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Liviu STROIA

Les rapports entre l'Ilias Latina et l'Iliade d'Homère.

Quelques remarques

Notre communication porte sur l’un des poèmes latins assez connus aujourd’hui, mais, en
revanche, souvent lu pendant l’Antiquité tardive et le Moyen Âge, lorsqu’il fut le modèle et la
source d’inspiration d’autres productions littéraires en vers ou même en prose. Il s’agit de l’Iliade
Latine, une création d’époque néronienne, comptant seulement 1070 vers et qui, comme le titre
même le met en relief, raconte des épisodes de la guerre de Troie, suivant le modèle de l’Iliade
Homérique.

Dans les pages suivants, nous allons présenter les principaux problèmes concernant la
naissance de cette épitomé, la date à laquelle il a été écrit, l’auteur et sa structure, le vocabulaire
utilisé, en prêtant aussi attention au milieu culturel qui a créé les prémisses de sa composition.
Mentionnée seulement en passant par les histoires littéraires, l’Iliade Latine pose des
problèmes intéressants, spécialement en ce qui concerne le vocabulaire utilisé, et qui témoigne
d’une bonne connaissance du latin par son auteur, que l’on designe souvant comme Baebius. Il a
eu en tant que modèles principaux Virgile et Ovide. Toutefois on trouve chez Baebius, à part des
éléments consacrés par l’épopée, également des expressions courantes dans la poésie
contemporaine. On remarque des analogies avec des auteurs et des ouvrages postérieurs, mais pas
très éloignés du point du vue de la date, comme par exemple avec les Argonautica de Valerius
Flaccus. Ce qui prouve que l’auteur de l’Iliade Latine a participé activement aux mouvement
culturels de l’époque, en adoptant des lieux communs et des expressions à la mode.
À part cela, notre poème aide à mieux comprendre le monde littéraire de la période
néronienne, parce que, en dernière instance, on ne saurait comprendre les grandes créations et les
grands créateurs si l’on ne connaît pas les écrivains moins renommés. Les derniers se prêtent
mieux à l’analyse que ceux qui produisent des chefs-d’oeuvres et, par conséquence, échappent à
toute classification canonique, en mettant toujours en branle de nouveaux critères.

Baebius n’est guère un poète remarquable, mais il attire l’attention d’un lecteur intéressé
plutôt par la vie littéraire d’une société, en l’occurance de la société néronienne, où les circuli
culturels, d’après le nom qu’on fournit la littérature spécialisée, occupent une position spéciale et
où le talent poétique et artistique peut être le moyen d’acquérir une position significative sur la
scène politique du moment.
2
L’intérêt soulevé par Homère à Rome a été toujours très important. Le premier témoignage
d’une traduction de l’Odyssée comporte les fragments conservés de la traduction de Livius
Andronicus, considéré le point de départ de la littérature latine, selon Quintilien Inst. 10,2,7 Nihil
in poetis supra Liuium Andronicum, nihil in historiis supra pontificum annales haberemus.
L’épitomé conservée sous le nom d’Ilias Latina doit être placée dans le cadre de l’intérêt
général pour les poèmes homériques. Au fil de ses 1070 hexamètres, très marqués par les ouvrages
de Virgile et d’Ovide, le poème attire notre attention premièrement par sa structure: bien plus de
la moitié du nombre total des vers portent sur les cinq premiers chants de l’Iliade, alors que moins
de la moitié résument les autres dix-neuf chants. On arrive dans certaines situations1 à remarquer
que l’action d’un chant entier est résumée seulement dans quelques vers, en fonction de l’intérêt
montré par l’auteur pour différents épisodes de l’épopée homérique qui a été son modèle. Outre
des récits en prose sur la guerre de Troie, attribués à Dictys 2 et à Dares3, le poème à représenté une
source importante pour le Moyen Âge, à un moment où peu de gens savaient lire le grec ancien.
Hormis des remarques déjà avancées par nous, l’Ilias Latina a été sans aucun doute une source
précieuse pour l’auteurs médiévaux.
Homère est lu à Rome au niveau supérieur de l’enseignement, à côté de Virgile, et on
privilégiait notamment quelques passages de l’Iliade, épopée mieux connue et prisée que l’autre
poème homérique. Cela s’avère aussi évident dans le poème de Baebius, qui assigne plus d’espace
aux passages qui peuvent être reproduits dans le style de Virgile ou d’Ovide, comme par exemple
les chants 1 et 2, la scène cruelle de la lutte ou l’épisode où Priam prie Achille de lui rendre le
corps de Hector. Le but supposé didactique du poème est mis en relief par les jugements de
Quintilien: Quint. inst. 12, 10, 64 Nam et Homerus breuem quidem cum iucunditate et propriam (id enim
est non deerrare uerbis) et carentem superuacuis eloquentiam Menelao dedit, quae sunt uirtutes generis
illius primi, et ex ore Nestoris dixit dulciorem melle profluere sermonem, qua certe delectatione nihil fingi
maius potest: sed summam expressurus est in Vlixe facundiam et magnitudinem illi uocis et uim orationis
niuibus et copia uerborum atque impetu parem tribuit. Par conséquent, c’est précisément à Ménélas, à
Nestor et à Ulysse, les modèles consacrés de l’éloquence, que Baebius attribue les ῥήσει si
appréciées plus tard par Quintilien. En ce qui concerne la fameuse prière adressée par Priam à
Achille, elle était l’un des thèmes les plus communs utilisés dans les exercices pratiqués à
l’interieur des écoles de rhétorique. Le fragment est considéré par Quintilien comme l’exemple
parfait de l’épilogue: Quint. inst. 10, 1, 50 Nam epilogus quidem quis umquam poterit illis Priami
rogantis Achillem precibus aequari? Quid? in uerbis, sententiis, figuris, dispositione totius operis nonne
humani ingenii modum excedit?
D’autres thèmes connus et étudiés dans les écoles de rhéthorique, lors les exercices de
confirmatio et refutatio, sont aussi repris et développés par Baebius. L’un des exemples les plus
appropriés, c’est Thersite, le paradigme négatif consacré par la littérature latine. Il est dépeint avec
beaucoup des détails, d’après le modèle homérique:
Il. Lat. 136-139
3
hic tunc Thersites, quo non deformior alter
uenerat ad Troiam nec lingua proteruior ulli,
bella gerenda negat patrias hortatus ad oras
uertere iter;
Comme on le constate, dans la variante latine, c’est Thersite, et non Agamemnon, qui suggère
au Grecs d’abandonner le combat et de rentrer dans leur patrie.
Il faut aussi faire mention ici de la prophétie d’Aulide, reprise avec soin, probablement
suivant Ovide, ou du catalogue des troupes, qui, quoique monotone et quelquefois terne, est aussi
repris, comme lieu commun, avec soin, comme il arrive en général dans presque tous les épisodes
tirés des premier chants d’Iliade. Des remarques comme celles-ci dénotent un poème conçu et
rédigé par un littérateur d’époque néronienne, peut-être un enseignant, mais en tout cas
quelqu’un de familiarisé avec l’école et ses curricula. Il est très probable que le but originel du
poème a été didactique; autrement un épitomé dans le sens strict du terme aurait dû prêter une
attention égale à tous les chants et les motifs homériques, en privilégiant la transmission fidèle du
contenu. Cependant l’attitude de Baebius est bien différente: il suit Virgile et Ovide, développe
quelques fragments au détriment des autres, particulièrement les premiers chants de l’Iliade, afin
de s’écarter de l’original au fur et au mesure qu’il avance dans la rédaction de son oeuvre.
Une preuve de l’impact exercé par l’Ilias Latina sur les écrivains de l’époque médiévale nous
livre le poème qui s’appelle les Gesta Berengarii. Pour l’auteur de ce poème à 1090 hexamètres, écrit
probablement par un enseignant de la région de Vérone au 10ème siècle, l’Ilias Latina représente
une source principale, à coté de l’Éneide de Virgile et de la Thébaïde de Stace. Divisé en quatre
chants, les Gesta Berengarii raconte, dans un style haut en couleur, les exploits héroïques du neveu
de Luis le Pieux, Berengarius Ir, Marquis de Friuli, à partir de son élection comme roi de la Italie en
887 jusqu’à son couronnement par le Pape en 915. À la manière de Virgile, qui soutient dans son
poème la renaissance de Rome sous Auguste et décrit l’âge d’or, Saturnia regna4, que l’humanité
traverse pendant le règne du fondateur du Principat, les Gesta Berengarii comporte aussi un fort
propagandisme au bénéfice d’une nouvelle époque, de prospérité et de paix, d’abondance et de
renouveau eschatologique (Gesta Ber. 1, 69-70 Tondent prata greges, pendentque in rupe
capellae./Omnibus una quies, et pax erat omnibus una), qui commence avec le règne de Berengarius,
légitimé par le voeu de Charlemagne sur son lit de mort. Le fait que l’épitomé de Baebius est
connu par un enseignant de la région de Vérone au 10ème siècle constitue un élément qui révèle la
généreuse diffusion de l’Ilias Latina pendant le Moyen Âge. Deux moments de l’Ilias Latina
intéressent davantage l’auteur anonyme des Gesta: la description du bouclier5, qui lui donne
l’occasion de présenter la renouatio mundi commence par le règne de Berengarius, et la lutte entre
les Grecs et le Troyens6, qui lui fournit l’occaion de présenter la confrontation entre Berengarius et
Guido de Spoleto, aussi bien que la diritas de Guido. Voici quelques fragments qui montrent la
bonne maîtrise de l’épitomé latin par l’auteur anonyme du 10ème siècle, et qui prouvent que l’Ilias
Latina a été un modèle probablement connu par coeur:
4
Il. Lat. 111
nox erat et toto fulgebant sidera mundo
Gesta Ber. 1, 127
Annua vix toto rutilarunt sidera mundo
Il. Lat. 128
et petere Iliacos instructo milite campos.
Gesta Ber. 3, 37
Nos petere Ausonias collecto milite terras.
Il. Lat. 888
tondent prata greges, pendent in rupe capellae
Gesta Ber. 1, 69
Tondent prata greges, pendentque in rupe capellae
Pour l’auteur des Gesta, l’Ilias Latina représente un modèle confortable duquel il peut
emprunter à son aise des motifs et des tournures. L’épitomé de la période néronienne lui fournit
les éléments don’t il a besoin pour sa laus Berengarii, autant que l’occasion d’utiliser une matière
déjà très familière dans les écoles. Le maître du 10ème siècle à l’air d’homme de lettres qui traite
de la littérature d’un âge d’or en faisant appel au filtre d’un poème qu’il connaît fort bien. Ce
poème, grace au l’hasard de l’histoire, est devenu très prisé pendant le Moyen Âge. L’Ilias Latina,
qui n’est pas du tout un simple résumé du poème homérique, mais qui montre, notamment vers
sa fin, quelques modifications et différences essentielles par rapport à l’Iliade, est très influencé par
la langue de Virgile et Ovide. Il a été écrite, vraisemblablement, entre 60 et 68, si on regarde les
vers 899-902:
quem nisi seruasset magnarum rector aquarum,
ut profugus Latiis Troiam repararet in aruis
Augustumque genus claris submitteret astris,
non clarae gentis nobis mansisset origo.

Un pareil éloge des Julio-Claudiens aurait été inutile s’iln’y avait pas sur le trône de l’empire
un représentant de cette dynastie, dans notre cas Néron. Par voie de conséquance, le poème ne
saurait être postérieur à 68. Ensuite, un argument révélateur, pour ce qui est de la datation après
60, est suggéré par les vers 875 sqq.:
terra gerit siluas horrendaque monstra ferarum
fluminaque et montes cumque altis oppida muris,
in quibus exercent leges annosaque iura
certantes populi; sedet illic aequus utrisque
iudex et litem discernit fronte seuera.
parte alia castae resonant Paeana puellae
dantque choros molles et t`mpana dextera pulsat;
ille l`rae graciles extenso pollice chordas
5
percurrit septemque modos modulatur auenis:
carmina componunt mundi resonantia motum.
rura colunt alii, sulcant grauia arua iuuenci
maturasque metit robustus messor aristas
et gaudet pressis immundus uinitor uuis;
tondent prata greges, pendent in rupe capellae.
haec inter mediis stabat Mars aureus armis
quem diua poesis reliquae circaque sedebant
anguineis maestae Clotho Lachesisque capillis.

Ces vers font partie de la description du bouclier d’Achille, mais les scènes dépeintes sont
autres que celles que l’on trouve chez Homère et font allusion à Néron comme citharède, en
l’espèce à un Néron identifié avec Apollon, et qui est également un aequus iudex. La description de
la paix qui s’installe avec le régime du nouvel empereur, après les années difficiles et cruelles subis
sous le règne de Claude, et dont parle Sénèque dans l’Apokolokyntosis, représente un thème
courant de la propagande impériale de l’époque, qui souligne des concepts comme ius et aequitas
et qui devient plus active à partir de 59-60. Si nous acceptons cette datation pour l’épitomé,
l’attribution à Silius Italicus devient moins probable. La valeur littéraire de l’Ilias Latina est
sensiblement inférieure aux Punica de Silius, et puis, en acceptant que Silius était né en 26, il n’était
plus en 60 un jeune poète en quête de succès. Ce qui veut dire par voie de conséquance que nous
ne pouvons l’estimer comme un ouvrage de jeunesse.

À l’exception de ces quatre vers, on peut distinguer dans l’ensemble du poème une attitude
généralement filo-troyenne. Le trait essentiel des épithètes octroyés aux Troyens réside dans le
caractère laudatif du poème7. De ce fait, on peut supposer une préférence de l’auteur pour les
Troyens; cette supposition est confirmée par les vers 250-251:
his se defendit ducibus Neptunia Troia,
uicissetque dolos Danaum, ni fata fuissent.
Ces vers sont introduits par Baebius avec une intention évidemment partisane: les Grecs ne
l’ont pas emporté grâce à leur bravoure, mais grâce à une dolos, et les Troyens ont été défaits par
cette dolos grâce aux fata, c’est à dire à un destin inévitable et imposé aux hommes. Surprenante est
de même l’anticipation très hâtive du dénouement de la bataille, lors des vers contenant des
allitérations qui confèrent une nécessaire solennité. Les doli Danaum sont fort connus, cf. Verg. Aen.
2, 44 dona carere dolis Danaum? sic notus Vlixes?
La chose la plus intéressante semble être la figure de Coroebus, qui n’existe pas chez Homère,
et qui met en exergue l’influence exercée par Virgile et par Ovide; car on trouve Coroebus dans
Aen. 2, 341 Coroebus Mygdonides, venu à coté des Trojans par amour pour Cassandre8; 2, 386; 2, 407;
2, 424; on le retrouve aussi chez Ovide, Ibis 575. On voit que la tradition a été si fortement
influencée par Virgile, que la figure de Coroebus devient part de la matière épique.
6
À plusieurs reprises Baebius semble faire allusion à la famille impériale:
et sacer Aeneas, Veneris certissima proles9

et
emicat interea Veneris pulcherrima proles10

Publius Baebius Italicus est un jeune poète, encore non affirmé, et qui est reçu et soutenu par
l’empereur dans son cercle. Nous savons de lui qu’il a été quaestor en Chypre, tribun du peuple,
légat du proconsul dans la Gaule Narbonnaise; il a été remarqué en 83 pendant la guerre de
Domitien contre les tribus germaniques, il a été légat de la Lycie et de la Pamphylie en 85, puis
consul suffectus en 90.
L’Ilias latina est plus qu’un résumé de l’Iliade homérique: c’est une tentative originelle. L’auteur a
cherché sans doute à créer une structure homogène, car il a traité tous les chants de l’épopée
homérique; mais il les a traités différemment, en donnant plus d’importance aux uns (1, 2, 3, 5, 7,
22), moins aux autres (9, 11, 12, 14, 15, 20, 21, 23) et, enfin, presque aucune importance aux chants
13, 17 et 19. Il arrive très souvent aux épitomateurs qu’ils avancent de plus en plus vite à mesure
qu’il approchent de la fin du travail qu’il se sont proposé, et il en est de même dans ce cas, car les
cinq premiers chants occupent 537 vers, c’est-à-dire plus de la moitié du nombre total.
Au fur et à mesure qu’on avance, Baebius et de plus en plus pressé et commence à comprimer
le contenu des chants homériques, essayant d’arriver au plus vite au terme de son labor. Il est
normal pour les poètes romains qui suivent un modèle grec d’accorder la plus grande attention
aux premiers vers, qui aident ainsi à la bonne identification de l’ouvrage. C’est notre cas aussi, car
le premier vers, iram pande mihi Pelidae, Diua, superbi montre très clairement que nous allons lire
une autre Iliade, cette fois -ci écrite en latin. Le premier vers fournit souvent aussi le titre de
l’ouvrage, comme par exemple arma uirumque; qui est le titre alternatif pour Éneide.
Il faut tenir compte du fait que le poème latin a été écrit à une époque historique toute
particulière, qui représente, après plusieurs années d’expériences littéraires, une nouvelle période
culturelle, riche en manifestations de toute sorte, et surtout encouragées par l’empereur, c’est-à-
dire par Néron, le nouvel Apollon.
Poète de son époque, Baebius ne prête pas grande importance à l’appareil divin.
Généralement, on passe sous silence les conseils des dieux, leurs interventions pendant le combat.
C’est parce qu’il ne s’intéresse pas à la reconstruction intégrale du monde homérique, que le poète
reproduit et quelquefois réinterpréte, toujours dans l’esprit de la rhétorique à la mode. Le poème
est grec sur le fond, mais latin par sa forme. On a vu que Baebius reprend, plus ou moins, la
matière épique de l’Iliade et cherche de reproduire aussi fidèlement que possible les éléments
principaux de l’histoire de la guerre de Troie. Mais il faut aussi mentionner les points sur lesquels
Baebius s’avère être original, en s’écartant de son modèle pour introduire des détails qu’on ne
trouve pas chez Homère:
— l’éloge des Julio-Claudiens vv. 899-902, à côté de nombre d’allusions à la famille impériale,
7
e.g. v. 236 et sacer Aeneas, Veneris certissima proles, la description du bouclier qui fait allusion à la
nouvelle aurea aetas inaugurée par Néron, etc.
— le parti pris pour le Troyens, qui sont considérés comme les ancêtres des Romains. Ils ne sont
pas défendus par les Grecs, mais, au contraire, par les fata, cf. v. 251 uicissetque dolos Danaum, ni fata
fuissent.
Les bons sentiments à l’égard des Troyens sont visibles/marqués dans tout le poème, et ils
constituent l’expression d’un courant de l’époque, qui leur est très favorable. Cette sorte des
sentiments sont encouragés par l’empereur même, grand amateur d’Homère. Voici quelques
exemples qui soutiendront l’affirmation: le portrait de Hector vv. 228-232, plus minutieux que
celui d’Homère, avec la description des armes d’après la description des armes de Paris, Il. 3, 330-
338; le portrait de Paris avec plus des détails qui se réfère à sa beauté: forma melior, fortis in armis,
belli causa, patriae funesta ruina18; le casque de Paris est fulgens auro, probablement d’après le
homérique χρύσεος λόφος, qui décrit le casque d’Achille19; les héros Troyens occupent la plus
grande partie du catalogue des troupes et de surcroît on y fait mention de héros qui ne se trouvent
pas dans le catalogue homérique20; Hector est glorifié et toujours présenté comme le seul appui de
Troie, le dernier espoir, d’après un topos qui est bien sûr homérique et très aimé par Baebius:
fortissimus Hector, patriae columen Mauortius Hector; Martius Hector; bello maximus Hector; Hector
ferox; Danaum metus impiger Hetor; feruidus Hector; unus tota salus in quo Troiana manebat Hector;
superbi Hectoris; insignem bello Hectora; ruit omnis in uno Hectore causa Phrygium; unum decus
Phrygiae; Troius Hector; o, patriae, germane, decus; maximus heros; Priami filius dux ille ducum, quem
Graecia solum pertimuit, tantus dux; Priam, en implorant Achille de lui confier le corps de Hector, est
bien plus digne qu’il est chez Homère, alors que son discours est plein de figures rhétoriques,
comportant des éléments qui remontent à Virgile.
— Baebius est un bon connaisseur de la tradition épique latine, et aussi de la rhétorique. C’est
précisément à Ménélas, Nestor et Ulysse qu’il donne la parole pour les fameuses ῥήσει
homériques. La langue est fortement marquée par ses modèles, notamment par Virgile et Ovide. Il
respecte également la bonne tradition épique et il emploie des synonymes pour Graecus, qui est le
terme le plus banal: Achiui, Argolici, Danai, Dorici, Graii, Pelasgi; Baebius évite les adverbes et
emploie les constructions avec des adjectifs, par exemple crueli manu pour crueliter; les seules
formations en -ter sont turpiter, fortiter, pariter; il emploie aussi des formes en -ius, souvent avec
heros, ou des périphrases contenant un substantif abstrait et le génitif du nom; les noms propres
sont accompagnés des épithètes tirés de la tradition épique latine et devenus traditionnels, mai le
plus souvent indépendants par rapport aux épithètes homériques; le ton est solennel quand il
s’agit des dieux ou des héros; les composés en -ger et -fer semblent faits d’après Virgile; il faut
aussi signaler l’imparfait rimabant, forme active au lieu de la forme moyenne usuelle et le
nominatif Iouis pour le classique Iuppiter; parmi les noms d’agent, commentor est ovidien, mais
comitator, si la forme donnée par Vollmer est correcte, est un hapax; on y trouve aussi des formes
poétiques en -tus comme uolatus et interitus, mais aussi des mots qui n’appartiennent pas à la
8
langue épique.
— la métrique de Baebius est très rigoureuse et conforme à la métrique d’Ovide et de Virgile. Le
spondée au premier pied du hexamètre a la même fréquence que chez ses modèles, mais il est
fréquent au quatrième, comme chez tous le poètes d’époque d’Auguste; souvent le spondée du
quatrième pied coïncide avec la fin d’un mot, ce qui produit une certaine monotonie rythmique.
On remarque dans le texte de l’épitomé plusieurs interpolations de la tradition épique latine ou,
quelquefois, même des erreurs:
— la mention du moment de la journée à l’aide des plusieurs périphrases consacrées, e.g. v. 48 sq.
iam noctis sidera nonae/transierant decimusque dies patefecerat orbem;
— l’emploi des mots latins pour les armes ou autres instruments de guerre, e.g. testudo (v. 767),
tuba (v. 1049);
— l’attitude de Thersite, plutôt semblable à un tribun à Rome, v. 136 sqq. hic tunc Thersites, quo
non deformior alter/uenerat ad Troiam nec lingua proteruior ulli,/ bella gerenda negat patrias
hortatus ad oras/uertere iter;
— la prophétie d’Aulide est attribuée à Nestor, comme le symbole du sage et du bon conseiller, et
pas à Ulysse: vv. 144 sqq. tandem sollertis prudentia Nestoris aeuo/ compressam miti sedauit
pectore turbam/admonuitque duces dictis, responsa recordans/temporis illius, quo uisus in
Aulide serpens/consumpsit uolucrum bis quattuor arbore fetus/atque ipsam inualido pugnantem
corpore contra/addidit extremo natorum funere matrem;
— la mention du nom d’Arsinou (v. 246), le père de Cromius et d’Ennomus, un personnage qui
n’est pas connu à Homère;
— la mention du Coroebus, un héros post-homérique: v. 247 simul et Iouis inclita proles/Sarpedon
claraque satus tellure Coroebus;
— les armes d’Achille sont ouvrées sur l’Etna, et pas sur l’Olympe: v. 857 sq. excitat Aetnaeos
calidis fornacibus ignes/Mulciber et ualidis fuluum domat ictibus aurum.
Toute la construction de l’épitomé, quoique parsemée d’influences et de topoi de la littérature
latine, prouve que son auteur connaissait très bien l’Iliade d’Homère. Les chiffres et autres détails
sont reproduits avec pédantisme et certains périphrases montrent que Baebius s’adressait à un
public cultivé qui pouvait suppléer l’absence de quelques détails. C’est par exemple la situation
des antonomases ou des noms des héros substitués par constructions comme v. 190 Euhaemone
natus pour Eurypylus, v. 361 Thalysiades pour Echepolus; v. 431 Strophio genitum pour
Scamandrium etc.
Même s’il se révèle comme un bon connaisseur d’Homère, Baebius ne nous étonne pas par
son imagination. Son inuentio est plutôt pauvre, car il emploie presque les même images pour
exposer des événements similaires: par exemple, la lutte entre Hector et Patrocle (v. 825 sqq.)
reprend la lutte entre Hector et Aïas (v. 590 sqq.); l’invocation de Thétis faite par Achille (v. 854
sqq.) après la mort de Patrocle reprend l’invocation des vv. 81 sqq.; la prière de Priam aux pieds
d’Achille (v. 1034 sqq) reprend les mot d’Hector mourant (v. 984 sqq.).
9
On peut conclure que l’étude d’Ilias Latina donne l’occasion de s’immerger à l’intérieur de la
société littéraire de l’époque néronienne, au moyen d’un texte écrit dans une langue accessible et
aux dimensions réduites, qui a aidé à la diffusion des motifs homériques dans des milieux qui
n’avaient pas un accès direct à l’original grec.

(Notes)
1 Comme par exemple le chant 17, résumé en trois vers.
2 Dictys Cretensis, supposé auteur d’une histoire de la guerre de Troie.
3 Dares, prêtre Troyen de Héphaïstos (Il. 5, 9 sqq.). On a conservé de lui une Iliade Phrygienne. 4
Cf. Verg. Buc. 4 5 Cf. Il. Lat. 861-891 6 Cf. Il. Lat. 474-531
7 E.g. fortis, sacer, Veneris certissima proles, ferox, magnae uirtutis in armis, insignis, magnanimi,
ingens, ferox, clarus aetate, bonus armis, florentes aetate, ingens, inclita, clara satus tellure. Cf.
aussi vv. 577-578 maximus Hector / Graiorumque duces inuictis prouocat armis.
8 Coroebus — Phrygien, fils de Mygdon (cf. Il. 3, 186), prétendent, puis fiancé de Cassandre, tué
pendant la déstruction de Troie par Dioméde ou par Néoptolème (cf. Micra Ilias, Iliupersis, Paus.
10, 27, 1), il est tué chez Virgile par Peneleos, le chef des Béotiens, 2, 242. Arrivé trop tard pour
vraiment aider Priam, il n’écoute pas les conseils de sa fiancée; c’est pourquoi Virgile le caractérise
comme infelix.
9 V. 236.
10 V. 483
11 Cf. le commencement de la traduction de Liuius Andronicus.
12 E.g. allitérations comme v. 1035 sq. in senis extremis tua dextera saeuiat annis:/saltem saeua
pater comitabor funera nati
13 Comme par exemple l’emploi du neutre pluriel comme funera, pectora, tempora au cinquième
pied du hexamètre.
14 E.g. v. 345 concilium omnipotens habuit regnator Olympi
15 Par exemple la dispute entre Jupiter et Junon au fin du premier chant.
16 Conservé chez Sénèque, cf. nat. quaest. 1, 5, 6
17 Il. 10, 535
18 vv. 233-234 19 Il. 18, 612 20 E.g. Coroebus, consacré dans la tradition épique par Virgile.

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