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TABLE DES MATIÈRES

Préface (Avant-propos) ……………………………………………………… 2


Coup d’œil sur le passé de la Moldavie et de la Valachie………………….. 6
Histoire des relations anglo-moldaves : XIV – XIX siècles
Première période : XIV – XVII siècles……………………………………..... 23
• Les Anglais en quête des marchés et de gain en Orient
• Les princes moldaves en quête des trônes et titres à l’Occident
• Le XVIIIe siècle - nouvelle conjoncture politique européenne et ses
conséquences
Deuxième période : XVIII – XIX siècles……………………………………… 35
• XVIII siècle : résurrection des contactes : voyageurs, savants, politiciens –
hôtes des PD
• XIXe siècle : Vers de nombreux rivages
• Les Consulats dans la réalité des PD
• L’histoire des PD sous la plume de notoires Consuls anglais. Notice
introductive
Le Consul Thomas Tharaton
Le Consul William Wilkinson
Le Consul L. Blutte et le sort de son œuvre
• Relations anglo-roumaines au XIXe siècle :
Contacts intellectuels
Contacts scientifiques
Interventions des Consuls dans la vie politique des PD (activité consulaire)
Postface………………………………………………………………………… 77
Si vous voulez savoir plus
Références bibliographiques

1
PREFACE
Notre étude consacrée à la six cent cinquantième anniversaire de la
fondation de la Moldavie, située sur les rives du Bas Danube à l’intersection des
voies commerciales entre l’Est et l’Ouest, plus le Danube artère fluviale dont
l’importance va en croissant, ces provinces se font connaître dans des œuvres des
marchands et voyageurs qui dans leurs écrits sous le nom de via valachierisis, se
veut un essai de résurrection et de revalorisation de l’importance des contacts
économiques et sociopolitiques avec l’Angleterre, reflétés dans les oeuvres des
marchands, voyageurs, érudites et consuls anglais dès la création de la Principauté
(1359) jusqu'à sa réunion avec sa sœur la Valachie (1859) – période de cinq cents
ans.
Il s’agit de l’analyse de l’héritage écrit, pour apprécier sa valeur scientifique
et le rôle que cet héritage a pu jouer dans l’émergement et la réintégration dans
l’espace géopolitique et culturel européen de l’image d’un peuple qui par un
tragique concours de circonstances est resté égaré, oublié et effacé de la
conjoncture européenne plus d’un millénaire.
Nous nous sommes attachés aussi à instituer à leur place les vraies valeurs
de leurs écrits dans l’histoire des PD¹ et dans l’esprit du peuple. Chaque document
laissé par les devanciers présentes pour ces pays plongés dans les ténèbres de
l’anonymat historique, presque un millénaire - un vrai trésor, car nous assure
l’historienne moderne française C. Duraridin, « Le Drame de l’histoire roumaine
c’est le manque des sources écrites (C. D., 36), d’où la conclusion que chaque
source, chaque mention, même au moins de leur nom, est déjà un pas approchant la
vérité historique du passé de notre peuple.
Du premier abord ce choix du thème peut sembler un peu bizarre si on prend
en considération et on confronte leur statu quo politique, historique etc. :
Pourquoi ?
L’Angleterre, pays insulaire, royaume prospérant, avec une histoire et
¹PD Principautés danubiennes, nom sous lequel sont connues la Moldavie et la Valachie jusqu’au
XIXe. siècle à l’Occident scientifique

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culture qui imposent déjà au XIVe et les PD, deux petites contrés à peine émergées
de l’oubli européen (1359).
Or, deux facteurs joueront un rôle décisif pour assurer des contacts ensuite
des relations au niveau étatique entre ces deux pays et notamment :
Les PD, c’était la présence d’un marché très attrayant à l’Est de l’Europe,
pour un pays marchand, et les voies de communication qui facilitait les
communications – surtout le Danube.
C’est donc le Danube, ce fleuve magnifique qui sera pour beaucoup de
siècles l’agent de liaison permanent qui assurera le commencement des contacts
entre ces deux pays, contacts qui deviendront relations et qui joueront un certain
rôle dans le devenir des principautés et la formation d’une image véridique surtout
de la Moldavie et de son peuple dans l’opinion publique de l’Occident.
La dimension de l’envergure des contacts connaîtra durant ces cinq siècles
des pérégrinations, des déboires, des succès et des échecs, mais « la récolte »
globale n’est pas à négliger car elle jouera aussi son rôle dans le sort de la
Principauté. « Ce sujet et cette époque des contacts attendent encore ses
chercheurs », nous assure le grand historien (N.I. I, p.3).
L’étude des œuvres laissées par les marchands, les voyageurs, les érudites et
les politiciens anglais concernant cette époque nous a permis de distinguer sur
l’alignement de l’axe chronologique deux périodes distinctes des contacts et des
résultats importants pour le devenir des Principautés roumaines.
Première période XIV – XVII siècles
C’est la période quand s’engagent les premiers contacts économiques et les
marchands anglais habiles et après au gain, ayant trouvé dans les PD un riche
marché, une vraie corne d’abondance de marchandises dont l’Occident était
cointéressé, se lancent vers le Levant en choisissant la voie du Danube (la voie
maritime étant infestée par les pirates), espérant y trouver les trésors de Crésus. En
principe, ils ne se sont pas trompés, affirmeront plus tard beaucoup de chercheurs.
Ceux qui s’avèrent plus astucieux, plus finauds, à l’esprit machiavélique
s’ingénient à marchander même des titres de princes et trônes moldaves auprès de

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la Sublime Porte. Ils seront connus dans l’histoire sous le nom de marchands –
diplomates. Leur grand mérite est celui d’avoir laissé des traces écrites sur les
contacts (information sous forme de mentions, notes, lettres, souvenirs)
concernant les PD à peine émergées de leur « incognito » séculaire.
Parallèlement certains pseudo- « princes moldaves » à la recherche des titres
et des trônes se rendent eux-mêmes vers l’Occident quémandant soutien aux
monarques des grands pays y compris l’Angleterre. Parfois avec succès !
Deuxième période XVIII –XIX siècles.
Mais l’avancement des Turcs vers l’Europe Centrale, le Luminisme français,
la Grande Révolution française influencent radicalement sur la vie sociale,
politique et culturelle de l’Ouest qui connaît des perturbations radicales dans touts
les domaines de la société européenne, faits qui se répercutent et sur les relations
entre les PD et l’Angleterre.
Les relations commerciales se transforment radicalement, elles prennent la
forme d’Associations, Compagnies, Banques en rejetant complètement les
marchands-diplomates (peu cultivés pour la plupart), qui seront remplacés par une
nouvelles génération d’hommes érudits, une sorte d’élite de la société qui joueront
un rôle décisif dans les contacts politiques et sociaux, économiques de deux états –
les Consuls.
Si le commerce (à cause des guerres incessantes) connaît parfois une
certaine stagnation, les Bouches du Danube favorisent toute une vague de
voyageurs anglais appartenant surtout à l’élite qui cherchant à satisfaire leur
curiosité pour les terres mythiques de l’Orient choisissaient et les PD. Beaucoup
d’entres eux (sous l’influence du romantisme naissant) laisseront des écrits sous
forme de lettres, souvenirs, notes, traités d’une importance inappréciable pour
compléter les vides et les taches blanches dans l’histoire et la vie culturelle des
Principautés.
Une mutation très importante dans le statu quo des PD vers la fin du XVIIIe
sera la création des Consulats anglais à Bucarest et Yassy. La présence de ces

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institutions politiques affirme qu’entre les deux états il y a des relations qui
touchent les intérêts des deux communautés.
N. Iorga nous assure que ces institutions politiques joueront leur rôle positif
dans le progrès de la vie politique et sociale des principautés, car la
correspondance consulaire et leurs œuvres, leurs recherches sur le passé historique
des PD seront le grand apport des Anglais dans l’historiographie du XIXe
concernant les PD.
Notre étude se basera sur un fond où sera abordé en bref l’histoire des PD,
l’atmosphère politique et l’ambiance sociale où se déroulait l’activité des
représentants du grand pays insulaire étroitement liée à la conjoncture politique et
aux facteurs sociaux des PD.
Nous nous sommes rattachés aussi à restituer à ces grands apôtres anglais
qui ont soit résidé, soit traversé, soit activé dans les PD leur place d’honneur avec
la gratitude méritée de la part de tout un peuple d’avoir fixé pour la postérité toute
une époque de l’histoire distincte de l’état moldave (dès 1359) et en s’arrêtant à la
date qui clôt une longue période de 500 ans à côté de sa sœur la Valachie, pour
assister à la confluence de leurs sorts en 1859, sous le nom de Principautés Unies
de la Moldavie et de Valachie qui continueront ensemble leur chemin historique
vers de nouveaux rivages dès 1861 sous le nom de Roumanie.

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Coup d’œil sur le passé de la Moldavie.
On ne saurait pas aborder le sujet de notre étude sans tracer un petit aperçu
sur le passé du peuple roumain (qui il est, d’où il tire ses racines, quelle a été son
histoire plus d’un millénaire), ainsi que la conjoncture politique et l’ambiance des
circonstances de la vie des PD, le climat spirituel qui régnait dans la société depuis
la fondation des PD. Pourquoi cette date ?
C’est vers cette époque que se rattachent les premières traces laissées par les
voyageurs et les historiographes occidentaux y compris ceux Anglais, concernant
ces contrées. C’est précisément le temps où les PD font leurs premiers efforts
spirituels pour émerger peu à peu de l’obscurité séculaire de l’oubli historique.
Ainsi :
Le premier centenaire de notre ère abrite sur les deux rives du Bas Danube deux
états et deux peuples qui sont prédestinés à devenir les ancêtres des Roumains.
Sur la rive droite s’étend le puissant Empire Romain, état prospère d’une
haute civilisation, avec une armée des plus disciplinées et invincibles du monde
antique. Sur la rive gauche du fleuve commence à s’imposer un jeune état – la
Dacie, dont la population moins cultivée (les Daces ne connaissent pas l’écriture),
mais vaillante, guerrière et avide d’indépendance sous le sceptre de son intrépide
roi – Décébale – donne du fil à retordre à l’administration romaine.
L’empereur Trajan (98-117) voulant mettre fin aux incursions hardies de ces
voisins batailleurs franchit avec ses légions bien structurées le pont nouvellement
construit et à marche rapide avance vers la capitale du royaume dace -
Sarmisegetuza et s’empare de la majestueuse ville.
Les Daces opposent une résistance farouche à l’élitaire armée romaine, mais
sont définitivement vaincus et Trajan met fin au royaume des Daces en
transformant ces merveilleuses terres en PROVINCIA ROMANA. Décébale en
106 vaincu met fin à ses jours et son peuple resté sans chef se soumet aux
conquérants. L’empereur Trajan, vainqueur, commence une intense œuvre de
fortification, de culturalisassions et surtout de romanisation de la nouvelle
province. Rome envoie des milliers des colons pour peupler ces riches contrées.

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La législation romaine, l’ordre et la discipline se font vite ressentis et la
prospérité de la population devient une heureuse réalité. La province entre en
histoire sous le nom de DACIA FELIX, et Sarmisegetuza prend le nom d’Ulpia
Trajana, reflétant sa prospérité qui semble être un gage inébranlable d’un avenir
heureux.
Mais dès le IIIe siècle des vagues des peuples barbares venus des steppes de
l’Asie s’abattent sur l’Europe. La Dacie, déjà romanisée, est ouverte à tous les
vents des envahisseurs. L’administration romaine cherche à leur opposer une
résistance désespérée mais sans résultat. Alors sur la décision de l’empereur
Aurélien en 271 les légions romaines et la haute administration officielle se retirent
au delà du Danube. Ainsi Rome recule devant les barbares et la prospère Dacia
Felix est cédée aux Goths.
Sa population (surtout les paysans daces et les descendants des colons
romains) restée sans défenseurs mais liée à sa terre, séparée de son berceau romain,
continue à l’aimer et à la défendre à souffrir et à endurer toutes les intempéries du
sort durant de longs siècles…..
Les invasions des barbares continuent. Après les Goths viennent les Hunes,
ensuite les Gépides, suivis par les Petchenègues… pillant, tuant, incendiant tout
dans leur folle marche vers l’Occident. On croirait que pour les descendants des
colons romains toute opposition à ces vagues de sauvages assoiffés de sang et de
butin est impossible.
« Mais la graine romaine semée sur la terre des Daces au lieu de périr s’y est
miraculeusement développée malgré toutes les invasions barbares qui s’y sont
succédées durant mille ans, et au lieu de connaître une mort ethnique prouve une
magnifique survivance dans le berceau des ancêtres des romains », affirme J.Ursu
(U.p.10).
Ces envahisseurs farouches qui ont balayé ces malheureuses terres n’ont
exercé sur la population autochtone du pays aucune influence. Barbares, dans leurs
folles valses vers l’Occident ils seront assimilés et anéantis par les indigènes plus

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civilisés et mieux organisés et selon M.Eminescu « Cum veniră se făcură toţi o apă
şi-un pămînt».
Les seuls intrus qui prennent racine et s’adaptent à la vie sédentaire seront
les Bulgares VI s. et les Magyars IX s. peuplades d’origine finnoise, venues des
rives du fleuve Obi, habitués à la vie dans les steppes. Préférant la plaine à la
montagne ils se fixent en Pannonie sur les bords du Danube. Un chroniqueur relate
que ces envahisseurs avaient une peur atavique de montagnes avec leurs pics,
précipices, vallons où à chaque pas vous guette un grand INCONNU. Ainsi les
Magyars fondent un état puissant reconnu par le Pape de Rome. Peu à peu ils
commencent à forcer la population indigène (les descendants des colons romains) à
se marginaliser, ensuite à reculer vers les montagnes - les Carpates où ils resteront
de longs siècles, isolés, oubliés par l’histoire, continuant à travailler leur terre,
pâtre leurs troupeaux, conservant leur race, leur religion, leurs coutumes, leurs
mœurs et surtout leur langue et leur nom ethnique (roman qui devient dans leur
bouche roumain, romîn), autrement dit, ils conservent toutes les qualités qui
rendent un peuple une nation.
La longue histoire de l’humanité connait beaucoup d’exemples de
disparition – mort ethnique des peuples. Pour prouver cette vérité nous répondons
à la question que se posait à son temps le merveilleux poète médiéval François
Villon (1431-1465) : Et où sont les neiges d’antan ?
Nous nous posons une question un peu adaptée aux circonstances : Et où
sont les Egyptiens d’antan ?
Eux, qui ont su créer un empire qui a duré quarante siècles, eux qui ont
laissé à la postérité deux des sept merveilles du monde, les pyramides et le phare
d’Alexandrie, eux qui connaissaient les bases des sciences exactes sont anéantis
par des envahisseurs et l’histoire perd leurs traces.
Qui a englouti les Assyriens et les Chaldéens, peuples farouches et avides de
sang qui ont su créer les merveilles de Babylone et de Ninive ? Leur vie a été plus
courte (à peine un millénaire) pour s’effacer à jamais.

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Dans quelles mers ont submergé les rusés et débrouillards Phéniciens, les
plus adroits négociants de l’Antiquité ?
Et, enfin, quel était le vrai nom de ces merveilleux architectes qui sur la terre
de la Bretagne et du Sud de l’Angleterre ont érigé de centaines de menhirs et de
dolmens qui de nos jours encore émerveillent le monde civilisé par leur
magnificence et inspirent une peur pieuse aux superstitieux ?
Ces questions restent sans réponse et leur énigme non décryptée.
Mais les descendants des colons romains se sont conservés, présentant un
cas exceptionnel de survivance historique et ethnique d’un peuple contraint à vivre
dans des conditions super extrémales.
Certains historiens expliquent cette merveille en évoquant les conditions
géographiques et la conjoncture sociale peu commune dans lesquelles cette
population déshéritée a du vivre beaucoup de siècles, qualifiée comme
isolationnisme territorial, autrement dit manque de tout contact avec d’autres
peuples, fait qui lui a assuré la continuité de son existence sur ses terres et son
anonymat – absence dans les sources écrites des siècles respectifs.
Si les Daco – Romains¹ vivaient entourés d’autres ethnies plus cultivées ils
seraient sans doute, assimilés, donc complètement exclus du circuit européen
comme peule à part.
Même au XXe siècle cette survivance, dans l’opinion de certains savants
reste un mystère : «un des plus étranges phénomènes de l’histoire de l’Europe que
cette survivance d’un noyau du peuple latin sur le Bas Danube et dans les
Carpates » (cité d’après Echo de Paris, le 1 février 1913, René Pinot).
Reste la question clé qui tourmente les chercheurs : « Où cette population
traquée a trouvé concrètement abri pour tant de siècles ? Qui l’a défendue et lui a
porté soin ?

¹ Daco – Romains, Gallo - Romains etc. noms créés par les savants pour désigner la race
et la civilisation issus du mélange des Romains et des peuples conquis.

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Une des réponses seraient la suivante : Les montagnes, et notamment la
forteresse des Carpates. Leur bouclier, cette citadelle, ce rempart infranchissable
pour les envahisseurs serait l’inébranlable défenseur des habitants de ces terres.
Et c’est tout ? Non, il y a encore un ami reconnu et chanté par ce peuple si
romantique et si malheureux : le Codru séculaire. Le Codru, le majestueux Codru -
la forêt qui devient le fidèle ami de ce peuple perdu dans les montagnes, le Codru
« frère du roumain », tant chanté dans le folklore par les descendants de cette noble
race antique : « Codrul, frate cu românul », affirme M. Eminescu. C. Durandin
dans son œuvre Histoire des Roumains (Paris 1998) affirme : « L’hypothèse d’une
retraite dans les montagnes et les forêts séduit (p.42). Ils conservent leur nom de
roman, puis rouman, roumain, romîn.
La vie de cette population est plus que dure, une vraie vie de calvaire
s’exclameront plus tard les historiens. Pendant les relâches entre les
envahissements ils descendent vers la plaine pour cultiver leurs champs ; le danger
arrivé ils se refugient dans leurs cabanes là-haut où aucun barbare n’a pas le
courage de poursuivre sa victime. Ulysse de Marsillac dans ses notes de voyages
« De Pesth à Bucarest » en 1869 mentionne aussi que « c’est dans cet amphithéâtre
que la race roumaine a trouvé son abri et son sauvetage » et a conservé son nom de
român.
Cette affirmation que les Carpates doivent être envisagées comme le berceau
de la romanité, lieu où elle est née et a survécu est soutenue aussi par beaucoup de
savants indigènes et européens. Quelques arguments : La principauté de Valachie
est nommée par les indigènes Muntenia (en traduction française pays des
montagnes), où aussi la Montagneuse et est fondée vers 1259 par des voïévodes
descendus des montagnes de Fagaraş (Fagarache). La Moldavie est fondée en 1359
par des palatins descendus des montagnes de Maramureş (Maramureche).
Après 271 peu à peu les indigènes s’organisent dans des communautés
villageoises, institutions héritées des Daces et perpétuées pendant la domination
romaine. « Cette communauté villageoise incarne et symbolise la communauté
gentilique – tribale qui pas à pas deviendra une communauté territoriale, nous

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assure C. Durandin (46) qui à son tour grâce à la conjoncture politique locale
persiste sous forme de petites formations de type étatique qui malheureusement au
lieu de s’unir se harcèlent sans cesse. La population conserve son nom de roman,
qui évoluera jusqu'à la forme moderne român.
Cette situation dure presqu’un millénaire. C’est difficile sinon impossible
d’établir la date (l’époque précise) quand ce peuple anonyme commence à
s’imposer par ses qualités et par son rôle géostratégique sur les bords du Danube.
Les plus anciennes traces découvertes dans les chroniques sont fixées par
Geoffroy de Villehardouin (1150-1218) dans son écrit qui les présente sous le nom
Coumans nommés aussi « Blaques » (Valaques) appartenant à la souche romaine,
pâtres et guerriers sur la rive gauche du Danube. (N. Iorga, 2, p. 51). Le
chroniqueur Philippe de Mézières (1337-1407) signale dans ses œuvres l’existence
d’un état valaque fondé vers le XIVe siècle (N. Iorga, 1, p.24). L’historien Jean
Froissart (1337-1404) complète l’information sur les Valaques qui se distinguent
au XIVe siècle par leur vaillance dans les luttes contre les Turcs.
La fondation des Etats féodaux: la Valaquie vers 1259 et la Moldavie en
1359 (descălecatul ţării Moldovei) c’est une preuve irréfutable de la continuité des
descendants des colons romains sur les terres de l’ancienne Dacie selon C.
Durandin, (p. 44).
Une fois les états féodaux fondés leurs habitants peu à peu prennent le mon
de leurs contrées : les Valaques et les Moldaves, le nom de roumain restant pour la
communication « entre eux ».
Quelques détails sur la fondation de la Moldavie.
La fondation de la Moldavie (descălecatul)
Les commencements de cette principauté sont très obscures nous assure A.
Ubicini (P.R., 22…) un mélange des faits réels et des légendes.
La réalité en bref : ce fut seulement vers la fin du XIIIe siècle que la race
roumaine, après 10 siècles d’oppressions et de calamité commence à relever la tète,
à s’organiser et s’affranchir du joug des barbares.

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Bogdan, voïévode (chef) d’une tribu roumaine située au pied occidental des
Carpates descend des montagnes et vient s’établir dans la haute Cumanie appelée
des lors Moldavie, soit du nom de la rivière Moldova, soit du latin Moles Dava
(boulevard des Daces), nom que portaient les montagnes de la haute Moldavie
dans laquelle s’étaient, en effet, refugies les Daces ou Daves, à l’époque poste
aurélienne.
Pour plus d’exactitude, on doit ajouter que pendant le Moyen Age, la
Moldavie est aussi appelée Bogdania du nom de son premier souverain Bogdan ou
Dragoş qui vers 1359 vient y fonder un Etat avec des Valaques.
La légende de la fondation de la Moldavie par un prince d’origine
transylvaine s’inscrit dans la lignée des chroniques moldaves et est introduite dans
presque toutes les œuvres consacrées à l’histoire de cette principauté, en
commençant par D. Cantemir dans Descriptio Moldaviae et la dernière recherche
que nous avons trouvée appartenant à C. Durandin (p.47). « Ainsi les invasions
des barbares ont détruit » les colonies romaines forçant les habitants se replier vers
les montagnes. Mais la population croissant avait besoin d’un nouvel espace vital.
Un des chefs, Dragoş, fils de Bogdan, décida de le chercher en franchissant les
montagnes vers l’est, accompagné de 300 compagnons comme pour une partie de
chasse. En route ils rencontrèrent un aurochs (ərəks – zimbru) et se mirent à sa
poursuite. Dragoş avait une chienne de chasse qu’il chérissait tout
particulièrement, nommée Molda ; tout enfiévrée par la chasse, elle périt dans les
flots d’une rivière qu’elle tenait de franchir. En souvenir de sa chienne, Dragoş
nomma le rivière Moldova et donna le nom de son peuple « Roman » aux terres
d’alentour qui présentait un paysage merveilleux – mais dépeuplé. Ses
compagnons descendirent de cheval (descălecară) et saluèrent Dragoş comme le
premier seigneur (domn) de ses contrées (C.D. 47-48).
Ainsi la légende, la tradition et l’histoire s’entrelacent dans le sort de l’Etat
Moldave, répétant chacune à sa façon un événement du passé. Ce n’est pas par
hasard que les armes actuelles de la République de Moldova portent une tête
d’aurochs, animal, jouissant chez les Daces d’un immense prestige.

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L’histoire contemporaine s’accorde à reconnaître que la conjoncture socio-
historique du moyen âge tardif a contribué à la naissance des Etats roumains et
notamment les conditions politico-sociales qui impliquaient au début du XIVe
siècle l’adoption d’une forme supérieure d’organisation politique pour s’inclure
dans l’évolution des rapports internationaux (selon C.D. p.49).

* * *
Les princes qui se suivent, cherchent à organiser le pays et à consolider
l’œuvre de leurs prédécesseurs. Le plus notoire s’avère le voïévode Alexandru le
Bon (1400-1432) : le pays prospérait et se développait économiquement, ses
limites s’entendait maintenant depuis les Carpates jusqu'à la mer Noire.
Mais malheureusement le système de succession étant totalement
défectueux, après sa mort le pays affaiblit par les luttes et les rivalités qui
s’engagent entre les prétendants au trône (période 1432-1456 onze prétendants qui
ont régné) qui subminent le prestige politique et provoque sensiblement sa
décadence économique. Le pays n’est plus capable de résister aux invasions des
Turcs et la Moldavie devient leur tributaire dès 1456.
Les Moldaves entrevoient un rayon d’espoir de sortir de cette état déplorable
pendant le règne d’Etienne le Grand (1457-1504) qui par ses victoires
retentissantes sur les Turcs fait l’Occident présomptueux apprécier l’importance de
ces terres pour la conjoncture politique européenne fait qui détermine le pape de
Rome à les introduire dans les Annales du Vatican et celles du Prince de Naples.
Malheureusement, dès le XVIe siècle (1538) la Moldavie soumise à la
Sublime Porte plonge dans un anonymat de type moderne : elle est dédaignée donc
« invisible » pour l’Europe à côté de sa sœur, la Valachie, se dissolvant dans la
cadre du Colosse Ottoman. C’est le commencement des années d’une anarchie
totale quand la Porte faisait et défaisait les princes moldaves à son gré.
* * *
C’est pendant la période de XIVe – XVIIe siècles que les sources historiques
anglaises fixent les premiers contactes d’ordre économique et sociopolitique des

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négociants anglais avec les réalités des PD et dans leurs écrits laissent une certaine
information, même éparse et incohérente mais très précieuse, pour l’histoire de la
Moldavie. Ainsi c’est durant plus de trois siècles que les prétendants au trône
moldave destitués et désireux de le reconquérir (l’acheter) entrent en contactes
avec l’Angleterre.
D’une côté il cherche un soutient (payé très cher) aux ainsi nommés marchands
diplomates anglais qui agissaient sous l’égide des ambassadeurs du grand pays
insulaire à Constantinople, donc « amis » de tous les tout-puissants dignitaires
turcs. D’autre part les plus intrépides de ces quémandeurs prennent le chemin vers
l’Occident et dirigent leurs pas vers le trône des rois anglais (Elisabeth Ière, Jaques
Ier, Charles II, etc.) cherchant abri et soutient¹.
* * *
Cette situation déplorable atteint son point culminant au commencement du
XVIIIe siècle (1711) quand les boïars moldaves perdent leur droit d’élire leurs
voïévodes. C’est la Porte qui les désignera elle–même sous le nom d’hospodars
(plus tard ils prendront le titre de princes). Ces nouveaux maîtres du trône des PD
connus dans l’histoire sous le nom de phanariotes, gouverneront les principautés de
la façon la plus déplorable ; plus d’un siècle de conflits pèseront sur l’espace des
PD, car cette époque n’est qu’un tissu d’intrigues intérieures, de perturbations et de
changements des hospodars – princes qui joints à la barbarie orientale érigent la
corruption au système de gouvernement 109 ans – 40 princes pour les deux
provinces, dont un quart auront le tête tranchée ( Vasile Haneş p.).
Le seul rayon de lumière dans cette période de déchainement et d’illégalité
c’est la création des Consulats anglais en 1795 à Bucarest et à Yassy qui assureront
en quelque mesure la réglementation de la conduite des classes dominantes.
Les Consulats ont toujours joué d’un certain prestige, leur rôle se
manifestant par des mutations positives du progrès de la vie politique et sociale du
pays réceptif.
¹L’histoire de ces pèlerinages sera exposée dans le chapitre suivant.

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Parmi les premiers Consuls anglais dans les PD se distinguent quelques
personnalités notoires qui frappées par le statu quo du peuple et en étalant une
curiosité toujours croissante vers son sort laisseront à la postérité des écrits
touchants leur histoire.
Ces publications suscitent un intérêt prononcé dans la société occidentale,
affirmation confirmée par le fait qu’elles seront presque immédiatement traduites
en français, en allemand, etc.
Il s’agit de « The present state of Turkey… » together with the state of
Moldavie and Valachie », Londres, 1807…, auteur Thomas Thornton, seconde
édition Londres 1892, traduction allemande Hambourg 1808, traduction française
Paris, 1812, traduction romaine, Bude, 1826, et : “Account of the principalities of
Walachie and Moldavie », Londres, 1820, auteur le consul anglais, William
Wilkinson, traduite en français en 1821,1824, 1831 plus une traduction en italien
en 1821.
Sur le marché historiographique ces deux ouvrages concernant l’histoire des
PD sont devancés seulement par « Descriptio Moldaviae » appartenant à notre
compatriote, prince de la Moldavie (1710-1711), Dimitrie Cantemir (1674-1723),
érudit hors pair d’envergure européenne, membre de l’Académie de Berlin, aussi
prince moscovite. Son œuvre sera traduite en allemand, en russe, en grec, en
roumain à peine en 1826 et son nom figurera sur le fronton de la Bibliothèque
Sainte Geneviève à Paris.
Et après un demi siècle fait son apparition en 1777 à Yassy « Histoire de la
Moldavie et de la Valachie avec dissertation sur l’état actuel de ces deux
provinces », appartenant à la plume d’un voyageur et publiciste qui travaille
comme secrétaire du hospodar de la Moldavie Grégoire Alexandru Ghica et
précepteur de ses deux fils, Jean Louis Carra. Ecrivain doué, à plume agile il est le
premier français à lancer à Paris par son œuvre l’image des PD et une information
qui suscite un grand intérêt dans le monde occidental et connait une série de
traductions : publiées à Neuchâtel en 1778, traduite en allemand à Nuremberg en

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1789, à Francfort et Leipzig en 1794. En roumain l’œuvre voit la traduction à peine
en 1887.
Ces œuvres seront une riche source d’information pour la postérité des
chercheurs de l’histoire du peuple roumain.
* * *
La conjoncture politique européenne et celle locale du XVIIIe et XIXe siècle
sont déterminées par les conséquences des guerres russo-turques au total sept
(période 1711-1829), guerres désastreuses dont le théâtre seront la Moldavie et la
Valachie. Plus d’un siècle de conflits pèsera sur l’espace des PD, causant des
pertes immenses dont la population souffrira et surtout les paysans de ces contrées.
Les Turcs subissant des défaites honteuses leur prestige militaire et politique
est solidement ébranlé.
La plus catastrophique guerre pour la Moldavie sera celle de 1806-1812. La
paix russo-turque signée en mai 1812 à Bucarest prévoit l’annexion d’une partie de
la Moldavie (la Moldavie orientale, insérée entre le Prout et le Dniestr) à l’Empire
des Tsars sous le nom de Bessarabie. Devenue « goubernié » elle aura dorénavant
une histoire distincte de celle de la Moldavie historique (Moldavie occidentale).
Le premier coup à la toute puissance de la Sublime Porte est porté dans les
PD en 1821 par l’insurrection de Tudor Vladimirescu qui réussit à affranchir les
pays danubiens du joug phanariote et à placer sur le trône les princes indigènes.
Un autre coup sérieux sera pour le prestige de la Turquie sa défaite dans la
guerre de 1828-1829 qui l’obligera à reconnaître en qualité de protectrice des PD la
Russie.
Celle-ci pour commencer « honorablement » son protectorat les dote d’une
espèce de Constitution connue sous le nom de Règlement Organique, 1833, qui
introduit un régime constitutionnel rudimentaire et des Assemblées parlementaires
établissant la séparation des pouvoirs.
A partir de cette époque sous l’influence des Lumières du XVIIe siècle et de
l’Esprit français un grand mouvement de mutations idéologiques s’opère surtout
parmi la jeunesse, l’élite progressiste roumaine grâce à toute une cohorte de

16
voyageurs et érudits occidentaux (de préférence français) qui jettent les idées de
liberté dans leurs cœurs assoiffés de changer dans les PD l’état des choses. L’idée
de conscience nationale – petite flamme d’abord-grandit vite à ce souffle
patriotique.
Beaucoup de jeunes moldo-valaques font leurs études en France et sous
l’influence des idées démocratiques ils reviennent animés du désir ardent de faire
revivre le sentiment national et s’encadrer dans la conjoncture européenne. Peu à
peu ces « bonjouristes » (nom affable donné aux jeunes patriotes) construisent une
culture de nation (CD 94) qui ravive l’idée de la conscience nationale dans toute
son ampleur.
La Révolution de 1848 dans les PD subit un échec lamentable, les
conspirateurs sont arrêtés. Evadés ils prennent le chemin de l’exil vers Paris qui à
son tour impose aux quarante-huitards (nom donné aux participants à la révolution)
une propagande active : la voix des combattants pour la liberté devient plus
véhémente étant soutenue par la presse progressiste et les patriotes français qui
lancent à haute voix « la question roumaine » (prélude de l’Union).
L’union des deux principautés est revendiquée d’une manière de plus en plus
insistante soutenue par la conception de la nation et nationalité.
En 1856 le Congrès de Paris dominé par l’idéalisme de l’empereur Napoléon
III établit le principe de l’Union qui sera réalisée en 1859 par l’élection du colonel
Alexandre Jean Cuza prince des deux Principautés (sous le nom de « les
Principautés – Unies de la Moldavie et de la Valachie ») sous la garantie collective
de sept puissances : la France, l’Autriche, l’Angleterre, la Prusse, l’Italie, la
Turquie et la Russie. Le Prince A. Cuza par son tact, son énergie et son patriotisme
scella définitivement l’Union en posant les premières assises de l’avenir de la
Roumanie.
* * *
L’histoire distincte de la Moldavie prend fin et après 500 ans d’existence
elle entre dans une nouvelle structure étatique.

17
Dès ce moment la Moldavie et la Valachie réunies sous le sceptre d’un seul
prince mettront le cap de leur bateau historique vers de nouveaux rivages. Les PD
s’engageant sur une voie nouvelle et marchent vers une grande perspective
politique, morale, intellectuelle, civilisatrice.
* * *
Pour en savoir plus …
Mais pas toute la Moldavie (occidentale) historique a participé à l’Union en
1859.
Nous avons déjà mentionné que la Moldavie orientale devient en 1812 partie
de la Russie.
Nous tachons de présenter l’histoire événementielle de cette terre entrée en
histoire en 1812 sous le nom de Bessarabie… aujourd’hui La République de
Moldavie.
1806-1812

1806-1812 – La guerre russo-turque se solde par une défaite honteuse de la


Sublime Porte.
Le traité de paix signé à Bucarest (mai 1812) prévoit la cession du territoire de
la Moldavie historique, portant les limites des deux empires du Dniestr au Prut (U.
112), la Porte vaincue cédant au vainqueur une contrée qui de facto ne lui
appartenait pas.
La Moldavie grâce à la nonchalance de la Turquie perd presque la moitié de
son territoire qui sera annexé à la Russie sous le nom de la Bessarabie comme
goubernia, sa capitale étant Chisinau.
Dorénavant la Bessarabie aura une histoire distincte de celle de la Moldavie
historique et connaîtra « les faveurs » et « les défaveurs » de la domination de
l’Empire de Tsars.

1917 – 1918

18
La première guerre mondiale bat son plein. Les insuccès de l’armée russe sont
catastrophiques. Le 5 février 1917 on annonce l’effondrement de l’Empire des
Tsars dans une atmosphère de débâcle et d’anarchie.
L’euphorie gagnant les milieux démocratiques, nationaux et révolutionnaires
l’emporte et en Bessarabie et apparaît l’objectif de l’autonomie de la goubernia
dans la nouvelle fédération russe « prévoyant le respect de toutes les nationalités »
(CD, 217).
Été 1917. L’ivresse de la liberté est entamée par la peur de l’anarchie qui
gagne les armées et les campagnes, tandis que les Soviets revendiquent déjà le
passage de l’autonomie à l’indépendance. La question-clé de la constitution d’un
organe législatif central s‘impose et se réalise sous la forme de Sfatul Ţării –
Conseil du pays (CD, 217).
Octobre 1917. Le Congrès des Soldats de Chişinău, avec 900 délégués,
proclame l’autonomie territoriale et politique de la Bessarabie.
21 novembre 1917. Le Conseil du pays (Sfatul Ţării) est ouvert, ayant 120
députés. Il devient un organe exécutif aidé par un Conseil des Directeurs.
1 décembre 1917. L’équipe dirigeante du Bloc Moldave décide d’ériger la
Bessarabie en République démocratique fédérative moldave (construisant sa
souveraineté nationale et ses propres frontières).
Janvier 1918. Les maximalistes cernent Chisinau. Des combats violents et
des harcèlements se livrent surtout à Tighina.
Le Conseils des Directeurs envoie à Iassy une délégation pour demander au
gouvernement roumain son concours. Il et accordé. Trois jours d’échauffourées
assez violentes et le conflit est clos. La Bessarabie est délivrée et Sfatul Ţării et en
mesure de reprendre son travail (CD, 220).
Le 24 janvier 1918 en séance solennelle l’indépendance de la
République Moldave est votée.
Tous ces événements reflètent la prise de conscience d’un sentiment et ensuite
d’un mouvement démocratique et national roumain (CD, 219).

19
Le 27 mars 1918 le Sfatul Ţării vote l’Union de la Bessarabie avec le Vieux
Royaume par 86 voix, contre 3 et 36 abstentions.
La Bessarabie deviendra une de dix provinces composant la Roumanie.

1940. La Bessarabie – République Soviétique Socialiste Moldave. La


deuxième guerre mondiale (commencée en septembre 1939) a couvert déjà
l’Europe de sang et de ruines. Le 29 mai 1940 on apprend la capitulation de
l’armée belge.
Une inquiétude générale règne dans les pays encore non-engagés.
Carol II roi de la Roumanie voudrait apaiser Paris et Londres, convaincre
Berlin et ne pas s’opposer à Moscou (CD, 310). Mais cette politique chancelante le
mène vers un échec sûr.
Le 26 juin Moscou, par un ultimatum au gouvernement roumain, exige
l’évacuation de la Bessarabie. La réunion du Conseil de la Couronne convoquée
par le roi le 27 juin est décisive : 19 voix se dégagent pour accepter l’ultimatum, 6
énoncent un refus et une voix demeure dans l’expectative…
Et comme suite…
Le 28 juin 1940 les troupes soviétiques franchissent les frontières de la
Roumanie. La perte de la Bessarabie constitue pour la diplomatie de Carol II la
plus honteuse non-réussite (CD, 312).
Le 2 août 1940 le Soviet Suprême de l’U.R.S.S. promulgue la loi de la
formation de la République Soviétique Socialiste de Moldova (R.S.S.M.) in
corpore avec la République Autonome Soviétique Socialiste de Moldova, située
sur la rive gauche du Dniestr.
Le 22 juin 1941 les Allemands attaquent l’U.R.S.S. et le 28 juin la R.S.S.M.
est occupée par les forces unies des nazis (allemand-roumaines).
Août 1944. Les victoires de l’Armée Rouge forcent les Roumains rompre
l’alliance avec les Allemands et s’engager du côté des Soviétiques (CD, 343).

20
Une Convention d’armistice signée entre la Roumanie et l’U.R.S.S. prévoit
que la Bessarabie restera sous la suzeraineté soviétique conservant les frontières
stabilisées en juin 1940.
9 mai 1945. La Paix est signée.
Après 1945. Dans les réalités de la période post-bellique la R.S.S.M. doit
surmonter de rudes épreuves : ruines, déportations, famine.
En Europe, sur les débris des régimes totalitaristes, les mutations idéologiques
et progressistes favorisent la revalorisation et la rectification des frontières et
l’instauration des régimes politiques d’une orientation nouvelle vers la démocratie,
l’humanisme et le progrès comme rempart de la paix et de prospérité dans le
monde entier. Le rapprochement entre nations et cultures devrait assurer la
promotion des valeurs universelles humaines. Le but principal c’est celui d’assurer
une cohabitation pacifique sur la terre pour « tous différents, mais tous égaux ».
La R.S.S.M. s’inclut aussi dans la revalorisation de son statu quo, vers une
orientation nouvelle européenne et progressiste.
1985. Le Secrétaire général du PC de l’U.R.S.S. M. Gorbatchev lance le
fameux mot d’ordre de la restructuration de toute la société soviétique (la
pérestroïka). Cependant l’échec des réformes proposées conditionne
l’effondrement du Colosse socialiste.
1991. Le putsch de 19-19 août à Moscou contribue à l’accélération des
processus de la désagrégation et de l’autodétermination des républiques unionales.
1991, le 27 août la R.S.S.M. proclame aussi son indépendance, sous le nom
de République de Moldova. Donc : 1991 - la République de Moldova devient
une réalité historique.
Sa voisine, la Roumanie, est un des premiers Etats qui reconnaît ce nouvel
Etat Souverain (JN, 276).
1995, le 13 juillet, la République de Moldova devient membre du Conseil de
l’Europe.
1997. La République de Moldova entérine la Convention Européenne des
Droits de l’Homme.

21
* * *
Ainsi, l’histoire de ce merveilleux coin de l’ancienne Dacie connaît des
périodes de prospérité et d’obscurité, elle change plusieurs fois la configuration de
ses frontières et son nom, mais reste toujours présente sur la carte de l’Europe, soit
comme partie des autres structures étatiques, soit comme unité étatique
indépendante.
Le grand chercheur français de l’histoire de l’Europe Centrale et du Sud-est
de l’Europe Jean Nouzille, dans son étude « La Moldavie, histoire tragique d’une
région européenne », publiée en 2004 et déjà traduite en roumain, déclare :
« L’existence de la République moldave est une réalité historique ». (JN, 276)

22
Première Période
XIV – XVIe siècles – Engagements des contacts
On peut distinguer comme nous avons mentionné deux périodes dans
l’établissement des contacts entre le prestigieux pays insulaire, l’Angleterre et les
descendants des daco-romains qui presqu’un millénaire exclus de la conjoncture
historique émergent des ténèbres de l’oubli dans la réalité européenne sous le nom
de Valaques dans la principauté de la Valachie (vers 1259) et de Moldaves dans la
Moldavie (1359).
***
Les premiers contactes entre les deux peuples dans les sources historiques
sont mentionnés vers le XIVe siècle fixant l’existence de quelques terres riches, et
accueillantes sur les bords du Bas Danube, fait qui déterminera certains marchands
anglais à chercher leur avenir au Levant, à l’opposé de la vague d’aventuriers qui
se dirige vers le Soleil Couchant, en découvrant les Nouvelles Indes. Les
Orientalistes s’avèrent des marchands habiles, avides de gain, d’une incroyable
dextérité à traiter les affaires et de bons compagnons adroits et rusés, ayant le
même but : s’assurer les voies commerciales vers l’Orient et s’enrichir dans ces
contrées fertiles et riches, incarnant pour eux les vraies mines d’or de Pérou.
Que présentaient les PD au point de vue politique en cette époque (XIV –
XVIIe siècles) ?
Malheureusement le statu quo de la Moldavie et la Valachie présentaient un
vrai chaos, à cause des luttes et des rivalités entres différents prétendants au trône
qui saisissant l’occasion de la présence des commerçants anglais essaient de
s’assurer leur soutien pour s’emparer du pouvoir. Parallèlement certains de ces
étrangers, poursuivant leurs intérêts pécuniaires et disposant d’importantes
ressources financières, décident que, sauf le commerce proprement dit, ils peuvent
trouver une autre spécialité et notamment : ils deviendront une sorte de protecteurs
de ces princes moldaves chercheurs de titres et de trônes à Constantinople,
transformant peu à peu les résidences des ambassadeurs anglais en lieu de refuge

23
pour les prétendants « traqués par leurs ennemis ». Ils seront connus dans
l’histoire sous le nom de marchands-diplomates.
Pour se faire une idée sur l’état réel qui régnait dans le pouvoir d’état des PD
consultons cette petite statistique qui reflète le nombre des prétendants qui se sont
emparés du pouvoir. Donc :
au XVe s. 25 princes
En Valachie
au XVIe s. 29 princes
Ont régné :
au XVe s. 13 princes
En Moldavie
au XVIe s. 27 princes

La déduction la plus logique et la plus éloquente : L’ampleur générale du


« marché princier » est bien imposante et les marchands – diplomates, on doit
s’imaginer, ne restaient pas les bras croisés.
Mais parmi les « princes malheureux » se distinguent et des personnes
téméraires qui se mettant au hasard s’aventurent directement vers l’Occident,
évitant les médiateurs locaux, espérant trouver là-bas compréhension et appui
politique pour s’emparer du pouvoir et choisissent pour cible surtout la France et
l’Angleterre.
Nous voilà donc devant deux aspects des contacts : les Anglais cherchent
leur bonheur sur les bords du Danube, les Moldaves (et moins les Valaques) rêvant
aux « titres » et au pouvoir s’adressent aux marchands-diplomates à
Constantinople, où se rendent eux même vers l’Ouest « chercher leur bonheur »
dans les Cours royales occidentales.

Les Anglais en quête des marchés et du gain en Orient


Ainsi le premier voyageur-marchand anglais qui touche les terres de la
Moldavie et qui laisse même une description du pays et de ses richesses est Johne
Newberie, marchand qui en 1578 pour visiter les pays du Levant se dirige vers les
24
bouches du Danube. Esprit habile et prévoyant il apprécie le riche marché peu
ordinaire de toutes les denrées, surtout du poisson et cherche même à s’initier sur
la préparation du caviar. Il laisse aussi des pages pittoresques concernant les
péripéties du voyage, les particularités saillantes des réalités socio –culturelles de
ces contrées et surtout des costumes portés par les femmes : leurs « grands boutons
d’argent et monnaies d’argent dans les tresses, les broches d’argent au sommet de
la tête et… le poignard à la ceinture » ; il s’agissait probablement des
Bohémiennes, suppose N. Iorga. ¹
Un autre voyageur Harbone ayant obtenu en 1579 des lettres de
recommandation signées par le Sultan devait assurer le commerce anglais dans les
PD.
Voilà, donc, le privilège de commerce des Anglais est daté le 27 août 1582
et rédigé par Harbone lui-même. Remarquons un détail dans le style du temps et de
l’esprit anglais : « Les Anglais paieront trois ducats sur cent et joueront de toute la
liberté et la protection nécessaire dans leur activité. » (N.I. I, 15)
Non moins intéressante est l’activité de Henri Austell qui ayant obtenu son
passeport en 1586 par l’intervention de l’agent de la reine Elisabeth d’Angleterre
(1582-1591) à Constantinople est accueilli à bras ouvert par le Voïévode moldave
Pierre le Boiteux (1582-1591). Ce voyageur et grand commerçant note dans ces
récits que les Moldaves (ou Bogdaniens) sont chrétiens, « bien que sujets des
Turcs et qu’il en reçut de la part du prince et des boïars une grande courtoisie ».²
Ainsi, avec un succès intermittent les marchands anglais continuent leurs
visites dans les PD et s’enrichissent prodigieusement.
Mais comme nous avons déjà mentionné l’appétit vient en mangeant, les
ambitions de certains commerçants de se mêler et aux affaires politiques de
¹Cette remarque au premier abord absolument insignifiante, un petit détail, permet à
l’historien de tirer de conclusions sur l’ordre social concernant la population de la Moldavie et
son état pécuniaire.
²The principal navigations, voyages traffics, and discoveries of the English nation, by
Richard Hakluyt, ed. De 1598, vol. II pp. 196-198.

25
l’Orient s’infiltrent pas à pas dans leurs activités.
Nous assistons donc aux pérégrinations et aux déboires de ces coureurs de
trônes et du pouvoir ainsi que de leurs protecteurs.
Edouard Barton qui remplace Harbone, dédaigne de continuer l’activité des
humbles marchands dont la seule préoccupation était d’assurer un plus large
champ à ce commerce d’Orient et pour lever son prestige et, surtout, s’enrichir il
trouve une issue dans cette activité très fructueuse d’intervenir comme médiateur
auprès des hauts dignitaires turcs et favoriser l’instauration de tel ou tel candidat au
trône de la Valachie ou de la Moldavie (N.I. I, 17).
On trouve dans les sources historiographiques aussi le nom d’un William
Aldwich qui négociait déjà vers 1592 à Iassy, ainsi que celui d’un capitaine anglais
John Smith qui aurait participé aux combats pour le trône de la Valachie après le
martyre de Michel le Brave. (1593-1601).
Dans ses « Mémoires » le « capitaine » décrit la bataille qui se déroule prés
de Rîmnic entre les rivaux prétendant au trône de la Valachie. Malheureusement
dans cette publication les noms sont tellement estropiés qu’elle ne donne au lecteur
la possibilité de rétablir leur forme authentique, de sorte que son récit reste illisible
(N.I.24).
Revenons à Edward Barton dont l’avidité mérite une attention spéciale. Ce
médiateur entre en relations avec le successeur du Voïévode Pierre le Boiteux,
Aaron (1591-1592) qui hébergeait volontiers les marchands anglais. Mais Barton
ce « commissaire » de la reine d’Angleterre fut atteint dans ses intérêts personnels
surtout par la captivité du prince Aaron qui figurait comme un de ses créanciers les
plus « notoires » (N.I.18).
Dans une autre source N. Iorga mentionne que la persona grata de la reine ne
renonça non plus au commerce et entretenait des relations avec les Italiens qui
déroulaient en Moldavie et en Valachie un intense marché de fourrures.
Toute la période de 1594-1597 ne fut qu’intrigues politiques où cet
« ambassadeur » interpréta tel ou tel rôle.

26
Les voyageurs du XVIIe mentionnent parfois dans leurs notes la pierre
tombale ornée d’une inscription latine sous laquelle repose Barton, « cet homme
entreprenant que son audace avait porté aux déclarations les plus cyniques et aux
actions les moins conformes à son poste diplomatique » (N.I.23).
Henri Lello le successeur de Barton dès 1597 suivant la même politique,
recourt aux mêmes stratagèmes et a sa part dans les intrigues qui aboutissent à la
nomination des prétendants qui leur sont les plus « convenables » sur les trônes des
PD.
Les princes moldaves en quête des trônes et des dignités à l’Occident
Malgré que les contactes direct entre l’Angleterre, pays insulaire et les
contrées du Danube étaient impossibles tout de même pour pénétrer dans l’Orient
européen les Anglais font appel aux bannières françaises encore aux XIIIe et XIVe
siècles.
Ainsi lorsque le roi anglais Henri V (1415-1422) députa son ambassadeur
aux princes chrétiens du Levant il choisit un chevalier de langues française,
Guillebert de Lannoy qui a eu la chance de visiter la capitale de la Moldavie –
Suceava et se présenter au prince Alexandre le Bon (1400-1432), voïévode
vraiment digne de son nom et de ce pays. Celui-ci permet à son hôte d’assister à la
fortification de grand port moldave de la mer Noire – Cetatea Alba. C’est nous
assure N. Iorga, la première visite officielle enregistrée d’un messager anglais en
Moldavie.
Ainsi les chercheurs du pouvoir apprennent que là-bas loin, loin à l’Ouest
existe un pays ou on peut trouver compréhension, compassion et soutient
(N.I.p.16).
Les historiographes prétendent que le premier roumain qui aurait fait son
apparition en Angleterre vers 1427 et entré en contact avec son roi aurait été un
haut dignitaire de Valachie – le Ban Radu, désireux de trouver appui pour obtenir
le trône de la Moldavie.

27
Donc, pendant que les marchands anglais s’aventurent vers l’Orient
cherchant leur paradis mercantilique, les Moldaves et les Valaques, chasseurs au
trône de leur pays essaient de trouver « des amis » à l’Occident.
Nous avons déjà mentionné que pendant le XVe et surtout le XVIe siècle le
système de succession au trône des PD alors en usage devenait totalement
défectueux et les querelles entre les prétendants ne finissaient pas. La décadence
des pays s’aggravait et les désireux d’en devenir maîtres augmentaient surtout que
et la conjoncture politique européenne favorisait ce favoritisme.
Les « candidats » souvent d’origine douteuse ayant découvert le chemin qui
menait au seuil des puissances de Constantinople (grâce aux marchands –
diplomates), trouvent aussi la possibilité d’obtenir un soutien en argent et surtout le
moyen de s’assurer la protection diplomatique de la part d’une Cour royale
d’Occident et cherchent à saisir l’occasion.
La France est la cible principale qui fixe leur attention, mais l’Angleterre
voit aussi sur les bords de la Tamise de tels visiteurs bizarres. Ces chasseurs aux
trônes portaient dans leurs bagages (mais non de facto) des généalogies brillantes,
étant prêts à énumérer les souffrances et les persécutions qu’ils avaient du endurer
de la part des Turcs pour avoir osé réclamer leurs droits légitimes au trône,
promettaient « monts et merveilles » pour témoigner à ces protecteurs leur
« reconnaissance ». « L’Angleterre a aussi offert abri aux pareils pauvres princes
chassés du paternel logis » qui quémandaient quelques ducats pour continuer leurs
pérégrinations et aboutir à leurs fins.
Ainsi la reine Elisabeth (1558-1603) abrite un certain Jean Bogdan qui se
disait fils d’Etienne le Jeune (1517-1527) bien informé sur les derniers événements
dans les PD. Après un premier séjour en Angleterre le prétendant passe quelque
temps à la Cour du roi français Henri IV (1589-1610) en attendant l’intervention
de sa Majesté dans la question de son rétablissement sur le trône de ses ancêtres.
Muni des lettres à l’adresse d’Elisabeth et honoré par le titre de Chevalier
d’ordre royal (N.I.26) il se rend de nouveau à Londres. On n’a pas trouvé des
traces sûres concernant sa seconde visite. Les documents du temps témoignent que

28
le prétendant erra pendant de longues années à travers l’Europe sans se risquer
jusqu'à la Porte, où il aurait trouvé, sans doute, le cruel accueil réservé aux
aventuriers sans protection et complètement dénués d’argent (N.I.26).
Un autre prétendant au trône de la Moldavie, un quelconque Bogdan, fils de
Jancu, dit le Saxon, prince de Moldavie (1579-1588), ayant perdu pour ses
activités, toute l’espérance de s’emparer du trône, doit changer de nom pour
changer de fortune. Et voilà qu’un Etienne Bogdan, dit le Sourd, règne en
Valachie en 1592 à 1593. Peu de temps après sa destitution on apprend sa « sa
mort », dans un combat contre la ligue chrétienne de Danube. Or, affirme N.Iorga,
notre Bogdan ressuscite en 1602 sous le nom d’Etienne Bogdan. L’ambassadeur de
l’Angleterre Lello devient son hôte, son créancier et son protecteur. Cette
mystification et son histoire acceptées, Etienne Bogdan présente à l’Ambassadeur
des lettres de la part de la reine prétendant d’avoir servi sous ses armes en Flandre.
Mais le hasard ne lui sourit : il échoue dans ses démarches n’ayant pas de quoi
payer le chapeau princier à ses patrons turcs. Il dut donc passer quelque temps dans
la prison et aux galères, mais s’en échappa en 1606 en habit de femme. Et le voilà
pour la seconde fois en Angleterre devant le roi Jacques I-er (1603-1625) en lui
présentant sa généalogie tendancieuse, qui semblait assez plausible. Mais le roi se
borna à lui offrir seulement une lettre de recommandation.
Après beaucoup de péripéties il revient à Constantinople où l’Ambassadeur
Thomas Glover à qui les missives du roi imposaient l’accueille comme s’il était un
prince. Mais les luttes entre les protégés de différents coins du monde pour le trône
moldave soutenues par cet ambassadeur se terminent déplorablement pour Glover
qui lui-même est renvoyé.¹
Suit un nouveau nœud d’intrigues qui ne change pas la situation de ce
prétendant si insistant, malgré l’intervention même du roi Jacques I-er qui aux
insinuations répondit par une missive spéciale « qu’il n’avait fait que son devoir
envers un prince malheureux ». Le successeur de Glover, Paul Pinder ne se soucie
¹N. Iorga note dans son œuvre que Glover faillit avoir la tête coupée par son maître (p.30)

29
guère du protégé moldave de l’ambassadeur disgracié. Le prétendant s’avise alors
de renier¹ pour sauver sa vie. Un des témoins des aventures du pauvre Etienne
Bogdan écrirait plus tard des « Mémoires »² qui eurent l’honneur d’être traduits en
langue hollandaise, où l’auteur mentionne que les dépenses faites par Thomas
Glover pour l’entretien de ce « duc de Moldavie » pendant deux ans, présentaient
la somme de 15000 ducats qu’on n’avait aucune possibilité de récupérer.
Le départ de Tomas Glover mit fin à la première période des relations
entre l’Angleterre et les pays du Danube. Il n’y aura plus de marchands –
diplomates, apres de gain, marchandant les titres princiers et les trônes, des
emprunteurs qui devenaient volens-nolens les protecteurs infatigables de leurs
débiteurs de lignée princière.
La maison des ambassadeurs à Constantinople ne sera plus le refuge des
prétendants traqués par leurs ennemis. D’autres occupations s’imposeront à des
représentants d’un ordre supérieur, ayant à un plus haut degré le souci de leur
propre dignité (N.I. p.34).
Si l’influence anglaise et l’envergure de son commerce ne font pas encore
la pluie et le beau temps dans la conjoncture européenne, à Constantinople, le
représentant mal payé d’une Compagnie de commerce deviendra bientôt un
véritable ambassadeur d’Etat et jouera un rôle décisif dans la politique de l’Orient
nous assure N.Iorga (p.35). Ce seront les Consuls.

¹renier - (Dieu), se dédire de sa foi chrétienne, devenir renégat.


²Willem Lithgouws negen – tien jaarige Lant – Reyse uyt Schotlant na de
Vermaede deelen des Werelts, Amsterdam, 1656, p. 78-79.

30
Le XVII siècle

La conjoncture politique et les contacts anglo-roumains connaissent un recul


regrettable. « Le grand siècle » pour la France –, le XVIIe - voit une sensible
diminution du rôle de l’ambassadeur de l’Angleterre à Constantinople, fait qui
s’explique par les mutations d’ordre sociopolitique qui substituent cette grande
puissance marchande, isolée sur ses îles et qui pour le moment ne poursuit de
sérieux buts politiques, par la Sublime Porte (la Turquie) qui atteint l’apogée de sa
gloire vers 1673 (siège de Vienne, capitale de l’Empire des Habsbourgs).
Les guerres incessantes entre les pays de l’Europe Centrale empêchent à leur
tour la libre circulation des marchandises par la voie qui mène à travers les
Carpates dans Constantinople (le Danube) au détriment de la situation économique
des PD.
La Compagnie du Levant établie par l’initiative de la reine Elisabeth se
maintient, mais sans pouvoir se développer selon les intentions d’un Harbone et
d’un Barton. Dans les documents du temps on trouve peu d’allusions aux PD si
riches en ressources dont l’Occident avait besoin. Mais tout de même leur rôle
politique se ressent déjà dans le monde diplomatique.
Ainsi on trouve une allusion aux « Deux Daces » (La Moldavie et la
Valachie) faite par l’ambassadeur polonais s’adressant en 1621 au roi d’Angleterre
Jacques 1er pour l’inviter prendre l’initiative d’une croisade anti ottomane (N.I.37).
Mais les marchands anglais ne viennent presque faire des achats en
Moldavie malgré l’ancienne convention avec le Voïévode Pierre de Boiteux (1574-
1577). Les Habsbourgs empêchent la libre circulation des voyageurs par la voie
danubienne.
Une seule trace digne d’attention des savants c’est une note laissée en 1660
par un Savant anglais Edward Brown sur les roumains, où il exprime son
étonnement d’avoir trouvé en Transylvanie des gens « parlant généralement le
latin ». Le but de son voyage c’était la Macédoine et il était confus de rencontrer
des « macédoniens » sur les cimes et vallons des Carpates.

31
Cette observation de notre hôte est très importante, et notamment : Elle
souligne la latinité de la langue roumaine (apparentée avec le macédonien, d’où le
Savant comprend quelques mots en contactant avec les indigènes). Et ce qui est
plus triste, on constate, l’anonymat politique de la nation roumaine à l’échelle
européenne (moins connue que celle macédonienne, même dans les cercles de
savants).
« Et cet état des choses au temps quand les PD prospèrent relativement sans
le règne de Vasile Lupu en Moldavie (1634-1653) et de Mathieu Basarabe en
Valachie (1633-1654) », s’étonne, à son tour, notre grand historien N. Iorga, quand
les PD abondantes en ressources se développent plus largement, et à l’époque où le
représentant à Constantinople de la Compagnie du Levant reçoit des marchands un
subside annuel de 4000 livres sterlings (I.38).

* *
*
Mais, les souvenirs des jours où la reine Elisabeth soutenait de son autorité
à Constantinople la cause du prétendant au trône moldave Bogdan, hantaient
d’autres prétendants quémander le soutien des monarques anglais, et réveillaient
l’appétit d’un nouveau prétendant qui se présente à Charles II Stuart (1630-1685)
ensuite à Louis XIV (1643-1715), roi de France, un quelconque Georges Etienne,
qui usurpateur du trône moldave contre Vasile Lupu chassé de sa patrie après un
court règne, traverse l’Europe entière en quête d’un appui politique pour aller
mourir à Stettin, en terre suédoise.¹ Voilà son histoire : Le roi d’Angleterre n’hésita
pas à recommander ce « bon ami Georges Etienne, ancien prince de Moldavie »
(« our good friend Georgius Stephanus, late prince of Moldavia »), qui lui avait
exposé et sa tombé en disgrâce et le dépouillement de sa principauté et la disgrâce
(« reduced intro extreme misery »). Le roi au nom de la Solidarité qui doit régner
entre les princes, par son ambassadeur, le compte Winchelsea, à la Porte, faisait
demander « pardon » au Sultan pour ce prince malheureux [….] qui s’offrait à se
1. Mss. Egerton, au British Museum, 1042, 156-158 ; publié par Gaster dans « Arhiva Societății
științifice și literare » din Iași, p.233

32
rendre digne par sa conduite future de la clémence de son maître impérial. C’est le
dernier « prince errant à la recherche du trône de la Moldavie » affirme N.Iorga.

***

Le nouveau régime créé en Angleterre par la révolution parlementaire fait le


commerce britannique regagner peu à peu son esprit d’initiative qu’il avait perdu
depuis longtemps.
Et on entend de nouveau parler des pays du Danube dans la correspondance
diplomatique et dans les récits des voyageurs anglais.
La chronique officielle du règne de C. Brîncoveanu (1688-1714) qui jouait
sur les rives du Danube le rôle d’un Louis XIV, par exemple, fait l’éloge au lord
Paget signalant son rôle dans l’atmosphère politique du temps (d’ici sa valeur par
son contenu informatif) en le présentant comme un « homme de haute importance,
honnête, très sage, profond connaisseur des circonstances où on vivait à la Porte
des Turcs ».
En prenant son congé en 1703 le diplomate désira faire son voyage de retour
par la Valachie inconnue, « pour sa propre commodité et pour mieux voir le
pays ». La porte acquiesça à son vœu : elle donna des ordres de bien recevoir ce
personnage important. « Le voyage sur le Danube, les carrosses princiers, les
tentes pour les places d’arrêt, tout était digne de cet étranger de si grande et rare
distinction » (N.I.42).
L’audience solennelle eut lieu le lendemain ; au moment où Mss. Paget fit
son entrée pour y rencontrer le voïévode C. Brîncoveanu, les quatre canons de la
cours donnèrent le Salut. Le prince offrit au représentant de l’Angleterre son
propre trône, se bornant à s’asseoir sur le rebord d’un lit, à la mode orientale. Le
repas solennel suivit à la fin de l’audience. L’audience de congé de Paget eut lien
dans quelques jours, au milieu de la fraîche végétation du printemps. Le diplomate
put admirer la beauté de ce mois de mai danubien, tout embaumé de la senteur
poivrée de lilas et éclairé par un doux soleil caressant. Paget ne partit pas
cependant sans être revêtu d’une pelisse de zibéline. La description de son passage
33
à Yassy montre qu’il ne manquait non plus de faste et de respect. Le voyageur a
laissé des récits merveilleux sur les réalités vues et goûtées, faits qui complètent la
maigre information sur la vie des PD au XVIIe siècle.

34
La Deuxième période
XVIIIe siècle - Résurrection des contacts
Les facteurs politiques sont toujours ceux qui génèrent les relations entre les
états et dont la projection se répercute grosso-modo sur tout le climat régnant à une
époque donnée dans la société.
Le premier facteur qui caractérise la conjoncture politique du XVIIIe siècle
c’est l’affaiblissement du prestige de l’hégémonie de la Sublime Porte causée par
les défaites honteuses permanentes dans les guerres (au total six) avec la
Russie. Le théâtre de ses guerres sont les Principautés danubiennes dont la
population doit souffrir tous les désastres, et les destructions… et les
conséquences.
Un autre facteur très néfaste pour les PD c’est l’introduction du régime
politique phanariote qui commence en 1711 en Moldavie et en 1716 en Valachie.
Avec l’apparition des princes phanariotes les provinces danubiennes
disparaissent totalement de l’aréal européen et du champ visuel de la diplomatie
anglaise. C’est la période la plus infortunée de leur histoire des provinces
danubiennes.
Les contactes directes entre la grande puissance commerciale et les PD
faiblissent et restent seulement comme voies de communication entre l’Est et
l’Ouest (l’artère principale restant le Danube).
Le commerce anglais se borne aux seules échelles du Levant à une époque
où les marchands français ont leurs banquiers à Adrianople et cherchent à effacer
complètement les PD (comme concurrents) de l’aréal de la diplomatie britannique.
En échange les PD deviennent un point d’attractions pour les voyageurs et les
érudits anglais.
Un intérêt à part présente donc les traces laissées par ceux des Anglais qui se
hasardent à visiter ces contrées pendant cette période.
Ainsi :

35
• Sous forme de notices (informations) que donne la « Chronique » de

Valachie, touchant la vie des PD est fixé le passage de Constantinople en Pologne


de deux Jeunes Seigneurs anglais restés inconnus. Il faut croire que cet événement
entouré de tant d’anonymat présentait un certain intérêt pour le statu quo de la
situation sociopolitique de ces contrées (N.I.53).

• La même année deux jeunes princes (bey zadés anglais) font leur apparition

à la Cour du prince Gregore Ghica (1728-1733) à Yassy. Voyageurs infatigables


ils bourlinguaient à travers différentes terres et mers pour faire connaissances avec
les coutumes nationales de différents peuples. Leurs altesses furent honorées d’un
dîner fastueux par le hospodar qui ordonna au grand Postelnic (maître de
cérémonies) de les servir selon leur titre et les faire ensuite passer en Pologne, des
chevaux et des gens de service leur ayant été accordés pour les y conduire souligne
N.Iorga.

Mais c’est seulement vers 1760 que l’Angleterre recommence à s’occuper


des PD, d’abord d’une manière accidentelle, car les seuls marchands occidentaux
qui prévalaient étaient les Français qui s’ingéniaient de vendre par leurs agents à
Bucarest et à Yassy même le drap de Londres – le londrin (marchandise
anglaise !!).
Mais le rôle politique de ce pays insulaire va en croissance car même le roi
de Prusse cherchant à établir des relations diplomatiques permanentes avec la Porte
fait appel à l’ambassadeur anglais à Constantinople et par une démarche
respectueuse le prie de plaider sa cause.
• N. Iorga prête une attention soutenue à l’activité d’un ambassadeur
anglais à Constantinople Porter qui par ses relations avec les pays de l’Europe
centrale était en contact avec le prince régnant à Jassy Jean Theodor Callimachi
(1758-1761).

Le British Museum contient encore les originaux des lettres du Voïévode


« terrarum Moldaviae princeps » s’empressant de promettre tout son concours pour
favoriser cette correspondance (N.I.56). Le diplomate anglais qui pendant son long
36
séjour à Constantinople (dès 1747) avait reçu plus d’une fois dans son palais les
membres de la famille de ce prince a eu l’idée de faire des démarches respectives
et les passeports lui assignaient un voyage vers l’Occident à travers les PD. Le
prince Gregoire Callimachi (1761-1766) fils de Théodore qui était un peu cupide
fit tout son possible pour réduire les dépenses qu’entrainaient une pareille visite et
se borna à organiser à son hôte une réception plus que modeste. La réaction de
l’ambassadeur à cette indélicatesse princière et dont il a été prévenu par ses amis
mérite, selon N. Iorga, d’être connue.
Le diplomate britannique dépasse son hôte le prince moldave et le prévient
qu’il ne veut pas de cérémonies, en insistant dans son style austèrement officiel
qu’il n’est pas venu manger le pain du pays, dans lequel il ne s’arrêtera, et qu’il
n’usera des facilités auxquelles lui donne droit le firman. En échange Porter a pris
beaucoup de notes sur son passage (le port de Galatz, la capitale Yassy avec ses
luxueuses maisons des boïars construites en briques, la nombreuse valetaille, les
esclaves tziganes etc).
Voilà la phrase finale de la présentation de cet incident : « Quant à son
Altesse (allusion au prince moldave), nous le laissâmes à sa propre grandeur »
(conclut l’ambassadeur, - le mot français est dans le texte) -, « ne mettant aucun
prix à l’honneur ou plutôt au dérangement de le voir » ( « As to his Highness, we
left him to his own grandeur, not caring for the honor, or rather the trouble, of
seeng him ») (N.I.59). ¹La phrase est tirée de l’œuvre de Sir Georges Larpent,
Turkey, its history and progress, Londres, 1854, p.375.
On doit supposer que le noble diplomate a été vexé de la conduite de son
hôte et ne manqua pas d’en montrer son ressentiment, mais à la manière anglaise,
en soulignant une fois de plus sa dignité distinguée.
En échange il s’intéressa vivement et consacra quelques pages au pâtre
transylvain qui menait ses troupeaux à travers la Moldavie et trouva plaisir à
décrire ce nomade vêtu d’une chemise de lin et recouvert d’une jaquette de peau,
qui se nourrit surtout de ce « pain de millet » (« millet broth ») qu’il appelle de son
nom roumain, la mamaliga » (N.I.60).

37
• Deux années plus tard on rencontre un voyageur anglais en Moldavie,
lord Baltimore, dont la mission dans ces contrées reste toujours une énigme. Après
avoir employé trente cinq heures de voyage il arrive à Yassy.

Le même prince Gregoire ne se manifeste plus accueillant, cette fois non


plus et cet étranger d’une si grande distinction est logé dans une maisonnette « une
hutte » infestée d’insectes et ayant pour habitant plus ancien – une vache qui
empêche Baltimore de « poursuivre le sommeil de sa lassitude » (N.I.62). Dans ces
notes le voyageur remarque que l’animal posa sa tête au dessus de la crèche dont il
se nourrissait pour renifler le lit de son nouveau voisin.
Il faut souligner une fois de plus le sang froid des Anglais et la façon dont ils
agissent dans des situations ambigües, quand les règles de la courtoisie et de la
politesse sont violées sans vergogne. D’autre côté la conduite des hôtes décrite par
N. Iorga nous semble un peu bizarre au moins si on prend en considération
l’hospitalité proverbiale des Moldaves.
On peut donc supposer que n’ayant pas de lettres de recommandation et
voulant faire une connaissance plus approfondie avec la couleur locale le noble
voyageur demanda l’hospitalité à l’un de ces khans de marchands à la mode
turque, où en effet, hommes et bêtes cohabitaient la nuit. Notre hôte transporta le
lendemain ses pénates passagers au couvent de Saint Antoine à Yassy.
Ce noble anglais a laissé des notes informatives et tout a fait charmantes
teintes d’une ironie fine mais –cinglante!
Il a décrit aussi le tableau de Jassy au quotidien dans des détails éloquents ;
mais il excelle surtout dans la description de la nature environnante, les collines
couvertes de vignobles et de jardins, l’abondance excessive de verdure, de parfum,
de soleil et de couleurs (opposé au climat un peu sombre de son pays).
Il n’oublie à souligner le niveau de culture de certains étrangers qui viennent
faire fortune au Levant et pour le prouver cite une des questions que lui a proposée
un Italien : « Est-ce que l’Angleterre est dans Londres ou Londres est en
Angleterre », en s’abstenant de la commenter.

38
Malgré le contenu bienséant et tout à fait décent de ses notes, il consacre
quelques passages aux femmes très voluptueuses et d’une extrême amabilité,
moyennant argent ou cadeaux avec lesquelles ses guides le mirent en contact et
dans lesquelles il crut naïvement avoir découvert le type féminin du pays (selon N.
Iorga, 64).

Lady Craven
Une grande dame anglaise Milady Craven visite en 1786 les PD. Femme
érudite, élégante et spirituelle, avide de voyages et d’impressions nouvelles qu’elle
saura exposer dan son écrit, dont même le titre intrigue le lecteur : « Voyage de
milady Craven en Crimée et à Constantinople en 1786, traduit de l’anglais par
Guldon de Berchère, notaire de Londres, enrichis de plusieurs cartes et
gravures », Paris, 1789.
Cette œuvre présente une source inestimable pour l’historiographie des PD,
écrite par une anglaise et contenant une information imposante et multiaspectuelle
sur le statu quo de ces pays (œuvre, p.408-450).
Ainsi, cette voyageuse passionnée atteint le Danube venant de Constantinople,
par terre, avec des arabas (charrettes). Son passeport lui assignait un voyage vers
l’Occident à travers la Valachie. Là voilà donc en juillet 1786 descendu sur la terre
valaque avec beaucoup de plaisir, nous assure l’auteur.
L’aristocrate anglaise est satisfaite de l’accueil somptueux et éblouie par
l’atmosphère de luxe et de prodigalité qui règnent dans le palais princier, ainsi que
par les coutumes du pays adaptées à l’occidentalisme européen. Dans ses lettres
spirituelles adressées au prince, dont elle était la « sœur adoptive » (lire favorite),
elle présente ses impressions de voyage concernant la Crimée, la Turquie et les
Principautés danubiennes avec beaucoup de détails informatifs qui parsèment son
récit et qui présentent une source inestimable pour les chercheurs en ce qui
concerne la réalité historique, sociale et culturelle des PD à cette époque.

39
Par exemple, en soulignant la beauté de cette terre hospitalière, elle exclame :
« Pour dire la vérité, il serait bien difficile de trouver en ce pays quelque chose qui
ne fût pas très beau ».
Lady Craven ignorait cette influence occidentale qui avait toujours rivalisé
avec celle de l’Orient dont la superposition faisait naître un amalgame de
situations, faits, idées, actions autant attrayants que curieux : la somptuosité du
dîner de gala, le service fait par les jockeys (mode anglaise), plus l’argenterie aussi
anglaise à côté de l’autochtonisme pittoresque non moins séduisant et inhabituel
(costumes, manières etc.).
Les appréciations très flatteuses sont assombries par ses concluions justes,
logiques, émanant d’un esprit cultivé et un cœur plein d’humanisme : « Je
maintiens toujours mon opinion que sur cette terre tous les objets supérieurs par
leur nature, soit animés ou inanimés sont chargés d’impôts d’une manière cruelle.
Ce magnifique pays qui par l’avantage de son sol et de son climat produit tout en
abondance, par la fatalité du destin soumis à une puissance qui dépouille les
malheureux habitants sous le prétexte des besoins de la Porte quand ce n’est que
pour satisfaire l’avidité du gouvernement » (œuvre, p.426).
Et comme conclusion son vœu le plus sincère : « On peut dire que cette
contrée qui est un diamant mal enchaussé aurait besoin d’être mis en œuvre par
une main habile et industrieuse » (œuvre, 299 ; NI, 76).

Mac Michael
Un érudit anglais, le docteur Mac Michael, qui traverse les PD en revenant de
la Russie en 1817 a laissé des traces importantes pour la postérité, concernant les
PD, vers la fin du XVIIIe et le commencement du XIXe siècle.
Pour faire une connaissance détaillée avec ces contrées dont on parlait déjà
dans le monde scientifique aussi, il organise son voyage de retour par la Bessarabie
(la Moldavie Orientale qui venait d’être annexée à l’Empire des Tsars). Il le
commence par la bourgade Novi Dubosary sur Dniestr. Après quatre jours de
cahotage dans un chariot de poste, il descend à Chisinev et apprécie la nouvelle

40
capitale dans ses notes comme une petite ville aux magasins mal achalandés et où
il voit pour la première fois les équipages viennois, des boïars à côté des paysans
indigènes qu’il présente comme des homme de belle race solide, ainsi que la
valetaille et les innombrables tziganes esclaves, tableau reflétant d’une manière
fidèle la structure sociale de la société moldo-valaque à cette époque.
Pendant son séjour il fait connaissance avec les particularités du régime
phanariote en franchissant la frontière nouvellement installée sur le Pruth,
représentées par les officiers du passage et le « secrétaire des passeports » plus
que friands de pourboires qu’ils ajoutent sans vergogne, comme sur les points de la
Turquie, aux droits perçus par l’Etat.
Cette première rencontre avec « les lois » du régime phanariote en dit long au
perspicace voyageur sur le statu quo politique et social du pays.
A Yassy il descend dans la maison du vice-consul d’Angleterre.
Le « phénomène » qui fixe son attention c’est l’aristocratie indigène – le
boïer. Ses vêtements de couture patriarcale – le caftan et son işlic1 présentent un
contraste saillant avec le modernisme des tables de jeux des cartes, distraction –
occupation introduite par les armées d’occupation qui sévit comme une sorte de
peste civilisée et, sous l’œil vigilent des aventuriers étrangers, dépouille les joueurs
crédules.
Le prince Scarlat Callimachi (1812-1819) accueille le savant médecin avec
une déférence distinguée. Le visiteur assiste avec plaisir à la cérémonie de « la
fabrication des nouveaux dignitaires d’Etat » : le prince leur offre de sa propre
main le caftan – vêtement d’honneur et le bâton – signe de la charge qu’ils
accompliront. « Quelle gaspillage », soulignera plus tard dans ses écrits l’impartial
savant, « pour un pays si pauvre, où la foule de mendiants attend les miettes de la
table princière ».
Il est aussi étonné du luxe de l’ornement de la salle du trône.

1
Işlic – bonnet rond, couvert de peau fine de mouton que le boïer coiffe et dont la hauteur
correspond à son rang.
41
Un bref entretien en français avec le prince approfondit le sentiment de
stupeur et l’apathie qui remplit son âme, malgré que, durant ses pérégrinations, il
avait eu l’occasion non moins bizarres de voir des monts et des merveilles.
Le lendemain le docteur s’embarque pour la seconde principauté.
Son premier abri en Valachie fut une tanière enfermée, une demeure
souterraine qui, par sa pauvreté incomparable dépassait les gîtes qu’il avait
rencontrées en Sicile, en Grèce, en Egypte et même en Nubie (oeuvre, 94). L’état
des paysans soumis à des ispravnics¹ (2) est décrit dans des termes touchants,
pleins de commisération et de révolte. Les supplices auxquels sont soumis les
contribuables qui ne peuvent payer l’impôt dépassent parfois par leur cruauté ceux
de l’inquisition ; fustigation (correction à coups de verges), fumigation et autres
« raffinements » de la barbarie sont pris sur le vif, présentant la réalisation du
système financier valaque d’après une recette que les agents grecs et leurs disciples
roumains avaient empruntés aux Turcs.
La vie de la haute société bucarestoise produit sur cet hôte civilisé une
impression non moins déprimante : les promenades lentes et fastueuses au lac de
Hérestrău (six ou sept cents personnes de la fine fleur de l’aristocratie indigène et
grecque, les bals masqués, « le club noble » et les fêtes de famille, les toilettes des
femmes, les tables de jeu, les nouvelles danses européennes remplaçant la
merveilleuse ancienne hora rejetée avec dédain par ces parvenus est restée si chérie
dans les villages, note le médecin.
« Et toutes ces innovations au dépenses du pauvre paysan, » - conclut avec
horreur le visiteur.
Le prince de Valachie Jean Caragea (1812-1818) accueille le noble hôte avec
tout le faste mérité : l’épouse du hospodar et ses filles assistent à la cérémonie, le
prince sait démontrer une riche érudition et beaucoup de discrétion.
Le luxe de l’aristocratie est étalé par les femmes en babouches mais pourtant
en riches ceintures orientales (couvertes de pierres précieuses) ayant des robes de


Ispravnic - fonctionnaire qui a payé sa charge (l’a acheté à l’Etat) et qui devait se refaire la
somme payée, bien sûr avec de bons intérêts sur le compte de ses administrés.
42
soie française, tout à fait à la façon de l’Occident – tableau typique des mœurs
constantinopolitaines – mélange curieux du traditionalisme et du modernisme.
Les détails consacrés à l’humble vie des paysans, contents du peu dans leur
chaumières sont très touchants : « C’est une belle race, portant encore le costume
classique de ses ancêtres, tels qu’on les voit sur la colonne Trajan » (œuvre p.168
et suivantes). « Quant au étrangers, ils ont entre leurs mains les banques plus les
changeurs ou zarafs. Viennent ensuite les artisans des nouvelles modes, les
professeurs, les médecins ; il faut ajouter les hôteliers et restaurateurs
d’immigration plus récente » (NJ, 96). Voilà la structure sociale qui en quelque
mesure décide le sort du pays.
Mais le sensible hôte a la chance de participer à d’autres rencontres. Il a
rencontré le poète I. Văcărescu dont la maison de campagne ouvre largement ses
portes ainsi que son jardin au public et dépense de ses deniers pour satisfaire ses
hôtes, parfois même inconnus, auxquels lui et sa femme font les honneurs de leur
modeste demeure. (oeuvre, 93)
L’Anglais est agréablement surpris car il constate que dans le PD la cordialité,
l’humanisme, la moralité et surtout l’hospitalité n’ont pas été complètement
effacés par le néfaste régime des phanariotes. Le lendemain, l’ambassadeur anglais
W. Wilkinson organise le départ de son conational et une escorte princière conduit
le docteur jusqu’au Danube.
Les impressions de son voyage dans les PD le sensible docteur les a exposées
dans son écrit « Journey from Moscow to Constantinople in the years 1817,
1818 » London, 1819.
Le livre présente grosso modo un récit séduisant empreint du sentiment de la
responsabilité du rôle d’un auteur des voyages présentant la réalité dans la clarté
crue de l’observation directe, avec des digressions et commentaires critiques
dignes d’une reconnaissance respectueuse de la part de la postérité. Certains
passages de cet écrit seront cités par W. Wilkinson dans son étude historique sur
les PD.

43
Dans son œuvre le docteur ne fait pas de conclusions directes (tout l’exposé
est présenté sous la forme d’une confrontation des faits, événements, situations),
ainsi qu’il ne donne ni appréciations, ni conseils. Il laisse le lecteur à délibérer et à
dégager ses propres conclusions sur l’état des choses, se basant sur cette opposition
entre ceux qui dirigent et en profitent et ceux qui travaillent, vivant dans une
misère noire pour favoriser une vie sans souci à leurs maîtres.

Sir Robert Ker Porter, un savant anglais très connu par ses recherches dans
l’ancienne Chaldée, laisse des traces ineffaçables de son voyage dans les PD sous
la forme d’un écrit « Travels in Georgia, Persia, Armenia, ancienne Babylonie
during the years 1817, 1818, 1819 and 1820 », London, 1822, deux volumes.
Sir Porter arrive à Bucarest en traversant la Bulgarie et est accueilli
chaleureusement par le consul anglais W. Wilkinson qui le présente au prince
Alexandre Suţu (1818-1821). Une audience cordiale, affectueuse mais sobre dans
le style anglais est suivie par une invitation au bal où assiste la Doamna et les
autres filles du hospodar.
Le savant est frappé par la société bucarestoise : les hommes « sont
remarquablement beaux, les traits fins et expressifs, cultivés et démontrent de
bonnes capacités pour les langues étrangères.
Quant aux femmes, elles se distinguent par une beauté spécifique (prety), sont
affables et très belles et leur présence évoque une assemblée de Paris.
Mais cette impression de prospérité et de gaspillage est gâtée par la foule en
haillons qui entoure à la sortie sa calèche, mendiant de l’argent, tableau qui fait
l’étranger penser que les glaces, les gâteaux, les limonades et les fruits exotiques,
dont on vient de le gober, ne sont pas à la disposition de ces malheureux et
n’entrent pas dans les repas quotidiens de ces déshérités.
Le voyage vers Yassy dure trois jours et donne la possibilité au savant de
saisir le plaisir d’une promenade en traîneau, quand le dégèle annonce l’arrivée du
printemps.

44
La capitale moldave produit une belle impression sur l’étranger avec ses
25000 habitants et ses soixante églises dont les coupoles luisent au soleil levant.
Le savant devient l’hôte du consul autrichien Von Raab qui le présente au
prince nouvellement instauré Michel Suţu (1819-1821) : 32 ans, beau, gentil, très
maniéré, possédant à la perfection le français. Son palais correspond aux goûts les
plus raffinés, dans la société on parle le français et, souligne le savant, les
Moldaves ont une prononciation parfaite comparée à celle des Grecs.
L’aristocratie autochtone est élégante, avec un peu de nonchalance (graceful
carelesness of the manners), vivant dans un luxe et une splendeur non dépassées
dans les capitales européennes.
Et pour persuader le lecteur, le voyageur décrit une réception chez le
logophète Constantin Balş, un des plus riches et notables boïars du pays, réception
digne d’être décrite dans « Les Mille et une nuit ».
Les bals et les parties de plaisir, les femmes dont les toilettes parisiennes
ornées de pierre précieuses dépassent de beaucoup ce qui peut créer une
imagination même très prodigieuse, enchantent cet austère étranger, qui, en même
temps appréciant le prix de l’argent, est déprimé par cette prodigalité plus que
superflue.
Touchant l’économie du pays l’auteur est aussi étonné par la quantité des blés
qu’on exporte et qui atteint 200000 de mesures, celle de bovines et chevaux 30000
(évaluez le prix !) et les objets de luxe qu’on importe : café, rhum, vin (grec), sucre
et toutes le épices, plus les carrosses viennoix, les soieries de Lyon et les diamants
blancs qui embellissent mêmes les babouches des dames de la Cour princière.
L’œuvre du grand savant impose par la particularité de l’exposé et son style,
d’un côté évocateur, touchant et d’autre impersonnel et lucide. Cette contradiction
formelle peut être expliquée par le spécifique de son activité scientifique. Savant
étudiant les antiquités, il est habitué à la description des réalités qu’il étudie et
expose dans un style informatif, documenté, rigide, constatif. Il reste fidèle à sa
manière d’interprétation et pour les réalités contemporaines, la quête du vrai étant
son seul bût dans la société avec son pouls changeant où prédominent l’arrivisme,

45
le pragmatisme et les sentiments les plus égoïstes. Lui, il exclut toute
sentimentalité, ses écrits restant désemparés devant cette opposition flagrante
riche-pauvre et il présente la vérité sans commentaires, une sorte de « veni, vidi,
dixi ».
On a l’impression que le savant se gène de dévoiler son état d’âme et la
compassion qui remplit son cœur sensible, dévoué à l’homme simple. Et
précisément cette austérité ne peut laisser le lecteur indifférent, car il conçoit l’état
d’âme de l’auteur et lui pardonne ce manque d’extériorisation de la compassion, en
lui restant reconnaissant de lui avoir donné la possibilité d’apprécier les réalités
régnant dans les PD, les commenter selon son optique et ensuite agir
conformément à ses penchants.

* * *

Mais vers la fin du XVIIIe siècle la conjoncture politique européenne change


radicalement. La Sublime Porte, après ses défaites honteuses dans les guerres avec
la Russie, sentant son prestige solidement ébranlé, est forcée de céder aux
exigences européennes vers une nouvelle orientation plus libérale de la politique
extérieure.
Cette mutation des forces se répercute d’une manière très positive sur le sort
des PD : elles sont reconnues comme « existantes » et « vues » dans l’aire
européen : et comme conséquence le Sultan signe les firmans respectifs et on
assiste à l’établissement du Consulat français et de celui anglais, en 1795, dans les
deux capitales des provinces danubiennes.

46
2.Le XIX siècle -
Vers de nouveaux rivages

Les consulats anglais dans la vie des Principautés danubiennes


Pour mieux concevoir les contacts et la dimensialisation des relations
anglo-valaques il faut jeter un coup d’œil sur la conjoncture politique européenne
créée à ce commencement de siècle qui s’annonçait « très promettant » et
notamment :
Pendant les guerres napoléoniennes l’Angleterre jouira d’un grand prestige à
Constantinople comme l’Alliée de la Sublime Porte pendant l’expédition de
Bonaparte en Egypte (1798-1799) mais deviendra son ennemi en 1806-1807 quand
elle risque le passage des Détroits. Après la paix conclue avec les Turcs les intérêts
financiers commencent à prévaloir sur ceux politiques. Toutes ces oscillations se
reflètent bien sûr sur la conjoncture politico-sociale de l’Europe et de chaque pays
à part en augmentant le rôle politique économique, culturel et pacifiste des
ambassadeurs et des consuls.
L’ouverture des consulats signifie pour les PD leur intégration dans l’espace
européen, donc un acte important pour leur situation politique, cette institution
présentant un facteur vital, une organisation autoritaire et officielle au corps
diplomatique d’un pays.
Les consulats imposent d’autres occupations aux représentants des
gouvernements respectifs, soucieux à cette époque de leur prestige et de leur
dignité a portée mondiale.
Les diplomates joueront un rôle plus considérable et plus efficace dans la
politique européenne y compris celle concernant l’Orient, y compris donc en
certaine mesure et les PD.
Le Consul est un fonctionnaire qui représente son pays et son obligation
primordiale est celle de fournir à son gouvernement des informations d’ordre
politique et social concernant le pays de sa résidence. Leur présence confirme

47
donc, qu’entre ces deux communautés politiques sont engagées des relations
touchant des intérêts communs.
« Les Consulats de l’Angleterre, nous assure N.Iorga, ont aussi leur apport
dans le progrès de la vie politique et sociale de la Moldavie et de la Valachie ».
Grâce à leur activité d’une envergure de plus en plus multiaspectuelle ils favorisent
un progrès susceptible pour l’avenir et le devenir des principautés.
Tachons de les passer en revue :

Les Consuls les premiers historiographes.


Le passé des PD dans la vision des consuls anglais est reflété dans une série
d’œuvres à caractère historiographique dont l’importance est difficile à surestimer.
Pourquoi cet intérêt pour le passé de ces terres ?
Dès leur création les Consulats se heurtent dans leur activité à un phénomène
presque inconcevable pour la diplomatie européenne : les pays de leur résidence
sont presque inconnus dans le monde politique de l’Occident.
On ressent un besoin impérieux de les faire émerger de leur anonymat pour
avoir la possibilité de solutionner les problèmes à l’ordre du jour, dont le succès
exige de savoir tant soit peu sur leur passé. Dans l’historiographie du temps
existent seulement deux publications méritoires concernant l’histoire de ce peuple,
présent de facto presque deux millénaires sur cette terre, mais de jure absent à
l’appel de l’histoire.
Pour apprécier l’importance de l’apport de l’historiographie européenne et
celle des Consuls anglais, présentons une petite information sur leurs
prédécesseurs.

Les voilà !
Dimitrie Cantemir
Prince de la Moldavie (1710-1711) érudit hors pair, membre de l’Académie de
Berlin et de celle de Petersburg, dont le nom figure aussi sur le fronton de la

48
Bibliothèque Sainte Geneviève à Paris, dans son œuvre capitale « Histoire de
l’Empire ottoman », écrite en latin, publiée en 1716, traduite en allemand en 1717
inclut plus de 200 pages consacrées à son pays natal « Descriptio Moldaviae ».
Cet écrit apprécié comme première Encyclopédie de la Moldavie élucide les
racines ethniques des Moldaves, reflète la vie quotidienne du peuple, son âme et
son cœur. L’auteur cherche à présenter la vérité sur son peuple n’importe quelles
fussent les peines et à quelle distance il fallait les chercher.
Jean Louis Carra
Publiciste français, secrétaire du prince moldave G.Ghica (1775-1778) a
présenté ce qu’il a vu, a senti, et l’a impressionné sur cette merveilleuse terre dans
son œuvre consacrée exclusivement à ce sujet : « Histoire de la Moldavie et de la
Valachie avec une dissertation sur l’état actuel de ces deux provinces », Yassy
1777, Paris 1778 qui connait plusieurs traductions du français en allemand, en
roumain, etc.
Pour se faire une idée sur son contenu, citons ses parties essentielles : ainsi De
la Moldavie : géographie ancienne, création des princes. De la Valachie :
géographie ancienne, la reconnaissance de la domination des Turcs.
Autorité des Princes. Histoires des Princes de la Moldavie et de la Valachie.
Famille de Cantemir, Famille de Brancovan.
Dissertation sur l’état actuel de la Moldavie et de la Valachie, géographie
moderne. Climat, sa population et ses mœurs, sa culture, économie rurale,
commerce et arts, revenus, gouvernement et justice.
Du caractère des Moldaves et des Valaques. Réflexions politiques sur la
Moldavie et la Valachie.
La table des matières reflète minutieusement le contenu de l’œuvre qui étonne
et par l’envergure des problèmes abordés et la richesse de la présentation. « Cette
œuvre ouvre la voie à la lumière, à la vie de tout un peuple qui mérite depuis
longtemps qu’on lui apprécie le passé si tourmenté, plein de souffrances mais
inébranlable dans son amour pour sa terre, ainsi comme ses aspirations légitimes à

49
une vie honorable, peuple qui malheureusement a été oublié et exclu de toute
attention des savants et des politiciens (selon V. Hanes, I p.45)
Voilà grosso modo tout le bagage historiographique dont disposaient les
consuls anglais qui se font un devoir spirituel de combler cet énorme vide
informationnel, la manifestation de l’abnégation et de la responsabilité morale
soutenue par leur attachement à ce peuple victimisé. Nous présentons en bref
l’analyse des trois œuvres des plus remarquables du premier versant du XIXe
siècle appartenant à la plume des trois diplomates anglais qui seront une source
inestimable d’information pour toute une cohorte d’historiens qui traiteront cette
question si énigmatique : le passé du peuple roumain.

L’historiographie des PD sous la plume des consuls anglais.


Notice introductive
Le premier versant du XIXè siècle – l’influence du romantisme historique
naissant réveille un intérêt indescriptible pour les petites nations et pour les pays
lointains. Ce monde de rêves fournit sur le marché publicitaire une avalanche de
publications pour satisfaire la curiosité du grand public assoiffé d’aventures
pareilles à celles de « Mille et une Nuits ». Malheureusement, à coté d’œuvres
sérieuses et argumentées abondent aussi des écrits peu valables et dignes d’être
répandues. Pourquoi ? Parce que il y avait des publications crées par la curiosité
fiévreuse pour cet Orient mythique dont les auteurs cherchaient à frapper
l’imagination du lecteur par des aventures créées par une imagination très féconde
et parfois un peu trop imaginative et des autres qui malgré eux dénaturaient la
réalité historique et le passé des pays et des peuples des petites nations absolument
inconnues et absentes dans la conjoncture historique.
Malheureusement on pouvait trouver même des écrivailleurs, talentueux qui
imaginaient faits, événements, même des personnalités, guerres, batailles n’ayant
rien de commun avec la réalité historique et qui réalisaient des gains énormes
nourrissant la curiosité des profanes par toutes les fantasmagories possibles.
C’est dans l’esprit du temps.

50
Mais chaque chercheur qui exploite un thème bien déterminé doit se tenir
sur ses gardes et savoir séparer le bon grain de l’ivraie alluvionale, comparer telle
ou telle information à d’autres de même type, fait qui lui permettra de trouver la
vérité historique authentique et créer une image véridique du thème étudié.
La vieille Europe assiste à un vrai exode dès la deuxième moitié du XVIIIe
siècle, vers le Levant devenu le centre des intérêts et commerciaux, et culturels et
même politiques.
Les diplomates anglais manifestent aussi un certain intérêt plus prononcé
pour cet Orient « barbare » et malgré leur aristocratisme guindé, figé depuis des
siècles étalant une curiosité toujours croissante (peut-être grâce aux intérêts de leur
titres), entrent en contact direct avec ce monde énigmatique pour eux, laissent des
notes, de essais, des lettres et même des œuvres consacrés à ces terres
« nouvellement » découvertes.
L’intérêt que leur publications suscite dans la société européenne surtout élitaire
est bien confirmé par le fait que la plupart d’elles sont immédiatement traduites
surtout en français pour être mises à la porté de ceux qui voulaient approcher cet

Orient mystérieux, ce Pont Euxine¹ et surtout les Principautés danubiennes sorties


de leur anonymat historique (étant dès le XVIè s. intégrées dans les domaines de la
Sublime Porte leur nom était donc exclu de tous les documents du temps).
Cette attention pour ces terres situées sur le bas Danube est un apport inestimable
pour l’étude de l’histoire de la Moldavie et de la Valachie parce que les auteurs qui
la manifestent appartiennent à d’autres ethnies avec une culture séculaire, avec des
spécificités toutes particulières de voir, d’évaluer et d’interpréter les réalités
découvertes.
Présentons l’activité de trois personnalités éminentes de la diplomatie
anglaise, qui sont les premiers à laisser des écrits sur l’histoire des PD dont
l’importance ne peut être sousappréciée.
¹Pont Euxine – le nom grec de la mer Noire

51
Le Consul Thomas Thornton.
C’est un des premiers Anglais qui a laissé des informations exactes,
circonstanciées et sérieuses consacrées à se coin d’Europe « barbare »
(appréciation du Grand Talleyrand) mais digne d’admiration est le diplomate et
consul Thomas Thornton.
Ayant vécu quatorze années négociant à Constantinople, il remplissait vers
1804 les fonctions de Consul de sa nation à Odessa et connaissait la Moldavie et la
Valachie les ayant traversées « dans toutes les directions ».
Fin observateur à l’esprit analytique il enregistre les moindres détails des
réalités qui l’entourent « où rien n’est comme chez eux en Angleterre » pour
décrire minutieusement les deux principautés avec des commentaires respectifs
dans son œuvre capitale : « The present state of Turkey … together with the state
of Moldavie and Walachie », Londres 1807, second édition Londres 1809, 2
volumes, (traduction allemande, Hambourg 1808, traduction française Paris 1812,
traduction roumaine Bude 1826). Cette liste de traductions témoigne l’intérêt que
cette publication, touchant et les PD a suscité dans toute l’Europe, et où sont
mentionnées sporadiquement les oeuvres des marchands et des voyageurs, grosso
modo, publications à contenu informatif même historico scientifique et analytique.
Le titre complet en français : Etat actuel de la Turquie, ou description
politique, civil et religieuse du gouvernement et des lois de l’empire ottoman, des
finances, des établissements militaires de terre et de mer, des sciences, des arts
libéraux et mécaniques, des mœurs, des usages et de l’économie domestique des
Turcs et autres sujets du Grand-Seigneur, auquel on a ajouté l’état géographique
civil et politique des Principats de la Moldavie et de la Valachie d’après les
observations faites pendant une résidence de quinze ans, tant à Constantinople que
dans l’Empire turc ; par Th. Thornton, traduit de l’Anglais par M. de S…, Tome
premier et Tome deuxième, Paris 1812. Les chapitres touchant les pays romains
Tome II, p. 433-517.

52
En se qui concerne l’œuvre de T.Thornton, la première surprise pour le
lecteur c’est l’aveu que fait l’auteur dans son « Introduction », en soulignant
l’objectivité qu’il a tâché de respecter dans son écrit : « Je me flatte que dans le
cours de mon ouvrage le lecteur apercevra le zèle pour la cause de la vertu, une
réalité pure, sans être morose, le respect pour l’ordre social, la vénération pour les
institutions civiles et religieuses et pardessus tout l’amour de la liberté, vertu
caractéristique de la nation à laquelle il m’est honorable d’appartenir » (œuvre,
p.XII).
Frappé par la réalité moldo-valaque il cherche à pénétrer l’état de choses tel quel,
c’est à dire révélant la réalité et la vérité. Il cherche à expliquer beaucoup de
manifestations dans la vie politique et sociale par les coutumes et les mœurs
séculaires et rejette ce qui est accidentel superficiel et superflu.
Humaniste, il cherche dans la vie du peuple les manifestations de son âme
qui se révèle dans la conduite quotidienne, information qui n’est donc pas un habit
d’apparat. Parce que « les replis du cœur humaine ne se développent pas à une
première vue et les traits caractéristiques du genre humain ne sont pas écrits en
caractères, qui puissent se lire en courant » (oeuvres p.X)
Ainsi le chapitre IX de son œuvre consacré entièrement aux Principautés
danubiennes inclut les questions suivantes :
 Système du gouvernement turc envers les sujets tributaires.
 Exceptions au mode de gouvernement adopté par les Turcs.

 Dacie- géographie de la Moldavie et de la Valachie.


 Géographie : température, sol, climat, agriculture et production.
 Apparence du pays.
 Constitution et qualités des habitants. Distinctions civiles.
 Constitution et gouvernement : voïévode ou prince. La Cour. Les

grands officiers.
 Divan et Conseils. Ses fonctions.
 Boyards ou noblesses, leurs privilèges.

53
 Magistrats turcs.
 Lois et police. Revenus et taxes.
 Villes capitales ; établissements publics.
 Mœurs des grecs et des boyards.
 Relations extérieures.
C’est un travail de recherche car l’auteur arrive à formuler des constatations
absolument réelles qui méritent toute l’attention des chercheurs ; leur importance
primordiale est celle qu’il a réveillé l’attention de l’Occident envers ces pays et ces
peuples et a mobilisé l’opinion publique sur leur sort si injuste créé en quelque
mesure et par l’insouciance du Tout- puissant Occident.
Présentons quelques extraits de l’œuvre qui permettent d’apprécier à juste
valeur son importance pour l’histoire du peuple roumain :
L’attention du voyageur est totalement absorbée à la vue de la beauté du
paysage varié et de la fertilité du sol : « J’ai traversé les deux PD dans toutes les
directions et c’est avec un plaisir bien vif que je retrace ici les impressions que
m’ont laissées sites grands et romantiques : les torrents se précipitant dans les
gouffres et arpentant ensuite dans les vallées, le parfum délicieux du tilleul
florissant, les herbes aromatiques, la cabane solitaire du berger sur le sommet des
coteaux, les montagnes s’élevant au-dessus des nuages, couvertes d’un lit de terre
végétale et ornées de toutes parts par l’éclat d’une verdure riche et vivante, ou par
la majesté des forêts antiques et sombres. Cet assemblage de beautés, qui s’est
présenté tant de fois à mes yeux, a gravé dans ma mémoire un tableau qui ne cesse
jamais de m’intéresser » (Etat actuel de la Turquie p. 463). En lisant ce tableau on
peut affirmer que l’auteur peint avec des phrases et colore avec des mots.
Et combien d’appréciations flatteuses à l’adresse du paysan moldave ou
valaque, son hospitalité cordiale dont le visage et les vêtements évoquent les
figures sculptés sur la Colonne Trajan.
Il est surpris agréablement et par la danse populaire dont le rythme et les
mouvements caressent l’oeil.

54
Mais, souligne l’auteur, avec beaucoup de sensibilité et de complaisance :
«les traits de leur figure sont contractés par les soucis et par les inquiétudes ; leurs
corps sont affaiblis … par défaut de la nourriture (p.486).
La totalité de leurs connaissances ne comprend que des opinions absurdes et
superstitieuses car l’éducation est dans les mains des prêtres et la morale qu’ils
prêchent est plus propre à encourager l’esclavage qu’à améliorer la condition de
genre humain » (p.506-507).
Et enfin l’auteur touche le problème de l’amélioration de la vie du peuple. Il
conçoit le rôle politique que peut jouer cette terre dans la conjoncture
paneuropéenne liée avec le sort de la Turquie.
L’œuvre est parsemée d’observations originales, véridiques qui touchent par
la profondeur dont il conçoit et interprète parfois les événements et les actions,
favorisant ainsi dans une certaine mesure la popularisation du nom et de la cause
de ce peuple déshérité qui lui inspire tant de tendresse.
Ainsi l’œuvre de Th. Thornton est-elle une des premières hirondelles,
messager du printemps politique, qui devrait présenter et introduire l’image des PD
dans la conjoncture européenne.
Et son importance ne doit être ni négligée si sous appréciée.

Le Consul William Wilkinson

Présentons l’activité d’une personnalité éminente de la diplomatie de


l’Angleterre, le Consul William Wilkinson qui est le premier à laisser une œuvre
intègre sur l’histoire des PD dont l’importance mérite d’être connue et appréciée à
sa juste valeur.

Homme distingué et fin politique, bien sûr, il est au courant de toutes les
intrigues qui se jouent autour du sort des Principautés danubiennes dont la solution
touche les intérêts des trois empires environnants (l’empire des Habsbourgs-
l’Autriche, l’Empire du tsar-la Russie et la Sublime Porte- la Turquie) ainsi que

55
ceux de la France et de l’Angleterre (surtout le Blocus Continental de Napoléon et
sa politique chancelante envers la Russie).
Wilkinson fait son entrée solennelle à Yassy le 2 novembre 1814 présentant
au prince Scarlate Calimachi son bérat en date de 24 mai, en fonction de Consul
anglais des deux Principautés, fonction qu’il remplira jusqu’en 1818. Nommé en
Moldavie il sera, accrédité aussi à Bucarest où il établira sa résidence laissant à
Yassy un simple agent.
Son longue séjour dans les PD lui permet de pénétrer le caractère et le génie
des Moldo-Valaques et de se familiariser en certaine mesure avec la langue des
indigènes donc de mieux concevoir les réalités des pays et les aspirations de ses
habitants (leur âme paysanne surtout) considérés un des peuples les plus exploités,
mais qui supportait les injustices morales et les fardeaux des impôts et des taxes
avec résignation et patience ; très superstitieux il attend une force surnaturelle qui
aurait pu améliorer sa déplorable situation.
Ce consul érudit, honnête et d’un humanisme remarquable expose ses
impressions et ses réflexions dans un ouvrage très sérieux « Account of the
principalities of Wallachie and Moldavie » paru à Londres en 1820 étant le premier
ouvrage anglais qui eut été consacré exclusivement aux pays roumains.
Cette publication attire l’attention du public par sa forme de présentation par
le contenu et par l’appréciation juste et véridique des événements présentés qu’elle
connait une triple traduction en français: 1821,1824, 1831, plus en texte abrégé
publié en Italie à Milan en 1821.
Apprécié avec beaucoup de déférence dans le monde scientifique ce travail
servira de pilon dans l’étude du problème roumain dans le premier versant du
XIXè siècle, souvent cité et par les historiens français de cette époque.
Par son exposé cohérent et logique l’auteur fait défiler devant les lecteurs
comme sur un tableau les traits les plus caractéristiques et saillants de l’histoire,
l’état social et politique et les aspirations du peuple négligé durant les siècles par
l’Occident. Une attention spéciale est accordée à la description de la merveilleuse
nature des PD, si opposée à celle de son pays natal.

56
Voyons quelques faits relatés dans cette œuvre dont la publication a eu
l’effet d’une détonation dans le monde publicitaire, qui introduit dans la
conjoncture politique européenne un peuple existant depuis des siècles mais plongé
dans l’anonymat de l’histoire donc absent à la politique des événements
historiques. C. Durandin l’appellera plus tard peuple victimisé dans son œuvre
capitale. « L’histoire des Roumains », Paris 1998.
Dans l’avant propos le noble chercheur déclare avec orgueil que c’est aux
Anglais qu’appartient l’honneur de publier tant de recherches concernant l’histoire
et le devenir de différents peuples et différents pays. Les Anglais apprécient « les
voyages instructifs » par amour pour les contrées lointaines, régions cachant tant
de mystères et tant d’énigmes. Et encore une chose importante : ceux qui ne
peuvent bourlinguer lisent avec intérêt, curiosité et plaisir les communications de
leurs compatriotes.
« Malheureusement, souligne l’auteur, aucun voyageur n’a encore réalisé
une œuvre contenant la description d’une manière véridique et détaillée des plus
importantes et les plus curieuses (énigmatiques) terres qui incluent la partie
principale de l’ancienne Dacie connue sous le nom moderne de la Valachie et de
Moldavie » (p. II Avant propos).
Citons les parties essentielles de cette œuvre qui représentait vraiment une
révélation pour les contemporains (voyageurs, savants, chercheurs) :
Chapitre I : Situation géographique et étendue de Valachie et de la
Moldavie. Précis historique depuis la chute des Daces jusqu'au dernier siècle.
Chapitre II : Inauguration des Hospodares. Formes actuelles du
gouvernement. Lois locales. Tribunaux de justice. Membres du divan et autres
fonctionnaires publiques. Districts. Caimacan de Craiova. Ispravniks.
Chapitre III : Population. Tributs et taxes. Autres branches de revenus.
Dignité métropolitaine. Monastères.
Chapitre VI : Mines d’or et d’argent. Production. Navigation du Danube.
Commerce d’importation.

57
Chapitre V : Bucarest et Tergowith, capitales de la Valachie. Yassy,
capitale de la Moldavie. Manière de voyager. Races de chevaux.
Chapitre VI : Observation sur les Grecs en général. Leur introduction au
gouvernement des Principautés. Leur système politique. Causes de la déclaration
de guerre entre l’Angleterre et la Russie et la Turquie en 1806. Paix avec la Russie
et circonstances qui y contribuèrent. Hospodars Callimaki et Caradjia. Réflexions
sur la conduite de la Porte, à l’égard de ces deux Principautés.
Chapitre VII : Climat. Son influence. Education des boïars. Ecoles. Langue
Valaque. Grec moderne. Coutumes, musiques et danses nationales. Mœurs de la
société. Autorité de l’église. Son indépendance de l’église patriarche de
Constantinople.
Chapitre VIII : Paysans. Leurs mœurs et leur manière de vivre. Emigration.
Agriculture. Aspect général du pays.
Chapitre IX : Relations des étrangers entre eux. Consuls étrangers.
Avantages que les naturels retirent de leurs rapports avec les résidents étrangers.
Observations générales sur la situation politique des deux principautés.
L’auteur n’oublie pas de mentionner les œuvres consultées telles de
D.Cantemir : « Histoire de l’Empire ottoman (p. 26, 30, 31, 42) et celle de
Thornton (p.35, 42, 51 etc.) en cherchant les points de tangences et de divergences
d’opinions pour les confronter avec ses propres observations et tache d’atteindre
l’objectivité la plus objective dans ses conclusions.
Présentons quelques pages de son œuvre contenant ses observations
personnelles, ses appréciations et leur rôle dans le tissu des phénomènes
historiques.
Ce qui le touche surtout c’est le magnifique tableau de la nature de ces deux
pays. « Mais de toutes les sensations délicieuses que produisent les beautés de la
nature, aucune ne peut surpasser celles que fait naître l’aspect des parties plus
intérieures du pays. Des collines et des vallons romantiques, de petits ruisseaux,
des courants d’eau, des champs ornés de verdure et de fleurs, offrent aux yeux,
dans la belle saison, une grande variété de beauté. Les montagnes offrent elles-

58
mêmes le spectacle le plus magnifique de leurs sommets les vues les plus belles et
les plus inattendues du paysage. Ceux qui ont vu les parties romantiques des Alpes
ne peuvent s’empêcher de les rappeler à leur souvenir ; les impressions du moment
sont telles qu’il leur devient impossible de décider quelles sont celles qui méritent
la préférence. Tandis que le conducteur impatient qui franchit les routes escarpées,
traversant les monts Karpats, maudit les passages dangereux qui l’arrêtent à chaque
pas, l’amateur de voyages, l’amant de la nature, reste ravi d’admiration et quitte
toujours avec peine et regret le spectacle de ces grandes beautés pittoresques, que
la terre doit aux plus heureuses inspirations du génie de la création (œuvre, p.149-
150).
Le Consul anglais a connu lui-même le système politique des PD et le joug
de la Sublime Porte réalisé sur place par les princes phanariotes.
Voilà ces considérations :
« Aucun des événements qui ont exercé de l’influence sur l’existence
politique et détruit l’esprit public des Moldaves et des Valaques, n’a été plus
destructeur que le système introduit par les Grecs du Phanar, lorsqu’ils ont été
placés à la tête des PD ».
Le Grec, maître par la grâce du Turc et par la tolérance de la noblesse
roumaine, son associé de ce pays qu’il exploite est décrit par une main de maître :
« Aussitôt la possibilité de prendre part a l’administration publique fut connue, les
Grecs qui étaient familiarisés avec les langues étrangères (celle turque et
européennes se hâtent de constituer une classe distincte qui s’arrogea le titre de
noblesse et le droit exclusif d’être appelée au service de l’Etat » (Iorga, p.85)
« No sooner was the possibility of sharing in the public administration
manifested to the Grecks, than such us were versed in the Turkish and European
language abandoning all other pour suits, formed them serves into a distinct class
wich assumed the title of nobility and exclusive right of being called to the service
of the state” (oeuvre, p.98, Iorga. p. 86).
Et en revenant à ce sujet il continue : « Le système vexatoire et ruineux du
gouvernement qui subsiste encore dans les PD est, il faut l’avouer, un sujet de

59
regret et doit faire reprouver cette coupable indifférence de la Porte, sur le choix
des mesures les plus capables d’assurer leur bien-être et leur prospérité ». (oeuvre,
p 111-112)
Un intérêt à part présente les considérations de l’écrivain sur la langue de
Moldo-Valaques : « La langue moldave ou valaque est formée d’un mélange
corrompu de mots étrangers. Le fond de cette langue est le latin et l’esclavon
(p.120).
L’œuvre a un appendice (p.259) qui inclut divers mots de la langue valaque
ou moldave qui dérivent du latin, de l’italien, et du grec. « L’orthographe de ces
mots et de ces expressions c’est un vrai barbarisme », et mentionne : domno,
formos, cappo, pallatur, pescator…
« Les Valaques assurent qu’ils descendent des Romains, appuyant cette
prétention sur leur nom de Rumen et de ce que la Valachie s’appelle encore tara
Româneasca, le pays roumain » (p. 323).
Appréciant l’originalité de l’art roumaine il prévoit son importance pour
l’histoire de la civilisation européenne et donne le premier une description
enthousiaste du couvent d’Arges : « Tout l’extérieur est entièrement en marbre
sculpté, en quelque sorte dans le style du clocher de l’église de Saint Etienne à
Vienne, mais beaucoup plus élégant. L’ensemble produit un effet très frappant ; et,
comme l’édifice a gardé parfaitement sa beauté originale, s’est certainement un
monument dont les Valaques peuvent se vanter dans n’importe quelle partie de
l’Europe ».
“The whole of exterior work is entirely of carved, in arable, something in the
steeple style of steeple of St. Stephen’s church at Vienna bat far more elegant. The
whole produced a very striking effect; and, as it has perfectly preserved its original
beauty, it is certainly a monument that the wallachans may boats of in any part of
Europe” (p.16).
W.Wilkinson ouvre le chapitre VIII consacré à la population rurale en
témoignant une compassion toute humaine et cordiale, au paysan moldo-valaque,

60
oublié par l’histoire, gémissant sous le joug de ses exploiteurs : la Sublime Porte,
le prince phanariote et son propre boïar :
« Il n’y a peut-être de peuple plus opprimé par un pouvoir despotique et plus
lourdement accablé d’impôts et de taxes que la classe paysanne de la Valachie et
de la Moldavie : et il n’y en a pas peut-être une autre qui consentirait à souffrir la
moitié de ce fardeau avec la même patience et résignation apparente ».
“There does not pechaps a people labouring undor a greater degree of
opposition from the effect of despotic power; und more heavily bur themed with
impositions and taxes than the peasandry of Walachie and Moldavia; nor any
would bear half their welgth with the same and seaming resignation” (oeuvre,
p.155, N.Iorga. 94).
N. Iorga commentant ce passage ajoute : « Les détails consacrés à l’humble
vie de ces paysans, contents de peu dans leurs chaumières, d’une simple beauté,
sont du reste, authentiques, comme tout ce qui est dans cet ouvrage, pure
description. C’est, affirme l’Anglais, « une belle race » portant encore le costume
classique de ses ancêtres, tels qu’on les voit sur Colonne Trajan (Iorga 95).
La classe dirigeante l’aristocratie grecque et indigène, est aussi au centre de
ses intérêts. Ainsi, quant aux étrangers on peut les voir le long des routes
fréquentées par ces maîtres insolents et par des prétentieux qu’on voit vivant dans
l’opulence qui ont entre leurs mains les banques les changeurs ou Zarafs-les
artisans des nouvelles modes, les professeurs d’immigration donnant des leçons de
langue française, les médecins, auxquels il faut ajouter les hôteliers.
Les boïars d’après leur hiérarchie forment trois classes (presque 15 mille).
W. Wilkinson les haït car ils n’ont aucun soin de leurs propriétés, les laissant
aux soins de leurs régisseurs qui exploitent d’une manière inhumaine ce peuple
béni par le Dieu, mais maltraité par ses semblables.
Les boïars en leur majorité parlent le grec classique; le français et les autres
langues européennes sont étudiées beaucoup moins (n’oublions pas c’est vers
1820).

61
Il y a en principe des écoles grecques avec des précepteurs venus de tous les
quatre coins du monde. Selon l’appréciation du consul anglais l’instruction des
femmes laisse à désirer.
Le théâtre comme foyer de culture n’existe pas officiellement. Quelquefois les
acteurs allemands présentent des opéras et des comédies traduits en roumain.

Le panorama de deux capitales


Bucarest-« ville étendue et sale » à 80000 habitants, 361 églises, 20
monastères et 30 auberges. Yassy respectivement avec 40000 habitants, 70 églises
d’un goût recherché possède beaucoup de maisons élégantes construites en style
européen par des architectes habiles.
Le texte abonde en détails pittoresques dans un esprit caustique concernant
les mœurs de la population et surtout de ceux qui règnent en maître du pays.
La partie de l’œuvre consacrée à l’économie inclut beaucoup de calculs dont
le bilan n’est pas en faveur du peuple.
L’essayiste termine son livre en posant une question qu’il adresse
probablement et aux lecteurs perspicaces et cointéressés : « Quel aurait pu être le
sort de ces beaux et riches pays si la conjoncture générale leur aurait été
favorable ? »
Après avoir délibéré, pesé les réalités à la manière anglaise l’auteur se
permet la conclusion suivante : « Bien administrés ces deux peuples auraient pu
nourrir une population dix fois plus nombreuse et deviendraient les plus
florissantes terres, les plus peuplées de l’Europe et feraient une redoutable
concurrence à tout les pays de la Mer Noire ».
Malgré quelques aberrations d’ordre politique ce livre a été apprécié à sa
juste valeur et a joué un rôle très important dans la popularisation de l’énigme
roumaine dans l’atmosphère européenne du I-ier versant du XIXe siècle.
N.Iorga remarque (I, p. 86) que le consul anglais a réussi à pénétrer l’état
d’âme du peuple dans la nouvelle atmosphère qui se créait et a favorisé

62
l’introduction des idées régénératrices dans lesquelles on pourrait entrevoir en
germe tout l’avenir de la nation roumaine.
Le Consul W.Wilkinson, esprit objectif par ses voyages multiples à travers
les deux pays a contacté directement avec les réalités moldo-valaques, fait qui lui a
permis d’apprécier au niveau de la vérité pure le statu quo du PD. Et les présenter
dont toute leur tragisme.
Grâce à son humanisme il réussit à pénétrer dans l’essence de leur destin
historique, dans le caractère et le génie de ce peuple dépouillé depuis de longs
siècles par « les maîtres de ces terres » et apprécier son potentiel vital, social,
culturel et politique.
Il traite avec une profonde affectivité humaine selon sa façons de concevoir
et interpréter et la réalité de cette nation ressuscitant et ses aspirations tenant à son
avenir.
Son œuvre, la première dans son genre a servi pour beaucoup d’historiens
source d’inspiration et de confrontation des phénomènes étudiés.

L. Blutte et son œuvre


Le mérite incontestable de ce diplomate anglais est celui d’avoir écrit une
œuvre très favorable sur l’histoire des Roumains en français, œuvre qui a eu un
destin néfaste grâce à un malheureux concours de circonstances.
L.Blutte succède au Consul A. Cook qui en 1822 avait pris la place de
W.Wilkinson. Selon l’appréciation de N.Iorga son activité globale n’a pas laissé de
traces d’interventions heureuses dans les grands événements de la vie des
principautés (la révolte de T. Vladimirescu et de la libération des terres roumaines
du joug phanariote). Il se bornait à faire parfois des interventions insignifiantes
sans conséquences appréciables dans le déroulement des événements respectifs.
A l’opposé à ce fonctionnaire inerte L.Blutte qui le remplace, homme très
érudit et diplomate calé, déploie une activité fructueuse au niveau de ses capacités
et de son éducation nous assure N.Iorga (p.108). Ainsi intransigeant dans ses
appréciations et son tact il ne peut trouver de points de tangence avec le vieux et

63
retrograde prince de Valachie Gregoire Ghica (1822-1828). Etant en fonction
pendant la guerre russo-turque de 1828-1829 il accuse dans ses rapports les abus
de l’administration de Vainqueurs jusqu’à « recouvrir ses armes » et apprécie la
juste valeur de l’adaptation dans les PD du Règlement Organique, en 1833.
Entre temps il écrit et son étude consacrée à l’histoire des PD.
En 1833 le Consul L.Blutte confie à un réputé traducteur du français
J.Y.Gorjan un manuscrit très volumineux en français sur l’avenir des Principautés
en le priant de le publier en roumain plus tard lorsqu’il aura quitté le pays du
Danube. (I.104).
Mais c’est seulement en 1856 que le traducteur engagé trouve nécessaire en
relation avec le mouvement unioniste de présenter la variante roumaine de cette
œuvre, mais en passages concernant l’aspect du pays et le caractère des habitants.
Comme l’original, malheureusement était considéré définitivement perdu N.Iorga,
appréciant la valeur du consul et de son écrit, cherche à refaire l’original en faisant
la rétroversion de la traduction de Gorjan. Nous présentons quelques extraits de ce
texte ressuscité :
« Le territoire des Principautés Roumaines est classique comme une Italie : il
est rempli d’objets antiques romains (…), rien ne manquerait pour prouver en toute
vérité que ces régions ont été pleines de gloire des dominateurs du monde dont les
traces se conserveront éternellement surtout dans la Petite Valachie où on ne fait
un seul pas sans y rencontrer un souvenir, quel qu’il fut, qui l’affirme : « Ces terres
ont été colonisées par Trajan (commencement du II-ème siècle) et les romains se
sont mélangés avec les aborigènes daces prouvant aujourd’hui encore une origine
dace indiscutable (par le costume et par l’extérieur des figures des Daces sculptés
sur la Colonne Trajan à Rome, par leur habilité, par leur sang froid devant toute
menace et par leur dextérité (…), de même que par les habitations souterraines et
leur nourriture favorite : lait caillé, choux aigre et vinaigre, par leur coutume de
voyager en portant leurs ustensiles. Ensuite par leur courage incomparable de
dompter les chevaux et par leur hospitalité très humaine envers toute nation, par
leur caractère et leurs chansons fort héroïques, par leurs qualités naturelles de

64
traverser sans aucune crainte dans les ténèbres les forêts les plus profondes et les
plus impénétrables, les montagnes les plus dangereuses et les déserts les plus
obscures ».
« Et enfin par une quantité de dictons et de termes qui ne se retrouvent dans
aucune des langues des peuples plus connus qui y ont frayé au cours des siècles :
« Par leur penchant et leur merveilleux génie pour les beaux-arts : musique,
surtout sous la forme de la tragédie, danse, éloquence, poésie, peinture, sculpture et
architecture, par leur grandiose manière de porter les armes, par l’acuité de leur
esprit pour comprendre et apprendre, par la sincérité de leur âme, par le nom de
Roumains qu’ils se donnent et par celui de Pays-Roumain que porte leur territoire.
Et enfin, par la quantité de noms latins et italiens dans leur langage populaire qu’ils
conservent et emploient comme leur étant maternels, absolument de la même façon
que le peuple romain dix-sept et dix-huit siècles avant notre époque, et aussi par
d’autres caractères ils représentent aujourd’hui : une indiscutable origine italienne
ou roumaine.
« Donc ces deux espèces de peuples braves s’étant familiarisées
réciproquement formant et représentant vraiment une nation daco-romaine, ayant
des droits, gravés et sacrés, comme Dieu lui-même, sur ces pays : l’ancienne
hérédité (de plus de vingts siècles et celui de la colonisation et de la préservation
des droits nationaux daces et romains pendant dix-sept siècles jusqu’aujourd’hui,
par les armes et par l’esprit politique » (selon N.I. p. 105-109).
« Le Daco-Romain est un mélange, une concentration de la bravoure la plus
merveilleuse, du plus haut génie, de l’humanité la plus rare, de l’hospitalité et de
l’affabilité la plus évangélique. Ils ont toujours été l’avant poste le plus invincible
de l’Europe entière empêchant les tributs asiatiques par leurs innombrables
invasions de la ruiner ».
« Ces Principautés sont l’asile des malheureux qui sont opprimés par le fardeau
et la cruauté d’un joug barbare et fanatique.
Mais ô malheur, tous auxquels l’humanité des indigènes permit de fraterniser
avec eux, d’arriver aux plus grandes richesses, aux plus hautes degrés de dignités

65
et de noblesse, de cultiver leur langue et leur nationalité tous qui y ont échappé au
feu, au sabre et à l’esclavage devinrent et deviennent sans le moindre remords, les
ennemis et les traitres de leurs bienfaiteurs».
« Je vous donne ma parole d’honneur que si les Puissances Occidentales
élèvent ces principautés à un rang beaucoup plus honorable qu’aujourd’hui la paix,
la tranquillité de l’Europe entière voici ce que signifieront les PD consolidées sur
des privilèges nationaux ». (« Calendrier Cazani », Gorjan, année 1856, reproduit
dans la Revue historique, II, p. 136). Certaines de ces idées se rencontrent aussi
dans la mémoire de Bois le Comte, Hurmusaki XVII). L’œuvre est écrite sans
tendances préconçues ; une affection plus qu’humaine, une générosité cordiale peu
commune se dégagent de chaque page concernant le peuple roumain accablé,
victime séculaire de ses exploiteurs, le tout exposé dans un style recherché et
emphatique.
Dans une conférence faite plus tard à Sorbonne N.Iorga donne une appréciation
globale à l’œuvre du consul anglais L. Blutte déclarant : « Jamais la pensée
Roumaine n’a trouvé une compréhension plus intelligente, jamais les tendances
vers la liberté des Romains n’ont trouvé une appréciation plus sympathique -, une
participation directe de l’Occident à l’orientation des Roumains vers les nouvelles
conceptions romantiques» (2, p.96).
Peut-on trouver une appréciation plus élogieuse de l’œuvre de L.Blutte où le
peuple roumain, son histoire et son sort soient présentés dans tout le trâgisme de
leur existence et la grandeur de leurs mérites.

66
RELATIONS ANGLO - ROUMAINES AU XIXe SIECLE.

Contacts intellectuels
Les premières relations intellectuelles entre les PD et L’Angleterre
commencent malheureusement un peu plus tard vers 1830. La jeunesse élitaire des
Moldo-Valaques se montrant très réceptive à l’égard de la civilisation française
manifeste aussi un certain intérêt pour la culture anglaise et cherche à l’approcher
par des traductions françaises des certains des poètes anglais de leur époque surtout
des œuvres romantiques et philosophiques.
Ainsi le grand boïar et poète moldave Constantin Conachi essaie une
traduction de « l’Essaie sur l’Homme », œuvre appartenant à l’écrivain anglais A.
Pope¹.
Il s’attaque aussi à l’œuvre poétique de E. Young « Les Nuits »². Précurseur
du romantisme son œuvre est beaucoup goutée par les lecteurs touchés déjà et
admirateurs du courant de « la mélancolie philosophique ». (N.Iorga.109).
Lorsque le romantisme avec sa sensibilité, son exaltation, ses rêveries
conquiert surtout et la jeunesse éclairée des PD, Jean Eliad (Héliade) « le second
créateur de l’enseignement public roumain » et de la presse périodique en
Valachie, codificateur de la langue roumaine renaissante et l’esprit le plus vivace
de son temps, touché par l’œuvre tourmentée des passions impétueuses et violentes
ornée d’une vive satire du Lord G. Byron³ essaie de présenter le génie de ce grand
révolté du XIXe siècle dans des traductions indirectes. Chose pas facile même pour
un Héliade, mais tout de même quelques pièces de l’œuvre du grand génie anglais
feront le plaisir de ses admirateurs moldo-valaques.
¹ Pope Alexander (1688-1744) poète et philosophe anglais, auteur de « L’Essaie sur L’Homme »,
d’« Epitres », de « Satires ». Ecrivain classique au style toujours correct, parfait, brillant, il
exerça sur son temps une réelle suprématie littéraire.
²Young Edward (1681-1775) poète anglais, auteur d’un poème « Les Nuits » d’une mélancolie
élégante qui annonçait déjà le romantisme épanouissant.
³Byron (Georges, Gordan, lord) poète anglais (1788-1821) s’impose par son œuvre d’un
raffinement exceptionnel et un esprit de satire incomparable. Lors de l’insurrection hellénique
Byron se rendit en Orient et trouva la mort à Missolonghi en Grèce.

67
Or pour que les Anglais goûtent à leur tour la mélodicité de la langue et la
beauté de la littérature roumaine il faut attendre que « Le roi de la poésie » Vasile
Alecsandri, déclaré le barde non dépassé parmi les poètes moldaves de ce moment,
traduite et publie en 1854 à Paris « Balades et chants populaires de la
Romanie »
Ce recueil connait un grand succès en découvrant à l’Occident si peu
condescendant à tout ce qui n’est pas « occidental » l’existence d’un peuple de
souche romaine sur les bards du Bas Danube. La « Revue d’Orient » publie une
étude élogieuse et argumentée sur cette traduction signée par l’écrivain et historien
français A.Ubicini. L’auteur, entre outre, s’adresse à ses compatriotes en les
invitant en y faire connaissance : « Parcourez ces ballades recueillies par Vasile
Alecsandri. Vous vous trouverez en plaine mythologie ; ces chants populaires ne
représentent seulement des compositions poétiques du premier ordre, elles sont
encore l’expression la plus complète et la plus sincère du génie du peuple roumain
et portent surtout l’empreinte indélébile de son origine latine ».Et enfin…
Ce recueil se fait connu et Outre Manche …car à Londres après 1850 Stanley
offre au public anglais une « Anthologie roumaine moldo-valaque » d’une
illustration splendide (I. p.109-110).

Contacts scientifiques
Si au XVI-XVIIè siècles les pseudo-princes moldaves se rendaient en
Angleterre en quête de titres et de trônes, au XIXè un jeune étudiant valaque Pierre
Poenaru doué de capacités intellectuelles peu communes remarqué même par le
consul Blutte qui lui faisait son éloge pour s’être distingué de la plupart de ses co-
nationaux en empruntant aux Occidentaux ce que leur civilisation avait de plus
sain et de plus utile pour être appliqué dans son pays.
Futur organisateur de l’enseignement supérieur en Valachie ce jeune
enthousiaste se rend en Angleterre pour faire connaissance avec les merveilles de
l’industrie moderne, étudier les lois, les coutumes et surtout le développement de
l’instruction publique (I.p.114).

68
Ainsi, il commence son voyage par la participation à une excursion
minéralogique d’envergure qui produit une impression indescriptible sur l’esprit du
jeune chercheur, assoiffé de connaissances. Mais le principal objet de son attention
reste l’instruction publique et les moyens qu’on emploie ici pour l’encourager,
pour les appliquer plus tard dans l’école roumaine.
Il décrit avec admiration le système d’enseignement anglais. « Les écoles
publiques de hautes sciences, sont moins nombreuses qu’en France ou Allemagne,
en échange les écoles d’instruction primaire sont beaucoup plus répandues (celles
soutenues par le gouvernement) ; mais la plupart sont entretenues aussi par des
sociétés de bienfaisance. Les jeunes sont logés, nourris et habillés aux frais de la
société (« Charity School Supported by Voluntary Contribution »). Il y a aussi une
foule d’associations littéraires, scientifiques et industrielles qui encouragent les
sciences, les arts et les métiers ; les Anglais s’empressent aussi à porter leur
offrande lorsqu’il s’agit de secourir, les malheureux », remarque à son tour N.Iorga
(I. p.116).
Pour augmenter les fonds des institutions charitables on fait des quêtes dans
les églises, on tient des réunions publiques, où l’on fait des discours et ensuite des
collectes, où on donne des fêtes brillantes où en offrant du plaisir aux amateurs
pour de l’argent, dont une petite partie est destinée à défrayer les dépenses de la
fête, le reste étant versé dans la caisse des institutions charitables. Pour enrichir la
recette les dames, membres de cette société bienfaisante, apportent quelques
ouvrages de leur main, pour être vendues à la fête au profit de l’institution. Elles se
partagent les tables au sort pour faire la vente à l’enchère des objets qui y avaient
été déposés. Cette sorte de marché égaie beaucoup l’assemblée et la somme
résultée est d’habitude considérable, car il y a des objets vendus dix fois leur
valeur, à cause que ceux qui peuvent payer se disputent les objets travaillés par des
dames qui se distinguent de la foule par leur rang, par leur talent, ou bien, par leur
beauté.
Il a admiré aussi le mode d’éclairage qu’on fait aussi au gaz qu’on extrait du
charbon de terre. Le jeune savant visite aussi les mines et les établissements

69
métallurgiques (Birmingham) : « A Manchester (Le comte de Lancaster) j’ai visité
les filatures, cette ville devient le marché exclusif – des filatures du coton les plus
magnifiques qu’on puisse voir. Il y a aussi quelques-unes pour filer la laine, « cette
filature pourrait être introduite chez nous avec avantage », avouera plus tard le
jeune roumain.
Un nouveau moyen de transport – une merveille de l’industrie du siècle –
c’est le chemin de fer : « On transporte les voyageurs et les marchandises dans des
voitures à vapeur, attachées les unes aux autres et chargées de 240 personnes,
tirées toutes ensemble à la fois par une seule machine à vapeur. Et avec une telle
vitesse que le meilleur cheval de course ne pourrait les suivre du grand galop,
tandis que le mouvement est si doux qu’on ne s’apercevrait pas que les voitures
marchent » nous assure le jeune enthousiaste.
C’est vers 1809 que l’Angleterre reprend le commerce du Levant et ses
voyageurs et ses commerçants reprennent la voie du Danube qui devient la
préférée, car les PD commencent à mobiliser déjà l’intérêt de l’Occident.
Mais c’est seulement après 1829 (après la paix d’Adrianople) que
commence l’ouverture des Principautés au commerce mondial y compris celui
anglais, accentue l’auteur.
Ainsi on introduit la navigation à vapeur sur le Danube, on perfectionne les
ports de Galatz et de Braïla.
L’Angleterre rétablit les relations commerciales avec les PD à une échelle
nouvelle, demandant des blés, du suif et de différentes matières premières,
proposant en échange des mousselines, du fil, des couteaux, de la quincaillerie etc.
Vers 1835 on comptait sur le Bas Danube annuellement plus de 300 bateaux
ioniques sous pavillons britanniques. La Maison Bellot Anderson, établie à
Bucarest, devance même les capitalistes français organisant l’exploitation des
forêts en Valachie.
On parlait même d’organiser une Banque anglaise à Bucarest et fournir un
emprunt à la principauté de Valachie.

70
Le nom de la Moldavie et de la Valachie est présent dans les rapports des
consuls et les Anglais comprennent bien que le chemin le plus cout et le plus
commode vers l’Asie c’est le Danube.
Un voyageur anglais J.Quin publie un ouvrage “A stream voyage down the
Danube” Londres, 1835, 2 volumes (Voyage fluvial sur le cours inférieur du
Danube).
Intervention des Consuls dans la vie politique des Principautés.
La société roumaine de la première moitié du XIX e siècle ressent de plus en plus
l’influence des consuls et dans les domaines de la vie politique des principautés, si
riche en événements ; ce sont eux qui interviennent souvent comme médiateurs
pour aplanir les difficultés et les collisions (chose pas rare) entre les parties
cointéressées dans différentes situations délicates qui demandaient d’être un bel
esprit, posséder de l’éloquence et de la souplesse pour éviter un possible conflit.
Activité consulaire
Après le départ de L.Blutte, par exemple, son successeur Robert Gilmour
Colquhoun et son confrère le français Châteaugiron doivent intervenir pour
résoudre les collisions entre la position valaque en 1838 et le consul russe
Ruckman. Le prince Alexandre Ghica leur en sait gré et exprime chaleureusement
sa reconnaissance à ces médiateurs si habiles.
En 1839 l’opposition progressiste moldo-valaque fait appel à la publicité des
journaux de Londres cherchant compréhension et appui.
Les membres du parti national à Bucarest élaborent un Mémoire adressé au
lord Palmerston où ils déclarent « à la face du monde’ » que ce qu’ils réclament
pour leurs patries c’est sa souveraineté, c’est pourquoi ils refusent de reconnaitre le
Règlement Organique. Fait très regrettable mais cette démarche ne trouve au moins
un écho dans le parlement anglais.
Les Consuls anglais participent aussi aux « débats » de Bucarest, de Yassy,
de Paris ou de Londres où l’on commence à agiter la « question roumaine » et
ensuite celle de la réunion des deux principautés. Ces débats selon l’affirmation
d’un politicien spirituel c’était une sorte de « parler pour ne rien dire » quand il

71
s’agissait d’une confluence des intérêts contradictoires, parfois opposés à ceux des
grandes Puissances.
Sous le règne du prince G.Bibescu (1848) le consul Colquhoum reparaît
dans ses fonctions, mais l’atmosphère politique est assombrie par les événements
politiques qui causent des brouilles entre la Cour Valaque et le diplomate anglais.
La révolution de 1848, mouvement politique sous influence des révolutions
de l’Occident surtout celles de la France, est aussi organisée par les patriotes
moldo-valaque dans les PD.
Malheureusement ce mouvement libérateur ne trouve aucune garantie ou appui,
ou moins celui moral, dans les Consulats de la Grande Puissance. Tout de même
lorsque M. Stourdza, prince de la Moldavie, se saisit des chefs des insurgés et
membres du complot qui étaient destinés à être emmenés en exil dans quelques
lointaines provinces turques, les agents de l’Angleterre leur trouvent abri à Braila
dans la maison du vice consul Cunnigham.
Le consul anglais Colquhoum (toujours lui) qui gérait et les intérêts de la
France se présente sur le Danube avec la ferme décision à faire évader les victimes
de la vengeance princière. Il organise la garde autour de la maison où se trouvaient
les insurgés, ensuite dans une barque leur évasion. Parmi ceux qui durent leur
libération à ce consul se trouvait Alexandre Cuza, celui qui deviendra dans dix ans
le premier prince des Principautés unies de la Roumaine, union rêvée depuis si
longtemps par les couches progressistes des PD.
Mais quand en Valachie Jean Eliad et les jeunes patriotes roumains revenus
de Paris pour participer à la révolution levèrent à Islaz sur le Danube le drapeau de
la révolution le Consulat de l’Angleterre ne s’en mêla pas pour soutenir la
République proclamée. Seul le chancelier du consulat Grant se borna à donner
aux insurges quelques conseils anodins.
Les pauvres victimes craignaient même d’être décapités à leur arrivée sur la
rive turque du Danube.

72
Alors leurs amis moldaves s’adressèrent à l’Ambassadeur de l’Angleterre le
priant d’intervenir pour leur libération des griffes de M.Sturza (prince de la
Moldavie). Le diplomate fit interposer son autorité et se rendit médiateur.
Colquhoum, continuant ses fonctions et sous la lieutenance princière en
Valachie (juillet 1848), à son tour dut se rendre à Giurgiu pour protester contre
l’entrée des turques en Valachie.
La révolution échoua. Les chefs prirent le chemin de l’exil, se dirigent vers
l’Occident trouvant abri à Paris, heureux d’avoir échappé à la captivité presque
inévitable. Ainsi Paris devient le centre de leur activité politique : une propagande
infatigable de l’idée de l’union et de la formation de la Roumanie commence.
Cette propagande n’avait pas de représentants à Londres à cause de manque
de relations culturelles directes entre l’Angleterre et les PD, alors que des liens
étroits unissaient tout le mouvement de la renaissance roumaine à l’âme et à
l’influence de l’esprit français.
Les leaders du mouvement roumain pensaient qu’il serait bienvenu d’avoir
un défenseur des droits roumains et en Angleterre et le choix tombe sur A. G.
Golescu, «un des plus enthousiastes parmi les jeunes ». Vers la fin de 1848
Golescu arrive à Londres et son premier souci est celui de passer dans le Morning
Herald un article étendu sur la révolution valaque. Il y rappelait les services
rendus par les Roumains encore au XV- e à l’Europe sauvant la chrétienté du
danger turc (I. p.149), les obligations de la Porte garantissant l’autonomie des PD
mais foulées aux pieds et évoquant ainsi le devoir qu’avait donc l’Europe de leur
rendre l’ancienne souveraineté. Mais parlant à un publique profondément
conservateur Golescu dut déclarer que les révolutionnaires dans la Moldavie et la
Valachie demandaient seulement une réforme profonde des institutions étatiques
qu’on n’a pas répété les excès des révolutions parisiennes et qu’on n’a pas eu
d’effusion de sang. En citoyens soumis on a envoyé même le tribut à la Porte et on
a acclamé le Sultan « gracieux Souverain ». « Nous pensions devenir rebelles
contre l’esprit de l’époque et la volonté de Dieu si nous n’entrions pas dans la large
voie que la Providence a ouverte à l’Humanité », déclara l’orateur moldave. “We

73
thought we should be rebelling against the spirit of the age and the will of god if
we did not enter in the broad path which Providence had opened for humanity”
(I.p.150).
En mars 1849 la question des PD fut débattue à la Chambre des Communes,
les débats étant soutenus par Lord D. Stuart et en conclusion Lord Palmerston
déclara : « En ce qui concerne les revendications roumaines, l’intention de la Porte
est certainement celle d’introduire « des améliorations et des réformes
nécessaires¹ ».
La génération des quarante-huitards réfugiés à Paris n’est pas une génération de
théoriciens, « ils ont une conscience déchirée entre l’immensité d’un devoir à
accomplir et la réalité de leur impuissance » (C.D. p.119). Leur arme de lutte très
efficace devient la presse qui doit les aider à imposer leur idéal et chez eux et dans
l’opinion mondiale. Dans leur lutte inlassable ils sont soutenus par leurs forces
morales et leurs amis français, fait qui se manifeste par un dynamisme interne qui à
son tour suscite leur énergie combative en aidant en ensemble la réalisation de leur
rêve. Mais il y avait et des opinions opposées.
Ainsi l’anglais Canning, diplomate, intelligent et opiniâtre, s’y apposait de
toute sa volonté prépondérante (I.p.154). La Porte refusait catégoriquement
d’accepter toute revendication de l’union. La Russie jouait la comédie : de jure
pour la réunion, de facto contre. Palmerston devient un des principaux facteurs de
l’union (à sa façon), car il n’entend nullement porter atteinte par la création d’une
Roumanie unifiée aux droits intangibles de la Turquie.
Mais l’idée de la réunion des P.D réclamée parfois et d’une manière
véhémente circule dans les cercles révolutionnaires roumains et la jeunesse
progressiste française. Ainsi la lutte pour l’unité nationale des Roumains devient
dominante et dans la presse et dans les publications du temps. Cette fois celui qui
dépose des efforts insistants pour faire triompher son point de vue sur l’Union des
PD c’est Napoléon III, empereur des Français (1852-1870).
¹Lord Palmerston (Henry Temple, 1784 – 1865) homme d’Etat anglais. Il défendait
âprement pendant quarante ans contre la France, les affaires étrangères de son pays.

74
L’accord final est trouvé en 1859 : la Grande Bretagne, cette fois et la Russie
finissent par se rallier aux positions de la France et la formation d’un nouvel Etat
est scellée définitivement à Paris. Sa structure y est un peu bizarre et présente
grosso modo « Une Union non unie » car elle sous-entend deux princes, deux
Assemblées, deux armées. Une commission législative mixte siègera à Focşani et
une banderole commune sur les drapeaux distincts (I.p.158) sera le symbole de la
réunion.
Mais ce qui arrive de la part des Roumains fut un coup de foudre absolument
imprévu par les Grandes Puissances : les unionistes persistant dans leurs
convictions font élire le Colonel Alexandre Cuza au siège d’hospodar à
l’unanimité à Yassy et ensuite à Bucarest (24 janvier 1859).
Le prince Cuza est un progressiste, un vrai quarante-huitard et défenseur de
la cause de l’indépendance nationale qui met les premières assises de l’avenir de la
Roumanie.
La Moldavie et la Valachie unies prennent de nom de Principautés unies de
la Moldavie et la Valachie, en 1861 Principautés roumaines-la Roumanie.
L’Europe, mise devant un « fait accompli » devra reconnaitre formellement
l’existence d’un seul état roumain.
Ainsi voilà la Moldavie entrée dans une nouvelle structure étatique qui
poussera son histoire vers de nouveaux rivages.
Nous nous arrêtons donc à cette date qui met fin à une longue période de 500
ans de l’histoire de la Principauté de Moldavie (1359-1859).
Ainsi la dimensionalisation de l’envergure des relations anglo-roumaines a
connu des pérégrinations et des déboires, des succès parfois des échecs mais la
récolte globale est très sensible et ne doit pas être négligée.
Et cette époque et ce sujet attendent encore ses chercheurs assurait N.Iorga.
* *
*
Mais pas toute la Moldavie historique participe à la réunion de 1859, car sa
partie orientale a eu son sort à part. Nous tâcherons de présenter l’histoire sous le
75
nom de Bessarabie en 1812 fixée vers la fin du XIXe siècle sur les cartes de
l’Europe sous le nom de la République de la Moldavie.

76
Postface
Il est évident qu’un chercheur en explorant une époque historique qu’il n’a
pas connue lui-même dépend exclusivement des sources bibliographiques dont il
dispose, la façon dont il conçoit l’information et les déductions qu’il tire cherchant
à atteindre la vérité objective.
Pour réussir à approcher la vérité de l’héritage concernant notre thème nous
nous sommes guidés dans la mesure du possible et de l’accessible de quelques
postulats et notamment :
1. Pour se faire une idée sur la vie d’un peuple il faut le voir se manifester dans

la vie quotidienne avec ses joies et ses douleurs ses espérances et ses rêves
d’avenir.
2. Pour saisir pleinement la personnalité de l’auteur et apprécier objectivement

son apport particulier dans l’événement qu’on étudie il faut minutieusement


analyser son œuvre qui souvent relève plus et mieux son ego que ses actes
et parfois même sa conduite et valoriser son apport personnel et original
dans la réalité abordée.
3. Pour reconstituer en certaine mesure l’atmosphère respective celle dans
laquelle l’auteur a activé nous nous sommes permis de mettre le lecteur en
contact direct avec des textes originaux pour qu’il conçoive l’aire de la
vérité et l’optique objective de son envergure spatio-temporelle.
N.B. N’oublions pas que les sources d’inspiration de presque toutes les œuvres
citées dans cette étude appartiennent aux auteurs qui ont été témoins oculaires étant
entrés en contact direct avec les conditions géo-sociales et politiques des PD
(surtout la plèbe pour les marchands, la noblesse indigène pour les voyageurs, les
cercles politiques et gouvernements pour les consuls).
Chaque information qu’elle soit laissée par un simple voyageur ou un érudit
notoire a sa place dans le processus de la reconstruction de la vérité : observations,
détails, constatations, même une exclamation a sa signification dans le processus
de l’entrelacement des intentions et des intérêts des différents pays, peuples,
pouvoirs politiques.

77
Ce qu’aujourd’hui semble insignifiant, accidentel demain peut s’avérer
comme information déterminante et révélatrice pour telle ou telle époque.
Nous avons proposé une petite considération sur le rôle des marchands, des
voyageurs et des consuls dans le développement des relations entre l’Angleterre et
les PD, et notamment sur leur introduction dans la conjoncture socio-historique
européenne, et son devenir comme nation et état reconnu par les grandes
Puissances.
Les Marchands
Les premières informations écrites sur les contacts Angleterre-PD remontent
à une époque lointaine. Incohérentes, disparates portant le sceau d’un
individualisme prononcé elles peuvent être glanées dans les écrits des marchands,
des diplomates, des voyageurs, des savants européens consacrées aux grandes
puissances occidentales où ça et là s’infiltrent des notes touchant un quelconque
événement hors ligne tangent au sort des PD.
Ces publications (lettres, souvenirs, impressions de voyage) présentés en
différentes langues sont d’habitude traduites en français, langue qui s’impose
comme instrument de communication (à côté du latin classique) et pèchent parfois
et des inexactitudes grotesques et de détails bizarres…, que le chercheur ne doit
pas négliger.
Mais le grand mérite de leurs écrits est celui que fautes de sources il n’y a
pas de compilation. C’est une sorte de veni, vidi, dixi.
Leur exposé est d’habitude exempt d’intentionalisme, ils présentent la réalité
dans la clarté crue de l’observation directe conçue par leur propre vision donc
marquée d’un subjectivisme inévitable.
Et le plus important : ces communications notes, détailles favoriseront la
naissance d’une première image de la Moldavie et de la Valachie, image teinte de
l’atmosphère d’un partiachalisme et d’un spécifique local étonnant, favorisant
l’introduction ainsi dans la conjoncture européenne d’un peuple d’origine romaine
perdu dans l’Orient si loin de l’occidentalisme latin.

78
Leurs traces portes un profond caractère personnel car, fixateurs des faits ils
restent impassibles, sans mêler leurs cœurs (même chaud) à ce que l’œil froid
enregistre.
Et tout de même leur mérite ne doit pas rester inaperçu, car se sont eux qui
fixent dans les documents du temps l’existence d’un peuple et d’un pays très peu
connu, à peine ressuscités dans l’aréal européen médiéval.

Voyageur et savants
Durant les XVII-XVIIIè siècles les principautés sont exclues tout à
fait du champ visuel de la diplomatie anglaise à cause de la conjecture européenne
néfaste : le déclin du commerce avec l’Angleterre et l’instauration du régime
phanariote.
Tout de même la route du Danube malgré les dangers est parfois choisie par
les voyageurs et les érudites, fait qui confirme l’importance géopolitique de ces
terres.
Les voyageurs surtout ceux appartenant à l’élite anglaise frappés par le
singularisme si particulier des réalités moldo-valaques laissent des traces de leurs
impressions sous forme de récits, lettres mémoires, plus tard même dans les
périodiques du temps.
Appartenant à la noblesse ils ont une manière à part à présenter les
évènements, faits, tableaux de la nature en les interprétant selon leur optique et leur
façon de concevoir la réalité et la refléter dans leurs écrits. Un calme méditatif d’un
subjectivisme aristocratique : constatation sans intervention, une suite de « c’est
regrettable cet état de choses, mais c’est votre affaire ».
Et tout de même et ces belles considérations ont leur retentissement dans
l’opinion occidentale : c’est une sorte de son d’une cloche qui annonçait
l’apparition de hauts principes d’ordre humanitaire du temps. Son écho tôt ou tard
dépassera l’inertie de l’Occident éloigné de facto spirituellement et de ces terres et
de leur sort et surtout de leur avenir.

79
Pour la plupart des occidentaux qui préfèrent parcourir le globe ,,assis au
coin du feu’’ ce sont des faits divers, embellis de traits romantiques pour toucher le
consommateur des aventures et les amateurs de voyages dans les terres lointaines.

Mais parmi les représentants de cette élite voyageuse il y avait aussi des
âmes sensibles, nobles, cultivées, chez qui cet état de choses, comme règle, naissait
premièrement une curiosité pour ces peuples plongés dans ce mystère indéfini ;
puis sous l’influence du romantisme historique suscitait une tendre sympathie pour
ces braves Moldaves et Valaques gémissant sous un triple joug d’exploitation qui
déterminera sans doute cet intérêt de connaître et de goûter les mystères de ces
contrées.
Comme expliquer autrement la présence de ces nobles voyageurs et savants
qui préfèrent le cahotage de la charrette à travers les plaines moldaves, « Sur des
routes abandonnées à la nature montueuse, raboteuses, semées de cailloux, qui
offrent l’image affaiblie du chaos »¹ (9,p. ) au confort d’un bâtiment maritime ou
au moins fluvial.
Leur grand mérite c’est celui de ne pas rester confinés dans leur
préoccupation, disons, esthétique mais de jeter leurs yeux avides de l’imprévu
surtout sur la plèbe-le peuple roumain qu’ils ne se gênent pas de le présenter sur
les pages de leurs écrits dans tout le tragisme de sa victimisation séculaire.
Certains reconnaissent que « On ne peut rester plus longtemps indifférent
aux plaintes de ce peuple malheureux », ou « Ils portent l’empreinte physique et
morale de cette vie de bête traquée durant les siècles, empreinte qui a laissé des
traces sur leur caractère ».
Le flux de générosité qu’exhale souvent leurs écrits ne peut laisser personne
impassible et on commence à prêter attention à ces beaux appels si humains !
L’héritage si spécifique des voyageurs fera connaître à l’Occident les vraies
valeurs des Moldaves et des Valaques, peuples qui existent sur cette terre tant de
¹Phrase extraite d’une œuvre merveilleuse consacrée à la terre roumaine « La Valachie
moderne », auteur la princesse Aurélia Ghica, Paris, 1850, p. 157.

80
siècles « ayant des droits grands et sacrés comme Dieu lui-même, sur ce pays »
(N.I. p.107). Ils sont aussi les premiers témoins du mouvement régénérateur du
peuple roumain qui commence à entrer en collision avec le traditionalisme
séculaire imposé par l’implacable hasard.

Les Consuls
Les Consuls dont les œuvres ont fait le sujet spécial de notre étude ont activé
dans les PD pendant le premier versant du XIXe siècle, période de tempête et
d’assaut : fin de l’époque phanariote, l'insurrection de Tudor Vladimirescu,
l’instauration des princes (hospodars) indigènes, l’influence du courant des
Lumières et de l’esprit de le Grande Révolution française, la formation d’une
certaine image nette des P.D. dans la conjoncture européenne, l’éclosion du
sentiment et de la conscience nationale et de la lutte pour la réalisation du grand
rêve du peuple roumain - l‘Union des PD.
Certains des diplomates anglais portent un intérêt réel à ces pays et à leur
peuple et se font un idéal de les faire mieux connaître et d’imposer ce peuple à
l’opinion européenne. Hommes d’activité ils conçoivent qu’on ne peut rester plus
longtemps inactif dans cette période de mutations radicales dans la conscience des
peuples et leur tendance vers la liberté du joug étranger.
Les traces laissées par ces nobles consuls-historiographes concernant le
passé des provinces roumaines c’est peut-être un des plus fructueux et importants
résultats des contacts entre ces deux pays, car ils ont favorisé dans la mesure de
leur mandat (parfois même en le dépassant) l’exhumation des ténèbres de l’histoire
du passé de ce peuple et la création d’une image véridique des PD en Angleterre et
en Europe, intervenant aussi dans certains mesure dans les évènement concernant
la politique européenne les touchant.
Mais nous mettons un accent spécial sur leur activité qui mérite
incontestablement le plus grand éloge et notamment d’avoir laissé dans
l’historiographie européenne des œuvres concernant l ‘histoire de la Moldavie et
de la Valachie après avoir saisi l’évolution d’un intérêt toujours en crescendo de

81
l’opinion générale européenne envers ces deux contrées si mythiques et si
ordinaires, si riches et si malheureuses, si imposantes et si dédaignées tant des
siècles par l ‘Occident.
Leurs écrits seront un outil de propagande active où chaque mot deviendra
un messager de la cause roumaine.
Le fil rouge qui unit leurs œuvres c’est la prise de position identique vis-à-
vis du sort du peuple roumain et les possibilités d’amélioration de son sort.
Car chaque rapport, contact, publication est un chaînon vers l’émergement
de ce peuple si mériteux et un cercle de sauvetage pour son avenir.

Les hommes ont la mémoire courte.


Les souvenirs sont comme règle frêles.
Le papier est un support fragile
Que le temps implacable transforme en poussière.
La parole écrite se transmet de génération en génération.

Dans cet écrit consacrée à la grande date de la fondation de la Moldavie


nous nous sommes attachés à ranimer les couleurs un peu fanées par le temps des
images évoquant l’activité de ces zélés Anglais, ressusciter leurs noms et trouver
leur place aussi bien dans l’histoire que dans l’esprit du peuple roumain.
Annonciateurs des temps nouveaux ils ont déployé une noble activité de
réintégration de tout un peuple foulé tant de siècles par ses ennemis dans ses droits
politiques et humaines.
Nous exprimons aussi un profond respect et une infinie gratitude à leur
mémoire pour l’attitude cordiale et l’apport inestimable qu’ils ont manifestés avec
tant d’abnégation dans le grand problème de devenir du peuple roumain.

Si vous voulez savoir plus


Des renseignements très importants pour l’Histoire des relations Anglo-
roumaines peuvent être puisés dans :

82
I « Les chroniques et anciennes histoires de la Grande Bretagne à présent
nommée, Angleterre », par Jean de Waurine (éd. de M. M. Dupont, dans la
collection de la « Société pour l’histoire de France » et celle de Wiliam Hardy,
dans la collection du « Maître des Rôles ».

II. The principal navigation, voyages and discoveries of the english nation etc, by
Richard Hakluyt, éd. de 1598 (sur les M.V. vol. II pp. 190-196. Une seconde étude
a paru en 1809-11, Hurmuzaki, Documents, XI pp. 194-195).

III. « Willem Lithgouws negen-tien faarige Lant-Reyse uyt Schotlant na de


Vermaerde deelem des werelts », Amsterdam, 1656, p. 78-79.

IV. Ouvrage géographique populaire de « Microcosme », Pierre Heylyn, 1625 qui


inclut des noms des « princes de Moldavie », des « rois de Moldavie » en quête du
trône et des titres qui seront plus tard des héros dans les comédies de Ben Jenson et
de Beaumont et Fletcher, M. Beza dans l’English Historical Review.

V. Voyage de milady Craven à Constantinople par la Crimée en 1786, Paris, 1789.

VI. Voyageur anglais Adam Neale “Travels through some parts of Germany,
Poland, Moldavia and Turkey”, Londres 1818.

VII. Voyageur anglais Clarke“Travels in varions countries of Europe, Asia and


Africa”, Londres 1810-1823 II.

VIII. Ecrivains et Consul Thomas Thornton The present state of Turkey, together
with the state of Moldavia and Valachia, Londres, 1807, seconde édition, Londres
1809, traduction allemande, Hambourg 1808, traduction française, Paris 1812,
traduction roumaine Bude 1826.

IX. Mac Michael “Journey from Moscow to Constantinople in the Years 1817,
1818”, London 1819.

83
X. Consul anglais William Wilkinson “Account of the principalities of Wallachia
and Moldavia”, Londres, 1820. Traductions françaises 1821, 1824, 1831, plus un
résumé italien, Milan, 1821.

XI. Voyageur anglais J.Quin « A stream voyage down the Danube », Londres,
1835, 2 volumes.

84
Bibliographie
1. Dimitrie Cantemir, Descrierea Moldovei, Ediţia a III Litera Internaţional.

Bucureşti – Chişinău 2004.


2. Caterine Durandin, Histoire des Roumains, Paris, 1997.

3. Mathieu Totino, Influence française sur les grands Orateurs Politiques

roumains de la seconde moitié du XIXe siècle, Cartea Românească,


Bucureşti, 1928.
4. Aurélie Ghica (princesse), La Valachie Moderne, Paris, Au comptoir des

Imriménis, Quai Malaquais Nr.15, 1850.


5. Vasile Haneş, Formarea opiniei franceze asupra României în sec. XIX la

Bucureşti, Bucureşti, 1922, vol.I.


6. Vasile Haneş, Formarea opiniei franceze asupra României în sec. XIX la

Bucureşti, Bucureşti, 1923, vol.II.


7. Nicolae Iorga, Histoire des relations Anglo –Roumaines, Yassy, Imprimerie

Progrès, 1917.
8. Nicolae Iorga, Histoire des relations entre la France et les Roumains,

Préface de Charles Benoît, Payot&C, Paris, 1918.


9. Nicolae Iorga, Etudes Roumaines II, Idées et Formes Littéraires Françaises

dans le Sud Est de l’Europe, Paris, Librairie Universitaire J.Grambor, 17,


rue Danton, 1924.
10. Nicolae Iorga, Istoria Românilor prin călătuşi, Ediţia II, vol. III, Vălenii de

Munte, 1928.
11. Y.L. Lejeune, Voyage en Valachie et en Moldavie avec des observations

sur l’histoire, la physique et la politique, augmenté de notes et d’additions


pour l’intelligence des divers points essentiels, Paris, 1822.
12. Jean Nouzelle, La Moldavie. Histoire Tragique d’une Région Européenne,

Paris, 2002. Traduit du français par Comitetul European de Istorie şi


Strategie Balcanică, et publié par Editura Prit Internaţional, Chişinău, 2004.
13. Abdolonyme (Alexandre) Honoré Ubicini, Provinces d’Origine Roumaine.

Valachie, Moldavie, Bucovine, Transylvanie, Bessarabie. Seconde Partie

85
dans UNIVERS. Histoire description de tous les peuples. Provinces
Danubiennes, Paris, 1856.
14. Jean Ursu, La Roumanie en Images, publie sous la direction de M.P.A.,

Paris, 1919.
15. Grand Dictionnaire encyclopédique en 15 volumes, Larousse, Paris, 1879.

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