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Avertissement au lecteur
Ce texte n'est pas un texte de théâtre au sens "classique" du terme. Mais le résultat d'un travail de
laboratoire mené par un auteur, metteur en scène, une chorégraphe, un marionnettiste, une peintre,
un musicien et un éclairagiste. Il comporte, à ce titre, différents moyens d'expression. Certains
directs comme les dialogues, les monologues et autres formes à dire, d'autres plus "poétiques" qui,
dans notre mise en scène, utilisent le corps, la manipulation de papier, la peinture, la musique ou/et
la lumière pour se raconter. Ce qui se traduit ici, par trois formes d'écritures distinctes : les
didascalies, les textes, sous forme de paragraphes, qui ne sont pas dits sur scène, mais servent de
support d'écriture aux disciplines dites "silencieuses" et les dialogues ou monologues qui sont dits
par les acteurs. Ce texte est un puzzle complexe. Et qui ne prend son sens qu'une fois ses différentes
pièces réunies. Comme notre personnage «Je», qui a besoin de la réunion de toutes ses entités pour
devenir «moi». Et que ses entités, enfin, puissent exister sans lui. Sans «Lui». Être «Nous».
Acceptez de perdre vos repères et laissez-vous emporter par vos images. Et s'il vous plaît, oubliez
cette page. C'est vous et vous seul qui pouvez comprendre ce qui se joue ici.
PERSONNAGES
• Tu «Tu», la peintre.
«Tu» dans son Atelier. Elle cherche ses traits. Elle doit déjà être en place quand le public entrera.
La lumière baisse lentement. Le bourdon monte. Ce doit être à la limite du supportable. C'est ce
moment juste avant la naissance d'une oeuvre. Durée 15 minutes.
Tu es là. Et tu portes dans les yeux les noms de ceux qui m'ont accompagné. Tu, ma Nuit. Tu, mon
Ange. Mon Fantôme. Mes Ancêtres. Tu, la mort. Tuée ! Par incompréhension. Par incompétence !
J'aurais voulu être plus grand pour comprendre. Plus grand et plus fort. Et courir ! Courir à ton
chevet. Te sortir de cette chambre froide. Te prendre la main. Que tu puisses t'éteindre dans le plein
de mes yeux d'enfant. Mais Ils n'ont pas voulu m'emmener. Ils. Les jaloux. Ils. Les meurtriers.
Ne t'inquiète pas, Ils ne peuvent plus rien contre nous maintenant. Tu es là. Dans mon ciel.
Immense. A écrire chacun de mes pas dans la paume des immortels. Pour que jamais plus, Ils ne
puissent nous perdre.
ACTE 1
La naissance de Je
Apparition. Le grand papier libère «Je», le visage inachevé. Il arrache les dernières peaux qui
l'empêchent de respirer. Il existe. Réveil de «Lui», «Vous» et «Elle». Les corps commencent à
bouger. Ils font écho à la respiration de «Je». Naissance. Durée 5 minutes et 37 secondes.
Souvenirs d’enfance
«Lui» seul sur scène, un morceau de papier à la bouche en forme de couronne. «Vous» est caché
sous une montagne de papier. «Je» est en avant scène, seul. On devra sentir qu'il se remémore cette
scène d'enfance. Durée 2 minutes et 7 secondes.
VOUS — “C’est le roi gros derrière qui a mis son caca à l’envers
Vous, son fou, lui dit votre majesté
Votre caca vous sort par les trous du nez
C'est vrai, lui dit le roi, je vais l'manger avec les doigts”
JE et LUI — Arrête !
VOUS — Y a pas d’arrêtes dans le poisson, mais y en a dans le bifteck, quéquette!
JE et LUI — Arrête grosse bête !
VOUS — Grosse bête toi-même !
JE et LUI — C’est celui qui dit qui y est !
VOUS — Même pas vrai. C’est celui qui y est qui dit. Qui dit qui Y est. Qui y est qui dit. Kiki,
Caca, Pipi, Cucul. T’as l’cul qui pue, t’as l’cul qui pète, grosse bête!
JE et LUI — Pourquoi tu m’embêtes ?
VOUS — “Pourquoi tu m’embêtes ?” Parce que t’es bête et qu’ton zizi c’est qu'une chaussette.
JE et LUI — Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi !
VOUS — “Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi !” Oh merci ! Mais ça, moi, je sais que chuis moi !
JE et LUI — C’est pas toi qui commandes, alors ferme ta boîte à lettres !
VOUS — On dit pas boîte à lettres, on dit boîte à camembert, grosse nulle !
JE et LUI — Chuis pas grosse !
VOUS — Si t’es grosse. T’es grosse comme une montgolfière qui pue.
JE et LUI — Si tu continues, j’vais l’dire à mon père et mon père, y va t'faire couper la tête. Couic !
VOUS — Ton père, il a pas intérêt d’abord, parce que sinon, mon père y va venir et alors là...
JE et LUI — Et alors là ?!
VOUS — Alors là !...
JE et LUI — Pffffff ! Il peut rien faire ton père, parce ton père d’abord il est con.
VOUS — Mon père d’abord il est pas con, j’te ferai dire. C’est ton père à toi qu’il est con !
Autruche !
JE et LUI — Répète !
VOUS — Autruche !
JE et LUI — Répètes !
VOUS — “Répètes !”
JE et LUI — T’es même pas cap.
VOUS — Si chuis cap. Chuis Captaine même !
JE et LUI — Ouais, c’est ça ouais !
Et ben moi mon père, tu sais pas ce qu’il leur fait aux capitaines?
VOUS — Non ?
JE et LUI — Et ben il les tue! Comme ça il les tue : couic ! Arghhhh !!!! Voilà ce qu’il va t’faire
mon père !
VOUS — T’as même pas d’père grosse nulle ! T’es rien qu’un menteur qui a même pas de père !
JE — Mamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaann !!!!!!!!!!!
Adolescence
«Je», «Lui», «Vous» se font projeter sur scène. Apparition d'«Elle». Leurs mouvements seront
dictés par la grande prêtresse de l’âge adulte. Ils seront façonnés, ballottés, projetés, transformés.
Défigurés par la violence du passage. Ils résistent. Ils font face. Ils se battent. Ils s'effondrent.
Durée 5 minutes et 9 secondes.
Comment pouvais-je savoir ? Je n'avais que 9 ans, maman. Je me suis assis sur le canapé. J'étais
mal à l'aise. Mais je me suis assis. Pour faire comme lui. Ils sont arrivés. D'un coup. Sans prévenir.
Ils avaient ce sourire crispé et ces yeux noirs qui reflètent l'absence. Je n'ai pas vu leurs dents. Pas
tout de suite. Je ne pouvais pas savoir ! Après, c'était trop tard. Quelque chose s'était déjà infiltré
dans mon sang. Quelque chose qui devait changer à jamais ma façon de nous regarder. Où étais-tu,
maman ? Et pourquoi n'es-tu pas venue me chercher ? Je n'ai pas dormi cette nuit-là. Pas plus que
les nuits suivantes. Parce que désormais vos pas résonnaient faux ! Parce que désormais, j'étais seul.
Alors je frappais les murs. Je résistais pour vous voir venir. Pour ne pas me réveiller comme vous
sans savoir. Je me suis mis à fabriquer des doubles de moi-même avec des armes pour vous faire
face. C'est comme ça que Je est arrivé. Pas l'un d'entre vous, non. Je, le plus dangereux des
vampires. Le seul à pouvoir m'amener jusqu'à Elle.
Le Fou et le Roi
«Vous» entre avec un balai. Il nettoie le plateau. Il balaie les « salissures » laissées par leur
passage à l’âge adulte comme si c’était une vulgaire poussière. «Je» et «Lui» sont au sol. Epuisés.
«Elle» continue à danser. Elle devra tenir jusqu'à ce que «Vous» commence à parler. «Tu» est là.
Durée 1 minute et 15 secondes.
«Je» devant la toile, suit le texte de «Lui» inscrit sur le dos de sa couronne. «Elle» en avant scène
regarde «Vous» sortir. «Lui» se lève d'un bond. C'est comme s'il se réveillait au beau milieu d’un
rêve éveillé. Durée 1 minute et 30 secondes.
LUI — 2386 morceaux d’os enfermés là. 1 coeur, 1 cerveau, 2 poumons, 1 foie, 1 estomac, 1 rate, 1
vessie, 2 reins, 8 kilomètres d’intestins, 622 243 vaisseaux sanguins dont 13 artères principales,
46 000 terminaisons nerveuses, 1 sexe, 2 bourses contenant chacune… («Lui» cherche dans un
amoncellement de papier, la fiche. «Je» lui tend la couronne de papier) 1 000 215 660
spermatozoïdes, ce qui nous fait 2 000 4...
ELLE — Non !
LUI — Non ?!
ELLE — Non pas... pas tant !
LUI — Pas tant de quoi ?!
ELLE — Pas tant de tout ça. Ce n’est pas possible ! Ce ne serait pas... supportable !
LUI — Détrompez-vous. Vous seriez surprise de connaître tout ce qu’il y a encore là-dessous.
ELLE — ...
LUI — Le sang... combien de litres pensez-vous en contenir ? Dites un peu pour voir ?! Allez quoi !
Ne soyez pas timide !
ELLE — Deux... deux ou trois litres selon l’état !
LUI — L’état de quoi ?
ELLE — De tout... selon l’état de mes états... et dans quel état vous vous escrimez à me les mettre !
LUI — De mes états ?! Mais vous n’y êtes pas du tout ! Ca fait longtemps que je m’observe et je
peux vous assurer que quel que soit mon état, je possède 40 l...
ELLE — Je ne veux pas le savoir ! Mais pour qui vous prenez-vous à la fin.
LUI — Pour qui je me prends ?!
En voilà une question intéressante ! Oui, c’est ça !... Pour qui je me prends ?
ELLE — Je ne sais pas moi ! C’est une façon de parler. Et puis, je ne vous connais pas. Ca fait à
peine deux minutes que nous sommes ensemble.
LUI — Oh ! rassurez-vous, je suis ensemble avec moi depuis 31 ans, 252 jours, 21 heures, 8
minutes et 30 secondes et je n’en sais, sur moi, pas plus que vous. («Lui» se tourne vers «Elle»)
Allez, s’il vous plaît ! Soyez chic !
ELLE — Non, mais vous vous êtes regardez, vous ?! On dirait une Autruche. Allez, maintenant,
disparaissez avant que j’appelle la police. Psychopathe !
Je sans Elle
«Je» arrête de lire. «Elle» lui tourne le dos. «Elle» regarde du côté où «Lui» est sorti. Ils ne
devront pas se faire face. Durée 35 secondes.
La danse de la Conception
«Elle» reste seule. Ailleurs. Le grand papier revient du côté où «Je» est sorti. On doit avoir
l'impression que c'est «Je» qui revient. Autrement. «Elle» se penche vers lui. Il s'élève, la recouvre.
Ils font l'amour. Durée 2 minutes et 57 secondes.
Du plus loin que remonte ma mémoire, je la vois. Assise sur un banc. Dans un jardin public.
Sourire. Si belle. Elle. Aux cent mille visages. Aux cent mille voix. Où es-tu ? Comment être sûr
que nous nous retrouverons ? Le monde est tellement grand et j'ai perdu tant d'histoires. Je suis
fatigué. J'ai la voix qui déraille. Mes yeux sont vides. Regarde ce qu'Ils ont fait de moi. Faisons
l'amour, veux-tu ? Laisse-moi te dessiner dans le plein de ma tête. Et d'une feuille de papier, te
fabriquer les yeux. Faisons l'amour, Amour. J'ai la mer qui court sous les pieds. Je te sens. Tu es là
derrière moi. Tu ris. Je sens ton souffle. Je te veux collée à moi. Collée ! Et le ventre rond pour
nous offrir au monde. Que les mots s'arrêtent. Aime-moi ! Qui que tu sois. Aime-moi !
La danse du peintre
«Tu» est derrière la toile. On la devine. Le texte devra être dit comme si «Tu» était seule. Durée 2
minutes et 15 secondes.
Tu : Quand Elle était petite, Elle s’ennuyait. Elle détestait les mathématiques. Ses parents voulaient
qu'Elle soit docteur. Mais Elle, Elle griffonnait. Saturait ses cahiers ; de cœurs, de cerveaux,
NOUS, traces d'un Roi Lear - 6 -
poumons, foies, rates, estomacs, vessies, sexes... pleins de sexes... et du SANG ! Des chiffres à
l’envers, des lignes et des lignes de numéros. Noir. (Entrée des garçons. Ils s'arrêtent, immobiles au
milieu de scène. Ils semblent être des pantins.)
Ce temps-là, Elle l'a oublié. Enfermé dans le plus loin de sa mémoire. Depuis, Je continue. Eux sont
toujours là. Ses monstres, ses fourmis écrasées, ses bêtes. Ils s’aiment, se chamaillent, se jalousent,
ils se battent. Ils vieillissent. Leur nez s’allonge, leurs yeux se cernent, leur face se plisse. Ils
deviennent mâtures, ils deviennent matière.
La danse des 5 sens commence. Les garçons avancent vers l'avant scène en faisant, tous 3, les
mêmes mouvements, dictés par la voix du peintre. Durée 1 minute et 22 secondes.
Voyez son ami, comme il est fragile (« Tu » embrasse le papier). Il est sa peau, ne le froissez pas.
Son fidèle, son révélateur, si délicat, si blanc... Vous. Vous qui imprimez ses tourments, Vous vous
laissez recouvrir de couleurs et de ratures. Je Vous salis, Vous ne dites rien.
Vous attendez notre verdict.
Fou!!!
C'est Vous le présent. Moi, je suis vidée. Bientôt, il faudra nous remplir à nouveau, puis nous vider
à nouveau.
Venez à moi mes petits. Là à côté. Restez avec moi. Parlez-moi sans grossièreté, jouez-moi un air,
une valse, une berceuse. Couchons-nous ensemble sous le papier. Mourrons ensemble encore une
fois. Je vous aime...
«Elle» sanglote en avant scène. «Tu» sort de derrière la toile. «Je», «Lui» et «Vous» sont là, ils
reprennent conscience. Durée 55 secondes.
«Elle» sort. «Je», «Lui» et «Vous» restent seuls sur scène. Ils ne comprennent pas ce qu'il s'est
passé. Durée 1 minute et 25 secondes.
La danse de la Vie
«Lui» seul sur scène. Il essaie de parler. Le public devra en souffrir. «Elle» rentre avec la musique.
«Lui» se libère. Le temps de la musique. Durée 3 minutes et 15 secondes
Il est là. Seul. Combien de fois a-t-il déjà essayé de lui dire ? Et pourquoi les mots qu'Elle lui
demande n'arrivent-ils pas à sortir ? Je voudrais qu'Elle puisse traverser ce corps pour me voir. Mais
ce n'est pas moi qu'Elle regarde, c'est Lui. Lui. L'impuissant. La façade ! Celui qui a dû oublier pour
porter la douleur d'un cri qu'on doit taire. Un cri ! Un beuglement ! Une nappe de larmes rentrées,
de solitude exacerbée et d'incompréhension. Un cri d'injustice. Un cri rouge vif qui bourdonne à lui
faire éclater la tête. Ce cri, c'est moi ! Lui, il le supporte. Il en suffoque. Je suis Lui et Je jubile de sa
douleur. Je le regarde se recroqueviller. S'étouffer dans son incapacité à dire. Je joue à vous. Je fais
de Lui celui qui ne peut pas comprendre. Parce que je ne veux surtout pas être compris ! Je sais trop
bien qui vous êtes. Riez ! Riez ! C'est Lui qui baisse les yeux. Je l'ai créer pour ça.
. «Vous» fait entrer la rythmique. «Lui» et «Elle» dansent. Transportés. Habités. Ils ne devront, à
aucun moment, se rencontrer. Durée 1 minute et 12 secondes.
Tous sortent. Ne reste sur scène que «Tu». Elle viendra en avant-scène arrêter la musique. Quand
il sera temps. Durée aléatoire.
Le Fou et le Roi
«Vous» entre sur scène. Dans le silence. Il chuchotera la première partie du texte, avant d'en hurler
la fin, dans un grand fracas de papier. Il devra traverser la scène dans une diagonale parfaite
partant du fond-scène cour à l'avant-scène jardin. «Je » apparaît derrière lui. Durée 48 secondes.
VOUS — Tous ceux qui suivent leur nez sont menés par leurs yeux, à part les aveugles; et il n’est
pas un nez sur vingt qui puisse sentir quand son homme pue. Lâche prise quand une grand-roue
dévale la colline, ou tu te rompras le cou à vouloir la suivre; mais si la grand-roue monte, alors là,
accroche-toi pour qu’elle te traîne. Si jamais on te donne meilleur conseil, rends-moi le mien.
Je s’avance dans la diagonale créée par «Vous». Il hésite. Il s’arrête. Le grand papier revient, se
pose sur ses épaules. On dirait un roi, un vampire. «Je» trouve la force de continuer sa route. De
traverser l'espace. Décidé. «Vous» apparaît derrière lui. Rires. Ils sortent. Le grand papier ne
reviendra plus. Durée 56 secondes.
Je me souviens du noir tout autour. De cette voix étouffée, Votre voix. En attente. Je me suis
avancé face à Vous. Vous, là, face à moi. Ma bouche s'est ouverte. Et le flot de parole qui s'en est
déversé était si facile que je n'ai pu m'empêcher de sourire. Vous, vous m'écoutiez. Jusqu'au bout,
Vous m'avez écouté. Et j'ai pu Vous hurler au visage toute ma fureur. Je jurai vengeance en
crachant aux visages des Dieux. Je brisais les tables de la loi. J'avais le souffle d'emporter l'univers.
Et plus personne ne pouvait m'atteindre. Personne. Juste Vous. Mon témoin. Accroché à ma
bouche. Les yeux dans mes yeux. Et votre silence. Comme si Vous vous étiez déserté pour venir
vous asseoir à l'intérieur de moi. Et m'écouter. Vraiment. Vous, mon complice. Ici. Maintenant.
Tant que je serai là.
La perte du coccyx
«Elle» entre sur scène et regarde la toile. Elle caresse le visage de la Chauve-Souris. «Lui» entre à
son tour. Son corps devra danser malgré lui. La même danse qu'«Elle». Il est préoccupé. Durée 3
minutes et 4 secondes.
Tango d’Elle
«Elle» est seule. «Elle» a mal. «Elle» ne comprend pas pourquoi il se refuse. Pourquoi il la refuse.
Ses muscles danseront pour ne pas se raidir. Son corps se mettra en mouvement pour que son sang
continue de circuler. «Elle» dansera sa chute. «Elle» souffre. «Elle» veut effacer l'affront. La
brûlure de la solitude. L’incompréhension de sa fuite. «Elle» est l'orgueil blessé. En route vers la
mort. Durée 3 minutes et 32 secondes.
«Vous» seul sur scène. Il cherche de l'aide. Il panique. Une fois «Je» sur scène, «Vous» devra
l'empêcher d'aller toucher «Elle», de faire basculer l'univers. C'est un corps à corps violent,
urgent. Durée 2 minutes et 3 secondes.
Vous, le magicien
«Vous» seul sur scène. Changement de lumière. Changement de décor. Théâtre des Champs
Elysées. 27 mai 1962. Ce n'est plus «Vous». Mais «Vous», le magicien. A sa grande époque. Il fait
son célèbre tour du névrosé. Il joue le malade. Le docteur donne la réplique. Un pistolet le
poursuit, le hante. A chaque fois que le docteur tourne la tête, le canon de l’arme apparaît. Le
public est conquis. Mais le tour dégénère. Le coup part. La fumée fait suffoqué Vous qui perd pied
et dévoile sa troisième main. C'est la chute. «Vous», le magicien tombe sous les huées. Est-ce un
cauchemar ? Ou simplement un souvenir ?! Lumière. Il part. «Tu» s'est arrêtée de peindre pour le
regarder. Elle le rattrape, le console. Il sort. Il quitte la scène. C’est le point de basculer. «Vous»
n'est plus là pour maintenir l'espace, les places. Les bruitages du public devront être diffusés des
gradins. La rupture de lumière devra être totale. Durée 5 minutes et 13 secondes.
La danse de la Mort
«Elle», «Je» et «Lui». Ils devront bénéficier de l'énergie dans laquelle «Vous» est sorti. C'est le
destin en marche. «Elle» ne peut plus atteindre «Lui». Il est trop tard. «Je» essaye de les aider,
mais on ne peut rien faire contre ce qui est écrit. «Lui» s’échappe. Il est là, mais il est insaisissable.
Il a raté le moment du possible. Et c'est trop tard. «Elle» voudrait aller contre, mais «Elle» ne peut
plus. Ils subissent leur sort. Ils ne peuvent rien faire pour empêcher le drame qui arrive. «Lui» va
disparaître. «Elle» va mourir. Et «Je» devra faire le pas. Prendre le risque d'exister, s'il veut la
sauver. Le temps presse. Plus que quelques pas. Il la saisit au vol. Il prend position. Il ne veut pas
qu'«Elle» se tue pour «Lui». Parce que c'est «Je» qu'elle aime. Il est mieux placé que quiconque
pour le savoir. «Elle» tombe. «Elle» meurt. Dans les bras de «Je». Et «Lui» est sorti. Il ne devra
jamais revenir. Il devra disparaître pour que «Je» puisse prendre la place. Durée 2 minutes et 19
secondes.
«Je» sur scène. Il a «Elle» dans les bras. «Elle» est morte. Il chuchote le texte pour ne pas la
réveiller et s'adressera au public comme s'ils s'étaient moqués de lui. Des infra-basses seront
diffusées sous le gradin pour que le public ressente la violence de cet ébranlement. Durée 2 minute
et 25 secondes.
«Je» s’avance vers le public avec «Elle» dans les bras. Entrée de la mort.
Il lui met son bonnet et sort. On doit sentir que «Vous» n'a plus envie de jouer. Le changement qui
s'opère le dérange trop.
«Elle» est morte. C'est donc par l'ombre que se fera le passage. Par l'ombre venant d'un espace
clos : la toile devenue cube. Comme une prison. Les mouvements d'«Elle» devront être lents et
fluides. Sans à coups. Aucun. C'est un passage. «Tu» est de l'autre côté du cube et capture des
traces. Il pourra être différent d'une représentation sur l'autre. Durée aléatoire.
«Tu» continue à peindre l'ombre. «Je» sort de l'intérieur du cube en déchirant la toile. Le cube se
déploie et retrouve sa fonction. «Elle» apparaîtra à son extrémité cour. Noyée dans la folie de sa
douleur. Durée 2 minutes et 25 secondes.
La route de Douvres
«Je» et «Elle» cheminent vers "Douvres". «Vous» chante allongé près d’une rivière. Durée 2
minutes et 43 secondes.
la danse de la falaise
«Je», «Elle» et «Vous». C'est la danse de la falaise. Ils devront faire sentir à «Je» qu'ils montent
sur la colline. Tous les moyens mis en œuvre pour que ces sensations soient réelles sont les
bienvenus. C'est sa sensation et non l'expression visuelle de cette dernière qui devra primer. Durée
aléatoire.
La falaise
«Je», «Elle» et «Vous». C'est le même espace. «Elle» devra apporter un soin particulier à son texte
pour faire ressentir la falaise à «Je». «Vous» pourra faire des bruitages : le vent, les oiseaux, etc. Il
est capital que «Je», au moment du saut, se sente vraiment en haut de cette falaise. Pourtant, il n'y
aura pas de falaise. Durée 2 minutes et 40 secondes.
A partir de ce moment-là, «Je» et «Elle» sortiront de leur folie. Peu à peu. «Elle» pourra par
exemple retrouver certains gestes, certains mouvements au cours des prochaines répliques.
«Vous» ira peindre avec «Tu». Durée 1 minutes et 15 secondes.
Le Fou et la peintre