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Introduction
La légende veut que la ville de Pons ait été édifiée par la fée Mélusine. C’est elle aussi que certains
auteurs, tels que Lamontellerie (1995), reconnaissent dans la légende de l’anguille de Pons et de sa
clochette: Mais si on prêtait l’oreille (…), on entendait parfois tinter la clochette. Alors, le sire de
Pons savait que le malheur planait sur sa maison. Est-ce là un reflet de Mélusine déformée, rapetissée
à la seule fonction de génie familial, annonciatrice des prochains deuils ? Il est effectivement tentant
de voir dans ce poisson, dont la forme évoque celle d’un serpent, la queue de Mélusine, et dans sa
clochette annonciatrice de deuils, les cris déchirants poussés par la fée pour annoncer la mort de ses
descendants. Mélusine peut en effet prendre plusieurs aspects, fée, sirène et même dragon. C’est sur
ses traces que nous parcourrons la Charente-Maritime à la recherche de ses différents visages et des
prouesses, mésaventures et malédictions que lui a attribuée l’imagination populaire.
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eung quaque à harenc, et moult longuement belle place à l’Aunis et place maigre à la
debatoit sa queue en l’eaue, tellement qu’elle la Saintonge.
faisoit bondir jusques à la voulte de la chambre La fée Mélusine prend différentes formes en
(Jehan d'Arras, retranscrit par Jean, 1854). fonction des légendes. Comme les autres fées du
Moyen Age, elle se montre sous l’aspect d’une
femme normale. Elle se fait fée bâtisseuse à La
Rochelle, à Pons et à Saintes pendant que son
mari Raymondin sillonne les chemins de
Bretagne. A Châtelaillon elle apparaît sous les
traits d’une femme âgée. Elle se devine sous la
forme d’une sirène sur les côtes de la même cité,
de La Rochelle et de l’île de Ré. C’est également
une version simplifiée de la Mélusine sirène
qu’évoque l’anguille de Pons.
Les fées, souvent bienveillantes, et les dames
blanches, proches des revenants, sont d’autres
êtres fantastiques plus ou moins apparentés à
Mélusine.
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époque très reculée, le propriétaire du champ rompirent et la pierre tomba où elle est encore.
voulant s'emparer du trésor caché dans le La Fade, posant la pointe du pied sur cette
souterrain réunit un grand nombre de pierre, poussa un grand cri et disparut !.. On ne
travailleurs armés de pelles, de pioches, de l’a plus revue depuis.
leviers puis après avoir fait dégarnir la pierre
jusqu'à sa base, y fit atteler douze paires de
bœufs. Mais au premier coup de collier que ces
animaux donnèrent, un orage épouvantable
éclata, accompagné de ténèbres, de pluie et de
grêle. Les hommes se sauvèrent comme ils
purent, mais tous les bœufs périrent. Le
propriétaire effrayé fit solennellement le vœu de
ne jamais chercher à faire enlever cette pierre, et
fit faire le même vœu à ses enfants avec
recommandation d'exiger la même chose de leurs
descendants, de telle sorte que la pierre occupe La pierre du Terrier de Babelot à Aumagne
toujours la même place.
Authon-Ébéon et Saint-Romain-de-Benêt
Ardillières Mériot (1936) a raconté pourquoi le fanal
La tradition veut qu’à l’époque où Mélusine d’Ebéon n’a jamais été achevé: Quelques
bâtissait Châtelaillon, elle ait perdu à la pointe membres de l’équipage d’un bateau naufragé sur
du jour une dornée de pierres qui se transforma la côte de la Gironde prennent terre au Fa (…)
en dolmens à Ardillières (Lamontellerie, 1995). s’y réfugient dans une sorte d’abri naturel, où ils
Une autre légende prétend qu’une fée habite le découvrirent une pauvre femme toute hébétée.
sous-sol de la région et que le dolmen en garde (…) Les marins pris de pitié, prétendent
l’entrée (Pourtaud et Olivet, 2015). l’emmener avec eux sur la route de terre qui les
conduira en Ibérie, et la secourir, en dépit de
leur propre dénûment. Mais cette pauvre femme
se révèle être une fée, se transforme, devient
pleine de grâce et de jeunesse et métarphose le
refuge précaire en un palais fastueux où les
attend un magnifique repas.
Aumagne
Selon Cousset (1912), la pierre du Terrier de
Babelot est un polissoir néolithique. Voici la
légende qu’il a recueillie au sujet de cuvettes
dans lesquelles l’imagination populaire voit La tour de Pirelonge à Saint-Romain de-Benêt
l’empreinte du pied de Malésine, prononciation
locale de Mélusine: Une Fade du nom de La fée, pour les aider à gagner l’Ibérie, prétend
Mélusine [Malésine], avait été condamnée à jalonner leur route de signaux lumineux, avec
bâtir dans une seule nuit le Fanal de Villegouge. l’aide d’une collègue et d’un marteau enchanté.
Cette Fade, qui avait bientôt terminé son travail, Tandis qu’elle édifiait Pire-longue, son amie
portait dans son tablier la dernière pierre, bâtissait Ebéon, où la besogne s’avérait moins
s’étant attardée en passant près de la Fontaine facile. (…) La première fée, lorsqu’elle eût
de Reigner, et voyant venir le jour, elle se hâta terminé son ouvrage, lança si lestement le
d’aller porter son fardeau qui devait finir le marteau enchanté à sa collaboratrice qu’elle
fanal. Mais le chant du coq la surprit sur le l’assomma. Les fées étaient malheureusement
Terrier de Babelot ; les cordes de son tablier se
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mortelles ; du fait de ce déplorable accident du et d’avoir place-forte si belle, il s’énorgueillait
travail, le « fanal » d’Ebéon ne fut jamais jusqu’à l’arrogance. Il aima le plaisir d’humilier
achevé. … son prochain et de faire plus lourd le poids de sa
Lamontellerie (1995) a mentionné d’autres fées puissance … C’est pour cette raison que
aux abords du fanal: La plupart de nos fées Mélusine provoqua la destruction de
bienveillantes se délassaient en dansant au clair Châtelaillon. En voici la version de Musset
de lune ; elles aimaient beaucoup entourer le (1885): Aux soirées d'hiver, les vieilles gens du
fanal d’Ebéon de leurs rondes légères. Lasses de pays d'Aunis racontent qu'il y a de cela bien
danser, elles s’asseyaient dans l’herbe et l’herbe longtemps, par une nuit de tempête, la fée
poussait drue et verte à la place où elles s’étaient Mélusine (…) vint demander l'hospitalité au
assises ; c’étaient « les cercles de la fée »… seigneur de Châtelaillon. (…) sous les traits
d'une vieille femme, la fée grelottait aux atteintes
de la tempête et du froid pénétrant de l'embrun.
Les châtelains furent impitoyables, toutes les
portes se fermèrent. Aussi, reprenant sa première
forme, Mélusine se redresse en face de la cité
inhospitalière et lui annonce (…) que
Châtelaillon s'en irait pierre par pierre sous les
coups de l'Océan, et qu'il périrait tous les jours
d'un sou et d'un denier.
Une autre légende attribue également la
disparition de Châtelaillon à Mélusine, mais cette
fois, la fée apparaît sous la forme d’une
sirène (Musset, 1885): Nous retrouvons la fée
serpente dans notre sirène de Châtelaillon,
Le fanal d’Ebéon (photo J.-S. Pourtaud) seconde forme de notre Mélusine, et dont
l'habitation, l'hâté, a encore conservé son nom
Bignay parmi les pêcheurs. La ville de Châtelaillon fut
Selon Lamontellerie (1995), une fée prit au florissante tant que la sirène fut respectée au
moulin de Saint-Marmé (près de Torxé et à milieu des rochers qu'elle habitait, mais un jour
quelques kilomètres de Puyroland) la terre de la un pêcheur l'ayant blessée par mégarde, la sirène
Motte de Brignay érigée sur le bord de la voie avant de mourir annonça à la capitale de l'Aunis
pré-romaine de Taillebourg à Tonnay-Boutonne. qu'elle s'en irait tous les jours à la mer d'un
Le même auteur a fait une autre allusion à cette sillon et d'un denier.
légende: une autre fée venant du Moulin de
Saint-Marmet a transporté dans son tablier « la Courcoury
grosse motte » de Bignay. C’est la fée Mate qui fait l’objet de cette légende
racontée au sujet de l’origine du terrier de la Fade
Chaillevette de Courcoury par Chaudruc de Crazannes
Colle (1976) rappelle que le très vieux chemin (1820): Dans la petite île de Courcouri, ou
qui allait de la Moullère à Crève-Sot au menhir Courcori, formé par la Charente et la Seugne
d’Etaules se nommait le « chemin des Dames ». (…) on voit un autre de ces Tumuli, nommé le
terrier de la Fade, ou de la fée. On raconte dans
Châtelaillon le pays qu'une Fée qui habitait cette île, et qui
La légende veut que ce soit la fée Mélusine qui s'appelait Mate, ayant laissé tomber dans la
ait construit la ville-forte de Châtelaillon. Selon Seugne son fils qu'elle allaitait, et l'en ayant
Lamontellerie (1995), c’est autour de la Tour de retiré mort, se mit en devoir de l'enterrer: à cet
l’Aigle construite par Jules César que fut bâtie la effet, elle remplit son tablier de graviers, et les
ville: La dame fit environner la Tour de l’Aigle jeta sur le corps de son nourrisson: cet amas de
de grosses tours et de forts murs et fit nommer la terre forma le terrier ou tertre de Courcori, et
forteresse le Chastel-Aiglon… La cité devint l'on montre, à quelque distance de la motte, la
ainsi l’une des plus riches de l’ouest et si place où la fée en prit les matériaux; c'est une
justement renommée qu’il fallait aller jusqu’à cavité large et profonde.
Lusignan pour en trouver une aussi Musset (1885) précise que la fée dans son
belle. Mais le seigneur s’enrichissait de la mer désespoir, (…) voulut lui élever une sépulture en
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rapport avec sa grande douleur. Elle remplit es si avide vont disparaître rapidement. Son
donc sa robe de pierres et de terre qu'elle château et ses domaines furent en effet peu à peu
arracha au sol. Mais les cordons de son tablier rongés par l’océan, et c’est ainsi que le territoire
se dénouèrent et la charge qui lui échappa forma d’Aix devint une île.
le terrier de la Fade; la rivière se précipita de
son côté dans le trou qu'elle avait creusé et qui Ile d’Oléron
devint la Fosse Argentine. Colle (1979) a raconté l’histoire de la sirène
d’Antioche que l’on peut résumer comme suit. A
Chassiron vivait un jeune pêcheur qui ramassait
d'énormes crabes sur les rochers d'Antioche.
C’est là qu’il aperçut un jour une sirène si belle
avec ses longs cheveux d’or, avec ses yeux
d’aigues marines qu’il en tomba aussitôt
amoureux et il alla voir la sorcière de Brée qui lui
indiqua comment l’attraper: Le seul moyen de
capturer une sirène est de se glisser derrière elle
et de la prendre par les cheveux, alors elle ne
peut plus bouger. Mais il ne peut qu’advenir du
Le terrier de la Fade à Courcoury (photo J.-S. Pourtaud) mal d’une telle aventure. Tu ferais bien de
l’oublier. Le pêcheur captura la sirène et malgré
Une autre légende a été recueillie en patois ses supplications, il refusa de lui rendre sa liberté
saintongeais par Nicolas Moreau vers 1840. Elle et l'épousa. Pendant quelques semaines, ils
a été traduite dans la Revue de Saintonge et de vécurent heureux et tout lui réussit. Il put acheter
l’Aunis en 1931 (Colle, 1976): Il y avait deux une grosse barque et embaucher un marin et un
fades, l’une Courcouride, que l’on appelait aussi mousse. Alors qu’ils pêchaient un jour au large
la fée Corcosse, et l’autre, Sargentine, qui était de pointe d’Arceau, le pêcheur s’endormit et fit
la plus puissante. Celle-ci était une méchante qui un terrible cauchemar: trois énormes vagues
tourmentait Courcouride. (…) Courcouride avait s’abattaient sur la barque, l'une de cristal, l'autre
deux fadets qu’elle aimait de tout son cœur. L’un de lait et la troisième de sang. Dans la vague de
d’eux s’amusait dans une flaque d’eau et sang se trouvait un monstre marin prêt à les
barbotait au bord de la Seugne. Sargentine dévorer. A peine avait-il raconté aux deux
creusa un trou à côté de lui. Hélas, le fadet hommes son rêve que la première vague s'abattit
tomba au milieu, se débattit, coula au fond et se sur le bateau, suivie de la vague blanche et de
noya. La mère s’agita, cria, s’agenouilla, comme celle de sang. Le pêcheur se saisit de son harpon
un traquet de moulin, se faisant entendre au loin. et le planta dans l’eau. Un hurlement d’agonie
(…) Courcouride s’empressa de combler le fossé retentit et l’eau sanglante se fendit pour laisser
pour garantir du danger les autres enfants. Elle passer la barque. En rentrant chez lui, il vit un
prit, bonnes gens, de la terre plein son tablier et attroupement de femmes qui se lamentaient. Il
la porta, en pleurant, dans ce fossé. Mais la découvrit son épouse ensanglantée agonisant sur
dame Sargentine, toujours empressée à lui faire le lit, blessée par un harpon. La sirène s'éteignit
de la peine, lui jeta un sort. Tout aussitôt, la le soir même, et le pêcheur désespéré mourut peu
corde de son tablier se rompit, et la terre, en de temps après. Tous deux furent enterrés au
tombant, fit le « terrier de la Fade » et, cimetière de Saint-Denis-d'Oléron. On dit que
aujourd’hui, nous appelons Fosse Argentine le quelques siècles plus tard, on découvrit un
grand trou où le fadet se noya. squelette de dauphin dans l'une des tombes.
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La Brousse longtemps, on vit la fée revenir aux mêmes lieux
Hermelinde, l'une des filles du seigneur des [Châtelaillon] elle emportait dans les plis de sa
Brousses, avait été contrainte d'épouser contre robe (sa dorne) les pierres du vieux castrum pour
son gré le sire de Godefroid. Son affection s'était élever la magnifique abbatiale de Maillezais. Un
portée sur le beau Roger, fils du seigneur de jour, cependant la charge était trop lourde, et
Varaize, que l'on accusait d'avoir des rapports une pierre tombée du tablier de la fée est restée
avec le démon. Le mariage devait se célébrer près de la Jarne, faisant, sous le nom de pierre
dans la chapelle d'Esset. Au moment où la jeune levée, l'étonnement des populations.
fille affolée allait prononcer non, à la question du
prêtre, on entendit une voie tonnante crier La Rochelle
malédiction puis un cliquetis d'armes et le saint Selon Jehan d’Arras, c’est après la naissance de
prêtre tomba baigné dans son sang. Le seigneur son troisième fils qui eut nom Guion, et fut moult
des Brousses et le sire de Godefroid (…) bel enfant ; mais il eut ung œil plus hault que
succombèrent sous les coups des ennemis dont la l’aultre que Mélusine fonda les tours de la
face était cachée par les hauberts. (…) Le Rochelle et le chasteau, et commença de la ville
tonnerre vint frapper à plusieurs reprises la une partie (Jean, 1854).
vieille chapelle isolée qu'il renversa de fond en
comble. Le lendemain de ce funeste événement,
on trouva, sur les bords d'un bois, le cadavre
meurtri et encore vêtu de ses habits de noce de la
jeune fiancée Hermelinde. De la chapelle, il ne
resta pas pierre sur pierre, et l'on dit que
pendant le désastre, on vit Satan (…) saisir en
ricanant la cloche fatale qui avait sonné (…) le
glas de la fille du seigneur des Brousses, la jeter
avec violence au fond d'un gouffre qui s'ouvrit
pour la recevoir et se ferma sur elle. « Reste
cachée, dit-il, jusqu'au jour où je donnerai à un A gauche, la tour Saint-Nicolas ou tour Mélusine
de mes élus le pouvoir d'aller te tirer du puits où de La Rochelle
tu reposeras pendant des siècles » (…) On dit le
soir, aux veillées du village, qu'à la nuit Pour Musset (1885) également: C'est encore
tombante, on voit, au clair de la lune, la jeune Mélusine qui a construit la tour de la Rochelle à
fille apparaître au coin d'un bois avec sa robe laquelle elle a laissé son nom, la tour de
blanche, et que Roger qui avait un pacte avec le Mélusine ou Saint-Nicolas. La corrélation existe
diable, est condamné depuis ce jour à errer au ici entre les deux légendes de Mélusine et de la
milieu des forêts…. (Musset, 1885). Sirène. Nous savons tous que la forme serpente
était l'une des formes de Mélusine or la fée
La Jarne poitevine apparaît dans l'autre légende pour
venir, en punition de la dureté des seigneurs et
des habitants de Chatelaillon, leur annoncer que
la ville périra tous les jours d'un sou et d'un
denier, et nous l'avons trouvée, reprenant son
rôle de bâtisseuse, prenant le chemin de
Maillezais, et laissant tomber le dolmen de la
Jarne. La légende ne nous ajoute pas qu'elle bâtit
au même moment la tour de la Rochelle, et pour
le même motif. Mais c'est à elle que fut attribuée,
dans le peuple, la construction de la tour de la
chaîne, aujourd'hui Saint-Nicolas. Encore au
Le dolmen de la Pierre Levée reconstitué à La Jarne XVIIe siècle, cette tour était parfois appelée la
tour de Mélusine.
C'est à Mélusine que la tradition attribue la C’est aussi une sirène qui serait à l’origine du
construction du dolmen de La Jarne (Musset nom de La Repentie, au nord de la ville de La
1885, voir aussi Châtelaillon et La Rochelle): Les Rochelle (Musset, 1885): Nous retrouvons
vieilles gens ajoutent que, pendant bien encore la Sirène aux portes de la Rochelle, à la
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Repentie. D'après une légende populaire, (…) le quelque trente années, deux beaux dolmens
nom de Repentie aurait été donné à ce point de la aujourd'hui détruits (voir aussi Lamontellerie,
côte de Chef-de-Bois, par suite de la 1995).
circonstance suivante Un riche habitant de cette
côte, qui y avait une belle propriété et était père Montguyon
de plusieurs enfants, étant à la pêche avec sa Selon la tradition populaire, le Dolmen de
femme, prit dans ses filets une sirène. Celle-ci la Montguyon a été élevé par la Sainte Vierge ; les
supplia de lui rendre la liberté. Le mari y était pierres qui le composent viennent du ciel et ont
disposé, mais la femme insista pour garder la été portées par elle dans un voile de gaze
curieuse capture qu'ils venaient de faire, et pour (première qualité) (Duteil, 1840).
la transporter dans leur demeure. La sirène la
menaça de l'en faire repentir. Mais malgré ses
pleurs et ses menaces, elle fut conduite dans la
maison de ses capteurs. Quelque temps après, la
mer envahit le rivage et détruisit leur propriété,
en enlevant le mari et ses enfants avec la sirène
qui laissa ainsi la veuve, ruinée et repentie, la
malheureuse femme, principal auteur de la
captivité de ce fantasque habitant de l'Océan.
La Vallée
La Vierge a pris la place d’une fée dans la Les dolmens de La Pierre Folle à Montguyon
légende qui raconte la construction du dolmen de
la Vallée (en fait, il subsiste deux monuments): Montlieu
La bonne Vierge portait des pierres dans son Le trou des fadets est une de ces grottes où les
tablier, la lie s'étant rompue, les pierres celtes se réfugiaient… et qu’on regardait au
tombèrent et formèrent le dolmen (Musset, moyen âge comme la demeure des fées et des
1885). farfadets (Lesson, 1845).
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la descendirent dans l'énorme puits creusé jadis Saint-Laurent-de-la-Prée
dans l'intérieur du château, sur l'emplacement Selon Desaivre (1883), c’est à Mélusine que l’on
occupé aujourd'hui par le château-d'eau. De doit les pierres closes de Charras (voir également
temps à autre, les Pontois allaient prêter l'oreille Pillard, 1978 et Mozzani, 2015): Mélusine revint
à l'orifice du puits pour constater la présence de souvent joindre ses efforts à ceux de l'Océan.
l'animal. (…) l'anguille ne se faisait entendre C'était à Maillezais qu'elle transportait dans les
qu'à la veille de grands malheurs. plis de sa robe les débris des murailles
L'anguille de Pons, sous la forme d’une sirène, se renversées, destinés cette fois à la magnifique
retrouve sur tous les monuments du moyen âge cathédrale dont on admire encore les restes.
de la ville de Pons, et notamment à l'hôpital neuf Souvent la fatigue lui faisait abandonner sur la
et dans les chapiteaux de la porte du donjon, qui route les énormes moellons arrachés à la ville
remonte au XIIe siècle. Le souvenir de l'anguille ensevelie sous les flots. (…) Ce sont là, comme
est resté lié à la gloire des sires de Pons. ailleurs, des pierres levées: Dolmens de
Pour Lamontellerie (1995), il semble bien que l'Houmée, commune de Saint-Laurent de la Prée,
l’anguille de Pons doive à la dame de Lusignan d'Ardillères, …
sa grande beauté et le don de prophétie qui lui
était échu.
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légende veut (…) qu'une fille des châtelains de la de funestes pressentiments, (…) visitait les
Roche-Courbon, s'étant éprise d'un berger du abords des douves et les poternes (…) Il entendit
fief, fut précipitée dans ces ondes par une fée... glisser sur les eaux paisibles de la Boutonne, un
Depuis, on voit une forme blanche, la nuit, errer bateau dont la rame, maniée avec prudence, ne
sur ces rives sauvages … (Glénisson, 1987). produisait qu'un léger murmure; (…) quelle fut
sa fureur quand il entendit les gonds de la porte
de fer rouler sous une main peu assurée qui
ouvrait une issue à l'ennemi. (…) Gannes, en
poussant son cri d'alarme, s'élança vers ceux qui
le trahissaient et plongea vivement son épée dans
le cœur de la première personne qui s'offrit à ses
coups. (…) les Maures furent repoussés, car
c'étaient eux que dirigeait Ismaeli et qui allaient
s'emparer du château dont Isèle leur avait frayé
le chemin. Des torches (…) firent voir Isèle, la
poitrine traversée d'un coup d'épée, gisante près
d'Ismaéli, dont le crâne avait été brisé le vieux
Gannes, lui-même, était tombé sur leur corps
Le Bouil-Bleu (photo J.-S. Pourtaud) grièvement blessé. « Malédiction sur ta race, oh
mon père et malheur à toi, mon frère, qui m'as
Soubise donné les pernicieux conseils qui m'ont perdue,
C’est aussi à la fée Mélusine qu’est attribuée la dit Isèle, en exhalant le dernier soupir.» Depuis
fondation de Soubise (Lamontellerie, 1995). lors, à minuit, surtout à l'approche des grands
événements, Isèle, vêtue de blanc, apparaît sur
Thou les ruines de la poterne, placée au bas du terrier
Non loin de Rochefort, à La Preuille, une de la tour de Cannes elle s'élève comme une
tombelle ou dolmen couvert est arrivé jusqu'à légère vapeur, en plaçant un doigt sur sa bouche,
nous sous le nom de tombeau de la Demoiselle, et semble errer, comme une ombre chassée du
sans doute fille de la dame ou fée dont les ciel, sur le théâtre de sa trahison.
apparitions ont donné le nom à la chaume
voisine (Musset, 1885). Villexavier
Il existe également à Thou un lieu-dit Selon la légende, c’est une fée qui a bâti le
« Merlusine ». Château de la Fade (Lamontellerie, 1995).
Tonnay-Boutonne Virson
Musset (1885) a raconté la légende de la Dame Près de Virson, existe une très jolie fontaine qui
au blanc mantel comme suit : Le château de se nomme la fontaine de Mandroux, elle est
Tonnay-Boutonne était occupé par Gannes, excessivement large, limpide, et l'on prétend
commandant les marches de Saintonge, et chargé qu'elle est sans fond. On raconte à son sujet
de les défendre contre les Sarrasins. Gannes qu'une jeune fille habitait le château de
avait deux enfants, Gannelon, uni secrètement Mandroux tout proche de la fontaine. Un jour,
aux Maures, et Isèle, qui s'était éprise d'un poursuivi par un jeune seigneur, elle se précipita
sarrasin, Ismaeli. Quand les Sarrasins se dans la fontaine et le château disparut en même
dirigeant vers le centre eurent franchi la temps. A certain jour, on aperçoit au fond du
Charente, (…) les guerriers soupçonneux du gouffre la silhouette du château, et l'ombre de la
chàteau remarquèrent avec inquiétude des jeune fille, sous la forme d'une dame blanche,
signaux d'intelligence établissant une comm- apparaît fréquemment sous la lune au-dessus du
unication directe entre les appartements du cristal des eaux (Musset, 1885).
donjon et la tente du chevalier maure placée sur
le haut du côteau de Luret. Plusieurs alertes
Les grottes des bords de la Charente
furent vivement repoussées; la garnison fidèle ne
Chaudruc de Crazannes (1820) racontait que les
se laissa pas surprendre, et bientôt le corps
Saintongeais croient fermement à l'existence des
ennemi, fatigué de ses vaines tentatives, resta
fées. On les voit errer la nuit dans les
dans l'inaction, en se bornant à l'investissement
campagnes, au clair de la lune; elles sont
de la place. Un soir, (…) Gannes, seul, agité par
ordinairement au nombre de trois. Les bonnes
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gens de village les ont vues souvent assises en Chaudruc de Crazanne (1820). Antiquités de la ville
groupes auprès de quelques fontaines solitaires de Saintes et du département de la Charente-
filant leur quenouille, et vêtues de robes d'une Inférieure. Edit. Chez Charrier, Saintes.
éclatante blancheur, particulièrement sur les Colle R. (1976). Saintonge mystérieuse, Aunis
insolite. Edit. Rupella, La Rochelle.
bords de la Charente, près des grottes de la
Colle R. (1979). Légendes et contes d'Aunis et
Roche Courbon, de Saint-Savinien, des Saintonge. Edit. Rupella, La Rochelle.
Arciveaux, etc. Coudrette (circa 1401). Le Roman de Mélusine.
Cousset M. (1912). La pierre du Terrier de Babelot.
Haute-Saintonge VIIIe congrès préhistorique de France, Session
L’abbé Mongis (1894) a raconté la légende d’une d’Angoulème, p. 595-599.
Dame qui hante la Haute-Saintonge: La Grande Desaivre L. (1883). Le mythe de la Mère Lusine.
Dame des Rives, sévère promeneuse de la race Etude critique et bibliographique. Edit. Reversé,
des Ondines, probablement, (…) suit certains Saint-Maixent.
soirs à petits pas, les méandres capricieux des Duteil C. (1840) Notice archéologique sur le dolmen
de Montguyon. Edit. Lavalle, Bordeaux.
cours d’eau. Elle effleure d’un pied léger les
Glénisson J. (1987). Aunis, Saintonge. Edit. C.
herbes fleuries des bords des ruisseaux, d’où lui Bonneton.
vient probablement son nom de Dame des Rives. Jean (1854). Melusine. Edit. P. Jannet.
Elle est surtout visible, de la Saint-Jean à la Knight G. (2013). The book of Melusine of Lusignan
Notre Dame de septembre, par les nuits claires et in history, legend and romance. Skylight Press.
sereines. Aux reflets argentés de la lune, sa robe Lamontellerie A. (1951). Mélusine en Aunis et en
d’une blancheur éclatante ressemble à une Saintonge. Bulletin de la Société de mythologie
armure de métal brillant. Malheur à ceux qui la française, n° 8, p. 1-8.
rencontrent et que la curiosité attire à sa portée ! Lamontellerie A. (1995). Mythologie de la Charente-
Elle les saisit d’une étreinte vigoureuse et Maritime. Edit. Le Croît Vif.
Lecouteux C. (1982). Mélusine et le chevalier au
cherche à les noyer dans le trou d’eau le plus
cygne. Edit. Payot.
voisin. Lesson R.P. (1845). Histoire, archéologie et lègendes
[sic] des marches de la Saintonge, faisant suite aux
Monument indéterminé Lettres santonnes et aux Fastes historiques. Edit.
Ce passage du XVIIe siècle pourrait, selon Binot Loustau.
(1994), concerner le domen d’Arvert, de Mériot H. (1936). Les belles légendes de Saintonge.
Meschers, de Barzan ou des Combots: Vieil Edit. Impr. A. Thoyon-Thèse.
mozolée dans un bois que les païsans du païs Mongis, T. (1894). A travers genêts et bruyères:
disent ignorament avoir esté basti par les fées. légendes, chroniques et récits de la Haute-
Saintonge. Edit. Delhomme et Briguet, Paris.
1 Mozzani, E. (2015). Légendes et mystères des régions
Chabane, 8 - 33410 Sainte Croix du Mont - de France. Edit. Bouquins.
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Je remercie chaleureusement Jean-Sébastien Pourtaud Pinto-Mathieu E. (1990). Le roman de Mélusine de
qui m’a fourni certaines des photos qui illustrent cet Coudrette et son adaptation allemande dans le
article et Stéphanie Brochon qui a guidé mes premiers roman en prose de Thüring von Ringoltingen. Edit.
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