Sunteți pe pagina 1din 49

Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction

interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

INTRODUCTION GENERALE

Le Droit Constitutionnel peut être défini comme l’ensemble des règles relatives à
l’organisation et au fonctionnement de l’Etat, ou des pouvoirs publics, ou encore des
institutions publiques.

Le Droit Constitutionnel s’entend aussi de l’ensemble des règles juridiques encadrant la


dévolution et l’exercice du pouvoir politique. Il s’agit en réalité des règles s’appliquant aux
activités (élections, référendums) des citoyens, de leurs représentants et des gouvernants. Le
Droit Constitutionnel concerne également les relations entre gouvernants et gouvernés.

Le Droit Constitutionnel, c’est le droit politique ou le droit de la politique. A ce titre, le droit


constitutionnel ne concerne pas que le juriste ; il concerne aussi et d’abord le citoyen.

L’objet du Droit constitutionnel, c’est donc l’encadrement juridique des phénomènes


politiques. Comme le dirait le Professeur Jean Gicquel, « l’activité politique relève de la règle
juridique, et non plus du bon plaisir ou de caprice ». La loi qui est votée par le parlement
n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution. Constitution ne rime pas
avec Etat despote ou de police. Constitution rime plutôt avec Etat de droit, c'est-à-dire un Etat
soumis au droit, un Etat au sein duquel les citoyens sont protégés de l’arbitraire par la sécurité
juridique. Avec la Constitution, les citoyens sont à l’abri de la domination de l’homme par
l’homme. L’autorité supérieure, c’est la loi et non le Président de la République ou les
gouvernants. Ces derniers doivent toujours agir conformément aux règles constitutionnelles et
n’exiger l’obéissance qu’au nom de la Constitution.

Puisque l’objet du droit constitutionnel est l’encadrement juridique des phénomènes


politiques, il y’a lieu de s’interroger d’abord, sur le sens du mot politique, et enfin sur
l’encadrement juridique de cette notion.

1
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

I/ LA DEFINITION DE LA POLITIQUE

Le mot politique est souvent un mot tantôt déprécié tantôt valorisé. En effet, on entend
souvent des citoyens dire que la politique est la source de leurs malheurs, que la politique est
une activité sale, réservée à des menteurs et escrocs etc… Cependant, à y voir de près, la
politique mérite mieux que le mépris.

Selon l’acception restrictive, la politique désigne l’action, la mission, le comportement ou le


programme d’un homme, d’un parti, d’un gouvernement, d’un Etat. Exemple : un parti
politique qui s’exprime et dénonce la marginalisation des minorités (pygmées), un homme
politique qui prend position pour la parité homme-femme dans les nominations aux plus
hautes fonctions de l’Etat. Ici, la politique s’analyse en une activité spécialisée, celle d’une
minorité (la classe politique).

Selon l’acception extensive : le sens du mot politique se saisit à l’aide de son étymologie.
Polis en Grec signifie cité. Dans la Grèce antique, la cité était le cadre spatial dans lequel les
individus se réunissaient pour débattre des problèmes sociaux et décider ensemble. Quand
bien même exigüe et en proie à l’esclavage, la cité antique grecque préfigurait déjà l’Etat
moderne.

La politique est donc l’affaire de tous les individus vivant en société, la chose de toutes et de
tous. En clair, tout ce qui est humain est politique et vice versa. Le droit constitutionnel
détermine les relations entre l’individu et la société ; il pose le principe de la liberté du citoyen
et détermine l’autorité dont est investi le représentant ou le gouvernant.

II/ L’ENCADREMENT JURIDIQUE DES PHENOMENES POLITIQUES

Généralement, on définit le droit comme l’ensemble des règles de conduite humaine, édictées
et sanctionnées par l’Etat et destinées à faire régner dans les relations sociales, l’autorité et la
liberté. Parler de société, c’est parler du droit (ubi societas ibi jus).

D’abord, le droit est un phénomène social. Le droit est l’une des sciences sociales, mais il en
est le résumé. Le droit, c’est l’organisation des individus en société.
2
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

D’une part, le droit, c’est en quelque sorte la prise en compte de l’instinct de sociabilité de
l’individu, qui le pousse à vivre au milieu de ses semblables dans un but de sécurité. D’autre
part, le droit c’est aussi la considération du besoin de liberté qu’éprouve souvent l’individu et
qui l’incite à s’émanciper de ses semblables. En conclusion, le droit présente deux
dimensions : collective et individuelle.

Enfin, le droit est un mode de régulation sociale. Hormis les règles relevant de la morale, de la
religion, de la politesse et de la bienséance, la vie en société est régie par des règles élaborées
et imposées l’Etat ou, si l’on préfère, le pouvoir institutionnalisé. Parce qu’elle est le reflet de
la volonté de la majorité, la règle de droit ou la norme juridique est assortie d’une force
contraignante à laquelle, en principe, aucune personne ne se soustraire. Comme le disait en
son temps Portalis, les lois sont des commandements. Personne n’est au-dessus des lois.

III/ LA SUBDIVISION DU DROIT

Le droit est divisé en deux branches particulières : le droit privé et le droit public.

Le droit privé régit les rapports entre les particuliers. Fondé sur l’autonomie de la volonté, le
droit privé présente un caractère égalitaire : les hommes naissent et demeurent libres et égaux
en droits (article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789). A ce
titre, le droit civil encadre les comportements dans le domaine de la famille et des rapports
patrimoniaux. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites (énonce l’article 1134 du Code Civil, en matière contractuelle). Exemple contrat de
location de véhicule, contrat de bail etc..

Dans le droit privé, il existe plusieurs disciplines : droit civil, droit commercial, droit pénal,
droit des successions, droit social, droit rural, droit des obligations, procédure civile et pénale
etc…

Le droit public est l’ensemble des règles qui organise les relations, d’une part entre les
personnes publiques (l’Etat, les collectivités, territoriales, les établissements publics), et,
d’autre part, entre celles-ci et les individus, est inégalitaire.

3
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Il met en effet en présence des acteurs différents, obéissant à des préoccupations


dissemblables. Les premières ont en charge l’intérêt général, la finalité du bien commun ; et
les personnes privées privilégient naturellement leurs propres intérêts. Le but ou l’ambition du
droit public est donc d’organiser un arbitrage entre les intérêts privés et les intérêts du plus
grand nombre. C’est pourquoi, le droit public est autonome et dérogatoire par rapport au droit
privé : la puissance publique est investie de prérogatives exorbitantes de droit commun (ou
droit privé), selon la formule consacrée.

Le droit public est subdivisé en deux :

Au plan externe, le droit international public s’applique aux rapports entre Etats,, entre
organisations internationales, et entre ceux-ci.

Au plan interne, le droit public comprend :

-le droit communautaire né du traité de Rome du 20 mars 1957 ;

-le droit constitutionnel qui détermine la forme de l’Etat, la structure du pouvoir et aménage le
dialogue entre gouvernants et gouvernés ;

-le droit administratif qui met aux prises l’administration et les administrés ;

-le droit financier qui encadre les relations entre l’Etat et les contribuables.

IV/ LE PARTICULARISME DU DROIT CONSTITUTIONNEL

Il ne faut pas confondre le pouvoir avec le droit. La violence est présente dans les relations
politiques. On constate souvent qu’à l’occasion des émeutes et révolutions, certains
gouvernants cèdent, contraints et forcés, par nécessité, non par magnanimité. Toute liberté
acquise a été une liberté conquise. La démocratisation du continent européen, autant que la
décolonisation du tiers-monde, illustrent ce combat pour le droit. Les gouvernants qui
détiennent le monopole de la contrainte ont tendance à en user, afin de se soustraire à la
contrainte inhérente à l’Etat de droit.

4
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
C’est pourquoi, il existe un mécanisme de protection des règles constitutionnelles. En effet,
les violations de la constitution sont sanctionnées par le juge. Comme le dit Louis Favoreu, la
politique est saisie par le droit.

V/ LE DROIT CONSTITUTIONNEL ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES

Le droit constitutionnel est certes le droit de la constitution. Mais à sacraliser celle-ci, à


ignorer la réalité politique, le juriste est enclin à devenir un obsédé textuel. Le juriste doit
intégrer le fonctionnement réel d’un régime, et avoir une vision élargie aux institutions
politiques et à la méthode de science politique ou de sociologie politique. L’expression
institution politique déborde le droit constitutionnel, et en fait oriente vers la science politique.
La science politique qui a pour objet les phénomènes politiques ou le pouvoir, offre au droit
constitutionnel un concours pour l’étude des règles constitutionnelles. Il faut admettre que si
le droit constitutionnel et la science politique poursuivent un objet identique, la méthode
diffère. La méthode du droit constitutionnel est normative, alors que celle de la science
politique est descriptive.

Droit constitutionnel et science politique sont complémentaires. Le droit constitutionnel est


une science normative en ce qu’il est un système de règles obligatoires et sanctionnées. Le
droit constitutionnel s’attache à la règle juridique, c'est-à-dire à la soumission des gouvernants
et des gouvernés au droit. En revanche, la science politique, science descriptive, a pour objet
de rendre compte de la vie réelle d’une société. La science politique se préoccupe de
l’authenticité des phénomènes politiques.

VI/ LA SIGNIFICATION DU DROIT CONSTITUTIONNEL

L’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 donne une


définition du droit constitutionnel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est
pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». De cette
définition, on retient que le sens profond du droit constitutionnel, et pour ainsi dire sa mission,
consiste à organiser, dans le cadre de l’Etat une coexistence pacifique du pouvoir et de la
liberté.
5
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

On peut parler d’un dualisme du pouvoir et de la liberté. Le droit se révèle un compromis


conclu entre les individus.

Le premier élément du dualisme du pouvoir et de la liberté, c’est la contradiction de la


condition humaine : le droit constitutionnel apparaît lié à cette contradiction fondamentale de
la condition humaine d’être à la fois individuelle et collective. D’un côté, les individus sont
obligés de vivre en société. L’homme est un animal politique, disait Aristote. D’un autre côté,
les hommes ont le droit de réaliser leur destinée individuelle, dans la mesure où ils ne heurtent
pas, dans sa poursuite, l’intérêt général.

Le second élément du dualisme du pouvoir et de la liberté, c’est la conciliation entre l’être


individuel et l’être collectif : la réalisation des destinées individuelles n’est possible que si
certaines libertés sont accordées aux individus, leur permettant de développer leur
personnalité, si une certaine égalité de moyens est mises à leur disposition afin d’user des
libertés nécessaires et, si enfin, une participation à l’exercice du pouvoir leur est reconnue afin
de garantir leurs libertés.

En conclusion, on peut dire que le droit constitutionnel ; c’est l’expression de la liberté et la


conciliation de la liberté et de l’autorité. Loin d’être exclusives l’une et l’autre, la liberté et
l’autorité sont, à l’opposé, corrélatives. Alain, dans un propos de 1912, a bien résumé ce
sentiment : résistance et obéissance sont les deux vertus du citoyen. Par l’obéissance, il assure
l’ordre ; par la résistance, il assure la liberté. Comme le dit le Professeur Jean Gicquel, la
liberté coupée de l’autorité s’altère ; l’autorité privée de la liberté dégénère. C’est la
constitution qui, dans le cadre de l’Etat, a le mérite d’opérer la conciliation entre la liberté et
l’autorité. Cependant, l’harmonie recherchée et aménagée entre l’autorité et la liberté n’est
pas fixée ne varietur. Il se peut, en effet, qu’en circonstances de crise, l’avantage soit donné
provisoirement à la première afin de mieux sauvegarder la seconde (article 16 C).

Le plan du cours est structuré en trois Titres.

Tout d’abord, puisque l’objet du Droit Constitutionnel est l’encadrement juridique des
phénomènes politiques à l’intérieur des sociétés organisées au nombre desquelles figure
l’Etat, le Titre I du cours sera consacré à l’Etat.

6
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Ensuite, puisque l’étude du Droit Constitutionnel renvoie aussi à la philosophie, aux valeurs,
principes sous-tendant le pouvoir et déterminant la disposition des organes de l’appareil de
d’Etat ainsi que la nature des relations entre gouvernants et gouvernés, le Titre II concernera
les théories sur les fondements démocratiques du pouvoir politique.

Enfin, l’organisation et le fonctionnement de l’Etat étant déterminés par la Constitution, le


Titre III traitera, quant à lui, de la Constitution.

TITRE I : L’ETAT

TITRE II : LES FONDEMENTS DEMOCRATIQUES DU POUVOIR POLITIQUE

TITRE III : LA CONSTITUTION

7
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

TITRE I : L’ETAT

Il existe plusieurs modalités d’organisation sociale au nombre desquelles figure l’Etat. L’Etat
est une forme historique d’organisation, ou contingente, liée au développement de la
civilisation occidentale. Sous cet aspect, l’Etat n’a pas toujours existé. L’Etat est né à Rome,
mais l’Etat moderne apparaît en France et en Angleterre au 13ème siècle, en se différenciant de
la société religieuse et de son droit, et de la société féodale et de son droit. Mais l’Etat est
incontestablement la forme la plus perfectionnée et la plus généralisée. Sujet de prédilection
du Droit Constitutionnel, l’Etat s’analyse en un cadre spatial privilégié, au sein duquel
s’affrontent et coexistent le pouvoir et la liberté ; en clair, entre les gouvernants et les
gouvernés.

Pour expliquer l’origine de l’Etat, il est souvent fait appel à la théorie du Contrat Social
élaborée par Jean-Jacques Rousseau, et la théorie de l’institution conçue par Maurice Hauriou.

Premièrement, en ce qui concerne la théorie du contrat social, Jean-Jacques Rousseau prétend


que les hommes se sont trouvés originairement dans un état de nature, où ils étaient
indépendants de tout lien social : l’homme est né libre. La vie sociale, selon lui, procède
moins d’une nécessité inhérente à la nature humaine que d’un accord volontaire, établi à un
moment donné, entre les individus. C’est simplement parce que ceux-ci ont senti l’utilité qu’il
pouvait avoir pour eux à mettre en commun certains intérêts, qu’ils ont renoncé de plein gré à
leur indépendance par un accord général que Rousseau appelle le Contrat Social. Ce pacte,
une fois conclu, devient le fondement de l’Etat, du pouvoir d’Etat, c'est-à-dire de la
souveraineté, enfin des libertés individuelles. L’Etat, c’est donc l’association politique
librement formée par les participants au contrat social ; la souveraineté de l’Etat, c’est la
volonté générale des contractants, la somme de leurs volontés individuelles ; les libertés ou
droits individuels sont cette part de la liberté primitive qui n’a pas été aliénée par le contrat ou
qui, ayant été restituée par le corps social.

Sans doute Rousseau reconnaît qu’on ne trouve pas de traces historiques du contrat social,
mais il affirme que, logiquement la société et l’Etat ne peuvent être fondés que sur la force ou
sur les conventions.

8
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Si l’on admet que les Etats sont fondés par la violence ou, tout au moins, la contrainte, on
renonce, par là-même, à leur donner une base juridique. Seule l’hypothèse du contrat peut
fournir une explication juridique touchant la naissance et la formation des Etats.

Même s’il est vrai que cette théorie présente une grande force de persuasion et de séduction, il
n’empêche qu’elle peut être discutée. En ce sens, le Professeur Jean GICQUEL rejette cette
théorie, et estime que si dans le processus de formation des Etats, on peut discerner souvent
des éléments consensuels, ceux-ci ne sont pas mis en forme dans une opération de caractère
contractuel, et ce pour les trois raisons suivantes.

La première raison est que la doctrine du contrat social est contraire à l’ensemble des
constatations historiques. Il existe sans doute des sociétés primitives dont on connait les
caractères généraux et la diversité. Mais ces sociétés ne portent pas témoignage d’un état de
nature, dans lequel les individus auraient joui d’une liberté originelle et totale ; elles nous
montrent, au contraire, l’homme enserré dans les liens à la fois magiques, religieux et
économiques très stricts. On ne trouve pas trace, non plus, de pactes ou de contrats conclus
entre les futurs sujets de l’Etat. Tout bien considéré, l’état de nature équivaut à un postulat,
non à une explication historique.

La deuxième raison est que la doctrine du contrat social n’est pas satisfaisante, en ce sens que,
par définition, un contrat ne peut lier que ceux qui sont partie à la convention. Pour qu’un Etat
soit valablement fondé par un contrat social, il faut que ce contrat soit accepté par l’unanimité
des futurs sujets de l’Etat. Or, l’unanimité, dans un corps de quelque importance, ne peut
jamais être obtenue. Seule une majorité peut se dégager. Mais quelle serait alors, dans
l’hypothèse du contrat social, la situation juridique de ceux qui n’ont pas adhéré au pacte et
qui continuent, cependant, à faire partie de la communauté nationale ?

La dernière raison tient au fait qu’un dernier grief peut être articulé. Le lien présente t-il un
caractère indissoluble ? Si en théorie, le parallélisme des forces incite à l’affirmative, les
expériences historiques (guerre de sécession aux Etats-Unis) plaident en sens opposé.

Deuxièmement, Maurice HAURIOU, quant à lui, explique l’origine de l’Etat par la théorie de
l’institution. Cette construction théorique trouve son point de départ dans la constatation que
l’Etat présente tous les caractères d’un organisme social structuré qui relève d’un processus de
biologie institutionnelle. En un mot, l’Etat est l’institution des institutions.
9
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

L’Etat est un organisme social structuré en ce qu’il est un groupement d’individus, dirigé par
un gouvernement central, au nom d’une idée d’entreprise, qui est la réalisation d’un certain
ordre social et politique, dont les personnes seront les bénéficiaires.

L’Etat est le produit d’une fondation et d’adhésion. Plus précisément, des personnes
conçoivent l’idée d’Etat et se donnent les moyens politiques et juridiques de la réaliser, en
gagnant à leur cause le groupe intéressé.

Les définitions de l’Etat sont nombreuses. Cette multiplicité s’explique par les positions
adoptées par leurs auteurs. Le géographe identifie l’Etat à un territoire. L’historien voit dans
l’Etat une manière d’être de la nation. Le juriste assimile l’Etat à un système de normes.

Mais en droit constitutionnel, l’Etat est défini comme une communauté humaine, fixée sur un
territoire déterminé et qui s’est donné une organisation et une direction s’imposant à tous ses
membres.

Cette définition nous suggère de façon insistante d’analyser les composantes ou les éléments
constitutifs de l’Etat, ainsi que les attributs qui lui sont reconnus (CHAPITRE I). De même,
l’Etat étant une organisation sociale, il est important de s’interroger sur les aspects sous
lesquels l’Etat se présente (CHAPITRE II).

10
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

CHAPITRE I

LES ELEMENTS CONSTITUTIFS ET ATTRIBUTS

DE L’ETAT

Toutes les sociétés humaines ne forment pas un Etat. Quel que soit l’Etat, la doctrine est
unanime pour reconnaître qu’un Etat ne peut exister que si un certain nombre d’éléments
existe (Section I). Par ailleurs, un certain nombre d’attributs sont reconnus à l’Etat (Section
II).

SECTION I : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’ÉTAT OU LA REALITE DE


L’ETAT

Il est utile de rappeler ici que « l’État est un groupement humain fixé sur un territoire
déterminé et sur lequel une autorité politique exclusive s’exerce ». Il ressort de cette
définition que, pour exister juridiquement tant au regard du droit constitutionnel, que du droit
international, l’État suppose la présence concomitante de trois éléments : d’abord une
population, ensuite un territoire (Paragraphe I), et enfin le pouvoir politique, une autorité
politique exclusive (Paragraphe II).

§ 1 LES ELEMENTS PERSONNEL ET MATERIEL

La substance humaine de l’Etat, en quelque sorte, est constituée par la population, c'est-à-dire
par un groupe d’individus sédentaires et solidaires, et qui présente une individualité par
rapport à d’autres, au point de constituer une nation (A). L’Etat ne peut se concevoir sans une
emprise géographique délimitée par des frontières (B).

11
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

A. UNE DONNEE D’ORDRE PSYCHOLOGIQUE : LA NATION

La définition des termes population et nation s’impose (1) avant d’aborder la question de la
condition de la nation (2).

1. La définition de la population et de la nation

La population désigne un groupement humain ou une collectivité humaine. L’existence de


l’Etat est conditionnée par l’existence d’un groupement humain ou d’une collectivité
humaine.

La nation est quant elle une notion voisine de la notion de population mais bien distincte de
cette dernière. Il peut exister une population sans nation, mais l’inverse n’est jamais possible.
Ainsi, on peut dire que la nation, c’est une population avec quelque chose en plus. La nation,
c’est la volonté d’un certain nombre d’hommes de vivre ensemble. On entend par
généralement par nation, un groupement humain dans lequel les individus se sentent unis les
uns aux autres par les liens, à la fois, matériels et spirituels et se conçoivent comme différents
des individus qui composent les autres groupements nationaux.

La solidarité qui est inhérente à la nation est d’abord une réalité concrétisée et observée dans
de petits groupes sociaux tels que la famille, la tribu, l’ethnie, la région, pour s’élargir à la
collectivité politique.

Diverses conceptions sont apparues, au 19ème siècle et s’affrontent à propos de la nation. Mais
les deux principales sont la conception allemande (thèse objective) et la conception française
(thèse subjective).

D’abord, la thèse objective de la nation : la conception allemande, forgée par Fichte et


Treischke, est placée sous le signe du déterminisme.

12
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Une nation est la résultante ou le produit nécessaire d’éléments objectifs : la géographie, la


langue, la religion, l’idéologie, aussi et surtout la race, mythe si puissamment mobilisateur et
dévastateur sous le IIIème Reich. La conception germanique de la nation-race est à l’origine
d’un génocide, celui du peuple juif.

Enfin, la thèse subjective de la nation : les auteurs français (Fustel de Coulanges, Ernest
Renan) considèrent que la genèse d’une nation est beaucoup plus complexe et qu’à côté des
éléments ethniques notamment il faut faire entrer en ligne de compte le volontarisme. Dans un
raccourci fameux, Maurice Hauriou affirmait qu’une nation était une mentalité. La
conception française est celle du vouloir vivre collectif. Elle signifie que les nations se
forment sous l’influence de facteurs aussi nombreux que variés. Sans doute, il convient de
prendre en considération les éléments objectifs, mais pour intéressants qu’ils soient, ils ne
sont pas eux seuls déterminants. Il y a lieu de les combiner avec les éléments subjectifs.
D’abord, les évènements historiques : les guerres, les calamités, en sens inverse, les années de
prospérité, les réussites communes. L’âme nationale est faite de souvenirs partagés, de
souffrance et de bonheur. Ensuite, la communauté d’intérêts, principalement d’ordre
économique, qui résulte, en grande partie, de la cohabitation sur un même territoire. Enfin, le
sentiment de la parenté spirituelle, le fait que, sans avoir les mêmes croyances ou le même
niveau intellectuel, on réagit d’une façon semblable en présence des mêmes évènements. Une
nation, c’est une famille.

En conclusion, la thèse subjective (le sentiment de former une communauté, et la volonté de


vivre ensemble) l’emporte sur sa concurrente.

2. La condition de la nation ou les rapports entre l’Etat et la nation

Comme le dit la Professeure Marie-Anne Cohendet, « l’Etat et la nation sont en principe deux
concepts indépendants. Cependant, comme le mariage est censé être l’institutionnalisation de
l’amour, l’Etat est ou devrait être l’institutionnalisation du sentiment national ». Il peut y
avoir plusieurs nations dans un Etat, comme en Belgique.

La question de la condition de la nation renvoie à l’identification entre la nation et l’Etat


d’une part, et à la dissociation entre la nation et l’Etat d’autre part.

13
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Premièrement, sur l’identification entre la nation et l’Etat : la nation est considérée comme
le résultat d’un processus historique se développant et même s’achevant avant la naissance de
l’Etat : celui-ci apparaissant en dernier lieu pour centraliser politiquement et juridiquement la
nation. Il est de fait que dans la plupart des pays européens, la formation de la nation a
précédé celle de l’Etat.

Mais on s’interroge souvent sur le point de savoir si toute nation peut ou doit correspondre à
un Etat. En se référant au droit international, on peut répondre par l’affirmative à travers deux
principes :

Le principe des nationalités, toute nation a droit à devenir un Etat. Ce qui signifie que sur le
pan du droit interne, l’origine du pouvoir réside dans la nation ; sur le plan du droit
international, le premier droit de la nation est de se réaliser politiquement et juridiquement
d’une façon intégrale, ce qui revient à dire que toute nation a droit à former un Etat.

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou le droit à l’autodétermination : en liaison


avec le mouvement de décolonisation, le principe a été adopté par la Charte des Nations-
Unies (at. 1er, paragraphe 2 et 55) et affirmé, avec une particulière intensité, par la résolution
du 14 décembre 1960 dite Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux. La nation palestinienne est fondée à en réclamer bénéfice. Cependant, le droit d’un
peuple ne peut aboutir à ce qu’il dispose de celui d’autrui. La guerre du Golfe, en 1991, aura
été celle du droit à l’existence du Koweit face aux prétentions hégémoniques de l’Irak. En
revanche, les nationalismes Croate et Serbe ont été à l’origine du dépeçage de l’Etat de
Bosnie-Herzégovine, à partir de 1992.

Deuxièmement et enfin, sur la dissociation entre la nation et l’Etat : l’absence de


concordance entre la nation et l’Etat se rencontre dans plusieurs situations. On s’attachera ici
au sort de la nation non constituée, écartelée ou regroupée avec une ou plusieurs autres.

La nation non constituée : En Afrique, en règle générale, l’Etat a précédé la nation, à


l’inverse de la démarche occidentale. Il a été plaqué, plus ou moins arbitrairement par le
colonisateur, sur une réalité sociologique composée d’une mosaïque d’ethnies juxtaposées les
unes aux autres, mais non point intégrées. L’hétérogénéité de la société, du point de vue
linguistique, religieux, culturel ou économique, se concilie mal avec l’unité de l’Etat.

14
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

La nation écartelée : par suite des vicissitudes historiques, une nation peut être tronçonnée
par des frontières et alimenter l’irrédentisme. Les exemples abondent : celui de la nation
allemande partagée 40 ans entre la RFA et la RDA ; celui de la nation macédonienne déchirée
entre la Bulgarie, la Grèce et l’ex-Yougoslavie, ou celui de la nation Kurde écartelée entre la
Turquie, l’Irak, l’Iran et l’ex-URSS.

Les nations regroupées : Il se peut, en effet, qu’un Etat associe, tant bien que mal, un certain
nombre de nations, sinon d’ethnies à l’intérieur de ses frontières.

En conclusion, il faut retenir que la nation constitue le substrat psychologique, le ferment le


plus puissant de la cohésion de l’Etat. C’est à travers le sentiment national que les individus
réalisent leur appartenance à l’Etat.

B. UNE DONNEE D’ORDRE GEOGRAPHIQUE : LE TERRITOIRE

La définition que donne la science juridique de l’Etat repose aussi sur un élément
géographique qui est le territoire. C’est le territoire qui permet de situer l’Etat dans l’espace
international. Il identifie le périmètre sur lequel habite la population soumise au pouvoir
organisé. A contrario, il n’existe pas d’Etat sans territoire, aussi restreint soit-il. Par exemple,
la cité du Vatican forme un territoire de 44 hectares, inclus dans la ville de Rome.

Il convient de savoir que l’appréhension du territoire en droit positif (1) renvoie forcément à
la question des frontières d’un Etat (2).

1. L’appréhension du territoire en droit constitutionnel contemporain

Mais en droit positif, le territoire est souvent appréhendé à travers la notion d’« intégrité
territoriale » dans un double souci : sa préservation dans le temps et sa continuité dans le
temps.

D’abord, le souci de préservation de l’intégrité du territoire ressort des dispositions


constitutionnelles qui affirment, d’un côté que « le Président de la République est le garant
de l’intégrité du territoire » (article 5 de la Constitution Française de 1958 ; article 33 al. 4 de
la Constitution Centrafricaine du 30 mars 2016), et d’un autre côté que « les forces de défense
ont pour mission de garantir l’intégrité du territoire » (article 27 al. 3 de la Constitution
Centrafricaine du 30 mars 2016).

15
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Enfin, le souci de préservation de la continuité de l’Etat est affirmé dans deux dispositions.

La première disposition autorise le Président de la République, au titre d’un pouvoir propre,


c'est-à-dire exercé seul et donc sans contreseing, à mettre en œuvre des pouvoirs
exceptionnels qui lui permettent de concentrer, dans l’exercice de sa fonction, les pouvoirs
exécutif et législatif. Mais, et c’est là le rapport, pour que ces pouvoirs soient mis en œuvre, il
faut l’existence d’une menace grave et immédiate à l’intégrité du territoire (article 16 de la
Constitution Française de 1958 ; article 43 al. 1 de la Constitution Centrafricaine du30 mars
2016).

La seconde disposition consiste en limitation temporelle de la révision de la Constitution :


aucune révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du
territoire » (article 89 de la Constitution Française de 1958 ; article 152 al. 2 de la
Constitution du 30 mars 2016).

2. Les frontières de l’Etat

Corporation à base territoriale, comme l’affirmait le doyen Maurice Hauriou, l’Etat ne peut
se concevoir sans une emprise géographique délimitée par des frontières. L’Etat dispose d’un
territoire c'est-à-dire d’un espace géographique sur lequel ses organes peuvent exercer leur
autorité, ou leurs compétences politiques et juridiques.

Classiquement, ce territoire revêt trois aspects :

Premièrement, un territoire terrestre : il est constitué du sol et sous-sol de l’Etat. Il est


délimité par des frontières naturelles (fleuve, ligne de crête : ligne de points hauts d'un relief
séparant deux versants opposés). Il existe aussi des frontières artificielles.

Deuxièmement, le territoire maritime : il est composé d’une part, des mers intérieures, celles
qui sont totalement incluses dans le territoire terrestre d’un Etat, et d’autre part de la mer
territoriale pour les Etats côtiers. La mer territoriale est une bande de mer d’une largeur de 12
milles miles marins (plus de 22 km) au large des côtes d’un Etat. L’Etat peut y interdire la
navigation de tout navire militaire étranger mais doit laisser la navigation civile s’y dérouler
normalement.

16
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Certains Etats y ajoutent à cette mer territoriale une « zone économique exclusive » d’une
largeur de 200 miles marins (370 km) dans laquelle ils bénéficient de droits économiques. Au-
delà des eaux intérieures, s’étend la haute mer, ouverte à tous les Etats, riverains ou non, en
vertu du principe de liberté qui la caractérise.

Troisièmement et enfin, le territoire aérien : c’est le territoire qui surplombe le territoire


terrestre et la mer territoriale jusqu’à la limite de l’atmosphère. Aux termes de la Convention
de Chicago du 7 décembre 1944, l’Etat doit laisser la navigation aérienne civile le traverser
sans entraves, mais il peut interdire tout survol de son propre espace par des aéronefs
militaires).

Le territoire est d’une importance particulière parmi les éléments constitutifs de l’Etat car,
comme l’affirme le Professeur Jean Gicquel, il sert de mesure et de limite à l’autorité du
gouvernement de l’Etat. Il est aussi important parce que, dans l’histoire de l’humanité, la
fixation des populations au sol a été un évènement immense, qui a permis indirectement la
formation des nations, et par suite, des Etats.

§ 2 UN ELEMENT D’ORDRE STRUCTUREL : LE POUVOIR POLITIQUE

Le troisième élément constitutif de l’Etat, c’est le pouvoir politique. Ainsi, une population et
un territoire ne suffisent pas pour qu’un Etat existe. L’existence effective de l’Etat est
absolument conditionnée par l’existence d’un pouvoir politique exercé sur cette population et
ce territoire. C’est l’élément juridique de l’Etat, l’élément déterminant de l’Etat. Phénomène
d’autorité inhérent à la vie en société, le pouvoir a des traits spécifiques dans le cadre de
l’Etat. Il faut situer le pouvoir politique par rapport aux autres phénomènes d’autorité et et
préciser ses caractères propres.

A. PHENOMENES D’AUTORITE ET POUVOIR POLITIQUE

Il faut savoir que le pouvoir politique est un phénomène d’autorité parmi d’autres mais
particulièrement complexe.

17
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

1. Les phénomènes d’autorité

L’autorité peut être définie comme la capacité d’un individu à imposer sa volonté dans le
cadre d’une relation sociale. C’est le pouvoir de commander, d’obliger à quelque chose, d’être
obéi. C’est l’influence qu’un individu peut exercer sur un autre individu. Ainsi, l’autorité
s’analyse en un phénomène d’influence.

L’autorité peut se manifester de plusieurs façons :

L’autorité parentale : elle s’appuie sur la position de chef de famille ou de mère de famille ;

L’autorité charismatique : elle est fondée sur la personnalité, le charisme, le leadership, les
qualités individuelles particulières d’un individu ;

L’autorité professorale : fondée sur la position ou les connaissances du professeur vis-à-vis


de ses élèves ou étudiants ;

L’autorité hiérarchique : fondée sur la position du supérieur hiérarchique d’un employé de


service administratif

Les phénomènes d’autorité se rencontrent dans toutes les collectivités, dès lors qu’une
personne est en mesure ou un collège est en mesure d’imposer sa volonté à autrui. Ils
impliquent donc nécessairement une double relation de commandement et d’obéissance et par
là même une différenciation entre ceux qui commandent, ou qui, occupent une position
dominante les mettant à même de faire prévaloir leurs vues, et ceux qui obéissent, ou qui ne
sont pas en mesure de s’opposer à la volonté des premiers et doivent s’abstenir d’y faire
obstacle.

Pour autant, il ne faut pas prendre de ces rapports et de ces phénomènes une vue trop
simpliste. Il n’y a pas, dans la société une fois pour toutes, d’un côté ceux qui commandent, d’
l’autre ceux qui obéissent. La réalité est infiniment plus complexe. Il es rare que celui
commande n’ait pas aussi à obéir, dans le même secteur ou dans d’autres, et de la même
manière celui qui obéit a souvent aussi à diriger.

18
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
En d’autres termes, ces rapports et ces phénomènes s’insèrent dans un tissu social
extrêmement dense, ramifié, entrecroisé, dans lequel ils peuvent paraître s’estomper. Ils n’en
existent pas moins et constituent une donnée à la fois élémentaire et fondamentale de la vie
sociale.

Il faut ajouter que la différenciation entre les détenteurs de l’autorité et ceux qui en sont les
destinataires peut être plus ou moins masquée, selon la nature de la communauté considérée et
aussi selon les circonstances et les époques. Il est évidemment normal que l’autorité soit plus
apparente et plus appuyée dans une unité militaire ou une administration publique qu’au sein
d’une compagnie artistique ou d’une association. Mais il rare qu’elle disparaisse
complètement. En effet, l’autorité s’exerce parfois sans manifestations visibles et l’obéissance
est souvent consentie.

2. Notion et caractères du pouvoir politique

Dans un Etat, l’autorité est le pouvoir politique, le gouvernement, l’administration publique


chargée de faire respecter la loi ou un secteur administratif disposant d’un pouvoir de décision
défini par la loi.

Quand on parle des autorités, on désigne les personnes qui exercent l’autorité dans l’Etat. Il
peut s’agir des autorités civiles et militaires.

La notion de pouvoir politique s’entend, dans le sens étymologique, du pouvoir dans la cité
et, dans le sens contemporain, du pouvoir dans l’Etat mais il est évidemment nécessaire de
préciser davantage.

C’est pourquoi le pouvoir politique peut être défini comme le pouvoir de prévision,
d’impulsion, de décision et de coordination qui appartient à l’appareil dirigeant du pays, en
principe celui de l’Etat, c'est-à-dire aux gouvernants au sens large, et qui leur permet de
déterminer et de conduire l’ensemble de la politique nationale, avec tout ce qu’elle implique
dans l’ordre comme dans l’ordre international. On notera cependant que dans l’ordre dans la
pratique le pouvoir politique est surtout le fait des organes exécutifs de l’Etat car ce sont eux
qui ont en charge, de manière presque exclusive, la politique nationale (et qui sont considérés
comme les véritables gouvernants), les organes délibérants apparaissant désormais surtout
comme des organes de contrôle.

19
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Il faut signaler que dans les régies totalitaires, le pouvoir politique réside parfois davantage
dans les instances dirigeantes du parti unique que dans celles de l’appareil de l’Etat.

Il faut ajouter que le pouvoir politique est un enjeu. Avant d’être attribué, il est donc l’objet,
non seulement entre les partis mais aussi à l’intérieur de chacun d’eux et au sein des grandes
coalitions, d’âpres luttes entre des dirigeants que séparent certes leurs convictions mais plus
souvent encore leurs ambitions.

Quant aux caractères du pouvoir politique, on peut dire qu’ils tiennent à ce que le pouvoir
est à la fois contraignant, initial et global.

Le pouvoir politique est d’abord contraignant même si les ressorts psychologiques sont, eux
aussi, très importants. Dans les sociétés primitives, le pouvoir a des origines magiques plutôt
que matérielles. A l’inverse, dans les sociétés contemporaines, les gouvernants réussissent
souvent à conduire les gouvernés simplement parce qu’ils les ont convaincus qu’il devait en
être ainsi. En d’autres termes, le poids de la tradition, la croyance en la légitimité des
gouvernants, le sentiment de l’impossibilité ou de l’inutilité d’un renversement de l’ordre
établi constituent des facteurs déterminants. Mais ces éléments psychologiques ne sont
nullement exclusifs, la coercition, effective ou potentielle, s’y ajoute toujours et
nécessairement. Même si elle n’apparaît pas au premier plan, elle demeure dans l’ombre, en
attente. La contrainte matérielle ne fonde pas obligatoirement le pouvoir politique mais elle
sert à le maintenir et en es absolument indissociable.

Le pouvoir politiques est aussi initial en ce sens que tout part, en tous domaines, des
gouvernants. Certes, il existe des pouvoirs autres que politiques et il existe également des
contre-pouvoirs mais ils sont toujours plus ou moins dépendants, plus ou moins tributaires
précisément du pouvoir politique. La capacité d’innover de ce dernier est incomparablement
supérieure à celle de tous les autres organismes sociaux.

Le pouvoir politique est enfin global. Les gouvernants disposent, en principe, d’une autorité
qui s’applique à tous les membres de la communauté, s’exerce sur toute l’étendue du territoire
et, ce qui est plus important encore, peut porter sur tous les objets possibles, de l’économie au
social, de l’enseignement à la santé, du travail aux loisirs, des prix à l’urbanisme, des libertés
à la culture, de la famille aux sports.

20
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Pour peu que les gouvernants le souhaitent, aucun secteur de l’activité humaine ne saurait leur
échapper et le pouvoir politique n’a d’autres limites que celles qu’il accepte de se fixer lui-
même. C’est la une différence capitale avec les autres phénomènes d’autorité qui revêtent,
parce qu’ils s’exercent dans des groupes restreints et presque toujours dépendants, un
caractère limité et partiel.

B. INSTITUTIONNALISATION DU POUVOIR POLITIQUE

Si l’institutionnalisation du pouvoir politique s’est faite de façon progressive dans le temps


(1), on trouve aujourd’hui, en face u pouvoir politique, des contre-pouvoirs (2).
retrouve
1. Présentation de l’institutionnalisation du pouvoir politique

Le pouvoir politique a d’abord commencé par être attaché à la personne des gouvernants,
souvent des chefs religieux ou des anciens, parfois des chefs militaires. Cette personnalisation
s’est évidemment accusée lorsque du collectif initial s’est dégagée une personnalité dirigeante
unique, dont la vocation charismatique était déterminée par les circonstances ou affirmée,
pour plus de commodité, par l’intéressé lui-même. Dans un système de ce genre, il n’existe
aucune légitimité ni d’ailleurs le plus souvent aucun appareil survivant à la cessation de
fonctions du chef politique.

Il s’ensuit une évolution discontinue, en ligne brisée, du pouvoir politique qui entraine de
nombreux aléas, notamment lors de la période difficile au cours de laquelle est assurée la
succession du chef.

Dans l’ensemble, il n’en est plus ainsi. Le pouvoir politique s’est institutionnalisé, ce qui veut
dire qu’il s’est dissocié de la personne des gouvernants pour se reporter sur une entité qui lui
sert de support. Depuis le XVIe siècle, cette entité est l’Etat. La différence avec le système
antérieur est capitale puisque désormais les gouvernants ne disposent de compétences qu’en
raison de leurs fonctions. Bien loin d’être maîtres de leurs pouvoirs, ils ne sont, en principe,
que les dépositaires provisoires, les agents d’exercice des compétences qui leur sont confiées.
Il existe en dehors d’eux une légitimité qui les dépasse, un appareil qui leur survit. C’est le
pouvoir politique institutionnalisé dans un cadre étatique qui domine le monde actuel.

21
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

2. Les contre-pouvoirs

On ne peut présenter le pouvoir politique sans évoquer en même temps le problème des
contre-pouvoirs. En effet, il serait tout à fait irréaliste d’imaginer qu’il n’existe rien entre le
petit nombre des gouvernants et l’immense masse des gouvernés. Une vue moins abstraite,
plus proche du réel et du foisonnement de la vie, montre d’une part, que le groupe des
gouvernants est lui-même diversifié et peut donc faire place aux contre-pouvoirs, d’autre part
et surtout, qu’entre l’appareil dirigeant et les gouvernés, il y a une multitude d’organismes très
divers, dont nombre sont ceux qui apparaissent très légitimement comme de véritables contre-
pouvoirs.

Il faut entendre par contre-pouvoirs tous les centres organisés de décisions, de contrôle,
d’intérêts ou d’influence qui, par leur seule existence ou par leur action, quel que soit
l’objectif poursuivi, ont pour effet de limiter la puissance de l’appareil dirigeant de l’Etat. Ils
présentent une utilité incontestable et en même temps posent quelques problèmes délicats.

22
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

SECTION II. LA SPECIFICITE DE L’ETAT

Précédemment (Section I), nous avons pu nous rendre compte de ce que l’Etat est une réalité
de la vie nationale et internationale, à travers ses trois éléments constitutifs que sont la
population, le territoire et l’autorité politique exclusive ou le pouvoir politique). Ce sont là les
trois conditions d’existence de l’Etat qui sont cumulatives et non pas alternatives. Mais ces
éléments ne suffisent pas vraiment à définir l’Etat, c'est-à-dire à faire ressortir ses traits
spécifiques. En effet, l’Etat est souverain (§ 1) et dispose de ses propres attributs (§ 2).

§ 1 LA SOUVERAINETE ET LE CRITERE DE L’ETAT

La souveraineté est une notion difficile à cerner ; elle est polysémique et peut amener la
confusion dans les idées. Il convient de se référer à la théorie élaborée par Jean Bodin,
laquelle fait mention de la notion de souveraineté de l’Etat (A) et de puissance de l’Etat (B).

A. LA NOTION DE SOUVERAINETE

La souveraineté est une conception dégagée par Jean Bodin, en 1576 dans son ouvrage « Six
livres de la République », établit une équivalence entre souveraineté et indépendance
absolue, dans la perspective romaine de l’imperium ou de la summa potestas (pouvoir le plus
élevé ou le commandement suprême dans une société. Pour Carré de Malberg, la souveraineté
représente la négation de toute entrave ou subordination. Ceci est valable à l’égard des Etats
étrangers (souveraineté extérieure) et à l’intérieur même de l’Etat (souveraineté intérieure).

Cette construction porte, dans une large mesure, la marque de l’époque à laquelle elle a été
formulée. Il s’agissait, en effet, à partir du XIVe siècle et principalement dans le royaume de
France, d’affirmer la suprématie du roi sur les grands feudataires (titulaire d’un fief durant les
périodes médiévales, et dépendant à ce titre d’un suzerain). Cette notion de souveraineté
signifiait l’indépendance de la France vis-à-vis de tout pouvoir. Cette indépendance se
trouvait affirmée dans deux brocards hérités des légistes : le roi ne tient sa couronne que de
Dieu seul ; le roi est empereur en son royaume. En un mot, la souveraineté est la forme qui
donne l’être à l’Etat, disait (Loyseau en 1608).

23
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

On doit dire que la contribution de Jean Bodin est capitale : avec lui, la notion de souveraineté
est désormais inscrite au cœur du droit public ; avec lui, elle devient un élément constitutif de
l’Etat et se structure autour de caractéristiques permanentes : elle est absolue, perpétuelle, au-
delà des individus qui l’incarnent et indivisible, en ce qu’elle se rapporte à un seul titulaire,
qu’il s’agisse d’un être individuel (le roi) ou collectif (le peule). A ce titre, la souveraineté,
dans cette acception, ne saurait être partagée.

Néanmoins, en se plaçant d’un point de vue politique, l’idée sera consacrée par l’accord de
Nouméa, le 5 mai 1998, s’agissant du statut de la Nouvelle-Calédonie : le partage des
compétences entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie signifiera la souveraineté partagée.

B. NOTION DE PUISSANCE DE L’ETAT

Pour Jean Bodin, la souveraineté n’est pas seulement une qualité de la puissance publique.
Pour cet auteur, la souveraineté, en tant que manifestation de la volonté spécifique de l’Etat,
elle s’identifie avec cette puissance. Seul l’Etat est à même d’assumer un certain nombre de
droits de domination et de puissance qui sont les vraies marques de souveraineté : droits de
législation et de réglementation, de justice, de police, de battre monnaie, de légation, de lever
et d’entretenir une armée, d’accéder à la fonction publique et celui de conférer la nationalité,
entre autres. Mieux encore, l’Etat dispose de la compétence de sa compétence ; il détermine
lui-même, sans entraves et sujétions (dépendance, assujettissement ou asservissement), les
fonctions qu’il désire assumer. On retrouve, là aussi, le long mouvement, entamé au Moyen-
âge, par lequel le monarque réussit irrésistiblement à imposer son autorité, domaine par
domaine, aux barons. C’est dans une logique approchante que l’on parle des lois dites de
souveraineté s’appliquant, sans exceptions, sur l’intégralité du territoire aussi bien en
métropole qu’outre-mer. L’Etat exerce une compétence tout à la fois à l’égard du territoire
auquel il s’identifie et des personnes qui s’y trouvent rattachées. A cet égard, la doctrine
internationaliste distingue traditionnellement les compétences territoriales et personnelles de
l’Etat. En définitive, ce qui le caractérise, c’est l’exercice solitaire de ces droits dits de
puissance publique. La souveraineté représente ici les pouvoirs effectifs de l’Etat ou,
ramenée à l’essentiel, la puissance d’Etat.

24
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

L’expression « souveraineté dans l’Etat » désigne quant à elle le titulaire suprême de la


puissance de l’Etat. C’est en ce sens que l’autorité légitime du monarque (souveraineté
royale) a été transmise en 1791 à la nation (souveraineté nationale) ou, en 1793, au peuple
(souveraineté populaire) avant que la constitution du 4 octobre 1958 n’établisse la synthèse :
la souveraineté nationale appartient au peuple (article 3 de la Constitution Française du 4
octobre 1958 ; article 26 de la Constitution Centrafricaine du 30 mars 2016).

§ 2 LES ATTRIBUTS DE L’ETAT

La souveraineté implique, d’une part, la négation de toute subordination vis-à-vis d’un autre
Etat, en dehors des limitations librement acceptées (souveraineté extérieure). A ce titre, l’Etat
dispose de la compétence de sa compétence (Jellinek). Il suit de là que la souveraineté est
l’apanage de l’Etat, à l’opposé des organisations internationales, qui ne peuvent bénéficier
que de transferts de compétences. D’autre part, la volonté de l’Etat prime sur celles des
personnes physiques et morales présentes sur son territoire (souveraineté intérieure).

La caractéristique essentielle de l’Etat est de constituer une collectivité irréductible aux autres
collectivités, qu’elles appartiennent à l’ordre interne ou à l’ordre international. Une première
condition, nécessaire mais non suffisante, se rapporte à la personnalité juridique de l’Etat (A).
La seconde condition, déterminante, concerne les attributs de la puissance de l’Etat (B).

A. LA PERSONNALITE JURIDIQUE DE L’ETAT

Création humaine, l’Etat apparait comme une entité et, en termes juridiques, une institution,
une personne morale, détachée de la personne physique des gouvernants. En effet, le progrès
qui a marqué l’évolution des sociétés a consisté à institutionnaliser le pouvoir politique, c'est-
à-dire à le dissocier progressivement de la personne de ceux qui commandent pour le confier à
l’Etat. C’est de l’Etat que les gouvernants reçoivent leurs compétences, c’est en son nom
qu’ils les exercent. Le pouvoir est attaché à leur fonction, non à leur être. Ainsi l’Etat,
symbole de la communauté nationale (qui survit à ses membres) et titulaire du pouvoir
politique (et dont les gouvernants ne sont que les dépositaires provisoires et les agents
d’exercice) est-il nécessairement érigé en personne morale (juridique) de droit public, seule
solution susceptible d’assurer sa continuité et d’en faire un centre de décisions.

25
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Il va de soi que si l’Etat est une personne juridique, la première de toutes, ce n’est pas la
seule, tant s’en faut. Il existe, précisément dans le cadre de l’Etat et par la volonté de son
organisation politique et juridique, un grand nombre d’autres collectivités de divers ordres et
d’importance variable, qui sont érigées en personnes morales, qu’il s’agisse de personnes
morales de droit public (régions, départements, communes, établissements publics) ou de
personnes morales de droit privé (associations, sociétés).

C’est pourquoi, on ne peut suffisamment caractériser l’Etat par sa personnalité morale, qui
constitue un élément du critère mais non pas le critère unique. En résumé, la personnalité
juridique de l’Etat peut être définie à travers deux éléments.

Le premier élément, c’est la capacité de l’Etat, entendue comme la faculté de vouloir et d’agir
au nom de la collectivité. L’Etat est un sujet de pouvoirs et de droits, doté d’une vie propre et
indépendante des volontés individuelles de tous ses membres. En cela, il constitue une unité
distincte des gouvernants eux-mêmes, c'est-à-dire une personne collective.

Le second élément, c’est la permanence de l’Etat, qui signifie que l’Etat est permanent en ce
sens que les changements qui surviennent dans sa composition ou sa direction n’affectent pas
son existence ni la durée de ses décisions. L’Etat survit aussi bien à ses dirigeants éphémères
qu’aux générations qui se succèdent : c’est cette continuité de l’Etat qui explique que : d’une
part que les lois votées par une assemblée, les actes administratifs édictés par un
gouvernement, les traités conclus avec une puissance étrangère survivent aux régimes qui en
ont pris l’initiative ; d’autre part que chaque génération se trouve engagée par les obligations
contractées par sa devancière.

B. LES ATTRIBUTS DE LA PUISSANCE DE L’ETAT

D’un point de vue matériel, la puissance de l’Etat couvre la nationalité, les droits civiques,
les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la
justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et
l’ordre public, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral.

26
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

D’un point de vue formel, la puissance de l’Etat, c’est en d’autres termes la souveraineté de
l’Etat. La souveraineté signifie le pouvoir suprême, c'est-à-dire qui ne relève d’aucun autre.
S’il est courant d’affirmer que l’Etat possède la souveraineté, encore faut-il savoir si on parle
de la souveraineté de l’Etat, de sa puissance ou de la souveraineté dans l’Etat. Les attributs
de la puissance de l’Etat sont variés :

Le pouvoir d’Etat est un pouvoir de centralisation : l’Etat a la charge des intérêts nationaux,
du contrôle administratif et du respect des lois.

Le pouvoir d’Etat un pouvoir d’arbitrage : l’Etat exerce un pouvoir d’arbitrage et de


négociation avec les forces économiques et groupes de pression qui s’efforcent d’obtenir que
telle ou telle loi ou décision leur soit favorable.

Le pouvoir d’Etat un pouvoir extrapatrimonial : il n’existe pas de confusion entre le


patrimoine de l’Etat et le patrimoine privé des gouvernants. Par exemple, à l’expiration de son
mandat, aucun Président de la République ne peut prétendre conserver le palais présidentiel.
Des mécanismes sont prévus dans la Constitution afin de s’assurer que le passage au pouvoir
ne favorise un enrichissement personnel. Ainsi, le Président de la République, et même les
Ministres doivent-ils rendre publique une déclaration de patrimoine avant et après l’exercice
de leurs fonctions (voir les dispositions de l’article 39 de la Constitution Centrafricaine du 30
mars 2016 s’appliquant au Chef de l’Etat, et de l’article 58 de la Constitution du 30 mars 2016
qui concerne les Ministres).

Le pouvoir d’Etat est un pouvoir civil et temporel : Le pouvoir est civil à partir du moment
où l’armée est un corps obéissant et non délibérant. Le pouvoir est temporel en témoigne le
principe de laïcité de l’Etat, c'est-à-dire que l’Etat n’est ni religieux ni antireligieux mais
areligieux, selon la fameuse définition d’Aristide Briand. A cette fin, il observe une attitude
de neutralité, considérant que la religion ressortit à la conscience individuelle, dès lors que ses
manifestations extérieures ne troublent pas l’ordre public.

A preuve, la loi française de séparation des églises et de l’Etat du 9 décembre 1905. Le


principe de laïcité interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour
s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et
particuliers (exemple d’un musulman qui invoque le Coran pour refuser à un Médecin
Gynécologue ou généraliste de consulter sa femme).
27
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Par ailleurs, du principe de laïcité résulte la neutralité de l’Etat, et la République ne reconnaît


aucun culte, qu’il impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les
citoyens devant la loi sans distinction de religion ; la République garantit le libre exercice des
cultes et elle ne salarie aucun culte. En droit positif, la religion peut se ranger aux côtés de la
liberté.

28
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

CHAPITRE II

LES FORMES JURIDIQUES DE L’ETAT

D’un point de vue juridique, classiquement et fondamentalement, on distingue l’Etat unitaire,


à l’exemple de la France et de la République Centrafricaine, de l’Etat fédéral, soit une union
à l’instar des Etats-Unis ou de l’Allemagne. Cependant, il convient de préciser utilement que
chacune de ces formes de l’Etat comporte des variantes plus ou moins complexes. Mais de
nos jours, une nouvelle forme d’organisation de l’Etat est apparue et s’est intercalée, qui
juxtapose l’unité à la diversité : l’Etat autonomique ou régional ou de la dévolution
(Espagne, Italie, Grande-Bretagne). Ainsi, on étudiera tout d’abord l’Etat unitaire et l’Etat
autonomique ou régional (Section I) et ensuite l’Etat fédéral (Section II).

SECTION I. L’ETAT UNITAIRE

A l’image de la France et de la République Centrafricaine, l’Etat unitaire est un Etat


centralisé (§ 1). De même, on s’intéressera à la nouvelle forme juridique de l’Etat : l’Etat
autonomique ou régional ou de la dévolution (§ 2).

§ 1. L’ORGANISATION DE L’ETAT UNITAIRE

On dit de l’Etat unitaire qu’il est centralisé c'est-à-dire qu’il est ordonné tout entier autour du
principe de l’unité (A). Mais pour étendu que soit ce dernier, il n’en admet pas moins un
certain nombre de modalités (B).

A. LE PRINCIPE D’UNITE

Dans la relation centre-périphérie, l’Etat unitaire ramène tout à un centre de décision et


d’animation. Un commandement unique se transmet sur le territoire à la manière d’un fluide
électrique. En clair, l’unité peut se définir, aux dires du Professeur Jean Gicquel, comme « le
principe d’organisation d’un Etat au sein duquel une volonté unique s’exprime, tant du point
de vue de son agencement politique que de son ordonnancement juridique ».

29
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Il ressort de cette définition que :

Du point de vue agencement politique, la centralisation des organes d’Etat implique qu’un
seul Chef de l’Etat, un seul Gouvernement, un seul parlement et une seule organisation
juridictionnelle existent sur la scène politique ;

Du point de vue ordonnancement juridique, la centralisation du droit aboutit à l’unicité de la


Constitution, de la loi, et du droit.

Comme l’explicitent les Professeurs Pierre Pactet et Ferdinand Mélin-Soucramanien, l’Etat


unitaire est celui qui sur son territoire et pour la population qui y vit ne comporte qu’une
seule organisation politique et juridique (un seul appareil d’Etat), dotée elle seule de la
plénitude de sa souveraineté.

En d’autres termes, cette organisation politique et juridique dispose exclusivement de la


totalité des compétences étatiques, sans aucun partage possible puisqu’il n’existe pas, à
quelque niveau que ce soit, une autre organisation du même type qui puisse entrer en
concurrence avec elle sur le même territoire et pour la même population. Il s’ensuit que les
gouvernants de l’Etat unitaire sont libres de déterminer et de conduire librement la politique
de cet Etat sans restrictions tenant à la présence à un niveau supérieur d’un Etat jouant à leur
égard un rôle tutélaire ou à un niveau inférieur d’un ou de plusieurs Etats assumant des
compétences sur lesquelles ils ne pourraient empiéter.

Cependant, l’Etat unitaire prend aujourd’hui en compte une administration de proximité


comme nous le verrons ci-après.

B. LES VARIATIONS DE L’ETAT UNITAIRE

Il existe des variations à l’Etat unitaire. Par variations, il faut entendre tout simplement les
modalités d’exercice du principe d’unité qui caractérise fondamentalement l’Etat unitaire.
Comme l’affirme le Professeur Olivier Gohin de l’Université de Paris 2 Panthéon-Assas,
« traiter des variations de l’Etat unitaire oblige à venir sur un terrain qui n’est pas de droit
constitutionnel, mais de droit administratif ».

30
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Ainsi, deux modes d’administration ou de gestion des affaires locales se présentent : la


déconcentration et la décentralisation. Les deux modalités ont en commun de favoriser le
rapprochement de l’administration de l’administré, car selon Napoléon III, « on peut
gouverner de loin, mais on n’administre bien que de près ». En un mot, l’autorité ne s’exerce
plus depuis la capitale, mais sur place. En l’espèce, il s’agit d’une délégation de pouvoir
administratif (organisation de services publics, maintien de l’ordre public), à l’exclusion du
pouvoir politique qui demeure l’apanage de l’Etat, ainsi le Parlement conserve le monopole
de la loi.

On abordera dans un premier temps la déconcentration (1) et dans un second temps la


décentralisation (2).

1. L’Etat unitaire déconcentré : la déconcentration

Cette technique peut se définir comme une modalité ou un relais de la centralisation ; une
redistribution territoriale du pouvoir étatique. Il s’agit donc d’un principe d’autorité : la
centralisation par personnes interposées, en d’autres termes. Odilon Barrot, au XIXe siècle,
résumait d’une manière plaisante le sentiment : « c’est toujours le même marteau qui frappe,
mais on en a raccourci le manche ». On serait tenté d’ajouter, pour mieux en ajuster les
coups.

Au total, la déconcentration s’analyse dans le transfert de moyens et d’attributions


administratives du pouvoir central au bénéfice d’agents de l’Etat placés à un niveau local. Un
rééquilibrage entre le centre et la périphérie est effectué au sein de l’administration d’Etat.
Concrètement, le Préfet est le représentant de l’Etat, représentant de chacun des membres du
gouvernement.

En conclusion, on peut définir l’Etat unitaire déconcentré comme celui dans lequel les
pouvoirs de décision sont accordés à des agents de l’Etat répartis dans les circonscriptions
administratives et subordonnés à l’autorité hiérarchique de l’administration centrale. L’Etat
unitaire déconcentré existe toujours avec des organes déconcentrés (exemple : préfets, sous-
préfets, inspecteurs d’académie).

31
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

2. L’Etat unitaire décentralisé : la décentralisation

Terme moins expressif que les expressions anglo-saxonnes équivalentes (local government
désignant un système par lequel les décisions sont prises par les habitants de l’entité locale au
mieux de leurs intérêts), la décentralisation signifie littéralement auto-administration. Ainsi
s’analyse-t-elle en un principe de liberté et s’identifie à la démocratie locale. Sous ce rapport,
elle se ramène à un transfert d’attributions du pouvoir central au profit d’entités locales,
juridiquement distinctes de l’Etat et dotées d’organes élus par les citoyens concernés. On le
constate, l’élection constitue la pierre touche de la décentralisation.

La décentralisation se manifeste par le fait que les collectivités territoriales s’administrent


librement, généralement par des organes ou conseils élus. Les collectivités territoriales
(communes, régions et départements comme en France) disposent ainsi d’une certaine liberté
quant à la gestion des affaires relatives aux intérêts qui leur sont propres. Elles disposent en
principe d’un pouvoir réglementaire. Ainsi, les collectivités territoriales sont autonomes par
rapport à l’Etat puisqu’elles sont dotées de la personnalité morale. Ce sont des personnes
morales distinctes de l’Etat, contrairement aux administrations déconcentrées qui demeurent
des administrations d’Etat. Elles ont un budget propre, une relative autonomie normative et
une véritable autonomie administrative. Un contrôle de l’Etat demeure néanmoins afin que ne
soit pas remis en cause le caractère unitaire de celui-ci.

Selon l’article 128 de la Constitution Centrafricaine du 30 mars 2016, l’Etat centrafricain se


veut un Etat unitaire décentralisé : « La République Centrafricaine est organisée en
Collectivités Territoriales sur la base du principe de décentralisation dans le respect de
l’unité nationale ». Et l’article 129 indique que « les Collectivités Territoriales de la
République Centrafricaine sont les Communes et les Régions », avant de préciser que ces
entités « s’administrent librement par des organes et disposent d’un pouvoir réglementaire
pour l’exercice de leurs compétences ».

32
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

§ 2 L’ETAT AUTONOMIQUE OU REGIONAL OU DE LA DEVOLUTION

Une forme intermédiaire peut être distinguée avec l’Etat fédéral autonomique espagnol,
l’Etat régional italien ou encore l’Etat de la dévolution en Grande-Bretagne. Cette nouvelle
forme de l’Etat est empreinte d’hybridité. En effet, si des principes juridiques de l’Etat
unitaire sont maintenus (A), une inclinaison fédérale n’en est pas moins visible (B).

A. LE MAINTIEN DES PRINCIPES DE L’ETAT UNITAIRE

Dans certains Etats (Italie, Espagne), la très forte décentralisation peut paraître remettre en
cause le caractère unitaire de l’Etat. Dans la lignée de l’article premier de la Constitution
française de 1958, les textes italien et espagnol réaffirment l’indivisibilité de la République
(article 5 de la Constitution italienne de 1947) ou de la nation (article 2 de la Constitution
espagnole de 1978). Une seule Constitution est donc présente sur la scène juridique. En effet,
le statut des communautés autonomes en Espagne et des régions en Italie a une valeur
simplement législative et est soumis, de surcroit, à l’approbation in fine de l’Etat. Celui de la
Communauté autonome doit être repris par la loi votée par les Cortès. Ceux-ci, ont, en 2006,
refusé d’accepter la présence du concept de nation dans l’Estatut de la Catalogne et l’ont
renvoyé dans le préambule dépourvu de valeur juridique. Saisi en 2006, le Tribunal
Constitutionnel s’est enfin prononcé le 28 juin 2010. A l’image de l’attitude du Conseil
Constitutionnel à l’égard de la notion de peuple corse, le juge constitutionnel espagnol a
déclaré inconstitutionnelles les dispositions relatives à la nation et à la langue catalane, et
celles créant un département de justice à la Catalogne. La résolution votée par le parlement
régional en janvier 2013 proclamant la souveraineté de la Catalogne a aussi été contestée
devant le même tribunal.

Pour l’Italie, le statut de la région est depuis 1999, directement contestable devant la cour
constitutionnelle qui vérifie son harmonie avec la Constitution (art. 123).

Au surplus, la seconde chambre, au-delà de quelques différences entre les Sénats espagnol et
italien, n’a pas pour fonction principale de représenter, de manière individuelle, les entités
infra-étatiques mais d’être une chambre de représentation territoriale.

33
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

B. L’INCLINAISON VERS LE FEDERALISME

L’autonomie est reconnue constitutionnellement : le droit à l’autonomie des nationalités et des


régions qui la composent et la solidarité entre-elles est garanti en Espagne (art. 2 de la
Constitution) ; le texte italien reconnaît et favorise les autonomies locales (art. 5 de la
Constitution). Alors que l’uniformité institutionnelle des collectivités locales reste la règle de
droit commun en France, chaque communauté et région dispose de la capacité juridique de se
doter de son propre statut qui sera reconnu et protégé par l’Etat comme partie intégrante de
son propre ordre juridique. Ce statut établit principalement le cadre normatif, organisationnel
et financier au sein duquel les acteurs peuvent agir. Principe clé du fédéralisme, la répartition
des attributions entre l’Etat et les autres entités ne relève pas de la loi mais est organisée par la
Constitution selon des modalités variables. Logiquement, l’intervention de la juridiction
constitutionnelle s’avère-t-elle décisive pour trancher les litiges. L’Etat d’un côté, les
communes et les régions de l’autre, disposent d’un accès au juge. Tandis que le Tribunal
constitutionnel espagnol apparaît favorable à la logique centralisatrice (notamment en
s’opposant frontalement à la Catalogne notamment sur son statut en 2010 et sur sa volonté,
finalement contrariée, d’organiser un référendum d’indépendance en 2014), son homologue
italien semble plus enclin désormais à garantir le principe d’une loyale coopération entre
l’Etat et les régions, même s’il a tenu à rappeler qu’une position particulière est toujours
réservée à l’Etat dans l’ordonnancement général de la République (sentence du 24 juillet
2003).

34
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

SECTION II. L’ETAT FEDERAL

Un Etat fédéral est un Etat dans lequel deux structures étatiques sont superposées. A l’étage
intérieur des Etats, dits fédérés, disposent à la fois d’une population, d’un territoire et d’une
organisation politico-juridique. Mais ces organisations politico-juridiques ne disposent pas de
la plénitude de la souveraineté dans la mesure où il existe, à un étage supérieur un « super-
Etat », c'est-à-dire des institutions fédérales exerçant leur pouvoir sur la population de tous les
Etats fédérés réunis et sur un territoire équivalent à celui de tous les Etats fédérés réunis. Les
Etats fédérés peuvent être dénommés Etats (cas des Etats-Unis), Cantons (cas de la Suisse),
Provinces (cas du Canada), Lander (cas de l’Allemagne), Régions ou Communautés (cas de
la Belgique).

A propos de l’Etat fédéral, deux choses doivent être étudiées.

D’abord, la naissance d’un Etat fédéral peut venir d’une association d’Etats qui ont décidé de
se grouper pour être plus forts. On parle alors de fédéralisme par association ou par
agrégation. Dans ce cas, il est fréquent que les Etats aient, au préalable, testé leur association
dans le cadre d’une confédération (§ 1).

Enfin, l’Etat fédéral a des caractéristiques qui lui sont propres (§ 2).

§ 1. L’ORIGINE DE L’ETAT FEDERAL OU LE PREALABLE DE LA


CONFEDERATION

En règle générale, une fédération obéit à une loi du genre, celle de l’apprentissage de la vie en
commun par les Etats intéressés. A cet égard, la confédération se situe comme un point de
passage obligé, abstraction faite de formes surannées liées au phénomène dynastique. Il
convient de voir la définition de la confédération (A) avant d’en venir aux applications (B).

35
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

A. LA DEFINITION DE LA CONFEDERATION

La confédération est une association d’Etats, au sens du droit international, au sein de


laquelle ceux-ci acceptent de coopérer en un certain nombre de domaines, tout en conservant,
à titre principal, leur souveraineté. Ainsi, la confédération est une alliance confortée, basée
sur un acte constitutif qu’on appelle le traité ; les décisions importantes y sont prises à
l’unanimité des membres et sous réserve de ratification. Les structures à caractère
intergouvernementale sont sommaires et ont peu de moyens juridiques pour contraindre un
Etat refusant de respecter ses obligations. Au total, une confédération, à l’opposé de la
fédération, ne tend pas à créer une volonté étatique supérieure, un membre peut donc s’en
retirer alors que cette possibilité est refusée à l’unité fédérée (à preuve, la guerre de sécession
aux Etats-Unis).

L’Etat fédéral désigne une union d’Etats ou, si l’on veut, un Etat d’Etats, unis par un lien de
société. Ce principe donne naissance à une fédération (du latin foedus, alliance) ou a un Etat
fédéral. Cependant, celui-ci ne procède pas d’un phénomène de génération spontanée. Il
résulte d’un rapprochement initial entre les Etats souverains dans le cadre d’une
confédération. A ce compte, une fédération se présente comme une confédération qui a
réussi, à l’image du précédent des Etats-Unis d’Amérique. De nos jours, l’Union Européenne
peut être citée comme un exemple de confédération.

B. LES APPLICATIONS DE LA CONFEDERATION

Quant aux applications de la confédération, on a des confédérations anciennes ou


géographiques et des confédérations actuelles ou économiques.

36
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Pour ce qui est des confédérations anciennes ou géographiques, on peut citer la


confédération des Etats-Unis du Nord, qui dura de 1778 à1787, pendant la guerre
d’Indépendance, et précéda la constitution de l’Etat fédéral ; la confédération helvétique,
dont les premiers fondements furent posés au XIVe siècle, et qui, avec des fortunes diverses,
dura jusqu’en 1848, époque à laquelle elle fut transformée en un Etat fédéral par la
Constitution du 12 septembre 1848 ; la confédération germanique, qui a duré de 1815 à
1866, et dont faisait partie l’Autriche qui, par la suite, a été remplacée par la confédération de
l’Allemagne du Nord, séparée de l’Autriche par le Traité de Prague ; ladite confédération de
l’Allemagne du Nord, augmentée de quelques Etats du Sud, s’est transformée, en 1871, en
Empire fédéral allemand.

S’agissant des confédérations actuelles ou économiques, en mettant de côté la Confédération


helvétique (la Suisse étant un Etat fédéral), cette catégorie de confédération repose sur une
solidarité d’intérêts débouchant progressivement sur l’intégration économique puis politique.
A l’initiative de l’Allemagne et de la France, des Etats européens ont créé successivement la
Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) par le Traité de Paris en 1951, la
Communauté Economique Européenne (CEE) et la Communauté Européenne de l’Energie
Atomique (EURATOM) par celui de Rome, en 1957. Par le Traité de Maastricht signé le 7
février 1992, l’Union Européenne (UE) est une confédération en matière politique,
économique et monétaire.

§ 2. LES CARACTERISIQUES DE L’ETAT FEDERAL

L’Etat fédéral se présente comme une modalité raffinée d’Etat qui nourrit la réflexion, en
raison de sa diffusion géographique et de sa séduction juridique. Dans le monde
contemporain, il n’est guère, en effet, d’Etats importants, en dehors du Japon et de la Chine,
qui n’aient été adopté cette condition qui combine, de manière harmonieuse, l’unité et la
diversité des ordres politiques et juridiques.

37
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Georges Scelle soulignait que le fédéralisme est une loi constante de l’évolution des sociétés
humaines car il concilie deux besoins, en apparence contradictoires, mais, en réalité
complémentaires ; le besoin d’autonomie et de liberté de chaque groupe dans la recherche de
leurs fins propres et le besoin non moins puissant d’ordre et de sécurité (Précis du droit des
gens, Sirey, 1932, p. 188).

Après la présentation de la notion d’Etat fédéral (A), nous étudierons son fonctionnement (B).

A. LA DEFINITION ET LES APPLICATIONS DE L’ETAT FEDERAL

L’Etat fédéral est une union d’Etats, au sens du droit interne (c'est-à-dire constitutionnel) au
sein de laquelle un nouvel Etat apparait. En d’autres termes, des Etats souverains jusqu’alors,
acceptent de se grouper sous une bannière étatique en transférant des compétences. De sorte
que le fédéralisme naît d’une constitution à l’opposé de la confédération, issue d’un traité.
Elle se présente, si l’on peut user de cette comparaison, sous la forme d’une construction à
deux étages. A l’étage inférieur, se situent les Etats membres ou les entités fédérées qui, ayant
renoncé à leur souveraineté, ne peuvent plus se prévaloir, en dehors d’un élément de
considération, de leur qualité originaire. Celle-ci est dorénavant l’apanage du nouvel Etat
(l’étage supérieur), que l’on peut nommer le super-Etat. On le saisit, l’Union Européenne est
un Etat fédéral en devenir.

L’Etat fédéral englobe les unités fédérées, mais ne les absorbe point, tant et si bien qu’il
réalise la synthèse entre l’Etat unitaire et la confédération ; entre la solidarité et l’autonomie.
E pluribus unum : la devise des Etats-Unis ramène dans un excellent raccourci, la vision du
fédéralisme à la diversité dans l’unité, ou, si l’on préfère, l’autonomie alliée à la solidarité.

38
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Quant aux applications du fédéralisme, on a comme Etats fédéraux :

-en Amérique : les Etats-Unis, le Canada, le Mexique, le Brésil et l’Argentine ;


-en Europe : l’Autriche, la Suisse (dont la dénomination ne doit pas induire en erreur),
l’Allemagne, la Belgique et la Russie ;
-en Asie : l’Inde, le Pakistan, la Malaisie ;
-au Moyen-Orient : les Emirats arabes unis et l’Irak ;
-en Océanie : l’Australie ;
-en Afrique : l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Ethiopie et les Comores.

B. LE FONCTIONNEMENT DE L’ETAT FEDERAL

Le fédéralisme s’analyse en une technique de partage ou de distribution du pouvoir lato


sensu. De ce fait, l’Etat fédéral constitue une société plurielle, s’agissant des pouvoirs
publics et du droit, au point de cultiver l’ingéniosité, à l’image du fédéralisme sur mesure ou
asymétrique de la Belgique (fédéralisme sans équilibre, sans harmonie).

Selon Georges Scelle, une construction fédérale repose, en règle générale, sur la combinaison
dialectique des trois principes de superposition, d’autonomie et de participation. Le premier
rend compte de la condition du super-Etat ; le second, de celle des unités fédérées et le
troisième de leur collaboration, qui fait songer à un duplex.

1. Le principe de superposition

Né de la volonté des Etats composants, sous forme d’une constitution fédérale, le super-Etat
qui les coiffe est à l’origine d’un nouvel ordre politique et juridique. Sous cet aspect, il
dispose des attributs étatiques et plus précisément, d’une organisation politique distincte de
celle des unités fédérées (une constitution et des pouvoirs publics propres). Le principe de
superposition n’en reste pas moins complexe.

39
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Conceptuellement, en se fondant sur le principe de l’indivisibilité de la souveraineté


systématisée par Jean Bodin, seul le super-Etat est censé disposer de la souveraineté plénière,
les unités fédérées étant dépouillées de leur souveraineté originaire. Carré de Malberg
énonçait que « si le critérium de l’Etat est la souveraineté, les collectivités membres d’un Etat
fédéral ne sont pas des Etats, car elles ne sont pas souveraines ». Au surplus, le super-Etat
agit seul sur la scène internationale, au point de faire figure, sous cet aspect, d’Etat unitaire.

La logique fédérale implique deux choses. D’une part, la superposition du super-Etat (Etat
fédéral) au-dessus des Etats composants (Etats fédérés). D’autre part, la primauté du droit
fédéral sur le droit des Etats fédérés.

2. Le principe d’autonomie

Ce principe signifie que les Etats fédérés doivent être autonomes par rapport à l’Etat fédéral.
Cette autonomie aboutit à ce que les Etats fédérés soient en apparence de véritables Etats. Ils
sont dotés de leurs propres institutions, de leur propre ordre juridique y compris une
constitution. Mais c’est la Constitution fédérale qui répartit les compétences entre les deux
niveaux étatiques (entre les Etats fédérés et l’Etat Fédéral). En principe, les Etats fédérés
disposent d’une compétence générale ou de droit commun, tandis que les institutions
fédérales disposent d’une compétence d’exception ou d’attribution.

La compétence générale ou de droit commun, de portée générale, se présente sous l’aspect


d’une disposition d’ensemble et s’interprète largement. A l’opposé, la compétence
d’exception ou d’attribution, de portée limitée, se ramène à une liste, sous forme d’une
énumération, et s’analyse restrictivement. Par exemple, aux Etats-Unis, en Suisse et en
Australie, la constitution réserve la compétence de droit commun aux unités fédérées et réduit
le super-Etat à la portion congrue (définie en termes précis). En Suisse, le principe de
subsidiarité est consacré, et la Confédération (super-Etat) n’assume que les tâches qui
excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme par la
Confédération (art. 43a de la Constitution du 18 avril 1999). Madison disait à propos des
Etats-Unis que « les pouvoirs délégués au Gouvernement fédéral sont rares et définis. Ceux
qui doivent demeurer dans la compétence des Etats fédérés sont considérables et infinis ».
Cependant, la démarche opposée est observée au Canada, où l’Etat fédéral accapare les
attributions les plus importantes, notamment dans le domaine économique.

40
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Quant à la Belgique, la situation est compliquée par le fait que, contrairement au régime de
droit commun, le partage s’effectue entre, d’une part, l’Etat fédéral et, d’autre part, deux
catégories d’entités fédérées (les Communautés et les Régions).

S’agissant du contenu des attributions, une ligne de répartition sépare, grosso modo, les
compétences externes et les compétences internes.

Pour les compétences externes, les relations avec l’étranger sont assumées, en principe, d’une
manière exclusive, par le super-Etat, à partir du moment où il possède seul la souveraineté
internationale. Celle-ci se manifeste dans les domaines diplomatique, militaire, économique,
monétaire, ainsi qu’en matière de nationalité. Toutefois, des entités fédérées peuvent disposer
d’une personnalité internationale réduite.

Pour les compétences internes, les unités fédérées (Etats fédérés) ne disposent pas totalement
de la souveraineté interne, mais conservent un pouvoir d’auto-organisation interne : forme
étatique, une constitution (exception des communautés et régions belges qui n’en disposent
pas), un gouverneur dans l’Etat américain, un ministre-président dans le Land allemand, un
premier ministre dans la province canadienne, et une propre organisation juridictionnelle avec
au sommet une cour constitutionnelle. Sur le plan législatif, on note une diversité d’une unité
fédérée à une autre. Aux Etats-Unis, la peine capitale est variablement appliquée, ainsi que les
méthodes utilisées ; réglementation relative au port d’armes ; les règles du code de la route…

3. Le principe de participation

Ce principe signifie, qu’à la manière d’un partenariat, le super-Etat et les Etats fédérés
concourent à la vie de la fédération. Tous collaborent à la confection du droit fédéral. Si la
participation se traduit principalement par l’existence d’une seconde chambre, représentant les
entités fédérées, au sein du Parlement fédéral, elle peut aussi s’exprimer lors de la
modification de la Constitution fédérale. Ainsi, l’accord final des trois quarts des Etats est-il
nécessaire aux Etats-Unis ; celui, au Canada, des deux-tiers des Provinces représentant la
moitié de la population.

41
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

TITRE II

LES FONDEMENTS DEMOCRATIQUES DU POUVOIR


POLITIQUE

Le pouvoir d’Etat a ses fondements. Cela revient naturellement à se demander qui est le
détenteur du pouvoir, qui est titulaire de la souveraineté et de quelle manière celle-ci
peut être exprimée. En un mot, on évoque, à travers ces questions, la légitimation du
pouvoir. La légitimation vise à établir ou à parvenir à l’assentiment général ou à
l’acceptation par les gouvernés de l’autorité des gouvernants. Concrètement, cette adhésion
des citoyens ou des gouvernés repose nécessairement sur une double participation.

La première participation citoyenne est accolée à la désignation des gouvernants. Elle


conditionne la légitimité des gouvernants c'est-à-dire leur acceptation, en fait leur
reconnaissance en tant qu’autorités d’une part, et l’obéissance de la part des gouvernés
d’autre part. Cette première condition constitue donc la source de la légitimité des
gouvernants, laquelle renvoie assurément aux gouvernés (Chapitre I).

La seconde participation citoyenne concerne plutôt l’organisation du pouvoir que sont


appelés à exercer les gouvernants. Pour que l’autorité des gouvernants soit considérée comme
légitime c'est-à-dire acceptée par les gouvernés, il faudrait que ces derniers participent à son
organisation, par la participation à l’adoption et à l’établissement de règles précises,
généralement fixées dans une constitution, et qui déterminent l’étendue, les limites et les
conditions d’exercice des attributions de chaque gouvernant, ainsi que les rapports possibles
entre les différentes institutions étatiques (Chapitre II).

42
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

CHAPIRE I

LES GOUVERNES ET LES GOUVERNANTS

Evoquer les rapports entre les gouvernés et les gouvernants, c’est, à n’en point douter,
rechercher la source ou l’origine du pouvoir, et étudier la dévolution du pouvoir. Par
conséquent, l’étude constitutionnelle du pouvoir politique consiste en l’identification du
titulaire ou du détenteur de ce pouvoir d’une part, et en la justification de ce pouvoir d’autre
part. En effet, la démocratie implique que le peuple participe à l’exercice du pouvoir. C’est
pourquoi il est important d’étudier et de situer les diverses formes possibles de participation
(Section I). Cette participation des gouvernés se réalise à l’occasion de la dévolution du
pouvoir en général, et à celle de l’effectivité des modes de scrutin en particulier (Section II).

SECTION I LA PARTICIPATION DES GOUVERNES

La participation des citoyens pose un double problème de souveraineté. Il s’agit d’abord de


savoir qui est titulaire de la souveraineté car selon qu’on l’attribue à la nation ou aux citoyens,
ce qui correspond à la distinction classique de la souveraineté nationale et de la
souveraineté populaire, les conséquences quant à la participation des gouvernés seront assez
différentes (§ 1). Il s’agit ensuite de savoir comment la souveraineté est exercée car cet
exercice peut être direct ou indirect, ce qui correspond à la distinction également classique de
la démocratie directe et de la démocratie représentative. Il s’agit enfin de savoir si une
formule mixte ne peut être adoptée, que l’on qualifie habituellement de démocratie semi-
directe (§ 2).

43
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

§ 1. LA THEORIE DE LA SOUVERAINETE

Il faut rappeler utilement ici que selon la conceptualisation de Jean Bodin dès le XVIe siècle,
la souveraineté, en tant qu’attribut ou critérium juridique l’Etat, s’analyse en un pouvoir
suprême caractérisé par une puissance absolue, une indépendance totale et l’absence de toute
ingérence quelconque.

La théorie de la souveraineté se propose, au point de départ théorique, de donner une réponse


à cette question : à qui appartient dans l’Etat, la souveraineté, c'est-à-dire le pouvoir suprême
de commander et de contraindre ? En d’autres termes, qui est la source du pouvoir politique
dans l’Etat, ou bien qui est le détenteur de la souveraineté, ou encore qui est le souverain et
d’où tient-il son pouvoir ? Ces questions sont importantes car de la réponse à leur apporter
dépendent l’importance et les modalités de participation des citoyens au pouvoir.

On sait que la réponse traditionnelle, tout au moins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, est que la
souveraineté est royale : c’est la théorie théocratique de la souveraineté. Selon cette
conception, tout pouvoir vient de Dieu. Le monarque tient son pouvoir de Dieu, mais lorsqu’il
l’a reçu, ce pouvoir lui appartient ; il en est le détenteur et, pour ainsi dire, le propriétaire.

Cependant, quand bien même unanimes sur l’origine divine du pouvoir, les tenants de la
conception théocratique de la souveraineté se divisent et s’affrontent à propos de
l’explication de l’attribution du pouvoir à son titulaire. D’un côté, certains théologiens
considèrent que le titulaire du pouvoir tient son pouvoir de Dieu qui en est à la fois le
propriétaire et celui qui l’exerce : c’est la théorie de droit divin surnaturel. De l’autre,
d’autres théologiens soutiennent plutôt que si le pouvoir provient de Dieu, son exercice est
plutôt confié à un homme choisi par les gouvernés sous l’inspiration divine : c’est la théorie
de droit divin providentiel.

Autrefois prédominantes notamment au XVIe siècle, les théories théocratiques de la


souveraineté seront dénoncées, désacralisées et laïcisées, à partir du XVIIIe siècle
correspondant à la philosophie des Lumières. Leur étude n’est plus que d’un intérêt historique,
puisqu’elles ont été supplantées par les théories dites démocratiques de la souveraineté.
Celles-ci se résument à deux : la souveraineté nationale (A) et la souveraineté populaire
(B). Mais, la distinction a actuellement perdu sa netteté initiale.

44
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

A. LA SOUVERAINETE NATIONALE OU DE LA NATION-PERSONNE

Dans cette première formule, la souveraineté est confiée à la nation, être collectif et
indivisible, une entité abstraite distincte des individus qui la composent. Si la
souveraineté appartient à la nation, elle ne réside pas dans la masse des citoyens ajoutés les
uns aux autres, mais dans la collectivité globalement comprise et dont la volonté ne peut être
dégagée que par ses représentants à la lumière d’une délibération commune.

Elle a été notamment énoncée par l’Abbé Siéyès, en 1789, dans son pamphlet Qu’est ce que le
Tiers-Etat ? et son principe figure à l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen du 26 août 1789 qui dispose : « Le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en
émane expressément ».

La souveraineté nationale implique que la source du pouvoir réside dans la Nation. En tant
qu’être abstrait, la nation est, en effet, composée des individus présents, passés et à venir. La
Nation en tant que personne morale est dotée d’une volonté propre, d’une seule volonté, et
une volonté trangénérationelle.

La souveraineté nationale comporte plusieurs conséquences :

- L’indivisibilité de la souveraineté nationale : la nation a une volonté, et une seule. Si


la nation veut déléguer sa souveraineté, elle doit alors la déléguer tout entière à ses
représentants élus, c’est-à-dire aux assemblées parlementaires ; l’inaliénabilité de la
souveraineté nationale : la souveraineté est intangible, ne peut être cédée ; en
conséquence, elle ne peut être déléguée que de manière temporaire, pour une durée
limitée. A tout moment et sans condition, la nation peut décider de recouvrer
entièrement sa souveraineté, c'est-à-dire de déposséder les représentants de l’exercice
de la souveraineté. ; l’imprescriptibilité de la souveraineté nationale : la souveraineté
nationale ne subit aucune atteinte du temps c'est-à-dire qu’elle ne peut jamais
disparaître ; elle est donc impérissable, immuable, perpétuelle et éternelle.

45
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

- Nécessité d’une représentation ou d’une transposition de la souveraineté nationale


en souveraineté parlementaire : étant la volonté dune personne morale privée de tout
substratum physique, mais plutôt dotée d’un substratum psychologique, indépendante
au surplus des individus qui la composent, la souveraineté de la nation-personne ne
peut s’exprimer elle-même. Elle doit nécessairement recourir au service d’interprètes
ou de porte-parole qualifiés. Ce rôle ne peut être assumé que par des êtres physiques,
c'est-à-dire les représentants du peuple.

- La notion d’électorat-fonction : personne morale, la Nation ne peut exprimer elle-


même sa volonté. Elle a donc besoin de désigner des représentants pour ce faire. Le
régime sera donc représentatif mais il ne sera pas forcément démocratique. les
individus, n’étant pas titulaires de la souveraineté, n’ont pas vocation à l’exercer. De
la sorte, ils n’ont pas nécessairement le droit de vote et le suffrage restreint
(censitaire) est légitime. Le vote devient alors une simple fonction qui doit être
confiée aux citoyens les plus éclairés, les plus capables, les plus aptes, les plus dignes.
(suffrage restreint, censitaire ou élitiste comme dans la Constitution française de
1791).

Dans la lignée de la souveraineté nationale, le mandat impératif est prohibé. En effet, les
représentants représentent la nation entière et non leurs électeurs. Le choix de l’électeur se
limite à la personne de son représentant. Etant chargés d’exprimer la volonté de la Nation, ils
n’ont pas à recevoir d’instructions des électeurs et ne doivent pas leur rendre de comptes. Ils
sont libres de leur vote au sein des assemblées. Ils disposent également d’une certaine liberté
dans l’appréciation de la volonté de la nation. Ils ne relèvent que de leur propre conscience et
votent selon leur intime conviction. Leur mandat est donc représentatif.

46
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

B. LA SOUVERAINETE POPULAIRE

Dans cette seconde formule, la souveraineté appartient aux citoyens, ou si l’on veut, au
peuple mais elle est partageable entre tous les individus qui le composent. A la différence de
la nation (entité abstraite), le peuple est considéré comme une entité concrète, c’est-à-dire
comme le total des individus physiques qui le composent. Partant, la souveraineté populaire
est faite de l’addition des souverainetés individuelles et chaque individu détient une parcelle
de cette souveraineté.

La théorie de la souveraineté populaire est l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau, en 1762, dans


son ouvrage Du contrat social. Dans son ouvrage précité, Jean-Jacques ROUSSEAU a
largement développé cette conception de la souveraineté : « Supposons que l’État soit
composé de dix mille citoyens. Le Souverain ne peut être considéré que collectivement et en
corps. Mais chaque particulier, en qualité de sujet, est considéré comme individu. Ainsi, le
Souverain est au sujet comme dix mille est à un, c’est-à-dire que chaque membre de l’État n’a
pour sa part que la dix millième partie de l’autorité souveraine, quoiqu’il lui soit soumis tout
entier ». En conséquence, pour chaque décision, la totalité des individus doit être interrogée.
Et comme l’explique Alexis DE TOCQUEVILLE, « Chez les nations où règne le dogme de la
souveraineté du peuple, chaque individu forme une portion égale du souverain et participe
également au gouvernement de l’État. Chaque individu est donc censé être aussi éclairé,
aussi vertueux, aussi fort qu’aucun autre de ses semblables ».

La souveraineté populaire implique que la source du pouvoir réside dans le peuple. Il est
donc souverain. Le peuple est constitué de l’ensemble des citoyens d’un Etat et chacun d’eux
détient une parcelle de souveraineté.

Pour autant, la souveraineté est indivisible car c’est bien le peuple qui est souverain et non
chaque individu le composant, ce que résume parfaitement l’article 7 de la Constitution de
179 qui affirme que « le peuple souverain est l’universalité des citoyens français ».
D’ailleurs, le peuple n’a qu’une volonté : la volonté générale.

47
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Comme l’explique Jean-Jacques Rousseau, elle se distingue de la somme des volontés des
individus la composant : « il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la
volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun, l’autre regarde à l’intérêt privé
et n’est qu’une somme de volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et
les moins qui s’entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale » (Du
contrat social, Livre 2, Chap. 3). La souveraineté populaire est aussi inaliénable parce que le
peuple ne peut pas transférer définitivement sa souveraineté. Elle est imprescriptible parce
qu’aucune délégation d’exercice de cette souveraineté, même pour une longue durée, ne peut
empêcher le peuple de la reprendre. Etant donné que chaque individu composant le peuple
détient une parcelle de souveraineté, ils participent tous à la formation de la volonté générale.
Dans ces conditions, chacun doit prendre part aux décisions. Ainsi, la souveraineté populaire
implique la démocratie directe.

Toutefois, il s’agit d’un idéal qui n’est réalisable que dans les Etats ou des collectivités
territoriales ayant une population réduite. En effet, il est impossible de réunir dans un même
lieu l’ensemble des citoyens composant le peuple pour légiférer, adopter les mesures
réglementaires, rendre la justice… lorsqu’ils sont trop nombreux.

Dans ces conditions, des « députés-commis » (Rousseau) doivent être élus pour exprimer la
volonté du peuple. Mais, pour ne pas le priver de sa souveraineté, d’une part, ces élus ne
peuvent s’écarter des instructions de leurs électeurs. Si les citoyens estiment que leurs élus
n’ont pas respecté leur mandat, ils pourront les révoquer. Ainsi, les députés sont investis d’un
mandat impératif. D’autre part, lors de l’élection de ces députés, chacun des citoyens devant
pouvoir exprimer sa parcelle de souveraineté, le vote est un droit : électorat-droit et le
suffrage est donc obligatoirement universel. Par conséquent, la souveraineté populaire
implique la démocratie que l’on peut définir par la formule classique : « le gouvernement du
peuple, par le peuple et pour le peuple ». Cela signifie que les gouvernés sont aussi les
gouvernants. Plus précisément, il s’agit d’une démocratie semi-directe car même si le peuple
élit ses délégués, il conserve des moyens de s’exprimer directement (par le biais du
référendum par exemple).

48
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne

Aujourd’hui, et en conclusion, on constate plutôt la conciliation pratique des deux théories


de la souveraineté. A preuve, le compromis établi entre ces deux théories se retrouve dans
l’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 et l’article 26 de la Constitution Centrafricaine
du 30 mars 2016, lesquels disposent que la souveraineté nationale appartient au peuple qui
l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. En vérité, en faisant coexister un
régime représentatif avec une procédure de démocratie semi-directe, les constitutions
française et centrafricaine mêlent les deux notions. En définitive, le peuple ne remplace pas la
nation ; mais, la nation existe, dorénavant, par lui, et non plus seulement par ses
représentants.

§ 2. LES DIFFERENTES FORMES DE DEMOCRATIE

49

S-ar putea să vă placă și