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III Q 297

RR

ANÉMIE
ORIENTATION DIAGNOSTIQUE
Dr Bénédicte Deau
Service d’hématologie (Pr Varet), hôpital Necker, 75015 Paris, France
benedicte.deau-fischer@nck.aphp.fr

Clinique
OBJECTIFS

Devant une anémie,


ARGUMENTER les principales Les signes cliniques évocateurs d’anémie sont variables et
dépendent de la rapidité d’installation de l’anémie et de la capa-
hypothèses diagnostiques et cité du système cardiovasculaire et pulmonaire à s’adapter à
JUSTIFIER les examens l’anémie. Celle-ci peut donc être de découverte fortuite sur un
hémogramme systématique ou diagnostiquée devant des signes
complémentaires pertinents.
cliniques évocateurs : pâleur cutanéo-muqueuse (paume des
mains, conjonctives, face interne des joues), tachycardie à l’effort
pour une anémie modérée ou d’installation lente, et polypnée,
tachycardie au repos, œdèmes des membres inférieurs, cépha-
lées, vertiges pour une anémie sévère (Hb < 8 g/dL), voire un état
Définitions de choc en cas d’anémie d’installation très rapide (anémie aiguë
Le globule rouge est une structure cellulaire anucléée qui hémorragique). Une anémie peut également être à l’origine de
comprend une membrane, l’hémoglobine et plusieurs enzymes. douleurs coronariennes ou d’artérite chez un sujet porteur d’une
L’hémoglobine, principal constituant du globule rouge, fixe l’oxy- insuffisance circulatoire artérielle. La tolérance clinique d’une
gène au niveau des alvéoles pulmonaires et le libère au niveau anémie dépend donc de l’âge, de l’activité physique, du degré
des tissus utilisateurs. d’anémie et de sa rapidité d’installation.
Ce qui est important pour l’organisme, ce n’est pas le nombre
de globules rouges, mais la quantité d’oxygène qu’ils transpor- Physiopathologie
tent et par conséquent le taux d’hémoglobine par unité de
volume. L’anémie est définie par une diminution du taux d’hémo- Schématiquement, une anémie peut résulter de deux méca-
globine au-dessous des valeurs normales pour l’âge et le sexe : nismes : soit un mécanisme central par diminution de la produc-
c'est-à-dire sur l’hémogramme par un taux d’hémoglobine infé- tion médullaire, soit un mécanisme périphérique par augmenta-
rieur à 13 g/dL chez l’homme, 12 g/dL chez la femme, 10,5 g/dL tion des pertes de globules rouges sans compensation
chez la femme enceinte, 14 g/dL chez le nouveau-né, 12 g/dL médullaire suffisante. La moelle, afin de produire plus de globules
chez l’enfant. La différence du taux d’hémoglobine entre la rouges, fabrique plus d’érythroblastes, donc plus de réticulo-
femme et l’homme est liée aux androgènes, qui stimulent l’éry- cytes. Les réticulocytes sont des globules rouges jeunes qui sont
thropoïèse chez l’homme. dans le sang pendant 24 heures. Ils représentent 1 % des glo-
Dans certaines circonstances, la diminution du taux d’hémo- bules rouges et permettent d’apprécier l’activité érythropoïétique
globine ne reflète pas une anémie véritable, le volume globulaire globale. Le nombre normal de réticulocytes est compris entre
est stable (diminué dans le cas d’une anémie), mais le volume 25 000 et 120 000/mm³ pour un taux d’hémoglobine normal.
plasmatique est augmenté. C’est le cas des fausses anémies par Lorsqu’il y a une anémie, le nombre de réticulocytes permet d’af-
hémodilution : lors de la grossesse à partir du 2e trimestre, des firmer son caractère central ou périphérique : non augmenté
splénomégalies volumineuses (mécanisme d’hémodilution mal dans une anémie d’origine centrale (elle est dite arégénérative),
connu), de certaines immunoglobulines monoclonales (IgM de la augmenté dans une anémie d’origine périphérique (elle est alors
maladie de Waldenström) et de l’insuffisance cardiaque. régénérative).

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Les autres critères biologiques caractéristiques de la lignée la sidérophiline (normale : 45 à 75 μmol/L) ou à une baisse du
rouge nécessaires pour classer une anémie sont : le volume glo- taux de la ferritine (< 10 ng/mL).
bulaire moyen (volume d’un globule rouge : hématocrite divisé Il est nécessaire, devant toute carence martiale, de rechercher
par le nombre de GR : valeur normale : 80 à 100 μ³) et la concen- une cause : la plus fréquente est un excès de perte par saigne-
tration corpusculaire moyenne en hémoglobine (quantité d’hémo- ment chronique (90 % cas) d’origine digestive chez la femme
globine rapportée à l’unité de volume des GR : valeur normale : ménopausée ou chez l’homme et gynécologique chez la femme
32 à 36 %). Ces valeurs sont modifiées lorsque l’érythropoïèse, non ménopausée. Le saignement chronique doit être formellement
est perturbée (v. Pour approfondir). éliminé devant toute anémie ferriprive par une fibroscopie gas-
Le VGM permet de séparer les anémies microcytaires (VGM trique (avec biopsie duodénale) à la recherche d’un ulcère, d’un
< 80 μ³), des anémies macrocytaires (VGM > 100 μ³), des normo- cancer de l’estomac, de varices œsophagiennes, d’une hernie
cytaires. hiatale et par une coloscopie pour mettre en évidence un cancer
La CCMH permet de différencier l’hypochromie (CCMH < 32 %) colorectal, des polypes, une rectocolite hémorragique ainsi par
de la normochromie (CCMH : 32-36 %). l’interrogatoire (durée et abondance des règles) et éventuelle-
Ainsi, l’analyse de ces différentes constantes permet de séparer : ment une échographie pelvienne (recherche d’un fibrome utérin,
les anémies microcytaires ou hypochromes (qui sont toujours d’un cancer) pour une cause gynécologique. En l’absence de
arégénératives, sauf dans les cas exceptionnels d’hémoglobi- saignement chronique, des causes plus rares seront évoquées :
nose H) des anémies normocytaires/macrocytaires normo- défaut d’absorption (maladie cœliaque, qui justifie la réalisation
chromes régénératives. de la biopsie duodénale lors de la fibroscopie gastrique), dons de
sang répétés, épistaxis récidivant (maladie de Rendu-Osler),
Diagnostic hémolyse intravasculaire chronique, syndrome de Lasténie de
Ferjol. Les carences d’apport sont exceptionnelles, sauf chez le
Anémie microcytaire (fig. 1) nourrisson, notamment en cas de prématurité ou de carence
La microcytose traduit une anomalie de synthèse de l’hémo- chez la mère. À noter, une augmentation des besoins lors de la
globine et le plus souvent est le reflet d’une anomalie d’utilisation grossesse, à l’origine d’anémies ferriprives par insuffisance d’ap-
du fer. Le dosage du fer sérique permet de différencier les ané- port (carence relative) en cas de grossesses répétées.
mies microcytaires hyposidérémiques (< 11 μmol/L chez la L’anémie inflammatoire : le diagnostic repose sur l’association
femme, < 12 μmol/L chez l’homme) des anémies microcytaires d’un fer sérique bas, d’une CTF normale ou abaissée (non aug-
normosidérémiques (ou hypersidérémiques). mentée) à un syndrome inflammatoire : accélération de la VS,
1. Anémies microcytaires hyposidérémiques augmentation de la CRP et du fibrinogène.
Elles correspondent à deux diagnostics. L’anémie n’est que la conséquence de la maladie inflammatoire.
L’anémie par carence martiale (ou « ferriprive ») : le diagnostic est En cas d’association d’une inflammation et d’une carence mar-
posé sur une anémie microcytaire associée à une baisse du fer tiale, la CTF est normale ou peu abaissée, avec un syndrome
sérique et une augmentation de la capacité totale de fixation de inflammatoire franc.

RR POUR APPROFONDIR Physiopathologie des anémies


Physiologiquement, sous l’action pour la synthèse de l’ADN : en hémoglobine est atteinte avant
de l’érythropoïétine, les le fer, essentiel à la synthèse les 4 mitoses normales, d’où un arrêt
proérythroblastes (issus de cellules de l’hémoglobine, les hormones des mitoses et une macrocytose.
souches érythropoïétiques thyroïdiennes et les androgènes. Une anomalie de la synthèse
de la moelle osseuse), se La prolifération cellulaire cesse de l’hémoglobine ne permet pas
différencient par quatre mitoses lorsque la concentration que la CCMH soit atteinte au terme
successives en réticulocytes en hémoglobine dans le cytoplasme du nombre normal des mitoses,
qui deviennent ensuite des globules atteint 32 à 36 %. d’où la microcytose.
rouges. Plusieurs éléments Une anomalie de la synthèse La microcytose et l’hypochromie
sont nécessaires à l’érythropoïèse, de l’ADN entraîne un ralentissement évoluent dans le même sens en
en dehors de l’érythropoïétine, de la maturation nucléaire, décalage (l’hypochromie étant plus
de la vitamine B12 et des folates la concentration optimale précoce que la microcytose). •

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Perls sur le myélogramme et sur l’enquête familiale. Les anémies
ANÉMIE MICROCYTAIRE HYPOCHROME sidéroblastiques acquises, elles, ne sont en général pas micro-
(VGM  80 μm3, CCMH < 32 %) cytaires.

Anémie normochrome arégénérative (fig. 2)


Défaut de synthèse de l’hémoglobine
Le caractère arégénératif ne peut être affirmé que si l’anémie
Dosage du fer sérique et de la capacité dure depuis une semaine, car c’est le temps nécessaire pour que
totale de fixation de la sidérophiline la moelle produise un chiffre suffisant de réticulocytes. À moins
d’une semaine d’évolution, on peut être dans la phase qui précède
l’élévation du taux de réticulocytes d’une anémie régénérative.
Le caractère arégénératif témoigne d’une insuffisance de pro-
➲ FS < 11 μmol (femme) ➲ FS  11 μmol (femme)
➲ FS < 12 μmol (homme) ➲ FS  12 μmol (homme) duction médullaire ; cependant, les causes les plus fréquentes
d’anémie normochrome arégénérative sont des pathologies dont
Anémie microcytaire Anémie microcytaire le diagnostic ne nécessite pas la réalisation d’un myélogramme.
hyposidérémique normo- ou hypersidérémique Cet examen n’est donc pas systématique en première intention.
Devant une anémie normocytaire normochrome arégénérative,
CTF CTF Électrophorèse avant de réaliser un myélogramme, une insuffisance rénale (créa-
augmentée diminuée de l’hémoglobine tinémie), une insuffisance endocrinienne (signes cliniques), une
hémodilution (contexte évocateur) et un syndrome inflammatoire
Carence VS, CRP Thalassémie Anémie débutant (VS, CRP, fer sérique, CTF) doivent être impérativement
martiale augmentées sidéro- éliminés.
blastique Devant une anémie macrocytaire normochrome arégénérative,
génétique un alcoolisme ou un myxœdème doivent être recherchés systé-
Syndrome
inflammatoire matiquement. Le VGM dans ces 2 situations est inférieur à 105 μ³.
Après avoir écarté ces diagnostics responsables d’anémies
normochromes arégénératives, le myélogramme s’impose : il
FIGURE 1 Anémie microcytaire hypochrome : orientation diagnostique.
pourra révéler une absence d’érythroblaste (érythroblastopénie),
la présence de mégaloblastes (anémie mégaloblastique), des
La ferritine est souvent dosée devant une anémie microcytaire : érythroblastes malformés (dysérythropoïèse ou syndrome myé-
si le taux est effondré, cela permet d’affirmer la carence martiale ; lodysplasique), un envahissement de la moelle, une moelle pau-
mais si le taux est normal ou élevé, on ne peut pas faire le diag- vre non envahie ou une moelle normale. Dans ces 2 derniers cas,
nostic différentiel entre inflammation et défaut d’incorporation du une biopsie ostéomédullaire est indiquée à la recherche d’une
fer dans les érythroblastes : dans ce cas, le dosage du fer et de la aplasie médullaire, d’une fibrose médullaire ou d’un envahisse-
CTF sont indispensables. ment médullaire non vu au myélogramme.
2. Anémies microcytaires normo- ou hypersidérémiques 1. Érythroblastopénie
Rares, elle sont liées à un défaut de synthèse de la globine. Le diagnostic est facile devant une anémie normocytaire nor-
Deux diagnostics peuvent être évoqués : les thalassémies et les mochrome avec un taux de réticulocytes proche de 0 et une
anémies sidéroblastiques. absence d’érythroblaste dans la moelle. On distingue les érythro-
Thalassémies : les anémies sont toujours microcytaires et le diag- blastopénies aiguës secondaires à une infection par le parvovirus
nostic repose sur l’électrophorèse de l’hémoglobine. L’ α-thalassé- B19 dans un contexte d’anémie hémolytique chronique, celles
mie atteint les sujets noirs et d’Asie du Sud-Est. Dans la forme survenant après une prise de toxiques (dépakine, tacrolimus),
mineure, elle se manifeste par une microcytose isolée sans ané- celles d’origine auto-immune et les érythroblastopénies aiguës
mie, avec fer sérique normal et électrophorèse de l’hémoglobine idiopathiques. Dans les formes chroniques, il faut rechercher
normale. Les β-thalassémies hétérozygotes se présentent sous chez l’adulte une leucémie lymphoïde chronique, un thymome,
la forme d’une anémie modérée (10-12 g/dL), microcytaire chez une maladie auto-immune et chez l’enfant, une maladie de
un sujet du pourtour méditerranéen et d’Asie du Sud-Est ; l’élec- Blackfan-Diamond.
trophorèse de l’hémoglobine montre une augmentation de l’hé- 2. Anémie mégaloblastique
moglobine A2  3,5 %. L’anémie est macrocytaire normochrome arégénérative. Le
Anémie sidéroblastique génétique : le diagnostic est suspecté diagnostic est affirmé par la présence de mégaloblastes (érythro-
devant une anémie microcytaire à fer sérique normal et électro- blastes pathologiques par anomalie de la synthèse de l’ADN)
phorèse de l’hémoglobine normale, chez un homme (transmis- dans une moelle riche. La cause est une carence vitaminique,
sion récessive liée à l’X). Le diagnostic repose sur la coloration de qu’il faut rechercher à l’interrogatoire (carence d’apport : grande

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RR Q 297 III ANÉMIE : ORIENTATION DIAGNOSTIQUE

dénutrition, carence d’absorption : résection digestive, malab- 3. Dysérythropoïèse ou anémie réfractaire


sorption, carence d’utilisation : alcoolisme, médicaments antifo- L’anémie est macrocytaire normochrome arégénérative, le
liques et carence relative : multiparité, anémie hémolytique chro- myélogramme montre une moelle riche avec des érythroblastes
nique) puis par un dosage de vitamine B12 et d’acide folique de morphologie anormale ; cet examen a également une valeur
dans le sérum (avant tout traitement, notamment une transfu- pronostique en évaluant le pourcentage de blastes. Les anémies
sion). En l’absence de cause évidente, le diagnostic à suspecter réfractaires avec excès de blastes évoluent plus rapidement vers
est celui d’une maladie de Biermer : son diagnostic repose sur une leucémie aiguë.
une carence en vitamine B12 et sur la mise en évidence d’anti- 4. Envahissement médullaire
corps anti-facteur intrinsèque. Ceux-ci sont pathognomoniques L’anémie est normocytaire normochrome arégénérative, mais
mais absents dans 30 % des cas. En cas de négativité des anti- peut être aussi macrocytaire, et s’associe souvent à une érythro-
corps anti-facteur intrinsèque, l’examen à réaliser pour affirmer le blastémie. Le myélogramme montre une moelle riche envahie
diagnostic de maladie de Biermer est un tubage gastrique pour par des cellules tumorales hématopoïétiques (leucémie aiguë,
doser le facteur intrinsèque, qui est absent du liquide gastrique, myélome, lymphome) ou extra-hématopoïétiques (métastases
et l’acide chlorhydrique : achlorhydrie gastrique totale histami- d’un cancer). La négativité de la recherche n’élimine pas un
norésistante. Le bilan est complété par une fibroscopie gastrique envahissement, qui est mis en évidence sur une biopsie ostéo-
à la recherche d’un cancer gastrique (complication de la maladie médullaire.
de Biermer), réalisée par la suite tous les 2 ans en surveillance. 5. Moelle pauvre
Si le diagnostic de maladie de Biermer est exclu, d’autres Lorsque le myélogramme montre un frottis pauvre, une biopsie
causes doivent être recherchées : en cas de déficit en vitamine B12, ostéomédullaire est nécessaire pour diagnostiquer une myélofi-
rechercher une anémie botriocéphalique (ver qui consomme la brose (qui explique la pauvreté de la moelle lors de la ponction),
vitamine B12) ; si les folates sont abaissés, une malabsorption une aplasie médullaire (moelle désertique) ou un envahissement
peut être en cause. Si les 2 dosages sont normaux, il faut évoquer de la moelle (par des cellules tumorales non détectées sur la
une anémie réfractaire et revoir la cytologie médullaire. ponction de moelle).

ANÉMIE NORMOCHROME ARÉGÉNÉRATIVE (réticulocytes < 150 000/mm3, VGM  80 μm3, CCMH  32 %)

Normocytaire Macrocytaire < 105 μ3

➲ Insuffisance rénale : créatinémie ➲ Cirrhose :


interrogatoire, γGT
➲ Insuffisance endocrinienne :
signes endocriniens, TSH Myélogramme ➲ Myxœdème : TSH
➲ Inflammation : VS, CRP, fibrine
➲ Hémodilution

Absence Présence Érythroblastes Envahissement par Moelle


d’érythroblastes de mégaloblastes malformés cellules étrangères pauvre

Anémie Envahissement
Érythroblastopénie Myélodysplasie BOM
mégaloblastique médullaire

Aplasie médullaire
Myélofibrose

FIGURE 2 Anémie normochrome arégénérative (BOM : biopsie ostéo-médullaire).

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6. Moelle normale
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Une biopsie ostéomédullaire s’impose pour vérifier la richesse
de la moelle. Et si la moelle est effectivement riche, il faut revenir Anémie
aux causes initiales d’anémie normochrome arégénérative à éli- POINTS FORTS À RETENIR
miner avant de réaliser un myélogramme (insuffisance rénale,
Connaître les valeurs normales de l’hémogramme
insuffisance endocrinienne, inflammation, hémodilution), vérifier
afin d’interpréter correctement les anomalies et poser le
le taux de réticulocytes (anémie régénérative ?) ou évoquer une
diagnostic d’une anémie avec toutes ses caractéristiques.
anémie mégaloblastique déjà traitée (par de la vitamine B12 ou
simplement transfusée) qui peut donner ce tableau. Le chiffre des réticulocytes est la base de tout
raisonnement.
Anémie normochrome régénérative (fig. 3)
La démarche diagnostique dans chaque type d’anémie
La démarche diagnostique consiste à rechercher d’abord une
est capitale et la hiérarchie des examens permet de ne pas
hémorragie aiguë, puis une hyperhémolyse, et en cas de négati- méconnaître des causes évidentes (insuffisance rénale dans
vité de ces deux causes, une réparation d’une insuffisance d’éry- les anémies normochromes arégénératives), fréquentes
thropoïèse peut être évoquée. (α-thalassémie mineure devant une microcytose isolée)
1. Anémie aiguë hémorragique ou graves (hémorragie aiguë dans les anémies
En cas d’hémorragie extériorisée, le diagnostic est facile. Dans normochromes régénératives, septicémie dans les anémies
le cas d’une hémorragie non extériorisée, il faut rechercher un hémolytiques).
contexte évocateur (prise d’anti-inflammatoires, traitement anti-
coagulant) ; le toucher rectal, le toucher vaginal sont systéma-
tiques. L’hyperréticulocytose sanguine débute 4 à 7 jours après
l’hémorragie.
2. Hyperhémolyse ANÉMIE NORMOCHROME RÉGÉNÉRATIVE
Ce diagnostic est évoqué après avoir éliminé une hémorragie (réticulocytes > 150 OOO/ mm3, VGM > 80 μ3, CCMH  32 %)
aiguë. Le diagnostic positif repose sur un taux de bilirubine non
conjuguée augmentée et une haptoglobine effondrée. Réparation
L’hémolyse physiologique a lieu dans les macrophages du foie Hémorragie aiguë Hyperhémolyse d’une insuffisance
et de la moelle osseuse. L’hémolyse pathologique se localise d’érythropoïèse
dans les macrophages du foie et de la rate et en intravasculaire :
l’hémoglobine libérée dans la circulation après destruction du ➲ Signe ➲ Absence d’hémorragie
globule rouge se fixe à l’haptoglobine qui diminue. L’élévation de d’hémorragie
aiguë ➲ Bilirubine non conjuguée
la bilirubine non conjuguée provient de la dégradation de l’hémo- augmentée
globine. Si la bilirubine non conjuguée et l’haptoglobine sont nor- ➲ TV, TR, sonde
nasogastrique ➲ Haptoglobine effondrée
males, le diagnostic est éliminé et le troisième mécanisme d’ané-
mie régénérative peut être évoqué.
Le diagnostic étiologique d’une hyperhémolyse peut être
d’emblée orienté par le contexte, notamment dans le cas d’ané- FIGURE 3 Anémie normochrome régénérative.
mies hémolytiques de cause toxique (morsure de serpents,
intoxication au plomb). En l’absence de contexte évident, trois par l’élution de l’anticorps : qui permet de mettre en évidence
causes d’hyperhémolyse aiguë doivent être recherchées de l’auto-anticorps, d’étudier sa spécificité (rhésus, I) et de préciser
principe : sa nature immunochimique (IgG, IgM-complément).
– le paludisme par une goutte épaisse ; S’il n’existe aucune anomalie des globules rouges visualisée
– une septicémie par hémocultures systématiques en cas de fièvre ; sur le frottis et si le test de Coombs est négatif, il faut rechercher
– un déficit en G6PD en cas de prise médicamenteuse ou d’in- un contexte familial d’hémolyse (en faveur d’un mécanisme cor-
fection virale (hépatite). pusculaire de l’hémolyse et entraînant la recherche d’anomalies
L’étape suivante de la démarche diagnostique nécessite deux de membrane, d’enzymes et d’hémoglobine), une exposition au
examens : le frottis sanguin et le test de Coombs direct. L’exa- saturnisme, une pigmenturie (pour évoquer la maladie de Mar-
men du frottis sanguin peut révéler des microsphérocytes, des chiafava-Micheli ou une hémoglobine instable).
drépanocytes, des schizocytes orientant vers un diagnostic pré- 3. Réparation d’une insuffisance d’érythropoïèse
cis. Le test de Coombs direct érythrocytaire permet, s’il est posi- C’est par exemple le cas de l’arrêt d’un toxique pour l’érythro-
tif, de poser le diagnostic d’anémie hémolytique immunologique. poïèse ou de l’introduction d’un traitement corrigeant une
Le diagnostic d’anémie hémolytique auto-immune est affirmé carence vitaminique, par exemple.

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RR Q 297 III ANÉMIE : ORIENTATION DIAGNOSTIQUE

Attitude thérapeutique dans les anémies Le traitement de supplémentation repose sur un apport de fer
carentielles et suivi sous forme médicamenteuse, l’apport alimentaire s’avérant
insuffisant.
Anémie par carence martiale Il faut 100 à 200 mg de fer métal par jour pendant 4 mois par
Le traitement d’une anémie par carence martiale repose sur voie orale pour corriger une carence. Il existe différents sels de fer
deux éléments obligatoirement associés : le traitement de sup- sans différence d’absorption.
plémentation par le fer et le traitement étiologique de la carence Il faut prévenir le patient que l’administration de sels ferreux par
martiale. Le traitement de la cause est indispensable si on veut voie orale peut entraîner des troubles digestifs (nausées, consti-
éviter la récidive. pation ou diarrhée) et colore les selles en noir.

Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?


Une femme de 62 ans consulte en hématologie pour anomalies QUESTION N° 6
de l’hémogramme. Le patient est inquiet, pouvez-vous
Elle est enseignante dans la finance. le rassurer et pourquoi ?
Ses principaux antécédents sont un cancer du sein gauche
traité par chirurgie et radiothérapie, une hypercholestérolémie, QUESTION N° 7
traitée par Lipanor. Elle n’a pas d’intoxication alcoolotabagique. Comment expliquez-vous :
Les symptômes présentés par la patiente sont une anorexie – le chiffre des plaquettes ?
et une asthénie progressive apparues au décours d’un épisode fébrile – le chiffre des polynucléaires
avec troubles digestifs. neutrophiles ?
Un hémogramme est donc réalisé par son médecin traitant. – le taux de bilirubine non conjuguée ?
Hémoglobine : 5,5 g/dL ; Ht : 15,5 % ; VGM : 111 μ3 ; CCMH : 35 %. – le taux de LDH ?
Globules blancs : 3 400/mm3 ; polynucléaires neutrophiles : 1 600/mm3 ;
éosinophiles 100/mm3 ; basophiles : 0 ; lymphocytes : 1 550/mm3 ; QUESTION N° 8
monocytes 150/mm3. Quels sont les deux examens
Plaquettes : 64 000/mm3. complémentaires à demander
Réticulocytes : 13 200/mm3. pour expliquer la présence
de mégaloblastes ?
Le reste du bilan biologique montre : VS : 45 mm ; CRP : 2 mg/L ;
créatinine : 87 μmol/L ; bilan hépatique normal. QUESTION N° 9
On retrouve une numération normale un an auparavant.
Rédigez un schéma de votre stratégie
Cliniquement, le jour de la consultation, elle signale une dyspnée
diagnostique en vue d’affirmer
d’effort. L’examen physique est normal. le diagnostic de maladie de Biermer.

QUESTION N° 1 QUESTION N° 4 QUESTION N° 10


Décrivez les anomalies Quel examen demandez-vous ? La maladie de Biermer est affirmée.
de l’hémogramme. Rédigez précisément Prescrivez (voie d’administration,
votre prescription. dose, durée) le traitement initial puis
QUESTION N° 2 le traitement d’entretien.
Quel est le diagnostic le plus précis QUESTION N° 5
que vous portez sur le mécanisme QUESTION N° 11
Le myélogramme montre
de l’anémie ? une moelle riche, avec Quelle surveillance à long terme est
de nombreux érythroblastes, justifiée ?
QUESTION N° 3 dont de nombreux mégaloblastes.
Quelles sont les maladies susceptibles Quel diagnostic pouvez-vous
Retrouvez toutes les réponses
d’être responsables ? affirmer à ce stade ?
et les commentaires sur
www.larevuedupraticien.fr
onglet Références Universitaires

OK

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Certaines formes galéniques améliorent les troubles digestifs
Q RR 297
Pour le suivi, aucun dosage de vitamine B12 n’est nécessaire
en y ajoutant de la vitamine C ; une prise au milieu des repas per- et l’efficacité du traitement est jugée sur la correction de l’anémie.
met également de limiter les troubles digestifs, au prix d’une Il ne faut pas oublier dans le suivi d’une maladie de Biermer la
moins bonne absorption. prescription d’une fibroscopie œsogastroduodénale tous les
Le traitement par fer en intraveineux est réservé à des indica- 2 ans à la recherche d’un adénocarcinome gastrique.
tions très précises comme les grandes malabsorptions ou les
dialysés. Cependant, il peut être indiqué en cas de mauvaise Anémie par carence en folates
tolérance de la forme orale. Il est injecté sous surveillance médi- Le traitement de supplémentation comporte des folates per os :
cale hospitalière en raison du risque de choc anaphylactique. Il Speciafoldine 5 mg, un comprimé par jour. Le traitement de la
existe d’autre part un risque de pigmentation indélébile aux cause doit être associé. Il existe un dosage à 0,4 mg adapté au
points d’injection. traitement préventif : prévention des malformations du tube neu-
Le traitement de la cause permet de corriger la carence définitive- ral (le traitement doit précéder le début de la grossesse), préven-
ment, par exemple par l’éxérèse d’un fibrome utérin ou le traite- tion des carences au cours de la grossesse en cas de gros-
ment d’un ulcère gastro-duodénal. sesses rapprochées et prévention des déséquilibres entre
Il n’y a pas d’indication de transfusion sanguine dans le traite- besoins et apports au cours des hémolyses chroniques.
ment des carences martiales, l’anémie étant d’installation pro- Les indications de l’acide folinique par voie parentérale sont les
gressive et le plus souvent bien tolérée. malabsorptions digestives, les alimentations strictement paren-
Le suivi du traitement de la carence martiale comporte un bilan térales ou un traitement antifolique. Il n’y a pas d’indication à
biologique à 4 mois qui comprend un hémogramme et une ferriti- l’acide folinique per os (Osfolate) qui n’est pas plus efficace que
némie. Si les réserves sont normalisées il faut cesser le traitement. l’acide folique per os et coûte plus cher.
Le traitement préventif consiste à supplémenter les patients à L’acide folique est contre-indiqué chez les malades ayant une
risque : supplémentation systématique chez les femmes carence en vitamine B12 non traitée en raison du risque d’appa-
enceintes au cours des 2e et 3e trimestres de grossesse (50 à rition ou de majoration de troubles neurologiques. Le plus pru-
100 mg/j). Chez les nourrissons, les besoins sont incompressibles dent dans l’attente des résultats des dosages (dans un contexte
(croissance du volume total des globules rouges et de la masse d’anémie mégaloblastique) est de donner les 2 vitamines.
musculaire) et l’apport par le lait est minime ; les réserves en fer Le traitement préventif systématique est justifié uniquement
se font pendant la grossesse, surtout au cours des derniers chez les femmes ayant des grossesses répétées. •
mois, et les carences sont donc fréquentes chez le prématuré.
Elles justifient une démarche préventive systématique avec un
L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées
apport de fer, per os (laits enrichis en fer et introduction rapide dans cet article.

d’un régime varié).

Anémie par carence en vitamine B12


Le traitement de la maladie de Biermer comporte de la vitamine
B12 en injection parentérale, par voie intramusculaire (cyanoco-
balamine). Différents protocoles existent, d’efficacité identique.
Par exemple, initialement, la fréquence des injections est de 2 par
POUR EN SAVOIR
semaine pendant 5 semaines (10 injections en traitement d’at-
Lévy JP, Varet B, Clauvel JP, Lefrère F, Bezeaud A, Guillin MC. Hématologie
taque) puis 1 injection par mois voire tous les 2 ou 3 mois suffisent et transfusion. Paris : Masson, 2008.
en traitement d’entretien. Celui-ci doit être poursuivi à vie.
Le traitement des autres carences en vitamine B12 consiste en ANÉMIE MICROCYTAIRE :
l’administration de vitamine B12 parentérale à vie associée au Umbreit J. Iron deficiency : a concise review. Am J Hematol 2005;78:225-31.
traitement de la cause. Weiss G. Medical progress : anemia of chronic disease.
Des études ont évalué l’efficacité d’un traitement per os : cette N Engl J Med, 2005;352:1011-23.
voie de supplémentation ne doit pas être retenue car elle n’est ANÉMIE HÉMOLYTIQUE :
pas justifiée physiopathologiquement (de fortes doses sont Dacie J. The immune haemolytic anaemias : a century of exciting progress
nécessaires en relation avec le faible taux d’absorption passive) in understanding. BJH, 2001;114:770-85.
et nécessite une prise quotidienne sans oubli. ANÉMIE NORMOCYTAIRE NORMOCHROME ARÉGÉNÉRATIVE :
Si l’anémie est très mal tolérée, une transfusion peut être indi- Heimpel H. Congenital dyserythropoietic anemias : epidemiologic, clinical
quée sachant que les dosages vitaminiques doivent être réalisés significance, and progress in understanding their pathogenesis.
avant la transfusion (en effet, ils seront normaux si le patient a été Ann Hematol 2004; 83:613-21.
transfusé).

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 59


20 février 2009 265
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