef de l’Etat le

14 Août 2004. Le numéro de la loi devient : Loi n° 2002-07 portant Code des

personnes et de la famille du 14 Août 2004.

2 – La publication

La publication est le fait de mettre le texte à la disposition du public, c'est-à-dire

d’assurer l’information du public. Il n’y a donc pas de loi promulguée qui soit

secrète, ou confidentielle. La publication est assurée au moyen d’une insertion au

Journal Officiel (J.O.).

3 – Le délai légal d’information

C’est le délai pendant lequel le Journal Officiel est supposé parvenir au citoyen. A

l’expiration de ce délai, chaque citoyen est présumé avoir connaissance de la loi.

Celle-ci a alors un effet obligatoire. Elle peut être exécutée par voie de contrainte. Le

délai légal est contenu dans un texte très ancien : un décret-loi du 5 novembre 1870.

Quel est ce délai ? La loi entre en vigueur dans le délai d’un jour franc après sa

publication au journal officiel. Pourquoi dit-on que le délai est franc ? Un délai est dit

franc lorsque, en évaluant le délai, (en droit, on dit en computant le délai), on ne

compte pas le premier jour (dies a quo) ni le dernier jour (dies ad quem). Exemple :

Une loi a été promulguée le 24 Août 2009. Elle est publiée au journal officiel, dans sa

parution du 15 septembre 2009. En principe, le délai légal de part du 15 septembre et

prend fin le 16 septembre. Mais le premier jour, le dies a quo, c’est le 15 septembre. Il

ne sera pas compté. Le dernier jour, le dies ad quem, c’est le 16 septembre. Il ne sera

pas compter. Conclusion : la loi entre en vigueur à partir du 17 septembre 2009. Les

15 et 16 septembre constituent le délai légal d’information.

B – La force obligatoire de la loi

Une loi entrée en vigueur a une force obligatoire intrinsèque. Elle est, en effet,

un commandement, un ordre de la puissance publique. Disposition générale, elle est

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permanente et, surtout, obligatoire. Le caractère obligatoire n’est pas seulement

intrinsèque. Elle est également extrinsèque. En cela, il peut être fait recours à la force

publique pour assurer l’exécution de la loi. C’est ce qui arrive lorsque, en vertu de la

loi, une personne condamnée refuse de payer. Le créancier peut solliciter les voies

d’exécution forcée, c'est-à-dire les huissiers, les agents de sécurité publique, pour

faire exécuter la loi.

L’effet ou la force obligatoire de la loi s’exerce à l’égard de tous. On dit que la

loi a un effet erga omnes. Ce principe souffre néanmoins des inflexions que nous

avons examinées dans les caractères de la règle de droit. La loi ne s’adresse pas à tous

les êtres humains. Il s’adresse souvent à un groupe particulier. Exemple : les

dispositions du Code des personnes et de la famille sur les effets du mariage ne

s’adressent pas aux célibataires ! Par conséquent, ces dispositions n’ont un effet

obligatoire qu’à l’égard des personnes mariées.

L’autre inflexion dont souffre le principe de l’effet obligatoire est relative à la

distinction entre lois impératives et loi supplétives. Sous cette distinction, on peut

retenir que les lois supplétives n’ont un caractère obligatoire, une force obligatoire

que si les parties n’en n’ont pas disposé autrement. Tel n’est cependant pas le cas des

lois impératives qui ont une force obligatoire absolue. Dans leur cas, la force

obligatoire est absolument irrécusable.

C – L’abrogation de la loi

La vocation de la loi, c’est de garder indéfiniment sa force obligatoire. Mais

celle-ci peut lui être retirée : c’est l’abrogation. Il y a deux modes d’abrogation :

1°) L’abrogation expresse : la loi nouvelle, dans son article final le plus

souvent, déclare formellement abroger les dispositions antérieures qu’elle précise.

2°) L’abrogation tacite : les dispositions de la loi nouvelle sont incompatibles

avec celles de la loi ancienne. Totalement ou partiellement. On verra comment régler

les conflits éventuels entre la loi nouvelle et celle ancienne dans le cadre de

l’application de la loi dans le temps. Certains trouvent dans le non usage de la loi une

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abrogation tacite qu’ils qualifient de désuétude. Mais en réalité, la loi ne disparait

guère par désuétude. Seule l’abrogation permet de lui retirer sa force obligatoire.

Paragraphe III – L’application de la loi dans le temps

Lorsqu’une loi nouvelle entre en vigueur, à quelles situations s’applique-t-elle

? Saisit-elle les situations déjà accomplies ou en cours d’exécution ou s’applique-t-elle

aux situations à venir ? La question ne manque pas d’intérêt. Supposons que, avant

le déroulement des épreuves de l’examen du baccalauréat, la loi en vigueur disposait

que pour devenir boursier en première année à l’université, il faut avoir une note

supérieure ou égale à 14 sur 20 à l’examen et être âgé de moins de 25 ans. Après la

rentrée universitaire, les députés ont voté une loi nouvelle qui fixe la moyenne à

15/20 et l’âge à moins de 22 ans. Si on décidait que la loi nouvelle devrait saisir les

situations accomplies avant son entrée en vigueur, ceux qui ont eu le bac avant sa

promulgation devront remplir les nouvelles conditions. Mais si on décidait que la loi

nouvelle ne devrait régir que les situations à naître après sa promulgation, ceux qui

ont déjà eu le bac seront soumis aux conditions de l’ancienne loi. Dans le premier cas,

on dira que la loi a un effet rétroactif ; alors que dans le second, elle n’aura eu d’effet

que pour l’avenir. L’histoire du droit français permet de constater que la Révolution

française avait fait des lois délibérément rétroactives. En 1794, elle avait déclaré

applicable dans toutes les successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, même celles

qui étaient déjà liquidées, la nouvelle loi successorale qu’elle avait promulguée. Il

s’ensuivit une remise en cause des droits et des propriétés ainsi qu’un ébranlement

de la sécurité juridique. La législation postérieure a entendu réagir contre ce

souvenir.

Déjà, la Constitution du Directoire (Constitution de l’An III, c'est-à-dire de

l’année 1792, parce que selon le calendrier révolutionnaire, l’An I, c’est 1789) avait

disposé que aucune loi, ni criminelle, ni civile, ne peut avoir d’effet rétroactif.

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C’est en cette circonstance que le Code civil est promulgué en 1804. Elle adopte la

solution formulée par la Constitution de l’An III et, en son article 2, dispose : « La loi

ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». La loi n’est donc pas

rétroactive et ne s’appliquera pas, en principe, aux situations juridiques accomplies

avant son entrée en vigueur : c’est le principe de la non rétroactivité. Mais quelle est

la portée de ce principe ? De la lecture de l’article 2 du Code civil, il convient de

retenir deux règles principales :

· Le principe de la non rétroactivité s’impose au juge

· Le principe de la non rétroactivité ne s’impose pas au législateur

A – Le principe de la non-rétroactivité s’impose au juge

Lorsqu’un juge est saisi d’une nouvelle loi qui ne contient aucune disposition

quant à son application dans le temps, il a le devoir de l’appliquer d’une manière

non-rétroactive. C’est le sens de l’article 2 du Code civil. Si nous reprenons le cas de

la nouvelle loi relative à l’attribution des bourses d’étude, elle ne s’appliquera pas à

ceux qui ont eu le bac avant sa publication au J.O. Ceux-ci resteraient soumis à

l’ancienne loi. Le principe de la non-rétroactivité conduit ainsi à la survie de la loi

ancienne qui va empiéter sur la période postérieure à son abrogation. Comment

déterminer alors les terrains successifs de l’ancienne loi et de la nouvelle ? Deux

théories s’affrontent : la théorie classique et la théorie moderne.

1- La théorie classique

Cette théorie considère qu’une loi nouvelle, à peine d’être rétroactive, ne peut pas

toucher aux droits qui sont déjà acquis au profit d’une personne. En revanche, elle

peut modifier ou supprimer les simples expectatives de cette personne : C’est la

théorie des droits acquis. Aux droits acquis, on oppose les simples expectatives, qui

sont des attentes, des espérances. Le droit acquis est celui qui est entré dans le

patrimoine du bénéficiaire, c'est-à-dire du sujet du droit. Un tiers ne peut le mettre en

cause. Pour d’autres, le droit acquis est celui qui peut être exercé en justice. C’est

donc le droit muni d’une action alors que le titulaire d’une simple expectative ne

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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peut encore agir en justice, même pour la conservation de son espérance. Dans notre

cas, si ceux qui ont obtenu le bac avant la publication de la nouvelle loi avaient déjà

déposé leurs dossiers et été retenus, il y a bien des droits acquis. La nouvelle loi ne

peut plus les remettre en cause sans violer l’article 2 du Code civil. La loi nouvelle

continue de recevoir application en dépit de son abrogation par la loi nouvelle : il y a

survivance de la loi ancienne. Mais si les dossiers n’avaient pas encore été déposés et

les candidats à la bourse retenus, il n’y aurait que simple expectative. La loi nouvelle

pourrait être appliquée à cette situation.

2- La théorie moderne

Elle est constituée par la distinction proposée par Paul ROUBIER de l’effet immédiat

et de l’effet rétroactif. Selon cet auteur, toute loi a, en principe, un effet immédiat.

Seul l’effet rétroactif est interdit par l’article 2 du Code civil. En schématisant cette

distinction, on peut retenir que la loi nouvelle saisit immédiatement les situations

juridiques en cours mais ne saurait modifier les conséquences que cette situation a

déjà produites. Quelle que soit la théorie adoptée, on admet que les contrats en cours

d’exécution doivent continuer à être régis par la loi qui était en vigueur au jour où ils

ont été conclus. Pour ces contrats, il y a survie de la loi ancienne : la volonté des

contractants qui n’ont connu que cette loi, tient en respect l’effet immédiat de la loi

nouvelle. Il n’en est autrement que lorsque la loi nouvelle est d’ordre public. La

volonté des contractants est impuissante contre l’ordre public. Il faut également

considérer par application de la théorie de l’effet immédiat, la loi nouvelle de

procédure est d’application immédiate. On entend par loi de procédure les lois

d’organisation judiciaire, celles qui sont relatives aux procédures de saisine des

juridictions, celles qui règlent la conduite des procédures ainsi que l’exécution des

décisions rendues et les voies de recours. Enfin, en matière pénale, les lois nouvelles

plus douces sont d’application immédiate.

B – Le principe de la non-rétroactivité ne s’impose pas au législateur

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En raison de ce que le Code civil lui-même, a fortiori l’article 2, est une loi et, en

plus, une loi ordinaire, le législateur peut s’en affranchir ou l’aménager.

· Il peut s’en affranchir de deux manières : soit en édictant des lois expressément

rétroactives, soit en adoptant des lois interprétatives. Dans le premier cas, c’est le

législateur qui déclare que la loi aura des effets rétroactifs. Dans le second cas, le

législateur élabore une loi pour trancher les difficultés d’interprétation qu’avait

soulevé le premier texte devant les tribunaux. La loi interprétative fait corps avec la

loi interprétée. Elle a le même domaine d’application que la loi interprétée. La loi

interprétative s’appliquera ainsi aux faits antérieurs à son entrée en vigueur.

Il peut l’aménager par des dispositions transitoires qui fixent les champs

respectifs d’application de la loi ancienne et de la loi nouvelle. Il faut néanmoins

préciser qu’étant une loi, les règlements devront se conformer à l’article 2 du Code

civil. Par conséquent, l’Administration commettrait un abus de pouvoir si elle

conférait à ses décrets ou arrêtés un effet rétroactif : le principe de la non-rétroactivité

s’impose donc au pouvoir exécutif. Il faut encore préciser que contrairement au droit

pénal, le principe de la non-rétroactivité n’a pas une valeur constitutionnelle en

matière civile. En effet, en matière pénale, le principe a une valeur constitutionnelle

de sorte que la Cour constitutionnelle peut déclarer une loi pénale rétroactive

contraire à la Constitution. Ce qui n’est pas le cas en droit civil.

Section II : La coutume

La coutume est définie comme la règle de Droit objectif fondée sur une

tradition populaire : le consensus utentium. La coutume prête à une pratique

constante et a un caractère juridiquement contraignant. Au XIXè siècle, la doctrine

avait récusé le fait que la coutume fût une source de droit en raison du culte de la loi

et de la légalité auquel elle procédait. Mais il est à présent acquis que la coutume est

bien une source du Droit objectif. Elle se présente sous deux formes : la coutume

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proprement dite, d’origine populaire et la coutume savante, produit de la pratique

des juristes.

Paragraphe premier : La coutume d’origine populaire

La coutume a, en dépit du développement de la culture de l’écriture, un

domaine important, notamment en droit civil. En cette matière, la coutume tient sa

légitimité, soit en vertu d’un renvoi, d’une délégation de la loi, soit en vertu d’un

pouvoir propre.

A – Le pouvoir délégué de la coutume

La loi renvoi à la coutume, le règlement de certaines situations. Ce renvoi est

tantôt exprès, tantôt implicite.

1 – Le renvoi exprès de la loi à la coutume

L’article 1135 du Code civil renvoie expressément au respect des usages

conventionnels à l’occasion de l’exécution des obligations contractuelles. Ce sont les

pratiques spéciales à une profession que les particuliers suivent dans les conventions

qu’ils concluent. Ces pratiques sont tellement habituelles entre les parties que les

juridictions considèrent qu’elles sont sous entendues, les contractants étant censés s’y

être implicitement référés, toutes les fois qu’ils ne les ont pas expressément écartées.

2 – Le renvoi implicite de la loi à la coutume

Au sens large, les coutumes entrent dans l’analyse de certains concepts juridiques. Il

s’agit, par exemple du concept de bonnes mœurs que l’on retrouve dans les articles 6

et 1133 du Code civil. Il en est également ainsi de la notion de bon père de famille. La

définition de ces concepts prend en compte des références du milieu dans lequel on

se place. Même la notion de faute, de l’article 1182 du Code civil n’échappe pas, pour

sa détermination, aux considérations liées à la coutume. La faute s’appréciant, à

certains égards, in concreto, c'est-à-dire en considération des circonstances de fait qui

sont, dans la plupart des cas, liées aux usages.

B – Pouvoir autonome de la coutume

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La coutume est-elle, comme la loi, remplie d’une force obligatoire, hormis les

cas de renvoi explicite ou implicite du législateur ? La question les controverses

doctrinales. Les réponses diffèrent suivant que la coutume prétend aller contre la loi

(contra legem) ou celle qui a vocation de se mettre à côté de la loi pour en combler les

lacunes éventuelles (praeter legem).

1 – Le cas des coutumes contra legem

La coutume peut aller contre une loi supplétive ou interprétative de volontés des

parties. Elle peut également aller contre une loi impérative.

En ce qui concerne la loi supplétive ou interprétative il est admis qu’une coutume

puisse prospérer à leur encontre. La raison est que, par hypothèse, les particuliers

pourraient stipuler dans le sens contraire de telles lois. Or, la coutume est

l’expression de la volonté répétitive d’une masse de contractants. On en déduit que la

coutume contra legem peut aller contre une loi supplétive ou interprétative.

En ce qui concerne la loi impératives, il n’est pas admis de dérogation, ni de la part

des particuliers, ni en vertu d’une coutume.

2 – Le cas des coutumes praeter legem

Il y a des coutumes qui, en quelque sorte, coexiste avec la loi, comblent au besoin, ses

lacunes. C’est ainsi que, pendant longtemps, la coutume qui a voulu que la femme

mariée porta le nom de son mari survit avec la loi sur les personnes et la famille.

Paragraphe II – La coutume d’origine savante

Ce sont des règles inspirées de la tradition juridique. Elles se manifestent de

deux manières : Les maximes juridiques et les principes généraux du droit.

1 – Les maximes juridiques

Ce sont des proverbes ou des adages juridiques. Les maximes sont des formulations

brèves et condensées, d’origines savantes, d’expression latine ou française.

On peut en citer quelques uns :

· Accessorium sequitur principale (L’accessoire suit le principal)

· En fait de meubles possession vaut titre

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· Pacta sunt servanda (Les conventions doivent être respectées)

· Error communis facit jus (l’erreur commune se transforme en droit).

2-Les principes généraux du droit

Ce sont des principes admis par la jurisprudence. Elles relèvent, pour l’essentiel, de

la philosophie du droit naturel. C’est l’expression des droits fondamentaux qui

s’imposent même à la loi. Mais si sous chaque maxime, il y a un principe général du

droit, tout principe général de droit ne constitue pas une maxime. Par exemple, il est

admis que nul ne peut s’enrichir sans cause aux dépens d’autrui. On peut aussi citer

le principe du nominalisme monétaire : Un franc quelle que soit l’époque a la même

valeur, en dépit des fluctuations constatées.

Chapitre II : Les autorités en droit

S’il est vrai qu’on ne saurait établir la règle de droit hors la coutume et la

jurisprudence, il est également admis que celles-ci ne sont pas des sources du droit.

Elles constituent plutôt des autorités en droit. On s’en inspire pour éclairer

législateur, décideurs et sujet du droit. Elles permettent d’enseigner la matière c'est-à-

dire d’en transmettre le contenu.

Section première : La jurisprudence

Il faut d’abord définir la jurisprudence avant de rechercher sa force.

Paragraphe premier : La définition de la jurisprudence

Si on prenait en compte l’étymologie du mot, on considèrerait que la

jurisprudence comme « la science du droit », c'est-à-dire « prudentia juris ». Au sens

concret, la jurisprudence est l’ensemble des décisions de justice rendues pendant une

certaine période, soit dans l’ensemble du Droit, soit dans une matière déterminée

(jurisprudence en matière de divorce) soit dans une branche précise du Droit

(jurisprudence commerciale). Le mot désigne aussi, au sens substantiel, l’ensemble

des solutions apportées par les décisions de justice dans l’application du Droit. C’est

encore la pratique judiciaire, c'est-à-dire l’habitude prise par les tribunaux

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d’appliquer une règle de droit d’une certaine façon. C’est une façon habituelle de

juger dans tel ou tel sens. Ainsi on dit d’un jugement ou arrêt important qu’il a fait

jurisprudence, si d’autres juges ont commencé par suivre la solution contenue dans

cet arrêt. Quand on évoque le « revirement » de jurisprudence, c’est qu’une nouvelle

décision est venue mettre fin à la manière habituelle suivant laquelle les décisions

étaient rendues ; elle fournit une nouvelle solution. La jurisprudence peut être «

constante », « établie » c'est-à-dire que la même solution est toujours donnée depuis

un temps assez long. La répétition dans le temps est le premier élément de la

jurisprudence. Elle se présente comme une succession de jugements, c'est-à-dire de

décisions de justice.

Mais pour constituer véritablement une jurisprudence, les décisions qui se

succèdent dans le temps doivent être rendues dans le même sens : c’est le second

élément de la jurisprudence. C’est cette similitude de solutions qui crée la

jurisprudence. C’est parce qu’elle établit une manière de juger, qu’elle impose une

solution aux espèces (aux cas) de même nature, que la jurisprudence est une autorité

en droit. Mais on évoque déjà sa force.

Paragraphe II : La force de la jurisprudence

Le droit, dans les Etat de tradition juridique française, ne reconnaît pas la

jurisprudence comme une source formelle du Droit. Trois raisons justifient cette

proposition :

1°) Le juge est lié par la loi. Il est chargé de dire le droit. Il ne peut pas en créer.

L’article 5 du Code civil dispose même que : « Il est défendu aux juges de prononcer par

voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumise ».

Autrement dit, les juges ne doivent pas procéder comme le législateur. Si un juge

agissait ainsi, il aurait prononcé un arrêt de règlement. Ils se contentent d’appliquer

la loi aux espèces qui leur sont soumises. Le juge statue ainsi en droit, c'est-à-dire ne

tranche les litiges qu’en vertu de la loi. Il est subordonné à la loi. La Cour suprême

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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(Cour de cassation française) veille à ce que le droit soit respecté par le juge en

sanctionnant les décisions qui ne sont pas conformes à la loi. Elle est alors saisit par

voie de pourvoi en cassation. La Cour suprême ou Cour de cassation française est

également soumise à la loi.

2°) Le juge n’est pas lié par les précédents judiciaire comme dans les Etats

anglo-saxons. Lorsqu’il est saisi, il est libre, en principe, d’apporter la solution qu’il

juge appropriée au litige. C’est le corollaire, c'est-à-dire la conséquence naturelle de

la prohibition des arrêts de règlement de l’article 5 du Code civil. Dans la conception

anglo-saxonne, particulièrement britannique, le précédent judiciaire a une force

obligatoire : devant une espèce similaire, le juge est tenu d’appliquer la solution

établie par un autre juge. Il s’en tient à cette solution dégagée par la décision

précédente : c’est ce qu’on appelle la stare decisis.

3°) Pour justifier sa décision, le juge ne peut pas se contenter d’invoquer un

précédent judiciaire. Le précédent ne peut pas servir de fondement à sa décision.

Il faut néanmoins relever, à la suite de ces développements, que le juge ne peut pas

refuser de juger sous prétexte du silence ou de l’obscurité de la loi. C’est cette

interdiction que formule, à son égard, l’article 6 du Code civil. A partir de cette

disposition, certains considère que la jurisprudence met en œuvre le pouvoir

d’interprétation du juge. Ce pouvoir d’interprétation conduit finalement, à l’aide des

méthodes et procédés étudiés, à créer le droit, en faisant œuvre prétorienne. Dans le

silence de la loi, le juge statue également en équité. L’équité c’est l’idéal de la justice.

C’est l’égalité parfaite, absolue. C’est la conscience que chacun a de la justice. Enfin,

elle est finalité de la justice, selon les théories du droit naturel. Il est juste cependant

de retenir, que même à cet égard que la jurisprudence reste une autorité. Elle

provoque en fait des réformes, en appelant le législateur à adopter de nouvelles lois.

Section II : La doctrine

On définit la doctrine comme une « opinion communément professée par ceux

qui enseignent le Droit ». C’est ce que les romains appellent la « communis opinio

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doctorum). La doctrine s’étend aussi à ceux qui, sans même enseigner le Droit, écrit

sur la discipline. C’est suivant ce sens que la Doctrine s’oppose à la jurisprudence.

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Troisième partie : Les droits subjectifs

Le Droit objectif reconnaît aux individus des prérogatives. Ceux-ci peuvent en

jouir sous la protection de l’Etat. Les prérogatives reconnus par le Droit objectif au

profit des individus sont des droits individuels encore appelées droits subjectifs. Ce

sont les droits attachés ou liés à la personne, c'est-à-dire au sujet (droits subjectifs).

Pour certains, le droit subjectif est un pouvoir de vouloir, c'est-à-dire l’aptitude à

exprimer par sa volonté, ses besoins et à les satisfaire. Pour d’autres, c’est un intérêt

pris en considération par le droit, un intérêt juridiquement protégé. Ce qu’on peut

retenir, la notion de « droits subjectifs » est si présente en droit privé qu’en dépit des

attaques dont elle a fait l’objet qu’elle en constitue l’un des piliers. La notion de droits

subjectifs a particulièrement été présentée par un auteur célèbre Paul ROUBIER, qui

lui préfère néanmoins celles de « situations juridiques ». L’étude des droits subjectifs

suppose d’abord celle de la création de ces droits (Chapitre premier) puis celle de

leur réalisation (Chapitre II).

Chapitre premier : La création des droits subjectifs

L’être humain ou l’individu à des pouvoirs, c'est-à-dire, au sens du droit

privé, l’aptitude qui permet d’agir sur la personne ou la chose d’autrui. Parmi ces

pouvoirs, (on peut dire aussi « prérogatives »), certains sont fixés par le Droit objectif

: ce sont les droits subjectifs. Mais d’autres ne relèvent pas de la règle de droit : ce

sont des pouvoirs de fait, c'est-à-dire des maîtrises purement matérielles. L’exemple

souvent cité est la possession. C’est la détention de fait d’une chose par une personne

qui se comporte comme le propriétaire. Exemple : le voleur d’un vélo en usera

comme s’il était le propriétaire alors qu’il n’est qu’un simple possesseur. On oppose

la possession à la propriété. Ce sont les pouvoirs organisés par le Droit objectif qui

feront l’objet de la présente section. Il faut d’abord envisager la création des droits

subjectifs en relation avec les différentes catégories ou espèces de droit (Section

première) avant de l’étudier au regard des sources des droits subjectifs (Section II).

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Section première : Les catégories de droits subjectifs

Le pouvoir que réalise un droit subjectif peut tendre vers une personne (droit

personnel) ou vers une chose (droit réel). Les droits personnels et réels permettent de

saisir, dans son concept et son contenu la notion de patrimoine. P. ROUBIER, Droits

subjectifs et situations juridiques, DALLOZ, Paris, 2005, 451 pages.

Paragraphe premier – Les droits personnels

Si nous reprenons la définition du droit subjectif comme le pouvoir qui admet

un individu à agir sur la personne ou le patrimoine d’autrui, on relève que l’individu

peut exercer ce pouvoir sur une personne. Le droit personnel est celui qu’a une

personne (appelée le créancier) d’exiger d’une autre personne (appelée le débiteur)

une prestation, c'est-à-dire une obligation consistant à donner, à faire ou à ne pas

faire quelque chose. Le droit personnel est encore appelé le droit de créance. Il

consiste en un rapport de droit entre deux personnes. Ce qui apparait comme « droit

» du point de vue du créancier, est considéré comme « obligation » ou la « dette » du

point de vue du débiteur. « droit » et « obligation » sont alors les deux faces d’une

même pièce. Du côté actif, c’est le droit, du côté passif, c’est l’obligation. Entre le

droit et l’obligation, il y a un rapport juridique, le droit de créance.

L’obligation peut être définie comme un lien de droit (vinculum juris), en vertu

duquel le débiteur se trouve lié, à l’égard du créancier, et sous la contrainte étatique,

à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. Exemple : du contrat de vente, naît,

pour le vendeur le droit de recevoir le prix de la chose vendue et l’obligation de

remettre celle-ci à l’acquéreur. Corrélativement, ce contrat fait naître, pour

l’acquéreur, le droit de recevoir la chose et l’obligation de payer le prix. Il convient de

souligner que, comme le droit ne se confond pas avec la morale, l’obligation

juridique ne peut être assimilée au devoir moral. Dans le devoir moral (apporter

secours et assistance à son frère, en lui fournissant une pension alimentaire), il n’y a

pas de contrainte étatique tandis que l’obligation juridique est marquée par la

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contrainte étatique (ce qui ne fournit pas secours et assistance à son ascendant dans

le besoin peut y être contraint par le juge).

Néanmoins, celui qui satisfait au devoir moral d’assistance et de secours à

l’égard de son frère dans le besoin accomplit une obligation naturelle que l’on oppose

à l’obligation civile en raison de ce que celle-ci est sanctionnée par les règles du droit

civil. Seulement, lorsqu’on exécute une obligation naturelle, on ne peut pas solliciter

la restitution, c'est-à-dire la répétition de ce qui est payé.

Trois éléments caractérisent le droit de créance ou droit personnel.

Il y a d’abord le pouvoir reconnu au créancier par la règle de droit. Ce pouvoir donne

au droit un caractère très personnel. C’est même pour cette raison qu’on le désigne

par droit personnel. Ensuite, le sujet passif du droit de créance est déterminé : c’est le

débiteur. C’est lui qui a la charge d’exécuter l’obligation. C’est un droit limité au

rapport entre créancier et débiteur. On dit ainsi que le droit de créance est relatif.

Enfin, le troisième élément est l’objet du rapport de créance, c'est-à-dire la prestation.

Il peut s’agir d’une action (un fait positif) ou d’une abstention (un fait négatif).

Paragraphe II – Les droits réels

Alors que dans le droit personnel ou droit de créance, le pouvoir est exercé sur

une personne, dans le droit réel, le pouvoir est exercé sur une chose. Ce pouvoir

permet de retirer de la chose tout ou partie de ses utilités économiques.

On caractérise le droit réel d’abord par le pouvoir du sujet actif : Il a les pouvoirs

cumulés de la propriété que nous définirons dans le paragraphe suivant : l’usus, le

fructus et l’abusus.

On caractérise le droit réel aussi par son objet : il s’agit d’une chose, suivant la

détermination et les distinctions proposées au paragraphe suivant.

Enfin, le troisième élément caractéristique du droit réel est le sujet passif. Pour

certains auteurs, dont PLANIOL, le sujet passif est indéterminé. Ce sont les

personnes entre les mains de qui le bien pourrait se retrouver.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Aussi, faut-il bien définir les « choses » et procéder, à grands traits, à leur

classification.

A – Choses et biens : définitions

La chose est un objet matériel susceptible d’être soumis à un rapport juridique. Le

bien, c’est la chose saisie par le droit et qui procure des avantages à l’homme. La

chose devient bien lorsque l’être humain en tire un ou des profits économiques. Si la

chose est une donnée de la nature, le bien est, au premier degré, une émanation de la

chose. Le bien est d’abord perçu comme la chose matérielle susceptible

d’appropriation. C’est la chose qui procure une jouissance, une utilité économique.

En quelque sorte, c’est la chose regardée par l’homme, sous sa maîtrise ou

domination, pour son usage et son épanouissement.

B – Choses et biens : classification

La division fondamentale (on parle de summa divisio) a pour siège l’article 516

du Code civil : « Tous les biens sont meubles et immeubles ». Il s’en dégage l’idée de

la division des biens. Mais si les biens sont réels, les droits qui portent sur eux le sont

aussi. Ils font l’objet également de classification.

1-La classification des biens

Il faut considérer d’abord les immeubles ; il faut considérer ensuite les meubles.

a : Les immeubles

Au titre de l’article 517 du Code civil : Les biens sont immeubles, ou par leur nature,

ou par leur destination, ou par l’objet auquel ils s’appliquent ».

Sont immeubles par leur nature, le sol et tout ce qui s’y attache, notamment les

bâtiments, les arbres etc. Ce sont des biens que l’on ne peut mouvoir, c'est-à-dire

déplacé et qui ne peuvent pas non plus être mû.

A cette catégorie, il faut ajouter des biens qui ne sont pas immeubles mais qui sont

destinés à servir ceux-ci. Ce sont les objets qui permettent d’exploiter le sol et les

bâtiments. Ils sont si attachés aux immeubles qu’on ne peut pas en disposer (vendre,

saisir…) séparément : ce sont les immeubles par destination, c’est-à-dire des biens

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mobiliers destinés à mettre en valeur les immeubles. En fait, c’est en vertu de la

théorie de l’accessoire (accessorium sequitur principale : l’accessoire suit le principal)

qu’on les traite comme des immeubles.

Enfin, la troisième catégorie d’immeuble est beaucoup plus artificielle : il s’agit des

droits qui portent sur les immeubles. Ce sont les immeubles par l’objet auquel ils

s’appliquent. Exemple : Une personne a le droit de percevoir toute sa vie durant des

revenus sur un bien. Ce droit est lui-même regardé comme un bien. S’il porte sur un

meuble, il sera mobilier, s’il porte sur un immeuble, il sera immobilier.

b : Les meubles

Tout ce qui n’est pas immeuble, est meuble. L’article 527 du Code civil distingue

néanmoins entre les meubles par nature et les meubles par détermination de la loi.

Les meubles par nature sont les choses mobile, c'est-à-dire « les corps qui peuvent se

transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, comme les

animaux, soit qu’ils ne puissent changer de place que par l’effet d’une force

étrangère, comme les choses inanimées » (article 528 du Code civil). Exemples : les

animaux, les véhicules à moteur, le navire, l’aéronef etc.

Cependant, de manière artificielle, le législateur a décidé que certains droits sont

également des meubles : ce sont des meubles par détermination de la loi. Il s’agit, par

exemple, des droits personnels comme le droit de créance. Il s’agit également des

droits des associés dans une société ainsi que les valeurs mobilières. C’est la notion

de meuble par détermination de la loi qui inspire une autre distinction des biens : les

biens corporels, sensibles au toucher, qui tombent sous le sens (les immeubles et les

meubles selon la réalité physique), et les biens incorporels, dont l’existence, forgée

par le droit est une abstraction.

Mais cette abstraction représente pour l’homme une valeur économique. Il y a

les biens incorporels relatifs : ce sont les droits dont l’objet, médiat ou immédiat, est

un bien corporel : l’usufruit, droit de créance. Il y a aussi des biens incorporels

absolus : ce sont des droits qui n’ont aucun support corporels. C’est, par exemple, la

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clientèle d’un commerçant ; le droit pour l’écrivain ou l’artiste, d’exploiter son œuvre

pour en tirer des bénéfices (la propriété littéraire ou artistique). Les droits incorporels

absolus sont toujours traités comme des meubles. Mais l’on tente déjà de proposer

une classification des droits.

2-La classification des droits

Il s’agit des droits réels, c'est-à-dire ceux qui portent sur une chose. On distingue les

droits réels principaux des droits réels accessoires.

1°) Les droits réels principaux visent l’utilisation directe des choses, prises dans leur

matérialité. Ce sont :

- Le droit de propriété (article 544 du Code civil) : « le droit de jouir et disposer des

choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé

par les lois et règlements ». C’est le droit réel le plus connu. Il a trois attributs : l’usus

(le droit de se servir soi-même de la chose : s’asseoir dans ses meubles, conduire sa

moto etc.) ; le fructus (le droit de percevoir les fruits au sens juridique du terme. On

appelle fruit les biens de toutes sortes que rapportent ou produisent certains autres

biens (biens frugifères). Somme d’argent, bien en nature). Les fruits sont produits

périodiquement et n’entament pas la substance du bien. C’est ainsi qu’ils sont

distingué des produits. Ceux-ci entament la substance (le capital) des biens et

peuvent ne pas être périodique. Les fruits peuvent être industriels, civils ou naturels.

Le fruit est industriel lorsque, bien que provenant du bien même qui les produit, ils

sont obtenus par la culture, c'est-à-dire l’activité de l’homme ou son industrie. Les

fruits sont naturels lorsque, provenant du bien même qui les porte, sont le produit

spontané de la terre (fruits des arbres). On les assimile au produit et au croît des

animaux. Enfin, les fruits civils sont obtenus grâce au contrat dont le capital est

l’objet : les loyers et autres revenus en argent procurés par une chose. Enfin, le

troisième attribut du droit de propriété est l’abusus. C’est le droit de disposer de la

chose en l’aliénant.

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- Les démembrements du droit de propriété. C’est d’abord l’usufruit, le droit d’user

et de jouir de la chose. Le titulaire de ce droit est l’usufruitier. Mais celui-ci ne

dispose que deux des trois attributs de la propriété. Le droit de disposer de la chose

appartient au nu propriétaire. Ce sont, ensuite, les servitudes. C’est le droit pour les

propriétaires d’un immeuble de retirer, à perpétuité, certains services d’un immeuble

voisin : servitude de passage, le droit d’aller puiser de l’eau sur le fond voisin.

2°) Les droits réels accessoires.

Ils sont l’accessoire des créances dont ils garantissent le paiement. Ils portent

moins sur la matérialité de la chose que sur la valeur pécuniaire qu’elle représente.

C’est le cas de l’hypothèque (sûreté ou garantie immobilière) et du gage ou du

nantissement (sûreté ou garantie mobilière). On retiendra que le titulaire d’un droit

réel, en ce que son droit porte sur une chose, pourrait poursuivre celle-ci en quelque

main qu’elle puisse se retrouver : on dit qu’il un droit de suite. Mais si la chose est

vendue, le titulaire d’un droit réel est, à l’occasion du paiement (distribution des

deniers), préféré à tous autres créanciers dans les conditions prévues par la loi : on

dit qu’il a un droit de préférence. Droit de suite et droit de préférence sont les deux

effets du droit réel que n’a pas le droit personnel ou droit de créance. Mais les droits

personnels et les droits réels constitue ce qu’on pourrait appeler, si on n’est pas

juriste, la fortune d’une personne et qui est, en droit, appréhendé comme étant le

patrimoine.

Paragraphe III – Le patrimoine

Le patrimoine est un ensemble de biens, des droits et des obligations

envisagés comme formant un tout, c'est-à-dire une universalité, une unité juridique

et attaché à une personne. La théorie du patrimoine a été conçue par deux auteurs

célèbres, Charles AUBRY (1803-1883) et Charles RAU (1803-1887). Selon la théorie

qu’ils élaborent le patrimoine est composé d’un actif et d’un passif.

A l’actif, on retrouve les biens ayant un même propriétaire, des droits ayant un

même titulaire. Mais on n’y intègre que les droits qui ont un caractère pécuniaire : ce

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sont des droits patrimoniaux. Les droits qui n’ont pas ce caractère, et qui ne peuvent

pas être évalué en argent sont appelés des droits extrapatrimoniaux (l’ensemble des

droits civils et politiques attachés à la personne humaines : autorité parentale, droit à

l’image, droits à l’honneur etc.). Les droits extrapatrimoniaux sont encore qualifiés

de droits de la personnalité, en ce qu’ils sont intrinsèquement liés à la personne.

Le patrimoine ne comporte pas que les biens présents. Il est également constitué des

biens futurs. On y comprend les biens dont la personne dispose aujourd’hui ainsi que

les biens qu’elle acquerra par la suite. C’est pour cette raison que les créanciers

peuvent lui faire crédit, en considérant que son patrimoine connaîtra un

accroissement. On dit que le patrimoine d’une personne est le gage général de tous

les créanciers. En cas de non paiement par la personne débitrice, les créanciers

pourront alors se faire payer sur la vente des biens constituant le patrimoine.

A l’intérieur du patrimoine, il peut y avoir des fluctuations des biens composant le

patrimoine. Quand un bien est vendu, il est remplacé par le produit de la vente ou le

bien acquis par ce produit. En fait, le patrimoine est un contenant, un portefeuille. Le

contenu change, varie, évolue.

Au passif, on inscrit les dettes de la personne, ses obligations. En droit et en fait, les

biens, les droits répondent des dettes. C’est le sens des articles 2093 et 2093 du Code

civil. Dans la théorie classique (celle d’AUBRY et de RAU) on voit le patrimoine

comme une émanation et une attribution de la personnalité. Ainsi, toute personne

physique ou morale a un patrimoine. Par conséquent, le patrimoine ne peut pas être

aliéné, sauf transmission pour cause de mort, par voie de succession. En outre, seules

les personnes peuvent avoir un patrimoine. Enfin, une personne ne peut avoir qu’un

seul patrimoine : c’est le principe de l’unité du patrimoine. Ce principe exclu par

exemple le patrimoine d’affectation, c'est-à-dire une masse de biens prélevés par une

personne de son patrimoine et mise au service d’un but précis, de sorte que,

finalement, un individu aurait deux patrimoines. Le patrimoine d’affectation est

admis dans les Etats anglosaxons.

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En France, on en trouve une illustration dans les fondations.

Mais la conception des auteurs classiques est discutée en doctrine (notamment par

PLANIOL), sans cependant être anéantie. Les besoins du commerce ont conduit

certains législateurs, notamment français, à admettre un patrimoine d’affectation.

AUBRY Charles (1803-1883) et RAU Charles (1803-1877), AUBRY est un universitaire

entier et RAU, à la fois un universitaire et un praticien (Avocat). Ils constituent

l’exemple d’une coopération universitaire réussie. Ces deux auteurs sont connus

pour avoir été à l’origine de la théorie du patrimoine. Avant eux, la notion n’existait

pas. Ils la définissent ainsi : « Le patrimoine d’une personne est l’universalité

juridique de ses droits réels et de ses droits personnels proprement dits en tant qu’on

envisage les objets sur lesquels ils portent, sous le rapport de leur valeur pécuniaire,

c'est-à-dire comme des biens ». Cette définition implique que :

- Le patrimoine d’une personne comprend tous ses biens.

- Le patrimoine n’est pas un objet extérieur, mais une abstraction.

Il met l’individu en rapport avec ses droits, qui forment ainsi un tout juridique, une

universalité.

- La personne ne peut, en principe, n’avoir qu’un seul patrimoine.

Mais chaque personne a nécessairement un patrimoine.

- Le patrimoine est un contenant. Peu importe le contenu. L’actif peu dépasser le

passif et vice versa.

Section II – Les sources des droits subjectifs

Il convient de tenter une classification des sources. A la classification classique du

Code civil, les auteurs contemporains opposent une classification moderne.

Paragraphe premier – La classification classique

Afin de remonter aux droits, le Code civil a traité des obligations. Il est bien

entendu que l’obligation, est, en principe, l’envers du droit. On distingue, à cet égard,

cinq sources d’obligations.

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1°) Le contrat. C’est un accord de volontés destiné à créer des obligations. Suivant les

termes de l’article 1101 du Code civil « Le contrat est une convention par laquelle une

ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire

ou à ne pas faire quelque chose ».

2°) Le quasi-contrat. C’est un fait volontaire, licite, qui oblige son auteur envers les

tiers, parfois les tiers envers lui. Exemple : le toit de l’appartement d’une personne

absente menace de s’écrouler. Son voisin le répare, sans l’accord, bien évidemment,

de la personne absente. Il n’y a pas « accord de volontés » qui forme un contrat. Mais

il y a presque (quasi) un contrat. On considère que si la personne absente avait été

présent, il admettrait la réparation ou réparerait elle-même le toit.

3°) Le délit (civil). C’est un fait illicite volontaire et même intentionnel. C’est le fait de

causer dommage à autrui avec l’intention de le causer. De cette faute intentionnelle,

découle l’obligation de réparer le dommage ou préjudice. C’est le sens (et le siège de

ce délit) de l’article 1382 du Code civil : « tout fait quelconque de l’homme qui cause

dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

4°) Le quasi-délit. C’est un fait illicite volontaire mais non intentionnel. C’est la faute

de négligence ou d’imprudence (article 1383 du Code civil). Exemple : en voulant

mettre une chaise dans l’amphi afin de mieux suivre le cours de l’introduction à

l’étude du droit, un étudiant piétine et blesse l’un de ses camarades. En roulant trop

vite, un autre tue un piéton.

5°) La loi. Elle fait naître parfois des obligations en dehors de toute volonté. Il en est

ainsi des obligations des père et mère à l’égard de leur enfant mineur.

La doctrine moderne a proposé une autre classification.

Paragraphe II – La classification moderne

Elle se fonde sur la distinction entre acte et fait juridiques.

L’acte juridique est toute manifestation de volonté destinée à produire des effets de

droit. Il peut s’agir de la manifestation d’une seule volonté : on parlerait d’acte

juridique unilatéral. Exemple : le testament (acte dans lequel une personne exprime

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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ses dernières volontés et dispose pour le temps ou elle ne vivra plus, de tout ou

partie de ses biens au profit d’une ou de plusieurs personnes).

Il peut s’agir de l’accord de plusieurs volontés dirigées vers le même but (acte

juridique bilatéral ou plurilatéral). Exemple : le contrat ou la convention.

Le fait juridique est, soit un événement purement matériel, vide de tout contenu

volontaire (la foudre, le décès, les éruptions volcaniques etc.), soit d’un agissement

animé d’une certaine volonté, d’où découlent des effets de droit, mais sans que ces

effets aient été recherchés (exemple : le changement de domicile conduit à la

substitution d’un tribunal compétent à un autre).

Chapitre II : La réalisation des droits subjectifs

L’existence des droits subjectifs serait sans pertinence lorsque la règle de droit

est sans effet sur leur réalisation. La réalisation des droits subjectifs devient une

donnée importante de leur protection. Cette protection est nécessaire à la jouissance

des droits. La protection est inscrite dans des délais, c'est-à-dire le temps qui est

accordé par la loi en vue de l’exercice d’un droit. On parle de délai légal.

Mais le délai peut être contenu dans un contrat : on parle de délai conventionnel.

Lorsqu’on agit hors le délai, le droit ne se réalise pas. Il n’est pas protégé. Le titulaire

du droit est forclos. La forclusion est la déchéance de la faculté d’agir, à la suite de

l’écoulement du délai prévu par la loi, par le contrat ou une décision de justice, pour

accomplir une formalité, poser un acte juridique, exercer une voie de recours. Dans

certains cas, le sujet frappé de la forclusion peut en être relevé, comme c’est le cas en

droit OHADA en matière de procédures collectives d’apurement du passif, lorsque le

créancier n’a pas pu produire sa créance dans le délai légal.

Le temps agit ainsi sur le droit par l’effet de la prescription. Le délai de

prescription est celui au terme duquel les droits subjectifs s’éteignent à la suite de

l’écoulement d’un temps. Le délai de prescription, en droit commun est de 30 ans.

Mais la prescription peut être abrégée. Cela dit, c’est la preuve qui permet au sujet

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d’assurer une protection efficace de son droit. Prouver, c’est établir la vérité d’un acte

ou d’un fait et en tirer des conséquences juridiques. Le droit de la preuve siège dans

les dispositions des articles 1315-1349 du Code civil et dans d’autres textes,

notamment le Code des personnes et de la famille. La preuve est également discutée

en matière de procédure. Mais on considère néanmoins que les articles 1315-1349 du

Code civil constituent le droit commun de la preuve. De l’ensemble de ces

dispositions, on peut isoler la preuve extrajudiciaire de la preuve judiciaire.

Section première : la preuve extrajudiciaire

Dans l’accomplissement des actes de la vie courante, toute personne cherche à

prendre connaissance de la preuve du droit ou du bien pour lesquels elle compte

s’engager. Avant d’acheter un terrain, on cherche à avoir la preuve de la propriété du

vendeur. Avant de conclure un contrat de travail, l’employeur requiert, souvent, la

preuve de la nationalité béninoise du demandeur d’emploi, quelques fois, la preuve

de son état civil pour éviter d’engager un mineur. La femme établit dans certains cas

sa situation de mariée, et l’homme, dans d’autre, celle suivant laquelle il aurait la

charge des enfants au profit desquels il réclame à l’Etat des pensions. Ce sont des

preuves qui sont établie. A partir de la décision d’ouverture de la procédure

collective, et jusqu’à l’expiration d’un délai de trente jours après la deuxième

insertion de ladite décision au journal d’annonces légales ou au journal officiel, les

créanciers, chirographaires ou non, sont tenus de produire leurs créances auprès du

syndic, à peine de forclusion (art. 78 et 79 AUPC ; voir également les cas de déchéance

établis par l’art. 297 de l’AUPSRVE).

Mais ils peuvent en être relevés par décision motivée du juge-commissaire

pour autant que l’état des créances n’a pas été arrêté (art. 83 AUPC). En dehors de

toutes contestations judiciaires : ce sont des preuves extrajudiciaires. Elles ne

soulèvent pas des difficultés de l’importance des preuves judiciaires.

Section II – Les preuves judiciaires

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Il est de principe que la règle de droit n’est pas à prouver, sauf exigence

particulière liée au droit international privé. Exemple, un ressortissant de l’Ukraine

veut divorcer au Bénin et le conflit renvoie le juge béninois à appliquer la loi

ukrainienne sur le divorce. Il faut apporter la preuve de l’existence et de

l’authenticité de la loi ukrainienne sur la question. Le demandeur pourrait la fournir

sous la forme d’un certificat de coutume. Mais de ce point de vue, la preuve de la loi

devient une question de fait. En effet, ce sont les faits que l’on prouve.

Sous cette observation, on se pose souvent deux questions : Qui doit prouver et

comment doit-il prouver ? Autrement, qui à la charge de la preuve ? Quels sont les

moyens de preuve ?

Paragraphe I – La charge de la preuve

La preuve est un fardeau, une charge, qui pèse sur l’une des parties au procès.

L’exigence de la preuve a pour effet d’imposer un effort supplémentaire de travail à

la partie qui formule une demande en justice. Celle-ci est ainsi tenue de se procurer

des éléments de preuve pour soutenir ses moyens. Mais un autre effet s’attache à

l’exigence de la preuve : celui qui ne prouve pas sa demande, perd son procès et,

dans bien des cas, son droit. La solution judiciaire dépend ainsi de l’établissement de

la preuve.

En droit, il appartient à chaque partie de soutenir sa demande par les éléments

de preuve. C’est le sens de l’article 1315 du Code civil : « Celui qui réclame

l’exécution d’un obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend

libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de l’obligation ».

La charge de la preuve incombe donc, en premier lieu au demandeur. C’est ce que

restitue la maxime « actori incumbit probatio ». Mais si le demandeur a fini de

démontrer son droit, le défendeur qui veut contester doit aussi fournir la preuve de

sa prétention. C’est le sens de l’alinéa 2 de l’article 1315.

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Ce système de chaises musicales est très présent en droit civil. Dans cette matière, le

juge est un arbitre neutre du débat entre demandeur et défendeur. C’est lorsque les

parties ont fini d’épuiser leurs moyens de preuve, que le juge tranche.

Cependant, dans certains cas, le demandeur est dispensé de prouver. La loi établit

alors, dans ces cas, des présomptions. Suivant les termes de l’article 1349 du Code

civil, « les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un

fait connu à un fait inconnu ». L’enfant qui naît dans un ménage où les conjoints sont

mariés est dispensé de fournir la preuve que son père est le mari de sa mère : c’est la

présomption de paternité. Le fait connu, c’est la situation maritale des parents. Le fait

inconnu, c’est la paternité de l’enfant. Puisque les conjoints sont mariés, le père de

l’enfant est le mari de la mère.

On distingue les présomptions de fait ou de l’homme, de la présomption légale.

La présomption légale est celle prévue par une loi. Toute présomption qui n’ait pas

pour fondement une loi est une présomption de l’homme. On distingue aussi la

présomption simple (ou juris tantum, de droit seulement) de la présomption

irréfragable (juris et de jure : du droit et concernant le droit). Tandis que la

présomption simple admet la preuve du contraire, la présomption irréfragable exclut

toute preuve contraire. La présomption de l’homme est toujours simple.

Paragraphe II – Les moyens de preuve

On a bien posé, sur le fondement de l’article 1315 al. 1er du Code civil, que « celui qui

réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». La réalisation, la satisfaction

des droits subjectifs impose au sujet de fournir la preuve de ces droits.

Par quels moyens, alors, peut-on faire la preuve d’un acte juridique ou d’un fait

juridique ? La question a préoccupé (et préoccupe encore) les spécialistes du droit et,

particulièrement le législateur. Une règle a été préalablement posée par les juges : si

on doit prouver l’obligation que l’on entend voir autrui exécuter, la preuve ne doit

pas être constituée par soi-même. Exemple : Cocou réclame à Jacob le paiement de la

somme de F CFA 50 000. Pour l’y contraindre, il produit l’agenda dans lequel il a

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inscrit que Jacob lui doit de l’argent. Cette preuve, qui assurerait la fonction d’un

reçu ou d’une décharge, ne sera pas admise parce qu’elle a été constituée

uniquement par Cocou, le créancier présumé, et non établi, avec la volonté de Jacob,

le débiteur, ou une personne ayant la qualité de délivrer des pièces à titre de preuve.

C’est comme le marchand qui produit ses registres pour faire la preuve contre les

personnes non marchandes. Ces registres ne pourront pas assurer cette fonction (art.

1329 du Code civil). En droit, les preuves autoconstituées, unilatérales, ne sont pas

admissibles, à moins de faire jouer les présomptions.

Sous la réserve de la règle qui précède, il faut distinguer entre les preuves

préconstituées, ou a priori, et les preuves post-constituées ou, a postériori.

A – Les preuves préconstituées ou preuves a priori

Ce sont des écrits. Ils sont destinés à faire la preuve. En ce qui concerne ces

écrits, il faut considérer le document, encore appelé instrumentum ou actes

instrumentaires du contenu du document encore appelé negotium. Lorsque la preuve

est établi en considération simplement du document, de l’instrumentum, on dit de ce

document, de cet écrit, de cet acte, qu’il est établi ad probationem (à titre de preuve) :

exemple : en droit de la famille, le contrat de mariage ; en droit des successions, le

testament, en ce qui concerne les libéralités, la donation. Ces actes doivent être établis

suivant des règles précises et, pour certains, devant le notaire pour faire la preuve de

l’acte juridique (du contenu). Mais lorsqu’on considère que le document permettrait

de connaître le contenu de l’acte juridique, du negotium, on dit qu’il est établi ad

validitatem (pour la vérification de la validité). Ces écrits sont établis à l’avance, au

moment où les parties créent le droit ou de la survenance des événements ayant des

effets juridiques. Ils ont pour vocation, en cas de litige, d’établir la preuve des

obligations et, surtout, de prévenir, voire d’éviter tout procès : en présence de

preuve, on n’a pas besoin de juge.

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Deux catégories d’écrits sont destinées à établir la preuve : les actes sous seing privé

et les actes authentiques.

1 – Les actes sous seing privés

Le seing est la signature apposée par un particulier au bas d’un acte. Par

extension, un acte sous seing privé est celui rédigé librement par les particuliers, et

signé par eux, sans l’intervention d’un officier public. La jurisprudence et la doctrine

ont dégagé, au gré de l’interprétation des articles 1322 et suivants du Code civil, le

régime juridique des actes sous seing privé. Il convient, pour l’essentiel, de retenir :

1- La rédaction de l’acte est laissée à la volonté des parties. C’est le principe de la

liberté de rédaction. Aucune précaution particulière n’est exigée.

2- La validité de l’acte est néanmoins soumise à certaines conditions :

a. La première est relative aux écrits qui constatent des conventions

synallagmatiques, c'est-à-dire des conventions stipulées entre plusieurs parties à

l’égard desquelles les obligations des unes constituent les droits des autres. Pour ces

types de conventions stipulées par acte sous seing privé, l’article 1325 du Code civil

dispose qu’elles doivent être rédigées « en autant d’originaux qu’il y a de parties

ayant un intérêt distinct ». C’est ce qu’on désigne sous l’appellation de la formalité

du « double original ». Sur chaque original, il doit être porté la mention du nombre

d’originaux établis : c’est la mention du double. Exemple : deux personnes ont

stipulé un contrat de vente de moto par acte sous seing privé. Puisque les parties sont

au nombre de deux, il y aura deux originaux (la formalité du double) et sur chacun

deux, il sera porté la mention que le contrat a été établi en deux originaux (la mention

du double). Si les parties étaient au nombre de trois, de quatre ou de cinq, il sera

établi trois, quatre ou cinq originaux et sur chacun d’eux, la mention sera faite que

l’acte a été établi en trois, quatre ou cinq exemplaires. L’objectif poursuivi par le

législateur est que chacune des parties dispose de l’original pour pouvoir en établir la

preuve sans dépendre d’une autre personne. Néanmoins, cet objectif pourrait être

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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atteint si les parties établissent un original qu’elles remettent à un tiers. Celui-ci

délivrera une copie, le cas échéant, à la partie qui en sollicite.

b. La deuxième consiste en ce que, si l’acte sous seing privé constate un engagement

pris par une seule personne ou partie d’exécuter une obligation ou de fournir une

prestation, l’écrit doit être rédigé de la main de la partie qui s’engage. A défaut, la

signature de l’acte doit être précédée de certains termes écrits de la main de la

personne qui s’engage : il s’agit des engagements unilatéraux, en particulier de la

promesse unilatérale de payer une somme d’argent ou une chose qui peut être

évaluée en argent. Les formules exigées sont : « Bon pour » ou « approuvé » avec

l’indication en toutes lettres et en chiffres de la somme qui est l’objet du paiement.

C’est l’article 1326 (version de 1804 et non celle actuellement en vigueur en France)

qui est le siège de la question : « Le billet ou la promesse sous seing privé par lequel

une seule partie s’engage envers l’autre à lui payer une somme d’argent ou une chose

appréciable, doit être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit ; ou du moins

il faut qu’outre sa signature il ait écrit de sa main un bon ou un approuvé portant en

toutes lettres la somme ou la quantité de la chose ; Excepté dans le cas où l’acte

émane de marchands, artisans, laboureurs, vignerons, gens de journée et de service. »

Le législateur entend, par cette disposition, combattre l’abus de blanc-seing, c'est-à-

dire le fait de signer à blanc et qui permet au bénéficiaire de l’acte d’y introduire, a

posteriori, toutes sortes d’engagement qui finissent par ruiner celui qui est supposé

s’être par lui-même engagé.

c. La violation des formalités prescrites par les articles 1325 et 1326 est sanctionnée de

la nullité de l’acte. En réalité, ce sont ces formalités qui assurent la validité ou

constituent la condition de validité de l’acte sous seing privé. On dit qu’elles sont

prescrites ad validitatem. Mais si, en l’absence de ces formalités, l’acte n’est pas

valable, que dire du contenu, c'est-à-dire du negotium ? Celui-ci est-il également

anéanti ? Le contenu reste valable si la partie reste valable à l’égard de la personne

qui a exécuté l’acte, en dépit de l’absence des formalités requises. En outre, la

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jurisprudence a établi que l’avez judiciaire pourrait permettre d’établir le contenu de

l’acte. Enfin, même si les formalités requises font défaut, l’acte pourrait servir à titre

de commencement de preuve.

d. L’acte sous seing privé a une force probante relative.

i. La relativité de la force probante tient d’abord à l’origine de l’acte. Il faut se

rappeler que celui-ci n’est pas rédigé par une personne qualifiée. Les garanties quant

à sa qualité ne sont pas assurées à l’instar de l’acte authentique. L’acte sous seing

privé ne fait alors fois, comme l’acte authentique, que si celui à qui on l’oppose

reconnait formellement son écriture ou sa signature. L’article 1322 dispose, à cet effet

: « L’acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l’oppose, ou légalement tenu

pour reconnu, a, entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayant cause, la

même foi que l’acte authentique ».

Mais si la personne à qui on l’oppose refuse de le reconnaître, ou que ses héritiers ou

ayant-cause décident aussi de ne pas le reconnaître, il est procédé, par voie judiciaire,

à une vérification d’écriture.

ii. En ce qui concerne la force probante de la date de l’acte sous seing privé il

convient de retenir, sur le fondement de l’article 1328 du Code civil qu’elle fait foi

entre les parties et leurs héritiers ou ayant-droit respectifs jusqu’à preuve du

contraire. Mais à l’égard du tiers, la date ne fait foi que lorsqu’elle est certaine. Pour

rendre certaine la date de l’acte sous seing privé, le législateur a envisagé trois

événements : · L’enregistrement de l’acte. Cette formalité a un but fiscal et permet au

service de l’enregistrement, après avoir perçu les droits, de certifier la date.

· La mort de celui ou de l’un de ceux qui ont signé l’acte. · La constatation du contenu

de l’acte par un officier public, un notaire par exemple. L’acte acquiert date certaine à

partir du moment de cette constatation.

2 – Les actes authentiques

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L’acte authentique est celui qui est reçu par un officier public compétent dans les

formes requises par la loi. L’article 1317 du Code civil dispose, en effet que : « L’acte

authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d’instrumenter

dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec les solennités requises ». En France, une

réforme est intervenue le 13 mars 2000 pour ajouter un second alinéa à cet article : «

Il peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des

conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ». Il convient de retenir que l’acte

authentique est celui qui est :

a- Dressé par un officier public… L’officier public est le titulaire d’un « office », c'est-

à-dire d’une étude ou charge non rattachée à l’administration de la justice et appelé à

authentifier des actes en y apposant les sceaux de l’Etat : c’est le cas des officiers de

l’état civil (les maires et leurs adjoints par exemple) ; des notaires. Il faut distinguer

l’officier public de l’officier ministériel (ministère = service) : c’est le titulaire d’une

charge, d’une étude, c'est-à-dire d’un « office » rattaché à l’administration de la

justice et appelé à accomplir, pour le compte de ce service public, des actes de nature

à réaliser le droit d’accès à la justice. C’est le cas des huissiers de justice, des

commissaires-priseurs. On considère néanmoins que les notaires, les huissiers, sont à

la fois officiers publics et officiers ministériels.

b- …ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé… Ici, c’est la

compétence territoriale de l’officier public qui est souligné. Un officier public (un

notaire) qui aurait formalisé un acte en dehors de son ressort territorial aurait excédé

sa compétence.

c- … et avec les solennités requises. C’est la troisième condition et elle cumule (avec

la conjonction de coordination « et ») avec les deux premières : il faut que le

formalisme requis par la loi dans certaines conditions soit respecté. Ainsi, en raison

de ce que le législateur a exigé la présence de deux témoins qui ne soient pas

membres de la famille du testateur dans le cadre de l’établissement d’un testament

authentique, le notaire est tenu par cette « solennité ».

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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L’acte authentique a une force probante plus élevée que l’acte sous seing privé. C’est

en cela qu’il est plutôt intéressant d’y recourir. En effet, l’acte authentique fait foi

jusqu’à inscription de faux alors que, dans bien des cas, l’acte sous seing privé fait foi

jusqu’à preuve du contraire. L’inscription de faux est une procédure délicate,

difficile, longue et dispendieuse pour le sujet, et aux termes de laquelle celui-ci peut

être condamné à des dommages et intérêts et, le cas échéant, aux amendes.

Cette procédure consiste à établir l’existence d’un faux en écriture. C’est une

procédure périlleuse. C’est pourquoi le législateur l’attache seulement aux actes

authentiques. Mais il convient néanmoins de nuancer entre les énonciations émanant

de l’officier lui-même et celles qu’il recueille des déclarants. Lorsque les constatations

ou énonciations émanent de l’officier public lui-même, elles font foi jusqu’à

inscription de faux. Exemple : le notaire constate, dans le testament mystique (celui

contenu dans une enveloppe et porté au notaire sans qu’il ait le droit de prendre

connaissance du contenu) qu’il est écrit sur une enveloppe qui lui est remis « ceci est

mon testament ». En revanche, les énonciations émanant de la personne du déclarant

font foi jusqu’à preuve du contraire. Exemple : le contenu de l’enveloppe contenant

le testament mystique. Parmi les preuves préconstituées, il faut également citer les

autres écrits.

3 – Les autres écrits.

Il s’agit :

- Des lettres missives. Ce ne sont pas des actes sous seing privé tels qu’ils sont visés

par les articles 1325 et 1326 du Code civil. Il leur manque la formule du double

original pour les conventions synallagmatiques et celles du bon pour en ce qui

concerne les actes unilatéraux. Mais les lettres missives peuvent acquérir une force

probante égale à celle des actes sous seing privé si, au regard des espèces, les jugent

en arrivent à cette conclusion.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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- Les écrits non signés. Il s’agit des livres et des registres des commerçants. L’article

1329 interdit qu’ils établissent la preuve contre un non commerçant en vertu du

principe suivant lequel nul ne peut se fabriquer une preuve à lui-même. Mais ils

peuvent servir de preuve à l’égard d’un commerçant ou dans certains cas particuliers

comme le mariage ou le divorce.

- Enfin, il s’agit des Short messages sent (Sms). La Cour de Cassation française vient

de leur reconnaître une valeur probante, en matière de divorce, lorsqu’il s’agit

d’établir la faute du débiteur d’une obligation (la fidélité et le respect).

B – Les preuves post-constituées ou preuves a posteriori

Ces preuves sont constituées après coup, lorsque le litige naît. Dans ce cas, c’est le

juge qui ordonne ou qui contrôle la production et l’administration de ces preuves.

Parmi ces preuves a posteriori, certaines sont subjectives tandis que d’autres sont de

nature objectives.

1 – Les preuves de nature subjective

Ce sont des déclarations qui n’émanent pas des tiers mais de l’un des protagonistes

du procès. Certaines ont une force morale assez prononcée. On range dans cette

catégorie l’aveu et le serment.

a- L’aveu

L’aveu est la déclaration par laquelle, en présence du juge, l’une des parties reconnaît

l’exactitude d’un fait qui lui est défavorable, allégué par son adversaire. L’aveu est le

devoir des honnêtes gens et est présenté comme une présomption légale. On

considère (on présume), en effet, que nul ne peut mentir contre soi-même. Si on fait

une déclaration contre ses propres intérêts, c’est donc vrai. L’aveu doit être spontané.

Mais le juge peut le provoquer par ses interrogations à l’occasion de la comparution

personnelle des intéressés. L’aveu judiciaire est, en effet : « La déclaration que fait en

justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l’a

fait ; Il ne peut être divisé contre lui ; Il ne peut être révoqué, à moins qu’on ne prouve

qu’il a été la suite d’une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous le prétexte

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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d’une erreur de droit ». Le sujet est lié par son aveu. Le juge également.

L’indivisibilité de l’aveu tient à ce que la déclaration doit être prise telle qu’elle, sans

retrait ou ajout de propos. Mais il faut distinguer l’aveu judiciaire pur et simple de

l’aveu judiciaire complexe. L’aveu judicaire pur et simple est la reconnaissance par

réponse affirmative à une question. Exemple : Devez-vous 50 000 à François ? Oui, je

dois 50 000 à François. L’aveu judiciaire complexe est la reconnaissance par réponse

qui modifie la question initiale. Exemple : Devez-vous 50 000 à François ? oui, à titre

de prêt à long terme. Si l’indivisibilité est facile en ce qui concerne l’aveu judiciaire

simple, c'est-à-dire sans réserve, elle est difficile en ce qui concerne l’aveu complexe.

b- Le serment décisoire

Le serment est l’affirmation solennelle par une partie d’un fait qui lui est favorable.

Le mot vient du latin sacramentum qui signifie sacré, duquel résulte aussi « sacrément

». Dans le serment, il y a le l’honneur, la crainte du parjure, et chez certains, de Dieu

ou des mânes des ancêtres. On distingue deux types de serment. L’un se rapporte à

l’avenir et est porteur de promesses dont il garantit la sincérité : c’est le serment

promissoire. L’autre se rapporte au passé et tend à assurer la vérité d’une affirmation

: c’est le serment probatoire. C’est dans le serment probatoire qu’on distingue deux

autres volets. En effet, le serment probatoire peut avoir vocation compléter une

preuve insuffisante : il prend le nom de serment supplétoire. Il peut aussi tendre à

suppléer (combler) à l’absence de preuve et conduire, de façon autonome, à la

décision : c’est le serment décisoire. Le serment décisoire est mis en œuvre de la façon

suivante : Un créancier qui n’a pas les moyens de prouver sa créance pourra déférer

le serment à son débiteur. Il lui demandera de jurer que la dette n’existe pas. Si celui-

ci le prête, il gagne le procès parce qu’il est irréfragablement présumé ne rien devoir.

S’il décline le serment, et refuse de le prêter, il perd le procès. Mais il peut s’abstenir

de jurer et demander, à son tour, à son adversaire, le créancier, de prêter le serment,

c'est-à-dire de jurer qu’il est titulaire d’une créance sur lui : on dit qu’il réfère le

serment à celui qui l’a déféré : c’est la relation du serment.

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2 - Les preuves de nature objective

Il s’agit des constatations effectuées par le juge lui-même, à l’occasion des transports

judiciaires. Le juge pourrait également procéder aux constats par voie de délégation.

Il délègue son pouvoir aux techniciens à qui il confie des missions précises : c’est

l’expertise. Il s’agit également de la preuve par témoin, encore appelé preuve

testimoniale. Le témoin n’est pas une partie au procès. Il est supposé être impartial. Il

pourrait prêter serment dans les conditions fixées par la loi. Le témoin est celui qui,

par lui-même a vécu l’événement ou assisté au fait qu’il entend rapporter. Le témoin

n’est pas un sachant. Celui-ci est plutôt une personne qui détient des renseignements

sur un fait ou un événement et qui ne l’a pas vécu lui-même. Les déclarations d’un

témoin sont plus importantes que celles d’un sachant. Cela dit, il est interdit au

témoin de mentir : il aurait commis l’infraction punie par la loi pénale appelée faux

témoignage et violé en outre son serment.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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QUATRIEME PARTIE : LES PERSONNES .

Le Droit procède par catégories. Et en Droit il existe une distinction

fondamentale entre les choses et les personnes. Les choses sont objets de droit, c’est-

à-dire objets sur lesquels peuvent exister des droits subjectifs. Quant aux personnes,

au sens juridique du terme, ce sont les titulaires de droits subjectifs. Ce sont donc des

sujets de droit. Donc est sujet de droit toute personne qui se voit conférer la

personnalité juridique. Il y a une distinction fondamentale à opérer entre la personne

physique et la personne morale.

L I VR E I : L E S P ER SO N N E S P H Y SI Q U ES .

Les personnes physiques ce sont les individus. Le principe selon lequel toute

personne physique a la personnalité juridique est affirmé par le préambule de la

Constitution et par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

C’est une prérogative d’ordre public, donc prérogative hors d’atteinte des volontés

individuelles. Les personnes physiques soulèvent quatre questions juridiques

essentielles : l’existence des personnes physiques, l’état des personnes physique – ce

qui revient en fait à étudier les éléments d’identification des personnes, les droits qui

leur sont attachés et enfin la capacité des personnes physiques.

T I T R E 1 : L’ EX I S TE N C E D E S P ER S ON N E S P H Y SI Q UE S .

Le simple bon sens veut, que la personnalité juridique de l’être – c’est-à-dire

l’aptitude à être titulaire de droits – suive la vie de la personne. Autrement dit, elle

apparaît à la naissance - commencement de la personnalité – et elle disparaît à la

mort – fin de la personnalité. Mais attention, ce simple bon sens n’est pas toujours

corroboré par la règle juridique.

C H AP I T RE 1 : L E C O M M E N C E M E N T D E L A PE R SO N N A L I T E .

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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En ce domaine, le principe est que la personnalité juridique commence à la

naissance. On verra cela dans une section 1. Mais la question : qu’en est-il

véritablement avant la naissance ? Question à laquelle il est extrêmement difficile de

répondre et que l’on abordera dans une section 2.

S EC TI O N 1 : L A P ER S ON N ALI T E J UR I D I Q U E C OM M EN CE A L A N AI S S AN C E .

Si la vie humaine commence avec l’apparition biologique de la personne – c’est-à-

dire au moment de la fécondation, le droit lui ne reconnaît un sujet que dans la

personne qui est née, vivante et viable. Il ne suffit pas de naître pour être

juridiquement une personne, il faut naître vivant et viable. Autrement dit, un enfant

mort-né n’est pas une personne.

Un enfant est considéré comme vivant s’il a respiré à l’instant précis de sa

naissance. La respiration après l’accouchement, c’est le critère de la vie. Donc l’enfant

mort-né, qui ne respire pas, n’est pas une personne. Il ne suffit pas de naître vivant, il

faut naître viable.

La viabilité c’est la capacité naturelle à vivre. C’est l’aptitude à vivre. Et la

question se pose en cas de décès du nouveau-né. Il est né vivant mais il est décédé

rapidement. Si l’enfant meurt rapidement après sa naissance, dans les heures qui

suivent, dans les quelques jours qui suivent, il est possible de démontrer qu’il n’était

pas viable, donc il n’a pas eu la personnalité juridique. Il est né vivant mais non

viable.

S EC TI O N 2 : L A P ER S ON N ALI T E J UR I D I Q U E AV AN T L A N AI S S A N CE .

Il est des cas où lorsqu’il y va de l’intérêt de l’enfant, celui-ci est présumé avoir

acquis des droits dès sa conception. Il y a à ce propos un adage ‘Infance conceptus’,

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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selon lequel l’enfant conçu est supposé né chaque fois qu’il y va de son intérêt. La

résultante est qu’une fois né vivant et viable, l’enfant va pouvoir se prévaloir de

droits pour la période où il était encore dans le ventre de sa mère, si son intérêt va en

ce sens. La règle ne figure pas en elle-même dans le Code civil, mais elle est sous-

entendue par certains textes. Par exemple, pour la filiation de l’enfant on a l’article

316 du Code civil qui permet la reconnaissance anténatale. Une mère, comme un

père, peut reconnaître son enfant alors que celui-ci n’est pas encore né. On parle de

reconnaissance donc anténatale ou encore de reconnaissance prénatale. Autre

exemple : à propos de la possibilité de l’enfant d’acquérir la qualité d’héritier.

Référence à l’article 725 du Code civil. L’enfant va pouvoir, s’il naît vivant et viable,

recueillir une succession alors que cette succession a été ouverte pendant sa

conception. Par exemple ; le père a déjà deux enfants, il décède, les deux enfants vont

venir à la succession. Oui mais s’il y en a un troisième qui est conçu, il va lui aussi,

alors qu’il n’est pas né au moment du décès du père, avoir droit à la succession. À

propos de la capacité de l’enfant conçu à recevoir par donation ou lègue. On est ici

dans les libéralités. Référence à l’article 906 du Code civil : on peut faire une donation

à un enfant qui est conçu mais pas encore né. Et si ultérieurement il naît vivant et

viable, il recevra l’élément légué. Comme on peut dans un testament léguer un

élément du patrimoine à un enfant conçu mais pas encore né.

Par exemple, ce que l’on appelle un enfant posthume – donc né après le décès du

père – d’avoir les mêmes qualités et les mêmes droits que s’il était né avant le décès

de son géniteur. Pour l’application de ces règles, il est nécessaire de déterminer la

date de la conception de l’enfant. Et ici, la loi pose une présomption. L’enfant est

présumé, réputé conçu pendant la période qui s’étend du 300ème jour au 180ème jour,

inclus, avant sa naissance. Donc le législateur a envisagé la possibilité d’une

grossesse qui devrait durer dix mois. On appelle cette période la période légale de

conception. L’enfant est ainsi, selon son intérêt, présumé avoir été conçu à n’importe

quelle date incluse dans cette période. Ceci est cependant une présomption simple

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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donc susceptible de preuves contraires. On a une règle qui est la règle infance

conceptus. La question est la suivante : est-ce que cette règle signifie que l’embryon

ou le fœtus est une personne ?

Si l’on considère que l’embryon est une personne juridique, en tant que personne

juridique, il devient sujet de droit. Donc, en tant que sujet de droit, il est titulaire de

tous les droits subjectifs dont le droit majeur, essentiel qu’est le droit à la vie. Mais,

droit à la vie pose un sérieux problème avec l’IVG. Or, on a une législation – qui

continue à déchaîner les passions – sur l’IVG, sur l’avortement. Et quand on regarde

cette législation, quick de cette question : quelle est la nature de l’embryon ? Soit c’est

une chose, soit c’est une personne. Et là, pas de réponse dans la législation, on ne

nous dit rien. Ceci pose quantité de problèmes juridiques, y compris d’ailleurs en

droit pénal. Au niveau du droit pénal, on peut relever pour illustrer le propos que,

malgré les résistances des juges du fond, malgré les critiques doctrinales, la Cour de

cassation en matière pénale, refuse d’appliquer à l’embryon des textes applicables

aux personnes juridiques. Dans quels types de contentieux ? Lorsqu’il y a une

demande de condamnation du médecin pour homicide involontaire, quand il y a une

atteinte à la vie de l’embryon ou du fœtus à la suite d’une intervention. Par exemple,

un arrêt de la Cour de cassation, Assemblée plénières, une décision en date du Juin

2001, JCP 2001, II, 10 269, rap. Sargos & ccl de Sintros & note de Rassat. Il ressort de

cet arrêt, que ‘l’homicide involontaire d’autrui ne peut être étendu au cas de

l’enfant à naître dont le régime juridique relève textes particuliers sur l’embryon

humain ou le fœtus’. Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, JCP

2002, 10 565. Cet arrêt nous dit que ‘le principe de légalité des délits et des peines

qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que

l’incrimination d’homicide involontaire, s’applique au cas de l’enfant qui n’est pas

né viable’. Il est clair ici que si l’enfant n’est pas né viable, il n’est une personne

juridique donc les textes ne lui sont pas applicables. Quand on se tourne vers la Cour

Européenne des Droits de l’Homme, elle estime que la question de savoir quel est le

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point de départ de la vie et plus précisément la question de savoir si un embryon est

une personne au sens de l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de

l’Homme, relève de l’appréciation des Etats. Arrêt de la Cour Européenne des Droits

de l’Homme, JCP 2004, 2 668. En France, on a un comité national d’éthique. Ce

comité a abordé ce questionnement et a déclaré que ‘l’embryon, le fœtus, constituait

une personne potentielle’, c’est une personne en puissance. Le concept est donc

particulièrement ambigu et ne répond pas à la question posée précédemment. On a

tout de même donné à l’embryon et au fœtus un statut juridique à travers les lois

bioéthiques.

C H AP I T RE 2 : L A FI N D E L A PE R SO N N A L I T E J UR I D I Q UE .

La personnalité prend fin par la mort de l’individu. Mais, il arrive que la mort ne

soit pas certaine, auquel cas le doute subsiste sur la fin de la personnalité juridique.

S EC TI O N 1 : L A F I N DE L A P ER S ON N A LI T E JU R I DI Q UE EN C A S DE D EC E S

CER T AI N ; L A M OR T .

Avec la mort, on est en présence de la disparition naturelle de la personnalité.

Autrement dit, tout Homme conserve sa personnalité juridique jusqu’à sa mort.

Avant, il y avait des cas où l’individu perdait sa personnalité juridique alors qu’il

était encore vivant : mort civile. Ceci dit, pour assigner à la mort les effets juridiques

qui s’y rattachent, il convient de déterminer précisément à quel moment le droit situe

la mort. Ce qui pose le problème de la définition de la mort. Il n’y a pas de définition

juridique de la mort.

Le droit assure une protection après la mort. Protection du cadavre, comme nous

l’avons vu précédemment. Mais aussi protection de la mémoire des personnes

décédées. Non seulement protection de la mémoire mais aussi interdiction de publier

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la photo de l’être cher sans autorisation. Ceci dit, on va tout de même relever qu’il

s’agit plus ici de la défense des intérêts de la famille ou d’intérêts généraux que de la

protection d’une personnalité rémanente. [Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris,

en date du 22 Février 1998 ; Dalloz, p.225, note Beignier ; noter ce qui ressort de cette

décision : ‘la publication dans la presse de la photographie du cadavre d’une

personne assassinée au cours de la période de deuil des proches parents de cette

personne, constitue dès lors qu’elle n’a pas reçu l’assentiment de ceux-ci, une

profonde atteinte à leur sentiment d’affliction partant à l’intimité de leur vie

privée’.]

S EC TI O N 2 : L A F I N DE L A P ER S ON N A LI T E JU R I DI Q UE EN C A S DE D O UT E S UR L E

DE CE S .

Il est des cas en effet où la mort n’est pas certaine, elle est seulement probable.

Dans ce cas on va parler de disparition juridique de la personnalité par opposition à

la disparition naturelle envisagée supra. Cela concerne en fait deux problématiques :

l’absence et la disparition. On aura donc deux §s. On va s’apercevoir au travers de

ces deux §s que le régime juridique que le droit va mettre en place va être

extrêmement dépendant du degré d’incertitude qui entoure le sort de la personne.

§ 1 : LA P R O BL EM A TI QU E D E L ’ A B S EN C E .

Juridiquement, l’absence est la situation d’une personne dont on ignore si elle est

vivante ou morte, personne qui a quitté son domicile depuis longtemps sans donner

de nouvelles, et sans qu’un évènement particulier puisse faire présumer sa mort.

Toute la réglementation de l’absence, en l’occurrence issue d’une loi du 28 décembre

1977, est aspirée par l’idée que l’absent peut revenir, mais que passer un certain

temps, les chances de retour doivent être négligées. Il est nécessaire de réglementer

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l’absence ne serait-ce que pour régler les problématiques de succession, ou encore les

problématiques de mariage. Ce sont, au niveau du Code civil, les articles 112 à 132

qui sont ici concernés.

Cette réglementation se présente, simplement, en deux périodes – deux étapes –

qui sont fondamentales dans cette situation d’absence. La première période est la

présomption d’absence qui correspond en fait à une présomption de vie (A). Et si, à

l’issue de cette première période, l’absent n’est pas reparu, une seconde période

commence, qui est dite elle période de déclaration d’absence, qui correspond cette

fois à une présomption de décès (B).

A. L A P E R I O D E D E P RE SO M P T I O N D ’ A B S E N CE C O R R E S PO N D A N T A UN E

P RE SO M PT I O N D E V I E .

Dans un premier temps, le droit considère que la personne ne s’est absentée que

temporairement et qu’elle va réapparaître. L’individu est présumé exister encore et

par là même il peut être par exemple représenté à un partage. Par là même, son

mariage n’est pas dissout. Dans un tel cas, les personnes intéressées – par exemple les

enfants, héritiers potentiels, le conjoint – ou bien encore le Ministère public, peuvent

demander au juge des tutelles de constater la présomption d’absence par jugement et

de nommer un représentant qui sera chargé d’exercer les droits du présumé absent,

et d’administrer ses biens. On peut noter d’ailleurs que les règles applicables à ce

représentant sont celles de l’administration légale, sous contrôle judiciaire, telles

qu’elles sont prévues pour les mineurs. D’ailleurs, si l’absent est marié, les règles

matrimoniales suffiront à donner au conjoint la permission de régler les problèmes.

Partant de là, lorsque l’absent réapparaît ou se contente de donner de ses nouvelles, il

lui appartient de demander au juge de mettre fin aux mesures prises pour sa

représentation et l’administration de ses biens. Cette première phase dure au moins

dix ans, à partir de la date de constatation par le juge des tutelles. Mais à défaut

102
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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d’une telle constatation, il faudra que la personne ait cessée de paraître au lieu de son

domicile ou de sa résidence sans que l’on ait de nouvelles de lui depuis plus de vingt

ans, pour que l’on puisse glisser vers la seconde phase.

B. L A PE RI O D E D ’ AB SE N C E D E C L A R E E CO R RE SP O N D AN T A UN E

P RE SO M PT I O N D E D E C E S .

À l’expiration du délai de dix ans, à compter du jugement de présomption

d’absence. Ou bien encore à l’expiration du délai de vingt ans s’il n’y a pas eu un tel

jugement, la logique des dispositions contenues dans le Code civil changent

complètement. Pourquoi ? Parce que la personne est maintenant présumée décédée.

Les intéressés ou bien encore le Ministère public peuvent demander, par requête au

Tribunal de Grande instance, de déclarer l’absence. Il s’agit là d’une démarche très

importante et l’importance de cette démarche justifie que le tribunal compétent fasse

une publicité d’extraits de la requête dans les journaux du département. Partant de

là, le jugement de déclaration d’absence ne pourra être rendu qu’un an au moins

après la publication de cette requête. L’idée est que l’information circule et arrive

éventuellement aux oreilles de la personne concernée. Une fois ce jugement rendu, il

devra lui aussi être publié. Et ce jugement emportera à partir de sa transcription sur

les registres des décès, tous les effets du décès. En l’occurrence, les mesures

d’administration qui avaient été mises en place préalablement prennent fin, les biens

de l’absent sont transmis à ses héritiers, le mariage – s’il existe – est dissout, ce qui va

donner la possibilité au conjoint de se remarier. Mais il arrive parfois qu’après tout

cela, l’absent réapparaisse. Si l’absent réapparaît après le jugement déclaratif

d’absence, le jugement peut être annulé. Comme le jugement est annulé, l’absent

retrouve ses biens, mais uniquement dans l’état où ils se trouvent au jour de leur

restitution. En revanche les héritiers n’ont pas à restituer les fruits de ses biens.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Malgré son retour, le déclaré absent ne va pas retrouver son conjoint, son mariage va

rester dissout.

§ 2 : LA P R O BL EM A T I QU E D E L A DI SP AR I TI O N .

Il s’agit d’envisager les articles 88 et suivants du Code civil. Pour qu’il y ait

disparition, le corps ne doit pas avoir été retrouvé, et le décès doit être rendu

probable, les circonstances qui ont entourées la disparition ayant gravement mis en

danger la vie du disparu. Par exemple : accident d’avion, naufrage, incendie,

bombardements en temps de guerre, déportations… Dans tous ces cas de figure, il y

a une forte présomption permettant de penser que la personne est décédée. Il est

alors indispensable d’obtenir une déclaration judiciaire de décès. En conséquence,

toutes les personnes intéressées – et il en est de même pour le procureur de la

République – peuvent demander au Président du Tribunal de Grande instance de

déclarer judiciairement le décès. Après enquête, le tribunal va rendre un jugement

déclaratif de décès, et va fixer la date de la mort en fonction des circonstances de la

cause. Ce jugement déclaratif de décès va bien sûr être transcrit sur les registres de

l’Etat civil et il va ouvrir la succession et il va également permettre le remariage si le

conjoint le souhaite puisque le mariage initial va être dissout. Ceci dit, le disparu

peut revenir, dans ce cas, le disparu qui revient doit demander l’annulation du

jugement en faisant la preuve de son identité. Les conséquences seront identiques à

l’annulation du jugement déclaratif d’absence.

Titre 2 : L’état des personnes physiques .

L’état des personnes est le statut personnel de l’individu. Il porte les éléments

d’individualisation des personnes dans la société. Tous les individus sont dotés de la

104
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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personnalité juridique. Il est donc nécessaire de les individualiser, de les identifier

pour pouvoir les distinguer les uns des autres. Le nom par exemple, le prénom, le

sexe, la filiation, la situation matrimoniale, la nationalité, le domicile… sont des

éléments permettant d’identifier, de situer la personne au sein de l’organisation

sociale. Et pour cette raison, ils figurent au nombre des indications qui figurent dans

ce que l’on appelle l’état civil des personnes. Traditionnellement, l’état des personnes

est présenté comme un statut dont certains éléments sont imprescriptibles et

indisponibles. Cela signifie que l’écoulement du temps et la volonté des personnes ne

peuvent modifier le contenu de cet état. Pourtant, de nombreux éléments de l’état des

personnes peuvent aujourd’hui être modifiés à certaines conditions. Par exemple,

une personne peut en cours de vie changer de nom, de prénom, de filiation, de

situation matrimoniale, de même que de sexe. Il y a donc au final une mutabilité

contrôlée des éléments de l’état des personnes.

Toute mention portée sur les registres de l’état civil constitue une indication sur le

statut civil de la personne (Sous-titre 1). Mais le changement des éléments permettant

d’identifier les personnes ou bien encore les erreurs contenues dans les actes de l’état

civil, justifient une modification des mentions portées au registre de l’état civil (Sous-

titre 2).

S OU S - TI TR E 1 : L E S M EN TI O N S P O R T E E S A U R E GI ST R E D E L ’ E T A T CI VI L .

On note que les actes de l’état civil, instruments d’identification, sont moins

nombreux bien sûr que tous les éléments d’identification de la personne. On va voir

dans un chapitre un les actes de l’état civil, éléments d’identification. Et dans un

chapitre deux les éléments d’identification figurant dans l’état civil.

C H AP I T RE 1 : L E S A C T E S D E L ’ E T AT CI VI L ; I N ST R U ME N T S

D ’ I D E N T I FI C A T I O N .

105
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Ce sont des actes écrits, dressés par des agents de l’autorité publique, officiers de

l’état civil. Actes destinés à recevoir, à conserver, et à publier l’état des personnes et

qui touchent aux grands évènements de la vie. On va y trouver des faits (naissance et

mort sont les principaux), des actes (dont le principal est le mariage). Donc le Code

dénombre au niveau des actes de l’état civil, trois actes principaux : l’acte de

naissance, l’acte de mariage et l’acte de décès.

S EC TI O N 1 : L’ OR G A N I S A TI O N D E L ’ ET A T CI VI L .

L’état civil est organisé en services publics. Cet état civil est confié à des autorités

administratives – les mairies jouent un rôle majeur – et à l’autorité judiciaire. Ce que

l’on peut dire tout simplement est que le service de l’état civil au niveau des

communes effectue les opérations matérielles. Et, par ailleurs, le procureur de la

République a pour mission de surveiller le fonctionnement de ce service.

L’établissement des actes de l’état civil est le produit d’une collaboration entre les

autorités publiques et les particuliers. Quelles sont les personnes qui interviennent à

l’établissement des actes ? Tout d’abord, l’officier d’état civil - ce peut être le maire de

la commune ou de ses adjoints – qui reçoit l’acte. Ensuite, on a les parties intéressées

à l’acte – c’est-à-dire les personnes dont l’acte constate l’état ou la modification de

l’état. La présence réelle des parties n’est requise que pour le mariage. On a du même

coup, les déclarants – que l’on appelle les comparants- et qui interviennent pour la

confection des actes. Et il y a enfin les témoins – au niveau de la célébration d’un

mariage. Par ailleurs, le contenu des actes de l’état civil, pour chaque type d’acte, est

limitativement déterminé par la loi.

S EC TI O N 2 : L A F ON C TI ON DE S A C TE S D ’ E T A T CI VI L .

106
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Ces actes ont une double utilité. Tout d’abord, ils sont un instrument de publicité.

Cette publicité va être mise en œuvre par un système de copie d’acte. À la différence

des actes notariés qui ne peuvent être communiqués qu’aux parties, les dépositaires

des registres de l’état civil sont amenés à délivrer soit des copies intégrales – on parle

d’expédition – soit des extraits des actes de l’état civil. Et ensuite, ils sont un

instrument de preuve. Ici, la force probante qui s’attache aux énonciations de l’acte

est variable. Il est clair que les mentions relatives à des faits que l’officier d’état civil a

constaté lui-même vont faire foi jusqu’à inscription de faux, alors que les autres

énonciations – toutes celles relatives aux faits que l’officier d’état civil n’a pas pu

constater lui-même – font foi jusqu’à preuve du contraire.

C H AP I T RE 2 : L E S E L E M E N T S D ’ I D E N T I FI CA T I O N FI G U R AN T L E S A CT E S D E

L ’ E T AT CI VI L .

S EC TI ON 1 : L E N OM .

Pendant longtemps, le Code civil ne contenait qu’une réglementation fragmentaire

du nom. Le droit positif était très inégalitaire en matière d’attribution du nom.

Inégalitaire car l’enfant portait dans bon nombre d’hypothèses le nom du père. Dans

bon nombre d’hypothèse car si la filiation paternelle n’était pas établie, l’enfant

portait alors le nom de sa mère. On parlait naguère de nom patronymique – rattaché

au nom du père. Mais la loi du 4 Mars 2002 – relative au nom de famille – modifiée

par une loi du 18 Juin 2003 a remédié à l’inégalité des sexes en ce domaine. Cette loi

est applicable depuis le 1er Janvier 2005.

§ 1 : LE N OM DE F AM I LL E .

A. L’ AT T RI B U T I O N DU NOM .

107
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

Chaque individu en naissance reçoit un nom. C’est ce que l’on appelle le nom de

famille. Mais il existe deux moyens de donner un nom à un enfant. Il y a tout d’abord

la transmission familiale du nom mais aussi l’attribution du nom par voie

administrative.

1/ L’ A T T R I B UT I O N D U N O M P A R L A T R AN SMI S SI O N F AM I L I AL E .

Le nom s’acquiert normalement par la filiation et la loi de 2002 a instauré un

système de dévolution volontaire et a voulu unifier les règles applicables dans ce que

l’on appelait autrefois les filiations légitimes et naturels. L’ordonnance du 4 Juillet

2005 sur la réforme de la filiation, a d’ailleurs fait disparaître la distinction entre

filiation légitime et filiation naturelle. Il nous faut envisager l’application de deux

textes assez complexes : article 311-21 du Code civil et article 311-23 alinéa du Code

civil.

Selon l’article 311-21 du Code civil ; ‘Lorsque la filiation d’un enfant est établie à

l’égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou

par la suite mais simultanément, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est

dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leur deux noms accolés dans

l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. En

l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du

nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l’égard duquel sa

filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie

simultanément à l’égard de l’un et de l’autre’. En procédant au décorticage de cet

article, on s’aperçoit qu’il trouve à s’appliquer dans deux cas de figure. Premier cas :

la filiation est établie à l’égard des deux parents – mariés ou pas, peu importe – au

plus tard au jour de la déclaration de naissance. Ce premier cas recouvre plusieurs

hypothèses. Première hypothèse ; reconnaissances anténatales – reconnaissances au

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

ventre - par les deux parents. Deuxième hypothèse ; reconnaissance anténatale du

père et indication du nom de la mère dans l’acte de naissance. Ou bien encore,

l’inverse ; reconnaissance anténatale de la mère et reconnaissance du père au jour de

la déclaration de naissance ou au niveau du père jeu de la présomption de paternité.

Voilà le premier cas. Second cas : la filiation est établie après la déclaration de

naissance, simultanément. Ce second cas recouvre l’hypothèse où il n’y a pas eu

d’indication du nom de la mère dans l’acte de naissance – par exemple mère qui

accouche sous X et décide de ne pas abandonner l’enfant. Partant de là, quelque soit

le cas de figure dans lequel on se trouve, l’article en question – 311-1 – prévoit deux

règles de dévolution du nom de famille. Première règle : les parents font une

déclaration conjointe. Deuxième règle : en l’absence de déclaration conjointe des

deux parents. Si les parents – première règle – font une déclaration conjointe à l’état

civil, ils choisissent le nom de famille qui sera dévolu à l’enfant. Mais si l’un des

parents a déjà un nom double, il ne pourra transmettre qu’un seul de ses deux noms.

Deuxième règle ; en l’absence de déclaration conjointe à l’état civil, soit parce que les

parents ne choisissent pas le nom, soit parce que les parents ne sont pas d’accord sur

le nom de l’enfant à choisir. Dans ce cas là, le texte prévoit que l’enfant prend le nom

de celui de ses parents à l’égard duquel sa filiation a été établie en premier lieu. Mais

le texte ajoute ‘si la filiation a été établie à l’égard des deux simultanément, l’enfant

portera le nom de son père’. Le problème du choix se pose pour le premier enfant

commun. Quand un deuxième enfant commun apparaît, on ne va pas pouvoir lui

donner un nom différent du premier, pour conserver la fratrie.

Selon l’article 311-23 alinéa du Code civil : ‘lorsque la filiation n’est établie qu’à

l’égard d’un parent à la date de la déclaration de naissance, l’enfant va prendre le

nom de ce parent’. Bien sûr, si la seconde filiation est établie ultérieurement, va se

poser un problème de changement de nom pour l’enfant.

2/ L’ A T T R I B UT I O N D ’ UN N O M P A R VO I E AD MI N I ST R AT I VE .

109
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Ceci concerne la situation dans laquelle les parents de l’enfant ne sont pas connus.

Dans ce cas, l’officier d’état civil va choisir lui-même trois prénoms et c’est le dernier

des prénoms qui tiendra lieu de nom de famille.

B. L A D E FE N SE D U N O M AT T RI B UE .

Toute personne peut défendre son nom contre l’utilisation qui en serait faite par

un tiers à moins bien sûr que le tiers ne justifie d’un droit propre pour porter le nom

en cause. Il y a bien sûr des homonymes, ce cas est un droit propre à porter le nom en

cause. Le porteur légitime d’un nom est fondé à le défendre. Et il peut à ce niveau

exercer trois actions. Tout d’abord, il y a l’action en usurpation de nom. Le porteur

légitime d’un nom reproche à un tiers de porter un nom dont il n’est pas titulaire.

Dans ce cas, le demandeur à l’action demande au juge de faire interdire au tiers à

l’avenir de porter le nom usurpé et de faire rectifier si nécessaire les actes de l’état

civil. Deuxième type d’action : l’action en responsabilité exercée par le porteur

légitime d’un nom contre l’utilisation abusive de celui-ci par exemple par un

écrivain, un cinéaste à des fins littéraires ou artistes. Ici, le nom est emprunté pour le

donner à un personnage de roman ou de film. Ceci dit, il faut pour que l’action

aboutisse, que l’emprunt de ce nom est généré un préjudice et il n’y aura préjudice

que si une confusion est établie entre la personne et le personnage. Enfin, troisième

action : l’action qui assure la défense du nom contre une utilisation qui serait

commerciale ou publicitaire. Il y a des limites à cette protection car, lorsque l’on est

propriétaire d’un fond de commerce ou à la tête d’une entreprise commerciale, il va y

avoir une action commerciale et l’on va céder le fond de commerce avec le nom et

donc la personne qui aura acheté pourra en faire usage.

§ 2 : LE N OM D ’ US A G E .

110
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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C’est la faculté accordée à une personne de porter un nom qui n’est pas le sien. On

distingue actuellement deux cas de nom d’usage.

A. L’ US AG E D U N O M D E C E L U I D E S E S P A RE N T S Q UI N ’ A P A S T R AN SM I S L E

SI E N .

Il faut savoir qu’il existe une possibilité pour une personne majeure d’adjoindre en

seconde position le nom de l’autre parent. Et à l’égard des enfants mineurs, cette

faculté est mise en œuvre par les titulaires de l’autorité parentale. Il faut noter qu’il

s’agit d’une adjonction de nom et non d’une substitution de nom.

B. L’ U SA G E DU NOM DU CONJOINT.

Par une coutume séculaire, la femme mariée porte à titre de nom d’usage le nom

de son mari, elle en a l’usage. Mais il faut savoir que cela est aussi offert au mari : il

peut également faire usage du nom de sa femme. Il est clair que cela pose des

problématiques lorsqu’il y a un divorce. La loi du 26 Mai 2004, relative au divorce,

est intervenue sur ce point. Le principe est que, à la suite du divorce, chacun des

époux perd l’usage du nom du conjoint – article 264 alinéa 1. Mais c’est un principe

qui comporte exceptions. Exceptions figurant à l’alinéa second. Il ressort de ce texte

que l’un des époux peut néanmoins conserver l’usage du nom de l’autre soit avec

l’accord de celui-ci, soit avec l’autorisation du juge s’il justifie d’un intérêt particulier

pour lui ou pour les enfants. Par exemple, on voit un intérêt particulier lorsque la

femme mariée faisait du nom de son mari et est connue professionnellement sous ce

nom, elle est donc autorisée à conserver l’usage de ce nom. Il en va de même pour le

mari.

111
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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§ 3 : LES C OM P L EM E N T S OC C A S I ON N E LS D U N O M .

Cela recouvre le pseudonyme, le surnom et le titre de noblesse. Le pseudonyme

est le nom d’emprunt adopté par une personne. C’est-à-dire que c’est un faux nom,

un nom de fantaisie, qu’un individu s’attribue lui-même pour masquer son identité

véritable dans le cadre d’une activité donnée – professionnellement. Il faut savoir que

l’exercice de certaines professions est interdit sous pseudonyme. C’est le cas des

médecins, des avocats, des experts comptables… Par contre, on rencontre beaucoup

l’usage d’un pseudonyme au niveau littéraire et artistique : Molière, Voltaire,

Anatole France sont des pseudonymes. Le pseudonyme est lui aussi protégé

juridiquement.

Le surnom – aussi dit sobriquet – est un faux nom en général attribué par

l’entourage. Il n’a aucune valeur juridique et ne peut se substituer au nom. Il est

simplement parfois adjoint au nom, précédé du mot ‘dit’.

Quant au titre de noblesse, la noblesse n’est pas un élément de l’état des

personnes. Ce n’est pas une qualité dotée d’un effet de droit. Les titres de noblesse

sont reconnus simplement comme des accessoires honorifiques du nom. Mais ils sont

protégés comme le nom de famille lui-même.

S EC TI O N 2 : L E P R EN OM .

Le prénom précède le nom – d’où son intitulé – et sert à individualiser une

personne au sein de sa famille. Il est obligatoire : tout enfant doit avoir au moins un

prénom. On va envisager ici le choix du prénom. Celui-ci appartient aux parents

mais est contrôler par l’officier d’état civil.

§ 1 : LE C H OI X D U P R EN O M P A R L ES P AR E N T S .

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Pendant longtemps, la loi du 11 Germinal An 11, limitait ce choix. On était en

présence d’une liberté contrôlée. Le prénom devait être choisi parmi ceux figurant

dans les différents calendriers ou parmi ceux des personnages connus de l’histoire

ancienne. Au début, la loi était appliquée avec rigueur et par la suite, des

assouplissements étaient intervenus dans la pratique bien qu’il y avait des cas de

refus. Bien souvent, les prénoms bretons étaient refusés, de même que certains

prénoms de fantaisie. En particulier, l’arrêt Cerise qui est un arrêt souvent cité par les

auteurs dans les ouvrages. Cet arrêt est une décision de la première chambre civile de

la Cour de Cassation. [C. cass 1er, 10 Juin 1981, Dalloz 1982, Juris, p. 160]. En la

matière, il y a eu une loi du 8 Janvier 1993. Avec cette loi, le choix du prénom par les

parents est libre. Et la loi du 5 Juillet 1996 autorise même la mère qui veut accoucher

sous X à faire connaître les prénoms qu’elle souhaite voir attribuer à l’enfant. Choix

donc libre désormais mais choix sous contrôle tout de même.

§ 2 : LE C ON TR OL E D U C H OI X P AR L ’ O F F I C I ER D ’ E T A T CI VI L .

Quand l’officier d’état civil est confronté au choix de prénoms des parents, il a

dorénavant l’obligation d’enregistrer les prénoms donnés. Mais si les prénoms ou

l’un d’eux, seul ou associés aux autres prénoms ou au nom de famille, lui paraissent

contraire à l’intérêt de l’enfant ou au droit des tiers, l’officier d’état civil peut aviser le

procureur de la République. Une fois saisi, le procureur de la République peut laisser

les choses en l’état – il passe outre les scrupules de l’officier d’état civil – mais il peut

également saisir le JAF – Juge aux Affaires Familiales – qui pourra ordonner la

suppression du prénom ou des prénoms litigieux et attribuer un nouveau prénom si

les parents refusent de le ou de les changer.

S EC TI O N 3 : L E S EX E .

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Le sexe est un élément lui aussi d’identification des personnes qui est spécifié dans

l’acte de naissance de l’enfant. Et le sexe se trouve normalement – sauf si l’on est en

présence de prénoms neutres – corroboré par les prénoms donnés à l’enfant. Cet

élément, est pris en compte au moment de la célébration du mariage. On peut faire

ici référence à l’article 144 du Code civil, modifié par une loi du 4 Avril 2006, article

qui énonce : ‘l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant 18ans

révolus’. L’homme = sexe masculin et la femme = sexe féminin.

S EC TI O N 4 : L A N A TI ON ALI T E .

Elle se définit comme l’appartenance juridique et politique d’une personne à la

population constitutive d’un Etat. Cette nationalité permet l’accession d’une

personne aux droits qu’un Etat accorde à ses ressortissants nationaux. Les conditions

d’accession à la nationalité française sont décrites dans le Code civil, aux articles 17 à

33-2.

S EC TI O N 5 : L E DOM I C I L E .

La nationalité envisagée supra va permettre de localiser la personne dans un

espace politique alors que le domicile va permettre de la situer géographiquement –

c’est-à-dire de la rattacher à un lieu. Si l’on veut être un petit peu pointilleux, on

distingue le domicile, la résidence et l’habitation.

> Le domicile est le lieu où le droit localise la personne, il est le siège légal de la

personne.

> La résidence est le lieu où une personne demeure effectivement pourvu que ce

soit de manière assez stable et habituelle. En général, un individu à son domicile là

où il réside mais ce n’est pas toujours le cas. D’ailleurs, on peut avoir plusieurs

résidences distinctes mais on ne peut avoir qu’un seul domicile.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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> L’habitation est le lieu où une personne se trouve seulement pour une brève

durée.

Pourquoi est-ce important de distinguer domicile et résidence ? Car cette

détermination aura des conséquences différentes.

§ 1 : LA D ET ER M I N A TI O N D U D OM I CI L E .

A. L E D O M I C I L E V O L O N T AI R E .

Il s’agit ici de la fixation du domicile par la personne elle-même. Les personnes ont

normalement le choix de leur domicile, le domicile étant le lieu de leur principal

établissement. Quand on dit cela, ça signifie que c’est le lieu qui est le centre de

l’activité et des intérêts de la personne. Ceci dit, s’il y a plusieurs centres d’intérêts,

comme le domicile est unique, il va falloir déterminer où le domicile se situe. Il s’agit

là d’une question de fait et bien sûr, comme il s’agit d’une question de fait cela sera

apprécié souverainement par ceux que l’on appelle les juges du fond.

B. L E D O M I C I L E L E G AL .

Pourquoi cette appellation ? Car il est des cas où il y a fixation du domicile par la

loi et non pas par la personne elle-même. Le domicile légal est celui que la loi assigne

d’office à certaines catégories de personnes. C’est le cas par exemple des personnes

occupant des fonctions publiques comme les magistrats du siège. Ils doivent être

domiciliés au lieu d’exercice de leur fonction. Autre exemple : le mineur non

émancipé est légalement domicilié chez ses parents. Le majeur sous tutelle est

légalement domicilié chez le tuteur, en référence à l’article 108-3 du Code civil.

§ 2 : LES E F F E T S D U DOM I C I L E .

115
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Le domicile va jouer un rôle au point de vue civil et au point de vue procédural.

Au point de vue civil, par exemple il détermine le lieu d’ouverture d’une succession.

C’est le lieu du dernier domicile, pas le lieu de la mort. Il détermine également le lieu

où certains actes doivent être accomplis. Lieu par exemple où est reçu le

consentement à une adoption. Il va indiquer également le lieu où doivent être

effectué certains paiements.

Au point de vue procédural, il détermine en principe la compétence territoriale

des tribunaux. Normalement, quand il y a une action en justice, le demandeur doit

assigner le défendeur devant le tribunal du lieu de domicile de ce défendeur.

Toujours au niveau procédural, c’est au domicile de l’intéressé que son signifiés les

actes extrajudiciaires. Assignation, par exemple, saisie, commandement d’huissier…

Ceci dit, il peut y avoir ce que l’on appelle ‘élection de domicile’. On va parler de

domicile élu. Ce domicile élu n’est pas véritablement un domicile. C’est une

dérogation conventionnelle à certains effets du domicile. Par exemple, il est possible

lors de la conclusion d’un acte notarié, d’élire domicile en l’étude de tel notaire. De

même, dans le cadre d’une procédure judiciaire, on peut élire domicile au cabinet de

l’avocat qui nous représente. L’avantage est de centraliser l’ensemble des actes. Ceci

dit, cette élection de domicile ne vaut que pour les besoins particuliers pour lesquels

elle a été faite.

S OU S - TI TR E 2 : L E S C H AN G EM EN TS D E S M EN TI ON S P OR T E ES AU R E GI S TR E D E

L ’ ET A T CI V I L .

Il s’agit là d’un point très important du cours. Il faut noter qu’une erreur compte

tenue dans un acte d’état civil peut être purgée – rectifiée – selon une procédure de

rectification prévue au Code civil. La rectification peut intervenir si l’état du sujet

n’est pas en question mais a été constaté de manière défectueuse. Dans un tel cas, on

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

va exercer – le plus souvent car il y a aussi la rectification administrative – une action

que l’on appelle l’action en rectification de l’état civil. On va envisager cela dans un

chapitre 1. Ceci dit, un changement du statut civil de la personne peut aussi être une

cause de modification des motions portées au registre de l’état civil. Attention ici, il

ne s’agit pas d’une rectification des actes existants, mais d’une nouvelle inscription

qui va opérer à la date du changement. Ici, pour les modifications de l’Etat, on va

exercer une action que l’on va appeler action d’Etat. On verra cela dans un chapitre 2.

La différence entre une action en rectification d’un acte de l’état civil, et une action

d’Etat est importante. L’action d’Etat relève du Tribunal de Grande instance alors

que l’action en rectification relève uniquement du Président du Tribunal de Grande

instance. Par ailleurs, l’action en rectification est d’ordre purement formel. Au

contraire, est une action d’Etat celle qui s’attache au fond du droit, à l’état que l’acte

constate. Par exemple, un changement de sexe, c’est une action d’Etat.

C H AP I T RE 1 : L A RE C T I FI C AT I O N D E S A C T E S D ’E T AT CI V I L .

On part de l’idée – tout à fait concevable et acceptable – que les inexactitudes que

contiennent les actes de l’état civil doivent être réparées. La défection ou la

défectuosité de l’acte peut être une omission. La défectuosité de l’acte peut être une

faute d’orthographe – par exemple du nom. La défectuosité peut être aussi une

erreur sur le sexe – ce qui est rare. La procédure permettant de rectifier un acte d’état

civil est régie par les articles 99 et suivants du Code civil. La loi distingue deux sortes

de rectification : d’un côté la rectification administrative et de l’autre la rectification

judiciaire.

La rectification administrative va s’opérer à l’initiative du procureur de la

République. Elle va avoir pour objet de réparer une erreur ou une omission

purement matérielle et évidente. Une faute d’orthographe sur le nom par exemple,

ou sur le prénom. Ou alors encore une ‘absurdité’.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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C H AP I T RE 2 : L A M O D I FI C AT I O N D E L ’ E T AT D E S PE R SO N N E S .

Le statut civil de la personne peut changer au cours de sa vie. On songe en

premier lieu au mariage ou encore au divorce. On peut songer aussi aux

changements de filiation. On va s’intéresser également au changement de prénom et

de nom patronymique ainsi qu’au changement de sexe. On laissera de côté le

changement de domicile et de nationalité.

S EC TI O N 1 : L E C H A N G EM E N T D E P R EN O M E T DE N OM P AT R O N Y M I Q U E .

§ 1 : LE C H A N G EM EN T DE P R E N O M .

Le principe de base est que, normalement, le prénom est immuable. Donc

normalement, on ne peut pas en changer. Mais par exception, un changement de

prénom est possible dans certains cas.

Tout d’abord, premier point, il est possible d’obtenir ce que l’on appelle la

francisation de son prénom. L’objectif est de permettre une meilleure intégration de

la personne dans la communauté nationale.

Deuxième cas de figure, qui touche à l’adoption plénière. Lorsqu’il y a une

adoption, l’adoptant peut demander au tribunal de changer le prénom de l’enfant

adopté. Référence à l’article 357 du Code civil. Idée strictement identique à la

première hypothèse : l’objectif est d’obtenir une meilleure intégration de l’enfant

dans la famille.

Enfin, troisième cas de figure, de façon générale, les prénoms figurant dans l’acte

de naissance peuvent être modifiés par le JAF à la requête de l’individu qui les porte

ou de son représentant légal s’il s’agit d’un mineur mais il faut pour cela justifier

d’un intérêt légitime. Référence à l’article 60 – au jour d’aujourd’hui – du Code civil.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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On relève dans l’alinéa 2, au titre de cette disposition, que si l’enfant est âgé de plus

de 13ans, son consentement est requis. Il faut donc argüer de l’existence d’un intérêt

légitime qui peut se définir par son but. Le but est de contrôle les demandes. La

détermination de l’intérêt légitime va consister à rechercher quand l’intérêt d’un

particulier au changement de prénom peut être considéré comme suffisant pour

infléchir le principe d’immutabilité du prénom. Et l’intérêt légitime peut se définir

aussi par son opposé. L’opposé étant la libre disposition, la convenance personnelle.

On exclue la simple convenance personnelle, la libre disposition de son prénom. Ce

qui fait que l’usage instauré par la personne [recopier les cours].

Il s’agit d’appliquer l’article 311-23 al. 2 du Code civil. Lors de l’établissement du

second lien de filiation et durant la minorité de l’enfant, les parents peuvent par

déclaration conjointe devant l’officier de l’état-civil, choisir soit de lui substituer le

nom de famille du parent à l’égard duquel la filiation a été établie en second lieu, soit

– autre branche de l’alternative – les parents peuvent choisir d’accoler leurs deux

noms dans l’ordre qu’ils désirent. Le changement de nom sera mentionné en marge

de l’acte de naissance. Si l’enfant à plus de 13ans, son consentement est nécessaire au

changement de nom. Si l’enfant ne le désire pas, le nom ne sera pas changé.

§2. L E CH AN G EM E N T DE N OM EN R AI SON D ’ UN E M O DI F I C A TI O N D U LI EN D E

F I LI A TI O N A L ’ E G AR D D E L ’ UN DE S P AR E N T S .

On voit bien le cas de figure qui se profile : on a un enfant dont la filiation vient à

être anéantie à l’égard de l’un de ses parents, à la suite d’une action en contestation

de filiation. Cette situation pourra entraîner un changement de nom. En effet,

l’élément du nom de famille tiré du lien de filiation détruit va être retiré. Par

exemple, on a le père qui s’appelle Lamotte, on a la mère qui s’appelle Piquet, c’est le

lien de filiation paternelle qui est détruit : le père conteste sa paternité et son action

est déclarée bien fondée. Si le nom de l’enfant était Piquet, il va rester Piquet. Si le

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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nom de l’enfant était Lamotte, il va devenir Piquet. Aucun problème jusqu’ici. Et si le

nom de l’enfant était Lamotte-Piquet ou bien Piquet-Lamotte, il devient Piquet. Il

faut tout de même noter que si au moment où intervient le changement de filiation

de l’enfant, celui-ci est majeur, le changement de filiation n’affectera le nom qu’avec

son consentement.

D. Le changement de nom justifié par un intérêt légitime.

Ici, une personne peut demander à changer de nom en arguant de l’existence d’un

intérêt légitime. Soit il s’agira de se débarrasser d’un nom ridicule – quelque fois il y

a des homonymies avec un nom grossier, par exemple – soit il s’agira de se

débarrasser d’un nom déshonorant – s’il y a un personne particulièrement détestable

dans l’Histoire par exemple – soit la personne souhaite éviter l’extinction du nom

d’un ascendant - par exemple, l’arrêt Sainte Catherine. Pour ce faire, il s’agit d’une

procédure administrative de changement de nom. La requête est portée devant le

Conseil d’Etat et le changement de nom est autorisé par décret. Ce décret portant

changement de nom prendra effet bien sûr s’il n’y a pas eu d’opposition car une

opposition peut être faite.

E. Le changement de nom lié à la naturalisation d’un étranger.

La personne dont le nom a une consonance étrangère, lorsqu’elle demande sa

naturalisation, peut y joindre une demande de francisation du nom. L’objectif est de

permettre une meilleure intégration dans la communauté nationale. Là encore, la

francisation est accordée par décret.

S EC TI O N 2 : L E C H A N G EM E N T D E S EX E .

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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§ 1 : LE TR AN S SE X UA LI SM E , P R O BL EM E M E DI C A L .

Définition donnée par le professeur Küss ; ‘Le transsexualisme se caractérise par le

sentiment profond et inébranlable d’appartenir au sexe opposé à celui qui est génétiquement,

anatomiquement et juridiquement le sien. Sentiment accompagné du besoin constant de

changer de sexe et d’état-civil’. Il s’agit d’un trouble de l’identité sexuelle.

Médicalement, comment cela se passe-t-il en pratique ? En pratique le transsexuel va

avoir recours à la médecine pour subir un traitement hormonal et dans le

prolongement, une intervention chirurgicale de manière à obtenir l’apparence d’un

individu du sexe opposé. Modification de l’anatomie sexuelle, externe. Mais

impossibilité de changer l’équipement chromosomique du sujet. En tout cas, ces

opérations sont effectuées et donc il y a bien une reconnaissance médicale de l’état de

transsexuel.

§ 2 : LE TR AN S SE X UA LI SM E , P R O BL EM E J U R I DI Q U E .

Le sexe, on l’a vu dans les développements supra, est un élément – comme le nom,

le prénom … - de l’état des personnes. Suite à la modification de leur sexe

anatomique, les transsexuels demandent la modification de leur état civil : demande

de changement de prénom et demande de changement de sexe pour mettre leur état

civil en conformité avec leur nouvelle apparence. Quant est-il de l’approche du

droit ? Concernant cette problématique, il y a eu une évolution jurisprudentielle.

L’arrêt de la Cour de cassation du 21 Mai 1990 [cf. JCP] est très important en la

matière, arrêt de principe : ‘le transsexualisme même lorsqu’il est médicalement

reconnu ne peut s’analyser en un véritable changement de sexe’. À l’époque, la

Cour de cassation estimait que le droit n’avait pas à tenir compte de la médecine. Et

en conséquence, elle refusait le changement de sexe à l’état civil. Devant le refus de la

jurisprudence française, les transsexuels ont porté ce genre de contentieux devant la

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Cour européenne des droits de l’homme, devant laquelle la France a été condamnée.

L’arrêt correspondant, CEDH 25 Mars 1992 [Cf. JCP + RTD Civ. 1992, p. 540, obs.

Prof. Hauser]. À la suite de cette condamnation de la France par la Cour européenne

des droits de l’homme, la jurisprudence française a changé : revirement de

jurisprudence. La Cour de cassation a fini par admettre la modification du sexe à

l’état-civil. Il s’agit ici de deux arrêts rendus le même jour par l’Assemblée plaignaire

de la Cour de cassation : Cass. AP, 11 Décembre 1992 [JCP 1993, II juris. N° 21 991,

ccl. Jéol + note Memeteau ; Répertoire notarial des Fresnois 1993, p. 431, note prof.

Massip ; RTD Civ. 1993, p. 97, obs. Hauser]. Attendu de principe : ‘Lorsque, à la suite

d’un traitement médico-chirurgical, subit dans un but thérapeutique, une personne

présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son

sexe d’origine et a pris une apparence physique le rapprochant de l’autre sexe, auquel

correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie

que son état-civil indique désormais le sexe dont elle a pris l’apparence ; le principe

de l’indisponibilité de l’état des personnes ne fait pas obstacle à une telle

modification’. [Faire apparaître les conditions de l’admission]. Il y a une distinction

à faire ici entre ce qui est subit et ce qui est voulu. C’est à travailler par rapport au

principe d’indisponibilité des personnes : de manière volontaire on ne peut pas

comme cela changer de sexe sinon on porte atteinte à ce principe. C’est pourquoi la

Cour de cassation dit le mot ‘subit’, et c’est également pour cela qu’elle parle de

‘syndrome du transsexualisme’. Elle suppose ici que chez un transsexuel vrai le

changement de sexe n’est pas voulu mais est subit ; il ne peut pas faire autrement, et

en cela on ne porte pas atteinte à l’indisponibilité des personnes.

TITRE 3 : LES D R OI T S DE L A P ER S ON N A LI T E .

La personne possède un certain nombre de prérogatives, du seul fait qu’elle est

une personne. Ces prérogatives ne résultent pas de son activité, la personne les

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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acquiert au berceau. Ce sont des droits dont l’on peut dire qu’ils sont intimement

attachés à la personne et ils se rangent dans la catégorie des droits

extrapatrimoniaux. Ils sont donc incessibles et imprescriptibles, du moins en principe

car aucun de ces caractères n’est vraiment absolu. Ainsi, l’écoulement du temps,

atténue au profit des historiens la défense de la personnalité. On a donc une idée de

prescription. De même, on verra qu’il est possible contre de l’argent d’autoriser la

publication de sa photographie (droit à l’image), de même qu’il est possible contre de

l’argent de faire de son nom le signe de raniment d’une clientèle et de le transmettre

lorsque l’on cède le fond (idée d’aliénation).

Ces prérogatives innées, on les qualifie de droits de la personnalité. Une protection

de l’homme est assurée au plan international. On a des textes au plan international

qualifiés de ‘fondamentaux’ : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de

1948, Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés

Fondamentales de Novembre 1950, Pacte International de New York relatif aux

droits civils et politiques en date du 19 Décembre 1966 et enfin la Charte des Droits

Fondamentaux de l’Union Européenne du 7 Décembre 2000. Quant au droit interne,

jusqu’en 1970 seul y faisait allusion – à ces droits de la personnalité – quelques rares

textes fragmentaires et dispersés dans plusieurs lois pénales et civiles. Par la suite, ce

droit s’est en quelque sorte progressivement étoffé. Mais nous laisserons ici de côté

les droits pénaux pour s’intéresser aux droits civils. Une énumération précise et

complète des droits de la personnalité est difficile. La matière étant en constante

évolution et cette évolution est non seulement le fait de la loi mais aussi et surtout le

fait de la jurisprudence, abondante. La jurisprudence qui agit coup par coup. Quand

on cherche à présenter les droits de la personnalité au travers d’une structure

bipolaire, on remarque deux grandes catégories selon qu’on protège les éléments

physiques ou les éléments moraux de la personnalité.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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C H AP I T RE 1 : L A P R O T E C T I O N D U CO R P S H U MA I N : L E D R O I T A U RE S PE CT D E

L ’ I N T E G R I T E PH Y SI Q UE .

Le corps humain bénéficie d’une protection juridique.

S EC TI O N 1 : L E S F ON DE M EN T S D E L A P R O T EC TI O N .

§ 1 : L’ EV O L UTI ON D E LA P R OT E CTI ON D U COR P S H UM A I N .

Pendant longtemps le corps humain a fait l’objet d’une protection pénale : la loi

pénale punie toute atteinte faite à l’intégrité du corps. Au plan civil, la protection du

corps n’a relevée pendant très longtemps, que des principes généraux dégagés de la

jurisprudence :

> Le principe d’inviolabilité du corps humain : on ne peut porter atteinte au corps

d’autrui.

> Le principe d’indisponibilité du corps humain. Ce qui signifie que l’on ne peut

disposer de son corps.

Ceci dit, les progrès de la science ont apportés des pouvoirs colossaux et

l’augmentation de ces pouvoirs a accru le besoin de protéger les personnes. Et il

devenait au législateur nécessaire d’intervenir. Intervention au plan interne mais

aussi au plan européen.

> Intervention au plan interne : on mentionnera ici les principales lois protectrices

de la personne. Loi Huriet du 20 Décembre 1988 ; loi sur la protection de la personne,

personne qui se prête à la recherche biomédicale. Il faut ici faire références aux

articles L 1121-1 et suivants du Code de la Santé publique. Deuxième texte

important : loi du 29 Juillet 1994 relative au respect du corps humain. Dans le Code

civil, il y a tout un chapitre intitulé ‘du respect du corps humain’ et qui correspond

aux articles 16 à 16-9 du Code civil. On mentionnera enfin une loi du 29 Juillet 1994

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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relative aux dons et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain ; loi

relative également à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

C’est la première grande loi que l’on appelle loi bioéthique. Cette loi du 29 Juillet

1994, première grande loi bioéthique, a été révisée par une seconde grande loi

bioéthique en date du 6 Août 2004. Il y a une nouvelle révision des lois bioéthiques

actuellement en cours.

> Intervention au plan européen, on mentionnera ici un texte : la Convention

européenne de biomédecine – Convention d’Oviedo – en date du 4 Avril 1997, entrée

en vigueur le 1er Décembre 1999.

§ 2 : LES P R I N C I P ES DE P R O T EC TI ON D U C OR P S H UM A I N .

Ces principes généraux de protection du corps humain on été inscrits dans le Code

civil. Pour commencer, la loi pose le principe de la primauté de la personne. Cela

apparaît dans l’article 16 du Code civil. On nous dit dans cet article ‘la loi assure la

primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantie le

respect de l’être humain dès le commencement de la vie’. Il y a donc un droit à la

vie. On retrouve ce principe dans l’article premier de la loi du 17 Janvier 1975 : ‘la loi

garantie le respect de tout être humain dès le commencement de sa vie’ et, ajoute le

texte ’il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité’. On peut

relever d’ailleurs que toutes les déclarations de droit soulignent ce droit à la vie de la

personne. Par exemple, l’article 3 de la Déclaration Universelle des Droits de

l’Homme. L’article 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. L’article 2

de la Charte de l’Union Européenne. Ainsi que l’article 6 du Pacte International de

New York.

La loi pose aussi le principe du droit au respect du corps de la personne. Là, il faut

faire référence à l’article 16-1 du Code civil. Cet article dispose : ‘chacun a droit au

respect de son corps’. Le texte ajoute à l’alinéa 2 : ‘le corps humain est inviolable’, et

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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alinéa 3 : ‘le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet

d’un droit patrimonial’.

S EC TI O N 2 : L E S AP P LI C A TI ON S D U P R I N C I P E DE L A P R O T EC TI O N .

Pour concilier les principes prévus par la loi, avec la liberté fondamentale de

l’homme sur son corps, le consentement de la personne concernée va jouer un rôle

fondamental. On verra cela dans un § 1. Néanmoins, l’examen du droit positif révèle

qu’il existe de nombreuses atteintes, sans le consentement de la personne. On verra

cela dans un § 2.

§ 1 : LES A TT EI N T E S A U C OR P S H UM AI N A VE C L E CON S EN T EM E N T DE L A

P ER S ON N E Q UI L E S S U B I T .

A. L E C O N SE N T E M E N T P RE A L ABL E D E L A PE R SO N N E E ST FO N D A ME N T A L .

En principe, aucune atteinte n’est possible sans ce consentement. Ce principe a

toujours été admis. Pendant longtemps, il était admis sans l’appui d’aucun texte, et

maintenant, ce principe est inscrit dans la loi. Très précisément à l’article 16-3 du

Code civil. Non seulement dans l’article 16-3 du Code civil mais aussi dans l’article L.

111-4 du Code de la Santé publique. Article L. 111-4 du Code de la Santé publique :

‘aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le

consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à

tout moment’.

1. L E CO N SE N T E M E N T D O I T E T R E L I B RE E T E CL AI R E .

Quand on dit que le consentement doit être libre et éclairé, cela nécessite une

information. D’où l’obligation d’information du médecin à l’égard de son patient.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Cela pose plus précisément deux problématiques : le problème de l’étendue de

l’information portant sur le même sein. Deuxième problématique : le problème de la

preuve que l’information a bien été donnée.

A) L’ E TE N D U E DE L ’ OB LI G AT I ON D E L ’ I N F OR M A TI ON .

Le médecin doit faire part à son patient du diagnostic et du ou des traitements

proposés. Le médecin doit indiquer à son patient les risques encourus par le

traitement ou par l’intervention, y compris les risques exceptionnels. Il y a eu en

l’occurrence un revirement de jurisprudence. Traditionnellement, la jurisprudence de

la Cour de cassation dispensait le médecin de signaler à son patient les risques qui ne

se réalisent qu’exceptionnellement. Au niveau de cette jurisprudence première : C.

cass, 1er civ, 20 Janvier 1987. Mais il y a eu comme on le disait un revirement de

jurisprudence qui a eu lieu en 1998. C. cass, 1er civ, 7 Octobre 1998 [Dalloz 1999, II, p.

145]. Cette jurisprudence admet qu’en dehors des cas d’urgence ou d’impossibilité

ou de refus d’être informé, le médecin est tenu de donner au patient une information

claire sur les risques graves afférant aux soins proposés et pas de dispense à cette

obligation d’information par le seul fait que les risques graves sont exceptionnels.

Référence à la Loi Kouchner du 4 Mars 2002.

B) LA C H AR G E D E L A P R E U V E D E L ’ I N F OR M A TI ON .

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 29 Mai 1951, rapporté [Dalloz 1952, II,

p. 53], il était acquis en ce qui concerne l’information médicale que la charge et donc

le risque de la preuve incombait au patient. Autrement dit, le patient était tenu de

prouver que le médecin n’avait pas respecté son obligation de l’informer. Autrement

dit, le patient était tenu de prouver qu’il n’avait pas été informé des risques attachés

à l’opération ou aux soins proposés. Il s’agit d’une preuve négative, d’où une grosse

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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difficulté. Aujourd’hui, la charge de la preuve appartient au médecin. Revirement

donc qui est intervenu dans un arrêt de la Cour de cassation, 1er civ, 25 Février 1997

[JCP 1997, II, n° 4 025]. Dans cet arrêt, la Cour de cassation commence par posé un

principe de large portée : ‘celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une

obligation particulière d’information, doit rapporter la preuve de l’exécution de

cette obligation’. Donc dans un premier temps, elle plaque un principe de large

portée. Puis, dans un second temps, la Cour de cassation applique le principe à

l’espèce en disant : ‘puisque le médecin est tenu d’une obligation particulière

d’informer son patient, il lui incombe de prouver qu’il a bien exécuté cette

obligation’. Preuve qui en l’occurrence peut être rapportée par tous les moyens.

C’est là où l’on retrouve globalisée la décision travaillée en TD, décision du 14

Octobre 1997.

2. L E RE F US D U C O N SE N T E M E N T E M PE C H E T O UT E I N T E R VE N T I O N SU R L E

CO RP S D E L A PE R SO N N E .

Ce qui fait que l’individu peut refuser toute atteinte à son corps – en tout cas dans

le principe – même si cette atteinte est demandée par le juge dans un procès civile.

Par exemple, un juge qui demande à un père présumé de se prêter à un test ADN, la

personne peut refuser de s’y soumettre. Donc le médecin doit tenir compte du refus

du patient. Par exemple, arrêt de la Cour de cassation, 2e civ, 19 Mars 199 [Bulletin

des arrêts de la Cour de cassation, II, n° 86, p. 48]. Dans cette décision, on nous dit :

‘nul ne peut être contraint, hors les cas prévus par la loi, de subir une intervention

chirurgicale’. Ceci pose en particulier des problématiques au niveau des Témoins de

Jéhovah qui refusent les transfusions sanguines. Il y a un problème au niveau de

l’intervention ; si le médecin ne fait pas la transfusion, la personne meurt. Donc le

médecin décide de sauver la personne en la transfusant : il la sauve contre son gré.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Ceci est normalement contraire à la loi. C’est une attitude contra legem et une

jurisprudence l’admet.

B. L A N E C E S SI T E M E D I C AL E PO U R L A P E R SO N N E O U A T I T RE E X CE PT I O N N E L ;

L ’ I N T E RE T T H E R A PE UT I Q U E D ’ A UT R UI .

Pour qu’un acte médical soit pratiqué, il faut le consentement de la personne et

une nécessité médicale pour la personne (1). Ou à titre exceptionnel, cela peut se faire

dans l’intérêt thérapeutique d’autrui (2). Il y a par ailleurs le problème particulier de

la recherche biomédicale (3).

1. L A N E C E S SI T E M E D I C AL E PO U R L A P E R SO N N E .

Dans sa rédaction initiale de la loi de 1994, on parlait de ‘nécessité thérapeutique

pour la personne’. Donc on envisageait les soins dispensés dans l’intérêt du patient.

Depuis la loi du 27 Juillet 1999, le texte parle de ‘nécessité médicale’. Ceci dit, quand

on regarde les applications, on peut constater qu’il y a dans les applications quelques

contradictions avec les conditions posées par le texte. Tout cela pour dire que la

nécessité médicale est parfois incertaine. C’est notamment le cas de ce qui touche à la

chirurgie esthétique. Peut-on vraiment dire, lorsqu’il ne s’agit pas de chirurgie

réparatrice, qu’il s’agit d’une nécessité médicale ? À priori, non. C’est pourquoi la

jurisprudence dans un premier temps, puis la loi, ont imposé au chirurgien

esthétique des obligations rigoureuses ; il faut certes une information très précise

donnée au patient, il faut par ailleurs que le chirurgien donne au patient un devis, il

faut que le chirurgien accorde au patient un délai de réflexion, et on impose même au

chirurgien une abstention si les dangers encourus l’emportent sur les avantages. On

peut en déduire que l’intervention esthétique est fautive si elle comporte de trop

grands risques. Par ailleurs, autre illustration de nécessité médicale incertaine :

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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l’admission récente de la stérilisation à visée contraceptive. Loi du 4 Juillet 2001,

article L 2 123-1 du Code de la Santé publique. Il va suffire ici que la personne

majeure ait exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d’une

information claire et complète sur ses conséquences. Sommes-nous ici dans le cadre

d’une nécessité médicale ? Sachant que cette intervention est irréversible. Il faut

prendre en compte que d’autres moyens de contraceptions existent. Il s’agit donc

plus d’une question de confort.

2. L’ I N T E RE T T H E R A PE UT I Q U E D ’ A UT R UI .

Une personne peut porter atteinte à son corps en donnant un élément de son corps

pour sauver autrui. Mais celui qui se prête à un prélèvement d’éléments de son corps

ou à la collecte de produits de celui-ci – ce qui peut correspondre à un don d’organe,

de sang, de sperme, d’ovule, de plaquettes… - ne peut le faire qu’à titre gratuit.

Référence à l’article 16-6 du Code civil. Et normalement – bien sûr ce n’est pas le cas

lorsqu’il s’agit d’un don d’organe entre membres d’une famille – aucune information

sur l’identité du donneur ou du receveur ne peut être donnée. Référence à l’article

16-8 du Code civil.

3. L E P RO BL E M E P A R T I C UL I E R D E L A R E C H E R CH E BI O M E D I C A L E .

Initialement, cette pratique existait en dehors de toute réglementation. Et c’est la

loi Huriet, du 20 Décembre 1988, qui a consacré et qui a encadré cette pratique.

L’objectif est de protéger les personnes qui se prêtent à la recherche biomédicale.

Cette recherche peut se faire tout d’abord dans le propre intérêt thérapeutique de la

personne qui s’y soumet. Dans ce cas on va dire qu’elle est à finalité thérapeutique

directe. Mais cette recherche peut également se faire dans l’intérêt de la science. Il

s’agit ici du seul développement des connaissances biologiques ou médicales. Et là

130
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

on dira qu’elle est sans finalité thérapeutique directe. Il est clair que la loi prévoit que

la personne doit ici donner son consentement pour subir les atteintes liées à la

recherche, consentement qui doit être éclairé par des informations écrites qu’on lui

aura préalablement données. Référence à l’article L. 1 121-9 du Code de la Santé

publique. Ceci dit, le consentement de la personne ne peut tout permettre. En

particulier, on interdit les mères porteuses. En tout cas, dans la législation française et

pour l’instant. Et ce même à titre gratuit. On verra ce qui, à ce niveau, ressortira de la

réforme des lois bioéthiques.

§ 2 : LES A TT EI N T E S A U C OR P S H UM A I N S AN S LE C ON SEN T EM E N T DE C EL UI Q UI

LE S S U BI T .

Là, on va faire quelques remarques pour dire que, tout d’abord, le malade n’est

pas toujours capable, n’est pas toujours en état, d’émettre ce consentement. Ce qui

fait qu’en cas d’urgence, et l’urgence est appréciée dans l’intérêt thérapeutique du

patient, un chirurgien par exemple est fondé à pratiquer une intervention sur un

individu sans le consentement de celui-ci et sans le consentement de sa famille. Ceci

c’est dans l’hypothèse qu’il n’est pas possible de recueillir un consentement à temps.

La jurisprudence comme la loi ont prévu cette limite au principe. Référence au

niveau de la loi à l’article 16-3 alinéa 2 du Code civil ; ‘le consentement de l’intéressé

doit être recueilli préalablement, hors le cas où son état rend nécessaire une

intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir’. Cela apparaît

dans les textes mais aussi dans la jurisprudence : décision de la Cour de cassation, 1er

civ, 11 Octobre 1988 [JCP 1988, II, n° 21 358]. On est ici en présence d’une exception

de nécessité dans l’intérêt thérapeutique de la personne.

Deuxième atteinte à laquelle on peut songer : la pratique de la circoncision. Elle est

admise lorsqu’elle répond à une nécessité médicale. Elle a donc bien là une nécessité

thérapeutique. Mais elle est également tolérée en elle-même lorsqu’elle est pratiquée

131
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

sur un enfant à l’initiative de ses parents, afin de se conformer aux exigences rituelles

de leur culte.

Troisième remarque : la correction parentale. Traditionnellement, le droit

coutumier familial inclus dans l’autorité parentale un droit de correction manuel des

parents sur la personne de leurs enfants. Il est clair que cela n’est évidemment

tolérable que si l’entorse à l’inviolabilité du corps humain est vénielle – aussi dit

mineure. Encore qu’actuellement, une question a été lancée pour interdire cette petite

possibilité.

Autre remarque : la problématique des prélèvements d’organes sur une personne

majeure décédée. Notre droit permet, après constat de la mort établi conformément

aux exigences de la loi, que des prélèvements d’organes soient effectués à des fins

thérapeutiques ou scientifiques, sur le cadavre d’une personne qui n’aurait pas fait

connaître de son vivant son refus d’un tel prélèvement. La règle n’est pas la règle

inverse ; on ne dit pas si elle a autorisé le prélèvement, le prélèvement pourra être

effectué.

Enfin, on remarquera que certaines dérogations se justifient pas l’intérêt de la

sécurité publique. Par exemple, au niveau de la lutte contre l’alcoolisme. Dans le cas

d’un accident routier, il va y avoir lieu à un contrôle d’alcooltest. Certaines

dérogations se justifient par l’intérêt de la santé publique. Au niveau du droit public,

ce dernier rend obligatoire certaines vaccinations, certains dépistages voire certains

traitements médicaux. Autant d’atteintes multiples au corps humain, sans le

consentement de la personne qui les subit.

132
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

C H AP I T RE 2 : L E D R O I T A U RE SPE CT D E L ’ I N T E G R I T E MO R AL E D E L A

PE R SO N N E .

La protection de l’intégrité morale de la personne est aménagée d’abord au plan

international. Par exemple, à l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de

l’Homme. Ou bien encore à l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde

des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales. Le droit français se caractérise

vers une forte protection. Le droit au respect de l’intégrité morale est constitué par

un faisceau d’attributs ; il protège la vie privée (section 1), il donne par ailleurs

naissance à d’autres prérogatives telles que le droit à l’image (section 2), le droit à

l’honneur (section 3) et le droit au secret (section 4).

S EC TI O N 1 : L E DR OI T A U R E SP EC T D E L A VI E P R I V E E .

Tout individu a droit au respect de sa vie privée. Et ce droit est énoncé en forme

de maxime à l’article 9 alinéa premier du Code civil : ‘chacun a le droit au respect de

sa vie privée’. Il s’agit là d’une disposition générale qui s’accompagne de diverses

dispositions spéciales. En particulier, la loi du 6 Janvier 1978 qui est une loi relative à

l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Loi qui dans son article 1, interdit que

l’informatique porte atteinte au respect de la vie privée. On peut mentionner par

ailleurs que la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des

Libertés Fondamentales, précise à l’article premier, alinéa 8 : ‘toute personne a droit

au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance’.

Bien sûr, l’application de tous ces textes pose la question commune de savoir ce

qu’est la vie privée. Et pour répondre à cette question, il faut se reporter à la

jurisprudence. Mais en la matière, la jurisprudence comme l’a dit un auteur, devient

‘essoufflant’.

133
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

§ 1 : LES B EN EF I C I AI R E S DU DR OI T A U R E S P EC T D E L A VI E P R I V EE .

Toute personne a droit au respect de sa vie privée. Ceci dit quand on regarde la

pratique judiciaire, dans une grande proportion, on s’aperçoit que les bénéficiaires de

la protection légale sont des personnes connues – familles princières ou régnantes,

célébrités, … Ceci dit, bien sûr, puisque la protection bénéficie à toute personne, donc

elle bénéficie à tous les citoyens ordinaires également.

§ 2 : L’ OB J E T D U DR O I T ; L E R E SP EC T D E L A VI E P R I V E E .

Ce qui signifie qu’une personne quelle qu’elle soit a le droit de ne pas être

importunée par autrui dans le berçant de sa vie privée. Il y a donc en face un devoir

qui est le devoir de non ingérence dans la vie privée des autres, le devoir autrement

formulé de non intrusion dans l’intimité d’autrui. La publication dans la presse de

récits souvent accompagnés de photos relativement à la vie privée d’un individu est

le type le plus caractérisé, le plus répandu, d’atteinte à la vie privée. Mais ce n’est pas

le seul bien sûr. Pris dans son application majeure – indiquée supra – le droit au

respect de la vie privée marque une limite à la liberté de la presse, qui constitue une

liberté fondamentale. Car c’est surtout la presse qui est évincée. Or, la liberté de la

presse, la liberté d’expression, est un grand principe. Et toute la difficulté va résider

dans la nécessité de trouver un juste équilibre entre deux principes d’égale valeur.

Rude défis pour la jurisprudence. Voici ce que nous dit la Cour de cassation, 1 er civ,

dans un arrêt en date du 9 Juillet 2003 [JCP 2003, II, n° 10 139, note Ravanas] : ‘les

droits au respect de la vie privée et à la liberté d’expression, ont une valeur

normative identique. Le juge doit donc rechercher un équilibre et le cas échéant,

privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime’.

134
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

Qu’est-ce donc, au sen de l’article 9, que la vie privée ? La vie privée englobe bien

sûr la vie familiale et la vie conjugale. Dans ce domaine, la jurisprudence a relevé de

nombreuses atteintes. Par exemple, la Cour cassation, 2e civ, rend une décision en

date du 26 Novembre 1975 [JCP 1978, II, n° 18 811, note Revel], il ressort de cette

décision que la vie sentimentale d’une personne présente un caractère strictement

privé. Idem pour la révélation d’un état de grossesse. Arrêt de la Cour de cassation

en date du 5 Janvier 1988. La vie privée englobe aussi la vie quotidienne à domicile et

le domicile lui-même. Que ce soit au niveau du principe, la divulgation de l’adresse

ou bien la publication de photographies de l’intérieur du domicile sans le

consentement de la personne. Cela concerne aussi les relations amicales, les loisirs, la

santé de la personne – qui fonde ici le secret professionnel, le droit au respect du

secret médical – cela concerne également la religion – référence à un arrêt de la Cour

de cassation, 1er civ, en date du 6 Mars 2001 [Dalloz 2001, juris, p. 248]. Concernant

les renseignements d’ordre patrimonial, l’idée prévaut aujourd’hui que la publication

d’informations d’ordre purement patrimonial ne comportant aucune allusion à la vie

et à la personnalité de l’intéressé, n’intentent pas au respect dû à sa vie privée. Cour

de cassation, 1er civ, 28 Mai 1991 [Dalloz 1992, juris, p. 213]. Cette vie privée dont on

vient de donner quelques éléments s’oppose à la vie publique. Ce qui pose le

problème de la frontière entre vie privée et vie publique. Ici, il est intéressant de

relever que des faits privés peuvent être divulgués mais normalement cela ne peut se

faire qu’avec une autorisation de la personne concernée. À partir du moment où la

personne autorise la divulgation de faits privés, les faits deviennent des faits publics.

Mais les faits publics par nature peuvent être publiés sans autorisation. Par exemple,

une rupture, un divorce, si cette rupture, si ce divorce est devenu public en raison

notamment du comportement de la personne, de ses indiscrétions, la presse peut

licitement en informer le public. Beaucoup d’affaires sur la famille princière de

Monaco, beaucoup d’affaires en particulier autour de Stéphanie de Monaco. Arrêt de

la Cour de cassation, du 3 Avril 1982. Si la presse peut licitement en informer le

135
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

public – à partir du moment où c’est un fait public – c’est à la condition cependant de

respecter la personne. Autre arrêt toujours sur Stéphanie de Monaco, Cour de

cassation, ch. Civ [Dalloz 2003, p. 1 854, note Bigot], en l’espèce Paris Match avait

publié un article présentant les infidélités du mari de Stéphanie de Monaco mais

l’article était accompagné de titres racoleurs ne respectant pas la personne de

Stéphanie de Monaco, entre autres : ‘Stéphanie, après la fronde l’explication’,

‘Stéphanie humiliée ; rupture ou pardon, la princesse hésite encore’.

§ 3 : LA S AN C TI ON .

Le droit a consacré en les renforçant, des sanctions que la jurisprudence avait

préalablement appliquées. L’auteur de l’atteinte à l’intimité de la vie privée, encourt

des sanctions civiles qui peuvent lui être appliquée cumulativement ou séparément.

Bien sûr, la première sanction à laquelle on songe est la réparation en argent. Ce qui

correspond à une condamnation à devoir verser des dommages et intérêts qui

devront être alloués à la victime. Au niveau du droit au respect de la vie privée, les

juges condamnent à des dommages et intérêts à partir de la seule preuve de l’atteinte

à l’intimité de la vie privée. Ceci pour dire que contrairement à la responsabilité

civile délictuelle classique, on a juste à prouver la faute. Il n’y a pas non plus à

prouver le lien de causalité entre la faute et le dommage. Indépendamment de la

réparation en argent, de l’allocation en dommages et intérêts, la loi prévoit que le

juge – alinéa 2 de l’article 9 – peut prescrire toute mesure tendant à faire cesser

l’atteinte. En particulier il peut ordonner la saisie, le séquestre d’un journal, d’un

livre ou pourquoi pas d’un film. Les supports de l’atteinte peuvent être différents.

Cette mesure qui est particulièrement grave, les juges n’y recourent que très

rarement, il faut que l’atteinte ait une gravité intolérable. Par ailleurs, les juges –

toujours dans les sanctions civiles – peuvent ordonner une coupure dans le film, une

coupure dans l’article, dans le livre… Les juges peuvent ordonner l’insertion d’un

136
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

rectificatif. Et les juges peuvent ordonner la publication de la condamnation dans le

numéro suivant de l’ouvrage, de l’organe de presse, ou simplement de morceaux de

la condamnation, et bien souvent en page de couverture.

S EC TI O N 2 : L E DR OI T A L ’ I M A GE .

Le droit à la protection de l’image est l’une des composantes de la personnalité.

Partant de là, toute personne est titulaire sur son image d’un droit exclusif et absolu

et peut, en conséquence, s’opposer tant à la captation de l’image qu’à la reproduction

de l’image captée sans son autorisation. L’une des questions qui se posent est celle de

savoir si le droit à l’image fait double emploi avec le droit au respect de la vie privée.

En d’autres termes, le droit à l’image est-il autonome ou non ? On va d’abord partir

d’un constat : en droit français, le droit à l’image n’est consacré par aucun texte.

Partant de là, les décisions de justice – pour la plupart – lorsqu’elles veulent

sanctionnées les atteintes au droit à l’image, visent fréquemment l’article 9 du Code

civil. Quand on constate cela, on s’aperçoit que cet article 9 du Code civil joue en

quelque sorte le rôle de matrice des droits de la personnalité. Il est dès lors tentant

d’y voir la preuve que seule l’image attentatoire à la vie privée est illicite. Et

pourtant, ce n’est pas le cas. Ce que l’on peut dire c’est que le visa de l’article 9 n’est

qu’une sorte de réflex juridique. La manifestation du souci de viser un fondement

légal. Mais cela ne préjudicie en rien à l’existence d’un droit autonome de la

personne sur son image. Certes, il arrive fréquemment que les deux droits viennent

en concours ; c’est l’hypothèse où l’on saisit l’image de la personne dans sa vie

privée. Il n’en demeure pas moins que les deux droits sont distincts. D’ailleurs, cette

remarque a été faite par la jurisprudence elle-même ; dès 1976, la Cour d’Appel de

Paris a consacré la distinction entre les deux droits : ‘le droit à l’image ne se confond

pas avec le droit au respect de la vie privée, il peut subir des atteintes lors de

circonstances se rattachant à la vie publique de la personne’. On retrouve trace de

137
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

cette même idée dans un arrêt de la 1er civ, de la Cour de cassation, en date du 12

Décembre 2000 [Dalloz 2001, juris, p 2 234], dans cet arrêt, la Cour de cassation juge

que l’atteinte au respect dû à la vie privée et l’atteinte au droit de chacun sur son

image constituent des sources de préjudices distincts. Bien souvent, les juridictions

pourtant rattachent le droit à l’image au droit au respect de la vie privée – donc à

l’article 9. Lorsque les juridictions procèdent de la sorte, c’est sans doute pour faire

profiter ce droit de l’autonomie dont jouit le droit au respect de la vie privée, au

regard des règles de la responsabilité civile délictuelle. Bien sûr, la principale

préoccupation lorsque le droit à l’image d’une personne est en cause, sera celle de

savoir si l’intéressé a autorisé la captation et l’utilisation de son image. Plusieurs

remarques peuvent être faites à partir du contenu de la jurisprudence :

> L’autorisation de se faire photographier n’implique pas celle de reproduire les

clichés. Donc une personne même si elle a autorisé la captation peut s’opposer à la

publication de ce qui a été capté.

> L’autorisation doit être spéciale. Cette autorisation ne vaut que pour

l’exploitation à laquelle l’intéressé a expressément consenti et seulement pour la

revue à laquelle elle a été donnée. Arrêt de la Cour de cassation en date du 30 Mai

2000 [JCP 2001, II, n°10 524, note Montels]. Il ressort de cette décision qu’il y a

‘violation lorsqu’il y a publication de photos ne respectant pas la finalité de

l’autorisation donnée par l’intéressé’. Dans certaines hypothèses – c’est là

l’exception de principe – la captation, la diffusion de l’image d’une personne peut

intervenir sans son autorisation. Il peut y avoir par exemple captation de l’image

pour des raisons d’ordre public. Par exemple, c’est le cas lorsqu’une personne est

flashée sur la route en raison d’un excès de vitesse. Il peut s’agir aussi de captation

de l’image dans un intérêt historique. On a en particulier une loi du 11 Juillet 1985

qui autorise l’enregistrement audiovisuel d’un procès. Ou bien encore, exception au

principe lorsque la personne participe à la vie publique ou à l’actualité. Ceci dit,

pendant un temps, lorsqu’on examine la jurisprudence, on s’aperçoit que pendant

138
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

longtemps, celle-ci privilégiait le droit à l’image et le droit au respect de la vie privée.

Mais depuis quelques temps, la jurisprudence à tendance à privilégier le droit à

l’expression, la liberté de la presse au détriment du droit à la vie privée et à l’image.

Tout le problème est celui de la conciliation entre droit à l’image et liberté de

communication des informations. Cette combinaison d’ailleurs est rappelée par la

jurisprudence elle-même dans un arrêt du 30 Juin 2004 [JCP 2004, II, n°10 160]. Dans

cet arrêt du 30 Juin 2004, la Cour de cassation, 2e civ, nous dit que ce droit doit se

combiner avec l’exercice de la liberté de communication des informations. Ce qui

nous conduit à parler de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.

La liberté d’expression tout d’abord, est un droit fondamental de l’Homme

instauré et protégé par les normes juridiques les plus élevées. Elle se voit conférer

une valeur constitutionnelle via la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen

de 1789. L’article 11 de ladite déclaration dispose en effet ‘la libre communication

des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme, tout

citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l’abus de

cette liberté dans les cas déterminés par la loi’. Il n’y a pas que cet article 11 de la

DDHC que l’on peut relater ici, on peut aussi faire référence à l’article 19 de la

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée des Nations

Unies le 10 Décembre 1948 qui énonce ‘tout individu a droit à la liberté d’opinion et

d’expression ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et

celui de rechercher, de recevoir et de répandre sans considération de frontière les

informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit’. Par ailleurs,

ces principes ont été repris et explicités par le Pacte International relatif aux Droits

civils et politiques de 1966. Voilà ce que l’on appelle la liberté d’expression.

Quant à la liberté de la presse. La presse n’est autre que le vecteur essentiel de la

liberté d’expression. Cette liberté de la presse est consacrée par un texte relativement

ancien puisqu’il s’agit d’une loi du 29 Juillet 1881. L’article premier de cette loi

dispose ‘l’imprimerie et la Librairie sont libres’. Il se trouve que le droit à l’image

139
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

que l’on est en train de travailler et la liberté de communication des informations

dont l’on vient de parler ont une valeur normative identique. Autrement dit, il n’y a

pas de hiérarchie entre ces différentes libertés fondamentales. Initialement, le conflit

était arbitré par la Cour de cassation dans un sens favorable au droit à l’image. Mais

par un arrêt en date du 25 Janvier 2000 [JCP 2000, II, n° 10 257] la première chambre

civile de la Cour de cassation semble avoir fait un premier pas en faveur de la liberté

de communication des informations. Elle a jugé en effet que la publication d’une

photographie d’un groupe centrée non sur une personne mais sur un évènement

d’actualité ne justifiait pas une demande en réparation de la part d’une personne

photographiée. Pourtant là, la personne n’avait pas donné son autorisation. L’arrêt

du 30 Juin 2004, renforce ce recul. Il ressort en substance effectivement de cet arrêt du

30 Juin 2004 que lorsqu’il s’agit d’illustrer un fait d’actualité une personne ne peut

s’opposer à la réalisation et à la divulgation de son image chaque fois que le public a

un intérêt légitime à être informé. La Cour de cassation réaffirme ici et de manière

explicite que la liberté de communication des informations autorise la publication

d’images de personnes impliquées dans un évènement d’actualité alors que ces

personnes ne sont pas consentantes. On trouvait déjà trace de cette implication de la

personne dans un évènement dans un arrêt du 20 février 2001 [Dalloz 2001, juris, p.

1 199, note Gridel] : ‘la liberté de communication des informations autorise la

publication d’images de personnes impliquées dans un évènement sous la seule

réserve du respect de la dignité humaine’. Au cours de l’année 2003, la haute

juridiction a réaffirmé cette décision : arrêt du 11 Décembre 2003, arrêt du 13

Novembre 2003. Plus près de nous, la Cour de cassation va encore plus loin dans un

arrêt du 4 Novembre 2004 [Dalloz 2005, juris, p. 687], ici la Cour de cassation ne se

réfère plus à la notion d’évènement d’actualité ni même à la notion de fait d’actualité,

elle se réfère à une nouvelle notion ; à savoir le de débat général de phénomènes de

société. Dans l’affaire en question, le magazine Paris Match avait pour illustrer un

article consacré aux accidents de la route publié la photographie d’un jeune homme

140
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

qui en l’occurrence était inanimé, à demi dévêtu, étendu sur un brancard, le visage

ensanglanté, jeune homme autour duquel s’afférait une équipe de secouriste. Ce

jeune homme est décédé par la suite et ses parents sont allés devant la justice,

estimant que le cliché pris sans l’autorisation du jeune homme en question et publié

sans l’autorisation des parents portait atteinte à la dignité de la personne

photographiée. La Cour de cassation est venue casser la décision rendue par la Cour

d’Appel en visant l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme,

en visant l’article 9 du Code civil et en visant l’article 16 du code civil. Selon la Cour

de cassation ‘en statuant ainsi,

[…]

S EC TI O N 3 : L E DR OI T A L ’ H ON N EU R .

L’honneur doit être défendu contre les allégations mensongères par exemple,

contre également les révélations de fait qui seraient de nature à porter atteinte à la

réputation de la personne. Il y a des atteintes à l’honneur par voie d’injures, usages

de formules d’outrage ou de mépris, il y a aussi les atteintes à l’honneur par la voie

de la diffamation. Il faut savoir que ces atteintes à l’honneur sont sanctionnées non

seulement civilement – droit de réponse, dommages et intérêts – mais aussi

pénalement.

S EC TI O N 4 : L E DR OI T A U S EC R E T .

Il s’agit ici de protéger le ou les secret(s) confié(s) à un professionnel, par tout

moyen. Par exemple, sur les avocats, pèse ce que l’on appelle un secret

professionnel : ils ont une obligation à le respecter. De même pour le médecin. C’est

le cas aussi des notaires. Et également des prêtres. Le manquement est sanctionné

pénalement. Ce droit au secret s’impose même au juge, à savoir que le juge ne peut

141
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

ordonner la communication d’une pièce qui, au terme d’un texte, doit demeurer

secrète.

TITRE 4 : LA C AP AC I T E D E S P ER S ON N E S P H Y SI Q UE S .

En principe, l’individu peut jouir de tous ses droits. On va dire qu’il est

‘pleinement capable’. On aborde donc la problématique de la capacité. Quelle

définition en donner ? La capacité juridique c’est l’aptitude d’une personne à être

titulaire de droits et à les exercer. Ce principe de la capacité juridique est prévu à

l’article 8 du Code civil. S’il s’agit là d’un principe, il comporte donc des exceptions

ou plus précisément la capacité subie des restrictions. Il peut s’agir de restrictions à

titre de sanction ; on peut par une déchéance, sanctionner quelques criminels. Ou

elles peuvent survenir à titre de protection de la personne. Il va s’agir ici de protéger

soit des mineurs, soit des majeurs. Quand il y a des restrictions à la capacité, on parle

d’incapacité ; de non-capacité. Ce qu’il faut comprendre c’est que ces incapacités ont

un caractère exceptionnel. On va distinguer d’un côté les incapacités de jouissance et

de l’autre les incapacités d’exercice.

Les incapacités de jouissance entraînent une privation de droit. L’exemple le plus

donné est celui du mineur qui ne peut exercer d’activités commerciales, donc

l’exercice du commerce par un mineur n’est pas possible. Cela génère des

conséquences, en particulier quand on veut constituer une société en nom collectif.

Un mineur ne pourra pas en faire partie car le fait de faire partie d’une société lui

donnerait la qualité de commerçant. Il pourra toutefois être associé dans une EURL.

Les incapacités d’exercice. Les choses sont ici différentes : le titulaire est bien

titulaire de droits, il a bien la jouissance de droits, il n’en est pas privé mais il ne peut

les exercer lui-même. C’est évidemment le cas des mineurs. Comme les incapacités

d’exercice sont les plus fréquentes, on va se concentrer sur elles.

142
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

C H AP I T RE 1 : L A P R O T E C T I O N D E S MI N E U RS .

En matière de protection, la loi du 5 mars 2007 – entrée en vigueur le 1er janvier

2009 - avait pour objet principal la protection des majeurs mais cette loi a eu quelques

incidences sur la protection des mineurs. Le mineur, en tant que mineur, a besoin

d’être protégé. Ce qui fait qu’en ce qui le concerne, l’incapacité d’exercice constitue le

droit commun. Ceci dit, il y a des exceptions. Exceptionnellement, à partir de 16ans,

le mineur peut accéder à la pleine capacité civile par ce que l’on appelle

l’émancipation. Il existe donc deux catégories de mineurs : le mineur non émancipé,

le mineur émancipé.

S EC TI O N 1 : L E M I N E UR N ON - E M AN CI P E .

En principe, le mineur non émancipé est totalement incapable. Ce qui veut dire

qu’il est obligatoirement représenté. Il va avoir un représentant, et son représentant

va exercer pour lui tous les actes de la vie civile. Cependant, pour tenir compte de

certaines nécessités pratiques, l’enfant mineur non-émancipé se voit reconnaître soit

par la loi soit par l’usage le droit de faire lui-même un certain nombre d’actes. Il peut

s’agir par exemple d’actes de peu d’importance, actes de la vie courante : les menus

achats. Mais il peut s’agir aussi d’actes beaucoup plus importants de sa vie

personnelle.

En particulier, la jeune fille mineure peut procéder à une IVG sans l’autorisation de

ses parents, simplement en se faisant accompagner par la personne majeure de son

choix. Il y a là un texte du Code de la Santé publique qui l’y autorise. Autre exemple ;

un mineur de plus de 16ans non-émancipé peut rédiger un testament, mais

attention : il a ici une capacité limitée ; il ne peut léger au niveau de ce testament que

143
Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
2020

la moitié des biens dont un majeur pourrait disposer. Et troisième illustration ; un

mineur peut reconnaître un enfant.

En dehors donc de quelques actes permis, l’incapacité des mineurs est générale.

C’est pourquoi le mineur non-émancipé est obligatoirement soumis à un régime de

protection.

Concernant ces régimes de protection, on en distingue deux au niveau du mineur

non-émancipé :

> L’ administration légale.

> La tutelle.

§ 1 : L’ A DM I N I S TR A T I ON LE G A L E .

Ce sont les articles 389 et suivants du Code civil donc il s’agit. Ici, le principe est

le suivant : l’administration légale des biens du mineur est confiée au(x) parent(s)

ayant l’autorité parentale. Suivant le nombre de parents ayant cette autorité, l’enfant

va être soumis soit à un régime d’administration légale pure et simple, soit à un

régime d’administration légale sous contrôle judiciaire.

A. L’ AD MI N I S T R A T I O N L E G AL E P U RE E T SI M PL E .

Ce premier régime d’administration légale pure et simple s’applique lorsque

l’autorité parentale de l’enfant est confiée conjointement à ses deux parents. Deux

parents qui peuvent être mariés, divorcés, ou concubins ou anciens concubins. Dans

le cadre de ce premier régime, chacun des parents va pouvoir faire seul les actes que

l’on appelle ‘actes conservatoires’ et les actes d’administration.

Les actes conservatoires sont des actes ayant pour objet de sauvegarder un droit

ou d’éviter la perte d’un bien.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Quant aux actes d’administration, ce sont des actes ayant pour but la gestion

normale d’un patrimoine, en en conservant la valeur et en le faisant fructifier.

En revanche, en ce qui concerne les actes de disposition – qui sont les plus graves -

la loi va distinguer selon la gravité de l’acte. Par définition, un acte de disposition est

un acte juridique comportant transmission d’un droit réel ou souscription d’un

engagement juridique important. Et pouvant avoir pour effet de diminuer la valeur

du patrimoine. Les parents vont devoir accomplir ensemble les actes de disposition

ordinaires. Par exemple, le placement de capitaux appartenant à un mineur. S’ils ne

sont pas d’accord, l’acte devra alors être autorisé par le juge des tutelles. Ceci est le

premier aspect. Ceci dit, en ce qui concerne l’acte de disposition particulièrement

grave, les parents vont devoir requérir l’autorisation du juge des tutelles. Sinon,

l’acte est nul. Les textes donnent une liste de ces actes qui doivent être considérés

comme particulièrement graves ; la vente d’un immeuble, la vente d’un fond de

commerce, un emprunt, …

B. L’ AD M I N I ST R AT I O N L E G AL E SO U S C O N T R O L E J U D I CI AI R E .

Ce régime va s’appliquer quand l’autorité parentale de l’enfant est confiée à un

seul des parents, quelque soit la situation familiale de l’enfant. Il peut s’agir d’un

enfant encore rattaché à la mère simplement ou au père simplement – par exemple

parce qu’une mère accouche sous X, ce qui n’empêche pas le père de le reconnaître.

Ou alors, autre situation familiale : l’enfant a bien une double filiation mais l’un des

parents a été déchu par le juge de son autorité parentale. Ou alors, l’enfant a perdu

l’un de ses parents, l’un de ses parents est décédé. Sous ce régime, l’administrateur –

donc le père ou la mère – peut faire seul, sans la moindre difficulté, les actes

conservatoires et les actes d’administration. Par contre – ce qui paraît de pure logique

– il va devoir systématiquement se pourvoir d’une autorisation du juge des tutelles

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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pour les actes de disposition. On n’a donc pas de distinction à faire ici dans les actes

de disposition.

§ 2 : LA T U TE L LE .

Elle va s’appliquer quand l’enfant n’a plus ou n’a pas de parent. Deuxième cas de

figure ; la tutelle va s’appliquer aussi lorsque les parents sont déchus de l’autorité

parentale. Le juge peut effectivement décider que les deux parents soient déchus de

l’autorité parentale. La tutelle peut aussi, troisième cas de figure, s’appliquer lorsque

le juge des tutelles le décide. Normalement, on pourrait être dans le régime classique

d’administration légale pure et simple ou dans le régime classique d’administration

légale sous contrôle mais le juge en décide autrement.

C’est donc une protection du mineur. On le protège en confiant le soin de sa

personne et la gestion de ses biens à un tuteur. Et le mineur va être ici représenté de

manière continue par ce tuteur. Ceci dit, dans la tutelle, il y a plusieurs d’organe :

> D’un côté, le tuteur que l’on qualifie d’organe actif.

> Et à côté de cela, il y a des organes de contrôle.

A. L’ O RG AN E AC T I F ; L E T UT E UR .

1/ S A D E SI G N AT I O N .

En fait ici, il nous faut distinguer trois types de tutelle : la tutelle testamentaire, la

tutelle dative, la tutelle départementale.

La tutelle testamentaire : ici, le dernier parent qui avait, au jour de sa mort,

l’exercice de l’administration légale de l’enfant, a la possibilité de désigner dans un

testament, ou bien encore dans une déclaration spéciale faite devant notaire, une

personne – parente ou non – comme tuteur de son ou de ses enfants. Cette personne

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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désignée bien évidemment n’est pas obligée d’accepter cette fonction. Mais, si elle

l’accepte, cette tutelle va s’imposer au conseil de famille, à moins que l’intérêt de

l’enfant commande de l’écarter.

La tutelle dative : elle va jouer à défaut de tutelle testamentaire. Donc à défaut de

tutelle testamentaire ou bien si le tuteur désigné vient pour une raison ou pour une

autre à cesser ses fonctions, le tuteur de l’enfant va être désigné par un Conseil de

famille convoqué par le juge des tutelles.

La tutelle départementale : hypothèse où la tutelle devient vacante ; pas de tutelle

testamentaire, pas de tutelle dative. Donc si la tutelle devient vacante, le juge des

tutelles va déférer cette tutelle au service départemental de l’aide sociale à l’enfance.

C’est une situation très exceptionnelle.

2/ S E S FONCTIONS.

Deux aspects dans ces fonctions ; il doit prend soin de la personne du mineur et il

doit administrer son patrimoine. C’est le conseil de famille qui va déterminer les

conditions générales de l’entretien et de l’éducation de l’enfant ; le tuteur sera là

uniquement pour mettre en œuvre les décisions prises.

En ce qui concerne le deuxième aspect des contrôle ; l’administration du

patrimoine du mineur, le tuteur peut passer les actes conservatoires et les actes

d’administration. En revanche, pour les actes de disposition, il doit obtenir

l’autorisation du conseil de famille. Mais certains actes sont interdits au tuteur. Et en

particulier, il doit se garder d’acheter un bien appartenant à la personne qu’il

protège. Sinon, il y a conflit d’intérêt ; il ne peut pas protéger ses propres intérêts et

ceux de la personne protégée.

B. L E S O RG A N E S D E C O N T RO L E .

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1/ L E S O RG AN E S D E C O N T RO L E F AMI L I A L .

Il y en a deux. Tout d’abord, le subrogé-tuteur. Il s’agit d’une personne désignée

par le conseil de famille, parmi ses membres, et qui va avoir pour fonction de

surveiller la gestion du tuteur. Et s’il constate des fautes, il aura pour mission

d’information le juge des tutelles.

Deuxième organe : le conseil de famille. C’est l’organe de direction essentiel de la

tutelle. Ce conseil de famille est composé d’au moins quatre personnes parmi

lesquelles le tuteur et le subrogé-tuteur. Ces personnes ont été désignées par le juge

des tutelles.

2/ L’ O RG AN E D E C O N T R O L E J U D I CI AI R E ; L E J U G E D E S T UT E L L E S .

Il s’agit du juge ou l’un des juges composant le tribunal d’instance du domicile du

mineur. Il est là pour exercer une surveillance générale sur la tutelle du mineur. Il

peut convoquer qui il veut, le tuteur, le conseil de famille, le subrogé-tuteur… pour

réclamer quand il le souhaite des explications. Il peut leur adresser des

recommandations et prononcer contre eux des injonctions.

S EC TI O N 2 : L E M I N E UR EM AN C I P E .

L’émancipation est une institution qui a pour but de conférer à un mineur, arrivé à

un certain âge, la capacité civile d’un majeur. Autrement formulé, cette institution

permet d’anticiper la majorité au profit de mineurs dont on considère qu’ils ont une

maturité suffisante. Ceci dit, peu de parents acceptent d’émanciper un enfant. Et par

ailleurs, même s’ils acceptent, l’émancipation est désormais judiciaire. Le juge des

tutelles a un pouvoir d’appréciation.

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§ 1 : LES C ON DI TI ON S DE L ’ EM AN CI P A TI O N .

Il faut savoir qu’il y a deux types d’émancipation ; l’émancipation légale et

l’émancipation volontaire.

L’émancipation légale concerne le ou la mineur(e) qui se marie. En effet, le mineur

est émancipé de plein droit par son mariage.

Dans le cas de l’émancipation volontaire. Pour cela, il faut que l’enfant ait atteint

l’âge de 16ans révolu. Il y aura audition du mineur et l’émancipation ne sera

prononcée que s’il y a de justes motifs de le faire. Elle sera prononcée par le juge des

tutelles. La demande d’émancipation n’émanera pas du mineur lui-même mais de

son ou de ses représentants.

§ 2 : LES E F F E T S D E L ’ EM AN C I P ATI ON .

Il y a des effets concernant la personne et des effets relatifs au patrimoine. Tout

d’abord, quant aux effets relatifs à la personne. Le mineur émancipé cesse d’être sous

l’autorité de ses parents. L’émancipation met fin à l’autorité parentale, de même que

l’émancipation met fin à l’administration légale ou à la tutelle. Du coup, comme

l’enfant émancipé n’est plus sous l’autorité parentale, les parents n’en sont plus

responsables de plein droit. Donc si le mineur émancipé cause des dommages, les

parents n’en sont plus responsables. Ceci dit, il y a quand même des limites au

détachement de l’enfant à ses parents. Si un mineur est émancipé, il devra toujours

avoir l’autorisation de ses parents pour se marier.

Les effets concernant la gestion de son patrimoine. Le mineur émancipé est

capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile. Donc il peut tout faire

concernant son patrimoine. Toutefois, il ne peut pas être commerçant – à cause des

risques liés à l’activité commerciale. Et l’émancipation prend fin tout naturellement à

la majorité de l’enfant. Ces règles de capacités sont essentielles.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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C H AP I T RE 2 : L A P R O T E C T I O N D E S M AJ E U RS .

Normalement, toute personne physique majeure est capable. Il est censé apte – le

mineur – à pourvoir à ses intérêts sans assistance ni représentation. Donc la

protection d’un majeur est l’exception. Et là il s’agira de protéger les majeurs dont les

facultés mentales sont altérées. Ce qui a été l’objectif essentiel de la loi du 5 mars 2007

que de réformer la protection des majeurs.

S EC TI O N 1 : L E S P R I N C I P E S F O N D AM E N T A UX DE L A P R O T EC TI O N .

La loi du 5 mars 2007 a soumis les régimes de protection au niveau des majeurs à

plusieurs principes fondamentaux.

§ 1 : LE P R I N C I P E D U C ON TR A DI C T OI R E ET D U P R OC E S EQ UI T A B LE .

Les procédures tendant à la mise en place d’une mesure de protection au niveau

d’un majeur doivent respecter ce principe du contradictoire et du procès équitable

car elles peuvent avoir pour effet, pour conséquence, de limiter considérablement la

capacité de la personne protégée. C’est pourquoi le majeur concerné doit être

entendu. Le juge des tutelles est dans l’obligation d’appeler le majeur pour l’entendre

avant de mettre en place une mesure de protection. Et le majeur peut, s’il le souhaite,

se faire assister d’un avocat ou avec l’accord du juge, il peut se faire assister d’une

autre personne. Il arrive qu’exceptionnellement, le juge puisse décider de ne pas

procéder à l’audition. Et cela sur avis d’un médecin. Ce sera le cas si la personne est

hors d’état d’exprimer sa volonté ou alors si l’audition est de nature à porter atteinte

à la santé de la personne concernée. Il ne faut pas que cela soit de nature à accentuer

le trouble mental.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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§ 2 : LE P R I N C I P E D E N EC E S S I TE .

La protection d’un majeur ne peut être mise en place que s’il y en a absolument

besoin. Référence à l’article 428 du Code civil. Et ce besoin doit avoir été

médicalement reconnu. Il va y avoir une collaboration constante entre le juge des

tutelles et le médecin. C’est un peu la même collaboration qu’il y a entre le juge des

tutelles et la famille au niveau de la protection des mineurs.

§ 3 : LE P R I N C I P E D E S U BSI D I AR I T E .

Adopté avec la réforme de 1968 et étendu à toutes les mesures de protection avec

la loi de 2007. Article 428 du Code Civil : ‘aucune mesure de protection concernant

les majeurs ne peut être ordonnée lorsque l’on peut pourvoir aux intérêts de la

personne par une autre voie, indiquée par la loi’. Par exemple, dans un mariage ou

dans un PACS, les mesures existantes peuvent suffirent dans certains cas à assurer la

protection du conjoint majeur. Il y a des habilitations qui peuvent suffirent. Dans ce

cas, on ne mettra pas en place des mesures aussi contraignantes.

§ 4 : LE P R I N C I P E D E P R OP OR TI ON N ALI T E .

L’idée est que l’importance de la protection va dépendre de l’étendu de

l’altération. C’est pourquoi il y a plusieurs régimes différents.

S EC TI O N 2 : L E S DI F F ER EN TS R EGI M E S D E P R O TE C TI O N ; L ’ EV E N T AI L DES

M E S UR E S .

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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En 1968, loi du 3 janvier ; trois régimes de protection : tutelle, curatelle, et

sauvegarde de justice. La loi de 2007 a maintenu cette trilogie en la retouchant

quelques peu. Mais à côté de cela, cette loi de 2007 a ouvert à la personne concernée

une autre voie qui correspond à une auto-prévoyance, en instituant – ce qui est une

totale innovation – le mandat de protection future.

§ 1 : LA T U TE L LE D E S M A J E UR S .

La tutelle, on va l’appliquer dans le cas où l’incapacité du majeur est la plus

étendue. Elle sera mise en place si l’altération des facultés mentales est telle que le

majeur a besoin d’être représenté de manière continue dans les actes de la vie civile.

Elle a pour conséquence de créer une incapacité de droits continue et générale. Dans

cette phrase trois aspects sont à souligner : incapacité de droit, incapacité continue et

incapacité générale.

Incapacité de droit car elle résulte d’un jugement d’ouverture de la tutelle. À partir

de ce jugement, l’incapacité est continue. C’est-à-dire qu’elle va s’exercer

constamment, même pendant les intervalles de lucidité s’il y en a. L’altération des

capacités mentales peut-elle ne pas être continue. Et enfin, elle est générale car elle

s’applique à tous les actes du majeur, quelques soit la nature de l’acte. Le régime

juridique mis en place est ici un régime de représentation ; le tuteur va représenter le

majeur protégé dans tous les actes de la vie civile. Avec tout de même quelques

petites ouvertures possibles, si l’état de la personne le permet. Ouverture possible, ce

qui signifie que le juge des tutelles peut – dans le jugement d’ouverture de la tutelle –

énumérer certains actes que la personne aura la possibilité de faire seule ou aura la

possibilité de faire avec l’assistance du tuteur.

§ 2 : LA CU R AT E L LE .

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Ici, sans être hors d’état d’agir elle-même, la personne majeure a besoin d’être

assistée ou contrôlée. Donc là ce n’est plus un régime de représentation, mais un

régime d’assistance. On peut dire que là on est en présence d’une personne ‘semi-

capable’ ou ‘semi-incapable’. Donc le curateur assistera le majeur.

§ 3 : LA S A UV E G AR D E D E J U S T I C E .

Là, c’est un régime protecteur temporaire. C’est le plus léger qui soit prévu. Le

majeur peut avoir besoin effectivement d’une protection temporaire ou peut avoir

besoin de quelqu’un à côté de lui pour effectuer certains actes déterminés. On

utilisera alors la sauvegarde de justice.

§ 4 : L’ I N N OV A TI ON DE C O U L AN T DE L A L OI D E 2007.

Ici, on ouvre la possibilité à toute personne maîtresse de ses droits, d’anticiper le

moment où elle perdrait un jour une partie de ses facultés mentales, où elle perdrait

son autonomie par l’effet d’une perte de ses facultés mentales. La raison d’être de

cette innovation est le vieillissement de la population. Donc on nous permet

d’anticiper la problématique avec ce fameux mandat dit de ‘protection future’. Là, on

peut dans un mandat, confier par avance à une personne ou à plusieurs, la mission

de nous protéger et de gérer notre patrimoine. Aussitôt que le moment sera venu,

que les facultés mentales seront altérées, le mandataire protégera la personne et son

patrimoine.

L I VR E II : L E S P ER S O N N E S M OR A LE S .

Comment, au niveau d’une personne morale, la personnalité apparaît-elle ? C’est

l’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés qui marque la

naissance de la société en tant que personne morale, en tant que personne juridique.

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Fondamentaux du droit (Formations professionnelles) ATIOUKPE E. Alex 2019-
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Ici, le greffier – au niveau du registre du commerce et des sociétés – va donner à la

société ce que l’on appelle un numéro d’inscription, elle va être immatriculée. On ne

parle pas des GIE, associations ou autres. On a donc deux grands types de sociétés :

sociétés civiles et commerciales. Une disposition nous dit : ‘les sociétés sont civiles ou

commerciales en raison de leur objet’. Et on a un alinéa second qui dit ‘sont

commerciales, à raison de leur forme et indépendamment de leur objet, les sociétés

en nom collectif, les sociétés en comment-dite simples, les sociétés à responsabilité

limitée et les sociétés par action’. Société par action, c’est-à-dire société en comment-

dite par action, société anonyme et société par action simplifiée. Une fois que la

société est immatriculée, elle a la personnalité juridique. Ayant la personnalité

juridique, elle a du même coup les attributs de la personnalité. Attributs de la

personnalité ; comme une personne physique, elle a des attributs patrimoniaux - la

société va donc avoir un patrimoine ; et elle va avoir aussi comme toute personne,

des attributs extrapatrimoniaux. Une personne physique a un nom, et bien une

personne morale va avoir une dénomination sociale. Une personne physique a un

domicile, donc une personne morale, elle, va avoir un siège social. Et comme une

personne physique, une personne morale va avoir une nationalité qui la rattache à un

pays. Une société ayant son siège sur le sol français devra appliquer le Droit français.

En ce qui concerne la disparition de la personnalité, il y a au niveau des personnes

morales des causes de dissolution. Elles apparaissent dans l’article 1 844-7 du Code

civil :

> L’arrivée du terme convenu. Sauf pour la société par participation, les sociétés en

fonction de leur statut sont constituées pour une durée déterminée. Normalement,

quand la durée est écoulée, la société est dissoute. C’est une cause de dissolution.

Normalement car on peut prolonger la durée prévue initialement.

> La réalisation ou l’extinction de l’objet social. C’est une cause envisagée par

l’article mais, en pratique, cette cause de dissolution ne joue presque jamais car

l’objet social est en général déterminé dans les statuts, de telle façon que la société ne

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soit pas dissoute. L’objet social c’est l’activité de la société, l’activité que la société se

propose de réaliser. Il va y avoir une détermination précise dans un premier temps.

Et dans un second temps, on va dire qu’en dehors de cela, la société pourra réaliser

‘d’autres activités annexes’.

> L’annulation du contrat de société. Comme tout contrat, il peut très bien avoir

été conclu invalidement et être annulé, la société sera alors dissoute.

> La dissolution anticipée décidée par les associés. Là, c’est de pure logique ; la

société est créée par la volonté des associés. Par conséquent, le législateur admet que

la société soit dissoute par la volonté des associés.

> La dissolution judiciaire anticipée pour juste motif. Par exemple, lorsque l’on

entre dans une société, on s’engage à réaliser toute les dispositions prises. La non-

réalisation de ces dispositions est donc un motif de dissolution judiciaire. Ou alors,

lorsqu’il y a une paralysie de fonctionnement de la société. Par exemple, dans le cas

où deux associés ne seraient pas en accord.

> La réunion de toutes les prescriptions d’action en une seule main. On peut

constituer une EURL, une SESU, une SASU avec un unique associé. Auparavant, il

fallait au minimum deux associés pour créer une société. Ceci faisait que, si en cours

de fonctionnement, la société devenait unipersonnelle, alors la société était dissoute.

Mais le législateur a prévu que si une société à plusieurs associés devient

unipersonnelle, alors elle ne sera pas automatiquement dissoute car ces sociétés

unipersonnelles sont désormais reconnues.

> Les causes statutaires de dissolution. Dès le départ, les associés peuvent convenir

par la clause des statuts que si toute cause apparaît, la société pourra être

dissoute. Le liquidateur en substance va réaliser les actions en liquidation du

patrimoine et payer les créanciers sociaux. Pendant la liquidation, artificiellement, la

société est maintenue en vie, mais c’est une fiction juridique.

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