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Université de Lyon

Université Jean Monnet de Saint-Étienne


SciencesPo Lyon

Master Altervilles

Claire-Marine JAVARY

Autopartage et nouveaux acteurs de la mobilité :


d’une pratique alternative à une stratégie
d’attractivité
L’exemple de la Métropole de Lyon (2001-2017)

Mémoire de master – 2016/2017


Sous la direction d’Aisling Healy, maître de conférences en science politique à
l’Université de Saint-Etienne
Jury : Maxime Huré, maître de conférences en science politique à l’Université
de Perpignan

0
Remerciements

Je remercie les consultants du bureau d’études et de conseil Nova 7, et en


particulier Julien Casals et Emile Hooge, qui ont su partager leur intérêt pour les
transformations territoriales liées au numérique et pour les nouvelles pratiques qui
en émergent.

Je remercie Aisling Healy, ma tutrice de mémoire, qui a été particulièrement


présente et attentive tout au long de ce travail, et dont les conseils précis et avisés
ont joué un rôle essentiel dans l’avancée sereine de ce mémoire.

Je remercie Maxime Huré, qui a accepté d’être le jury de ce mémoire et dont


les travaux ont beaucoup inspiré le choix de ce sujet et les analyses développées
ici.

Je remercie tous les enseignants et intervenants du master Altervilles.


J’adresse mes remerciements en particulier à Guillaume Arsac et Harold Mazoyer
pour les séances sur le thème « Mobilité et Temporalité », à Stéphanie Lucien-
Brun pour le cours « Ville et Numérique » et à Christelle Morel-Journel pour le
séminaire de recherche en sciences sociales.

Je salue Guillaume Bréjassou, ancien étudiant de l’ENTPE, dont les


entretiens effectués dans le cadre de son mémoire de fin d’études ont été une
source d’informations précieuses pour mes recherches.

Enfin, je remercie Lydia Coudroy de Lille qui m’a permis d’accéder à de


nombreux documents et archives. Je remercie toutes les personnes qui ont accepté
de m’accorder du temps pour répondre à mes questions.

1
Table des matières
Table des matières ......................................................................................................................... 2
Introduction générale ............................................................................................................... 4
Un contexte de transformations rapides dans le domaine des déplacements urbains ...... 5
La Métropole de Lyon : une collectivité engagée dans une stratégie de développement de
la « mobilité durable » ...................................................................................................................... 7
Mobilités partagées et action publique : une question peu explorée en sciences sociales10
Problématique ................................................................................................................................................ 13
Démarche et approche ................................................................................................................................ 14
Méthode d’enquête et sources ................................................................................................................. 15
Annonce du plan ............................................................................................................................................ 17
Premier chapitre - L’autopartage à Lyon : l’émergence d’un nouveau domaine
d'action publique (2001-2012) .................................................................................... 20

1.1. Les origines associatives de l’autopartage lyonnais (2001-2008) ................................. 21


1.1.1. L’association « La Voiture Autrement » et la création d’un service de mobilité
alternatif ............................................................................................................................................ 21
1.1.2. La philosophie de l’autopartage en boucle : un usage raisonné de la voiture ........... 29
1.1.3. La forme associative, une limite pour l’autopartage lyonnais ........................................ 35
1.2. L’institutionnalisation à deux vitesses de l’autopartage lyonnais ..................................... 38
1.2.1. De l’association à l’entreprise publique : reprise et développement du service
Autolib’ par la société d’économie mixte Lyon Parc Auto (2007-2008) .................... 39
1.2.2. Un contexte législatif favorable au développement de l’autopartage ......................... 48
1.2.3. Les débuts précipités de la Métropole de Lyon en faveur de l’autopartage ............... 55
Conclusion du premier chapitre - L’autopartage à Lyon : l’émergence d’un nouveau
domaine d'action publique (2001-2012) ............................................................................... 62
Deuxième chapitre - L’autopartage en one-way : une mobilité « alternative »
comme instrument d’attractivité pour le territoire ............................................. 65

2.1 Agir dans l’incertitude : le positionnement de la Métropole de Lyon face aux


nouveaux acteurs de la mobilité .................................................................................................. 66
2.1.1. Le paysage des nouvelles mobilités : émergence d’acteurs multiples et
transformations rapides ................................................................................................................ 66
2.1.2 Une stratégie d’opportunisme de la Métropole de Lyon vis-à-vis de l’initiative privée
dans le domaine des nouvelles mobilités ............................................................................... 71
2.2 Le service d’autopartage Bluely : la mobilité « durable et partagée » comme terrain
d’entente entre la puissance publique et une grande firme industrielle ...................... 87
2.2.1. Développer un service d’autopartage en one-way : un choix controversé aux niveaux
technique et politique ................................................................................................................... 88
2.2.2 La création de l’autopartage en one-way par le groupe Bolloré : une stratégie de
développement en phase avec les attentes de la puissance publique métropolitaine
100
2.2.3 Le partenariat entre la Métropole de Lyon et le groupe Bolloré : un contrat en forme
de « compromis » ...................................................................................................................... 107
Conclusion du deuxième chapitre – L’autopartage en one-way : une mobilité
« alternative » choisie comme instrument d’attractivité pour le territoire ......... 117
Annexe 1 - Chronologie : l’autopartage en France et à Lyon ................................................... 121
Annexe 2 – Illustrations ............................................................................................................................ 122
Annexe 3 – Entretiens ................................................................................................................................ 124
Annexe 5 – Sources écrites ...................................................................................................................... 169
Bibliographie

2
3
Introduction générale

« C’est ceux qui font du recyclage : des bobos,


c’était des partisans, des écolos purs. C’est ceux qui recyclent
leurs pots, qui se prêtent leur perceuse, ils font aussi du
covoiturage et de l’autopartage. C’était vraiment des niches,
très spécifiques. Et je pense qu’à un moment au niveau des
politiques publiques ça a été de se dire : « non, c’est aussi des
leviers ». On est aussi sur des logiques de bouquet de services, à
un moment il faut se poser la question de la place de la voiture,
on ne va pas pouvoir mettre des transports en commun partout,
le vélo et la marche à pied c’est bien, mais il y a peut-être aussi
une place à laisser à la voiture, avec des nouveaux usages, et
petit à petit il y a eu la construction d’une réelle posture de
politiques publiques par rapport à ces nouveaux usages »1

À Lyon, au début des années 2000, est engagé un projet associatif autour de
quelques habitants sensibles aux questions environnementales : constituer une flotte
partagée de véhicules, dédiés à des usages ponctuels en complément des modes doux,
afin de réduire l’impact écologique de leurs déplacements. Treize ans plus tard, le
groupe industriel Bolloré, en partenariat avec la Métropole de Lyon2, déploie un
service de 130 voitures électriques réparties dans 51 stations, accessibles en libre-
service 24 heures sur 24. L’objectif affiché de ce projet est d’augmenter l’offre de
services de mobilité sur le territoire et de proposer un mode de déplacement « propre »
et « innovant »3. Ces deux dispositifs, bien que leurs caractéristiques soient différentes,
portent le même nom : l’autopartage. Cette pratique, qui modifie le rapport à la
propriété d’une voiture individuelle et perturbe les conceptions traditionnelles des
transports urbains, a donc fait l’objet d’interprétations et d’appropriations différentes,
voire antagonistes. Ce constat donne un écho particulier à l’analyse que Norbert Alter

1
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon
2
Nous utiliserons l’appellation actuelle de « Métropole de Lyon » dans un soucis de lisibilité, bien que
le statut et le nom de cette institution aient évolué au cours du temps dans lequel s’inscrit notre
recherche
3
Dossier de presse du lancement de Bluely à Lyon, groupe Bolloré, octobre 2013

4
propose des innovations4 : « Ce qui permet à une invention de se développer, de se
transformer en innovation, c’est la possibilité de la réinventer, de lui trouver un sens
adapté aux circonstances spécifiques d’une action, d’une culture ou d’une économie ».
Nous proposons d’approcher les circonstances de l’intégration de cette invention
« alternative »5 à une stratégie publique « innovante »6.

Un contexte de transformations rapides dans le domaine des


déplacements urbains

Dans le domaine des déplacements urbains, les prérogatives traditionnelles de


la collectivité sur le territoire de la Métropole de Lyon sont confrontées depuis le début
des années 2000 à des changements importants liés à l'émergence de nouveaux acteurs
et de nouvelles pratiques. Ces évolutions sont principalement liées au développement
des technologies du numérique qui permettent des échanges massifs d'informations, la
mise en contact de l'offre et de la demande de manière optimisée et le traitement des
données produites par les utilisateurs afin d'améliorer les services. Le numérique a
ainsi permis de développer à grandes échelles des pratiques qui existaient auparavant
de manière plus locale et anecdotique, nées de projets associatifs : le covoiturage, qui
consiste à augmenter le taux d'occupation d'un véhicule en mettant en contact des
personnes souhaitant réaliser le même trajet au même moment, et l'autopartage, qui
consiste à partager une flotte de véhicules, afin que chaque utilisateur emprunte
temporairement une voiture en fonction de ses besoins, en complément des autres
modes de transports. Aujourd'hui, ces nouvelles pratiques d'échange et de production
de service sont à l'origine de services de transport et de mobilité déployés dans les
grandes agglomérations. Une diversité de services et d'acteurs sont présents dans ce
domaine, avec des modèles économiques variés et plus ou moins dépendants des
investissements publics. De plus, leurs effets sur les mobilités sont différents,
notamment à travers les deux critères qu’il est pertinent de retenir pour évaluer les

4
Alter N., L'innovation ordinaire, Paris, Presses Universitaires de France, 2000, 287 p.
5
D’après la définition proposée Vincent Béal et Max Rousseau : une politique alternative est issue
d’une logique bottom-up, dans laquelle la société urbaine est un élément moteur, qui ne fait pas des
mécanismes marchands sont principal vecteur d’organisation et qui ne visent pas à reconstruire la ville
pour les groupes sociaux les plus aisés ou la « classe visiteuse ». (« Alterpolitiques! », Métropoles,
décembre 2014)
6
Nous utiliserons les termes « innovation » et « innovant » entre guillemets lorsqu’ils font référence
avant tout à un discours porté par les acteurs

5
dispositifs dans un contexte de cohabitation entre acteurs privés et publics : l’impact
environnemental des déplacements d’une part, et la question de l’accessibilité
financière, physique et sociale des services d’autre part7.
Dans le domaine des mobilités partagées cohabitent aujourd’hui des acteurs
très récents, issus du domaine du numérique et de l’économie « collaborative », aux
côtés d’acteurs plus anciens et traditionnels. La montée en puissance de ces acteurs
collaboratifs depuis 20108 est liée à la rapide démocratisation des smartphones. La
définition du champ de l’économie dite « collaborative » ne fait pas l’objet d’un
consensus entre les observateurs 9 : dans son acception la plus large, elle recouvre des
champs aussi diversifiés que la consommation collaborative (dont font partie le
covoiturage et l’autopartage), les modes de vie collaboratif (coworking, habitat
partagé), la production contributive (les FabLab, le Do It Yourself) et la finance
collaborative (crowdfunding, monnaies alternatives). Ce phénomène très médiatisé
tend à masquer la présence d’acteurs plus anciens dans le domaine des mobilités
partagées, qui ne répondent pas à ce modèle « de particulier à particulier », totalement
indépendant des pouvoirs publics et organisé via des plateformes numériques10. C’est
le cas des acteurs dit de la « première génération »11, qui se sont développés au début
des années 2000 et sont dépendants des financements publics. On peut citer
l’entreprise La Roue Verte, qui est à l’origine du développement des premières
plateformes de covoiturage portées par la puissance publique, ou plus récemment
l’entreprise Ecov, qui développe un concept de stations de covoiturage. Enfin, on
rencontre aussi des acteurs traditionnels, déjà ancrés dans le domaine des transports ou
de l’industrie automobile, qui investissent ce champ des mobilités partagées pour
diversifier leurs activités et profiter de ces nouvelles opportunités de développement.
C’est le cas de grands constructeurs automobiles comme Renault ou Daimler qui
tentent de développer des services d’autopartage pour adapter leurs activités aux
nouvelles pratiques automobiles. Il s’agit aussi de grands groupes dont l’activité

7
Féré C., Concilier accès à la mobilité pour tous et mobilité durable. La prise en compte des inégalités
d’accès à la mobilité dans les politiques urbaines de l'agglomération lyonnaise. Thèse de géographie.
Université Lumière - Lyon II, 2011
8
Botsman R., Rogers R., What's Mine is Yours : The rise of collaborative consumption, Harper
Business, 2010
9
Schor J., « Debating the Sharing Economy », Great Transition Initiative, octobre 2014
10
On peut citer par exemple la plateforme de covoiturage Blablacar et la plateforme de location de
véhicules entre particuliers Drivy
11
Brimont L., Demailly D., Sauot M., Sartor O., « Les nouveaux acteurs de la mobilité collaborative :
des promesses aux enjeux pour les pouvoirs publics ». SciencesPo Paris, Iddri, juin 2016

6
centrale n’est pas directement liée à la mobilité, comme JCDecaux, spécialisé dans le
mobilier urbain et proposant des services de vélos en libre-service ou encore le groupe
Bolloré avec son service de voitures électriques en libre-service.
En explorant le contexte d’émergence de ces nouvelles formes de mobilité, on
voit apparaître les origines de ces services institutionnalisés. Ils s'inscrivent dans
l'évolution générale des pratiques citoyennes et des politiques publiques d'offres de
mobilité se détournant progressivement de la domination de la propriété d’une voiture
individuelle pour se centrer sur l'usage12, dans une perspective d’économie
fonctionnelle13. Il s’agit de concevoir l’offre de mobilité comme la possibilité
d'accéder à différents moyens de transports en fonction de ses besoins, de façon
multimodale14 voire intermodale15, afin de rendre les mobilités plus fluides et plus
durables16. Dans ce contexte, les entreprises privés qui développent de nouvelles
solutions de mobilité peuvent potentiellement représenter de nouvelles formes
d’expertise dont les collectivités locales, et en particulier les grandes métropoles,
peuvent tirer des bénéfices. Les intérêts des acteurs privés de la mobilité partagée et
ceux des décideurs publics se rencontrent alors sur le terrain de cette injonction à
produire une « ville durable »17.

La Métropole de Lyon : une collectivité engagée dans une stratégie de


développement de la « mobilité durable »

Le territoire de la Métropole de Lyon comme terrain d’étude est


particulièrement riche car il y existe une volonté politique forte de développement
autour de l’idée « l'innovation », dans laquelle la mobilité quotidienne joue un rôle

12
PIPAME, Rapport : « Usages novateurs de la voiture et nouvelles mobilités », janvier 2016
13
« L’économie fonctionnelle est un modèle qui vise à substituer à la vente d’un bien, d’un service ou
d’une solution associée « biens + services », la mise à disposition de solutions intégrées de biens et de
services répondant à des attentes essentielles dans la société contemporaine, dans une perspective
de développement durable : logement, déplacements, santé etc. » Source : Wikipédia, l’encyclopédie
libre, Wikimédias, 2017
14
La multimodalité renvoie au fait d’avoir la possibilité d’utiliser différents modes de transport pour
réaliser ses déplacements (par exemple, en ayant le choix entre un transport en commun ou un vélo en
libre-service pour un même trajet)
15
L’intermodalité renvoie au fait d’utiliser plusieurs modes de transports de manière complémentaire au
cours d’un même trajet (par exemple, prendre sa voiture depuis la périphérie, la garer dans un parc relai
puis emprunter le métro pour se rendre en centre-ville)
16
Boissonade J., La ville durable controversée. Les dynamiques urbaines dans le mouvement critique,
Editions Petra, Paris, 2015, 487 p
17
Héran F., « La ville durable, nouveau modèle urbain ou changement de
paradigme ? », Métropolitiques, 23 mars 2015. URL : http://www.metropolitiques.eu/La-ville-durable-
nouveau-modele.html, consulté le 10 janvier 2017

7
important18. La capacité de déplacements des habitants sur le territoire et le caractère
« innovant » des services de mobilité sont des leviers d’attractivité, pour attirer des
entreprises et des habitants à fort capital social et économique. La stratégie de la
Métropole de Lyon est ancrée dans le paradigme actuel de la « mobilité durable », qui
s’inscrit dans celui, plus large, de la « ville durable »19. Ce nouveau paradigme, terme
que l’on peut définir comme « un ensemble cohérent de principes de raisonnement
reconnus et utilisés comme référence tacite, par les membres d’un groupe donné, pour
résoudre les problèmes qui lui sont posés »20, ferait suite au paradigme dit
de « l’urbanisme moderne » caractérisé notamment par une domination de
l’automobile dans l’aménagement et la conception des déplacements21. Ce changement
de paradigme apparaît aussi à travers la conception des transports publics, auparavant
dominée par des expertises technicistes22 privilégiant les infrastructures lourdes, et
évoluant désormais vers une conception plus fluide, apaisée, individualisée et courte-
distance des déplacements urbains23.
Le modèle de la « ville durable » repose ainsi sur une volonté de développer
une approche systémique, qui prend en compte de manière transversale et
interdépendante les différentes fonctions et phénomènes urbains. Le concept de
mobilité durable amène privilégier un système de transports urbains plus écologiques,
multimodaux, associant différents modes doux et alternatives à la voiture soliste : la
marche, le vélo, les usages partagés de la voiture etc. Le paradigme actuel des
transports et de la mobilité renvoie aussi à une évolution des comportements de
mobilité, marqués par une individualisation des choix de vie et une augmentation de
l’injonction à la mobilité propre aux sociétés contemporaines24 : les individus doivent
être capables de se déplacer en autonomie et rapidement afin d’atteindre les ressources,

18
Only Lyon, Dossier de presse : « Lyon, ville de toutes les mobilité », 2015
19
Héran F., « La ville durable, nouveau modèle urbain ou changement de
paradigme ? », Métropolitiques, 23 mars 2015. URL : http://www.metropolitiques.eu/La-ville-durable-
nouveau-modele.html, consulté le 10 janvier 2017
20
idem
21
idem
22
Les approches technicistes des transports mettent au centre de la réflexion les aspects techniques :
conception des infrastructures, répartition des stations, capacité de transport, fréquence, vitesse …
23
Jouve B., Les politiques de déplacements urbains en Europe, L'innovation en question dans cinq
villes européennes, Paris, L’Harmattan, 2003, 190 p.
24
Kaufmann V., Retour sur la ville, motilité et transformations urbaines, PPUR, Espace et Société,
2014

8
et principalement l’emploi25. De plus, les exigences des populations, et principalement
des classes supérieures urbaines, sont de plus en plus tournées vers l’amélioration du
cadre de vie et la préservation de l’environnement naturel : par conséquent, à la suite
d’un modèle théorique et idéalisé de « ville durable » construit autour de principes de
démocratie et d’inclusion, on voit ainsi apparaître selon Vincent Béal, une
« marchandisation progressive de l’environnement, marquée par une volonté de traiter
ces questions en vue de renforcer la compétitivité et l’attractivité des territoires »26.
Depuis le début des années 2000, la Métropole de Lyon de Lyon s'est
positionnée comme précurseur des nouvelles mobilités, notamment à travers son
partenariat avec le grand groupe industriel JCDecaux pour l'installation du système de
vélos en libre-service Vélov' en 2005, ou encore en 2009 avec le lancement de la
première plateforme de covoiturage portée par la puissance publique en France
« Covoiturage-Grand Lyon ». Aujourd'hui, les efforts politiques demeurent orientés
vers une stratégie de « ville intelligente » ou « ville servicielle »27 proposant de
nombreux services et systèmes de gestions des réseaux basés sur les systèmes
numériques, vecteurs de dynamisme économique. Le projet expérimental Optimod,
développé de 2012 à 2015, s'est donné comme objectif la collecte et l'ouverture de
toutes les données sur la mobilité urbaine afin de permettre le développement de
services numériques par des acteurs privés28.
Enfin, deux services d'autopartage cohabitent aujourd’hui sur le territoire
lyonnais. Le service Citiz LPA est issu de l’intégration du service crée au début des
années 2000 par l’association « La Voiture Autrement » aux activités de la société
d'économie mixte Lyon Parc Auto. Il s’agit d’un service d’autopartage classique dit
« en boucle » : les utilisateurs doivent emprunter et ramener le véhicule à la même
station, ce qui correspond à un usage plutôt long29 et à des déplacements
majoritairement périphériques, ou exceptionnellement en ville30, en complément de

25
Fol, S. La mobilité des pauvres : pratiques d'habitants et politiques publiques, Ed. Belin, 2009, 262
p.
26
Béal V., « Politiques urbaines et développement durable : vers un traitement entrepreneurial des
problèmes environnementaux? », Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 3 |
2009, mis en ligne le 09 septembre 2009, consulté le 03 octobre 2016. URL : http://eue.revues.org/966
27
Millénaire 3, « Grand Lyon Ville Servicielle : quelles transformations pour l’action publique »,
Direction de la Prospective et du Dialogue Public, 2015
28
Service Voirie Mobilité Urbaine (VMU) de la Métropole de Lyon, « Optymod Lyon, Résultats et
perspectives du projet 2012-2015 », mai 2015
29
En moyenne 6 heures pour 50 kms. Source : Nova7, enquête clients Citiz LPA, 2015
30
Par exemple, pour le transport de charges lourdes ou l’accompagnement de personnes vulnérables
(enfants, personnes âgées, PMR..)

9
l’utilisation des transports en commun et des modes doux 31. Le service d’autopartage
Bluely, financé par le groupe Bolloré et déployé en 2013 en partenariat avec la
Métropole de Lyon, est un système différent : il s’agit d’un service d’autopartage en
trace directe ou one-way, dans lequel les utilisateurs empruntent un véhicule en station
et peuvent le rendre dans une autre station, sur le même modèle que le système Vélo’v.
Ce système engendre donc des déplacements de courte-distance, très majoritairement
en centre-ville, d'en moyenne 30 minutes pour 7 kilomètres32. Selon l’étude du bureau
de recherche 6-t, l’aspect flexible et courte-distance du dispositif fait qu'il représente
une concurrence aux transports en commun et favorise la circulation de voitures en
ville au détriment des modes doux33. Les caractéristiques de ces deux systèmes
révèlent que les services regroupés sous l’appellation « autopartage » présentent en
réalité des nuances : ces différents dispositifs techniques et modèles économiques sont
le résultat de choix politiques différents et impliquent des effets parfois antagonistes
sur la mobilité.

Mobilités partagées et action publique : une question peu explorée en


sciences sociales

Plusieurs recherches universitaires ont été menées récemment sur le thème de


l'action publique en lien avec les nouvelles mobilités. Les travaux de doctorat de
Maxime Huré34 et ceux de Martin Tironi35, ont pris comme objet le déploiement, sous
forme de délégation de service public, de services de vélos en libre-service à Lyon et à
Paris. Ces travaux nous ont permis d’approcher les enjeux de contractualisation
publique-privée autour de ces dispositifs très médiatisés, et de saisir les formes de
conflits politiques et sociaux en lien avec ces nouveaux services. De plus, les résultats
des travaux des chercheurs de l'IDDRI36 sur la dernière génération d'acteurs de la

31
6-t bureau de recherche, Enquête nationale sur l’autopartage : l’autopartage comme déclencheur
d‘une mobilité alternative à la voiture particulière, pour le réseau France Autopartage, janvier 2013
32
6-t bureau de recherche, Étude : « L’autopartage en trace directe : quelle alternative à la voiture
particulière ? », 2014
33
ibid
34
Huré M., Les réseaux transnationaux du vélo. Gouverner les politiques du vélo en ville. De l’utopie
associative à la gestion par des grandes firmes urbaines (1965-2010), thèse de science politique,
soutenue le 4 octobre 2013 à l’université de Lyon
35
Tironi M., La ville comme expérimentation : le cas du Vélib’ à Paris, thèse de doctorat de sociologie,
soutenue le 25 septembre 2013 à l’Ecole Nationale des Mines de Paris
36
Brimont L., Demailly D., Sauot M., Sartor O., « Les nouveaux acteurs de la mobilité collaborative :
des promesses aux enjeux pour les pouvoirs publics ». SciencesPo Paris, Iddri, juin 2016

10
mobilité collaborative nous ont permis de réaliser l’aspect très contemporain des
changements observés au début de nos recherches et la portée prospective et incertaine
des réflexions en cours chez les acteurs publics. Cette étude nous a permis d’approcher
l’hétérogénéité des acteurs du champ des mobilités partagées. De plus, une thèse
réalisée par Stéphanie Vincent sur les pratiques de covoiturage37, essentiellement
centrée sur les usages, nous offre toutefois une analyse de l’institutionnalisation des
« altermobilités »38 par la puissance publique, à travers l’analyse des différents
dispositifs législatifs qui ont favorisé leur développement. Plus largement, deux
recherches doctorales nous ont aidé à situer notre travail dans le contexte actuel de
l’action publique en lien avec mobilité. En premier lieu, la thèse de Cécile Féré portant
sur la double injonction, potentiellement contradictoire, à laquelle sont soumis les
pouvoirs publics : celle de l’accessibilité du territoire pour tous et celle du
développement durable39. Cette contradiction est présentée, dans les discours publics,
comme résolue par les « nouvelles mobilités », et il est alors intéressant d’interroger
cette affirmation. En second lieu, les travaux d’Antoine Courmont sur les politiques de
données urbaines nous ont permis d’étudier les effets d’une transformation ultra-
contemporaine sur l’action publique locale40.
Par ailleurs, le bureau de recherche 6-t, composé de sociologues et géographes,
a produit plusieurs études sur le modèle économique et sur l’impact sur les
comportements de mobilité du système Autolib’, porté par le groupe Bolloré à Paris, et
équivalent du système Bluely de Lyon. De façon générale, il existe peu de littérature
universitaire sur les transformations de la mobilité liées aux nouvelles technologies et
aux pratiques de partage. La plupart des travaux sur ce thème sont issus de think tank
ou de rapports ministériels étudiant les transformations sociales et économiques
actuelles. Ils existent des ouvrages ayant une portée plus prospective, relayant les idées
et projets de consultants professionnels comme le sociologue Bruno Marzloff41 ou le

37
Vincent S., Les "altermobilités" : analyse sociologique d'usages de déplacements alternatifs à la
voiture individuelle : des pratiques en émergence ?, thèse de sociologie, soutenue le 17 avril 2008 à
l’université Paris V
38
Le terme « altermobilités » désigne les modes de déplacements alternatifs à la voiture individuelle
(vélos, marche à pied, partage de véhicules…)
39
Féré C., Concilier accès à la mobilité pour tous et mobilité durable. La prise en compte des inégalités
d’accès à la mobilité dans les politiques urbaines de l'agglomération lyonnaise. thèse de doctorat en
géographie. Université Lumière - Lyon II, 2011
40
Courmont A., Politiques des données urbaines : ce que l'open data fait au gouvernement urbain,
thèse de doctorat en science politique, soutenue le 16 décembre 2016 à l’Institut d’Études Politiques de
Paris
41
Marzloff B., Sans-bureau fixe, Transitions du travail, transitions des mobilités. FYP Editions, 2013

11
prospectiviste Georges Amar42, qui considèrent le numérique comme le moteur
principal de la transformation de la société et de la mobilité, et proposent d'en analyser
les conséquences en cours et à venir.
Plus largement, nous nous baserons sur la littérature traitant de l'action
publique dans le domaine des transports et de la mobilité, en adhérant à l'idée selon
laquelle la mobilité est un prisme particulièrement intéressant pour comprendre les
évolutions urbaines, les stratégies de politiques publiques et les représentations des
acteurs. Les travaux portant sur la métropolisation, la gouvernance urbaine multi-
acteurs, la montée des acteurs privés dans les villes et la compétition entre les villes
européennes nous permettront d'analyser le contexte qui rend possible l'apparition de

tels enjeux autour de la mobilité partagée dans les décisions publiques locales. Les
travaux de Patrick Le Galès nous ont ainsi permit de comprendre les mutations des
gouvernements urbains, l’influence de la mondialisation sur les villes et le rôle des
entreprises privés dans ces espaces urbains. De plus, les travaux de Jean-Pierre Gaudin
sont un support important pour comprendre les choix de partenariat de la puissance
publique avec certains acteurs privés et l’importance de la négociation dans ces
relations hybrides43. Enfin, les travaux de Gilles Pinson décrivant les leviers
d’attractivités que représentent les grands projets urbains44 et les agencements
particuliers entre groupes sociaux qu’ils impliquent nous ont permis de comprendre les
schémas d’action publique en vigueur dans les grandes métropoles européennes.
Des controverses existent autour de la question de la montée des acteurs privés
dans les politiques publiques urbaines. Les approches critiques considèrent ce
phénomène comme un renforcement des logiques de marché remettant en cause le rôle
de la puissance publique, en opposition à des acteurs publics - principalement les élus
locaux - qui peuvent les considérer comme des ressources pour l'amélioration des
politiques publiques et une compensation à la baisse des finances publiques. En lien
avec les mobilités partagées, les travaux critiques autour de la notion de
« développement durable » et de « ville durable »45 nous ont permis de comprendre les

42
Amar G., Homo Mobilis, une civilisation en mouvement, FYP Editions, 2016
43
Gaudin J-P., Gouverner par contrat. Presse de SciencesPo, 2007
44
Pinson, G. Gouverner la ville par projet. Urbanisme et gouvernance des villes européennes. Presses
de Sciences Po (P.F.N.S.P.), 2009
45
Boissonade, Jérôme, 2015, La ville durable controversée. Les dynamiques urbaines dans le
mouvement critique, Editions Petra, Paris, 487 p ; Reignier H., Brenac T., Hernandez F., Nouvelles
idéologies urbaines. Dictionnaire critique de la ville mobile, verte et sûre. Presses Universitaires de
Rennes

12
questionnements qu’implique le déploiement de ce type de stratégies de
développement. Ces travaux nous invitent à focaliser notre attention sur les préférences
politiques qui orientent ces choix publics, ainsi que sur leurs effets pour les territoires.
Enfin, les travaux portant sur les transformations économiques contemporaines, qui
soulignent les évolutions des stratégies privées pour la conquête de nouveaux marchés,
à travers notamment le rapprochement des activités des entreprises avec les objectifs
de politiques publiques ou les grands enjeux collectifs46, ont nourris notre analyse de la
création d’un service d’autopartage par le groupe Bolloré.
Ces différents ouvrages proposent des questionnements que l’on peut utiliser
pour analyser les changements de fonds qui s’opèrent dans la production de services
urbains de mobilité. Le constat des transformations liées à l’internationalisation des
villes et à l’entrée de nouveaux acteurs dans le champ de la production urbaine appelle
à s’interroger sur les effets de ces phénomènes sur l’action publique métropolitaine.

Problématique

Nos recherches préliminaires nous ont amené à nous intéresser au cas de


l’autopartage sur le territoire lyonnais. La cohabitation entre deux services
d’autopartage aux caractéristiques antagonistes - Citiz LPA et Bluely - apparaît
comme un révélateur des croyances et des orientations politiques différents qui
traversent le champ des mobilités partagées. De plus, elle révèle la diversité des choix
possibles pour la puissance publique face à l’hétérogénéité des acteurs présents dans ce
domaine. Ce constat nous invite inéluctablement à nous questionner sur l’évolution
historique de ces services d’autopartage et les stratégies dont ils sont issus : comment
une initiative issue du milieu associatif a-t-elle été intégrée à la politique de mobilité
de la Métropole de Lyon ? Quels objectifs et contraintes ont guidé la puissance
publique dans ses choix de partenariat avec des acteurs privés dans le domaine de
l’autopartage ? Quelles en sont les conséquences pour ce nouveau service de mobilité ?

46
Baraud-Serfaty I., « La nouvelle privatisation des villes », Revue Esprit, avril 2011 ; Boltanski L.,
Chiapello E., Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999 ; Huré M., Les mobilités partagées,
nouveau capitalisme urbain. Publications de la Sorbonne, 2017

13
Démarche et approche

Notre démarche s’inscrit dans le champ de la sociologie de l’action publique. Notre


approche est focalisée sur les décideurs et responsables d’initiatives dans le domaine
de l’autopartage. En nous intéressant aux « organisations et aux systèmes d’action »47,
nous nous situons donc à une échelle « méso-sociale » 48. Selon Stéphanie Vincent, qui
a choisi cette approche pour son analyse de l’institutionnalisation du covoiturage
« cette échelle permet d’appréhender le cadre légal et organisationnel dans lequel se
déploient les usages altermobiles. (…) De plus, les entités organisationnelles qui
cherchent à promouvoir les altermobilités possèdent leurs propres logiques
décisionnaires ». Pour comprendre ces logiques, nous privilégions une approche
qualitative, essayant de comprendre le fonctionnement de la prise de décision, les
fondements des représentations et croyances, les ressources et contraintes et le rôle de
chaque acteur dans la création puis dans la gouvernance de ce service urbain existant
sous différentes formes. Notre approche présente aussi une dimension historique dont
l’intérêt réside dans sa capacité à montrer que des phénomènes récents, perçus comme
neufs, sont en fait liés à des logiques plus anciennes et des schémas de décisions
existant déjà dans d’autres domaines d’intervention de la puissance publique. Cette
approche socio-historique permet de mettre au jour des éléments qui peuvent avoir été
minimisés dans les récits publics ou médiatiques, notamment en raison de logiques de
pouvoir ou de déséquilibre dans les capacités de communication des acteurs. Elle
permet de révéler les conditions dans lesquelles ont été réalisés des choix passés,
permettant d’expliquer la situation présente.
Nous proposons ainsi de retracer, du début des années 2000 à aujourd’hui, les
évolutions marquantes dans le développement des services d’autopartage sur le
territoire lyonnais et ainsi celles des rôles et positionnement publics par rapport à ce
nouveau service de mobilité. Il s’agit de considérer l’évolution des jeux d’acteurs, des
régulations et formes de négociation qui ont existé à l’échelle de la Métropole de Lyon

47
Desjeux D., Les sciences sociales, Paris, PUF, 2004
48
Vincent S., Les "altermobilités" : analyse sociologique d'usages de déplacements alternatifs à la
voiture individuelle : des pratiques en émergence ?, thèse de sociologie, soutenue le 17 avril 2008 à
l’université Paris V

14
dans ce domaine. Pour cela, nous nous sommes intéressés aux discours et points de vue
de plusieurs acteurs impliqués dans la décision autour de ces services, appartenant à
différents groupes et institutions : collectivité territoriale, entreprise privée, société
d’économie mixte et association. Il s’agit de bénéficier de différents témoignages et
opinions sur le déroulement d’un même processus, composés de dispositifs, de projets
politiques et de modèles économiques différents. La difficulté réside alors dans cette
reconstruction d’évènements passés, rapportés par les acteurs, qui comprend des
risques de « réécriture » liés à légitimation de choix passés, ou par une tendance à
rendre logique l’enchaînement des événements. En effet, les matériaux recueillis ne
sont pas issus d’observation directe d’interactions entre les acteurs mais d’entretiens
oraux et de documents écrits.

Méthode d’enquête et sources

La méthode d’enquête est fondée sur de nombreuses sources documentaires :


articles de presse des journaux locaux, documentation publique, communiqués de
presse, dossiers de presse, délibérations et procès-verbaux des séances de conseil de la
Métropole de Lyon et archives de l’association La Voiture Autrement49. De plus, nous
avons choisi de réaliser des entretiens semi-directifs50 avec les personnes identifiées
pour avoir joué un rôle important dans le développement de l’autopartage à Lyon,
situées du côté de la puissance publique, des partenaires privés et du milieu associatif.
Ainsi, nous avons en premier lieu choisi de réaliser un entretien avec le directeur du
service Voirie Mobilité Urbaine51, appartenant à la direction de la Voirie de la
Métropole de Lyon, en charge des aspects opérationnels des politiques de
déplacements et notamment des services Vélo’v et Bluely. Cet entretient nous a permis
de construire une vision large des enjeux de mobilité partagée sur le territoire ainsi que
de recevoir des éléments d’information sur le partenariat entre la Métropole de Lyon et
l’entreprise Bolloré. Un entretien avec une ancienne administratrice de l’association
« La Voiture Autrement », à l’origine du premier service d’autopartage sur le territoire
au début des années 2000, nous a permis de retracer l’historique de l’autopartage ainsi

49
La liste complète des sources écrites utilisées se trouve en annexe, p.171
50
La liste complète des entretiens réalisés se trouve en annexe, p.126
51
Entretien réalisé le 9 janvier 2017 dans les bureaux du service Voirie Mobilité Urbaine à Lyon,
retranscription partielle en annexe, p.127

15
que les relations entretenues entre la puissance publique locale et l’association52. Cette
personne nous a donné accès aux archives de l’association et du réseau France
Autopartage, ainsi qu’à un mémoire réalisé par un étudiant de l’ENTPE en 2009
retraçant l’histoire de l’émergence associative de ce service53. Par la suite, nous avons
sollicité un entretien avec deux personnes, occupant les fonctions de chargés de
mission au sein du service Déplacements de la Métropole de Lyon, appartenant à une
direction de l’Aménagement. Cet entretien nous a permis de comprendre les rôles
différents de ces deux services et le rôle d’orientation du service Déplacements, dont
les recommandations n’ont pas toujours été en accord avec les préférences politiques54.
Du côté des acteurs privés, nous avons rencontré la directrice marketing du service
d’autopartage Bluely du groupe Bolloré, responsable de la communication et des
partenariats avec les acteurs lyonnais, et référente du groupe Bolloré pour l’antenne
lyonnaise. Cet entretien nous a permis de bénéficier du point de vue d’un acteur dont
les objectifs sont commerciaux, tout en s’inscrivant dans le cadre d’un partenariat avec
la puissance publique55. Le potentiel de cet entretien a toutefois été limité par la
volonté de la personne interrogée de réaliser une présentation du service Bluely, puis
de répondre à des questions sans que nos échanges ne soient enregistrés. Nous avons
pu constater les différences de discours et de point de vue stratégique, entre les
partenaires public et privé, sur le service d’autopartage Bluely. Enfin, un entretien avec
la directrice du service d’autopartage en boucle Citiz LPA de la société d’économie
mixte Lyon Parc Auto nous a permis de comprendre les enjeux de cohabitation de
plusieurs services soutenus par la puissance publique sur le territoire et les enjeux
écologiques induits par les différents dispositifs techniques choisis56. Le point de vue
critique de cette responsable d’une entreprise publique nous a permis de mettre en
évidence les logiques institutionnelles et politiques qui sous-tendent les choix
techniques autour de l’autopartage.
Ces entretiens ont pris la forme de témoignages sur des événements passés ou
des enjeux contemporains, du point de vue des acteurs impliqués. Nous avons identifié
52
Entretien réalisé le 10 janvier 2016 à Lyon, retranscription partielle en annexe, p.141
53
Brejassou, G., Les conditions de l'émergence et de l'institutionnalisation d'un système de transport
innovant. L'exemple de l'autopartage à Lyon, mémoire de master, ENTPE, juillet 2009
54
Entretien réalisé le 9 février 2017 dans les bureaux du service Déplacements à Lyon, retranscription
partielle en annexe, p.146
55
Entretien réalisé le 19 janvier 2015 dans les locaux de Bluely à Lyon, retranscription partielle en
annexe, p.160
56
Entretien réalisé le 10 février 2016 dans les locaux de la société Lyon Parc Auto, retranscription
partielle en annexe p. 164

16
ces acteurs par des recommandations ou des recherches personnelles. Le choix a été
orienté par un critère institutionnel, en privilégiant les personnes qui ont, ou ont eu, un
pouvoir de décision ou d’influence, par leur responsabilité professionnelle, politique
ou associative, sur l’évolution des relations entre la puissance publique et les acteurs
privés de l’autopartage. La prise de contact a été facilitée par mon statut de stagiaire au
sein du bureau d’études Nova7 et les recommandations des consultants. La difficulté
de cette démarche réside dans le fait que certains sujets apparaissent comme sensibles
ou confidentiels, notamment lorsque l’on approche les aspects pratiques de la
contractualisation entre la puissance publique et un acteur privé. Pour compléter cette
démarche d’enquête, il serait pertinent d’approfondir ces questions par des entretiens
avec des personnes davantage impliquées dans les processus de décision, comme les
élus de la Métropole de Lyon - notamment l’ancien vice-président aux nouvelles
mobilités Gilles Vesco – ou du côté des acteurs privés, avec des dirigeants de la filière
transports de l’entreprise Bolloré. Enfin, un potentiel non-exploité de ces entretiens
réside dans la confrontation des points de vue, parfois divergents, qui n’aurait été
possible que par la réalisation de plusieurs entretiens avec chaque enquêté, difficile à
réaliser dans le cadre de notre recherche pour des raisons de disponibilités et de délais.

Annonce du plan

Nous proposons donc de nous intéresser à l’émergence de l’intérêt de la


puissance publique pour cette nouvelle forme de mobilité qu’est l’autopartage. Nous
étudierons les choix opérés pour encadrer et soutenir le développement de services
d’autopartage identifiés comme bénéfiques pour le territoire lyonnais. À travers ces
analyses, nous verrons comment l’autopartage d’origine associative s’est vu
transformé par les appropriations particulières qu’en ont fait certains acteurs.
Pour cela, nous retracerons dans un premier temps l’historique de l’émergence
de l’autopartage comme nouveau domaine d’action publique sur le territoire lyonnais
(chapitre 1). Nous nous intéresserons dans ce chapitre à la création du premier service
d’autopartage lyonnais par l’association « La Voiture Autrement » en 2001, puis à son
institutionnalisation par la société d’économie mixte Lyon Parc Auto en 2008. Enfin,
nous décrirons les conditions de la création d’une charte autopartage par la Métropole
de Lyon en 2011. Nous verrons que cette première entrée de l’autopartage dans les
politiques publiques lyonnaises est issue de volontés individuelles, et que son

17
intégration aux instruments publics locaux est une réponse à une opportunité venue du
secteur privé.
Dans un second temps, nous montrerons comment cette mobilité « alternative » a
été intégrée à une stratégie d’attractivité territoriale (chapitre 2). Nous étudierons ainsi
comment le principe de l’autopartage a fait l’objet d’une réappropriation conjointe par
une grande entreprise privée et par les élus métropolitains, confrontés à de fortes
incertitudes dans le domaine des nouvelles mobilités.
Nous monterons ainsi que, dans un contexte de perturbation du paysage des acteurs
des transports et de la mobilité, la puissance publique est contrainte de mobiliser des
outils flexibles de contractualisation et des modes d’encadrement expérimentaux pour
« naviguer à vue » et réduire la prise de risques face à l’incertitude. Dans cette
incertitude, les décisions s’appuient sur les orientations stratégiques et mots d’ordre
que les acteurs publics priorisent et maîtrisent le mieux, c’est-à-dire les objectifs – très
peu contestés – d’attractivité du territoire et de « durabilité ». Finalement, parmi
d’autres facteurs, ces deux phénomènes pourraient expliquer l’institutionnalisation des
nouvelles formes de mobilités partagées et leur récupération par des stratégies
métropolitaines dites « mainstream »57.

57
Selon la définition utilisée par Vincent Béal et Max Rousseau « politiques urbaines dominées par les
impératifs de compétitivité et fondées sur des catégories – durabilité, mixité, densité, créativité,
mobilité, qualité, etc. – présentées comme « évidentes » et faisant de ce fait l’objet de discussions
limitées. » (« Alterpolitiques! », Métropoles [En ligne], 15 | 2014, mis en ligne le 15 décembre 2014,
consulté le 12 juin 2017)

18
19
Premier chapitre - L’autopartage à Lyon : l’émergence d’un
nouveau domaine d'action publique (2001-2012)

L’autopartage, nouvelle pratique de déplacement issue d’initiatives associatives et


habitantes, a progressivement été intégrée à l’action publique sur le territoire lyonnais
et au niveau national. Cette institutionnalisation des services d’autopartage, dont les
objectifs sont d’encourager la pratique mais aussi de l’encadrer et de l’orienter pour
qu’elle réponde aux objectifs définis par les politiques publiques aux niveaux national
et local ont pris plusieurs formes. En revenant sur les origines associatives de
l’autopartage à Lyon, puis les différentes étapes de l’institutionnalisation et de
l’appropriation de l’autopartage par les pouvoirs publics locaux, nous montrerons
comment une innovation issue d’un milieu associatif militant est devenue une nouvelle
catégorie d’action publique pour la Métropole de Lyon. Nous allons voir que cette
appropriation est progressive et issue de volontés et d’initiatives individuelles, plus que
de décisions liées à une stratégie globale adoptée au niveau de la Métropole. Dans un
premier temps, elle ne modifie pas le fonctionnement de l’autopartage dans sa forme
originale, mais lui fait un opérer un changement d’échelle. C’est par la suite, avec
l’investissement de ce champ par les élus métropolitains, que le principe de
l’autopartage va subir des transformations, liées à une volonté d’attractivité du service
et d’innovation technique.
Nous reviendrons ainsi sur les conditions de la création et du développement du
premier service d’autopartage à Lyon par l’association « La Voiture Autrement » en
2001 (partie 1) pour ensuite présenter les différentes étapes de l’institutionnalisation de
l’autopartage (partie 2). Celle-ci a d’abord lieu à travers la reprise du service par la
société d’économie mixte Lyon Parc Auto en 2008. Dans un deuxième temps, elle est
concrétisé par la création du label autopartage par la Métropole de Lyon en 2011 et le
déploiement d’un nouveau service d’autopartage en partenariat avec un acteur privé,
Car2Go, en 2012. En parallèle de ces événements locaux, nous décrirons les évolutions
législatives qui ont eu lieu au niveau national, incitant le développement des pratiques
de mobilité alternatives et mettant en place des outils juridiques pour les collectivités
locales.

20
1.1. Les origines associatives de l’autopartage lyonnais (2001-2008)

Le principe de l’autopartage, c’est-à-dire le fait de partager une flotte de véhicules


entre utilisateurs afin de réduire les frais d’utilisation et de favoriser les déplacements
non motorisés, est issu de pratiques organisées par des habitants ou par des militants du
milieu associatif. À Lyon, son importation au début des années 2000 est le fruit de
l’engagement d’habitants sensibles à l’impact environnemental de leur mode de vie,
qui ont mobilisé divers partenaires afin de pouvoir créer ce service. Nous proposons de
revenir sur la genèse de la création du premier service d’autopartage sous forme
associative à Lyon (section 1) afin d’en comprendre les caractéristiques (section 2)
ainsi que les limites (section 3). On peut qualifier cette nouvelle pratique
d’« innovation sociale »58, car elle est issue de l’identification d’un problème collectif
par des individus qui proposent de mettre en place une solution, dans un domaine où la
puissance publique n’intervient pas. Dans ce type de configuration, la solution au
problème identifié émerge donc d’autres sphères que de la sphère publique, ce qui
n’exclut pas qu’elle y soit intégrée par la suite.

1.1.1. L’association « La Voiture Autrement » et la création d’un service


de mobilité alternatif

L’importation du principe de l’autopartage à Lyon trouve son origine dans


l’engagement individuel d’un acteur qui a réussi, malgré de nombreuses difficultés, à
mobiliser des partenaires publics autour de son projet. Par la suite, la gouvernance de
l’association a évolué vers une forme plus collective.

a) La genèse de l’association La Voiture Autrement

L’association « La Voiture Autrement » a été créée en 2001 à Lyon par Michel


Jeannenot, alors directeur adjoint dans le milieu associatif au sein du GIHP, le
Groupement pour l’Insertion des personnes Handicapées Physiques. Le GIHP est une
association qui intervient notamment dans le domaine de l’aide à la mobilité pour les
personnes handicapées. Michel Jeannenot a aussi fondé un cabinet de conseil dans le
domaine des transports en 2000, activité par laquelle il a connu le système privé
d’autopartage « Mobility Carsharing » existant en Suisse. Inspiré par ce système de

58
Klein J-L, Harrisson D., L’innovation sociale, émergence et effets sur la transformation des sociétés,
Presse de l’Université du Québec, 2006

21
partage de véhicules, il a souhaité le développer à Lyon sous une forme non lucrative.
Les statuts de l’association indiquent que son objet est « la gestion et le développement
de services d’autopartage permettant de limiter l’utilisation de la voiture individuelle
et de favoriser les déplacements dans les secteurs mal desservis ou pour des
populations en difficulté »59. La forme associative a été choisie provisoirement par
Michel Jeannenot avec la perspective de transformer plus tard l’organisation en société
coopérative. Son projet est en effet avant tout un projet à visée sociale et
environnementale : il souhaite proposer une alternative de transport, accessible à tous
en termes de coût, offrant de nouvelles possibilités de déplacements aux habitants de la
ville de Lyon, tout en limitant l’impact environnemental de leur mobilité et en
s’inscrivant en cohérence avec le système de transports collectifs lyonnais.60 La
volonté de création de ce service est inspirée par des initiatives existant déjà dans
d’autres villes en France et à l’étranger. L’autopartage trouve en effet son origine en
Suisse à la fin des années 1940, où des conducteurs se cotisaient afin d’acheter des
véhicules en commun, biens difficiles d’accès pour les consommateurs. L’autopartage
s’est ensuite fortement développé dans les années 1990 en Europe et en Amérique du
Nord61. En France, « La Caisse Commune » a été créée à Paris en 1998 puis le service
« Auto’trement » à Strasbourg en 199962. Michel Jeannenot s’est ainsi associé aux
porteurs de projets d’autopartage dans d’autres agglomérations françaises à travers la
création du réseau France Autopartage fondé en 2002, favorisant l’échange de
connaissances et mutualisant des systèmes informatiques entre les différents dispositifs
d’autopartage. Ce réseau, aujourd’hui nommé Citiz et regroupant 15 opérateurs
d’autopartage indépendants, a participé à la normalisation des services et représente
une véritable expertise dans le paysage des transports urbains, par la gestion technique

59
Extrait du journal officiel de la préfecture du Rhône, paru le 08/12/2001
60
Entretien avec Michel Jeannenot réalisé en 2009 par Guillaume Bréjassou dans le cadre du mémoire :
"Les conditions de l'émergence et de l'institutionnalisation d'un système de transport innovant.
L'exemple de l'autopartage à Lyon", ENTPE, juillet 2009
61
Shaheen S., Sperling D., Wagner C., « Carsharing in Europe and North America : Past, present and
future », Transportation Quarterly, vol.52, n°3, 1998, p.35-52
62
L’autopartage en France. in Wikipedia, l’encyclopédie libre. Fondation Wikimedia, 2017. Disponible
sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Autopartage_en_France

22
des dispositifs d’autopartage et en participant activement aux débats et discussions
autour des nouvelles formes de mobilité partagée63.
Au début de la concrétisation du projet d’autopartage à Lyon en 2003, la flotte
était composée de trois véhicules en partage, acquis en location longue durée chez
Renault. La flotte s’est ensuite agrandie pour atteindre 9 véhicules en 2005 puis 25
véhicules en 2008. Le financement de départ était assuré par les fonds personnels du
fondateur et de contributeurs de son entourage, ainsi que par le soutien de la Nef, une
coopérative financière proposant des crédits à des projets d’utilité sociale et
environnementale. Le projet a aussi reçu le soutien logistique de l’Agence de
l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) et de l’Union Régionale des
Sociétés Coopératives et Participatives (URSCOP). L’association est aussi proche du
collectif DARLY « pour se Déplacer Autrement sur la Région Lyonnaise »64
rassemblement des différentes associations d’usagers des transports, lié à la Fédération
Nationale des Usagers de Transports (FNAUT). C’est en particulier Jean-Claude
Chausse, militant du collectif DARLY et du parti Europe-Ecologie les Verts, engagé
en faveur de la promotion des mobilités durables, qui a aidé le fondateur de
l’association « La Voiture Autrement » dans sa recherche de financements auprès des
pouvoirs publics. 65
Au départ portée par son fondateur, l’association s’est dans un deuxième temps
développée autour de plusieurs administrateurs participant au fonctionnement du
système d’autopartage. On peut ainsi définir deux périodes dans l’existence de
l’association : la première, de 2001 à 2005 puis une seconde de 2005 à 2008. La
première période est marquée par la recherche de financement, la fragilité du modèle
économique et les incertitudes fortes autour de sa pérennité. La seconde fait suite au
départ soudain du fondateur Michel Jeannenot, découragé par les difficultés et
souhaitant se consacrer à d’autres projets personnels après ces quatre années
d’engagement intensif. Cette seconde période, marquée par le renouvellement de la
stratégie et du modèle économique suite l’adoption d’un plan de développement pour

63
Le réseau France Autopartage, aujourd’hui Citiz, organise notamment les « Rencontres Nationales de
l’Autopartage », qui rassemblent opérateurs, collectivités, acteurs de la mobilité, porteurs de projet,
universitaires pour partager leurs expériences et mutualiser les connaissances.
64
Statuts du collectif DARLY : https://www.darly.org/statuts
65
Entretien avec Michel Jeannenot réalisé en 2009 par Guillaume Bréjassou dans le cadre du mémoire :
"Les conditions de l'émergence et de l'institutionnalisation d'un système de transport innovant.
L'exemple de l'autopartage à Lyon", ENTPE, juillet 2009

23
l’association mis en place par ses administrateurs66, est un peu plus favorable à
l’évolution du dispositif d’autopartage. Les nouveaux administrateurs à partir de 2005
sont Lydia Coudroy de Lille, Olivier Ledru, élu au poste de Président, Pierre Le Goff
et Nadège Morel, tous déjà engagés dans l’association en tant que membres-abonnés.
Les professions et les âges de ces administrateurs sont variés, bien qu’ils partagent une
appartenance aux catégories socio-professionnelles supérieures et des profils militants
dans le domaine de la protection de l’environnement et de la promotion des mobilités
alternatives. Lydia Coudroy de Lille est enseignant-chercheur en géographie à
l’université Lyon II, Olivier Ledru est ingénieur, consultant au sein du groupe EGIS67
sur des aspects de transports ferroviaires, Pierre Le Goff est récemment retraité, ancien
directeur financier puis chef d’entreprise dans le domaine de l’informatique et Nadège
Morel est architecte. Ces administrateurs disposent d’une légitimité importante liées à
leurs expertises, leurs compétences techniques et financières reconnues. Plusieurs
personnes sont embauchées comme salariées pour assurer le fonctionnement de
l’association68 : une première personne embauchée en 2005 est rapidement licenciée en
raison de divergences personnelles et de problèmes de gouvernance. Deux personnes
sont par la suite embauchées durablement : Corine Cottier, responsable commerciale et
administrative et Gérard Gaitet, responsable de la gestion technique et de l’entretien
des véhicules. Ces emplois sont créés grâce au soutien de la région Rhône-Alpes dans
le domaine du développement durable. Cette nouvelle stratégie, en plus de
renouvellement de la gouvernance et de l’embauche de salariés œuvrant à temps plein
au fonctionnement du service d’autopartage, implique aussi des suivis mensuels des
données d’évolution du service69. C’est à cette époque que la recherche d’un nouveau
nom pour le service est engagée. Le service est jusque-là appelé « La Voiture
Autrement », comme l’association qui le porte. Dans une perspective d’amélioration de
la communication autour du service d’autopartage, qui souffrait qu’un manque de
visibilité, les membres de l’association ont fait le choix de faire appel à une agence de

66
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, ancienne administratrice de l'association LVA, réalisé en
février 2017, retranscription partielle en annexe p.141
67
Le groupe EGIS, propriété à 75% de la Caisse des Dépôts et Consignations, est un leader mondial
dans le domaine du conseil, de l’ingénierie et de l’exploitation d’infrastructures de transports
68
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, ancienne administratrice de l'association LVA
69
Entretien avec Olivier Ledru réalisé en 2009 par Guillaume Bréjassou dans le cadre du mémoire :
"Les conditions de l'émergence et de l'institutionnalisation d'un système de transport innovant.
L'exemple de l'autopartage à Lyon", ENTPE, juillet 2009

24
communication qui les a accompagnés dans la recherche d’un nouveau nom70. Le
choix et le dépôt de la marque « Autolib’ » ont été réalisés en avril 200771. Cette
nouvelle organisation de l’association et cette nouvelle stratégie de développement, a
permis de faire passer le nombre d’abonnés de 150 pour 9 véhicules en 2005 à 317
abonnées pour 13 véhicules en 2007. Un accord avec l’entreprise Lyon Parc Auto a été
trouvé afin de stationner les voitures dans des parkings de la ville à des tarifs
préférentiels.

b) Un soutien de la part des pouvoirs publics jugé insuffisant

L’association « La Voiture Autrement » a reçu, pour se développer, un soutien


public financier. En effet, bien que ce service soit issu d’une initiative privée et
associative, on peut constater ce que décrit Patrick Le Galès dans son analyse du rôle
des groupes de citoyens et associations dans la gouvernance urbaine72, une « frontière
estompée entre groupes contestataires, issus de la société civile et les politiques
institutionnalisées ». En effet, bien que ce service d’autopartage représente une
alternative de transport, issue de l’initiative d’un individu, il ne peut se passer
totalement dans son financement et son développement du soutien des pouvoirs
publics. Toutefois, du point de vue de plusieurs membres de l’association73 les
soutiens, politiques et financiers, de la ville de Lyon et d’autres institutions locales a
été insuffisant par rapport à l’ambition du projet à cette époque
Le soutien financier public reçu par l’association est issu de l’engagement
d’une élue appartenant au groupe Europe Ecologie – Les Verts, ajointe au
développement durable et à l’économie sociale et solidaire à la ville de Lyon, Guylaine
Gouzou-Testud. Ce soutien représente une ressource politique important pour
l’association, bien qu’il demeure individuel et plutôt isolé74. Il permet d’obtenir
plusieurs subventions publiques : 40 000 euros en 2003, 35 000 euros en 2003, 20 000

70
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, ancienne administratrice de l'association LVA, réalisé en
février 2017, retranscription partielle en annexe p.141
71
Voir logo et slogan en annexe : Illustrations, p.124
72
Le Galès P., Le retour des villes européennes, « Associations et mouvements sociaux : la dialectique
des conflits et de la participation », Paris, Presses de Sciences Po, coll. Académique, 2ème édition.2011
73
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, ancienne administratrice de l'association LVA
74
Entretien avec Michel Jeannenot réalisé en 2009 par Guillaume Bréjassou dans le cadre du mémoire :
"Les conditions de l'émergence et de l'institutionnalisation d'un système de transport innovant.
L'exemple de l'autopartage à Lyon", ENTPE, juillet 2009

25
euros en 2004 et 15 000 euros en 200575. Toutefois, selon Michel Jeannenot, ces
montants sont insuffisants « Elle [ Guylaine Gouzou-Testud.], elle a bien suivi. Avec
ses petits moyens parce que du coup, les budgets étaient ridicules (...)Si on a récupéré
20 000 euros c’était le bout du monde, pour des frais de fonctionnement qui étaient
nettement supérieurs »76. La volonté de la ville de Lyon est alors de soutenir
provisoirement le projet, avec l’objectif de lui permettre d’atteindre l’autofinancement,
par son fonctionnement et des soutiens privés77. Il apparaît à travers les comptes
rendus des débats municipaux autour de l’attribution de ces subventions que le projet
est controversé, notamment car il n’atteint les objectifs annoncés par l’association
d’augmentation du nombre de véhicules et du nombre d’abonnés, et donc des recettes.
Lors de la première demande de subvention présentée en 2002 par Guylaine Gouzou-
Testud, l’objectif affiché était d’atteindre 63 véhicules en 200578, or à cette date
l’association ne possède que réalité que 9 véhicules. De plus, le manque de soutien
public et d’une stratégie politique volontariste autour de l’autopartage est dénoncé par
l’opposition79, qui juge alors inutile la demi-mesure accordée au projet : il est souligné
qu’il n’est pas cohérent d’envisager un développement performant du service en y
investissant des sommes aussi modestes, et il est préconisé de faire le choix entre un
soutien total à hauteur des ambitions de l’association ou un arrêt complet des
subventions. Les montants des subventions sont en effet plutôt faibles, si l’on compare
par exemple à la subvention de 100 000 euros par an accordée par la ville de
Strasbourg au système équivalent d’autopartage local « Auto’trement »80. De plus,
l’élu d’opposition souligne que la stratégie que proposait en 2002 l’élu écologiste à la
ville de Lyon Alain Giordano n’a pas été mise en place, alors qu’elle avait pour
objectif d’accompagner fortement le développement du service d’autopartage, comme
le décrit ce dernier dans son intervention au conseil municipal du 12 novembre 2002 :

75
2005/5835 - Attribution d'une subvention de 15.000 euros à l'Association "La Voiture Autrement"
pour le développement du service d'auto partage à Lyon (Direction de l'Economie du Commerce et d
l'Artisanat) (BMO du 07/11/2005, p. 1977)
76
Entretien avec Michel Jeannenot réalisé en 2009 par Guillaume Bréjassou dans le cadre du mémoire :
"Les conditions de l'émergence et de l'institutionnalisation d'un système de transport innovant.
L'exemple de l'autopartage à Lyon", ENTPE, juillet 2009
77
Compte-rendu intégral - 2005/5835 - Attribution d'une subvention de 15.000 euros à l'Association "La
Voiture Autrement"
78
Compte-rendu intégral – séance du conseil municipal de la ville de Lyon du 12 novembre 2002 –
Délibération 2002/1872 – Attribution d’une subvention d’équipement de 35 000 euros à l’Association
La Voiture Autrement (Mission de développement économique et emploi)
79
Prise de parole de M. Erick Roux de Bézieux, élu UMP, lors de la séance du conseil municipal de la
ville de Lyon du 12 novembre 2002
80
Compte-rendu intégral – séance du conseil municipal de la ville de Lyon du 12 novembre 2002 –

26
« comme souvent dans ce type de projet novateur, les mesures d’accompagnement et
toute la politique de déplacement doivent être en accord avec l’esprit du projet. Un
PDU volontariste, une communication interne aux collectivités qui privilégie les
alternatives à la voiture, élaborer des plans de déplacement d’entreprise, combiner les
abonnements autopartage en partenariat avec les transports en commun »81. Par
exemple, le développement de l’autopartage n’apparaît pas dans la révision du PDU de
1997 réalisée en 200582 et la communication autour du service d’autopartage de la
Voiture Autrement a été faible. De plus, malgré les sollicitations du président de
l’association, le SYTRAL83 n’a jamais accepté de mettre en place des abonnements
combinés entre les transports en commun et le service de l’association. « Bernard
Rivalta [président du SYTRAL de 2001 à 2014] ne voulait pas en entendre parler.
Pour lui ce n’était pas un service qui était lié aux transports collectifs alors que moi je
me battais pour faire reconnaître le contraire »84.
En effet, du point de vue politique, le fondateur de l’association constate que
l’autopartage intéresse peu les responsables transports et déplacements au niveau local
ainsi qu’au sein du SYTRAL85, le Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et
l’Agglomération lyonnaise, en charge du développement et de l’exploitation des
transports publics. Ce manque d’enthousiasme prive l’association de ressources
politiques pour appuyer ses demandes de subventions, ainsi que de voies de
communication importantes.

c) L’association « La Voiture Autrement », une nouvelle forme d’expertise dans le


paysage lyonnais des mobilités

Bien que le service « La Voiture Autrement » puis « Autolib’ » demeure


confidentiel dans son ampleur à l’échelle d’une métropole telle que celle de Lyon, on
peut voir à travers la création de ce service de transport une nouvelle forme
d’expertise. En effet, l’émergence d’un service de voitures partagées s’inscrit dans un

81
ibid
82
Révision du Plan de Déplacement Urbain de la région lyonnaise, SYTRAL, approuvée le 2 juin 2005
(document officiel)
83
Le Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise est l’autorité
organisatrice des transports en commun (AOT)
84
Entretien avec Michel Jeannenot réalisé en 2009 par Guillaume Bréjassou dans le cadre du mémoire :
"Les conditions de l'émergence et de l'institutionnalisation d'un système de transport innovant.
L'exemple de l'autopartage à Lyon", ENTPE, juillet 2009
85
Entretien avec Michel Jeannenot

27
nouveau contexte de conception des politiques et des services de transports publics.
Gilles Debizet montre que les politiques publiques de transports ont évolué d’un cadre
sociotechnique marqué par la planification des transports à un paradigme de la
« gestion durable de la mobilité ».86 Le cadre de la planification des transports, dont les
imaginaires techniques sont notamment la voiture individuelle et les infrastructures
routières, nécessite une ingénierie publique lourde et une expertise technique
importance. Celui de la « gestion durable de la mobilité », que Gilles Debizet situe à
partir du début des années 1990, a pour imaginaires techniques la gestion de
l’information, l’intermodalité et la ville courte distance, et pour imaginaires sociaux la
préservation de l’environnement et la cohésion urbaine. Ce cadre de fonctionnement
permet l’apparition de nouveaux services de mobilité et la montée en puissance de
nouvelles expertises, notamment des expertises d’usage. C’est dans cet élargissement
du champ de l’expertise que s’inscrit l’émergence du service d’autopartage lyonnais
porté par l’association « La Voiture Autrement ». Il est porté par des individus qui
n’appartient des instances de décisions publiques, mais qui disposent de formes de
connaissances et de compétences qui leurs permettent de mettre en place des
propositions alternatives aux conceptions publiques du moment.
Ainsi, l’engagement du fondateur puis des administrateurs de l’association « La
Voiture Autrement » est un engagement militant, tourné vers un problème social bien
identifié : celui de la pollution émise par les moyens de déplacements motorisés, et
donc la nécessité d’en rationnaliser l’usage. On voit apparaitre à travers ce mode
d’action les caractéristiques des mouvements sociaux actuels décrit par Jacques Ion,
Spyros Franguiadakis et Patrick Viot87 : « Un ressort de l’action semble constituer une
caractéristique commune : la visée pragmatique de l’engagement, autrement dit le
besoin des militants d’apprécier les effets concrets de leur action. Certes, les
idéologies – au sens de représentations du monde – sont toujours vivaces et constituent
des réserves de l’énergie collective. (…) L’efficacité de l’action, orientée par des
objectifs délimités, précis et atteignables, la recherche de résultats « ici et
maintenant » semblent s’imposer comme une donnée majeure ». Les auteurs parlent
ainsi d’un « idéalisme pragmatique », dont il est intéressant d’explorer les fondements,

86
Debizet G., « Crise ou mutations de l’expertise », dans L’action publique face à la mobilité sous la
direction de Maksim H., Vincent S., Gallez C., Kaufmann V., L’Harmattan Logiques sociales 2010, pp
139-162
87
Ion J., Spyros F., Viot P., Militer aujourd’hui, Paris, Éd. Autrement, coll. Cevipof/Autrement, 2005,
139p

28
la genèse et les implications dans le cas de l’autopartage.

1.1.2. La philosophie de l’autopartage en boucle : un usage raisonné de la


voiture

L’autopartage en boucle, d’origine associative, est le vecteur d’une certaine


conception de la mobilité et de normes de comportements de consommation. Nous
allons voir que la particularité de l’autopartage est qu’il est aussi marqué dans son
histoire par la cohabitation entre des groupes militants défendant cette « philosophie »
et des acteurs marchands développant ce type de service – sous des formes techniques
différentes - à des fins économiques. Cette particularité révèle les divergences et des
oppositions qui traversent le champ des nouvelles mobilités partagées.

a) L’autopartage en boucle, une pratique alternative à la voiture individuelle

L’autopartage consiste à partager une flotte de véhicules entre utilisateurs


adhérant via un système d’abonnements. La forme d’autopartage promue par
l’association « La Voiture Autrement » est un autopartage dit « classique » ou « en
boucle » : les véhicules sont répartis dans des stations, et les utilisateurs doivent
emprunter et ramener le véhicule à la station de départ. Ce système correspond à un
usage prolongé du véhicule – en comparaison à des systèmes d’autopartage très courte-
distance88 pour des déplacements ponctuels, majoritairement périphériques ou de
manière exceptionnelle en ville (transport d'objets volumineux, accompagnement
d’enfants…). Les emprunts de véhicule durent en moyenne 5 à 6 heures pour une
distance parcourue de 40 à 50 kilomètres89. Les utilisateurs sont abonnés au mois ou à
l'année puis payent en fonction de leur temps d'utilisation et des kilomètres qu’ils ont
parcourus. Un système informatique permet de réserver un véhicule à l’avance et d’en
disposer 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ce type d'autopartage correspond donc à un
usage complémentaire aux transports en commun : le public visé est celui des citadins
utilisant les transports collectifs, le vélo et la marche au quotidien en ville et utilisent
une voiture en autopartage pour leurs déplacements plus exceptionnels, comme un

88
L’autopartage en stations, aussi appelé one-way ou trace-directe présente un temps d’utilisation
moyen de 40 minutes pour 9 kilomètre. L’utilisateur peut emprunter un véhicule à une station et le
rendre à une station différente (source : étude 6-t bureau de recherches, Paris)
89
L’autopartage en trace-directe, une alternative à la voiture individuelle ? 6-t bureau de recherches,
2015

29
week-end à la campagne ou des courses dans un grand magasin de périphérie. Ce type
d'autopartage favorise donc la démotorisation des ménages, qui partagent une flotte de
véhicules et utilisent la voiture uniquement dans les cas où il n'existe pas d'alternative
plus écologique, économique et pratique. Les statistiques du réseau France
Autopartage, aujourd’hui Citiz, montrent qu’un véhicule d’autopartage remplace
l’achat de huit véhicules particuliers. Selon l’étude réalisée en 2013 par le bureau de
recherche « 6-t », la pratique de l’autopartage en boucle permet de réduire de 41% en
moyenne le nombre de kilomètres parcourus en voiture. 90
L’intérêt pour l’usager est de disposer d’un véhicule dès qu’il le souhaite, sans
en assumer les coûts fixes d’entretien et de financement d’une assurance. De plus,
l’usager peut accéder à un véhicule adapté à ses besoins, puisque différents modèles
sont proposés (voiture citadine, utilitaire, familiale, adaptée aux personnes handicapées
etc.). L’autopartage en boucle correspond à un usage ponctuel de la voiture
individuelle, et s’adresse à des populations ayant accès à une solution de transport
efficace pour leurs pratiques quotidiennes, comme un réseau dense de transports
collectifs publics, ce qui réduit la cible potentielle d’utilisateurs. Il s’adresse donc à
une catégorie de personnes dont les besoins de mobilité sont spécifiques, avec des
déplacements majoritairement de courte-distance donc vivant dans des zones urbaines
offrant une bonne densité de ressources en termes d’emplois, d’équipements, de loisirs
etc. Selon l’étude réalisée en 2013 par le bureau de recherche 6-t, les usagers de
l’autopartage sont principalement des personnes diplômées, vivant en ville, qui
disposent de revenus moyens 91et qui sont sensibles à la part du budget transports dans
leurs dépenses globales. Dans le cas de l’association lyonnaise « La Voiture
Autrement » les profils des membres abonnés au service de l’association à Lyon
étaient au début du projet plutôt homogènes car issus du milieu des militants
écologistes et notamment du réseau du collectif DARLY92. En effet, le développement
du service a fonctionné de bouche à oreille au sein du réseau associatif lyonnais,
restant plutôt confidentiel93. Par la suite, l’association a développé une communication

90
Enquête nationale sur l’autopartage : l’autopartage comme déclencheur d’une mobilité alternative à la
voiture particulière, rapport final de recherche, 6-t bureau de recherche pour France-Autopartage, janvier
2013
91
Selon les résultats de l’étude réalisée par le bureau d’étude 6-t, plus de la moitié des ménages ayant
répondu à l’enquête gagnent moins de 3 000 euros net par mois et un quart moins de 2 000 euros par
mois.
92
Le collectif DARLY « Pour se Déplacer Autrement sur la Région Lyonnaise » est une coordination
d’associations citoyennes locales engagées en faveur des mobilités alternatives à la voiture individuelle
93
Entretien avec Michel Jeannenot réalisé en 2009 par Guillaume Bréjassou

30
plus active, notamment à l’occasion du salon annuel Primevère, qui se présente comme
« la rencontre de l’alter-écologie »94. Le service, qui met en avant principalement ses
avantages en termes de stationnement et son usage complémentaire aux transport
publics, attire principalement des personnes vivant en centre-ville et peu attachées à
l’imaginaire lié à la propriété d’une voiture individuelle, ayant un profil socio-
professionnel dit « supérieur ». De plus, les stations sont principalement situées sur la
presqu’île lyonnaise et dans des zones alentours qui restent bien desservie par les
transports en commun. L’association regroupe donc des bénévoles et abonnés aux
valeurs militantes, écologistes, qui s’organisent dans une perspective non-lucrative. Ce
groupe, qui s’inscrit dans une perspective plus large que la défense d’intérêts
particuliers, peut être défini comme des « cosmopolitans » selon la typologie des
groupes de citoyens engagés proposée par le politologue Luigi Bobbio, cité par Patrick
Le Galès95 : ce groupe porte un intérêt à une question écologique et sociale ayant une
portée d’intérêt général, à la différence de groupes de type « NYMBY » (Not in My
BackYard) comme les mouvements de résidents ou encore les mouvements de
professions libérales défendant des intérêts économiques particuliers. Il faut noter
toutefois que les membres-adhérents trouvent un intérêt économique à souscrire à ce
service, puisque s’il convient à leurs pratiques de déplacements, leur permet de réaliser
des économies importantes liées à la non-possession d’une voiture. On peut donc
considérer que « La Voiture Autrement », au départ issue d’une initiative individuelle,
s’est rapidement constituée en un groupe jouant le rôle d’un acteur du « troisième
secteur » dans la gouvernance urbaine lyonnaise. En coopérant avec le secteur public,
cet acteur a contribué à l’action publique dans le domaine des déplacements urbains, et
s’inscrit dans le phénomène décrit par Patrick Le Galès « Les villes ne se développent
pas seulement au gré des interactions et des contingences : des groupes, des acteurs,
des organisations s'opposent, entrent en conflit, se coordonnent, produisent des
représentations pour institutionnaliser des formes d'action collective, mettre en œuvre
des politiques, structurer les inégalités, défendre leurs intérêts. »96

94
Site internet du salon Primevère : http://salonprimevere.org/
95
Le Galès P, Le retour des villes européennes, « Associations et mouvements sociaux : la dialectique
des conflits et de la participation », Paris, Presses de Sciences Po, coll. Académique, 2ème édition, 2011
96
Ibid

31
b) Une histoire de l’autopartage marquée par la cohabitation entre groupes
militants et acteurs marchands

Cette nouvelle forme de déplacements qui émerge dans le paysage des


transports lyonnais est issue d’une histoire plus longue de l’évolution d’usages
alternatifs de la voiture, qui existent sous différentes formes. Comme on l’a vu, la
première initiative connue date de 1948 en Suisse, avec le système
Selbstfahrergenossenshaft, littéralement « club de conducteurs », et sera aussi
développée à Amsterdam à partir 1969 avec les « White Car ». Ce système de partage
de voitures est inspiré par l’expérience des « White Bikers » initiée en 1965 par un
collectif libertaire et écologiste militant pour la place du vélo en ville dans le cadre des
élections municipales97, qui ont instauré un des premiers systèmes de vélos en libre-
service, autogéré et gratuit. D’autres initiatives de développement de systèmes
d’autopartage ont émergé par la suite, en Amérique du Nord et en Asie, sous des
formes variées : associations, collectifs d’habitants, coopératives, flotte d’entreprise
etc98. Ces différentes formes d’autopartage répondent à des positionnements politiques,
à des contraintes matérielles ou à des choix stratégiques. Le développement de
l’autopartage en Europe dans les années 1990 s’inscrit ainsi dans un contexte de
réflexions importantes autour du problème de la pollution en ville et de l’amélioration
du cadre de vie. Souvent liées à des engagements militants pour l’évolution des
pratiques de déplacements afin d’en réduire l’impact environnemental et d’améliorer la
qualité des déplacements urbains, les systèmes d’autopartage ont aussi pu exister pour
répondre à des contraintes financières face à l’incapacité de certains ménages à acheter
un véhicule individuel.
À l’échelle mondiale, les initiatives associatives et les systèmes encadrés par
les collectivités territoriales ont été rapidement rejoints par des initiatives privées
portées par des entreprises, en premier lieu aux Etats-Unis. L’analyse du marché de
l’autopartage réalisée par les chercheurs de l’université de Berkeley Susan Shaheen,
Adam P. Cohen et Melissa Chung99 met ainsi en évidence trois phases du
développement des systèmes d’autopartage en Amérique du Nord. La première est une

97
Huré M., Les mobilités partagées. Nouveau capitalisme urbain, Paris, Publications de la Sorbonne,
165 p., 2017
98
Shaheen S., Sperling D., Wagner C., « Carsharing in Europe and North America : Past, present and
future », Transportation Quarterly, vol.52, n°3, 1998, p.35-52
99
Shaheen S., Cohen A., Chung M., « North-America Carsharing. A ten-year retrospective »,
Transportation Research Board : Journal of the Trasportation Research Board, n°2011, 2009, p.35-44

32
phase d’expérimentation et de développement s’étendant de 1994 à 2002, à travers des
initiatives locales et associatives, souvent organisées autour de groupes de voisins. La
seconde, de 2002 à 2007, est marquée par une croissance du marché, l’entrée
d’investisseurs privés et de multinationales, et la diversification des services. Cette
phase est aussi celle de l’évolution de la réglementation et de l’encadrement public des
pratiques d’autopartage, notamment du point de vue des taxes et des autorisations de
stationnement. Enfin, la dernière phase s’étendant de 2007 à aujourd’hui est marquée
par la domination des acteurs économiques dans le domaine de l’autopartage et des
modèles économiques principalement marchands. En 2007, la fusion de deux grandes
entreprises privées d’autopartage américaines Zipcar et Flexcar – créées en 2000 - a
produit la plus grande multinationale de partage de véhicules et marque le début de
cette phase de « commercial mainstreaming »100. L’autopartage tire en effet sa
particularité du fait qu’il est développé à la fois par des groupes de types militants,
avec une visée écologiste, et par des acteurs marchands qui y voient une forme de
transport innovant qu’il est potentiellement rentable d’exploiter économiquement.

c) L’autopartage, un révélateur d’évolutions sociotechniques dans le domaine des


transports urbains

L’autopartage a donc émergé dans un contexte d’évolution des imaginaires


sociaux et techniques autour des déplacements urbains, en particulier en ce qui
concerne la place de la voiture individuelle dans les grands centres urbains. L’analyse
en termes de « cadre socio-technique » proposée par Fabrice Flichy permet d’expliquer
ces processus d’innovation techniques101 en lien avec des évolutions sociales. Cette
analyse est reprise par Gilles Debizet102 pour étudier l’évolution de l’expertise dans le
domaine des transports urbains. Les évolutions progressives des imaginaires sociaux
qui ont permis l’émergence de l’autopartage sont liées notamment à l’évolution des
représentations autour de la voiture individuelle dans certains groupes sociaux. Un
temps objet incontournable, tant du point de vue pratique que symbolique, la voiture a
progressivement été perçue par certaines catégories d’habitants comme indésirable, en
raison de la pollution qu’elle provoque, des coûts qu’elle engendre et de l’espace

100
ibid
101
Flichy P., L’innovation technique, ed. La Découverte, 2003, 256 p.
102
Debizet G., « Crise ou mutations de l’expertise », dans L’action publique face à la mobilité sous la
direction de Maksim H., Vincent S., Gallez C., Kaufmann V., L’Harmattan Logiques sociales 2010, pp
139-162t

33
public qu’elle occupe. La préservation de l’environnement et la nécessité d’adapter son
mode de vie et de consommation à ce nouvel enjeu sont des préoccupations qui ont
pris une importance grandissante, notamment dans les grands centres urbains. Du point
de vue des imaginaires techniques, la montée en puissance des nouvelles technologies
de l’information permet une gestion optimisée des données et donc des déplacements.
Elle offre de nouvelles opportunités techniques, et notamment celle de la gestion d’une
flotte de véhicules, de systèmes d’abonnements et de location entièrement
informatisés. L’intermodalité, c’est-à-dire le fait de se déplacer en utilisant différents
moyens de transports en fonction de ses besoins, est aussi un nouvel imaginaire
technique selon Gilles Debizet. L’autopartage s’inscrit en cohérence avec ce nouveau
cadre sociotechnique, puisqu’il correspond à un usage non-exclusif de la voiture, en
complément des autres transports disponibles.
Il faut ainsi noter que l’autopartage, et plus largement des mobilités partagées
de tous les types, comme le vélo en libre-service et le covoiturage, ont émergé dans un
contexte de montée en puissance des enjeux écologiques et environnementaux dans les
préoccupations collectives et dans les décisions issues de l’action publique. Leur
invention est liée à des prises de conscience de groupes souvent militants, parfois
contestataires, engagés dans le domaine de l’écologie politique. Ces formes
minoritaires sont les prémisses d’évolutions plus importantes, notamment dans les
grandes villes et parmi des catégories socio-professionnelles à fort capital culturel. Le
contexte de crise économique joue aussi un rôle important dans l’émergence de ces
nouvelles pratiques : la remise en cause de la propriété, ou du moins sa difficulté
d’accès, invite à de nouvelles formes de consommation, basées sur l’échange entre
particuliers, le partage des biens non-consommables et des nouvelles formes de
confiance dans l’échange. Ces nouveaux rapports à l’échange et à la consommation
représentent les racines de ce que l’on appelle aujourd’hui l’« économie
collaborative » ou l’ « économie du partage ». Ce type d’échanges fondés sur les outils
numériques permet de produire et de consommer des services entre particuliers. Ces
nouvelles formes d’utilisation des transports et de la voiture individuelle sont en effet
intrinsèquement liées à la démocratisation de l’usage des smartphones depuis la fin des
années 2000 qui permettent un accès généralisé à l’information en temps réel. Selon
les observations de l’avis de Conseil économique, social et environnemental de 2015
« La mobilité numérique débouche ainsi à la fois sur une forme d’individualisation des

34
transports en commun et sur une mise au service du collectif des transports individuels
(automobile, vélo). »103

1.1.3. La forme associative, une limite pour l’autopartage lyonnais

Le modèle économique de l’autopartage sous la forme associative rend sa


pérennité difficile. C’est un système coûteux, qui engendre des frais d’achats,
d’entretiens et de fonctionnement importants. Dans le cas de l’association « La Voiture
Autrement », l’objectif étant que ce service soit accessible financièrement, les prix des
abonnements et des locations doivent rester modérés. L’autopartage est donc un
système difficile à porter sur le long terme pour une structure associative qui se
caractérise par une forte dépendance aux financements publics.
L’autopartage lyonnais développé par l’association « La Voiture Autrement » a
vu apparaître ses limites à partir de l’année 2005104. Malgré une relance réussie par le
nouveau conseil d’administration, la forme associative a rapidement été identifiée
comme une limite au développement du service. Le modèle économique de la
structure était extrêmement fragile et représentait un frein à un changement d’échelle
et une généralisation du service sur toute l’agglomération.105 La dépendance aux
subventions publiques et la faiblesse du soutien des élus représentaient alors une
fragilité structurelle. Le départ du fondateur en 2005 révèle les difficultés humaines à
porter un projet qui demande un investissement personnel fort et entièrement bénévole.
À partir de 2005, en dehors des deux salariés à temps pleins, les administrateurs
participent au fonctionnement de l’association de manière bénévole, en plus de leur
activité professionnelle.
Dans ce type de service de véhicules partagées, l’efficacité et l’attractivité
augmentent avec le nombre de stations et de véhicules disponibles, pour pouvoir
répondre à la diversité des besoins des adhérents, le plus largement possible. Dans le
cas d’un nombre de véhicules insuffisant par rapport au nombre d’abonnés, l’intérêt du
service se voit réduit et risque d’entraîner une forte insatisfaction (indisponibilité des
véhicules, mauvais entretien…). Dans le cas du service de l’association « La Voiture

103
Conseil économique, social et environnemental, Rapport « Révolution numérique et évolutions des
mobilités individuelles et collectivités (transport de personnes) », (2015)
104
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, administratrice de La Voiture Autrement de 2005 à 2008,
réalisé le 30 janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle en annexe p.141
105
ibid

35
Autrement », le développement du service demeure très limité. Selon Olivier Ledru,
président de l’association de 2005 à 2008 l’évolution du nombre d’utilisateurs depuis
la création jusqu’à fin 2007 n’est pas satisfaisante dans la perspective d’une
généralisation de la pratique : « La Voiture Autrement a connu une croissance assez
forte du nombre d’abonnés, de l’ordre de +50% par an entre 2003 et 2006. En cinq
ans (…) on est donc passé de zéro à un peu plus de 500 utilisateurs. Ceci reste
complètement marginal dans l’absolu par rapport à la taille de Lyon, mais aussi par
rapport à d’autres villes comme Strasbourg où, à la même époque, le service comptait
106
le double d’adhérents » . Le service connaît alors un effet de plafonnement, et ne
peut envisager un développement sous sa forme associative. Si le nombre d’abonnés
augmente, il est impossible pour l’association d’investir dans de nouveaux véhicules,
et le service connaît alors une période de saturation : les abonnés sont contraints de
réserver les véhicules de manière très anticipée pour s’assurer de disposer d’un
véhicule, ce qui rend le service de moins en moins satisfaisant.107 Les compétences et
la disponibilité des administrateurs, tous bénévoles et occupant des emplois en
parallèle, ont aussi rapidement été considérées comme insuffisantes pour projeter un
développement important du service : « on a fonctionné comme ça de manière
associative pendant quelques années, et puis au bout d’un moment on voyait bien que
ça plafonnait, parce que nos ressources en temps étaient ce qu’elles étaient, à part
Pierre qui était retraité on était tous actifs (…) on plafonnait un peu en temps et aussi
en compétences pour faire certaines tâches. Là où on plafonnait surtout c’était sur
l’augmentation du parc.»108
Le manque de soutien de la part de la communauté urbaine de Lyon a aussi été
identifié par les administrateurs comme une faiblesse pour l’association109. Un des
indicateurs du manque de poids de l’association et de l’absence de soutien par la
communauté urbaine est l’issue défavorable pour « La Voiture Autrement » du
contentieux autour de la marque « Autolib’ ». En effet, en 2008, seulement un an après
le changement de nom du service d’autopartage lyonnais pour le nom « Autolib’ », la
mairie de Paris annonce le lancement d’un projet d’autopartage dans la capitale,

106
Entretien avec Olivier Ledru, réalisé par Boris Chabanel, publié dans Millénaire 3, janvier 2011
107
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, administratrice de La Voiture Autrement de 2005 à 2008,
réalisé le 30 janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle en annexe p. 141
108
ibid
109
ibid

36
nommé lui aussi « Autolib’ ». La mairie, dirigée par Bertrand Delanoë, est très
attachée à l’utilisation de ce nom car il s’inscrit en cohérence avec celui du système de
vélos en libre-service « Vélib’ ». À la différence de l’autopartage classique dit « en
boucle », le système proposé à Paris fonctionne en one-way ou trace-directe : les
véhicules peuvent être empruntés à une station et rendus à une autre station, ce qui
favorise les trajets de courte-durée en centre-ville. Selon le récit des anciens
administrateurs de l’association, le maire de Lyon n’a à l’époque pas soutenu
l’association « La Voiture Autrement » dans la défense de sa marque face à son
appropriation par la mairie de Paris : « On a averti Gérard Collomb qu’il y avait un
petit problème, mais Collomb ne voulait pas se fâcher avec Delanoë donc c’est resté
dans le flou pendant un certain temps, et puis après les médias ne parlaient que
d’Autolib’ Paris, donc ça entraînait une confusion par rapport à notre service, les
gens disaient « ah c’est la même chose qu’à Paris ? » et on disait « non, non, vous
confondez », donc il fallait changer le nom. Donc on s’est fait piqué le nom d’une
certaine manière. »110
L’association est donc en 2007 dans une situation fragile, et fait le constat de
l’impossibilité de proposer une alternative totalement indépendante des institutions
traditionnelles en charge des transports urbains. De plus, les administrateurs
apprennent alors l’arrivée probable d’un consortium privé souhaitant développer
l’autopartage en boucle en France sous une forme commerciale, en commençant leur
installation à Lyon. Cette annonce va enclencher une réflexion sur l’avenir du service,
avec une réelle volonté de le maintenir et de le développer, sous une autre forme
organisationnelle.

Conclusion de la partie 1.1 – Les origines associatives de l’autopartage lyonnais


L’autopartage lyonnais trouve son origine dans le milieu associatif : issu d’une
initiative individuelle inspirée par des dispositifs existants dans d’autres villes
françaises et européennes, il a connu un développement rapide à Lyon de 2003 à 2007.
La création du premier service d’autopartage en boucle lyonnais repose sur des
engagements militants souhaitant apporter une solution alternative à la propriété d’un
véhicule individuelle, afin de répondre aux enjeux environnementaux autour des
déplacements urbains.

110
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, ancienne administratrice de l'association La Voiture
Autrement, réalisé le 30 janvier 2017, retranscription partielle en annexe p. 141

37
Toutefois, l’ampleur du dispositif demeure limitée, notamment en raison du coût
que représente l’augmentation de la flotte de véhicules ainsi que de la fragilité du
modèle économique et de sa forme organisationnelle. La dépendance aux subventions
publiques et la fragilité du soutien des élus locaux empêche un changement d’échelle
de développement et une démocratisation du service.
Nous allons voir comment, pour faire face à cette situation d’impasse, les
administrateurs de l’association ont saisi des opportunités et utilisé des ressources
institutionnelles afin de transformer le service et permettre de pérenniser et renforcer
son développement sur l’agglomération lyonnaise. En parallèle de ces observations au
niveau local, il est intéressant de voir comment le cadre législatif autour de
l’autopartage et plus largement des mobilités alternatives à la voiture individuelle, a
évolué, inscrivant ainsi ces pratiques dans le droit français et encourageant leur
développement.

1.2. L’institutionnalisation à deux vitesses de l’autopartage lyonnais

Les pratiques et les services d’autopartage, au départ plutôt informels et


d’ampleur limitée, se sont progressivement développés et structurés grâce à leur
appropriation par les institutions publiques, notamment par la mise en place de
réglementations et de nouveaux dispositifs publics. Ce phénomène
d’institutionnalisation, que l’on définit en sociologie comme un processus de
pérennisation et d’acceptation d’un système de relations sociales, met en jeu, selon
Virginie Tournay, une double dialectique de l’institué et de l’instituant : « l’instituant,
c’est-à-dire le processus par lequel un groupe tend à s’organiser - et le résultat de
cette impulsion : l’institué »111. Il est intéressant de voir que ce processus
d’institutionnalisation a eu lieu simultanément à plusieurs échelles dans le cas de
l’autopartage lyonnais, et à des vitesses différentes. En premier lieu, la reprise de la
gestion du service d’autopartage de l’association « La Voiture Autrement » par la
société d’économie mixte Lyon Parc Auto, détenue en majorité par la puissance
publique, à partir de l’année 2008. En second lieu, nous verrons que le cadre législatif
au niveau national a, à la même époque, créé des conditions favorables au
développement de services d’autopartage par les collectivités locales. Enfin, nous

111
Tournay V., Sociologie des institutions, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? »,
2011, 128 p.

38
montrerons comment, et pour quelles raisons, la Métropole de Lyon a introduit la
promotion de l’autopartage dans ces orientations locales. Chaque forme
d’institutionnalisation implique un effet sur le dispositif d’autopartage et sa
« philosophie »112, que ce soit d’un point de vue organisationnel ou technique.

1.2.1. De l’association à l’entreprise publique : reprise et développement


du service Autolib’ par la société d’économie mixte Lyon Parc Auto (2007-
2008)

Au 1er janvier 2008, le service d’autopartage mis en place par l’association « La


Voiture Autrement » a été repris en gestion par la société d’économie mixte Lyon Parc
Auto (LPA)113. Nous proposons de revenir sur le processus qui a mené jusqu’à cette
décision de reprise par une entreprise publique d’un service créé à l’initiative du milieu
associatif local, ainsi que sur les effets de cette intégration sur le développement du
service d’autopartage et sa place dans le paysage des transports lyonnais.

a) Le choix d’intégrer l’autopartage en boucle aux activités de l’entreprise


publique Lyon Parc Auto : entre intérêt général et intérêt économique

Lyon Parc Auto est une société d’économie mixte (SEM) créée en 1969 pour
répondre au besoin croissant de stationnement automobile en ville. La société Lyon
Parc Auto est propriétaire de la majorité des parkings situés sur le territoire lyonnais.
Les collectivités locales représentent plus de 60% du financement de l’entreprise et de
la composition du conseil d’administration : sont représentées la communauté urbaine
de Lyon – aujourd’hui Métropole (4 sièges), la ville de Lyon (3 sièges), et le
département du Rhône (1 siège). Les autres participants à l’actionnariat de l’entreprise
sont la Caisse des Dépôts et Consignations, Dexia Crédit Local, le Crédit Agricole et la
Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon114. En tant qu’entreprise publique
locale, la société LPA oriente, d’après ses statuts, ses actions vers l’« intérêt
général»115, et n’a pas pour objectif prioritaire la rentabilité immédiate de chacune de

112
Voir « La philosophie de l’autopartage » p. 27
113
Voir chronologie des événéments en annexe p.123
114
Site internet de Lyon Parc Auto, http://www.lpa.fr/a-propos-de-lpa/entreprise-publique-locale/
115
La conception de l’intérêt général par LPA renvoie aux impacts identifiés comme bénéfiques de ses
activités : « Ce statut d’EPL implique pour LPA la pratique d’un entrepreneuriat éthique, cherchant le
bénéfice à des fins vertueuses pour Lyon et ses habitants. » (Site internet de Lyon Parc Auto). Par

39
ses activités, comme l’explique la directrice marketing de LPA : « on est une SEM116,
on est une structure qui a l'habitude de porter du déficit sur du très long terme, notre
métier d'origine c'est la concession. La concession c'est : on met des millions d'euros
sur la table, et on sait qu'on sera bénéficiaires 20 ans après, 30 ans après »
L’idée de développer un système d’autopartage par Lyon Parc Auto est liée à
une réflexion commune entamée en 2005 par son directeur général, François Gindre, et
sa directrice marketing, Christine Giraudon117. En 2006, ils rencontrent les
gestionnaires du service « Mobility Carsharing » en Suisse, qui dispose de plus de
2000 véhicules en partage à cette époque, afin d’étudier le fonctionnement du système
et ses enjeux techniques et financiers à cette échelle. À la fin de l’année 2006, le
consortium privé évoqué précédemment118 contacte Lyon Parc Auto afin de discuter de
la possibilité de mettre en place un système d’autopartage de grande ampleur en
collaboration. L’intérêt pour ce consortium était de bénéficier des compétences et des
ressources de l’entreprise LPA pour la gestion du stationnement et l’entretien des
véhicules119. Suite à des échanges et un travail de discussion s’étendant sur près d’une
année, les dirigeants de Lyon Parc Auto font le constat de difficultés à avancer sur ce
projet, de problèmes de gouvernance du côté de l’opérateur privé et de divergences
dans les perspectives des deux parties120. Selon la directrice marketing de Lyon Parc
Auto, cette situation de blocage a motivé l’engagement d’une réflexion approfondie
sur l’orientation à opérer par LPA afin de développer un service d’autopartage
d’ampleur à Lyon : « Finalement, on a eu une discussion super intéressante en se
disant, mais finalement, quel est l'intérêt de la Métropole, quel est l'intérêt de
l'entreprise ? On avait le choix : un grand groupe, qui voulait un développement
national dans lequel on était un petit acteur local qui faisait que l'exploitation et
l'entretien local, et puis il y avait cette association121, qu'on trouvait avec une
démarche intéressante, qui était membre de France Autopartage, il me semblait que
sur le plan éthique on avait plus de proximité avec eux, certainement plus qu'avec les

ailleurs, elle est liée à la présence d’élus municipaux et métropolitains au sein du Conseil
d’Administration.
116
Société d’Economie Mixte.
117
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto, réalisé à Lyon en février
2017, voir retranscription partielle en annexe p.164
118
Ce consortium est composé notamment d’un grand constructeur automobile et d’un exploitant de
transports en commun mais l’identité de ces acteurs est toujours confidentielle à ce jour.
119
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto
120
ibid
121
Il s’agit bien ici de l’association « La Voiture Autrement »

40
partenaires de l'autre groupe. »122. De plus, le développement d’une offre
d’autopartage entre, selon le directeur général, en cohérence avec les missions de Lyon
Parc Auto : « ça m’apparaît comme une activité assez complémentaire de la nôtre (…)
c’est un service qui correspond aux besoins de nos clients qui ont besoin de voitures
mais l’utilisent de moins en moins souvent (…) donc on les perd comme clients en
stationnement mais on les gagne en clients de ce service. Et puis par ailleurs ça
répond à notre vocation qui est de contribuer à un bon fonctionnement des
déplacements à Lyon dans le cadre des objectifs des collectivités »123. L’intérêt
économique de l’entreprise est en effet de se positionner sur un service qui pourrait
potentiellement représenter une concurrence à leur activité principale, à moins qu’elle
soit intégrée à leur offre. On observe à travers ce choix d’orientation du
développement leur activité que la nécessité d’adapter l’offre de LPA à un nouveau
contexte qui invite à penser les déplacements urbains de manière plus « durable » et
moins motorisée est bien prise en compte par les dirigeants de l’entreprise. En effet,
Lyon Parc Auto, par une activité fondée sur une offre importante de stationnement en
centre-ville, rencontre ses propres contradictions en tant qu’acteur des politiques
publiques de déplacements à Lyon : son activité dépend de l’augmentation du nombre
de véhicules individuels en ville, tandis que la puissance publique tente désormais de
limiter la circulation automobile. La politique de stationnement est décidée au niveau
de la collectivité, et l’entreprise Lyon Parc Auto répond aux appels d’offre émis,
qu’elle remporte souvent124. Face à la restriction du stationnement engagée par la
puissance publique, l’entreprise doit donc adapter ses activités vers des nouveaux
services, en phase avec les nouveaux besoins et pratiques de mobilité tout en restant
dans son domaine de compétences : l’autopartage se situe au croisement entre ces deux
dimensions.
Au cours de l’année 2007, les discussions entre Lyon Parc Auto et l’association
La Voiture Autrement ont été engagées sur la possibilité de développer conjointement

122
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto, réalisé à Lyon en février
2017, retranscription partielle p. 164
123
Entretien avec François Gindre, directeur général de Lyon Parc Auto, réalisé par Guillaume
Bréjassou en 2009
124
Giriat M., Que faire de la voiture en ville ? Stationnement et gouvernement urbain à travers l’étude
de la société d’économie mixte Lyon Parc Auto (1969-2006), mémoire de quatrième année, sous la
direction de Renaud Payre, SciencesPo Lyon, 2006

41
un service d’autopartage d’ampleur à Lyon125. Les deux interlocuteurs principaux ont
été François Gindre, directeur de Lyon Parc Auto, et Olivier Ledru, alors président de
« La Voiture Autrement »126. Ce dernier bénéficie d’une expertise forte dans le
domaine des transports, en tant qu’ingénieur consultant au sein de la filière ferroviaire
du groupe d’ingénierie français EGIS127. Olivier Ledru a fortement défendu la
participation de son association pour le développement d’un service d’autopartage de
plus grande ampleur, notamment en se basant sur les bons résultats du plan de
développement qu’il avait mis en place deux ans auparavant128. Les deux structures
étaient déjà liées depuis plusieurs années par un contrat autour du stationnement des
véhicules en autopartage dans les parcs LPA à des tarifs préférentiels, et les
responsables de l’entreprise connaissaient les fragilités économiques de l’association :
« les échanges ont été intéressants et ils ont durés un peu, avec l'idée d'avoir des
engagements : d'abord on a vérifié qu'on avait bien la même philosophie de
l'autopartage et les mêmes objectifs, qu'on était bien en phase sur l'idée de développer
massivement l'autopartage, et en même temps pas en faire une activité génératrice de
bénéfices délirants. L'objectif c'était d'arriver à l'équilibre avec une sécurité financière
qui leur permettrait de continuer à développer les véhicules. »129.
Après le constat d’un accord et d’un intérêt partagé au développement du
service par la société LPA, la décision de reprise du service sous le nom « Autolib’
LPA » est votée le 15 octobre 2007 en conseil d’administration et fixée au 1er janvier
2008. Parallèlement, l’association « La Voiture Autrement » vote le transfert de son
activité en assemblée générale exceptionnelle au mois de novembre 2007, décision
acceptée par ses adhérents. Le processus d’intégration du service créé par l’association
« La Voiture Autrement » a donc été pacifié et bien perçu par les administrateurs de
l’association : « Nous, ce rachat, on l’a très bien vécu. Parce qu’on stagnait un petit
peu en termes de développement, économiquement on voyait que les banques nous

125
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto, réalisé à Lyon en février
2017 et entretien avec Lydia Coudroy de Lille, ancienne administratrice de l’association La Voiture
Autrement
126
Bréjassou G., "Les conditions de l'émergence et de l'institutionnalisation d'un système de transport
innovant. L'exemple de l'autopartage à Lyon", mémoire, ENTPE, juillet 2009
127
Le groupe EGIS, propriété à 75% de la Caisse des Dépôts et Consignations, est un leader mondial
dans le domaine du conseil, de l’ingénierie et de l’exploitation d’infrastructures de transports
128
Entretien avec Olivier Ledru, président de « La Voiture Autrement » de 2005 à 2008, réalisé par
Guillaume Bréjassou en 2009, retranscription intégrale
129
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto, réalisé à Lyon en février
2017

42
soutenaient encore, mais c’était un petit peu léger »130. Le discours du Président de
l’association lors du conseil d’administration de Lyon Parc Auto traduit cette nécessité
de changer la forme organisationnelle de la gestion du service pour espérer le voir
perdurer : « (…) Durant ces 7 années, le développement de l’autopartage lyonnais
s’est toutefois heurté aux limites d’une gestion associative. Seuls la
professionnalisation du service, l’apport de capitaux et un soutien plus fort des
collectivités pouvaient positionner Autolib’ dans le sens de l’histoire, c'est-à-dire celui
d’un essor massif de l’autopartage afin de répondre aux enjeux du développement
durable. »131.

b) L’autopartage en boucle par Lyon Parc Auto : un service « semi-


public »132 ?

Les différentes options qui se sont présentées à l’entreprise publique Lyon Parc
Auto pour développer une activité d’autopartage sont révélatrices des ambiguïtés qui
existent autour du statut de ce service. La particularité de l’autopartage est qu’il peut
être mis en place sous différentes formes institutionnelles et modèles économiques,
allant du service public au service marchand privé. Cette nouvelle activité est
révélatrice de l’affaiblissement de la frontière entre service public et activité
marchande privée, tout comme de l’expansion du champ d’intervention de la puissance
publique et de la diversification de ses activités au-delà des fonctions régaliennes.
Jacques Chevallier évoque ainsi les « nouvelles frontières du service public » : « les
signes distinctifs qui attestaient de son irréductible singularité par rapport à la sphère
des activités privées se sont estompés »133. Parce qu’elle se situe au croisement entre le
domaine du service public et de celui du marché économique, et qu’elle est soumise à
une exigence d’efficacité dans un contexte concurrentiel fort, l’activité d’autopartage
amène à questionner la compatibilité entre la gestion publique et l’activité marchande.
La diversité des modèles de gestion de l’autopartage en boucle dans les différentes

130
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, ancienne administratrice de l'association LVA, réalisé en
février 2017
131
Discours du président de La Voiture Autrement lors du conseil d’administration de Lyon Parc Auto
du 3 octobre 2007 (archives de l’association)
132
Expression utilisée par Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au service
Déplacements de la direction de la Planification et des Politiques d’Agglomération de la Métropole de
Lyon, entretien réalisé le 9 février 2017 à Lyon, retranscription partielle p.146
133
Chevallier J., « Les nouvelles frontières du service public », Regards croisés sur l'économie 2007/2
(n° 2), p. 14-24. DOI 10.3917/rce.002.0014

43
villes françaises révèle cette difficulté à définir un modèle unique adapté à cette
activité. Par exemple, À Lille, le choix a été fait en 2007 de mettre en place un Société
Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC)134, financée notamment par l’exploitant du
réseau de transports en commun Keolis, la ville de Lille et l’ADEME (Agence de
135
l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) . Il faut noter que parmi les 13
services d’autopartage en boucle présents en France en 2016, 9 sont gérés sous forme
de SCIC et 3 sous les formes de régies municipales ou de coopératives de
consommateurs : le modèle de gestion mis en place à Lyon fait donc figure
d’exception136.
Le changement de gouvernance du service Autolib’ à Lyon, qui a donc lieu en
janvier 2008, a des implications fortes pour son fonctionnement et son développement.
D’abord, les moyens financiers investis sont conséquents, ce qui permet l’achat de
plusieurs véhicules : la flotte double entre 2007 et 2008 puis continue d’augmenter
fortement les années suivantes.

Figure 1 : Evolution du service d'autopartage en boucle Autolib' / Citiz LPA entre 2007 et 2012
Source : Nova7

Représentée au conseil d’administration, la puissance publique est introduite


directement dans les prises de décisions liées au service d’autopartage137. Certains élus
présents au conseil d’administration au moment de l’intégration de l’autopartage aux
activités de LPA sont en outre impliqués dans les questions de mobilité et de
déplacements au niveau du Grand Lyon. C’est le cas de Gilles Vesco, vice-président
du Grand Lyon depuis 2001 et conseiller aux nouvelles mobilités urbaines. Il a été le
porteur du projet Vélov’ à Lyon, le premier dispositif de vélos en libre-service en
France, déployé en 2005 en délégation de service public par le groupe publicitaire JC
Decaux. Jean-Louis Touraine, lui aussi vice-président du Grand Lyon depuis 2001, est

134
Une SCIC est caractérisée par une forme commerciale (par exemple une société anonyme, inscrite au
registre du Commerce et des Sociétés) qui associe à la décision les salariés, les bénéficiaires et les
contributeurs, en particulier les financeurs
135
Site internet de la coopérative Lilas Autopartage (membre du réseau Citiz) http://www.lilas-
autopartage.fr/en-savoir-plus-sur-lilas/les-partenaires/les-partenaires-institutionnels/
136
« Citiz », in Wikipedia, l’Encyclopédie Libre, Wikimédias, 2017, https://fr.wikipedia.org/wiki/Citiz
137
Site internet de Lyon Parc Auto « Une entreprise publique locale » : http://www.lpa.fr/a-propos-de-
lpa/entreprise-publique-locale/

44
élu président de Lyon Parc Auto en juin 2008, succédant à Christian Philip. Jean-Louis
Touraine a été, selon le fondateur de « La Voiture Autrement » Michel Jeannenot138,
un défenseur du service dès ses débuts. Enfin, Pierre Abadie, vice-président en charge
des questions de voirie est le troisième administrateur de Lyon Parc Auto représentant
la communauté urbaine de Lyon. Tous ont voté favorablement à l’intégration du
service d’autopartage Autolib’ aux activités de Lyon Parc Auto en octobre 2007139. Le
rôle du conseil d’administration dans une société d’économie mixte est de voter les
orientations proposées par la direction. François Gindre, le directeur de Lyon Parc
Auto, explique les spécificités de ce type de gouvernance : « La particularité de
l’économie mixte vient des administrateurs qui pour la plupart sont des élus. En
général, ils ne sont pas à l’origine des idées et des orientations parce qu’ils ont des
durées de présence assez courtes, en général limitées à un mandat politique et ce ne
sont pas des professionnels : ni de l’administration d’entreprise, ni du domaine
technique particulier du stationnement. »140 . En parallèle, la perte de la forme
associative implique que les abonnés du service d’autopartage n’ont plus de pouvoir de
participation aux décisions prises par l’organisation. Afin de garantir une certaine
forme de contrôle par l’association sur les décisions de l’entreprise Lyon Parc Auto
concernant le service d’autopartage, l’entreprise a accepté la création d’un poste de
« censeur », autorisé à assister aux conseils d’administrations lorsque la question de
l’autopartage est à l’ordre du jour, mais ne disposant pas du droit de vote
Ainsi, à travers le transfert de l’activité de la Voiture Autrement vers la société
d’économie mixte, l’autopartage se rapproche du champ de l’action publique locale,
sans y être intégré totalement. Cette intégration « par la petite porte » est issue de
décisions et motivations individuelles, notamment de la volonté de la Direction de
l’entreprise Lyon Parc Auto. À ce stade, le statut de l’activité d’autopartage apparaît
donc comme hybride, entre service public et service privé.

138
Entretien avec Michel Jeannenot réalisé en 2009 par Guillaume Bréjassou
139
Procès-verbal du conseil d’administration de Lyon Parc Auto du 15 octobre 2007
140
Entretien avec François Gindre, directeur de Lyon Parc Auto, réalisé par Guillaume Bréjassou en
2009

45
c) Le nouveau rôle incertain de l’association « La Voiture
Autrement » : entre promoteur et observateur

L’association « La Voiture Autrement », en portant et en faisant la promotion


de cette nouvelle forme de transports qu’est l’autopartage en boucle, a joué un rôle
important dans son intégration à l’offre de transports sur le territoire lyonnais. En
acceptant ce transfert d’un système qu’ils avaient mis plusieurs années à développer,
les membres de l’association ont réellement participer à la fourniture d’un nouveau
service, développé par une institution semi-publique. Ce processus de coopération
entre des acteurs du « troisième secteur » et la puissance publique pour la mise en
œuvre de politiques publiques locales est un phénomène fréquemment observé dans les
villes européennes depuis le début des années 1970, comme le décrit Patrick Le
Galès141. Ce cas de collaboration et de transfert d’un service d’une association vers une
institution semi-publique est révélateur des nouvelles formes de relations qui existent
entre les différents acteurs publics et privés à l’échelle d’une métropole, ces derniers
participant de plus en plus à l’élaboration des politiques publiques, comme le souligne
Patrick Le Galès : « la nouveauté est sans doute là : non pas dans l’existence de
mouvements sociaux et d’associations mais dans la façon dont ces groupes
revendiquent et sont reconnus comme des acteurs dans la ville par des gouvernements
urbains qui ont développé des techniques diverses pour traiter avec eux. »
Il faut souligner que c’est bien le service qui a été institutionnalisé, en passant
sous la gestion d’une institution importante, très structurée et officiellement reconnue
dans le paysages de transports lyonnais, et non l’association elle-même. Dépossédée de
la gestion du service, elle a transformé son rôle et ses actions vers un travail de veille,
de promotion des services et de défense des intérêts des usagers142. Finalement, d’un
statut de militant « producteur » d’un service, elle en devient à la fois le promoteur et
l’observateur critique143, ce qui lui confère une position ambigüe : « Au début on se
présentait comme défendeurs des usagers de l’autopartage, en cas de problème. Mais
il n’y avait pas beaucoup de problème, donc on n’avait pas grand-chose à faire »144.

141
Le Galès P, Le retour des villes européennes, « Associations et mouvements sociaux : la dialectique
des conflits et de la participation », Paris, Presses de Sciences Po, coll. Académique, 2ème édition, 2011
142
Notamment à travers la publication de communiqués de presse et d’articles sur le blog
http://lavoitureautrement.blogspot.fr/
143
« Militantismes institutionnels », Politix, 2005/2, n°70, p.3-6
144
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, ancienne administratrice de l'association LVA, réalisé en
février 2017, retranscription partielle p. 141

46
L’association acquière un statut d’interlocuteur légitime, notamment à travers le poste
de censeur qui lui est attribué. Cette fonction lui confère une position de « contestataire
officiel »145, qui peut affaiblir sa portée militante, et ne lui attribut aucun pouvoir de
décision au sein du conseil d’administration. Finalement, ses activités se sont orientées
principalement vers la promotion de l’autopartage en boucle de Lyon Parc Auto146, et
une veille critique sur les autres formes d’autopartage existantes, comme nous le
décrirons plus tard. Toutefois, cette activité a pris fin d’elle-même au cours de l’année
2014, en raison du manque de disponibilité des bénévoles.
Le transfert du service créé par l’association « La Voiture Autrement » vers la
société d’économie mixte Lyon Parc Auto représente un aspect de
l’institutionnalisation de l’autopartage en boucle à Lyon. On va voir que cette
institutionnalisation s’opère aussi à d’autres échelles à travers des processus de natures
différentes.

145
ibid
146
ibid

47
1.2.2. Un contexte législatif favorable au développement de l’autopartage

Parallèlement à la reprise de la gestion du service d’autopartage lyonnais par


une institution semi-publique, il est intéressant d’étudier l’évolution du contexte
législatif autour de l’activité d’autopartage qui a eu lieu au niveau national. En effet,
un cadre légal s’est progressivement institué autour de cette nouvelle forme de
mobilité, représentant à la fois une reconnaissance officielle de l’existence de cette
pratique et un encouragement à son développement. L’État met seulement en place des
cadres incitatifs mais ne s’engage toutefois pas directement pour le développement de
services d’autopartage sur le territoire.

a) Quand l’État s’empare du problème de la voiture en ville

Pour comprendre le processus législatif qui a mené à une inscription de la


définition de l’autopartage dans la loi et à la création d’un « label autopartage » en
2010, nous proposons de réaliser une généalogie des lois et engagements favorables
aux mobilités partagées, dont fait partie l’autopartage. Il s’agit de voir comment l’Etat
et les collectivités territoriales sont « devenus des acteurs des altermobilités »147,
comme le montre Stéphanie Vincent dans ses travaux, à travers l’exemple du
covoiturage148. La puissance publique, au niveau national et local, a en effet
progressivement identifié des enjeux publics prioritaires liés aux transports que sont la
réduction de l’impact environnemental des déplacements humains et la question de
l’accessibilité physique, financière et sociale des transports.
Les usages partagés de la voiture ont progressivement été identifiés comme un
levier pour répondre à ces deux enjeux. La question automobile et son évolution
représente une objet central dans les réflexions autour des politiques urbaines
depuis les années 1950. En effet, le rapport ville-automobile est essentiel pour
comprendre l’évolution des cadres de conception des politiques de transports et

147
ibid
148
À la différence de l’autopartage, le covoiturage correspond à l’utilisation simultanée d’un véhicule
par plusieurs personnes souhaitant réaliser le même trajet afin de partager les frais engagés (essence,
péage…) et de réduire l’impact environnemental de leurs déplacements. Comme l’autopartage, le
covoiturage représente une alternative à l’autosolisme, c’est-à-dire à l’utilisation individuelle d’un
véhicule.

48
d’aménagement. À la suite de plusieurs décennies d’adaptation de la ville à la voiture,
marquées par la multiplication des grands axes routiers en centre-ville, par l’étalement
urbain et par l’augmentation des surfaces de stationnement dédiées aux véhicules
individuels149, des formes multiples de contestation et de critique du « tout-voiture »
ont émergé à partir des années 1970.150 Ces critiques s’inscrivent plus largement dans
un contexte de réflexion sur l’impact environnemental des activités humaines ainsi que
sur les modes de consommation généralisés par la période de croissance économique
des Trente Glorieuses. Ces préoccupations, invitant à limiter l’usage de la voiture en
ville au profit de transports collectifs notamment, sont progressivement intégrées au
droit français à travers des lois fondatrices pour l’orientation du développement des
transports publics. Ainsi, en 1982, la Loi d’Orientation sur les Transports Intérieurs
(loi LOTI), affirme un « droit au transport » et introduit les Plans de Déplacements
Urbains (PDU) comme outils de gestion locale des déplacements, des transports
publics, de la circulation et du stationnement. Un des objectifs de l’instauration des
PDU est d’amener les collectivités à planifier et orienter les déplacements sur leur
territoire, afin notamment de réduire la part modale de la voiture individuelle : les PDU
doivent, selon la loi LOTI, permettre une « utilisation plus rationnelle de la voiture et
assurer la bonne insertion des piétons, des véhicules à deux roues et des transports en
commun » (article 28)151. Une première tentative d’élaboration d’un PDU à Lyon a été
abandonnée en raison de blocages institutionnels152. Par la suite, en 1996, la Loi sur
l'Air et l'Utilisation Rationnelle de l'Énergie (loi LAURE) inscrit pour la première fois
dans la législation française le « droit reconnu à chacun de respirer un air qui ne nuise
pas à sa santé » (article 1 de la loi LAURE)153. Cette loi rend obligatoire la mise en
place d’un Plan de Déplacements Urbains pour les agglomérations de plus de 100 000
habitants et précise que celui-ci doit « viser à assurer un équilibre durable entre
besoins en matière de mobilité et de facilité d'accès, d'une part, et la protection de

149
Dupuy G., Les territoires de l’automobile, Anthropos/Economica, Coll.Villes, 1995, 216 p.
150
Fremion Y., Villalba B., « Le mouvement écologiste », Encyclopédie Universalis, en ligne, consulté
le 25 mai 2017
151
Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, texte intégral,
legifrance.fr
152
Jouve B., Le politique et le savant, tout contre : le PDU de Lyon. Métropolis, N°108/109 « Projets et
politiques de transport : expertises en débat »
153
Loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, JORF n°0001
du 1 janvier 1997 page 11, legifrance.fr

49
154
l'environnement et de la santé, d'autre part » (article 28 de la loi LAURE) . Le
premier PDU de l’agglomération lyonnaise a finalement vu le jour en 1997 – impulsé
avant le vote de la loi LAURE, dès 1995155 - et s’inscrit dans un contexte où la part
des transports en commun diminue par rapport à la voiture individuelle156, et ce malgré
de lourds investissements dans l’extension du métro157. La modernisation du réseau est
donc identifiée comme priorité, afin de réduire la place de la voiture en ville. Cet
objectif sera réitéré et renforcé dans les révisions de 2005 et 2015-2017158. Les usages
partagés de la voiture, c’est-à-dire l’autopartage et le covoiturage, ne font leur entrée
dans le PDU de Lyon que dans la révision 2015-2017159. Par ailleurs, Cécile Féré
relève dans ses travaux160 que la loi LAURE reconnaît pour la première fois
l’ambivalence qui fonde les enjeux contemporains autour de la question de la
mobilité : d’une part, la volonté d’augmenter la capacité de tous à accéder aux
ressources et notamment aux emplois161 et d’autre part, la nécessité de réduire l’impact
sur l’environnement des déplacements liés aux activités humaines. Le constat de ce
double enjeu intrinsèque aux problématiques de déplacements fonde la pratique et le
développement de mobilités dites « alternatives ». En effet, les mobilités alternatives à
la voiture individuelle représentent d’abord des solutions économiques pour des
personnes aux ressources limitées : Stéphanie Vincent a ainsi montré dans ses travaux
« le rôle de la contrainte financière et/ou matérielle sur les usages collectifs de la
voiture »162. De plus, les mobilités alternatives répondent aussi au second enjeu lié à
l’explosion du nombre déplacements automobiles, celui de la pollution. En répondant à
cette double problématique, bien identifiée par le cadre législatif français avec la loi

154
ibid
155
Jouve B., « Le politique et le savant, tout contre : le PDU de Lyon ». Métropolis, N°108/109 «
Projets et politiques de transport : expertises en débat »
156
Enquête ménages-déplacements de 1995
157
Jouve B., « Le politique et le savant, tout contre : le PDU de Lyon ». Métropolis, N°108/109 «
Projets et politiques de transport : expertises en débat »
158
Site internet du SYTRAL : http://www.sytral.fr/157-plan-deplacements-urbains.htm
159
Expression utilisée par Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au service
Déplacements de la direction de la Planification et des Politiques d’Agglomération de la Métropole de
Lyon, entretien réalisé le 9 février 2017 à Lyon
160
Féré C., Concilier accès à la mobilité pour tous et mobilité durable. La prise en compte des
inégalités d’accès à la mobilité dans les politiques urbaines de l'agglomération lyonnaise. Géographie.
Université Lumière - Lyon II, 2011.
161
Fol S., « Encouragement ou injonction à la mobilité ?. », Revue Projet 1/2010 (n° 314) , p. 52-58 -
URL : www.cairn.info/revue-projet-2010-1-page-52.html
162
Vincent S., Les "altermobilités" : analyse sociologique d'usages de déplacements alternatifs à la
voiture individuelle : des pratiques en émergence ?, thèse de sociologie soutenue le 12 avril 2008 à
l’université Paris V

50
LAURE, les mobilités partagées bénéficient d’une nouvelle place au sein du paysage
des transports collectifs.
En 2000, la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbains (SRU)163
incite à renforcer la mise en cohérence les politiques publiques au niveau local dans les
différents domaines. Les objectifs affichés de cette loi sont la mixité fonctionnelle et la
mixité sociale. La première disposition, qui incite à concevoir des espaces dans
lesquels les différentes fonctions urbaines sont présentes (logement, emploi, loisirs…)
traduit une volonté de réduire les distances à parcourir pour accéder aux différentes
ressources. Il s’agit aussi de limiter l'étalement urbain pour diminuer la dépendance
automobile et favoriser les déplacements courte-distance et moins polluants. Cécile
Féré explique ainsi que la loi SRU a permis l’affirmation d’une réciprocité du lien
transport-urbanisme, ouvrant la voie à une nouvelle conception urbaine qui pense les
espaces comme déterminants des modes de déplacements. Ces nouveaux objectifs
d’aménagement transforment la place offerte à la voiture dans les villes, et invitent à
repenser son utilisation.

b) L’inscription législative de l’autopartage : un dispositif incitatif motivé par


des objectifs environnementaux

Si les lois structurant le développement des transports intègrent une dimension


environnementale importante, il existe aussi de grands engagements environnementaux
qui intègrent dans certaines de leurs dispositions les questions de transports. C’est le
cas des lois Grenelle I et II164 de 2009 et 2010, issues de la tenue du Grenelle de
l’Environnement, qui ont modifié de manière importante le droit de l’environnement
en France. Avant de décrire les effets de ces lois sur la question des transports en
France, il est intéressant de préciser la généalogie de ces dispositions législatives liées
à l’environnement. Ses lois s’inscrivent d’abord dans la lignée d’engagements
internationaux pour le climat. D’abord, la déclaration de Rio de 1992, qui a amené sur
le devant de la scène internationale le principe de développement durable165, dont les

163
Loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains,
legifrance.fr
164
Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de
l'environnement et loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement
165
Proposée par le rapport Brundland en 1987 et définie comme « un développement qui répond aux
besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »

51
piliers sont économiques, sociaux et environnementaux. Le sommet de Rio se traduit
localement par l’adoption d’Agenda 21, ensemble de mesure concrètes dans tous les
domaines, pour réduire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. De plus, le
droit environnemental français est aussi lié au protocole de Kyoto, signé en 1997, qui
fixe des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce dernier
engagement a été appliqué en France à travers la Stratégie Nationale de
Développement Durable. Il s’agit notamment d’appliquer l’objectif du « facteur 4 »,
c’est-à-dire la division des émissions par 4 d'ici 2050 par rapport à 1990. Par la suite,
le Plan Climat National instauré en France en 2004 propose des mesures visant à
réduire fortement les émissions de CO2 au niveau national. Les transports occupent un
rôle majeur dans cette perspective, puisqu'ils représentent 27% des émissions
françaises en 2002. Les leviers identifiés par ce plan sont l'amélioration de l'offre et de
l’efficacité des transports publics, l'innovation technologique pour améliorer la
motorisation des véhicules, et l'accompagnement aux changements de comportements
des automobilistes au moment de l’achat et de la conduite d’un véhicule. Il faut noter
aussi qu’au niveau communautaire certaines dispositions incitatives ont été mise en
place en faveur des mobilités alternatives à la voiture individuelle. Le livre blanc « la
politique européenne des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix » datant 2001
propose comme mesure principale la rationalisation de l’usage de la voiture, en
développant l’offre de transports commun, en favorisant les modes doux et en
investissant dans l’industrie pour produire des véhicules plus propres. De plus,
plusieurs financements et programmes européens, comme le fond FEDER ou le projet
URBAN II sont orientés vers le développement de systèmes de transports à faible
impact environnemental.
De septembre à décembre 2007 se sont donc tenues en France un ensemble de
rencontres politiques visant à prendre des décisions en matière de développement
durable. Les deux lois issues de ce « Grenelle de l’Environnement » mettent en place
un certain nombre de dispositions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre
et à améliorer la performance énergétique de la production et des transports français.
En matière de transports, la loi Grenelle I inscrit pour la première fois dans le droit
français la promotion de l’autopartage : « La politique durable des transports vise à
réduire les émissions de gaz à effet de serre, les pollutions et les nuisances. À cet effet,
l'État encouragera, dans le cadre des plans de déplacements urbains, la mise en place

52
de plans de déplacement d'entreprises, d'administrations, d'écoles ou de zones
d'activité, ainsi que le développement du covoiturage, de l'autopartage et du
télétravail, de la marche et du vélo, notamment par l'adoption d'une charte des usages
de la rue. » (Article 13 de la loi Grenelle I)166. Par la suite, la loi Grenelle II précise la
définition de l’autopartage et l’inscrit dans le Code des Transports167 : « L'activité
d'autopartage est définie par la mise en commun, au profit d'utilisateurs abonnés,
d'une flotte de véhicules de transports terrestres à moteur. Chaque abonné peut
accéder à un véhicule sans conducteur, pour le trajet de son choix et pour une durée
limitée » (article L1231-1-14 du Code des Transports). De plus, la loi Grenelle II
établit différentes mesures concrètes visant à développer les transports collectifs et à
réduire la place de la voiture en ville. Concernant l’autopartage, la loi Grenelle II pose
en 2010 les fondements législatifs d’un « label autopartage », dont les conditions
d’attribution sont précisées le 28 février 2012 par un décret d’application Ministère de
l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement 168 :
« Article 2 : Le label « autopartage » est attribué, sur demande des opérateurs,
aux véhicules de la catégorie M1 définie à l’article R.311-1 du code de la route qui
remplissent les conditions suivantes :
1° Le taux d'émission de dioxyde de carbone ne doit pas excéder un seuil fixé par
arrêté des ministres chargés des transports et du développement durable ;
2° À l'exception des véhicules à alimentation exclusivement électrique, ils
respectent la dernière norme Euro en vigueur, au plus tard un an après sa date
d'entrée en vigueur pour tous types de véhicules neufs ;
3° Ils sont utilisés dans le cadre d'un contrat d'abonnement répondant aux
prescriptions de l'article 4 ;
4° La mise à disposition s'effectue à partir de stations situées à proximité d'un
moyen de transport collectif
(…) Article 5 : Le label « autopartage » est délivré par l'autorité territorialement
compétente en matière de transports urbains et, en Ile-de-France, par le Syndicat des
transports d'Ile-de-France. »

166
Article 13 de la Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du
Grenelle de l'environnement
167
Le Code des transports est le code juridique régissant les dispositions légales relatives aux
transports dans leur ensemble en France, et doit donc être appliqué par les collectivités locales
compétentes en matière en transports
168
Décret n° 2012-280 du 28 février 2012 relatif au label « autopartage »

53
Le label autopartage a comme objectif d’offrir une reconnaissance par la
puissance publique de l’utilité de services d’autopartage, qu’ils soient issus de
l’initiative privée ou publique, à conditions qu’ils remplissent les critères fixés par la
loi. Par ce dispositif, la puissance publique entend réguler des comportements
individuels et collectifs par un dispositif symbolique. En effet, dans le cas des services
d’autopartage, tous les dispositifs n’entrent pas forcément en cohérence avec les
objectifs publics de réduction des émissions de gaz à effet de serre : c’est le cas par
exemple de l’autopartage entre particuliers169, qui peut favoriser l’utilisation de
véhicules anciens et polluants. Henri Bergeron, Patrick Castel et Sophie Dubuisson-
Quellier analyse dans leurs travaux cet instrument particulier d’action publique : « ce
qui caractérise le gouvernement par les labels, c’est essentiellement son mode
opératoire : celui-ci mise et joue sur la volonté que manifestent les acteurs pour se
positionner et se distinguer les uns par rapport aux autres dans un champ
concurrentiel donné (qu’il s’agisse du marché ou de mondes réputationnels), afin de
les orienter, de manière souple, vers des options que les acteurs de l’action publique –
l’État au premier chef – considèrent comme collectivement bénéfiques »170.
L’inscription législative de l’autopartage est donc liée avant tous à des
objectifs environnementaux, et a pour visée l’incitation à des comportements identifiés
comme vertueux. Le secteur public ne s’engage donc pas directement dans le
développement de services d’autopartage, mais se place en position d’incitation à
destination du secteur privé. Cette incitation s’inscrit plus globalement dans un
processus que décrit Cécile Féré dans ses travaux : « la législation française n’a eu de
cesse de multiplier les injonctions légales en matière de gestion des mobilités
quotidiennes dans les espaces urbains »171. Nous proposons d’étudier comment ces
injonctions et incitations se traduisent au niveau local sur le territoire lyonnais.

169
L’autopartage entre particuliers – ou location courte-durée entre particuliers, est un système où des
propriétaires de véhicules les proposent à la location par l’intermédiaire d’une plateforme numérique
(ex. Drivy, Ouicar…)
170
Bergeron H., et al , « Gouverner par les labels. Une comparaison des politiques de l'obésité et de la
consommation durable », Gouvernement et action publique, 3/2014 (N° 3), p. 7-31.
171
Féré C., Concilier accès à la mobilité pour tous et mobilité durable. La prise en compte des
inégalités d’accès à la mobilité dans les politiques urbaines de l'agglomération lyonnaise. Géographie.
Université Lumière - Lyon II, 2011.

54
1.2.3. Les débuts précipités de la Métropole de Lyon en faveur de
l’autopartage

La création de la charte autopartage de la Métropole de Lyon en 2011 et les


premières expérimentations menées par la puissance publique marquent le début de
l’engagement direct de la Métropole de Lyon en faveur du développement de services
d’autopartage sur son territoire. Il s’inscrit dans la continuité d’une démarche déjà
engagée en faveur des « nouvelles mobilités » et des services innovants. Cette entrée
en jeu rapide de la Métropole, devançant la concrétisation du label au niveau national,
est notamment liée à une opportunité venue du secteur privée. Le dispositif mis en
place, attractif en termes d’image pour son aspect « innovant », se solde finalement par
un échec quelques mois plus tard.

a) Une collectivité engagée dans une démarche de promotion des « nouvelles


mobilités »

L’engagement de la métropole de Lyon en faveur de l’autopartage s’inscrit


dans une démarche de plus longs termes en faveur des mobilités alternatives à la
voiture individuelle, à travers des services « innovants ». En effet, il existe dans ce
secteur une volonté politique d'innovation, particulièrement présente dans la stratégie
de la Métropole de Lyon, qui souhaite se positionner comme une « ville intelligente »
en proposant de nombreux services basés sur les systèmes numériques172. La
métropole de Lyon a ainsi été pionnière avec le service de vélos en libre-service
Vélo’v lancé en 2005 et issu d'un partenariat avec JCDecaux. En 2009, la Direction de
la Prospective et du Dialogue Public (DPDP) a mis en place la première plateforme de
covoiturage portée par la puissance publique173 afin d’organiser des trajets partagés
domicile-travail dans le cadre de la mise en œuvre des Plans de Déplacements Inter-
Entreprise. Par la suite, le projet expérimental Optimod (Optimiser la Mobilité
Durable) mené entre 2012 et 2015 est issu d’un partenariat public-privé de recherche et
développement entre la communauté urbaine de Lyon et 13 acteurs, notamment les

172
Dossier de presse Only Lyon : « Lyon, ville de toutes les mobilité »
http://presse.onlylyon.org/construire-la-metropole-de-demain/mobilite-lyon-se-positionne-en-ville-
intelligente
173
Site internet : www.covoiturage-grandlyon.com, consulté le 3 mai 2017

55
entreprises IBM, CityWay et Orange Business Service174. Le principe du projet est de
collecter et de centraliser toutes les données relatives aux transports et à la mobilité sur
le territoire lyonnais (trafic, réseaux, horaires, qualité de l’air, temps réel…). L’objectif
est ensuite de diffuser les données, sous une licence de réutilisation qui conditionne
l’usage gratuit de la donnée à sa cohérence avec les objectifs de politiques publiques,
afin d’encourager le développement de services numériques innovants, comme les
applications de mobilité. On voit donc à travers ces trois grands projets liés aux
alternatives de mobilité et s’inscrivant dans une démarche « innovante » que la
communauté urbaine de Lyon s’est engagé dès le début des années 2000 en faveur des
services de mobilité basés sur des systèmes numériques. Ces projets ont par ailleurs été
réalisés en partenariat avec des acteurs privés, apportant des ressources en termes de
compétence technique – la capacité à concevoir et à faire fonctionner une plateforme
numérique par exemple, ou en termes de ressources financières – par exemple la
capacité d’investissement du groupe JCDecaux. L’engagement de la Métropole de
Lyon en faveur des services d’autopartage s’inscrit dans ce contexte de développement
de services de mobilité durable, basés sur des systèmes numériques et en partenariat
avec des acteurs privés. Nous allons voir que cet engagement prend la forme dans un
premier temps de dispositifs incitatifs tournés vers l’initiative privée, puis dans un
second temps de la mise en place de nouveaux services d’autopartage – sous des
formes très « innovantes » en coopération avec des opérateurs.

b) Ouvrir la voie aux initiatives privées : les premiers pas de la « charte


autopartage » de la Métropole de Lyon

Des dispositifs traduisant les incitations politiques à l’initiative privée ont en


effet été mis en place au niveau local en faveur des mobilités partagées et plus
particulièrement de l’autopartage. Dans le cadre de son engagement en faveur de la
réduction des émissions de gaz à effet de serre, le Métropole de Lyon a pris l’initiative
en 2011 de créer une « charte autopartage », avant même la concrétisation législative
du label autopartage crée au niveau national175. La décision anticipée de la

174
Courmont A., Politiques des données urbaines : ce que l'open data fait au gouvernement urbain,
thèse de doctorat en science politique, soutenue le 16 décembre 2016 à l’Institut d’Études Politiques de
Paris
175
Au niveau national, le label autopartage a été créé par la loi n° 2010- 788 du 12 juillet 2010 portant
engagement national pour l’environnement dite "Grenelle II" puis ses conditions d’attribution ont été

56
communauté urbaine de Lyon est motivée selon le compte-rendu de la délibération
relative à son exécution par une certaine urgence : « la Communauté urbaine souhaite
anticiper la mise en œuvre du décret afin de créer les conditions favorables au
développement rapide de l’autopartage. »176. La charte autopartage du Grand Lyon
permet d’encadrer les pratiques d’autopartage et de favoriser celles qui s’inscrivent en
cohérence avec les objectifs de la puissance publique de réduire les déplacements
polluants. Comme le montre Bruno Villalba le critère de développement durable et sa
forte légitimité sont ainsi utilisés comme « un outil de mise en cohérence face à un
domaine qui peut être investis par une diversité d’acteurs aux intérêts divergents »177.
De plus, il s’agit d’inciter des entreprises porteuses de dispositifs innovants
d’autopartage à venir s’installer sur le territoire lyonnais. Ainsi, d’après la délibération
n° 2011-2376 du Conseil du 12 septembre 2011178 de la Communauté́ urbaine de
Lyon, les sociétés publiques et privées respectant les engagements de cette charte
peuvent bénéficier d'emplacements réservés sur voirie au tarif préférentiel de 70 € par
mois. Il s’agit d’une évolution importante pour les services d’autopartage qui étaient
jusqu’alors contraints par la loi de n’être installés que dans des parkings en ouvrage et
manquaient donc de visibilité. Les critères de la charte servent à assurer l’efficacité du
dispositif en termes de démotorisation et de réduction des déplacements polluants : les
stations doivent être situées à proximité des transports en commun afin d’en assurer la
complémentarité, les véhicules proposées en autopartage doivent émettre un taux de
particules inférieur à un certain seuil, et les dispositifs doivent être évalués
régulièrement afin de connaître les impacts sur la démotorisation des ménages abonnés
et le type de pratiques engendrées par le service. Dans cette délibération, le conseil
reconnaît que l’autopartage « crée une alternative crédible à l’utilisation de la voiture
individuelle en solo et constitue une réponse complémentaire aux transports collectifs
répondant ainsi à une demande de mobilité de plus en plus diversifiée » et qu’ « il
contribue à la maîtrise des déplacements au profit de l’intérêt général. Une voiture
partagée réduit l’encombrement de l’espace urbain, la consommation d’énergie et

précisées par le décret du Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du


Logement le 28 février 2012 (voir partie 1.2.2)
176
Compte-rendu de la séance publique du 12 septembre 2011, délibération n°2011-2376 du Conseil de
la Communauté urbaine de Lyon
177
Villalba B., « La professionnalisation de la ville durable : contributions à la standardisation du
développement durable », dans Le développement durable changera-t-il la ville ? Béal V., Gauthier M.,
Pinson G., Publications de l’Université de Saint-Etienne, Coll. Dynamiques métropolitaines, 2011
178
ibid

57
l’émission de gaz à effet de serre. » 179.
La délibération du conseil de la communauté urbaine180 indique aussi que
l’adoption de cette charte permettant l’accès à la voirie pour les services d’autopartage
répond en particulier à la sollicitation des responsables du service Autolib’ de Lyon
Parc Auto, souhaitant pouvoir étendre le service sur voirie et accéder à une meilleure
visibilité. Selon le point de vue de la directrice marketing de Lyon Parc Auto181, qui a
effectivement sollicité plusieurs fois la puissance publique sur ce sujet, l’adoption de
cette charte a principalement été déclenchée par la sollicitation d’une entreprise privée.
En effet, la société allemande Daimler a contacté la ville de Lyon afin de pouvoir
installer un type particulier d’autopartage, dit en flee-floating182 sur des emplacements
réservés sur voirie en centre-ville. L’obtention d’une permission de voirie est
indispensable pour ce système qui se veut très fluide et facilement accessible. Selon
l’ancienne administratrice de l’association « La Voiture Autrement »183 et la directrice
marketing de Lyon Parc Auto184, plusieurs demandes effectuées auparavant afin de
bénéficier d’un changement de réglementation locale pour pouvoir installer des
véhicules d’autopartage en boucle sur voirie n’avaient jamais reçu de réponse
favorable : « Nombreuses et multiples, qui avaient toutes échoué. Alors, on en fait une
première officielle, on se fait jeter, et puis après on essaye d'utiliser tous les leviers. Et
ça ne marchait pas, il y avait vraiment une opposition. »185. Finalement, c’est donc le
service de l’entreprise allemand Daimler, appelé « Car2Go », qui a permis d’ouvrir la
possibilité d’installer des stations sur voirie. En effet, la puissance publique n’étant
pas autorisée à attribuer des places réservées à un seul service privé, elle ne peut
légalement qu’attribuer une fonction « autopartage » aux emplacements. L’arrivée de
cet opérateur privé a donc débloqué la situation de Lyon Parc Auto : « Car2Go nous a

179
Compte-rendu de la séance publique du 12 septembre 2011, délibération n°2011-2376 du Conseil de
la Communauté urbaine de Lyon
180
Compte-rendu de la séance publique du 12 septembre 2011, délibération n°2011-2376 du Conseil de
la Communauté urbaine de Lyon
181
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto, réalisé à Lyon, février
2017, retranscription en annexe p.164
182
L’autopartage en free-floating consiste en des véhicules répartis dans la ville sur des places de
stationnements publiques et/ou réservées, qu'il est possible d’emprunter et de déposer à n’importe quel
emplacement de la ville, dans un certain périmètre. Les véhicules sont géolocalisés et peuvent être
ouverts par une application sur smartphone.
183
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, ancienne administratrice de l’association La Voiture
Autrement, retranscription en annexe p.141
184
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto
185
ibid

58
permis d'avoir une vraie visibilité du service. On y serait arrivés je pense avec Bluely
[service en one-way lancé à partir de 2013]. Mais c'était compliqué. »186. Ainsi, suite à
l’adoption de la charte autopartage par la communauté urbaine de Lyon, le service
Autolib’ géré par l’entreprise publique Lyon Parc Auto a pu installer son service sur
voirie « La Métropole se réjouissait d'accueillir Car2Go. Donc il a été extrêmement
facile à partir de là de négocier la création de onze stations sur voirie à la fin de
l'année 2011 »187.

c) Tirer les leçons des échecs : l’expérience Car2Go

La charte autopartage de 2011 a donc permis de mettre en place la première


expérience d’autopartage issue d’un partenariat entre la Métropole de Lyon et une
entreprise privée. Le service Car2Go est par ailleurs le premier de ce type188 à être
déployé en France. Le service Car2Go, qui existe à Ulm en Allemagne, à Vancouver
au Canada et à San Diego aux Etats-Unis consiste en 200 voitures citadines du modèle
« Smart » déployées en centre-ville. Son coût représente un investissement total de 3
millions d’euros, entièrement à la charge de l’entreprise allemande Daimler. Il a été
lancé en février 2012 et accompagné d'une forte communication. Inauguré sur la place
de la Comédie à Lyon en présence du président de la Métropole Gérard Collomb189 et
du vice-président en charge des nouvelles mobilités, Gilles Vesco190, son ouverture a
bénéficié d’une forte couverture médiatique. De nombreux articles de presse
témoignent ainsi l’engagement des élus de la métropole en faveur de ce type de
dispositif d’autopartage et de partenariat public-privé : Gérard Collomb se félicite ainsi
« du choix de Lyon par Daimler d'installer Car2go à Lyon, ce qui illustre la place
qu'occupe aujourd'hui la métropole en matière de mobilité durable »191 et Gilles
Vesco vente ces « voitures « servicielles » qui sont une des clés de la mobilité urbaine
de demain »192.

186
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto
187
ibid
188
Voir la définition de l’autopartage en « flee-floating » note de bas de page n°182, page précédente
189
Voir illustrations en annexe p.121 : « Lancement du service Car2Go en présence du président de la
Métropole de Lyon Gérard Collomb »
190
Menvielle D., « Après Vélov’, Lyon se lance dans le pari des quatre roues en libre service », Le
Progrès, paru le 2 février 2012
191
Largeron D., « Lyon, première ville de France à proposer Car2Go, système d’autopartage
géolocalisé », Lyon Entreprise, paru le 13 octobre 2011
192
Site internet de Gilles Vesco : http://www.gillesvesco.fr/ consulté le 8 mai 2017

59
Contrairement à ce qui était prévu, le groupe Daimler a pourtant retiré
l'ensemble de ses véhicules quatre mois après le lancement du service, suite à un
contentieux autour du nom du service. En effet, le loueur français de véhicules
« Car’Go » a attaqué le constructeur pour plagiat et concurrence déloyale, en raison de
la trop forte proximité entre les deux noms, et a remporté la procédure. Le tribunal de
Grandes Instances de Paris a ordonné à la société de cesser tout usage du nom
« Car2Go » sous astreinte de 1500 euros par jour de retard193. Il était ainsi possible
légalement pour l’opérateur Daimler de changer le nom de son service et de le
maintenir à Lyon, mais les responsables de l’entreprise ont préféré mettre fin au projet.
Selon la déclaration du président de Lyon Parc Auto et vice-président en charge du
stationnement Jean-Louis Touraine à un journal local194, le service n’était en réalité pas
rentable car il ne fonctionnait pas correctement à Lyon. Selon lui, l’utilisation
pendulaire des véhicules a entrainé des effets de concentration trop forts, nécessitant
l’intervention d’agents pour les déplacer et réguler le système, entraînant des coûts
importants et sous-estimés par les prévisions. Suite au retrait du service, le vice-
président en charge des nouvelles mobilités Gilles Vesco choisis, lui, de présenter cet
événement positivement : « L’aventure Car2Go a été avant tout une expérience
encourageante et riche d’enseignements, qui a poussé la mairie à envisager une suite.
L’opération a été très bénéfique pour la ville et a fait apparaître un réel besoin chez
les Lyonnais. » 195.
Cette expérience a en effet pointé le fait qu’un acteur privé déployant un
service d’autopartage considéré par la collectivité comme d’intérêt général peut se
retirer du jour au lendemain pour des raisons commerciales, si rien n’a été prévu pour
pérenniser sa présence de manière contractuelle. L’échec de cette contractualisation a
donc montré les limites de la charte autopartage du Grand Lyon dans sa version de
2011, qui n’impliquait aucun engagement de la part du partenaire privé sur la durée de
sa présence sur le territoire. Gilles Vesco, le vice-président en charge des nouvelles
mobilités urbaines, déplore ainsi dans un communiqué de presse « Je regrette
personnellement que cette décision ait été prise de manière unilatérale, sans
consultation d’un partenaire, le Grand Lyon, qui s’est particulièrement investit dans

193
Décision n° 2012/51891, Tribunal de grande instance de Paris, 15 mai 2012.
194
Augustin M., « Jean-Louis Touraine : «Car2Go n’a pas marché à Lyon » », Lyon Info, publié le 3
juillet 2012
195
Lautissier H., « Le fiasco Car2Go signe-t-il la fin de l’autopartage à Lyon ? », Rue89, publié le 22
janvier 2013

60
son introduction à Lyon, une première nationale. »196. L’expérience Car2Go est aussi
révélatrice de la difficulté à garantir des modèles économiques pérennes et rentables
pour les services d’autopartage, en particulier sous leurs formes innovantes comme le
one-way et le free-floating. De plus, la reproduction dans une ville d’un système
d’autopartage fonctionnant déjà dans une autre ville ne garantit en rien son succès, les
formes urbaines et les habitudes de mobilité des habitants ayant un impact déterminant
sur le fonctionnement du service. Enfin, l’échec de l’expérience Car2Go fait apparaître
des divergences de points de vue sur les services d’autopartage entre les élus de la
Métropole, le vice-président aux nouvelles mobilités urbaines demeurant favorable aux
systèmes innovants, tandis que le président de Lyon Parc Auto, vice-président en
charge de la voirie et gestionnaire du service en boucle Autolib’ considère que ces
services ne sont pas performants.

Conclusion de la partie 1.2 - L’institutionnalisation à deux vitesses de l’autopartage


lyonnais

À Lyon, l’institutionnalisation de l’autopartage a donc connu deux étapes


principales, de natures différentes. La première est la reprise du service
d’autopartage en boucle développé par l’association « La Voiture Autrement », par
l’entreprise d’économie mixte Lyon Parc Auto en 2008. Cette absorption du service
par une institution publique locale a pour effet un changement d’échelle du service et
un renforcement de sa crédibilité au sein du paysage des transports lyonnais. La
gouvernance de l’autopartage en boucle se voit aussi transformée, passant d’une
gestion associative, caractérisée par un partage de la décision, à une gestion hybride, à
la fois publique et privée. Parallèlement à ce processus issu de choix individuels, se
met en place une institutionnalisation législative de l’autopartage au niveau national.
Le cadre législatif a évolué progressivement, multipliant les dispositions en faveur du
développement des mobilités alternatives à la voiture individuelle. L’État intègre
l’autopartage à ses orientations, à travers le prisme des enjeux environnementaux, et
met à disposition des collectivités des outils incitatifs à son développement, tournés
vers l’initiative privée. À Lyon, la collectivité s’est rapidement saisie de cet outil,
avant même sa concrétisation par décret, afin d’ouvrir la voie à l’installation d’un
opérateur privé sur son territoire, qui s’est finalement soldée par un échec.

196
Vesco G., « Suspension du service Car2go à Lyon », publié le 9 juin 2012 sur le site internet
www.gillesvesco.fr

61
Conclusion du premier chapitre - L’autopartage à Lyon : l’émergence d’un
nouveau domaine d'action publique (2001-2012)

L’autopartage est une innovation issue d’initiatives associatives et militantes


liées à une remise en cause d’un mode de vie et de consommation fondé sur la
propriété et l’usage exclusif d’une voiture individuelle. Cette forme d’autopartage,
portée par des engagements principalement bénévoles et avec des ressources faibles,
présentent des limites structurelles et organisationnelles. Ces dispositifs demeurent très
dépendant des subventions publiques et donc des décisions politiques autour de leur
utilité et leur efficacité. On peut affirmer que l’autopartage, dans sa forme
« classique », appartient au champ des politiques « alternatives », selon la définition
donnée par Vincent Béal et Max Rousseau197 : c’est un innovation sociale issue de
l’initiative habitante dans une perspective « bottom-up », n’ayant pas pour objectif
premier d’accompagner les dynamiques de croissance, faisant la promotion d’un
système de transports plus juste au niveau social et environnemental et dont l’objectif
n’est pas d’attirer des groupes sociaux plus aisés.
Au départ confidentielles et autogérées, les pratiques d’autopartage ont été
progressivement institutionnalisées par différents processus. Dans le cas de
l’agglomération de Lyon, le premier service d’autopartage associatif a été repris en
gestion par l’entreprise publique Lyon Parc Auto en 2008. Cette première forme de
structuration de l’autopartage est issue d’engagements et de décisions portés par
quelques individus ayant placé leur confiance dans ce nouveau type de dispositif.
D’une part, les administrateurs bénévoles de l’association « La Voiture Autrement »,
qui, face à l’épuisement de leurs ressources, ont souhaité voir leur service se pérenniser
sous une forme organisationnelle plus stable. D’autre part, les responsables de
l’entreprise Lyon Parc Auto, souhaitant adapter leur activité historique de
stationnement aux transformations des pratiques de mobilité. Cette reprise marque une
étape de l’institutionnalisation de l’autopartage, sans pour autant remettre en cause sa
« philosophie » et ses fondements : le service développé par Lyon Parc Auto demeure

197
Vincent Béal et Max Rousseau, « Alterpolitiques! », Métropoles [En ligne], 15 | 2014, mis en ligne
le 15 décembre 2014, consulté le 12 juin 2017. URL : http://metropoles.revues.org/4948

62
« en boucle » et les tarifs sont modérés afin de privilégier l’accessibilité du service
plutôt que sa rentabilité immédiate.
Parallèlement à cette première étape de l’institutionnalisation de l’autopartage
sur le territoire lyonnais ont eu lieu des processus législatifs ayant pour objectifs
d’encadrer et d’encourager les pratiques d’autopartage au niveau national et local.
Dans un contexte de promotion de la « mobilité durable », qui se développe comme
leitmotiv des politiques urbaines au niveau international, la définition de l’autopartage
fait son entrée dans le droit français en 2010. Cette inscription législative de la pratique
d’autopartage met à disposition des collectivités compétentes un outil d’incitation au
développement de l’autopartage tourné vers l’initiative privée, écartant la piste d’un
engagement direct du secteur public en faveur de l’autopartage. Le « label
autopartage » accorde ainsi des conditions avantageuses aux acteurs privés souhaitant
développer des services d’autopartage sur un territoire. Au niveau local, la Métropole
de Lyon a devancé la concrétisation par décret de ce label pour mettre en place sa
propre « charte autopartage », offrant un accès à la voie publique à des entreprises
privées porteuses de dispositifs d’autopartage. Cette entrée en jeu rapide de la
Métropole de Lyon, jusqu’alors distante vis-à-vis de l’autopartage en boucle, peut
s’expliquer par un vif intérêt pour la proposition d’une entreprise privée de développer
à Lyon un service d’autopartage sous une forme inédite en France, le free-floating.
Cette première charte et l’expérience de Car2Go marquent le début de l’appropriation
par les élus métropolitains de l’autopartage, sous des formes techniques considérées
comme plus « innovantes » et « attractives » que l’autopartage classique en boucle.
Finalement, cette conception entrepreneuriale et tournée vers l’offre correspond, si l’on
reprend les termes utilisés par Max Rousseau et Vincent Béal, à une nouvelle version
« mainstream »198 de l’autopartage.

198
Vincent Béal et Max Rousseau, « Alterpolitiques! », Métropoles [En ligne], 15 | 2014, mis en ligne le
15 décembre 2014, consulté le 12 juin 2017. URL : http://metropoles.revues.org/4948

63
64
Deuxième chapitre - L’autopartage en one-way : une
mobilité « alternative » comme instrument d’attractivité
pour le territoire

L’autopartage, comme nouvelle pratique automobile, a été progressivement


intégrée aux politiques publiques de déplacements de la Métropole de Lyon, aux côtés
d’autres formes de partage de véhicules comme le covoiturage. Nous allons voir que le
champ de ces nouvelles mobilités partagées est investi par une diversité d’acteurs
privés, aux modèles économiques et aux rapports avec les pouvoirs publics
hétérogènes. Au sein de ce paysage foisonnant d’acteurs émergents, les choix publics
locaux se construisent autour d’objectifs de soutien à l’initiative privée et
d’encadrement des pratiques. Face à de fortes incertitudes liées à des transformations
rapides et des modèles économiques hésitants, les décideurs publics mettent en place
des formes de partenariat au cas par cas. À travers l’exemple du développement du
service d’autopartage Bluely par le groupe Bolloré, nous verrons que ces incertitudes
poussent les acteurs publics, et notamment les élus, à créer des partenariats avec les
acteurs privés les plus en phase avec les préoccupations institutionnelles. De plus, nous
montrerons que ces choix sont guidés par des objectifs d’attractivité territoriale, fondée
sur le principe d’« innovation », dominant dans le domaine des services urbains.
Nous proposons ainsi de décrire le positionnement – en construction
permanente - de la Métropole de Lyon vis-à-vis des nouveaux acteurs privés de la
mobilité (partie 1) pour ensuite montrer en quoi les mobilités partagées, et en
particulier le type d’autopartage proposé par le groupe Bolloré, représente un terrain
d’entente entre une Métropole et une grande firme internationale (partie 2).

65
2.1 Agir dans l’incertitude : le positionnement de la Métropole de Lyon face
aux nouveaux acteurs de la mobilité

Les mobilités partagées ont progressivement été considérées comme un


nouveau domaine d’action publique, dans lequel les collectivités peuvent - et doivent -
s’investir, en encourageant et en encadrant les pratiques. Néanmoins, le secteur des
mobilités partagées est composé d’un grand nombre d’acteurs différents, dont les
modèles économiques, les objectifs, les caractéristiques des services proposés sont
variés, et appellent donc des traitements publics différents. Par ailleurs, leurs effets à
moyens et longs termes sur les systèmes de transports publics et les territoires
demeurent incertains.
Afin de situer l’étude de cas que nous avons choisi de présenter, nous
proposons de revenir sur ce paysage des acteurs des nouvelles mobilités. Face à un
foisonnement d’acteurs difficiles à identifier, l’enjeu réside, pour la puissance
publique, dans la construction d’une stratégie efficace afin de bénéficier des apports de
ces acteurs tout en limitant les effets potentiellement négatifs de leur développement.
Face à ces incertitudes, les décideurs publics ont tendance à préférer contractualiser au
cas par cas avec les acteurs privés les plus en phase avec les modes d’action publique,
et in fine à favoriser les acteurs privés les plus « traditionnels ».
Cette approche générale des risques et opportunités que représentent les
nouveaux acteurs privés pour la puissance publique (section 1) nous permettra de
comprendre le positionnement que tente de construire la Métropole de Lyon pour
favoriser le développement des nouvelles mobilités sur son territoire, et en particulier
pour l’autopartage (section 2).

2.1.1. Le paysage des nouvelles mobilités : émergence d’acteurs multiples


et transformations rapides

Pour comprendre les choix opérés par la puissance publique dans le domaine
des nouvelles mobilités, nous proposons de revenir sur les changements qui traversent
ce champ depuis le début des années 2000. En effet, de nombreux nouveaux acteurs
ont fait leur entrée dans le domaine de la mobilité et des transports, auparavant réservé
aux acteurs dits « traditionnels » que sont les opérateurs des transports publics, les

66
constructeurs automobiles et les sociétés de taxis. On peut identifier trois catégories de
nouveaux acteurs dans le domaine des mobilités partagées : les acteurs de la première
génération, très dépendants des financements publics, les acteurs de la seconde
génération199, dont les modèles sont basés sur le développement de plateformes
numériques très performantes et totalement indépendantes des financements publics, et
enfin une troisième catégorie, celle des grands groupes industriels.

a) Trois catégories différentes d’acteurs des mobilités partagées

Ces trois catégories d’acteurs ont comme point commun de développer des
services de mobilité transformant les rapports à la voiture individuelle en basant leur
fonctionnement sur des systèmes d’informations numériques. Toutefois, nous allons
voir que leurs origines, leurs modèles économiques et leurs rapports à la puissance
publique impliquent des effets multiples, parfois opposés, pour le territoire.
Les nouveaux acteurs de la mobilité font leur apparition en particulier dans le
domaine émergeant des mobilités dites « partagées ». Ces modes de déplacements
consistent à utiliser ponctuellement des véhicules (voiture, vélos, scooter…) mis en
commun, en privilégiant l’usage à la propriété. Dans le champ des mobilités partagées
entrent donc aujourd’hui l’autopartage, le covoiturage, les vélos en libre-service et par
extension des formes de partage et de location entre particuliers comme le co-
parking200]. Aux premières initiatives associatives mises en place à petite échelle, la
révolution numérique et la démocratisation des smartphones a permis le
développement rapide de ces services. Ces services ont notamment connu un
renouveau via des plateformes numériques qui permettent un fonctionnement optimisé
sous une forme dite « collaborative », un modèle permettant la rencontre de l’offre et
de la demande entre particuliers. En effet, dans le cas des mobilités partagées dites
« collaboratives », les fournisseurs et les consommateurs du service sont des
particuliers mis en relation via une plateforme numérique fonctionnant comme une
place de marché. Par exemple, l’autopartage sous forme « collaborative » a connu un
fort développement en France à partir de 2010, avec notamment les start-up françaises
Drivy et Koolicar. Ces plateformes permettent aux utilisateurs de mettre en location
leur véhicule auprès d’autres particuliers souhaitant en disposer ponctuellement. Un

199
Brimont L., Demailly D., Sauot M., Sartor O., « Les nouveaux acteurs de la mobilité collaborative :
des promesses aux enjeux pour les pouvoirs publics ». Iddri, juin 2016
200
Le co-parking consiste à louer des places de stationnements privés entre particuliers

67
système d’ouverture par smartphone permet un usage totalement en libre-service,
proche du modèle de l’autopartage institutionnalisé tel que le service Citiz de Lyon
Parc Auto.
Dans ce domaine des mobilités partagées et des mobilités collaboratives, on
peut identifier deux générations différentes201. Une première génération d’acteurs fait
son apparition au début des années 2000 et se développe avec le soutien de la
puissance publique. C’est le cas de l’autopartage associatif comme on l’a vu
précédemment, mais aussi du covoiturage avec des petites entreprises ou associations
comme La Roue Verte et Covivo. Une seconde génération d’acteurs émerge par la
suite dans le secteur privé, de manière indépendante des pouvoirs publics. Ces
plateformes se développent sur un modèle « start-up » c’est-à-dire un modèle
économique basé sur un objectif de changement d’échelle, en obtenant des
financements par des levées de fonds auprès d’investisseurs. C’est le cas par exemple
de la plateforme Blablacar, désormais leader du covoiturage en Europe, qui a
fortement perturbé le secteur des transports publics longue distance, en proposant de
mettre en relation à grande échelle des conducteurs effectuant un trajet et des passagers
souhaitant réaliser le même trajet à moindre coût.

Figure 2 : Première et deuxième génération d'acteurs de la mobilité collaborative - Source : IDDRI, Les nouveaux
acteurs de la mobilité collaborative : des promesses aux enjeux pour les pouvoirs publics, juin 2016. Schéma complété
par l'auteur.

201
Brimont L., Demailly D., Sauot M., Sartor O., « Les nouveaux acteurs de la mobilité collaborative :
des promesses aux enjeux pour les pouvoirs publics ». Iddri, juin 2016

68
Un troisième type d’acteurs qui a fait son entrée dans le champ de la mobilité
partagée est celui des grands groupes industriels. Les dispositifs de mobilité partagée
portés par les grandes firmes se différencient nettement de l’économie
« collaborative », car les services ne sont pas fournis par les utilisateurs. La première
entrée d’un grand groupe dans le domaine des mobilités partagées est celle du groupe
JCDecaux, qui a développé les systèmes de vélos en libre-service, en assurant le
financement via ses revenus publicitaires liés au mobilier urbain. Comme le montre
Maxime Huré, des interdépendances se sont créées progressivement entre de grands
groupes industriels et des municipalités dans le cadre du déploiement de nouveaux
services de mobilité, en premier lieu les vélos en libre-service202. Pour les grandes
firmes, la diversification de leurs activités répond à des stratégies de communication et
de développement. Pour les métropoles, ces partenariats représentent des ressources
financières et politiques importantes, et des vecteurs d’internationalisation au sein de
réseaux de villes203.
Comme le montre le schéma ci-dessous, le paysage des transports urbains est
donc investi par de nouveaux acteurs, plus ou moins dépendants de la puissance
publique, venant s’ajouter aux acteurs traditionnels du secteur et perturbant l’offre
traditionnelle de transports publics et privés.

Figure 3 : Paysage des


acteurs des transports et de
la mobilité sur le territoire
de la Métropole de Lyon en
2017

202
Huré M., Les réseaux transnationaux du vélo. Gouverner les politiques du vélo en ville. De l’utopie
associative à la gestion par des grandes firmes urbaines (1965-2010), thèse de sciences politiques,
soutenue le 4 octobre 2013 à l’université de Lyon
203
ibid

69
b) L’identification par les acteurs publics des bénéfices et risques liés à
l’émergence de nouveaux acteurs

Au sein de ce paysage, le rôle de la puissance publique dans le domaine des


déplacements urbains évolue. Plusieurs enjeux sont identifiés par les acteurs publics
autour de l’émergence de ces acteurs privés dans le domaine des mobilités partagées.
Sur le territoire de la Métropole de Lyon, l’identification de ces risques et opportunités
est issue de travaux de veille réalisés par les services, d’études prospectives réalisées
par des bureaux d’études, de réflexions transversales issues de la démarche « Grand
Lyon Métropole Intelligente »204 ,ou encore de groupes de travail mis en place dans le
cadre de la rédaction de la révision 2015-2017 du Plan de Déplacements Urbains.
Les apports identifiés de ces nouveaux acteurs sont en premier lieu une offre
augmentée de services de mobilité pour les usagers, une alternative à moindre coût au
développement des transports en commun pour la collectivité ainsi qu’un vecteur de
ressources complémentaires pour les habitants du territoire dans le cas des services
collaboratifs205. Les risques liés au développement de services privés de mobilité sont
l’inéquité devant le service, dans la mesure ou certains publics ou territoires peuvent
être exclus du service en raison de leur faible attractivité d’un point de vue
économique et que les tarifs sous soumis aux effets de l’offre et de la demande,
contrairement à un service public. Le second risque majeur pour la collectivité est la
perte de contrôle sur la politique de déplacement sur le territoire206. L’exemple du
service de VTC de l’entreprise nord-américaine Uber, qui fonctionne via une
application mobile de manière totalement indépendante des pouvoirs publics est une
illustration révélatrice de ce double enjeu. Ce service représente une ressource car il
vient combler le manque de transports en commun dans certaines zones ou à certaines
heures, par exemple la nuit. Toutefois, ce service introduit un nombre important de
véhicules en centre-ville, peu contraints par la politique restrictive de stationnement
car en déplacement permanent, en dehors de toute possibilité de régulation.

204
Site internet de la Métropole de Lyon, http://www.economie.grandlyon.com/smart-city-lyon-
metropole-intelligente-47.html, consulté le 14 juin 2017
205
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la métropole de Lyon,
reprenant les éléments du compte-rendu du groupe de travail « Evolution des modes de vie et
comportements de mobilité » du 17/07/2015 dans le cadre de l’élaboration du Plan de Déplacement
Urbain 2015-2020 de la Métropole de Lyon, retranscription partielle en annexe p.127
206
Dossier réalisé par le bureau d’études Nova7 pour la Direction de la Prospective et du Dialogue
Public de la Métropole de Lyon (Millénaire 3) : « Plateformes numériques et territoires, quels enjeux
pour la collectivité ? », octobre 2016, disponible en ligne www.millenaire3.fr

70
Trois enjeux liés à l’émergence des acteurs privés, en particuliers ceux de
l’économie collaborative, sont alors identifiés par les observateurs207 des
transformations liées aux nouveaux services numériques : l’enjeu de l’objectivation de
l’impact - positif ou négatif - de ces plateformes pour le territoire, l’enjeu de
l’adaptation de l’économie locale afin de tirer les bénéfices de cette nouvelle forme
d’échanges et enfin l’enjeu de la préservation de la souveraineté et de la légitimité de
la collectivité dans la gestion de son territoire. En effet, l’émergence d’acteurs privés
dans le domaine des transports, qu’ils soient totalement indépendants de la puissance
publique ou liés par des formes de contractualisation avec elle, porte en elle le risque
de perte de pouvoir, de contrôle et de capacité de décision de la puissance publique
dans le domaine des déplacements urbains.
L’identification des risques et bénéfices liés à l’émergence de ces nouveaux
acteurs de la mobilité est issue de réflexions prospectives, parfois incertaines, et est
soumise à des points de vue politiques différents qui accordent plus ou moins
d’importance à certaines variables. Elle ne fait donc pas l’objet d’un consensus, au
niveau de la Métropole de Lyon comme à plus grande échelle.

2.1.2 Une stratégie d’opportunisme de la Métropole de Lyon vis-à-vis de


l’initiative privée dans le domaine des nouvelles mobilités

Nous proposons de présenter le positionnement actuel des services de la


Métropole de Lyon vis-à-vis de ces changements dans le domaine de la mobilité. Ces
changements, rapides et contemporains, appellent souvent des traitements publics au
cas par cas, et ne permettent pas de mettre en place une stratégie durable et
systématique. À ce jour, on peut qualifier le positionnement de la Métropole vis-à-vis
des nouveaux acteurs de la mobilité d’opportunisme, c’est-à-dire une « attitude
consistant à régler sa conduite selon les circonstances du moment, que l'on cherche à
utiliser toujours au mieux de ses intérêts. »208. Cette posture politique et décisionnelle
est éloignée de grands principes directeurs. Il s’agit de tirer les bénéfices de chaque
opportunité tout en limitant les risques pris par la collectivité. Dans certains cas, face à
des acteurs totalement indépendants de la puissance publique, il est impossible pour
cette dernière d’intervenir. Les responsables des services liés aux déplacements et à la

207
ibid
208
Larousse

71
mobilité privilégient des décisions au cas par cas, en fonction des situations
rencontrées, des opportunités qui se présentent et des propositions de projets offertes
par des acteurs privés. Le principe de co-construction public/privé est fortement
mobilisé et plusieurs dispositifs sont mis en place pour favoriser le développement de
liens avec le secteur privé. Au sein des services de la Métropole, des questionnements
portent sur les modalités pratiques de cette collaboration avec les acteurs privés et des
incertitudes demeurent sur l’impact de l’émergence de ces acteurs privés sur le rôle de
la puissance publique.

a) Un positionnement co-construit mais un pouvoir de décision centralisé

L’organisation des services et instances liés aux déplacements urbains et à la


mobilité sur le territoire de la Métropole de Lyon se caractérise par une certaine
dispersion. Toutefois, les décisions liées aux nouveaux services de mobilité et aux
partenariats avec des acteurs privés sont très centralisées.
La situation institutionnelle est doublement atypique : d’abord par la présence
d'une Autorité Organisatrice des Transports (AOT), le SYTRAL, aux côtés d'une
Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM), la Métropole de Lyon – ensuite, par la
présence de deux services, appartenant à des Directions distinctes, qui travaillent tous
les deux sur les questions de déplacements urbains, avec des approches différentes. Le
SYTRAL est l'institution en charge du développement et de l'exploitation du réseau de
transports en commun, qu’il confie en délégation de service public à la société Kéolis.
Il dispose du statut d’Autorité Organisatrice des Transports (AOT), défini par la Loi
d’Orientation pour les Transports Intérieurs de 1982209, qui lui attribue la mission de
définir la politique de desserte et la politique tarifaire des transports publics collectifs.
Par ailleurs, le SYTRAL est chargé de la rédaction du Plan de Déplacement Urbain,
qui formalise les orientations politiques sur 5 à 10 ans pour tous les modes de
déplacements. La Métropole, en tant qu'Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM),
statut créé par la loi MAPTAM de 2014210, est chargée de l'organisation et la gestion
opérationnelle de tous les types de mobilité hors transports collectifs : voiture, marche
à pied, mobilités partagées et modes doux. Elle dispose ainsi par ce statut de

209
Loi no 82-1153 du 30 décembre 1983 dite LOTI
210
Loi n°2015-58 de modernisation de l’action publique territoriale et de l’affirmation des Métropoles
du 27 janvier 2014

72
compétences élargies dans les domaines de l'autopartage, du covoiturage, des modes
actifs et de la logistique urbaine. Cette situation de cohabitation entre une Autorité
Organisatrice de la Mobilité (AOM) et une Autorité Organisatrice des Transports
(AOT), statut pourtant remplacé par la loi MAPTAM de 2014 par un seul statut
d’AOM, est liée à l’histoire institutionnelle de ces organisations et à des choix
politiques211. Le SYTRAL gérait les transports publics avant la création de la
Métropole, qui, par la suite, a développé ses propres services de mobilités urbaines
(vélos, covoiturage etc.). Au moment où la loi obligeait à définir une seule autorité
organisatrice pour gérer tous les services de mobilité, ce qui aurait été possible en
redéfinissant les compétences de l’une ou l’autre des institutions, le choix politique a
finalement été de conserver les deux. Les chargés de mission déplacements de la
212
Métropole expliquent ainsi le choix opéré : « La loi a conforté le fait que la
Métropole était bien une AOM, parce qu’on aurait pu considérer que sur le territoire
de Lyon c’était le SYTRAL qui devenait AOM et qui gérait toute la mobilité, les
TCU213, les vélos… il y avait plusieurs schémas. On aurait pu considérer l’inverse. Et
bien là, la décision, les arbitrages de l’Assemblée Nationale et du Sénat ont conduit à
décider qu’effectivement que sur Lyon il y aurait la Métropole qui sera AOM tout en
pouvant transférer la partie AOTU au SYTRAL qui était conforté dans son rôle, et non
plus juste à l’échelle de la Métropole, mais aussi du département du Rhône. ».
Le second point atypique dans l’organisation institutionnelle du territoire est la
coexistence de deux services au sein de la Métropole travaillant sur les questions de
mobilité et de déplacements, mais n’appartenant pas à la même Direction. Le service
Voirie Mobilité Urbaine (VMU) appartient à la Direction de la Voirie et prend en
charge l'application opérationnelle des politiques de déplacements sur le territoire,
dans tous les domaines hors transports collectif. Il agit à la fois en qualité d'aménageur
- à travers ses interventions d'installation, rénovation, maintenance, gestion des
équipements…- et de fournisseur de services214. Le service est en effet chargé du
développement des solutions de covoiturage, d'autopartage et d'électromobilité, de
l'exploitation du système de vélos en libre-service Vélo'v ainsi que du pilotage du

211
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon, retranscription partielle en annexe p.146
212
ibid
213
Transports collectifs urbains
214
Rapport d’activité 2015 du service Voirie Mobilité Urbaine, Métropole de Lyon

73
service d'information multimodale en temps réel Onlymoov. C'est en particulier l'unité
VMPS (Voirie Mobilité Projets et Services) qui est en charge des services innovants et
de mobilités partagées ainsi que de la recherche et développement dans le champ des
ITS (Intelligence Transport System). Depuis novembre 2009, son directeur est Pierre
Soulard, ingénieur en bâtiment qui a eu auparavant plusieurs expériences dans le
domaine de l’aménagement pour le secteur public215. Le deuxième service qui travaille
sur les questions de mobilité est le service Déplacements, qui appartient à la Direction
de la Planification et des Politiques d’Agglomérations. Le service Déplacements, qui
se situe donc dans un bâtiment différent du service Voirie Mobilité Urbaine, travaille
sur les aspects stratégiques en amont des décisions opérationnelles. Il joue un rôle
d'orientation, d'études et d'accompagnement des choix stratégiques, et participe très
activement à la rédaction du Plan de Déplacement Urbain en partenariat étroit avec le
SYTRAL. Le chargé de missions stationnement décrit ainsi le rôle de son service sur
les questions des nouvelles mobilités : « Nous on est vraiment en amont, sur les
questions stratégiques. On est quand même sur des nouvelles mobilités qui émergent,
enfin ça fait quand même pas mal d’années, mais on a été un peu les premiers à
s’intéresser à ces questions parce que nous notre rôle c’est d’avoir une veille
technique sur la mobilité. Donc on a travaillé au départ pour construire un peu la
position de la Métropole par rapport à l’autopartage et au covoiturage. On a construit
une stratégie, ensemble, et cette stratégie après effectivement on a essayé de la «
vendre » à ceux qui allaient la mettre en place, y compris Voirie et Mobilité Urbaine.
Donc on est vraiment en amont nous sur ces questions-là. »216. Enfin, toujours au sein
des services de la Métropole, il faut noter que la Direction de la Prospective et
Dialogue Public joue aussi un rôle dans le domaine des déplacements urbains, à travers
ses missions de réflexion et de compréhension autour des évolutions sociales. La
DPDP est notamment intervenue dans le domaine des transformations de la mobilité
liées au numérique, puisqu'elle est à l'origine de la plateforme de covoiturage,
Covoiturage-GrandLyon. Ce service a été créé dans le cadre de la mission de la DPDP
d’animer les Plans de Déplacements Inter-Entreprises (PDIE). De plus la DPDP a

215
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la métropole de Lyon,
réalisé le 9 janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle en annexe p.127
216
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon, retranscription en annexe p. 146

74
participé aux réflexions autour de la politique de partage de données pour la création
d'information multimodale, notamment autour du projet Optimod217.
On peut déduire de cette structure organisationnelle que le positionnement de
la Métropole vis-à-vis des nouveaux acteurs de la mobilité est issu de réflexions et de
choix coordonnés entre plusieurs services : le service Déplacements émet des avis et
propose des orientations, tout comme la Direction de la Prospective et du Dialogue
Public sur certains sujets, et le service Voirie Mobilité Urbaine, en charge des relations
directes avec les acteurs et le développement opérationnel des services, réalise les
choix finaux et les arbitrages, sans aucune obligation de suivre les orientations
proposées. Le service Déplacements ne voit pas systématiquement son avis pris en
compte ou ses stratégies mises en place218 Le SYTRAL tient un rôle d’orientation à
travers la rédaction du Plan de Déplacements Urbains, qui intègre les nouvelles
mobilités, mais la Métropole garde un poids important sur ces sujets dans le cadre du
PDU, puisqu’elle est représentée au sein du conseil d’administration du SYTRAL et
que les responsables de ses services participent aux groupes de travail sur l’élaboration
du contenu du PDU. Enfin, les deux vice-président-e-s élu-e-s en charge de la mobilité
participent aux réflexions sur les propositions des directeurs de service, en particulier
de Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine qui les rencontre
régulièrement. Jusqu’en septembre 2016 la délégation exécutive sur les nouvelles
mobilités urbaines était à la charge de Gilles Vesco. Aujourd’hui, ses compétences ont
été transférées, suite à sa démission justifiée par des raisons professionnelles219, à deux
vice-présidents. La mobilité intelligente à Karine Dognin-Sauze, désormais vice-
présidente en charge de l’innovation, du développement numérique et de la mobilité
intelligente. Le reste de la délégation a été transférée à Martial Passi, maire de Givors,
désormais vice-président en charge des déplacements et de l’intermodalité220. Cette

217
Optimod’Lyon est un projet partenarial de récolte et de mise à disposition des données liées aux
transports et à la mobilité, dans le but de permettre la création de services numériques pour les
personnes et la logistique urbaine. Voir http://www.optimodlyon.com/
218
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon, retranscription partielle en annexe p.146
219
Samard F., « Pourquoi Gilles Vesco abandonne sa délégation exécutive à la Métropole ? », publié le
6 septembre 2016 dans Le Progrès (en ligne)
220
Deligia F., « Qui va remplacer Gilles Vesco “Monsieur Vélo’v” après sa démission ? », publié le
6/09/2016 dans Lyon Capitale (en ligne)

75
nouvelle répartition des compétences fait l’objet de confusions au sein du service
Déplacements notamment221.
Lorsqu’une décision doit être actée formellement, elle doit faire l’objet d’une
délibération au sein du Conseil de la Métropole, préparée préalablement en
commission Déplacements et Voirie. Selon le directeur du service Voirie Mobilité
Urbaine, le président de la Métropole Gérard Collomb222 joue un rôle d’arbitrage
important dans certaines décisions : « Aujourd'hui dans notre collectivité on
fonctionne beaucoup avec des arbitrages par le Président directement, dont au-delà
des avis et des orientations de nos vice-présidents, sur certains dossiers on sollicite un
arbitrage du Président directement. »223. Finalement, il semble que c’est le service
Voirie Mobilité Urbaine, en tant que responsable des aspects opérationnels, qui oriente
principalement les choix, en prenant en compte - ou non - les orientations proposées
par le service Déplacements, et en relation étroite avec les vice-présidents, mais aussi
fréquemment directement avec le Président de la Métropole. En effet, le président de la
Métropole de Lyon depuis 2001, Gérard Colomb, correspond à la figure du « maire
entrepreneur »224 décrit par Henry Bäck, Hubert Heinelt et Annick Magnier. Ce style
de leadership politique est, selon ces auteurs, un des phénomènes qui sous-tend les
transformations institutionnelles ayant lieu dans les villes européennes, menant à une
nouvelle gouvernance urbaine. Il se caractérise par un exécutif mayoral fort, et une
plus faible influence du conseil municipal. Le rôle du maire est alors de catalyser des
ressources afin de favoriser un développement économique local, en valorisant des
projets et des outputs plus que des références partisanes ou la défense de la
communauté locale auprès des autorités extérieures225.
Si le positionnement stratégique de la Métropole de Lyon vis-à-vis des
transformations du paysage de la mobilité émerge des travaux et actions de différentes
instances institutionnelles du territoire, on voit toutefois que certaines de ces instances
ont un poids plus important que d’autres dans les prises de décision, en particulier dans
221
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon, retranscription partielle p.146
222
Gérard Collomb a quitté son poste de Président de la Métropole de Lyon en mai 2017 suite à sa
nomination comme ministre de l’Intérieur du gouvernement Philippe I
223
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la métropole de Lyon,
réalisé le 9 janvier 2017 à Lyon, retranscription p.127
224
Bäck H., Heinelt H., et Magnier A. : “The european mayor, political leaders in the changing context
of local democracy”. Politiques et management public, vol. 24, n° 3, 2006.
225
ibid

76
le cas des relations avec les acteurs privés : c’est le cas du service Voirie Mobilité
Urbaine, qui, par sa gestion des aspects opérationnels des nouvelles mobilités est en
position forte pour proposer des mesures concrètes et des contractualisations avec des
partenaires privés, et de l’exécutif – les vice-présidents et le président de la Métropole
– qui détiennent une capacité d’influence importante et un pouvoir politique fort.

c) Le positionnement : encourager l’émergence des initiatives privées et


encadrer les pratiques

Le positionnement de la Métropole de Lyon dans le domaine des nouvelles


mobilités et des mobilités partagées est fondé sur l’objectif de faire émerger des
bénéfices tout en prenant le moins de risques possibles, en particulier du point de vue
financier. Le chargé de mission déplacement et stationnement définit ainsi la stratégie :
« On a une stratégie d’encadrement, d’accompagnement et d’encadrement des
opérateurs privés à la fois en laissant l’initiative privée se développer et puis le risque
financier associé à l’initiative, et en même temps encadrer de manière à ce que, autant
que faire se peut, cela cadre avec les orientations générales de la politique publique
qu’on compte mener sur le territoire. »226]. Pour ce faire, les services de la Métropole
de Lyon adoptent une position de veille et d’ouverture aux innovations dans le
domaine des nouvelles mobilités. Le directeur du service Voirie Mobilité Urbaine
explique ainsi que la Métropole de Lyon communique sur son ouverture aux initiatives
privées dans ce domaine, et met en place des instances de rencontre entre acteurs
publics et privés : « On donne en visibilité la volonté de Lyon d’avancer sur des sujets
d’innovations en étant terrain d’expérimentation. (…) On est vraiment en veille sur ces
questions, pour identifier les potentiels partenaires. Et les partenaires, ils sont en
veille pour identifier de potentielles collectivités partenaires, et quand on arrive à se
trouver c’est bien ».227 Ce positionnement particulier se différencie donc d’une
politique publique de transports classique, dans laquelle la puissance publique contrôle
et oriente totalement les processus, les décisions et les choix opérationnels avec des
méthodes et des outils clairement définis. Dans le cas des nouvelles mobilités, services
encore émergents et incertains, le choix est d’avancer au coup par coup en fonction de
la conjoncture et des opportunités. Ce contexte fait apparaître une forme d’action

226
ibid
227
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la métropole de Lyon,
réalisé le 9 janvier 2017 à Lyon, retranscription p.123

77
publique très dépendante de la contingence et de l’émergence de nouveaux acteurs et
de nouvelles opportunités, tout en mettant les décideurs dans une situation de forte
incertitude. Le modèle de la poubelle228, proposé par Cohen, March et Olsen, remet en
cause l’idée d’une rationalité parfaite de l’action publique et mettant en avant les
éventuelles incertitudes et les formes aléatoires de la décision en fonction de
conjonctures particulières. Si l’on observe ce type de décisions dans le cas des
mobilités partagées, où des solutions existantes peuvent émerger de manière
hasardeuse pour répondre à des problèmes plus ou moins bien identifiés, il ne faut pas
pour autant négliger l’autonomie stratégique des acteurs, qui saisissent les opportunités
tout en étant guidés par des formes de préférences collectives issues de réflexions ou
discussions – plus ou moins formelles - réalisées sur le long terme229. Les
caractéristiques du paysage des acteurs de ces nouvelles mobilités est une des raisons
qui explique cette nécessité – et cette contrainte - de composer avec les
opportunités sans vision stratégique sur le long terme : « la particularité de la position
des services d’une collectivité locale sur des services de nouvelles mobilités comme le
covoiturage et l’autopartage, c’est qu’on n’est pas comme sur les transports collectifs
à l’initiative à 100% de notre dispositif. Là, il faut avoir une vision, et composer
éventuellement, ajuster notre stratégie en fonction de ce que les opérateurs privés
230
proposeront de toute façon sur notre territoire. » . On retrouve ici la notion de
« pluralité d’acteurs » proposée par Michel Crozier et Erhard Friedberg231pour analyser
les organisations. Ce concept met avant le rôle central des décideurs publics, qui
détiennent le pouvoir décisif d'attribuer les ressources publiques et de conférer une
légitimité aux autres acteurs. Toutefois, l’analyse de Crozier et Friedberg met en avant
le fait que les décideurs publics ne prennent jamais leurs décisions de manière
complètement autonome, mais bien en fonction, et parfois sous l’influence, de
l’intervention d'autres acteurs plus ou moins explicites. Pour Pierre Soulard, le
directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la Métropole de Lyon, une forme
classique de partenariat public-privé, par exemple sous une forme de régie ou de

228
Michael D. Cohen, James G. March, Johan P. Olsen, « A Garbage Can Model of Organizational
Choice », Administrative Science Quarterly, 1972
229
Voir notamment la partie 1.1.1 b) L’identification par les acteurs publics des bénéfices et risques liés
à l’émergence de nouveaux acteurs, p.
230
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon (en annexe)
231
Crozier M. et Friedberg E. L'acteur et le système, Paris, Seuil, 1977

78
délégation de service public, n’est ainsi pas adaptée dans le domaine de l’innovation et
des nouvelles mobilités : « Ils [les acteurs privés] ont encore plus de capacité
d’innovation et de réactivité que nous, vis-à-vis des évolutions technologiques. Nous,
pour commander des prestations, on a le code des marchés publics et le premier
article c’est "la collectivité doit définir son besoin". Quand on est dans le champ de
l’innovation, définir un besoin… C’est justement qu’on ne sait pas le définir, c’est
pour ça qu’on veut innover. C’est qu’on ne sait pas comment y arriver. » En plus de
cette capacité d’« innovation », les acteurs privés peuvent disposer de capacité
d’investissement financier fortes pour expérimenter ou développer des services à
grande échelle, face à la collectivité publique dont les finances sont de plus en plus
limitées et ne peut pas prendre de risques économiques. Dans ce schéma, la puissance
publique accepte de ne pas avoir totalement la mainmise sur le service, et en
contrepartie n’a pas à s’engager financièrement. Ce positionnement traduit les
changements décrit par Gilles Pinson, dans un contexte de reterritorialisation des
interactions économiques : « Ce que montre l’histoire des systèmes productifs
réticulaires territorialisés ce n’est pas que le développement économique n’a plus
besoin d’institutions non économiques (…) mais a au contraire besoin d’institutions
qui permettent aux acteurs et aux groupes locaux de valoriser leurs potentialités (…)
de préférence à des institutions qui assignent des rôles à ces acteurs et qui imposent
les orientations de développement. »232. Au sein de ce paysage des nouveaux acteurs
de la mobilité, la collectivité locale prend le rôle d’animateur et de facilitateur pour
permettre aux projets qu’elle identifie comme souhaitables d’émerger sur son territoire.
Le rôle d’orientation du développement n’est pas totalement abandonné, puisque la
Métropole identifie, notamment à travers son Plan de Déplacements Urbains, les
objectifs qu’elle assigne à l’évolution des transports sur son territoire, en termes de
réduction des impacts environnementaux ou encore d’accessibilité. Toutefois, elle
accepte – et elle est aussi contrainte par le contexte – de laisser une partie de l’offre de
mobilité être développée par l’initiative privée.
Ce positionnement d’ouverture vis-à-vis des acteurs privés, défendu
principalement par le directeur du service Voirie Mobilité Urbaine, se caractérise par
un certain optimisme vis-à-vis des initiatives privées innovantes dans le domaine des
mobilités partagées. Pierre Soulard reconnaît ainsi que son point de vue ne fait pas
232
Pinson, G. Gouverner la ville par projet. Urbanisme et gouvernance des villes européennes. Presses
de Sciences Po (P.F.N.S.P.), 2009

79
naturellement consensus : « Je le prends plus comme des opportunités mais c’est vrai
que souvent, que ce soit avec des collègues ou dans d’autres collectivités, c’est plus
identifié comme un risque. C’est vrai que c’est un peu Uber qui est pointé du doigt
parce que ça nous échappe un petit peu. Mais il y a peut-être d’autres endroits où ça
233]
ne devra pas nous échapper et il vaut mieux en profiter ». Pour la puissance
publique, cette situation caractérisée par un foisonnement de nouveaux acteurs dans un
domaine autrefois réservé à la gestion publique présente un double enjeu : d’une part,
encourager les initiatives bénéfiques et d’autre part, encadrer les pratiques. Pour les
chargés de missions du service Déplacements, ce second enjeu est majeur : « il y a une
particularité (…) avec les acteurs privés qui peuvent être amenés à se positionner, la
question de la stratégie de la politique publique et de la collectivité a paradoxalement
encore plus de sens, parce que sans ça les choses peuvent se faire sans que la
collectivité puisse avoir une vue, un appui d’organisation, un accompagnement etc. ».
L’objectif est notamment de limiter les effets négatifs qui peuvent être liés à certaines
pratiques issues des nouveaux acteurs du numérique. C’est le cas notamment du
stationnement partagé,234 qui perturbe les dispositifs mis en place par les politiques
tarifaires et de gestion des emplacements qui ont comme objectif de réduire la place de
la voiture en ville. « C’est quelque chose qui est très réglementé le stationnement (…)
Et là on est avec des acteurs qui n’ont besoin de personne, qui développent du
stationnement à des coûts qui sont ultra agressifs pour nous. À la rigueur quand c’est
du particulier à particulier, ce n’est pas dérangeant, mais quand c’est des hôtels
complets, qui ont 100 places de parking disponibles et qui les mettent sur le marché,
nous ça casse tout ce qu’on essaye de mettre en place. On met des tarifs un peu
dissuasifs sur le stationnement, pour que les gens utilisent d’autres modes, si on a une
offre de stationnement qui se développe en plein centre-ville à des coûts ultra bas, et
bien les gens ils vont reprendre leur bagnole. Donc il y a toujours cette idée de
diminuer le réflexe voiture, et donc s’il y a des systèmes qui se développent qui
prennent effectivement, qui atteignent des masses critiques qui sont importantes, ils
vont remettre en cause toute la stratégie qu’on a mise en place. » 235]

233
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la métropole de Lyon,
réalisé le 9 janvier 2017 à Lyon
234
Ou « co-parking », qui consiste à louer des places de stationnements privés entre particuliers
235
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon

80
Le positionnement de la Métropole de Lyon vis-à-vis des acteurs privés dans le
domaine des nouvelles mobilités repose donc aussi sur l’encadrement des pratiques.
Dans cette perspective, le principe de négociation avec les acteurs privés tient un rôle
essentiel, comme cela est clairement explicité dans le compte-rendu du groupe de
travail dans le cadre de l’élaboration du Plan de Déplacement Urbain 2015-2020236] :
« Cette régulation ne peut passer que par de la négociation, plus ou moins encadrée
par des outils juridiques opposables (licence, label, convention…). Cette régulation
des initiatives privées peut ainsi se faire en valorisant ce que la collectivité a à offrir :
financement, espace public, données, image, notoriété, expertise, clientèle. ». Cette
négociation repose sur la recherche d’un compromis entre les intérêts de l’acteur privé
et ceux de la collectivité publique. Dans cet négociation, le poids de la collectivité
dépend du besoin de son interlocuteur privé : plus celui-ci est dépendant d’une
ressource contrôlée par la collectivité, plus il est susceptible de devoir se soumettre aux
conditions de cette dernière. Le compte-rendu de ce groupe de travail souligne ainsi
un enjeu majeur : certains acteurs privés n’ont pas besoin de la collectivité publique.
Dans ces conditions, il est pratiquement impossible de négocier avec eux afin de
pouvoir les encadrer, et la collectivité ne peut avoir aucun pouvoir de contrôle sur leur
activité. C’est le cas du service Uber par exemple, que nous avons déjà évoqué, qui n’a
besoin ni d’autorisation de la collectivité locale pour circuler, ni d’emplacements sur
voirie, comme l’explique Pierre Soulard : « Le financement, c'est au niveau
international, et puis c'est en exploitant les chauffeurs (…). L'espace public, ils en ont
pas besoin, ils roulent, c'est le code de la route qui sert pour eux, les données, c'est eux
qui gèrent la donnée, l'image, la notoriété d'Uber n'a pas besoin du Grand Lyon pour
ça, l'expertise, ils considèrent qu'ils en ont pas besoin, alors que je pense qu'ils
auraient intérêt à venir nous voir pour faire durer un peu leur offre, (…) et puis la
clientèle ils se la sont constitué tout seuls. Donc eux, on n’arrive pas à les encadrer, on
n’arrive pas à canaliser cette offre-là parce qu'on n’a aucune relation avec eux. Ils
n’ont pas besoin de nous. » De même, Blablacar s’est fortement développé en
s’autonomisant totalement des pouvoirs publics. Il faut noter toutefois que récemment,
l’entreprise est entrée en contact avec le service Voirie Mobilité Urbaine de la
Métropole de Lyon afin de pouvoir installer des emplacements et une signalétique

236
Compte-rendu du groupe de travail n°8 « Evolution des modes de vie et comportements de
mobilité » du 17/07/2015 dans le cadre de l’élaboration du Plan de Déplacement Urbain 2015-2020 de la
Métropole de Lyon

81
propre à leur service dans des points de rencontres en périphérie de la ville et à
proximité des transports en commun237. Dans ce cas, la sollicitation de l’entreprise
permet d’ouvrir une négociation, notamment pour la régulation des prises en charge et
déposes sauvages de passagers en centre-ville, qui peuvent représenter une nuisance
pour la circulation en ville. L’autre intérêt pour la collectivité d’autoriser l’installation
de stations Blablacar est de les coordonner avec les emplacements de transports en
commun pour favoriser la complémentarité des deux types de déplacements.
Ainsi, la collectivité urbaine sur le territoire lyonnais cherche à encourager les
pratiques de mobilités partagées issues de l’initiative privée qu’elle considère
bénéfiques pour son territoire, lorsqu’elles engendrent une réduction des déplacements
automobile, qu’elles favorisent les modes doux ou encore lorsqu’elles sont
complémentaires avec les transports publics. Ce positionnement construit ces dernières
années par les différents services de la Métropole et en fonction des opportunités est
désormais inscrit dans le nouveau PDU de 2017, comme l’expliquent les chargés de
mission Déplacements : « On dit bien que c’est « définir et mettre en œuvre un cadre
de coopération public-privé permettant de favoriser, encadrer et réguler les services ».
Finalement, c’est quelque part un peu traduire la stratégie que, nous, on a initiée à
l’échelle de la Métropole, la graver comme une des actions du PDU en la matière »238.
La stratégie de soutien et de collaboration permet de faire émerger de nouveaux
services, quand les outils d’encadrement permettent de les orienter vers les objectifs de
politiques publiques. Toutefois, dans certains cas, la collectivité n’a aucun levier pour
contrôler ou encadrer des acteurs privés qui sont totalement indépendants, ce qui
engendre un certain nombre d’incertitudes et de questionnements.

d) La question de la mise en œuvre : incertitudes et divergences

On a vu qu’il existe une stratégie d’opportunisme de la part de la Métropole de


Lyon autour de l’émergence d’initiatives privées dans le domaine des nouvelles
mobilités, toutefois il faut souligner la grande part d’incertitudes et de questionnements
qui entoure cette stratégie. Elles font l’objet de divergences de point de vue entre les
différents services. Plusieurs éléments font l’objet de ces incertitudes : d’une part, les

237
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la métropole de
Lyon, réalisé le 9 janvier 2017 à Lyon
238
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon

82
modalités opératoires de la collaboration avec les acteurs privés, et d’autre part la
réflexion sur la transformation du rôle de la puissance publique dans ce nouveau
contexte.
Si ce positionnement d’encouragement et d’encadrement des pratiques est le
socle des relations entre la Métropole de Lyon et les acteurs privés dans le domaine des
nouvelles mobilités, la question de la mise en œuvre pratique de ces orientations reste
posée. Des formes de contractualisations existent pour certains services, notamment
avec la labellisation dans le cas de l’autopartage. Toutefois, pour des acteurs émergents
et des services au fonctionnement encore incertain, comme c’est le cas pour le
covoiturage dynamique239 par exemple, la question reste posée. Le directeur du service
Voirie Mobilité Urbaine, qui en charge de ces questions opérationnelles, explique
ainsi : « C'est vraiment d'actualité : comment on fait ? Est-ce qu'on choisit un acteur
parmi tous les autres, est-ce qu'on offre la chance à tous les acteurs (…) et que le
meilleur gagne ? Celui qui trouvera son public, son auditorat et bien tant mieux pour
lui et les autres, ben tant pis mais on aura quand même essayé de faire émerger tout le
monde. Et puis, essayer de faire émerger tout le monde, qu'est-ce que ça veut dire ?
Est-ce qu'on met à disposition de la donnée, est-ce qu'on met à disposition une masse
critique de clients potentiels ? (…) Aujourd'hui on est en train d'essayer de définir
comment y arriver, on s'orienterait peut-être sur un appel à projet par exemple, où en
contrepartie on offrirait, notre label ou notre garantie, quoi, on serait garant, nous
puissance publique, d'un service privé. Et du coup on pourrait faire la promotion de ce
genre de services. Voilà, et on leur ferait bénéficier de l'image de la Métropole, vis-à-
vis de l'usager, de tout notre réseau de communication auprès des Grand Lyonnais. »
240

La question de l’étendue du domaine d’intervention de la puissance publique


dans le secteur des nouvelles mobilités partagées se pose aussi. Finalement, pour les
pratiques identifiées comme souhaitables par la puissance publique, l’indépendance

239
Le covoiturage dynamique (parfois appelé covoiturage courte-distance ou autostop en ligne)
est un type de covoiturage où l’information est donnée en temps réel aux conducteurs et aux potentiels
passagers. L’objectif est de mettre en relation rapidement des personnes effectuant le même trajet via les
technologies numériques. Ce type de mise en relation est vouée à fonctionner pour des trajets de courtes
et moyennes distances, par exemple de périphérie à centre-ville. Le covoiturage dynamique n’existe que
sous forme expérimentale aujourd’hui, mais présente un fort potentiel « L’expérimentation sur des
territoires divers constitue un aspect fondamental pour pouvoir tester et évaluer ce type de service qui
peut constituer une véritable offre de transport alternative » (Source : CERTU)
240
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la métropole de Lyon,
réalisé le 9 janvier 2017 à Lyon (en annexe)

83
totale des opérateurs privés peut être considérée par certains responsables de service
comme une ressource potentielle. C’est le cas de Pierre Soulard dans le domaine du
covoiturage dynamique : « Aujourd'hui il y a des concurrents qui tapent à la porte (…)
mais systématiquement, le modèle économique est basé sur un financement de la
collectivité locale. Donc aujourd'hui je n’ai pas encore vu de concurrents et
d'opérateurs privés qui viendraient de manière complètement autonome de fonds
publics. Mais c'est en train de changer, je pense qu'on voit émerger, là, des
opérateurs, des Netlift, même Waze, qui s'intéressent au covoiturage courte-distance.
Ça c'est intéressant, il faut qu'on regarde. Parce que du coup ça nous permettrait
éventuellement nous de ne plus investir dans ce type de plateformes par exemple, à
l'extrême, on pourrait imaginer de tout arrêter parce qu'on aurait un opérateur privé
241
qui aurait pris le relai. » . Dans ce type de configuration, où la puissance publique
accepte de céder certains domaines à des acteurs privés, la question du rôle de la
collectivité se pose fortement. Pour le directeur du service VMU, il n’est pas prioritaire
de développer tous ces services par la puissance publique et de les contrôler
totalement. Dans le cas de la plateforme « Covoiturage-GrandLyon », il explique ainsi
« ce qu’on cherche c’est que la pratique s’installe. Et la plateforme [Covoiturage-
GrandLyon] peut faciliter l’installation de telles pratiques mais s’ils font du
covoiturage indépendamment de la plateforme tant mieux »242. Du côté du service
Déplacements, la perception de ces nouveaux opérateurs en émergence dans le
domaine du covoiturage dynamique est toutefois un peu plus inquiète : « Google,
Waze qui arrivent avec du covoiturage, là, de l’autostop en ligne. Tout le système de
transports collectifs, il n’y a plus personne dans tes bus. (…) Après c’est : « et alors
? » (…) par rapport à ces questions de covoiturage, c’est « quelle concurrence peut
faire du covoiturage à du transport collectif ? » On se dit, « et bien le covoiturage
c’est pas du service public,(…) Il va aller là où il y a du monde, là où il y a de la
demande. Est-ce que la vocation de la collectivité c’est pas justement d’apporter du
service là où il n’y a peut-être pas de monde mais là où il y a un besoin de
mobilité ?(…) Mais si la collectivité elle va toujours là où ça rapporte le moins, et
qu’elle n’a pas les lignes qui vont permettre de gagner un peu de gnognote pour
pouvoir réinvestir là où ça gagne moins : ça veut dire qu’on accepte de financer ça
100% par l’impôt. Il n’y a plus les recettes clientèles. Donc là c’est tout le modèle
241
ibid
242
ibid

84
économique qui est remis en cause. L’enjeu, vraiment, c’est le modèle économique du
système de mobilité qui est en question avec ces nouveaux opérateurs. »243. Ce risque
de remise en cause du modèle économique des transports publics pose la question du
rôle de la puissance publique au sein de ce paysage mouvant. Sur ce point, qui appelle
une réflexion prospective, les responsables du services Déplacements témoignent de
leurs inquiétudes et réflexions en cours : « C’est super intéressant cette question. Et je
ne suis pas sûr que, nous, on l’ait assez traité entre nous. Je pense que c’est,
aujourd’hui on se trouve vraiment à la croisée des chemins, il y a vraiment deux
options à prendre, dans les collectivités et les Métropoles en particulier, c’est soit on
se désengage, de plus en plus, sur la politique publique de mobilité, et on laisse le
privé gérer. L’autre option c’est au contraire, on récupère le champ de la mobilité et
on a un vrai opérateur. Une SPL244 par exemple, une vraie SPL qui fait de la mobilité,
notre opérateur central, auquel on va confier l’ensemble des clés, pour développer
l’autopartage, développer le covoiturage etc, etc… Un peu comme fait TCL avec les
transports en commun »245. La question de l’intégration des services de mobilités
collaboratives est pour l’instant très incertaine, car les collectivités en craignent les
conséquences - notamment financières - et de leurs côtés, les acteurs privés sont
attachés à un modèle privé rentable246. La question du mode opératoire et du modèle de
gestion le plus adapté à cette nouvelle configuration du paysage des mobilité, qui ne
cesse de se transformer, reste donc à ce jour posée. Des pistes de réponses se trouvent
dans les résultats de l’étude menée par l’IDDRI autour du rôle des collectivités
publiques vis-à-vis des nouveaux acteurs de la mobilité collaborative247 Les résultats
de cette enquête menée auprès de responsables de services concernés dans différentes
collectivités locales – dont la Métropole de Lyon – et auprès des acteurs privés du
numérique pointe les enjeux liés à ces transformations pour les pouvoirs publics. Ils
montrent que les entrepreneurs des nouvelles mobilités attendent trois choses des

243
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon (en annexe)
244
Société Publique Locale
245
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon (en annexe)
246
Brimont L., Demailly D., Sauot M., Sartor O., Les nouveaux acteurs de la mobilité collaborative : des
promesses aux enjeux pour les pouvoirs publics. Iddri, juin 2016
247
Brimont L., Demailly D., Sauot M., Sartor O., Les nouveaux acteurs de la mobilité collaborative :
des promesses aux enjeux pour les pouvoirs publics. Iddri, juin 2016

85
pouvoirs publics locaux : « 1) de la communication et de l’animation auprès des
usagers et des salariés pour les aider à atteindre la masse critique248 ; 2) des
territoires d’expérimentation pour tester leur solution et 3) des politiques de contrainte
et d’incitation qui encouragent le partage de la voiture. »249. Finalement, ce rapport
propose six piliers pour une stratégie publique vis-à-vis des mobilités partagées, dans
le but de réduire les incertitudes autour de ces nouveaux modèles : la communication
auprès des usagers sur ces nouvelles pratiques, les incitations financières,
l’aménagement de la voirie en faveur des usages partagés, l’expérimentation et
l’évaluation, adapter la gouvernance et un financement public de la mobilité
collaborative. Ces recommandations sont discutables sur certains points, notamment le
dernier, puisque plusieurs rapports publics recommandent au contraire de ne pas
engager de financements publics dans ces nouvelles mobilités, comme le rapport
250
France Stratégie de 2010 : « La collectivité publique n’a ni la légitimité, ni les
moyens financiers de développer elle-même à grande échelle des solutions de mobilité
type autopartage ou covoiturage (...). La mission de la collectivité est de faciliter le
développement de ces services (lorsqu’ils répondent à un intérêt général), notamment
en les faisant connaître et en assurant leur continuité physique et informationnelle
avec les
TC [transports collectifs]».
On constate donc que le positionnement de la Métropole de Lyon vis-à-vis des
nouveaux acteurs de la mobilité est entouré de fortes incertitudes et que les
questionnements sont encore très vifs sur le modèle à mettre en place pour permettre
un développement optimal des mobilités partagées sur le territoire. Ces
questionnements portent à la fois sur l’étendue du domaine d’intervention de la
puissance publique, les risques de perturbations du système de transports publics
collectifs et les modes de financements des nouveaux services.

Conclusion de la partie 2.1 - Agir dans l’incertitude : le positionnement de la


Métropole de Lyon face aux nouveaux acteurs de la mobilité

Au sein d’un paysage foisonnant de nouveaux acteurs de la mobilité aux


caractéristiques parfois antagonistes, la Métropole de Lyon tente de construire un

248
La question de la « masse critique » est une question centrale des nouvelles mobilités : elle garantit la
densité et la fluidité de l’offre et de la demande
249
ibid
250
Rapport « Les nouvelles mobilités dans les territoires périurbains et ruraux », France Stratégie, ex-
Centre d’Analyse Stratégique, sous la direction de Olivier Paul-Dubois-Taine, publié le 7 février 2012

86
positionnement qui lui permette de tirer les bénéfices de ces initiatives tout en
réduisant les risques. La définition de ce positionnement se caractérise par un
déséquilibre dans les pouvoirs de décisions entre différents organes institutionnels et
est entourée de fortes incertitudes et questionnements. Dans ce contexte, nous allons
voir que le choix de contractualiser avec le groupe Bolloré pour le déploiement d’un
service d’autopartage en one-way est, lui aussi, traversé par des controverses et de
doutes. La forte capacité d’adaptation de la firme Bolloré aux contraintes
institutionnelles peut alors expliquer le choix des élus de contractualiser avec elle, dans
ce contexte de multiplication des initiatives privées, souvent peu lisibles pour la
collectivité.

2.2 Le service d’autopartage Bluely : la mobilité « durable et


partagée » comme terrain d’entente entre la puissance publique et une
grande firme industrielle

Après avoir présenté le contexte d’évolution du paysage de la mobilité urbaine


et le positionnement général de la Métropole de Lyon vis-à-vis des acteurs privés, nous
proposons d’étudier un cas précis de soutien de la puissance publique à un service de
mobilité partagée porté par un acteur privé. Le cas qui nous intéresse ici est celui de la
contractualisation entre la Métropole de Lyon et le groupe industriel français Bolloré
pour le déploiement d’un service d’autopartage en one-way251. On verra que le choix
d’établir un partenariat avec un acteur au sein de ce foisonnement d’initiatives privées
répond à des objectifs particuliers portés par certains acteurs, et qu’il n’a pas fait
consensus au sein de la collectivité locale. Le groupe industriel Bolloré a déployé ce
système sous la marque « Bluely » sur le territoire lyonnais, suite à un accord
contractuel avec le Grand Lyon signé le 3 juin 2013 et l’obtention du label autopartage,
autorisant l’installation de stations sur voirie à un tarif avantageux. Nous proposons de
revenir sur le contexte du choix d’une contractualisation avec cet acteur, ainsi que sur
les réflexions et controverses liées à cette décision, afin d’approcher les ressorts
politiques, institutionnels et économiques qui sous-tendent cet arbitrage (section 1). Ce
cas d’étude nous permettra de comprendre le phénomène d’institutionnalisation et de

251
Pour rappel, l’autopartage en one-way (appelé aussi autopartage en trace directe ou en stations) qui
est développé par le groupe Bolloré est un système d’autopartage dans lequel les véhicules sont répartis
dans des stations, installées à des intervalles réguliers, principalement dans les zones denses du centre-
ville. Ce type d’autopartage est voué à des déplacements plutôt courts, en moyenne 30 minutes, réalisés
au sein d’une zone urbanisée.

87
récupération au profit d’une stratégie d’attractivité, d’une alternative de déplacements
issues des milieux associatifs et écologistes. Par la suite, nous verrons que ce choix est
aussi lié aux caractéristiques du partenaire privé, qui au milieu d’un foisonnement
d’initiatives parfois illisibles pour la collectivité, a su s’adapter aux caractéristiques
institutionnelles et aux contraintes publiques. Nous proposons ainsi de nous focaliser
dans un second temps sur la stratégie de l’entreprise pour obtenir ce marché (section
2). Nous verrons ainsi que le rôle de l’entreprise est central dans la transformation des
relations public / privé dans le domaine de la mobilité urbaine. Enfin, pour analyser ces
transformations, nous proposons d’étudier la forme particulière de contractualisation
mise en place entre la puissance publique et le groupe Bolloré sur le territoire de la
Métropole de Lyon (section 3). Nous verrons ainsi comment la capacité d’adaptation
de la firme aux préoccupations de la collectivité publique dans un contexte
d’incertitude et de réduction des budgets publics, lui permet de négocier les conditions
de son déploiement sur le territoire.

2.2.1. Développer un service d’autopartage en one-way : un choix


controversé aux niveaux technique et politique

a) De fortes incertitudes autour des bénéfices environnementaux de l’autopartage


un one-way

Tout d’abord, il faut souligner que le choix de l’autopartage en one-way est un


choix controversé du point de vue technique. Les effets en termes de
démotorisation252 de ce système particulier d’autopartage, différent de l’autopartage en
boucle, ne sont pas prouvés. Pour beaucoup d’observateurs, l’autopartage en one-way
favorise au contraire l’utilisation de véhicules en ville, augmentant la circulation
automobile. En effet, comme le montre l’étude réalisée par le bureau de recherches
parisien 6-t, les utilisateurs de l’autopartage en one-way sont motivés par l’aspect
pratique du service, qui permet de se déplacer en voiture en ville sans contrainte de
stationnement, et le juge plus pratique que les transports en commun253. Ces véhicules
sont électriques et ne participent pas à la pollution de l’air, toutefois l’occupation de

252
La démotorisation correspond à la réduction de l’utilisation de véhicules à moteur, que l’on parle
d’un territoire (réduction des déplacements polluants) ou d’un ménage (abandon d’un véhicule à moteur
au profit d’un mode doux)
253
L’autopartage en trace directe, quelle alternative à la voiture particulière ? Résultats de la première
enquête sur l’impact d’un service d’autopartage en trace-directe (le cas Autolib), 6-t bureau de
recherches, 2015, disponible en ligne : http://one-way.carsharing.6t.fr/

88
l’espace public par des véhicules à usage individuel ou quasi individuel est un autre
problème lié à la présence de l’automobile en ville. Ainsi, les auteurs de l’entrée
voiture électrique du « Dictionnaire critique de la ville mobile, verte et sûre »254
soulignent que « l’électrification du parc automobile, en elle-même, conduirait surtout
à déplacer les pollutions liées à l’usage des véhicules, des lieux d’utilisation vers les
lieux de production d’électricité, sans réduire notablement les rejets de gaz à effet de
serre ». De plus, ils constatent que les réductions des nuisances concernent des espaces
privilégiés, les centres urbains, qui ont une valeur symbolique supérieure et sont
habités par des populations plus aisées, au détriment de zones dévalorisées.
Ce type d’autopartage favorisant les déplacements rapides et individuels entre
deux points situés en centre-ville, il représenterait une concurrence aux transports en
commun et aux vélos en libre-service, et n’entrerait pas en complémentarité avec le
système de mobilité existant. Ces incertitudes et le risque de concurrence avec les
transports en commun sont notamment soulignés par l’association lyonnaise La
Voiture Autrement, à travers ses publications sur un blog que l’association entretient
afin de rester en veille sur les questions d’autopartage. Le président de l’association
explique ainsi dans un billet rédigé en réaction à un article de presse paru sur le
lancement de Bluely à Lyon : « Les réactions d'un usager sont révélatrices des
ambiguïtés environnementales du système Bluely. Thierry, un usager visiblement
conquis, se dit prêt à laisser sa Fiat 500 au garage (super!) mais aussi à délaisser les
transports en commun (bof...!). Cette remarque, que le service communication de
Bolloré n'aurait surement pas laissé passer, rejoint les constats critiques effectués à
propos de l'Autolib' parisien et nos interrogations sur ce blog. L'autopartage en one-
way risque d'être un concurrent des transports collectifs dans l'agglomération dense
(…) plutôt qu'un complément destiné à rendre possible d'autres usages. ». Cet effet est
confirmé par l’étude réalisée par le bureau de recherches 6-t sur le système
d’autopartage en one-way Autolib’ à Paris255 qui affirme les mêmes résultats en termes
de concurrence aux transports en commun « Pour 1⁄4 de ses usagers, Autolib’ est

254
Reignier H., Brenac T., Hernandez F., Nouvelles idéologies urbaines. Dictionnaire critique de la
ville mobile, verte et sûre. Presses Universitaires de Rennes
255
À ne pas confondre avec le service Autolib’ Lyon, service d’autopartage en boucle renommé Citiz
LPA depuis 2015

89
d’abord un service plus pratique ou plus confortable que les transports »256. D’autres
critiques sont adressées à ce système du point de vue technique, comme l’inconvénient
du nécessaire rééquilibrage des stations en fin de journée et la nuit qui crée des
déplacements en voiture supplémentaires dans la ville et engendre des coûts
importants. En effet, contrairement aux Vélo’v dont le transport se fait par des camions
transportant des dizaines de vélos en même temps, les voitures en autopartage Bluely
sont déplacées individuellement par des chauffeurs, appelés « ambassadeurs » par la
société257. Une autre critique adressée est l’occupation de l’espace public que
représente ce service privé, qui n’est pas accessible à tous du point de vue
économique258.
Finalement, si l’autopartage offre la possibilité de se déplacer avec une voiture
électrique non polluante à court-terme, la question de la concurrence à d’autres modes
de transports existant se pose. Par ailleurs, l’accessibilité du service et la simplicité de
son utilisation peuvent être considérées comme un encouragement à l’utilisation des
véhicules, au détriment du vélo ou de la marche à pied. Pour ces raisons, l’autopartage
en one-way fait l’objet de fortes incertitudes sur les effets bénéfiques pour le système
de mobilité. Nous verrons que les défenseurs de l’autopartage en one-way mobilisent
les arguments et les effets bénéfiques prouvés de l’autopartage en boucle, ou dit
classique, pour justifier l’intérêt du dispositif en one-way, alors que ceux-ci n’ont en
réalité pas les mêmes effets.

b) Débats et divergences autour de l’autopartage en one-way au sein des


différentes instances de la Métropole de Lyon

Au sein des instances publiques travaillant en lien avec la mobilité, les débats
autour de ces points de controverses ont eu lieu très tôt. Déjà en 2007, la question du
one-way est abordée au sein du Conseil d’Administration de Lyon Parc Auto, le
gestionnaire de l’autopartage en boucle Autolib’/Citiz. En effet, le président de

256
L’autopartage en trace directe, quelle alternative à la voiture particulière? Résultats de la première
enquête sur l’impact d’un service d’autopartage en trace-directe (le cas Autolib), 6-t bureau de
recherches, 2015
257
Entretien avec Stéphanie Chaussy, directrice marketing du service Bluely, groupe Bolloré, réalisé le
19 janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle en annexe p. 156
258
Discours du président de l’association La Voiture Autrement, censeur au sein du Conseil
d’Administration de Lyon Parc Auto, le 3 octobre 2007 (archives de l’association La Voiture
Autrement)

90
l’association La Voiture Autrement, lors de son discours du 3 octobre 2007 à
l’occasion du vote de la reprise du service associatif par LPA, affirme déjà l’opposition
ferme de l’association à ce système évoqué par plusieurs élus présents au Conseil
d’Administration : « La Voiture Autrement est contre un fonctionnement en one-way,
qui fait l’objet de discussions depuis l’annonce d’un futur appel d’offre à Paris. En
effet, nous pensons que cette perspective coûteuse et complexe ne répond pas aux
besoins des citoyens (…) Le one-way, en concurrençant les transports collectifs et en
générant des déplacements inutiles (rééquilibrage des stations), va à l’encontre des
objectifs affichés dans les plans de déplacements urbains. Par ailleurs,(…) il
engendre une consommation inutile de l’espace public. »259 Dans cette intervention, le
président de La Voiture Autrement évoque les discussions engagées par plusieurs
membres du Conseil d’Administration, en particulier le vice-président en charge des
nouvelles mobilité, Gilles Vesco, très favorable à ce type d’autopartage. En tant
qu’instigateur du projet de vélos en libre-service à Lyon, celui-ci considère
l’autopartage en trace-directe comme la transposition du dispositif Vélo’v pour les
voitures électriques, et lui promet le même succès260. Dès l’évocation de cette
possibilité, des divergences de positionnement apparaissent au sein des services de la
Métropole. Le service Déplacement, dont le rôle est de penser l’évolution des
déplacements à long terme et de proposer des orientations stratégiques pour le
territoire, a dès le début de ses réflexions considéré l’autopartage en one-way comme
peu cohérent avec les objectifs de la politique publique de mobilité : « Sur
l’autopartage on avait bien montré qu’il y avait plusieurs types d’autopartage, qu’il y
avait l’autopartage en boucle et le one-way, qui ne répondait pas du tout aux mêmes
besoins, et qui s’insérait pas vraiment dans la politique poursuivie en termes de
réduction de l’usage de l’automobile, pour le one-way. (…) On avait dit l’option c’est
plutôt de développer de l’autopartage en boucle, le type Autolib qui ensuite est devenu
Citiz LPA, plutôt que faire du one-way qui va être un peu plus compliqué à défendre en
termes de stratégie de déplacement. On n’a pas vraiment été suivis puisque Bluely est

259
Discours du président de l’association La Voiture Autrement, censeur au sein du Conseil
d’Administration de Lyon Parc Auto, le 3 octobre 2007 (archives de l’association La Voiture
Autrement)
260
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, administratrice de l’association La Voiture Autrement de
2005 à 2008, réalisé le 30 janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle en annexe p.141

91
venu s’intégrer dans le dispositif. Bluely... qui n'était pas forcément attendu. »261. De
même, du côté de la direction de Lyon Parc Auto, instance au sein de laquelle les
premières discussions autour de la possibilité de développer un service d’autopartage
en one-way sont lancées, les avis sont défavorables : « On avait une personne à la
Métropole qui était en charge des mobilités à l'époque qui se trouvait être représentant
de l'actionnaire Métropole au sein de LPA, qui a toujours soutenu le fait qu'il fallait
faire du one-way et que le système de Citiz en boucle était un système sans intérêt. Et
LPA lui a résisté en disant : les systèmes en one-way ne sont pas vertueux. Ils ne sont
pas vertueux au titre de la politique de déplacement et du PDU que vous essayez de
mettre en place. Donc les relations n'étaient pas très chaleureuses. »262
Cette controverse technique apparaît notamment à travers la confusion
entretenue par les défenseurs du one-way avec l’autopartage classique en boucle, dont
les bénéfices en termes de démotorisation sont prouvés263. Cette confusion est visible à
travers l’intervention du vice-président aux nouvelles mobilités Gilles Vesco lors du
Conseil de Communauté du 27 mai 2013 pour le vote des éléments de la convention
entre le Grand Lyon et le groupe Bolloré dont la signature est prévue pour le 3 juin
2013. Celui-ci énumère les bénéfices de l’autopartage pour le territoire : « les
avantages de l'autopartage sont la démotorisation des ménages, 42% des ménages
interrogés annoncent qu'ils rendront une voiture (…) et la démotorisation des
déplacements puisqu'on baisse sa consommation automobile dès lors qu'on n'a pas son
véhicule sous la main, de l'ordre de 30 à 50 % ». 264 La réponse du représentant du
groupe Europe-Ecologie-Les Verts a pour objet de souligner que ces chiffres
correspondent aux études effectuées sur l’autopartage en boucle, qui n’a pas du tout le
même fonctionnement et donc pas les mêmes effets en termes de pratiques de mobilité
: « Les chiffres indiqués dans la délibération proviennent d'une enquête de France-

261
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon, retranscription partielle en annexe p.146
262
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto, réalisé à Lyon en février
2017, retranscription partielle en annexe p.160
263
Enquête nationale sur l’autopartage : l’autopartage comme déclencheur d’une mobilité alternative à
la voiture particulière, rapport final de recherche, 6-t bureau de recherche pour France-Autopartage,
janvier 2013
264
Procès-verbal de la séance publique du Conseil de communauté du 27 mai 2013 N° 2013-3907 -
déplacements et voirie - Mise en place de services d'autopartage et de bornes de recharges de véhicules
électriques - Approbation de redevances d'occupation du domaine public pour les opérateurs ayant
obtenu le label autopartage - Direction de la voirie (pages 4 à 6)

92
Autopartage, réseau auquel appartient l'Autolib lyonnais de Lyon Parc Auto, enquête
qui a été réalisée auprès d'abonnés de systèmes d'autopartage où le véhicule emprunté
est ramené à son point de départ et est utilisé́ pour un besoin bien spécifique. Ces
effets ne sont pas encore vérifiés pour le système Autolib parisien265 qui est le système
Bolloré qui va être mis en place à Lyon, où le véhicule emprunté peut être déposé à
une autre station que celle de départ. (....) Cela nous questionne fortement sur les
effets induits par ce mode d’autopartage. » Ainsi, en l’absence de certitudes sur les
effets de l’autopartage en one-way sur la démotorisation, les défenseurs de ce système
récupèrent les arguments de l’autopartage en boucle, entretenant, voire profitant, de la
confusion entre ces deux systèmes dans les représentations collectives. En effet,
l’autopartage souffre d’une méconnaissance et d’un manque de notoriété, et est
souvent associé par erreur au covoiturage266, pratique vertueuse en termes d’impact
environnemental. Or, l’autopartage, selon sa forme, n’est lui pas systématiquement
positif en termes de réduction des déplacements automobiles.
Un autre point de controverse autour du choix d’un partenariat avec le groupe
Bolloré pour le développement d’un système d’autopartage en one-way sur le territoire
lyonnais est le manque de soutien de la Métropole au système existant d’autopartage
en boucle Autolib’/Citiz porté par Lyon Parc Auto, du point de vue de ses
responsables. Ce déséquilibre entre le fort soutien des élus apportés au développement
d’un système privé d’autopartage et le soutien considéré comme insuffisant au système
semi-public existant est souligné par plusieurs acteurs. C’est le cas notamment de la
directrice marketing de LPA et responsable du service Citiz : « Il y avait cette difficulté
où la Métropole ne portait pas Citiz du tout. Il n'y avait jamais eu de communication
sur Citiz, il n'y avait jamais rien. Là-dessus, Bolloré arrive. (…) Bolloré arrive avec
beaucoup de voitures, développe de l'énergie électrique, amène une visibilité dans les
médias qui est extraordinaire : devinez ce qui va se passer ? La Métropole va porter le
projet Bluely, évidemment. Et on ne va pas le reprocher aux élus, les élus ils veulent de
la notoriété, ils veulent qu'on parle de la ville, Bolloré arrive, après Paris c'est Lyon,
évidemment on soutient Bluely. Donc nous on a eu, l'entreprise a eu un sentiment

265
L’Autolib de Paris est un système en one-way déployé en en partenariat avec le groupe Bolloré, à ne
pas confondre avec Autolib’ Lyon, l’ancien nom du système d’autopartage en boucle nommé Citiz LPA
depuis 2015
266
6-t bureau de recherche, Enquête nationale sur l’autopartage : l’autopartage comme déclencheur
d’une mobilité alternative à la voiture particulière, rapport final de recherche, pour France-Autopartage,
janvier 2013

93
d'injustice profond. »267] Ce sentiment est partagé par les membres de l’association La
Voiture Autrement, opposés au système en one-way et dénonçant un déséquilibre
démesuré dans le soutien de la Métropole aux deux systèmes dans un communiqué de
presse publié lors de la campagne pour les élections municipales de 2014 « Les
performances d’Autolib’ Lyon [ancien nom de Citiz LPA] et de Bluely sont différentes.
Les études attestent qu’avec l’autopartage de type Autolib’Lyon, en France et ailleurs,
les utilisateurs abandonnent leur véhicule particulier, et utilisent prioritairement les
modes doux (…) Rien ne dit qu’il en va de même pour ceux de Bluely (…) Ces deux
services ne jouissent pourtant pas des mêmes faveurs de la part du candidat Gérard
Collomb. Celui-ci présente des objectifs ambitieux pour Bluely (1000 véhicules à
l’horizon 2020), mais aucun pour Autolib’ Lyon. »268] L’association a fait part de cette
revendication à l’équipe de campagne du candidat par un courrier, dont la réponse
témoigne encore une fois de la confusion entretenue entre les systèmes en one-way et
en boucle. La seconde réponse de l’équipe souligne la complémentarité des deux
systèmes. En effet, un autre point de controverse a pu être la concurrence faite au
système semi-public par un système privé. Toutefois, les usages de ces deux systèmes
d’autopartage sont différents et ne visent pas le même type de clientèles et de
pratiques. Malgré cela, les avis semblent diverger sur l’effet de l’arrivée de Bluely sur
le développement du système Autolib’/Citiz LPA. Pour la directrice de Citiz LPA, la
concurrence est moins liée au système en lui-même qu’au traitement déséquilibré de la
Métropole de Lyon : « Il y a deux approches là-dessus : sur est-ce que Bluely est un
concurrent de Citiz, on n’avait pas peur parce qu'on savait qu'on était pas sur les
mêmes niveaux de clientèle. (…) en termes de marché, on savait qu'on n’était pas sur
les mêmes segments. ». Toutefois, elle souligne que le soutien extrêmement
déséquilibré en faveur de Bluely a eu des effets néfastes sur le développement
d’Autolib/Citiz LPA. Par ailleurs, dans un article de presse à l’occasion du changement
de nom d’Autolib’ Lyon pour Citiz LPA en 2015, le président de Lyon Parc Auto
souligne la forte perturbation qu’a représenté l’arrivée de Bluely pour le service de
LPA : « Bien que nous soyons davantage complémentaires que concurrents, l'arrivée
de Bluely nous a noyés. Nous n'arrivions plus à exister, admet Louis Pelaez, le

267
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto, réalisé à Lyon en février
2017, retranscription partielle p.160
268
Communiqué de presse de l’association La Voiture Autrement, 17 mars 2014, disponible en ligne
http://lavoitureautrement.blogspot.fr/

94
président de LPA. En 2014, nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 870 000 euros
et connu un déficit de l'ordre de 300 000 euros. »269
L’arrivée d’un service d’autopartage en one-way développé par le groupe
Bolloré a donc fait l’objet de controverses et de débats au sein des services et instances
publiques travaillant sur les questions de mobilité. In fine, les services qui n’étaient pas
favorables en amont à ce type de dispositif d’autopartage ont dû accepter cette
décision, fortement défendue par les élus métropolitains.

c) L’autopartage en one-way : un choix porté par les élus et tourné vers les
classes supérieures

Nous proposons de revenir sur les raisons qui, dans un contexte où plusieurs
instances – le service déplacements de la Métropole de Lyon, l’entreprise Lyon Parc
Auto et l’association La Voiture Autrement - ne sont pas favorables au développement
du service d’autopartage Bluely sur le territoire de la Métropole, le choix d’accepter et
de développer ce partenariat a été fait, et par quels acteurs. La proposition du groupe
Bolloré de déployer un service d’autopartage en station, composé uniquement de
voitures électriques, a rencontré un écho favorable chez les élus de la Métropole de
Lyon, en particulier le vice-président aux nouvelles mobilités Gilles Vesco et le
Président de la Métropole Gérard Collomb270. Malgré l’absence d’un consensus en
faveur de cette décision au sein des acteurs du domaine des déplacements, les élus ont
choisi de porter ce projet.
Le dispositif d’autopartage de Bolloré est un projet « innovant », au sens où il
représente une réelle nouveauté sur le territoire, un nouveau mode de transport
s’inscrivant en phase avec le paradigme de la « mobilité durable » et les nouveaux
modes de vie qui l’accompagne. C’est un projet d’une ampleur large, très visible dans
l’espace public, et dont le déploiement à Paris en 2011 sous le nom « Autolib’ » a
connu un écho médiatique important. Pour les élus lyonnais, le choix de porter ce
projet s’inscrit donc en cohérence avec un contexte de métropolisation qui favorise les
décisions publiques liées à des projets visibles et innovants, répondant à une logique de
marketing territorial. En effet, la montée de formes de compétition entre les territoires,
et en particulier entre les métropoles européennes, engendre des stratégies de
269
Lyon, le service d’autopartage Citiz succès à Autolib’, publié le 3 février 2015 sur le site internet de
LCI http://www.lci.fr/france/lyon-le-service-dautopartage-citiz-succede-a-autolib-1521442.html
270
Voir illustrations en annexe p.121 : « Le lancement du service Bluely en présence de Gérard
Collomb et Vincent Bolloré, octobre 2013 »

95
différenciation et d’attractivité menées par les élus. Gilles Pinson décrit ainsi de
« grandes transformations économiques et politiques qui contraignent les villes
européennes à se positionner dans une concurrence territoriale à l’échelle européenne
et à tenter de valoriser des ressources propres à travers des projets »271. Le service
d’autopartage en trace-directe déployé à Paris par le groupe Bolloré, sous la forme
d’une délégation de service public, et accompagné d’une forte communication, a
ouvert la voie à ce type de dispositifs d’autopartage en station en France et dans le
monde. À cette date, Paris introduit une nouvelle norme, à laquelle la seconde ville de
France doit s’adapter pour maintenir sa position de ville « innovante », dans un
contexte de concurrence entre les deux villes. Cette « jalousie » est notamment décrite
dans les travaux de Martin Tironi sur les controverses autour du système Vélib’272. La
concurrence entre les deux villes apparaît aussi à travers l’intervention de Gilles Vesco
présentant le système d’autopartage en one-way de Bolloré273 devant le Conseil de
communauté : « C'est un service dont Paris n'a été que le "brouillon". Vous savez
qu'en matière de nouvelle mobilité, Paris est condamnée à être la copie ou le brouillon
de Lyon, la copie avec Vélib' et le brouillon avec Autolib' ». Cette course s’inscrit dans
un contexte paradoxal de recherche de différenciation, traversé dans le même temps
par des formes de standardisation des offres urbaines. Maxime Huré montre, dans le
cas des dispositifs de vélos en libre-service déployés par de grands groupes comme
Clear Channel ou JCDecaux, comment ces partenariats avec des entreprises
représentent un vecteur d’internationalisation des villes : les élus peuvent ainsi
conquérir de nouvelles ressources économiques et politiques, via des formes de
coopérations entre les métropoles internationales274. La diffusion des dispositifs
similaires dans différentes villes du monde créé de véritables de réseaux de villes. Le
service d’autopartage de Bolloré a ainsi été dupliqué à Bordeaux sous le nom de
« Bluecub » en 2014, puis à Indianopolis en 2015, à Turin en 2016, à Londres et

271
Pinson, G., Gouverner la ville par projet: Urbanisme et gouvernance des villes européennes. Paris:
Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), 2009
272
Tironi M., « Comment décrire les infrastructures de vélo en libre-service ? La mise en œuvre
controversée du dispositif Velib’ parisien ». Papiers de recherches du CSI, 2011, en ligne :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00591543
273
Procès-verbal de la séance publique du Conseil de communauté du 27 mai 2013 N° 2013-3907 -
déplacements et voirie - Mise en place de services d'autopartage et de bornes de recharges de véhicules
électriques - Approbation de redevances d'occupation du domaine public pour les opérateurs ayant
obtenu le label autopartage - Direction de la voirie (pages 4 à 6). En ligne :
https://www.grandlyon.com/delibs/pdfGL/PV/C20130527.pdf
274
Huré M., Les mobilités partagées. Nouveau capitalisme urbain, Paris, Publications de la Sorbonne,
2017, 165 p.

96
Singapour en 2017275.
L’aspect attractif de ce service pour un territoire est son caractère « durable » :
la communication autour du service est basée sur son faible impact environnemental et
son intégration au sein d’un système de transport multimodal. La déclaration de Gérard
Collomb choisie par les services de communications de Bluely pour le communiqué de
presse du lancement du service à l’aéroport Saint-Exupéry276 illustre cette
caractéristique centrale : « Dans une grande métropole comme la nôtre, faciliter les
déplacements tout en réduisant leur impact écologique est un impératif majeur (…)
L’attractivité de notre territoire repose sur un double défi : préserver notre
environnement et notre cadre de vie tout en ayant la possibilité de bouger en toute
liberté ». Il est alors intéressant de mobiliser les analyses critiques du développement
durable urbain277 pour comprendre ce choix stratégique de développer un service
d’autopartage en one-way. Dans le cas du service Bluely du groupe Bolloré,
l’électromobilité représente l’intérêt principal du projet : érigé comme symbole de la
mobilité durable, le véhicule électrique confère une attractivité forte au service. Il faut
noter que la communication autour de cet aspect a été contestée : le 26 juin 2014, le
jury de déontologie publicitaire a donné raison à l'association « L’Observatoire du
nucléaire » qui conteste le caractère écologique du service – argument fortement
mobilisé par les publicités de Bluely et par les élus métropolitains -, notamment parce
que les batteries sont rechargées sur le réseau électrique ordinaire et donc à 75% par de
l'électricité nucléaire, particulièrement polluante278. Face aux incertitudes qui
demeurent autour des effets en termes de démotorisation et de réduction réelle de la
pollution du service Bluely, les décideurs mettent principalement en avant son
attractivité et son caractère « innovant » : cet argument apparaît à travers les termes
utilisés par Gilles Vesco pour motiver ce choix « on complète le bouquet, le pack de
mobilité partagée dont le territoire innovant du Grand Lyon se veut le champion »279.

275
Dossier de presse de Blue Solutions, groupe Bolloré
276
Communiqué de presse : « Bluely, le service d’autopartage de véhicules électriques en libre-service
à Lyon s’installe à l'aéroport de Lyon-Saint Exupéry », 12 décembre 2016
277
Boissonade, Jérôme, 2015, La ville durable controversée. Les dynamiques urbaines dans le
mouvement critique, Editions Petra, Paris, 487 p
278
Garric, A. « La voiture électrique n’est pas écologique », publié le 26 juin 2014 dans le journal Le
Monde
279
Procès-verbal de la séance publique du Conseil de communauté du 27 mai 2013 N° 2013-3907 -
déplacements et voirie - Mise en place de services d'autopartage et de bornes de recharges de véhicules

97
Selon l’ancienne administratrice de l’association La Voiture Autrement, c’est bien cet
aspect innovant et attractif qui manque au service d’autopartage en boucle
Autolib’/Citiz LPA du point de vue des élus : « Pour lui [Gilles Vesco, vice-président
chargé des nouvelles mobilités], notre truc à nous c’était moins clinquant parce que
c’était moins technique. C’était un peu ça, il y a l’attrait de la technique. Ce n’était
pas assez technique : il y avait pas de voiture électrique, il y avait pas la trace directe,
c’était que du tracé en boucle, donc forcément c’était moins bien. »280. On retrouve à
travers ces différents éléments les indicateurs des transformations que décrit Vincent
Béal dans son analyse critique des politiques de développement durable à l’échelle
urbaine : « l’évolution du traitement des questions environnementales à l’échelle
urbaine a débouché sur une marchandisation progressive de l’environnement,
marquée par une volonté de traiter ces questions en vue de renforcer la compétitivité
et l’attractivité des territoires. »281. Selon la thèse défendue par les approches critiques
du développement durable urbain, les politiques visant à gérer ou produire la « ville
durable » sont liées à un processus plus global de néo-libéralisation des politiques
urbaines, et peuvent être source de différenciation sociale et d’inégalités, notamment
entre les centres urbains et les périphéries, en même temps qu’elles ciblent un certain
segment de la population, celui des classes moyennes et supérieures282. C’est le cas du
service Bluely, qui cible une certaine catégorie de la population urbaine. En tant que
service financé exclusivement par une entreprise privée, la répartition des stations
répond à une logique de rentabilité et n’a aucune obligation en termes d’accessibilité
ou d’universalité du service, comme cela pourrait être le cas dans une situation de
délégation de service public. Le ciblage de la clientèle par la stratégie marketing du
groupe Bolloré est orienté par une connaissance des comportements de mobilité et des
rapports à la voiture individuelle en fonction du milieu social283, comme l’explique la

électriques - Approbation de redevances d'occupation du domaine public pour les opérateurs ayant
obtenu le label autopartage - Direction de la voirie (pages 4 à 6)
280
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, administratrice de l’association La Voiture Autrement de
2005 à 2008, réalisé le 30 janvier 2017 à Lyon
281
Béal,V. « Politiques urbaines et développement durable : vers un traitement entrepreneurial des
problèmes environnementaux? », Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 3 |
2009, mis en ligne le 09 septembre 2009, consulté le 03 octobre 2016. URL : http://eue.revues.org/966
282
Reignier H., Brenac T., Hernandez F., Nouvelles idéologies urbaines. Dictionnaire critique de la
ville mobile, verte et sûre. Presses Universitaires de Rennes, 2013
283
Voir par exemple : Flonneau M., Les cultures du volant : essai sur les mondes de l’automobilisme,
XX-XXIe siècles, Paris, Autrement, 2008 ; Marchal H., Un sociologue au volant, Le Rapport de
l’individu à sa voiture en milieu urbain, Paris, Téréèdre, 2014

98
directrice du marketing de Bluely : « Le type de public qui est visé c'est du CSP+,
c'est des gens qui sont effectivement plutôt éduqués, qui ont dans l'esprit cet usage de
la voiture (…) Je vais vous donner un exemple de quartier qui fonctionne et de
quartier qui fonctionne moins bien et vous allez comprendre tout de suite : à la Croix-
Rousse le service fonctionne très bien, pourquoi ? À la Croix Rousse on a beaucoup de
parisiens, d'abord, qui connaissent donc le service, il y a une difficulté de stationner à
la Croix-Rousse, on a beaucoup de "bobos", entre guillemets, ce sont des gens qui ont
déjà fait le calcul de combien leur coûtait leur voiture. Dans le 8ème arrondissement,
le service marche moins bien. Pourquoi ? Parce qu'on est sur un quartier où la
voiture, c'est encore un statut social, où il y a des facilités de stationnement, où les
gens comparent plutôt Bluely à du transport en commun. »284. Ce ciblage est confirmé
par les études réalisées par le bureau de recherche 6-t, qui montrent que l’autopartage
en one-way est utilisé à 72% par des personnes diplômées, occupant des emplois de
cadres à 64% et ayant des revenus supérieurs à la moyenne de leur territoire285. Cette
stratégie entre en cohérence avec le phénomène décrit par Max Rousseau : des
politiques urbaines de plus en plus tournées vers les « nouvelles classes moyennes »286.
L’autopartage en one-way est un dispositif dérivé de l’autopartage dit
« classique » issu des milieux associatifs et écologistes, dont les effets sur les pratiques
de mobilité sont différents, et les bénéfiques encore sujets à débats. Des débats et
controverses ont donc entouré la décision de contractualiser avec le groupe Bolloré
pour le déploiement de ce service à Lyon. Néanmoins, l’importance du pouvoir des
élus et leur volonté de mettre en place une stratégie d’attractivité en développant des
services de mobilité « innovants », a dépassé les débats ayant lieu au sein des instances
institutionnelles. En plus d’une volonté politique, cette contractualisation est aussi le
résultat d’une véritable stratégie de la part de l’entreprise.

284
Entretien avec Stéphanie Chaussy, directrice marketing du service Bluely, groupe Bolloré, réalisé le
19 janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle p.146
285
L’autopartage en trace directe, quelle alternative à la voiture particulière ? Résultats de la première
enquête sur l’impact d’un service d’autopartage en trace-directe (le cas Autolib), 6-t bureau de
recherches, 2015
286
Chabrol M, Collet A., Giroud M, Launay L., Rousseau M, Ter Minassian H., Gentrifications, Paris,
ed. Amsterdam, 2016, 357 p.

99
2.2.2 La création de l’autopartage en one-way par le groupe Bolloré : une
stratégie de développement en phase avec les attentes de la
puissance publique métropolitaine

Nous proposons d’analyser la création du service d’autopartage en one-way


Bluely en nous plaçant du point de vue de l’entreprise qui est à son origine, le groupe
Bolloré. L’intérêt de cette analyse est de comprendre le rôle particulier d’une grande
firme industrielle dans la transformation du paysage des mobilités urbaines, sa capacité
d’adaptation aux contraintes des collectivités territoriales - en particulier des grandes
métropoles, et les conséquences sur les choix publics.

a) Le groupe Bolloré, de l’industrie du plastique au développement d’un service


de mobilité « durable »

Le groupe Bolloré est un grand groupe industriel français dont les activités
historiques sont la production de papier et de plastique. Progressivement, le groupe a
diversifié ses activités dans le domaine des transports, de la logistique et de la
communication. Le groupe Bolloré présentait un chiffre d’affaire annuel de plus de 10
milliards d’euros en 2015287. Une des filiales du groupe Bolloré, la société Blue
Solutions, est spécialisée dans les activités de stockage de l’énergie. C’est dans le
cadre de cette filiale qu’a été développée la batterie électrique LMP (Lithium Métal
Polymère) brevetée par le groupe Bolloré en 2001288 un pari technologique dans un
contexte où les batteries électriques dominantes possèdent une technologie
différente289. En 2004, la filiale Blue Solutions a développé un véhicule électrique
fonctionnant grâce à cette nouvelle batterie, la « Bluecar », présentée en 2005 au salon
de Genève. En 2007, Blue Solutions signe un accord avec Pininfarina, entreprise
italienne de design de carrosserie automobile pour l’amélioration des véhicules
« Bluecar ». En 2011, c’est à Paris qu’est lancé le premier dispositif d’autopartage basé
sur l’utilisation de ces véhicules : le service « Autolib’ », mis en place dans le cadre
d’une délégation de service public. L’idée d’un service d’autopartage en one-way avait
en effet été proposée en 2008 par le maire de Paris Bertrand Delanoë lors de sa
campagne électorale. Le groupe Bolloré a été retenu suite à sa réponse à l’appel d’offre
qui l’opposait à plusieurs concurrents importants, notamment VTLIB’ (Véolia

287
Communiqué de presse « Résultats du groupe Bolloré », publié le 24 mars 2016
288
Dossier de presse de BlueSolutions, 2016
289
Vincendon S. et Philippin Y., « Autolib, Bornes again », publié le 1er octobre 2011 dans Libération

100
Transport Urbain) et le groupement Avis-SNCF-RATP-Vinci Park, qui rassemblent
tous les deux des entreprises ayant une expérience importante dans le domaine de la
gestion de la mobilité. La proposition du groupe Bolloré a été retenue notamment
parce qu’elle proposait le tarif le plus bas pour ses véhicules290. À Paris, le système
d’autopartage en trace-directe fonctionne ainsi sous la forme d’une délégation de
service public, dont la gestion est à la charge du syndicat mixte Autolib’Métropole. Le
financement du service est assuré par le groupe Bolloré, à hauteur de 60 millions
d’euros et une partie par l’État, la ville de Paris et le syndicat mixte Autolib’Métropole.
Le modèle économique est incertain et, pour l’instant, n’est pas rentable291.
Contractuellement, les pertes cumulées assumées par le groupe sont plafonnées à 60
millions d’euros, le reste étant pris en charge par le syndicat mixe Autolib’Métropole,
donc in fine par les communes adhérentes. Pour l’entreprise de Vincent Bolloré, le
développement de ces véhicules électriques et leur mise en circulation dans le cadre de
services d’autopartage très médiatisés répond à une stratégie de diffusion et de
communication autour de la technologie de la batterie LMP292. En effet, la vocation
principale de cette batterie est de permettre le stockage à grande échelle d’énergie sous
forme de stations, pour des usages généraux, ainsi que de services pour développer
différents types de véhicules individuels ou collectifs. Le groupe espère à terme
commercialiser ces batteries sur un marché voué à se développer. La diversification
des activités du groupe à travers les dispositifs d’autopartage a donc pour objectif la
promotion de cette batterie, avant la rentabilité même des services d’autopartage293. La
ville de Paris joue alors un rôle de « vitrine » d’une nouvelle technologie, avec pour
objectif qu’il soit reproduit dans d’autres villes mondiales.
À travers cette stratégie, on voit apparaître deux tendances liées qu’il est
intéressant d’analyser : d’une part, la diversification des activités d’un groupe
industriel vers des activités liées au domaine du développement durable, et d’autre
part, l’intérêt du groupe privé pour la contractualisation avec des acteurs publics, en
l’occurrence les maires de grandes villes inscrites dans des réseaux internationaux.

290
« Autolib, Bolloré remporte l’appel d’offre de la Ville de Paris », 17 décembre 2010, dans
Challenges
291
Louvet N., Jacquemain G. « Autolib’ n’est pas rentable et ne le sera peut-être jamais », étude du
bureau de recherches 6-t, janvier 2017
292
Lithium Metal Polymère
293
Pascual J., « Le pari osé de Bolloré dans le Finistère », publié le 30 septembre 2010, Libération.

101
b) L’adaptation de la stratégie de l’entreprise Bolloré aux nouveaux enjeux
collectifs

À travers cette diversification des activités du groupe Bolloré apparaît une


stratégie d’adaptation aux actuels enjeux collectifs, principalement au précepte de
développement durable, principe de développement économique proposé par le rapport
Brundtland en 1987 294 qui consiste à liées les préoccupations économiques, sociales et
environnementales.
D’abord, on voit que ce groupe industriel fait le choix de diversifier ses
activités vers la production de batteries électriques ayant pour vocation de permettre un
stockage d’électricité. La communication du groupe met en avant le fait que cette
activité répond à un enjeu collectif majeur, et inscrit sa démarche dans une perspective
d’intérêt général : « À l’heure où les questions de développement durable et de
stockage de l’électricité sont devenues des enjeux majeurs pour les citoyens, les villes
et les États, le Groupe Bolloré s’appuie sur cette expertise pour développer des
solutions de production, de stockage et de consommation intelligente de l’électricité. »
295
. On voit à travers cette adaptation à un nouveau contexte d’exigence de durabilité et
de réduction des impacts des activités humaines sur l’environnement une
transformation du capitalisme décrite par Luc Boltanski et Eve Chiapello dans
l’ouvrage Le nouvel esprit du capitalisme. Ces auteurs soulignent la capacité
d’adaptation des acteurs capitalistes face aux critiques qui émergent de la société, dans
le but de se transformer et de maintenir les mécanismes d’accumulation
capitalistique296. Ici, on peut voir une adaptation du groupe industriel aux critiques
écologistes, à l’origine de nouvelles formes de consommation et d’incitations
publiques, face auxquelles l’entreprise s’adapte pour se maintenir et conquérir de
nouveaux marchés. Ces éléments stratégiques sont présents dans le discours de la
directrice marketing du service Bluely à Lyon « On vient effectivement à la rencontre
des enjeux de santé publique, on le voit bien, avec les problèmes de pollution, on en a
eu à Lyon il n'y a pas très longtemps. Et on le voit bien aussi, (…), avec le

294
Développement durable. In Wikipedia, l’encyclopédie libre [en ligne]. Fondation Wikimedia
295
Dossier de presse de Blue Solutions
296
Boltanski L., Chiapello E., Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999

102
développement des énergies propres et renouvelables, (...) on arrive à la croisée de ces
deux enjeux là. » 297.
En particulier, dans le cas du développement d’un service d’autopartage en
station, le groupe Bolloré s’introduit dans le domaine des nouvelles mobilités, secteur
en fort développement depuis le début des années 2000. Les services urbains, et
notamment les services de mobilité, prennent en effet une importance grandissante
dans les stratégies urbaines et dans les préoccupations publiques pour le bien-être des
habitants et l’attractivité du territoire. L’émergence du concept de « ville
servicielle »298 dans le vocabulaire des acteurs publics299 témoigne de ces
transformations : il révèle que la tertiarisation de l’économie, caractérisée par une
montée en puissance des emplois de service, a des impacts directs sur la gestion des
villes. Celles-ci doivent penser les relations entre producteurs de services et usagers,
pour permettre de répondre le mieux possible aux besoins des habitants du territoire
par les services. De plus, en tant que service reposant sur un système numérique
performant pour la gestion technique du dispositif, l’autopartage en station répond aux
caractéristiques de la « ville intelligente »300, modèle de développement urbain qui
repose sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour
améliorer la qualité des services urbains. Enfin, en proposant un service de mobilité
partagée, le groupe Bolloré met en application un nouveau modèle économique, celui
de l’économie de la fonctionnalité301 : il ne s’agit plus de produire et de vendre un
produit ou un bien, mais plutôt d’en vendre l’usage. La directrice du marketing de
Bluely met en avant ce point : « On n’est pas seulement dans la location de voiture, on
est vraiment un service. On a un périmètre de circulation qui est de 30km autour de
Lyon. Si vous crevez dans ce périmètre de circulation, vous passez par le bouton
d'appel qui est dans la voiture, on va vous dépanner. »302

297
Entretien avec Stéphanie Chaussy, directrice marketing de Bluely, réalisé à Lyon le 19 janvier 2017,
retranscription partielle p.146
298
Du Tertre C., « Les mutations économiques, berceau de la ville servicielle » in Grand Lyon
Métropole Servicielle : la ville servicielle : quelles transformations pour l’action publique ?. Direction
de la Prospective et du Dialogue Public de la Métropole de Lyon, 2015
299
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la direction de la
Voirie de la Métropole de Lyon, réalisé le janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle p.122
300
ibid
301
ibid
302
Entretien avec Stéphanie Chaussy, directrice marketing de Bluely, réalisé à Lyon le 19 janvier 2017,
retranscription partielle p.146

103
La diversification des activités du groupe Bolloré témoigne de sa volonté
d’adaptation à un nouveau contexte économique, social et environnemental, caractérisé
par des exigences collectives de réduction de l’impact environnemental des activités
humaines. Pour se maintenir et développer son activité, les grandes entreprises sont
contraintes de transformer leurs activités, leurs modes de production et jusqu’à leurs
produits pour s’adapter à un nouveau marché. Dans un second temps, l’entreprise
Bolloré a su se rapprocher des collectivités locales afin de faire la promotion son
service et permettre son développement. La réussite de cette démarche repose sur une
forte capacité d’adaptation aux contraintes publiques.

c) Le secteur public comme catalyseur du développement d’un service privé

Pour l’entreprise Bolloré, le rapprochement avec de grandes métropoles a été


indispensable au développement de son service d’autopartage en stations. D’abord, la
nécessité d’obtenir une autorisation d’occupation sur l’espace public rend
incontournable la contractualisation avec la puissance publique locale. Mais, au-delà
de cet aspect pratique, les grandes villes un vecteur de développement fort pour les
grandes firmes de services urbains. Comme le montre Maxime Huré dans les cas des
systèmes de vélos en libre-service, « les entreprises investissent les réseaux
transnationaux pour faire circuler leurs dispositifs et leur modèle économique »303.
Isabelle Baraud-Serfaty montrent ainsi que les stratégies des grandes entreprises
évoluent de plus en plus vers « une plus grande prise en compte de la dimension
urbaine, (…) les villes sont devenues des entités économiques et politiques puissantes
(…) et représentent désormais des marchés significatifs et à fort potentiel »304. Après
Paris, choisie comme « ville-vitrine », le service s’est ainsi développé à Lyon,
Bordeaux, Indianopolis, Turin, Londres et Singapour, et doit d’installer prochainement
à Los Angeles305.

303
Huré M., Les mobilités partagées. Nouveau capitalisme urbain, Paris, Publications de la Sorbonne,
165 p., 2017
304
Baraud-Serfaty I., « La nouvelle privatisation des villes », Esprit, mars-avril 2011
305
Entretien avec Stéphanie Chaussy, directrice marketing de Bluely, groupe Bolloré, réalisé le 19
janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle p. 146

104
À travers le rapprochement avec la Métropole de Lyon, le service obtient une
forme de « caution publique »306 à son service. Par le soutien qu’il reçoit de la
collectivité locale, le service s’intègre au système de transport local et tente
d’apparaître comme un service public. Le service Bluely est ainsi intégré à tous les
systèmes d’informations multimodaux de la Métropole, comme le site internet
OnlyMoov307. De plus, les véhicules ont bénéficié d’un flocage à l’effigie du Grand
Lyon, et le nom du service est formé du « Blue » - pour BlueCar ou Blue Solutions - et
du « Ly » de la ville de Lyon. La Métropole de Lyon intègre le service d’autopartage
Bluely à sa politique publique de mobilité, notamment via le financement du service
lors des pics de pollution, afin de permettre la gratuité pour les nouveaux
clients : « Bluely est venu chercher ça aussi, ils voulaient que leurs voitures soient
siglées Grand Lyon La Métropole, ce qui leur permet à eux de s’inscrire dans le
système global de mobilité, et de bénéficier quelque part de l’image de ce système de
mobilité en disant « moi, je m’inscris dans le réseau TCL, je m’inscris dans le réseau
Vélo’v ». (…) Ils sont venus chercher la notoriété et l’image. »308. La directrice du
marketing de Bluely considère cette caution publique comme une « sécurité » et un
« gage de confiance pour le client lyonnais »309, qui a connu des départs précipités de
service, comme celui de Car2Go en 2012. De plus, le service Bluely s’intègre au
paysage local en privilégiant une communication partenariale avec des acteurs locaux à
des formes plus classiques de publicité : le service Bluely a signé des partenariats
d’échange de visibilité avec des institutions culturelles locales comme le Musée des
Confluences et la Maison de la Danse310. La collaboration avec la puissance publique
locale permet aussi au service Bluely de bénéficier de la connaissance du territoire et
des pratiques de mobilité des habitants dont disposent les élus et services des
communes de la Métropole de Lyon. Le choix de l’emplacement des stations se réalise
en étroite collaboration avec les pouvoirs publics et le service Voirie Mobilité Urbaine,
afin qu’il soit adapté aux pratiques et aux caractéristiques des habitants du quartier :
« On regarde effectivement de très près l'implantation des stations, on travaille bien

306
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la direction de la
Voirie de la Métropole de Lyon, réalisé le janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle p.123
307
Le site d’information multimodale de la Métropole de Lyon : https://www.onlymoov.com/
308
Entretien avec Pierre Soulard, réalisé le janvier 2017 à Lyon
309
Entretien avec Stéphanie Chaussy, directrice marketing de Bluely, groupe Bolloré, réalisé le 19
janvier 2017 à Lyon (partie non enregistrée, prise de notes)
310
ibid

105
entendu en partenariat avec le Grand Lyon, avec les mairies d'arrondissements et les
communes. L'idée c'est pas simplement de venir combler les trous c'est aussi que la
station soit rentable, qu'elle soit pas trop proche d'une autre station, qu'elle soit
suffisamment bien placée pour qu'il n'y ait pas de déplacements pendulaires (…) nous
on est un service 24h/24h donc il faut que la station elle tourne tout le temps. Donc
effectivement on est très attentifs à ça. »311.
Une contradiction dans les discours apparaît au sujet de l’initiative du
rapprochement entre la Métropole de Lyon et le groupe Bolloré pour le développement
d’un service d’autopartage en station. Selon la présentation faite par la directrice du
marketing de Bluely, c’est la Métropole de Lyon qui a sollicité le groupe pour
développer le service. De même, dans la communication officielle de Bluely, validée
par les services de la Métropole, c’est l’initiative de la puissance publique qui est mise
en avant312. Du côté de la Métropole de Lyon, le directeur du service Voirie Mobilité
Urbaine présente, lui, ce projet comme une opportunité proposée par le groupe Bolloré.
Ainsi, à propos du choix de créer un partenariat via la labellisation plutôt que d’investir
sous la forme d’une délégation de service public, la réponse du directeur Pierre
Soulard évoque la sollicitation du groupe industriel : « Question de disponibilité de
ressources financières, tout simplement. Et aussi parce qu'on avait un opérateur privé
qui toquait à la porte, donc on s'est dit pourquoi on va investir, nous, alors qu'il y a
quelqu'un qui veut venir. Accueillons-le de la meilleure façon. »313. L’explication de
cette apparente contradiction semble se trouver du côté de la stratégie du groupe
Bolloré, qui, dans sa communication, fait porter l’initiative à la collectivité afin de
s’inscrire le plus possible dans une perspective de politique publique ou d’intérêt
général, afin de bénéficier d’une certaine notoriété, d’une plus large adhésion des
habitants, potentiels clients du service. De plus, cette communication met en valeur le
rôle de la collectivité dans le projet, et apparaît comme une contrepartie au soutien des
élus de la Métropole, selon la directrice marketing de Lyon Parc Auto: « Quand
Bolloré a débarqué, il lui fallait beaucoup de moyens pour installer ses stations et il a
très bien compris, et il a été brillant là-dessus, que la façon de faire porter son service,
qui est 100% privé, par les collectivités, c'était d'avoir une communication proactive,

311
ibid
312
Communiqué de presse « Bluely fête ses 3 ans », mardi 18 octobre 2016
313
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la direction de la
Voirie de la Métropole de Lyon, réalisé le janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle p.123

106
qui laisse à penser que c'était les collectivités qui étaient allées chercher Bolloré et
que c'était presque un service public développé par les collectivités. Et là-dessus
Bolloré est absolument génial, enfin ses équipes sont géniales en termes de
positionnement, en termes de stratégie c'est génial. »314.

2.2.3 Le partenariat entre la Métropole de Lyon et le groupe Bolloré : un


contrat en forme de « compromis » 315

Nous proposons de revenir plus en détail sur les caractéristiques du contrat de


partenariat qui lie la Métropole de Lyon au groupe Bolloré dans le cadre du
déploiement du service d’autopartage Bluely. Ces caractéristiques nous permettent de
comprendre les transformations qui traversent l’action publique dans le domaine des
nouvelles mobilités et les impacts sur la gouvernance de ce type de nouveaux services
urbains géré par un opérateur privé. Nous verrons que ce contrat de partenariat, d’un
type particulier, permet de mettre en œuvre la stratégie de la Métropole de Lyon
décrite précédemment, qui consiste à tirer des bénéfices en évitant le plus possible de
prendre des risques. Cette logique d’efficacité à des impacts sur les services urbains et
participe à leur « privatisation »316, c’est-à-dire à attribuer une place de plus en plus
importante aux entreprises privées dont les logiques de rentabilité amènent à cibler une
certaine partie de la population.

a) La labellisation autopartage : soutenir sans investir

Le partenariat entre la Métropole de Lyon et le groupe Bolloré est particulier, car il


ne correspond ni à une délégation de service public, ni à un véritable partenariat
public-privé. Ce partenariat repose en effet sur la labellisation créée par la loi Grenelle
II en 2010317, puis reprise par la Métropole de Lyon à travers son propre label, créé en

314
Entretien avec Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto et responsable du service
d’autopartage Citiz LPA, réalisé le 10 février 2017 à Lyon, retranscription partielle p.160
315
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la métropole de Lyon,
réalisé le 9 janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle p.123
316
Baraud-Serfaty I., « La nouvelle privatisation des villes », Revue Esprit, avril 2011
317
Voir partie 1.2.2 : Un contexte législatif favorable au développement de l’autopartage

107
2011 et modifié en 2013 spécialement pour le partenariat avec le groupe Bolloré318.
Pour rappel, cette labellisation a été créée au niveau national en 2010 afin de favoriser
l’émergence des services d’autopartage dont les caractéristiques sont en accord avec
les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre : les véhicules doivent
notamment appartenir à une certaine catégorie certifiant qu’ils ne sont pas
excessivement polluants. L’obtention de la labellisation permet notamment d’accéder
au domaine public afin d’installer de stations d’autopartage, à des coûts très réduits, 70
euros par mois et par emplacement dans le cas du territoire lyonnais.319 Cette
labellisation, reprise par la Métropole de Lyon pour la création d’une charte
autopartage sur son territoire en 2011, a subie des modifications à l’occasion de
l’arrivée du service du groupe Bolloré. En effet, la charte d’origine n’envisageait pas
l’intégration de services d’autopartage en station comme celui du groupe Bolloré et
donc l’installation de bornes de recharge – impliquant des travaux importants - sur
l’espace public. Les chargés d’étude du service Déplacements de la Métropole de Lyon
expliquent ainsi : « Dans la première labellisation qu’on avait élaborée, les modèles
one-way étaient interdits, ils ne faisaient pas partie du label. Il fallait que ce soit
absolument en boucle. Après effectivement, le marché étant ce qu’il est, Bluely,
Bolloré est arrivé en proposant une offre de service qu’on ne pouvait pas tellement
refuser donc voilà on a accepté et on a changé le label, et puis on s’est adaptés. »320.
La forme de contractualisation entre la Métropole de Lyon et le groupe Bolloré, si elle
repose fortement sur les principes du label autopartage crée antérieurement, a donc été
mise en place spécialement pour saisir l’opportunité offerte par l’entreprise Bolloré.
Dans le cas du contrat entre la métropole de Lyon et l’entreprise Bolloré, il a
été choisi politiquement de ne pas engager financièrement la puissance publique dans
le développement du service. L’investissement financier peut toutefois être considéré
comme indirect, à travers l’attribution d’emplacements sur voirie à des coûts très bas.
Dans le cas de partenariats qui impliquent un investissement public, comme une
délégation de service public ou un partenariat public-privé, la puissance publique fait
appel à une entreprise privée afin de prendre en charge l’exploitation d’un service

318
Délibération n° 2013-3907 du 27 mai 2013 pour la labellisation de services d'autopartage et de
bornes de recharges de véhicules électriques sur le territoire de la Communauté urbaine de Lyon.
319
Délibération n° 2013-3907 du 27 mai 2013 pour la labellisation de services d'autopartage et de bornes
de recharges de véhicules électriques sur le territoire de la Communauté urbaine de Lyon.
320
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon, retranscription partielle p.146

108
rentable, ou le fonctionnement d’un service public en échange d’une rémunération. Ici,
le partenariat n’entre pas dans le cadre de ce type de marchés publics. La Métropole de
Lyon ne peut donc pas imposer de critères de service public tel que l’égalité devant le
service pour tous les habitants de son territoire. La Métropole de Lyon peut émettre des
demandes et négocier des conditions, mais si les besoins de la collectivité sont
spécifiés formellement en amont, le contrat devra être requalifier en marché public.
Dans la mesure où la collectivité n’a pas investi d’argent le service, elle ne peut donc
tirer entièrement tous les bénéfices possibles du service. Le directeur du service Voirie
Mobilité Urbaine qualifie ainsi le partenariat avec le groupe Bolloré : « C’est un
compromis (...). Entre ce que nous on peut exiger, sans être trop exigeants parce que si
on est trop exigeants, c’est requalifié en marché public »321. Ce choix de soutenir un
projet considéré comme bénéfique pour le territoire sans investir d’argent public
permet, en plus d’obtenir un nouveau service sans coûts pour la collectivité, de
légitimer le projet auprès des habitants puisqu’il n’impacte pas les finances publiques
et les impôts locaux. Cet aspect est systématiquement souligné par les élus qui
défendent le projet, comme le vice-président en charge des nouvelles mobilités Gilles
Vesco : « Je rappelle qu'il s'agit d'une opération 100 % privée qui ne coûte rien à la
collectivité et qui participe néanmoins à l'atteinte des objectifs des politiques publiques
en matière de mobilité »322. Ce mode de légitimation de dispositif urbain a déjà fait
l’objet de nombreuses critiques, par exemple dans le cas du déploiement des Vélib’ à
Paris. Le maire de la ville, Bertrand Delanoë mobilisait l’argument de l’absence de
coût pour la Mairie, tandis que les élus du groupe Europe Ecologie-Les Verts
dénonçaient le modèle économique basé sur la publicité, qui dans le cas d’une gestion
totalement publique représentait une source de revenus323. Finalement, si dans ce type
de partenariat, le modèle économique implique que la puissance publique n’investit
pas directement d’argent public, elle accepte de subir un manque à gagner sur des
sources de revenus potentielles. L’absence d’investissement de la part de la puissance
publique à travers ce type de partenariat permet aussi de dépasser les blocages internes,
321
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la direction de la
Voirie de la Métropole de Lyon, réalisé le janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle p.123
322
Procès-verbal de la séance publique du Conseil de communauté du 27 mai 2013 N° 2013-3907 -
déplacements et voirie - Mise en place de services d'autopartage et de bornes de recharges de véhicules
électriques - Approbation de redevances d'occupation du domaine public pour les opérateurs ayant
obtenu le label autopartage - Direction de la voirie (pages 4 à 6)
323
Tironi M., « Comment décrire les infrastructures de vélo en libre-service ? La mise en oeuvre des
controverses du dispositif Vélib’ parisien ». Centre de Sociologie et de l’Innovation, Mines Paris Tech,
2011.

109
et notamment de dépasser les controverses techniques et politiques autour du
dispositif324. Selon les observations réalisées par Maxime Huré dans le cas des
dispositifs de vélos en libre-service, « le recours aux firmes contribue alors à
délégitimer les services administratifs des villes »325 lorsqu’ils ne sont pas favorables
au développement de ce type de services. D’un point de vue politique, puisque le
projet n’implique pas le vote de budgets conséquents, le risque d’opposition politique
est très réduit.
Le partenariat entre la Métropole de Lyon et le groupe Bolloré est donc
particulier puisqu’il n’entre pas dans le champ traditionnel des marchés publics. À
travers la labellisation, la puissance publique choisis « d’orienter, de manière souple,
vers des options [qu’elle considère] comme collectivement bénéfiques »326, le tout en
évitant des investissements publics lourds. On voit à travers ce type particulier de
contrat ce que décrit Jean-Pierre Gaudin, un « affaiblissement de la règle générale » au
profit de « régimes spécifiques »327.

b) Négocier avec un « partenaire / concurrent »328

La Métropole de Lyon se trouve dans une situation durable de négociation avec le


groupe Bolloré, mais la marge de négociation est toutefois restreinte. Les
interlocuteurs du groupe Bolloré au sein de la Métropole, principalement le directeur
du service Voirie Mobilité Urbaine Pierre Soulard, tentent d’obtenir des conditions les
plus favorables au territoire, notamment sur les emplacements des stations. Si elle ne
finance pas directement le service, la Métropole détient toutefois une « monnaie
d’échange » dans la négociation, qui est l’accès au domaine public et l’intégration aux
systèmes d’informations et de communications publics sur les transports. Pour les
chargés de mission du service Déplacements, ces ressources mise à disposition par la
collectivité représentent les piliers du contrat et des négociations avec l’entreprise
privée : « C’est comme ça qu’on les tient. C’est un peu du donnant-donnant, c’est-à-
dire que, eux, ils rentrent dans notre moule, et nous, on leur offre des facilités d’accès

324
Voir partie 2.1.3 Développer un service d’autopartage en one-way : un choix controversé aux
niveaux technique et politique
325
Huré M., Les mobilités partagées. Nouveau capitalisme urbain, Paris, Publications de la Sorbonne,
165 p., 2017
326
Bergeron H., et al , « Gouverner par les labels. Une comparaison des politiques de l'obésité et de la
consommation durable », Gouvernement et action publique, 3/2014 (N° 3), p. 7-31.
327
Gaudin J-P., Gouverner par contrat. Presse de SciencesPo, 2007
328
ibid

110
au domaine public. »329. Ces éléments de vocabulaires soulignent le rapport ambivalent
de « partenaire / concurrent » que Jean-Pierre Gaudin analyse à travers les contrats
d’action publique : les deux parties ont à la fois des intérêts communs et des intérêts
divergents. L’objectif de la négociation est de parvenir à un compromis. Le directeur
du service VMU qualifie ainsi différemment la relation de partenariat avec l’autre
service labellisé, le service Citiz de LPA, structure au sein de laquelle la Métropole est
représentée : « On est un peu plus à l'aise avec Citiz, parce qu'on est des deux côtés de
330
la barrière. » . Ce type de partenariat entre la collectivité et un acteur privé
correspond à ce que Jean-Pierre Gaudin décrit comme le déploiement d’une
« négociation explicite »331, caractérisant les formes d’actions publiques
contemporaines. Cette négociation formalisée, n’est pas pour autant transparente. Jean-
Pierre Gaudin explique ainsi : « La négociation explicite ne vaut pas nécessairement
négociation ouverte. Le filtrage des interlocuteurs, l’opacité des procédures (…) sont
des caractéristiques en réalité très courantes »332. Le contrat qui lie les deux parties
contient une clause de confidentialité qui interdit la publication des documents, ce qui
traduit l’opacité de la procédure.
Bien que la Métropole ait la possibilité de négocier certains éléments à travers
ce partenariat, le directeur du service VMU souligne que la puissance publique, du fait
qu’elle ne soit pas financeur, ne se trouve pas en position de force dans ces
négociations : « Eux investissent, ils sont maître du modèle économique, ils prennent
les risques commerciaux : on ne va pas jouer les divas et leur demander n'importe
quoi. Les comités de pilotage servent à ça, à travailler en bonne intelligence et à
trouver un bon compromis. »333. Cette différence de capacité de financement crée
finalement un « rapport asymétrique »334 entre les deux parties sur certains points et
limite drastiquement le pouvoir de décision de la Métropole sur ce service. De plus, la
situation de monopole empêche de faire jouer la concurrence ou un rapport de force au
sein d’un marché.

329
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon, retranscription partielle p.142
330
ibid
331
ibid
332
ibid
333
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la direction de la
Voirie de la Métropole de Lyon, réalisé le janvier 2017 à Lyon
334
Gaudin J-P., Gouverner par contrat. Presse de SciencesPo, 2007

111
Dans le cas du contrat partenarial entre la Métropole de Lyon et le groupe
Bolloré, l’instance de négociation est le comité de pilotage. Celui-ci avait lieu chaque
335
mois au moment du lancement du service, puis sur un rythme trimestriel . De plus,
les conditions du label prévoient un renouvellement tous les 3 ans : l’entreprise doit
donc solliciter la puissance publique à ces intervalles afin de montrer qu’elle entre
toujours dans les conditions, pour renouveler l’attribution du label. Enfin, le service
Bluely doit transmettre au service Voirie Mobilité Urbaine un compte-rendu
hebdomadaire et mensuel sur le fonctionnement et les chiffres du service. Comme le
montre Jean-Pierre Gaudin, ce type de négociation entraîne un resserrement de la
décision autour de quelques personnes. Dans le cas du contrat entre la Métropole de
Lyon et le groupe Bolloré, c’est le directeur du service VMU qui est l’interlocuteur
privilégié. Les responsables du service Déplacements, bien qu’ils soient invités, ne s’y
rendent pas car ils considèrent que cette phase opérationnelle appartient au service
VMU336. Du côté du groupe Bolloré, ce sont les fonctions supports, basées en région
parisienne, qui représentent le groupe au sein du comité de pilotage.
Les points de négociation avec le groupe Bolloré sont notamment des
exigences en termes de répartition des stations sur le territoire : « Avec la labellisation,
Bluely ne va que là où c'est rentable pour lui. Certains endroits, on arrive à négocier,
on arrive à les faire y aller quand même, mais c'est plus lié à la négociation qu'à une
démarche contractuelle qui va leur imposer d'aller à tel ou tel endroit »337. Une autre
forme de régulation sur les emplacements des stations intervient à travers la demande
d’autorisation à réaliser auprès des Architectes de Bâtiments de France. Ce service de
l’État exerce une mission de service public de préservation du patrimoine, notamment
à travers le contrôle de la bonne insertion des constructions neuves aux abords de
monument. Une autre évolution du contrat issue de la négociation a été l’instauration
d’une heure de gratuité pour les nouveaux abonnés lors des pics de pollution, financée
par la Métropole de Lyon338.

335
ibid
336
Entretien avec Jean-Pierre Forest et Juliette Castay, chargés de mission au sein du service
Déplacements de la direction de l’Aménagement de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à
Lyon
337
Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la direction de la
Voirie de la Métropole de Lyon, réalisé le janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle p.123
338
Entretien avec Stéphanie Chaussy, directrice marketing du service Bluely, groupe Bolloré, réalisé le
19 janvier 2017 à Lyon, retranscription partielle p.146

112
De cette négociation émerge une « action publique hybride »339, au sens où elle
est issue de choix et d’orientations proposés à la fois par un acteur public et un acteur
privé qui confronte leurs intérêts pour en faire émerger des compromis. Nous
proposons d’examiner les effets de cette hybridation sur les caractéristiques des
services urbains concernés.

c) Quels effets sur la ville ?

Plusieurs effets de cette forme de contractualisation public/privé ou d’« action


publique hybride »340 sont identifiés par la recherche en sciences sociales et
s’appliquent au service d’autopartage Bluely.
Ce type de contractualisation entre un acteur public et un acteur privé vient
renforcer le mouvement de « privatisation des villes », décrit par Isabelle Barraud-
Serfaty, dont un des phénomènes principaux est le « chevauchement de plus en plus
341
fort entre les différents registres [public et privé] » . Dans le cas des services
urbains, ces registres public/privé, autrefois caractérisés par les dichotomies classiques
intérêt général/intérêt privé, accessibilité/ confidentialité, extérieur/intérieur se voient
totalement transformés par les nouvelles formes de contractualisation. Le service
d’autopartage Bluely est une illustration significative de ce brouillage des frontières.
C’est un service dont le financement est totalement privé, mais qui est soutenu par la
collectivité publique et bénéficie d’une intégration dans les systèmes d’informations
publics. Par ailleurs, il est considéré par les élus de la collectivité comme s’intégrant
dans les politiques publiques et les objectifs de la Métropole, donc in fine comme
participant à « l’intérêt général ». Maxime Huré qualifie cette mise en œuvre
« conjointe et négociée »342 de « privatisation silencieuse de la ville »343 par les acteurs
privés de la mobilité durable. Dans le même temps, c’est un service qui n’est pas
accessible financièrement à tous - son coût plus élevé que les transports collectifs
publics pour un trajet équivalent344- mais qui occupe toutefois la voie publique. Cette

339
Huré M., « Une action publique hybride ? L’institutionnalisation d’un partenariat public/ privé »
Sociologie du travail, vol 54, n°2
340
Huré M., « Une action publique hybride ? L’institutionnalisation d’un partenariat public/ privé »
Socioologie du travail, vol 54, n°2
341
Baraud-Serfaty I., « La nouvelle privatisation des villes », Revue Esprit, avril 2011
342
Huré M., Les mobilités partagées, nouveau capitalisme urbain, Publications de La Sorbonne, 2017
343
ibid
344
À Lyon, le prix moyen d’un trajet de 30 minutes en Bluely est de 6 euros, un ticket de transport
valable 1h coûte 1,80 euros. Le trajet en Bluely revient toutefois moins cher si la voiture est remplie (4
personnes).

113
privatisation de l’espace public à des effets sur la qualité du paysage urbain345, comme
le décrit Nicolas Nahum346 : « L’espace public se trouve désormais privatisé à l’égal
de celui des gares et aéroports. On remarquera qu’invariablement, la survalorisation
des espaces intérieurs s’accompagne d’une dégradation de la qualité des espaces
extérieurs, envisagés alors comme de simples espaces de service ». Les analyses
critiques voient à travers ce phénomène la conséquence inéluctable d’un mouvement
de néo-libéralisation des politiques urbaines, de plus en plus guidées par les logiques
économiques. Cette critique a été fortement mobilisée par les élus Europe-Écologie les
Verts lors du déploiement du service Vélib’ à Paris347. La dégradation récurrente de
stations et véhicules Autolib’ à Paris lors de manifestations illustre la cristallisation des
critiques radicales contre ce type de dispositifs privés occupant l’espace public348.
Marc Augé considère, lui, dans son ouvrage L’éloge de la bicyclette, le déploiement
des Vélib’ à Paris comme la possibilité de réintroduire une expérience libre de la ville,
face une invasion de ce qu’il nomme les « non-lieux », lieux fonctionnels dédiés aux
services et à la consommation. Cette analyse ne paraît pas transposable aux voitures en
libre-service, la voiture en ville ne possédant pas, ou du moins plus, ce rapport à un
« mode d’existence », ni cette possibilité de « flânerie » nous reconnectant à une
« géographie poétique »349.
Cette privatisation de la production de services urbains a aussi des conséquences
sur la gouvernance urbaine et sur le rôle des élus. Les décideurs publics considèrent,
selon Isabelle Baraud-Serfaty « l’intervention du secteur privé comme un levier
d’optimisation et un gage d’efficacité »350. Il faut souligner que, paradoxalement, dans
le cas du service d’autopartage du groupe Bolloré, le modèle économique n’est pas
encore rentable351. Les préoccupations économiques croissantes des administrations
locales, d’autant plus concernées par la production locale de richesses puisqu’elles
conditionnent leurs ressources fiscales dans un contexte de réduction des budgets

345
Voir Illustrations p. « Une station d’autopartage en one-way Bluely, rue Chevreul, dans le 7ème
arrondissement de Lyon, octobre 2016 », p.121
346
Nahum, N., « Comment les villes délaissent leur espace public », Esprit, vol. décembre, no. 12,
2011, pp. 154-155.
347
Tironi M. « Comment décrire les infrastructures de vélo en libre-service ? La mise en œuvre
controversée du dispositif Velib’ parisien ». Papiers de recherches du CSI, 2011
348
Par exemple : « Manifestations du 1er mai, au cœur du Black Bloc », Le Monde, 2 mai 2017, en ligne
349
Augé, M., Éloge de la bicyclette. Paris : Payot Rivages, 2008
350
Baraud-Serfaty I., « La nouvelle privatisation des villes », Revue Esprit, avril 2011
351
6-t bureau de recherche, Étude : « Autolib’ n’est pas rentable et ne le sera peut-être jamais », janvier
2017

114
publics, peut avoir des effets sur la composition sociale de la ville. Cette « mise au
service du secteur privé » de la puissance publique est fortement critiquée par certains
observateurs, qui posent la question de la justice sociale et territoriale. Ces nouvelles
formes de gouvernance néolibérale peuvent en effet prévaloir sur les besoins réels des
habitants, et notamment les moins dotés en ressources économiques. En ciblant les
« nouvelles classes moyennes »352, elles ont pour effet l’augmentation des inégalités
territoriales et des formes d’exclusion du territoire par l’augmentation des prix et le
développement d’une offre urbaine ciblée353.
De plus, ces nouvelles formes d’action publique ont des conséquences en termes de
prise de décision. La question du pouvoir politique des élus dans ce type de
configuration fait l’objet de débats. Si elle permet une centralisation des décisions
autour d’un exécutif fort, très affirmé et valorisé dans son rôle de prise de décision et
de leadership, elle implique aussi une forte de dépendance de la puissance publique au
secteur privé. Cette dépendance se traduit notamment par une perte de contrôle sur les
systèmes techniques qui font la ville354. La contractualisation avec les grandes
entreprises peut aussi transformer l’organisation interne des administrations en y
introduisant notamment des logiques marchandes ou des pratiques de management
issues du secteur privé. Dans le cas de la Métropole de Lyon, les contrats importants
avec des services issus du secteur privé comme Vélo’v et Bluely, renforce le poids du
service Voirie Mobilité Urbaine, en charge des aspects « opérationnels », et ses
relations avec les vice-présidents et le président.
Finalement, le « compromis » s’incarne aussi dans les effets ambivalents de
cette forme de contractualisation sur la ville dans toutes ses dimensions : son paysage,
sa composition sociale et sa gouvernance.

352
Chabrol M, Collet A., Giroud M, Launay L., Rousseau M, Ter Minassian H., Gentrifications, Paris,
ed. Amsterdam, 2016, 357 p
353
ibid
354
Huré M., Les mobilités partagées. Nouveau capitalisme urbain, Paris, Publications de la Sorbonne,
2017, 165 p.

115
Conclusion de la partie 2.2 - Le service d’autopartage Bluely : la mobilité « durable
et partagée » comme terrain d’entente entre la puissance publique et une grande firme
industrielle

Le choix de développer un service d’autopartage en one-way a fait l’objet de


controverses, qui renvoient à « la question du statut politique des technologies
urbaines » 355. Finalement, le choix de cette technologie et du partenaire privé qui la
porte, est lié à des logiques qui caractérisent les transformations de l’action publique
métropolitaine : une recherche d’attractivité pour le territoire, fondée sur
l’augmentation de l’offre de services « innovants » à destination des classes moyennes
et supérieures. Toutefois, cette volonté politique ne doit pas masquer le rôle de
l’entreprise privée qui a conquis ce marché : il relève d’une véritable stratégie basée
sur une « sensibilité institutionnelle »356, qui lui confère la capacité de s’adapter aux
enjeux locaux. Le modèle économique de l’entreprise est ainsi basé sur
l’investissement des marchés urbains via l’intégration du service privé à l’offre
publique de mobilité. Les caractéristiques de ce partenariat public/privé incarnent des
transformations en jeu dans les villes : une privatisation multiforme, des espaces
urbains comme de la production des politiques publiques.

355
Tironi M. « Comment décrire les infrastructures de vélo en libre-service ? La mise en œuvre
controversée du dispositif Velib’ parisien ». Papiers de recherches du CSI, 2011
356
Huré M., Les mobilités partagées. Nouveau capitalisme urbain, Paris, Publications de la Sorbonne,
2017, 165 p.

116
Conclusion du deuxième chapitre – L’autopartage en one-way : une mobilité
« alternative » choisie comme instrument d’attractivité pour le territoire

La mobilité durable et partagée s’est rapidement imposée comme un élément


incontournable des politiques urbaines. Ce champ, propice à l’innovation technique et
dépendant d’investissement importants dans les nouvelles technologies, est investis
depuis le début des années 2000 par un ensemble hétérogène d’acteurs aux modèles
économiques divers. Face à ce paysage foisonnant, changeant et parfois illisible des
nouveaux acteurs de la mobilité, la Métropole de Lyon a mis en place une stratégie
opportuniste de contractualisation « au cas par cas » : dans l’incertitude – et face au
manque de ressources budgétaires - la puissance publique tente de tirer les bénéfices de
ces opportunités, tout en limitant les risques, et principalement les risques financiers.
Dans ce contexte, les acteurs les plus structurés et « traditionnels » sont en position de
force pour contractualiser avec la puissance publique métropolitaine. Le choix du
développement d’un service d’autopartage en one-way en partenariat avec une grande
entreprise française illustre cette réalité. Les intérêts des élus métropolitains –
développer un service innovant pour renforcer une offre urbaine attractive, et ceux de
l’entreprise Bolloré – vendre une nouvelle technologie en conquérant de grands
marchés urbains au sein de réseaux internationaux, se rencontrent alors sur le terrain de
la mobilité « durable et partagée ». Finalement, on constate que c’est bien la technique,
l’ « innovation » que représente cette forme d’autopartage, qui est au cœur de cette
entente, au détriment de l’aspect écologique du service d’origine sous sa forme
classique et « alternative ».

117
Conclusion générale

À travers l’exemple des services d’autopartage cohabitant sur le territoire de la


Métropole de Lyon, nous avons montré en quoi le nouveau domaine d’action publique
que représentent les mobilités partagées est traversé par des intérêts et des projets
politiques différents, de projets associatifs à des stratégies d’attractivité territoriale.
L’histoire de ces services sur le territoire lyonnais a mis au jour les processus
d’institutionnalisation qui ont progressivement intégré – au gré des opportunités - cet
usage alternatif de la voiture aux politiques publiques métropolitaines. Le contexte de
compétition entre les grandes métropoles est à l’origine d’une volonté politique
orientée vers le développement de services « innovants », à destination des classes
moyennes et supérieures, et des entreprises. Dans un contexte de montée en puissance
des initiatives privées dans le domaine des nouvelles mobilités, dont les
caractéristiques sont hétérogènes et les effets sur le territoire parfois illisibles, la
Métropole de Lyon a saisi l’opportunité offerte par un grand groupe industriel, le
groupe Bolloré, de développer un système d’autopartage en one-way sur son territoire.
Ce dernier, par son fort potentiel d’investissement et sa capacité d’adaptation aux
enjeux institutionnels, apparaît comme un partenaire de confiance dans un contexte de
fortes incertitudes. Sous couvert de la promotion du concept, en apparence consensuel,
de « mobilité durable » l’autopartage a finalement subit des transformations
techniques, altérant sa « philosophie », afin de répondre à des intérêts privés et des
objectifs publics de promotion du territoire. Ce constat vient appuyer les analyses
critiques de « la ville durable », présentant ce modèle de développement urbain
comme un catalyseur de la privatisation des services urbains357.
Plus largement, les nouveaux acteurs privés qui portent des dispositifs de
mobilité s’écartant des systèmes traditionnels de transports urbains, posent la question
du rôle de la puissance publique dans le domaine des déplacements. Les effets
bénéfiques de ces dispositifs en termes d’accessibilité et de réduction de l’impact des
déplacements sur l’environnement peuvent masquer des effets néfastes plus difficiles à
déceler : l’augmentation du nombre de déplacements, le contrôle public sur les flux et
sur les données urbaines.

357
Boissonade J., La ville durable controversée. Les dynamiques urbaines dans le mouvement
critique, Editions Petra, Paris, 2015, 487 p.

118
119
Annexes

Annexe 1 – Chronologie
Annexe 2 – Illustrations et photos
Annexe 4 – Sources écrites
Annexe 5 – Entretiens
Annexe 5a – Listes des entretiens réalisés
Annexe 5b – Retranscriptions partielles d’entretiens choisis

120
Annexe 1 - Chronologie : l’autopartage en France et à Lyon

2000 : premières expériences françaises d’autopartage associatif, notamment à


Strasbourg et Paris
2001 : création de l’association La Voiture Autrement par Michel Jeannenot à Lyon
2003 : lancement opérationnel du service d’autopartage en boucle de La Voiture
Autrement sur le territoire lyonnais
2004 : invention de la « Bluecar », voiture électrique du groupe Bolloré
2005-2006 : changement de gouvernance de l’association La Voiture Autrement et
nouveau plan de développement du service d’autopartage
2007 : premiers échanges entre Lyon Parc Auto et La Voiture Autrement puis accord
mutuel pour le transfert de l’activité
2008 : reprise effective de l’activité d’autopartage par Lyon Parc Auto sous le nom
Autolib’ Lyon et développement rapide du service – redéfinition des statuts et de la
mission de l’association La Voiture Autrement
2009 : création de la plateforme Covoiturage-Grand Lyon par la Direction de la
Prospective et du Dialogue Public de la Métropole de Lyon
2010 : la loi Grenelle II inscrit la définition de l’autopartage dans la législation et met
en place un « label autopartage » délivré par les collectivités locales
2011 : création de la charte autopartage de la Métropole de Lyon – entrée en service de
l’autopartage en trace-directe Autolib’ du groupe Bolloré à Paris
2012 : expérience échouée d’autopartage en free-floating « Car2Go » à Lyon en
partenariat avec l’entreprise allemande Daimler
2013 : modification du label autopartage de la Métropole de Lyon et signature de
l’accord contractuel avec le groupe Bolloré pour le déploiement de l’autopartage en
trace-direct sous la marque Bluely

121
Annexe 2 – Illustrations

Figure 4 - Logo et slogan du service de l'association "La Voiture Autrement" de


2005 à 2008, Source : archives de l'association

Figure 5 - Lancement du service Car2Go en présence du président de la


Métropole de Lyon Gérard Collomb. Source : Lyon People, 2012

122
Figure 6 - Lancement du service Bluely à Lyon en présence de Gérard
Collomb, président de la Métropole de Lyon et Vincent Bolloré, président du
groupe Bolloré. Source : Lyon People, 2013

Figure 7 – Une station d’autopartage en one-way Bluely, rue Chevreul, dans le 7ème
arrondissement de Lyon. Source : auteur, octobre 2016.

123
Annexe 3 – Entretiens

Annexe 3a – Liste des entretiens

Entretiens réalisés par l’auteur


• Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la direction de
la Voirie de la Métropole de Lyon, réalisé le 3 janvier 2017 à Lyon
• Lydia Coudroy de Lille, administratrice de l’association La Voiture Autrement
de 2005 à 2008, réalisé le 30 janvier 2017 à Lyon
• Jean-Pierre Forrest et Juliette Castay, chargés de mission au service
Déplacements de la direction de la Planification et des Politiques
d’Agglomération de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à Lyon
• Stéphanie Chaussy, directrice marketing du service Bluely, groupe Bolloré,
réalisé le 19 janvier 2017 à Lyon
• Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto et responsable du
service d’autopartage Citiz LPA, réalisé le 10 février 2017 à Lyon

Entretiens réalisés par Guillaume Bréjassou dans le cadre de son mémoire « Les
conditions de l’émergence et de l’institutionnalisation d’un système de transport
innovant, l’exemple de l’autopartage à Lyon », ENTPE, juillet 2009
• Michel Jeannenot, fondateur de l’association La Voiture Autrement, réalisé à
Paris le 28 mai 2009
• François Gindre, directeur de Lyon Parc Auto, réalisé le 13 mai 2009 à Lyon
• Olivier Ledru, président de l’association La Voiture Autrement de 2006 à 2008,
réalisé à Lyon le 20 mai 2009

124
Annexe 3b – Retranscriptions partielles des entretiens réalisés

Entretien avec Pierre Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine de la


direction de la Voirie de la Métropole de Lyon, réalisé le 3 janvier 2017 à Lyon
(durée totale 1h20) – Retranscription d’extraits sélectionnés

(…)

P.S : Sur l’agglomération on a trois services, trois entités qui s’occupent de mobilité,
on a le SYTRAL, que vous connaissez, qui est l’opérateur, autorité organisatrice des
transports, donc il est principalement responsable du réseau de transports en commun,
qu’il confie à Kéolis dans le cadre d’une délégation de service public. Et par ailleurs
c’est le SYTRAL qui rédige le Plan de Déplacements Urbains, donc qui donne les
orientations politiques, à l’horizon 5-10 ans en matière de déplacements et mobilité. Et
ensuite il y a la Métropole, qui est Autorité Organisatrice de la Mobilité, AOM, au sens
de la loi Métropole, et qui dans ce cas s’occupe de tout le reste. En gros, au niveau
planification il y a le Plan de Déplacements Urbains, au niveau opérationnalité,
exploitation, on a les transports en commun géré par le SYTRAL, et tout le reste géré
par la Métropole. Donc tout le reste c’est la circulation automobile, c’est les grandes
infrastructures, le covoiturage, l’autopartage, le vélo, la sécurité des déplacements, les
livraisons en ville, les véhicules autonomes, électromobilité, l’information
multimodale etc, etc … Et donc au sein de la métropole de Lyon, il y a deux services :
le service Déplacements, qui s’occupe de la partie prospective, donc c’est vraiment le
pendant du SYTRAL, mais sur l’aspect trafic, circulation, ferré aussi, tout ce qui
ferroviaire, parce qu’on est en lien avec l’Etat, la région et la SNCF sur les aspects
ferroviaires. Et puis le service Mobilité Urbaine qui s’occupe de la partie exploitation
de toutes les autres thématiques. (…) L’unité Voirie Mobilité Projets et Services, là on
est sur les autres services de mobilité : donc on a tout ce qui est innovations, les ITS,
Intelligent Transports System, le covoiturage, le service Vélov qui est piloté ici, les
services autour du stationnement intelligent aussi, qui émerge, l’autopartage, qui est
piloté ici, l’électromobilité quand on est en train de déployer des bornes de recharge
électrique, les nouveaux véhicules, les modes actifs donc tout ce qui est marche à pied
et vélo, le management de la mobilité, comme on s’attaque plus à ce qui est
comportements, plus qu’à l’offre, et enfin la conduite d’opération vélo, quand on crée
des projets d’aménagement et des pistes cyclables. Donc voilà un peu le profil et le
périmètre du projet, c’est vrai que par rapport à votre sujet « Nouveaux acteurs de la
mobilité, nouveaux comportements », c’est plutôt dans cette thématique-là, on est sur
de nouveaux acteurs : nouveau modèle économique autour de Vélo’v, les nouveaux
acteurs ou du moins comment on arrive à mobiliser de l’offre privée de déplacement,

125
c’est le covoiturage, l’offre privée, c’est bien tout un chacun qui a des places
disponibles et si on les mets à disposition ou pas, et quand on est en autopartage c’est
un autre modèle économique aussi, et puis l’information multimodale, le management
de la mobilité, quand on a développé OnlyMoov ou OptyMod on est aussi dans
d’autres façons de travailler avec les opérateurs privés, start-up et autres. Voilà comme
c’est structuré. (…) Et moi je suis sur ce poste depuis 6 ans maintenant… J’ai une
formation générale en génie urbain, je suis ingénieur de l’école des ingénieurs de la
ville de Paris. (…)

À propos du rôle de la plateforme de covoiturage portée par la Métropole et de ses


effets sur la mobilité des habitants :

P.S : L'intérêt du Grand Lyon, enfin de la plateforme covoiturage Grand Lyon, ou une
autre plateforme, c'est de mettre en relation les usagers entre eux. Mais après qu'ils
s'arrangent indépendamment de la plateforme, tant mieux. Ce qu'on cherche c'est que
la pratique s'installe. Et la plateforme peut faciliter l'installation de telles pratiques
mais s'ils font du covoiturage indépendamment de la plateforme, tant mieux. (…)

C.J : Oui, parce que l'objectif, c'est que les voitures soient remplies, après peu
importe…

(…)

C.J : Et à ce moment-là, qu'est-ce qui a motivé le fait que ce soit la collectivité qui
prennent en charge cela ? Est-ce qu'à cette époque il y avait d'autres acteurs qui
existaient, éventuellement d'autres acteurs privés, ou est-ce qu'il y avait un vide

P.S : Non. À l'époque, 2009 il n’y avait vraiment pas grand-chose. (…) Du coup il n'y
avait pas d'opérateur, il y avait personne pour faire ça. Il commençait à avoir des
opérateurs privés types Covivo, la Roue Verte, etc, mais qui avaient un modèle, un
business model basé sur des fonds publics. Leurs clients étaient des collectivités, qui
lançaient des plateformes de covoiturage. Et c'est vrai que c'était du ressort, en tous les
cas c'était dans nos compétences pour nous, Communauté Urbaine à l'époque, de créer
ce type de services, qui vont dans notre intérêt de préservation, enfin de mobilité
durable, quelque part, en tant qu'autorité organisatrice. Donc c'est bien notre
compétence de le faire.(…) Sur le covoiturage, on essaye maintenant d'aller un peu
plus loin et de travailler sur le covoiturage dynamique, où en gros on se rend compte
que le covoiturage arrangé, certes il porte ses fruits mais il est quand même assez
limité, il a ses limites, et du coup on a, voilà on travaille sur ces sujets de covoiturage
dynamique et là il y a beaucoup beaucoup d'initiatives qui apparaissent, les Ecov, les
Charette, Karos, comment ils s'appellent ? OuiHop, tous ces acteurs-là. Où aujourd'hui
on est beaucoup sollicités, on a pu nous essayer de mettre en place des dispositifs, à
travers des projets de R&D, et on est en ce moment, c'est vraiment d'actualité :

126
comment on fait ? Est-ce qu'on choisit un acteur parmis tous les autres, est-ce qu'on
offre la chance à tous les acteurs de développer un service sur Lyon et que le meilleur
gagne ? Celui qui trouvera son public, son auditorat et bien tant mieux pour lui et les
autres, ben tant pis mais on aura quand même essayé de faire émerger tout le monde.
Et puis, essayer de faire émerger tout le monde, qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce
qu'on met à disposition de la donnée, est-ce qu'on met à disposition une masse critique
de clients potentiels ? Voilà. Aujourd'hui on est entrain d'essayer de définir comment y
arriver, on s'orienterait peut-être sur un appel à projet par exemple, où en contrepartie
on offrirait, comment dire, notre label ou notre garantie, quoi, on serait garant, nous
puissance publique, d'un service privé. Et du coup on pourrait faire la promotion de
genre de services. Voilà, et on leur ferait bénéficier de l'image de la Métropole, vis-à-
vis de l'usager, de tout notre réseau de communication auprès des Grand Lyonnais.

C.J : Et cela, est-ce qu'il y a un précédent, est-ce que cela existe déjà ce genre de
dispositifs, de simplement valider un acteur privé ? Est-ce que ce serait nouveau
ou est-ce que ça a déjà été fait ?

P.S : C'est un peu le dispositif sur l'autopartage, une espèce de labellisation.

C.J : Oui, donc c'est un peu valider que les critères vont dans le même sens que …

P.S : Oui, oui. C'est ce qu'on met aussi quand on est sur la mise à disposition de
données, ou en gros on a des licences de réutilisation de nos données. Et ces licences,
en gros la donnée est gratuite, elle est quasi en open-data, elle n’est pas en open-data
parce qu'on demande à ce que l'utilisateur soit identifié et qu'il déclare pourquoi il veut
utiliser nos données. Si l'usage qu'il veut en faire est conforme à nos objectifs, banco,
si ce n'est pas conforme on ne lui fournit pas les données. On est vraiment sur ce
dispositif-là. Par ailleurs si on lui fournit, parce qu'il s'engage à fait ci ou ça, il se
trouve que dans la durée de vie de son service, il ne le fait plus, ou il fait autre chose,
du coup on lui coupe le flux. Voilà. (…) Aujourd'hui il y a des concurrents qui tapent à
la porte et qui nous disent « regardez ce qu'on sait faire, nous ». Mais
systématiquement, le modèle économique est basé sur un financement de la collectivité
locale. Donc aujourd'hui je n’ai pas encore vu de concurrents et d'opérateurs privés qui
viendraient de manière complètement autonome de fonds publics. Mais c'est en train
de changer, je pense qu'on voit émerger, là, des opérateurs, des Netlift358, même
Waze359, qui s'intéressent au covoiturage courte-distance. ça c'est intéressant, il faut
qu'on regarde. Parce que du coup ça nous permettrait éventuellement nous de ne plus
investir dans ce type de plateformes par exemple, à l'extrême, on pourrait imaginer de
tout arrêter parce qu'on aurait un opérateur privé qui aurait pris le relai. (…)

358
Netlift est une plateforme canadienne de partage de trajets quotidiens via une application mobile
(covoiturage courte-distance)
359
Waze est une application communautaire de trafic et de navigation, rachetée par Google en 2013, qui
utilise les données et les informations produites par les utilisateurs pour créer sa cartographie en temps
réel.

127
C.J : Et de manière générale ce type de start-up ou d'entreprises, quelles relations
vous pouvez avoir avec eux, est-ce que c'est plutôt eux qui vous contactent ou …

P.S : Et bien, ça, c'est l'intérêt de la démarche Métropole Intelligente, où on a, sur


Lyon, on a structuré ces démarches là et on donne à voir, on donne en visibilité la
volonté de Lyon d'avancer sur des sujets d'innovation en étant terrain
d'expérimentation. Donc soit ces entreprises-là, c'est leur rôle à elles de voir émerger
ces collectivités, un peu, partenaires potentiels, et ils viennent nous voir d'eux-mêmes,
ou alors nous on va les voir. On lit la presse, on est branchés sur Twitter, Facebook et
tous ces sujets où l'innovation est un peu, est assez présente, on est dans les réseaux
professionnels de listes de diffusion ou autre, on fait de la veille. Et une fois qu'on a
identifié quelque chose qui nous intéresse, on essaye de voir, on prend un rendez-vous,
on discute, on se croise aussi beaucoup dans les colloques et les conférences
spécifiques sur ces sujets-là. Donc on est vraiment en veille sur ces questions, pour
identifier les potentiels partenaires. Et eux les partenaires, ils sont en veille pour
identifier de potentielles collectivités partenaires aussi, et quand on arrive à se trouver
c'est bien. (…)

C.J : Quels sont les avantages et les inconvénients que vous trouvez à
l'autopartage pour une Métropole comme celle de Lyon, de manière assez
générale ?

P.S : L'autopartage pour nous c'est vraiment la voiture au bon moment. On sait qu'un
usager de l'autopartage est moins consommateur de kilomètres en voiture. Donc ça
permet d'avoir une voiture, une voiture en fait on en veut au cas où. Aujourd'hui, sans
système d'autopartage, je me dis "au cas où j'ai besoin de la voiture dans la journée, et
bien je la prends dès le matin". Or en réalité, le vrai intérêt pour l'usager ce serait de
prendre les transports en commun le matin surtout si on est à proximité d'une ligne
forte type tramway, métro etc. (...) Je prends les transports en commun, je passe sous
les bouchons. C'est beaucoup plus fiable et plus rapide. Après au milieu de la journée,
j'ai un rendez-vous un peu atypique, en dehors de la ville. C'est pendant les heures
creuses, je n’ai pas de saturation automobile, mais j'ai pas non plus une offre de TC
très fréquente et c'est à la périphérie avec une offre TC pas géniale : là, j'ai besoin
d'une voiture. Dans le contexte où je n’ai pas d'autopartage, j'ai pris ma voiture le
matin pour faire tous mes trajets de la journée. C'est à ce moment-là que l'autopartage
prend du sens. (...) L'idée c'est de s'inscrire dans une chaîne de mobilité, à ce moment-
là l'autopartage a du sens. L'objectif c'est d'avoir une voiture au cas où, donc de
diminuer le réflexe automobile. C'est ce qu'on voit dans les enquêtes sur l'autopartage,
c'est bien une diminution de la motorisation des déplacements, donc moins de
kilomètres parcourus en voiture, et en plus une diminution de la motorisation des
ménages, donc le nombre de véhicules possédés. (…) Contrairement au covoiturage,
l'autopartage est bien encadré par les textes, c'est la loi Grenelle II, qui identifie que
l'autopartage est un service d'initiative privée, qui doit être encadré par un label, par la
collectivité locale publique. Donc dès 2011 on a mis en place un label autopartage sur

128
le territoire du Grand Lyon, pour pouvoir définir ce que c'est que l'autopartage au
sens du Grand Lyon, donc on a repris les éléments du décret national et on a complété
par des critères un peu locaux : notamment on exige que l'autopartage ne se contente
pas d'opérer sur Lyon-Villeurbanne, il doit d'étendre au-delà de Lyon-Villeurbanne.
L'autre chose c'est qu'en termes de répartition des stations d'autopartage, on ne peut
avoir qu'un opérateur par tronçon de rue. Toute nouvel opérateur doit s'installer à deux
tronçons de rue du précédent. L'enjeu c'est de ne pas avoir la place Bellecour saturée
d'offres d'autopartage et personne autour de la place Carnot par exemple. Il faut aussi
assurer aux riverains qu'il y aura toujours un petit peu de place chez eux. En
contrepartie les opérateurs nous doivent un reporting hebdomadaire, mensuel et annuel
sur le service d'autopartage, et nous on leur offre notre visibilité, tout notre réseau de
communication.

C.J : Donc aujourd'hui quels services sont labellisés ?

P.S : On a Bluely et Citiz.

C.J : Ok, et j'ai vu alors, je ne sais plus quand ça date, qu'on pouvait
potentiellement intégrer de l'autopartage entre particuliers, qui peut
potentiellement être labellisé ?

P.S. Non. Non. Parce qu'on ne maîtrise pas la flotte de véhicule, dans notre label on
exige
que ce soit des véhicules propre, qui émettent moins de je ne sais plus combien de de
CE2 au kilomètre. Donc un autopartage entre particuliers, il y a deux écueils : déjà on
n’a pas de garantie d'une offre disponible 24h/24h, donc en termes de continuité de
service, c'est pas génial. Et les voitures proposées peuvent être des tacos, donc on n’est
pas dans la promotion de ce genre de mobilité. Mais en même temps, les autopartages
entre particuliers n'ont pas forcément besoin d'être labellisés. Le label leur donne accès
au domaine public par exemple, et les opérateurs viennent nous voir parce qu'ils ont
besoin d'accéder au domaine public. S'ils ne sont pas labellisés, la station d'autopartage
est tarifée, donc ils rentrent dans le cadre d'une activité commerciale, comme une
baraque à frite, un stand à pizza. Donc ils sont facturés au mètre carré. Autant, un stand
pizza ils sont là ponctuellement le soir, donc ce n’est pas très cher, mais une station
d'autopartage 24h/24h, ça commence à faire cher le tarif. Donc ils viennent chercher la
labellisation pour avoir un tarif préférentiel qui devient quasi gratuit, on est à 100 euros
à l'année. Par emplacement et par an, à comparer à, je crois, l'ordre de grandeur sinon
c'est 350 euros par mois et par emplacement. (…) Là, comme on considère qu'un
autopartage labellisé répond aux objectifs publics de la politique de mobilité de la
collectivité, ils sont en droit d'avoir un accès préférentiel au domaine public. Ce n'est
pas comme une terrasse de café où c'est seulement l'intérêt commercial du cafetier.
(…)

129
C.J Donc, vous, enfin c'est votre service qui en charge de la gestion des services
d'autopartage labellisés. Est-ce qu'il y a d'autres services qui peuvent jouer un
rôle ? Est-ce que le SYTRAL joue un rôle aussi ?

P.S : Plus maintenant, non.

C.J. Ok, donc, par exemple, vous êtes l'interlocuteur des partenaires comme le
groupe Bolloré ou LPA ?

P.S : Oui, c'est ça.

C.J : Comment est-ce que se passent vos relations avec ces partenaires ?

P.S. : On met en place un comité de pilotage qui est assez régulier, on était quasiment
sur du mensuel au moment du déploiement du service, maintenant on est plutôt sur du
trimestriel. On a des rendu comptes hebdomadaires par mail, consolidés
mensuellement et on se voit tous les trimestres sous forme d'un comité de pilotage pour
définir l'évolution du service et tous les travaux, enfin tous les sujets du quotidien, du
courant. Et tous les ans, ils nous doivent un sondage sur les habitudes de mobilité des
abonnés. (…) C'est décrit dans le label, la façon de fonctionner avec eux. Nous, on leur
garantit un accès à l'espace public à un tarif préférentiel, on leur met à disposition notre
réseau de communication et on promeut le service au sein de nos offres de mobilité
globale et puis … est-ce qu'on leur doit autre chose ? Je ne sais plus. Et on a signé une
convention d'occupation sur 10 ans, ça fait une sorte de visibilité à long terme de
l'occupation. (…)

C.J : Donc par exemple ça veut dire qu’un acteur comme celui-là ne peut pas se
retirer, par exemple, ils ne peuvent pas se retirer d'ici 10 ans, enfin c'est vous qui
avez un peu la main, parce que si vous redéfinissez le label vous pouvez peut-être
plus…

P.S : À chaque fois c'est de la négociation aussi parce que quelque part c'est eux qui
investissent, c'est eux qui sont maître de leur modèle économique c'est eux qui
prennent les risques commerciaux, donc on ne va pas jouer les divas et leur demander
n'importe quoi. Les comités de pilotage servent à ça, à travailler en bonne intelligence
et à trouver un bon compromis

C.J : Et par rapport à Citiz est-ce que vous avez le même type de relations ?

P.S Pareil qu'avec Bluely, on a le même dispositif, on les traite de la même façon.
Reporting hebdomadaire, « co-pil » tous les trois mois, exactement pareil…Sachant
que Citiz on a une autre façon de traiter le sujet c'est qu'en effet, Citiz est opérée par
LPA, qui est une SEM du Grand Lyon, et Grand Lyon est actionnaire majoritaire.
Donc soit on intervient en tant qu'AOM qui labellise le service, soit on intervient en

130
tant qu'actionnaire majoritaire de la société opérant. On est un peu plus à l’aise avec
Citiz, parce qu’on est des deux côtés de la barrière. (…) C'est une SEM de parking qui
dégage des bénéfices, du coup ce sont ces bénéfices-là qui sont investis dans ce genre
d'opération. (…) Citiz est équilibré en termes de fonctionnement, ce n'est pas le grand
équilibre au sens où l'amortissement n'est pas remboursé, par contre en termes de frais
de fonctionnement c'est équilibré, c’est un « petit équilibre ». (…)

C.J Est-ce que vous avez des documents qui contiennent les chiffres, en termes
d’usage, par exemple le nombre de locations etc… ?

P.S : Assez régulièrement il y a des communications qui sont faites dans la presse. En
relisant, Bluely vous avez sûrement des choses qui vont apparaître. C’est pareil ce sont
des documents, enfin la communication autour de ces services-là, bon ils sont
labellisés, certes, mais on ne fait pas une communication qui est commune. En gros,
les résultats hebdomadaires on les a, nous, mais on s’entend pour les communiquer au
bon moment. (…)

C.J : Par rapport au déploiement de Bluely, est-ce que vous pouvez me dire
quelles étaient les motivations à maintenir Citiz, est-ce qu’il y a eu des difficultés
par rapport à la cohabitation des deux services ?
On craignait, enfin, certains craignaient la cohabitation, mais on est vraiment sur deux
services qui sont complémentaire. Citiz on est vraiment sûr de l’autopartage longue
distance, et de l’autopartage plutôt loisirs. Bluely, on est plutôt sur des déplacements
courte-distance à l’échelle de la Métropole, donc des déplacements, certes, loisirs mais
aussi professionnels. Le temps moyen en Bluely ça va être une demi-heure, pour 7
kilomètres, Citiz on est plutôt sur de l’ordre de 9 heures pour 80 kilomètres, quelque
chose comme ça. Donc on n’est vraiment pas sur les mêmes usages. (…) Bluely a
l'intérêt de faire du "one way", ce qui à l'échelle du système de mobilité grand lyonnais
fonctionne pas mal. C'est un peu comme Vélo’v, à l'aller je prends Vélo’v au retour je
prends Bluely. (…) Citiz on paye pendant qu'on est garé, sur un déplacement de
centre-ville c'est moins pertinent. Sur un week-end, ça l’est, c’est moins cher qu'une
voiture de location. Mais pour un rendez-vous chez le dentiste c’est dommage de payer
pendant mon heure de rendez-vous alors que la voiture ne sert à rien. Donc là Bluely
fonctionne pour cela. Donc aujourd’hui Bluely ça fonctionne plutôt pas mal, on a des
bonnes courbes de progression de Bluely, notamment depuis l'hiver dernier, hiver
2016, où on a mis en place une offre de tarification spéciale jeunes, où là, la population
jeune a explosée, donc là on a eu une belle courbe de fréquentation du service Bluely,
et côté Citiz ça progresse bien depuis aussi le milieu de l'année dernière. Alors je sais
plus comment ils ont expliqué ça. Il y a eu un gros travail de communication au
printemps. Et chaque année il y a une courbe de progression sur septembre, nouvelle
rentrée, nouvelles résolutions de l’année, changements pendant l’été … (…)

C.J : Est-ce que vous avez une idée du développement futur de ces services-là ?
Des objectifs qui sont fixés, ou des prévisions ?

131
P.S : On a du mal à donner des objectifs et des prévisions, on voit sur Paris, ça
plafonne un petit peu. Sur Berlin, ça continue à progresser, sur Montréal aussi. Donc
on imagine que la combinaison des deux peut encore avoir du sens et peut continuer à
progresser, même si Berlin, Montréal c'est des villes qui sont plus importantes, plus
denses que Lyon, donc il y a un marché qui est peut-être plus propice. Sur Lyon on va
rester quand même sur des marchés, pas de niche mais presque. Mais encore une fois
c'est pas … j'attends pas à ce qu'on ait une rubrique autopartage dans l'enquête
ménages-déplacements, l'autopartage est un levier de la multimodalité. Je suis
autopartageur quelques fois, très rarement, mais ça veut dire que je suis encore plus
consommateur du Vélo’v, et plus consommateur des transports en commun. Donc nous
ça nous va bien en termes de politiques de mobilité. C'est vraiment, encore une fois, la
voiture au cas où.

C.J : Et pour l'instant vous avez l'impression que dans les pratiques ça se traduit
?

P.S : Oui, bien sûr, quand on fait les enquêtes annuelles, c'est à ça que servent les
enquêtes annuelles du label. On vérifie auprès des abonnés de ces services-là quelles
sont les évolutions de leurs habitudes de mobilité. Et là-dessus on avait plus de 40%
des abonnés qui ont lâché une voiture, et de toute façon ils consomment 50% de
kilométrage en moins, par rapport à avant, quand ils étaient motorisés. Donc en gros ça
diminue le réflexe automobile, c’est ça l’intérêt. L’objectif de la politique de mobilité
c'est pas de supprimer la voiture, c'est de supprimer l'excès de voiture. Ce qui est un
peu différent.

C.J : Pour finir, on en a un petit peu parler mais je voulais revenir sur les
« nouveaux acteurs », de manière générale qu’est-ce que vous pensez des …

P.S : Des autres ?

C.J : Oui des autres. Un peu, disons…

P.S : Je vais sortir un document parce que…pour se structurer un peu. (...) J'étais
rapporteur d'un groupe de travail dans le cadre du PDU. (…) La séance c’était
« changements de comportements et nouveaux acteurs de la mobilité ». (…) Je
voudrais le retrouver parce que j'oublierais des choses si je le retraduis comme ça. (…)
Je le prends plus comme des opportunités mais c'est vrai que souvent, que ce soit avec
des collègues ou dans d'autres collectivités, c'est plus identifié comme un risque. C'est
vrai que c'est un peu Uber qui est pointé du doigt, parce que ça nous échappe un petit
peu. Mais il y a peut-être d'autres endroits où ça ne devrait pas nous échapper et il vaut
mieux en profiter. Les avantages des opérateurs privés c’est notamment une capacité
d’investissement, c’est eux qui peuvent des fois développer des choses, quand on parle
de Waze, de Google ou d’autres, ils savent développer un système à l’échelle

132
planétaire alors que nous, on ne sait pas. Ils ont une échelle d’action qui est aussi au-
delà du périmètre institutionnel, ils portent des services bien au-delà du territoire,
Blablacar c’est un service national, Google c’est un service international, enfin voilà,
ce sont des échelles qui peuvent être aussi intéressantes. Ils ont encore plus de capacité
d’innovation et de réactivité que nous, vis-à-vis des évolutions technologiques, nous,
pour commander des prestations on a le code des marchés publics, et le premier article
c’est « la collectivité doit définir son besoin ». Quand on est dans le champ de
l’innovation, définir un besoin c’est justement parce que qu’on ne sait pas le définir,
c’est pour ça qu’on veut innover. On qu’on ne sait pas comment y arriver, voilà. Cela
augmente le bouquet de services de mobilité, on est sur de nouveaux services, de
nouveaux usages, de nouvelles façons de voir les choses et qui décloisonne un peu
notre façon de faire. (…) Cela contribue à faire évoluer la posture des acteurs
historiques, je pense notamment aux taxis vis-à-vis d’Uber par exemple, on a
augmenté la qualité de service des taxis en France en général depuis qu’Uber est là.
(…) Et cela peut offrir aussi des alternatives à la diminution de l'offre publique : on a
des problèmes de financement public, crise des finances publiques, crise économique
etc…Turin, je crois, a enlevé, supprimé du jour au lendemain 20% de son offre de bus.
Par quoi on remplace ? Le covoiturage, le VTC, peuvent être des solutions de
remplacement. Par contre, il peut y avoir des risques en effet, la constitution de
monopoles privés, sur un service, qui ne garantit donc pas les conditions de régulations
du marché libre et concurrentiel, c’est la position hégémonique de Google, le nouveau
service pourrait être contre-productif au regard des politiques publiques de mobilité,
notamment sur toutes les problématiques de stationnement mutualisé, les Bipark, les
Copark…En gros on remet sur le marché public des stationnements qui n’étaient pas
utilisés. (...) On a des soucis en revanche avec les opérateurs privés sur la pérennisation
du service. Du jour au lendemain, un Blablacar pourrait dire, je m’en vais, je n’ai plus
d’argent, je mets la clé sous la porte, nous dans le service public on a un principe qui
dit qu’il y a une obligation d’assurer la continuité du service public. Et laisser faire un
service public par des opérateurs privés, ça peut avoir ce risque-là, que ça s’arrête du
jour au lendemain. C’est ce qui est arrivé avec Car2Go à Lyon. Quand Car2Go est
arrivé à Lyon en 2012, au bout de quatre mois ils se sont barrés.

C.J : Et là, il n’y avait aucune clause qui pouvait les retenir ?

P.S : Non, non. Parce qu’ils investissent tout et voilà.

C.J : Et par exemple il y a une différence entre ça et Bluely aujourd’hui ?

P.S : Oui là, on a un engagement à un peu plus long terme. Et du coup on a appris.
(rires)

C.J : Oui, c’est en réaction un peu à cette expérience-là ?

133
P.S : Un peu oui. (…) Après sur ce type de services privés on peut avoir des
problématiques d’inéquité tarifaire ou spatiale. Bluely, nous on aurait fait un service
autopartage comme Paris en délégation de service public, par définition, dès le début
tous les quartiers sont concernés. Un Bluely, on est sur une labellisation, lui il ne va
que là où c'est rentable pour lui. Donc aujourd’hui on a des quartiers qui ne sont pas
équipés parce qu’on considère qu’il y a trop de risque à les équiper, et comme ce n’est
pas nous qui portons le risque commercial, Bluely dit « et bien, moi, je n’y vais pas ».
Bon. Donc à certains endroits on arrive à négocier, on arrive à les faire y aller quand
même, mais c'est plus lié à la négociation qu'à une démarche contractuelle qui va leur
imposer d'aller à tel ou tel endroit.

C.J : Donc dans le label c’est seulement écrit qu’ils doivent aller au-delà de Lyon
et Villeurbanne mais il n’y a rien d’autre en termes de répartition ?

P.S : Non, non, on n’a pas identifié plus que ça. Après, plus on va spécifier les besoins,
plus il y aura de risque de requalifier ces contrats ou ces labels en marché public, et si
c'est requalifié en marché public, du coup c'est nous qui prenons à charge la totalité du
service, ils sont en droit de nous réclamer une indemnité.

C.J : Donc là c'est un espèce d'équilibre entre…

P.S : C'est un compromis, voilà c'est ça. Entre ce que nous on peut exiger, sans être
trop exigeants parce que si on est trop exigeants après c'est requalifié en marché
public.

C.J : Et ça c'est pas du tout envisageable ? Enfin ce n’est pas envisagé d'investir
dans ce service là pour le rendre plus …

P.S : Non. Non, mais ça c'est un choix politique en effet. Paris a fait le choix inverse
d'investir dans une délégation de service public, mais c'est le seul.

C.J : Et il repose sur quoi ce choix politique ?

P.S : Sur une question de disponibilité de ressources financières, tout simplement. Et


aussi parce qu'on avait un opérateur privé qui toquait à la porte, donc on s'est dit
« pourquoi on va investir nous alors qu'il y a quelqu'un qui veut venir ? ». Accueillons-
le de la meilleure façon.

C.J : Donc pour l’instant cela satisfait, enfin on pourrait dire qu’on fait un choix
différent si l’on considère que le service est pas satisfaisant par exemple, en
termes de répartition sur le territoire etc. ?

P.S : Oui, bien sûr. Donc pour l'instant, ça nous va bien encore. Et le rôle de la
collectivité du coup c’est de ses initiatives en cherchant à les réguler et à les encadrer.

134
Par contre, on arrivera à les réguler et à les encadrer que si on a un partenariat avec
eux, si on arrive à conventionner quelque chose. Pour conventionner, il faut que les
opérateurs aient quelque chose à attendre de nous. Ils attendent de nous un
financement, par un contrat type marché public et c’est le cas de Vélov’, Vélo’v on a
un contrat, on finance Vélo’v. Ou par le biais d'expérimentations, un accès aux
financements européens, avec les projets comme Optimod ou la navette Navly, on a
conventionné avec l’opérateur pour pouvoir leur faire bénéficier de subventions
européennes sur un projet qu’on avait déposé nous, Grand Lyon.

C.J : D’accord, et vous investissez aussi ? C’est double financement ou c’est que
les financements européens ?

P.S : Les projets européens financent qu’une partie de ce qu’on investit nous, mais
néanmoins on peut augmenter notre part en charge nette. (…) ça fait du financement
complémentaire. Ce qu’ils peuvent venir chercher chez nous aussi, c’est de l’accès au
domaine public. Encore une fois, l’accès au domaine public est à titre précaire,
révocable et onéreux. Le fait de labelliser, on peut imaginer une occupation plus
pérenne, et la moins chère possible. Ce qui les intéresse c’est aussi l’accès aux donnés
aussi. Et ça c’est par le biais de notre politique de licence autour de l’open data. Et là
on a, Parkeon, par exemple, qui est un opérateur de stationnement, qui souhaite avoir
accès à l’ensemble de nos données sur le territoire et en contrepartie ils nous offrent
ujn service de stationnement intelligent en termes de guidage à la zone, guidage sur
smartphones. C’est une sollicitation récente, il faut qu’on l’instruise. Ce qu’ils peuvent
venir chercher c’est l’image aussi, la notoriété. Bluely est venu chercher ça aussi, ils
voulaient que leurs voitures soient siglées Grand Lyon La Métropole, ce qui leur
permet à eux de s’inscrire dans le système global de mobilité, et de bénéficier quelque
part de l’image de ce système de mobilité en disant « moi, je m’inscris dans le réseau
TCL, je m’inscris dans le réseau Vélo’v ». Et entre TCL qui est très connu par les
grands lyonnais et Vélo’v qui est aussi super connu au-delà de Lyon, ils voulaient
s’inscrire dans cette démarche-là. Ils sont venus chercher la notoriété et l’image. (…)
Ils viennent aussi chercher chez nous une expertise ou un terrain d'expérimentation, un
terrain de jeu quelque part. Navly, c’est un peu ça aussi. Ils voulaient faire rouler leur
navette quelque part sur un domaine public, on les a accompagnés pour aller chercher
les autorisations du ministère, c’est nous qui sommes en charge du pouvoir de police
de circulation (…). Et enfin ils peuvent venir chercher aussi de la clientèle, c’est ce
qu’a fait la SNCF il y deux trois ans pour faire du covoiturage. Une ligne de RER qui
était en travaux, pour ne pas planter leurs usagers, ils ont fait un appel à projet en
disant « moi, je connais les usagers de ma ligne », parce qu’ils ont leurs abonnements,
donc dans leur abonnement ils connaissent l’adresse où ils travaillent, l’adresse où ils
habitent. Donc, en échange de la mise à disposition de l’ensemble de ces données, de
cette information clientèle, vous m’offrez en contrepartie un service de covoiturage, et
vous vous rémunérez comme vous voulez. (…) Mais à part ça, un VTC360 type Uber,

360
Voiture de Tourisme avec Chauffeur

135
n'a pas besoin de ça. Le financement, c'est au niveau international, et puis c'est en
exploitant les chauffeurs et en payant rien du tout. L'espace public, ils n’en ont pas
besoin, ils roulent, c'est le code de la route qui sert pour eux, les données, c'est eux qui
gèrent la donnée, l'image, la notoriété d'Uber n'a pas besoin du Grand Lyon pour ça,
l'expertise, ils considèrent qu'ils en ont pas besoin, alors que je pense qu'ils auraient
intérêt à venir nous voir pour faire durer un peu leur offre, parce qu'ils considèrent que
ça marche suffisamment sans être un expert des déplacements, et puis la clientèle ils se
la sont constituée tout seuls. Donc eux, on n’arrive pas à les encadrer, on arrive pas
canaliser cette offre-là parce qu'on n’a aucune relation avec eux. Ils n’ont pas besoin de
nous.

C.J : Et donc, vous, vous n’avez aucun moyen de les contrôler par d'autres…

P.S : Non, à l'échelle locale non. C'est qu'à l'échelle nationale éventuellement où il y
aurait moyen de les contrôler. Soit en les définissant comme un service qui nécessite
un contrôle local, donc là ça passe par une loi, mais je pense qu'il y aura un lobbying
contre, et je ne suis pas sûr qu'en termes de droit du commerce on a le droit de le faire.
Cela reste une prérogative complètement privée, complètement indépendante d’une
régulation, c’est pas régulable. En revanche ce qui est entrain d’être fait c’est une
régulation autour du droit du travail et des taxes sur le travail.

C.J : Et quand vous dites qu’ils auraient intérêt à venir vous voir, c’est sur
quelles…

P.S : Pour qu'on les aide à dimensionner leur offre, pour qu'ils aient des aides
combinées avec d'autres offres par exemple. Pour qu'on ait un ticket commun TCL /
Uber par exemple. Je vais à ma soirée en TCL parce qu'ils sont encore là, et à 2 heures
du matin je rentre en Uber et j'ai une tarification combinée, plutôt que de payer plein
pot TCL et plein pot Uber.

C.J : Et cela vous intéresserait potentiellement ?

P.S : Oui ça pourrait avoir un intérêt, parce que ça ferait moins de voiture. Par exemple
les gens se disent « je ne vais pas aller à ma soirée en TCL parce que le retour il n’y en
aura plus, donc je prends ma voiture ». Donc ça ferait moins de voiture si on faisait
TCL à l'aller, Uber au retour. On économise un trajet. (…)

C.J : Et d’autres acteurs comme, par exemple, Drivy, puisqu’on parlait de


l’autopartage en particuliers, eux, qu’est-ce qu’ils représentent pour vous ? Dans
quelle mesure vous les prenez en compte ou pas, est-ce qu’il y a un enjeu par
rapport à ça ?

136
P.S : On est beaucoup sur de l'occasionnel et du loisir ce qui est un peu moins la cible
pour ce qui est politique publique de mobilité. Nous il faut qu'on gère les trajets
quotidiens de masse. Le loisir et le week-end, c'est moins important.

C.J : Et par rapport à Citiz, parce que finalement Citiz est un peu sur le même
créneau, est-ce que ça représente une sorte de concurrence, ou est-ce que ça pose
un problème ?

P.S : Ça pourrait. Je ne sais pas, sûrement que c’est une concurrence pour Citiz. Mais
c’est aussi bien que les gens le fassent, développent ce genre de systèmes, et encore
une fois on ne pourra pas non plus labelliser et soutenir toutes les initiatives. Ne serait-
ce qu'encore une fois Drivy c'est entre particuliers, on ne maîtrise pas la flotte, on ne
maîtrise pas la disponibilité du service, on ne peut pas non plus s'engager ou avoir une
caution publique. C'est bien, je pense que ça va dans le bon sens, mais la garantie de
service n'est pas suffisante pour en faire un service quasi-public on va dire, enfin
reconnu par le public. Et par ailleurs nos enjeux sont plutôt sur le quotidien.

(…)
C.J : Par rapport aux élus, c’est à peu près qui les élus référents, enfin moi j’ai
identifié Karine Dognin-Sauze, qui a une délégation en rapport avec la mobilité,
mais je n’avais pas beaucoup plus d’informations par rapport aux services qu’elle
peut avoir, au rôle qu’elle peut avoir par rapport à ces questions-là ?

P.S : C’est dans sa délégation de s'occuper des sujets, des nouveaux services de
mobilité, de mobilité intelligente. Donc c'est à elle que je rends compte régulièrement
par rapport à ces questions-là et c'est elle qui me donne les orientations pour aller sur
ces sujets. Elle a pris la délégation en septembre, enfin fin septembre, avant c'était
Gilles Vesco, qui avait cette délégation-là, et qui était beaucoup, enfin qui était sur ces
sujets depuis plus longtemps, donc là on est encore en train de se caler, entre nous.

C.J : Et Martial Passi ?

P.S : Martial Passi est un peu moins sur ces sujets de mobilité collaborative etc., il est
plutôt sur l'intermodalité, les transports en commun, sur la livraison et sur les modes
doux. Mais c'est vrai que dans son périmètre il y a Vélo’v, on est sur des choses un peu
hybrides. Par exemple le stationnement intelligent est chez Karine Daugnin-Sauze
mais le stationnement tout court est chez Martiel Passi, alors ne me demandez pas
pourquoi, voilà, c'est comme ça.

C.J : Et la commission Déplacements, la commission thématique, comment est-ce


que cela fonctionne ?

P.S : En termes de gouvernance on a des vice-présidents, qu’on voit assez


régulièrement, pour pouvoir avancer au quotidien sur ces différents dossiers. Après,

137
quand il y a des prises de décisions, ça doit passer par une délibération, souvent, et
pour préparer la délibération il y a, en effet, tous les mois une commission Voirie-
Déplacements, préalable à chaque délibération. Et donc là on a autour de la table
l’ensemble des vice-présidents qui ont en charge un sujet autour de la thématique
mobilité. (…) On a aussi des discussions thématiques dans ces commissions, pour
avoir collectivement une vision, des orientations sur ces sujets-là. Et aussi, aujourd'hui
dans notre collectivité, on fonctionne beaucoup avec des arbitrages par le président
directement, dont au-delà des avis et des orientations de nos VP, sur certains dossiers
on sollicite un arbitrage du président directement.

138
Entretien avec Lydia Coudroy de Lille, administratrice de l’association La
Voiture Autrement de 2005 à 2008, réalisé le 30 janvier 2017 à Lyon – (durée 1h) –
Retranscription d’extraits sélectionnés

C.J : Je voulais d’abord vous demander quelles étaient les origines de


l’association, par qui elle a été créée, et pourquoi ?

L.C : Alors, moi je n’étais pas là dès le début, je crois que ça a été créé en 2003, et moi
je suis arrivée en 2005. C’était une initiative individuelle au départ. Il y avait une
voiture, puis deux, c’était vraiment embryonnaire comme service d’autopartage. Moi je
suis arrivée un peu à un tournant institutionnel, il y avait un problème de gouvernance
(…). Il y a eu une nécessité de remettre à plat une gouvernance un peu plus claire. Je
pourrais retrouver tout cela par le détail, je vous invite à venir fouiller les archives
parce que un des membres de l’époque, qui a été ensuite Président de l’association La
Voiture Autrement est décédé l’année dernière et j’ai récupéré ses archives. (…) Donc
c’était des gens, des habitants (…) Ils ont été pas mal aidés par les strasbourgeois, par
Jean-Baptiste Schmider361, parce que c’était un bon exemple à Strasbourg. Donc de
2003 à 2008 on était une association, on avait un conseil d’administration, on se
réunissait tous les mois et on était bénévoles, et après on a décidé d’embaucher des
salariés (…). On a fonctionné comme ça de manière associative pendant quelques
années, et puis au bout d’un moment on voyait bien que ça plafonnait, parce que nos
ressources en temps étaient ce qu’elles étaient, à part Pierre qui était retraité on était
tous actifs, avec des compétences managériales assez diverses. À un moment comme
président il y avait quelqu’un qui avait une formation en management et donc il a fait
un business plan, un truc très très carré, qui m’a beaucoup impressionné. Voilà avec un
budget prévisionnel, très clair pour présenter ça aux extérieurs, et notamment à ceux
qui nous subventionnaient. Mais voilà, on plafonnait un peu en temps et aussi en
compétences pour faire certaines tâches. Là où on plafonnait surtout c’était sur
l’augmentation du parc.

C.J : Et alors, est-ce que vous pouvez m’expliquer comment fonctionnait le


système à ce moment-là, techniquement ?

L.C : Et bien ça n’a pas beaucoup changé. On était déjà sur un système de réservation
par internet ou par téléphone. Le système informatique était basé en Allemagne. C’est
un logiciel, Invers, qui fait les réservations, compte les kilomètres et fait les

361
Président du réseau « France Autopartage » et du système d’autopartage de Strasbourg

139
facturations. (…) Toutes les voitures étaient dans des parkings souterrains, donc au
début il y en avait assez peu. (…) Ça a augmenté petit à petit, quand j’y étais, il devait
y en avoir une trentaine, à peine. Seulement dans Lyon, et une station à Villeurbanne.
(…) On avait fait le choix de voitures très simples d’usage, sans fioriture. À l’époque il
y a eu l’essai d’une voiture électrique, avec un partenariat avec EDF, mais on a arrêté
parce que ça posait plus de problèmes que ça n’en résolvait. (…) Il y avait une
diversité de gabarits de voitures, pour répondre à tous les besoins. (…) Finalement ça
ressemblait déjà beaucoup à ce que c’est aujourd’hui, sauf l’augmentation du parc.
Parce qu’évidemment, le grand changement, ça a été le rachat par LPA. Donc en fait,
c’est eux qui nous ont approchés, au moment où on venait de changer de nom, on
venait de s’appeler Autolib’. Donc c’est assez rigolo, parce que c’est nous qui avons
trouvé Autolib’. On a fait appel à un bureau de com’, pour nous aider à phosphorer sur
un nom et un logo. Parce que ça s’appelait « La Voiture Autrement », le service, au
départ, donc c’était un peu long. (…) On avait tourné autour de Liberauto, Auto…et on
a trouvé Autolib’. Et peu de temps après, Delanoë a sorti Autolib’, avec un autre
service qui était proche mais fondamentalement différent. Donc ça a semé la panique.
(…)

C.J : Et quand Paris l’a repris, ils vous ont demandé une autorisation ?

L.C : Non, bien sûr que non. On a averti Gérard Collomb qu’il y avait un petit
problème, mais Collomb voulait pas se fâcher avec Delanoë donc c’est resté dans le
flou pendant un certain temps, et puis après les médias ne parlaient que d’Autolib
Paris, donc ça entraînait une confusion par rapport à notre service, les gens disaient «
ah c’est la même chose qu’à Paris ? » et on disait « non, non, non, vous confondez »,
donc il fallait changer le nom. Donc on s’est fait piqué le nom d’une certaine manière.
Mais enfin bon, ce n’est pas le plus grave, ce n’est pas le plus important. (…) LPA
nous a dit, on voit le problème, pour l’instant on règle les aspects un peu techniques et
après on changera le nom. Et l’idée c’était aussi de faire rentrer le nom dans réseau
autopartage. Parce qu’en fait pendant les années 2000 c’était un peu absurde, chaque
service dans chaque ville avait un nom différent, pourtant ça fonctionnait en réseau. Il
y avait les strasbourgeois, les alpins, les lyonnais…et chacun avait son nom et son
logo, et pourtant c’était techniquement la même chose, c’est-à-dire qu’on pouvait déjà
avec sa carte Autolib’ de Lyon réserver une voiture et rouler à Strasbourg etc… Mais
c’était illisible, commercialement. (…) Donc lorsque LPA a décidé de rechanger le
nom ils ont eu la bonne idée de discuter avec les autres services et de prendre un nom
bannière « Citiz » avec le nom de la ville derrière. Nous c’est devenu Citiz LPA, ce qui
n’est pas très malin parce que de l’extérieur LPA on se demande bien ce que c’est. À
Lyon on connait, mais… ça aurait été Citiz Lyon ça aurait été plus simple mais,
d’abord LPA a sûrement dû vouloir poser sa marque dessus. Et puis finalement il n’y
a pas que Lyon il y aussi Villeurbanne etc. (…) Nous ce rachat on l’a très bien vécu,
parce qu’on stagnait un petit peu en termes de développement, économiquement on
voyait que les banques nous soutenaient encore, mais c’était un petit peu léger, c’était
vraiment à l’arrache.

140
C.J : C’est-à-dire qu’avant cela, financièrement ça fonctionnait comment ?

Alors, il y avait les cotisations des adhérents. On était partenaires, les fondateurs on
était partenaires, on faisait un dépôt de 500 euros, qu’on pouvait récupérer par la suite,
c’était une manière d’apporter du capital. Ensuite, tout ceux qui voulaient rentrer dans
le réseau n’étaient pas obligés d’être partenaires, ils pouvaient être adhérents
seulement. (…) Il y avait des subventions des collectivités, du Grand Lyon. Je
retrouverai cela dans les documents parce que j’ai un peu oublié le modèle
économique. Mais en tous les cas il était très fragile, chaque fois qu’on achetait une
voiture on plombait un peu les comptes, (…) c’était un pari. À cette époque-là, il y
avait trop peu de voitures pour que ça marche réellement aussi bien qu’aujourd’hui.
Par rapport au nombre d’abonnés, le nombre de voitures n’était pas extraordinaire, si
bien que si on voulait sortir un week-end de printemps, il fallait réserver 15 jours à
l’avance. (…) Le problème était résolu avec LPA, parce qu’ils ont une trésorerie qui
n’est pas la nôtre, donc ils ont pu d’emblée acheter beaucoup de voitures et donc ils ont
élargi l’offre et densifié le maillage. (…) Maintenant c’est très rapide, il y a beaucoup
de disponibilité, on ne se pose pas la question plus d’une heure avant. Ils ont pu aussi
faire passer des véhicules sur la voie publique, nous c’était un de nos grands combats.

C.J : Vous aviez déjà essayé de faire ça ?

L.C : Oui, on en parlait régulièrement au Grand Lyon. Ils disaient que ce n’était pas
possible juridiquement, parce que c’était de l’espace public, parce qu’on pouvait pas
privatiser l’espace public pour un service associatif, fut-il d’intérêt général, etc, etc…
Alors nous, notre grande déconvenue, c’est quand du jour au lendemain, alors qu’ils
nous tenaient ce discours depuis des années, avec une grande constance, « c’est pas
possible, c’est pas possible », et d’un coup on apprend - par la presse !- le lancement
des Bluely, avec tout sur voie publique, on s’est dit « tiens, c’est drôle! deux discours
différents ». (…) Enfin, après la reprise par LPA, on a décidé de transformer
l’association La Voiture Autrement en association de soutien à l’autopartage (…). On
s’était dit qu’on allait transformer l’association en association de soutien et de
diffusion, popularisation de l’autopartage (…). Au début on se présentait comme
défendeurs des usagers de l’autopartage, en cas de problème. Mais il n’y avait pas
beaucoup de problème, donc on n’avait pas grand-chose à faire. Donc après on s’est dit
qu’on allait faire du soutien à LPA pour les animations, au salon Primevert, au salon de
la Mobilité (…) Avec un effectif extrêmement réduit (…) on n’arrivait pas tellement à
renouveler les effectifs. Donc on a créé ce blog, sur lequel on a écrit quelques billets, et
puis ça s’est étiolé. La seule activité qu’on a continuée c’est d’investir le capital qu’on
avait accumulé en vendant notre structure à LPA, avec cela on a collectivement décidé
de soutenir des associations d’autopartage qui se constituaient (…).

C.J : J’ai vu ce blog, et dans les billets il y avait pas mal de critiques, qui
défendaient le fait que le système d’autopartage que vous proposez est plus

141
écologique que le système Bluely, j’ai vu aussi que vous disiez que vous aviez la
sensation que le Grand Lyon vous avait moins soutenu, je me demandais
concrètement comment cela se traduisait ce déséquilibre ?

L.C : Et bien d’abord le fait que le Grand Lyon ne nous a jamais parlé de Bluely avant
de le sortir. C’était vraiment un truc porté par eux. Il faut savoir que dans le Grand
Lyon en termes de mobilités innovantes, à l’époque c’était Gilles Vesco qui était
chargé de la mobilité, donc l’inventeur, entre guillemets, du Vélo’v, celui qui a porté
ce projet-là. Et donc c’est lui qui a aussi porté Bluely, une sorte de décalque du Vélo'v
sur la voiture, et aussi le même système qu’à Paris. Et donc, pour lui, notre truc à nous,
c’était moins clinquant parce que c’était moins technique. C’était un peu ça, il y a
l’attrait de la technique, ce n’était pas assez technique : il y avait pas de voiture
électrique, il y avait pas la trace directe, c’était que du tracé en boucle, donc forcément
c’était moins bien. Je pense qu’ils n’avaient pas - enfin il n’y avait pas de données à
l’époque, - mais réfléchis aux usages. Alors nous, on faisait quand même de la veille,
parmi les administrateurs beaucoup étaient abonnés à des flux RSS sur la mobilité
partagée etc, donc on voyait très bien, parce que Bluely avait déjà existé à Ulm en
Allemagne, sous une forme un peu équivalente (…) et il y a eu Car2Go à Lyon entre
les deux qui a duré quelques mois, c’était un fiasco. On savait donc d’après
l’expérience en Allemagne, que l’effet pervers du trajet en trace-directe c’est que ça
favorise les usages impulsifs de la voiture, « tiens, il y a une bagnole qui est là, clac, je
la prends », alors que la personne sinon, elle y serait allée à pied, en vélo, en métro…
Et on avait lu des articles de presse, des interviews d’utilisateurs en Allemagne de ces
voitures électriques, et ça disait exactement ça. Un jour on avait lu un extrait
d’interview et ça disait exactement ça « j’attendais le bus, il ne venait pas alors j’ai pris
une voiture ». Et pour nous, c’est exactement l’inverse de la philosophie de
l’autopartage, plus classique entre guillemets, dont l’optique est de diminuer les
déplacements de confort, ou évitables de la voiture. Ce n’est pas qu’on est contre la
voiture dans l’autopartage, c’est qu’on prend la voiture que quand il n’y a pas d’autres
solutions. Or dans beaucoup de déplacements urbains, il y a d’autres solutions. Or la
voiture en trace directe électrique rend la voiture attractive pour des déplacements un
peu impulsifs, comme ça, pas réfléchis. Donc c’est pour ça que, philosophiquement
déjà, même sans savoir ce que ça allait donner, philosophiquement, dans la manière de
concevoir le déplacement automobile c’était à côté de la plaque, par rapport à ces
grands discours convenus « c’est durable parce que c’est électrique ». Mais il n’y a pas
que la technique, il y a aussi l’usage. Et nous on voyait l’usage plus que la technique.
Je crois que, ce qu’il se passe à Paris, avec les études qu’il y a, semble conforter notre
opinion. C’est-à-dire qu’un adjoint à la mobilité a dit « on s’est trompé, c’est pas du
tout ce qu’on attendait ». Parce que le cabinet 6-t a montré que les gens à Paris, gardent
souvent leur voiture. Alors que dans l’autopartage traditionnel, dans n’importe quelle
ville, les gens font ça parce qu’ils n’ont pas de voiture, ou bien ils abandonnent leur
voiture. Donc il y a vraiment un remplacement de la voiture individuelle par
l’autopartage. (…) Vesco est quelqu’un qui, je pense, est assez technophile, donc ça lui
parle plus. En plus, c’est politique aussi, tout simplement. Nous, on est une petite

142
association de rien du tout, et là c’est un truc porté par la Ville. Donc entre soutenir
deux systèmes, si elle a le choix, elle va soutenir celui qui sort de ses bureaux. Donc la
ville a toujours soutenu davantage son système. (…) Un jour je m’étais amusée à taper
sur Google « Gérard Collomb Autopartage », c’est assez instructif. On voit Gérard
Collomb à bord de Bluely, on ne voit que ça. On ne voit jamais Gérard Collomb avec
une Citiz, jamais. On avait été très interpellés, d’ailleurs on avait interpellé la mairie de
Lyon au moment des élections municipales, sur ce point-là. Parce qu’il y avait un
discours extrêmement ambigu au moment de la campagne de Gérard Collomb là-
dessus, donc on avait écrit un courrier, j’ai gardé la réponse d’ailleurs. Et le courrier
était aussi ambiguë que la campagne elle-même, sur le soutien apporté aux deux
systèmes alternatifs à la voiture individuelle. Donc c’est un peu dans les gènes de la
ville de Lyon, même s’ils se sont un petit peu améliorés quand même, mais il y a
encore du travail à faire pour promouvoir, à parité, les deux systèmes d’autopartage.
Parce qu’il y a vraiment deux poids, deux mesures dans la promotion de l’un et de
l’autre. Je me rappelle du lancement de Bluely c’était du délire, il y avait des hôtesses,
des jeunes filles court vêtues dans la rue, avec des flyers et tout (…).

143
Entretien avec Jean-Pierre Forrest et Juliette Castay, chargés de mission au
service Déplacements de la direction de la Planification et des Politiques
d’Agglomération de la Métropole de Lyon, réalisé le 9 février 2017 à Lyon (Durée
totale : 1h), – Retranscription d’extraits sélectionnés.

(…)

C.J : Comment vous travaillez sur ces questions d’autopartage et de covoiturage


au sein du services déplacements, de manière un peu générale, quelle est votre
approche du sujet ?

J.F : Le rôle de notre service quoi… (rires) On en discutait ce matin en réunion de


service… Essayons de, enfin, restons positifs. Alors nous on est vraiment en amont,
sur les questions stratégiques. On est quand même sur des nouvelles mobilités qui
émergent, enfin ça fait quand même pas mal d’années, mais on a été un peu les
premiers à s’intéresser à ces questions parce que nous, notre rôle, c’est un peu d’être,
d’avoir une veille technique sur la mobilité. Donc on a travaillé au départ pour
construire un peu la position de la Métropole par rapport à l’autopartage et au
covoiturage. On a construit une stratégie, ensemble, et cette stratégie après
effectivement on a essayé de la « vendre » à ceux qui allaient la mettre en place, y
compris Voirie et Mobilité Urbaine. Donc on est vraiment en amont nous sur ces
questions-là.

J.C : Avec, je pense, par rapport à ces nouveaux objets de mobilité, la particularité qui
est que ça, on est sur des offres de mobilité qui font intervenir - moins sur le
covoiturage au début mais - des partenaires privés, des opérateurs privés, des
partenaires privés.

J.F : Ça c’est plutôt au niveau des modalités opératoires mais …

J.C : Oui mais par rapport à notre …

J.F : Ce n’est pas forcément ce qu’on imaginait au départ.

J.C : Oui, voilà. ça a été un petit peu aussi par rapport à l’articulation entre Service
Déplacement, VMU362 etc., il y a une particularité c’est que c’est la stratégie avec aussi

362
Service Voirie Mobilité Urbaine (VMU) de la direction de la Voirie de la Métropole de Lyon

144
les acteurs privés qui peuvent être amenés à se positionner, donc la question de la
stratégie de la politique publique et de la collectivité a paradoxalement encore plus de
sens, parce que sans ça les choses peuvent se faire sans que la collectivité puisse avoir
une vue et une, un appui d’organisation, un accompagnement etc.

C.J : Et du coup à ce niveau-là par rapport aux acteurs, enfin aux opérateurs ou
partenaires privés vous avez…

J.F : On est rattachés à la DPPA, Direction de la Planification et des Politiques


d’Agglomérations, donc direction qui planifie et qui fait de la stratégie. Donc déjà c’est
la première chose, nous on est positionnés là. Voirie Mobilité Urbaine ils sont direction
de la Voirie donc qui est un service plutôt opérationnel quand même, qui va mettre en
place des services. Par rapport aux modalités de gestion en tant que telles, nous ce
n’est pas notre job de dire comment il faut exploiter le service, de dire s’il faut faire un
partenariat public/privé ou est-ce qu’il vaut mieux faire de la délégation de service
public, ces modalités c’est pas trop notre rôle. Nous, on vient avec notre stratégie, on
dit « ces mobilités s’insèrent dans le cocktail de mobilité de la Métropole, qu’on essaye
de mettre en place, il y a des vertues, il y a des avantages, des inconvénients ». Sur
l’autopartage on avait bien montré qu’il y avait plusieurs types d’autopartage, qu’il y
avait l’autopartage en boucle et le one way, qui répondait pas du tout aux mêmes
besoins, et qui ne s’insérait pas vraiment dans la politique poursuivie en termes de
réduction de l’usage de l’automobile, pour le one way. Donc on avait bien identifié les
niveaux de services, on avait bien caractérisé ce que c’était l’autopartage et on avait dit
l’option c’est plutôt de développer de l’autopartage en boucle, le type Autolib’ qui
ensuite est devenu Citiz LPA, plutôt que faire du one-way qui va être un peu plus
compliqué à défendre en termes de stratégie de déplacement. On n’a pas vraiment été
suivis puisque Bluely est venu s’intégrer dans le dispositif. Bluely qui n'était pas
forcément attendu.

J.C : Oui, c’est pour ça que je dis la particularité de la position des services d’une
collectivité locale sur des services de nouvelles mobilités comme le covoiturage et
l’autopartage, c’est qu’on n’est pas comme sur les transports collectifs à l’initiative à
100% de notre dispositif. Là, il faut avoir une vision, et composer éventuellement,
ajuster notre stratégie en fonction de ce que les opérateurs privés proposeront de toute
façon sur notre territoire.

J.F : Par contre ce qu’il faut bien retenir, c’est qu’aujourd’hui on n’est pas structurés
pour gérer un service public. Autant on a un SYTRAL363, qui a la compétence sur les
transports publics, qui a une DSP364 avec un opérateur qui s’appelle TCL, c’est
vraiment clair là. Nous on fait plutôt appel au … on a des idées, on voudrait les mettre
en place et effectivement on fait appel au privé pour répondre à nos besoins. On n’est
pas dans une stratégie où on aurait développé une grosse délégation de service public
363
Syndicat mixte des transports de l’agglomération lyonnaise
364
Délégation de service public

145
sur les services de mobilité, ou de le faire en régie, je sais qu’il y en a qui font des
régies, il y en a qui font de l’autopartage en DSP, c’est le cas de Paris, peut-être
Bordeaux il me semble. Nous le choix ça a été de dire, que lorsqu’on veut mettre en
pratique une politique publique en termes de mobilité, on fait appel plutôt à l’initiative
privée. Et on s’arrange avec eux… l’idée c’est d’encadrer.

J.C : On a une stratégie d’encadrement, d’accompagnement et d’encadrement des


opérateurs privés quelque part à la fois en laissant l’initiative privée se développer et
puis le risque financier associé à l’initiative, et en même temps encadrer de manière à
ce que, autant que faire se peut, ça cadre avec les orientations générales de la politique
publique que l’on compte mener sur le territoire. Donc effectivement c’est une espèce
d’équilibre à trouver puisqu'on ne dit pas « on prend la main à 100% ». Ça c’est vrai
pour l’autopartage ; pour le covoiturage c’est vrai que c’est un petit peu différent
puisqu’à l’initiative il y avait la plateforme de covoiturage du Grand Lyon et c’était
une des premières grosses plateformes de covoiturage, et elle est née on va dire avant
Blablacar. Donc c’est vrai qu’aujourd’hui il y a Blablacar. On se trouve effectivement
avec des objets de covoiturage qui ne sont pas les mêmes entre ceux de la plateforme
covoiturage Grand Lyon qui est destinée à inciter sur des distances moyennes voire
courtes à l’échelle de la Métropole ou de l’agglo lyonnaise, et Blablacar où l’idée c’est
du covoiturage sur de la plus longue portée. Voilà, il y a ce paysage là …

C.J : Quand vous dites qu’il y a à la fois laisser se développer les opérateurs
privés et en même temps les encadrer, comment est-ce que concrètement on fait
pour pouvoir encadrer ce genre d’opérateurs ?

J.F : La labellisation …

J.C : Pour l’autopartage, ça a dû vous êtes décrit par Pierre Soulard [directeur du
service Voirie Mobilité Urbaine], c’est la labellisation, le fait d’accorder des facilités
d’occupation du domaine public, avec des tarifications adaptées pour ceux qui sont
labellisés. Mais rien n’empêche…

J.F : Sur l’autopartage on a mis en place une tarification sur le domaine public mais
aussi dans les parcs de stationnement, 35 euros par mois, par rapport au plein de tarif
qui est de 135 euros, donc c’est très attractif… Mais ça ce n’est que pour les services
labellisés. Donc voilà, c’est comme ça qu’on les tient, c’est un peu du donnant-
donnant, que eux ils rentrent dans notre moule, et nous on leur offre des facilités
d’accès au domaine public.

C.J : Est-ce que votre service participe au comité de pilotage qui ont lieu entre
Bluely et VMU …

J.F : Bluely non, je n’y suis jamais allé, enfin, je suis invité. Mais pour moi, le truc est
un peu passé dans l’aval, donc maintenant je suis assez loin.

146
(…)Explications du déroulement de la rédaction du PDU, les différentes phases de
travail.

J.F : Et alors, qu’est-ce que dit le PDU sur l’autopartage et le covoiturage ?

J.C : (…) Il y a 7 axes stratégiques : dont un qui s’appelle « une circulation automobile
régulée et raisonnée », donc en fait le PDU, comme tous les PDU de France, a quand
même un objectif réglementaire, qui est définit dans le Code des Transports, qui est de
réduire la part de transport routier. C’est le principe de base qui se traduit par des
objectifs en termes d’évolution de la part modale. Aujourd’hui, on a une part modale
qui est de 44 % pour la voiture, et là l’objectif c’est d’arriver à 35%, dans le périmètre
du PDU (…), c’est-à-dire les 73 communes qui sont couvertes par le réseau TCL
Sytral. (…) En parallèle la marche à pied passerait de 34 à 35 %, les TC de 19 à 22%,
et le vélo, où là où il y a un gros gros effort à faire, de 2 à 8%. Ce sont les objectifs de
répartition modale, après il y a tout un tas d’autres objectifs, et après il y a des axes de
travail, des axes stratégiques du plan d’action, qui sont proposés, dont un axe sur les
mobilités automobiles régulées et raisonnées, en partant du constat que de toute façon
on ne va pas pouvoir se passer totalement de la voiture, donc comment on fait pour que
ce soit plus raisonnée. Il y a donc une fiche-action qui est « favoriser les usages
partagés de la voiture ». Et donc la stratégie, l’autopartage et le covoiturage, sont bien
dans cette action stratégique du futur PDU, favoriser les usages partagés, soit le
covoiturage et l’autopartage. Et pour l’autopartage on dit bien que c’est « définir et
mettre en œuvre un cadre de coopération public-privé permettant de favoriser, encadrer
et réguler les services d’autopartage. » Finalement, c’est quelque part un peu traduire
la stratégie que, nous, on a initiée à l’échelle de la Métropole, la graver comme une des
actions du PDU en la matière. (…)

C.J : Votre service, quel rôle a-t’il pu avoir dans la rédaction de ces parties-là ?

J.C : Sur le PDU, le SYTRAL a engagé un travail... il aurait pu décider de rédiger son
truc en chambre et puis nous il nous aurait réunis pour avis, il faut savoir que la
Métropole et le SYTRAL sont deux structures quand même très très étroites, la
Métropole finance 80% du SYTRAL et a 21 délégués sur 27. Le SYTRAL c’est un
syndicat mixte, ce n’est pas une structure privée. (…) Donc en fait le SYTRAL a
engagé le travail de révision du PDU en mars 2015 et a organisé tout un processus de
concertation avec des groupes de travail technique, des groupes d’élus et c’est vrai que
sur ces problématiques autopartage et covoiturage on a été très étroitement associés à
la rédaction des contenus du projet de PDU et à la contribution technique au travers
des différents groupes de travail. (…)

C.J : Et sur la fait que la Métropole soit AOM et le SYTRAL AOT, je n’ai pas
compris comment ça s’était fait ?

147
J.C : Ça se fait qu’on est dans un schéma institutionnel et politique unique en
France…

J.F : Unique au monde !

J.C : Unique en France, unique au monde. Qu’il y avait un SYTRAL préexistant à la


création de la Métropole, qui est quand même un syndicat historique et que,
effectivement, la loi … avant la loi MAPTAM la situation était la suivante : SYTRAL
s’occupait des transports collectifs, et la Métropole a développé le reste : les vélos,
l’autopartage, elle avait la voirie etc.… La loi a dit, c’est « AOM », c’est tout compris.
Sauf que partout ailleurs en France, globalement ça collait, il n’y avait pas cette
dichotomie. Il y a eu la volonté politique de conserver le SYTRAL, parce qu’on aurait
peut-être pu décider que c’était l’occasion de remettre les choses à plat et de tout
rapatrier à la Métropole. Non, la loi MAPTAM elle conforme le fait que le SYTRAL
puisse être un syndicat mixte, y compris à l’échelle du Rhône, en intégrant des
transports urbains et des transports interurbains. La loi a conforté en même temps le
fait que la Métropole était bien une AOM, parce qu’on aurait pu considérer que sur le
territoire de Lyon c’était le SYTRAL qui devenait AOM et qui gérait toute la mobilité,
les TCU, les vélos… il y avait plusieurs schémas. On aurait pu considérer l’inverse. Et
bien là la décision, les arbitrages de l’Assemblée Nationale et du Sénat ont conduit à
décider qu’effectivement que sur Lyon il y aurait la Métropole qui sera AOM tout en
pouvant transférer la partie AOTU au SYTRAL qui était conforté dans son rôle, et non
plus juste à l’échelle de la Métropole, mais du département du Rhône.

J.F : Et le SYTRAL a aussi récupéré le PDU. Ça aurait pu être nous en fait, parce que
vu qu’il est multimodes, il n’y a pas que les transports collectifs…mais voilà c’est le
SYTRAL qui a récupéré. (…) C’est l’autorité en charge de l’exercice effectif de la
compétence transport collectif qui élabore et révise les PDU, donc c’est le SYTRAL.

J.F : C’est vrai que c’est pas évident à comprendre. Ceci dit, le PDU, c’est donc bien le
SYTRAL qui l’a obtenu, bien qu’on s’est demandé pourquoi c’était pas nous, le
service Déplacements, on aurait très bien pu le faire. Mais globalement on l’a quand
même coécrit…

J.C : Oui, aujourd’hui il existe un travail technique très étroit entre la Métropole et le
SYTRAL pour la rédaction du PDU, politiquement aussi pour aboutir à un projet où
sur les missions et sur les champs d’interventions propres de la Métropole il n’y a rien
d’écrit qui est contraire à ce que, nous, on aurait pu mettre si on avait eu la plume.

(…)
C.J : Dans l’ancien PDU, j’ai cherché, et il me semble qu’on ne trouve pas les
mots covoiturage et autopartage …

148
J.F : Non, en 2005, on n’entendait pas parler d’autopartage et de covoiturage. Moi
quand je suis arrivé en 2009 j’ai commencé à travailler sur l’autopartage, et le
covoiturage est arrivé un petit peu après.

C.J : Donc en fait, entre le moment où on a commencé à en parler, et le moment


où il y a eu les premières plateformes, ça a été assez court, assez rapide ?

J.F : Oui, assez rapide.


(…)

J.C : Le Grand Lyon a mis en place la plateforme covoiturage en 2009 (…) On voit
bien qu’il y a eu autour de ces années-là, c’était un « boum » un peu.

J.F : Même, si l’autopartage, ça faisait longtemps que ça existait. Parce que Autolib,
qui s’appelait La voiture Autrement, LVA, ça existait depuis 2001, mais c’est vraiment
des trucs, des pratiques qui étaient ultra-marginales mais qui existaient depuis
longtemps, et qui sont entrées vraiment dans le champ public de la mobilité que dans
les années 2010, quoi.

J.C : C’étaient des pratiques un peu… c’est ceux qui font du recyclage : des bobos,
c’était partisans, des écolos purs. C’est ceux qui recyclent leurs pots, qui se prêtent leur
perceuse, ils font aussi du covoiturage et l’autopartage. C’était vraiment des niches,
très spécifiques. Et je pense qu’à un moment au niveau des politiques publiques ça a
été de se dire : « non, c’est aussi des leviers ». On est aussi sur des logiques de bouquet
de services, (…) à un moment il faut se poser la question de la place de la voiture, on
ne va pas pouvoir mettre des transports en commun partout, le vélo et la marche à pied
c’est bien, mais il y a peut-être aussi une place à laisser à la voiture, avec des nouveaux
usages, et petit à petit il y a eu la construction d’une réelle posture de politiques
publiques par rapport à ces nouveaux usages

J.F : Oui, c’est pour ça que le PDU de 2005 il est très daté, en plus c’est une révision
du PDU de 1997, il était vraiment daté il fallait changer parce qu’il ne parlait pas de
covoiturage, il ne parlait pas d’autopartage, il ne parlait pas de vélos en libre-service,
donc…

C.J : Et vous, votre posture par rapport à l’autopartage, vous disiez plutôt que
c’était l’autopartage en boucle qui répondait à vos objectifs...

J.F : Oui parce qu’on avait fait un peu le bilan des deux systèmes, sur lesquels à
l’époque tout le monde se posait la question, y compris à Paris « qu’est-ce qu’il faut
développer ? Qu’est-ce qui est le mieux ? Qu’est-ce qui répond le plus à la politique de
déplacement qu’on souhaite mettre en place ? ». Et effectivement, nous, la crainte qu’il
y avait à l’époque de cet autopartage, c’était quand même la bagnole, c’est vrai que
pendant longtemps on a compartimenté, on a dit : « rien sur la bagnole, tout sur les

149
transports collectifs ». Et là c’était un peu le retour de la voiture, même si elle était
bien utilisée, rationalisée, bien remplie, c’était quand même la voiture qui revenait.
Cette crainte c’est effectivement que les gens se réhabituent à utiliser la voiture, donc il
fallait trouver un système qui justement ne doit pas trop facile à utiliser. Pour éviter le
réflexe voiture…

J.C : Qu’il ne soit pas trop facile de le faire, sinon c’est l’idée « j’achète, j’utilise parce
que de toutes les façons c’est recyclé, ou c’est propre ».

J.F : On veut empêcher les gens de faire 500 mètres avec la voiture, quoi. On préfère
qu’ils soient à pied ou en vélo sur des petites distances, et là le one way, de station à
station, c’est clairement le truc où on va faire 300 mètres en bagnole, on prend la
voiture parce que c’est facile. Donc on voulait éviter et donc on privilégiait le système
en boucle, qui était celui développé par notre SEM, Société d’Economie Mixte Lyon
Parc Auto, qui obligeait le retour à la station, qui est plutôt de la location à la journée
ou sur le week-end, sur de la longue distance, c’est vraiment pour ceux qui n’ont pas
de voiture.

J.C : Oui, c’est vraiment une alternative à la motorisation.

J.F : C’est pour ceux qui ont zéro bagnole. J’habite en centre-ville, je n’ai pas de
voiture, j’en ai besoin le week-end parce que sinon je fais tous mes déplacements
quotidien avec d’autres modes alternatifs, et puis le week-end j’ai besoin d’une voiture
pour aller faire un tour, aller chercher mon gamin…Les loueurs de voiture sont pas
forcément adaptés parce qu’ils sont pas forcément placés aux bons endroits. Donc
c’était un peu ça l’idée de la boucle. Et effectivement les systèmes one-way sont
arrivés, Bluely a fait une offre… alors on a eu d’abord Car2Go, c’était encore pire
quoi, c’était le…comment ils appellent ça ? Le free flow. C’est-à-dire sans station, là
c’était vraiment ultra facile. Mais en fait, nous, la position stratégique qu’on a essayé
de vendre c’était effectivement plutôt de miser sur l’autopartage en boucle, et même
dans la première labellisation qu’on avait élaboré les systèmes one-way étaient
interdits, ils ne faisaient pas partie du label. Il fallait que ce soit absolument en boucle.
Après effectivement, le marché étant ce qu’il est, Bluely, Bolloré est arrivé en
proposant une offre de service qu’on ne pouvait pas tellement refuser donc voilà on a
accepté et on a changé le label, et puis on s’est adaptés (rires). Et finalement, après
coup, on a essayé de, parce qu’en fait la stratégie on l’a fait une fois, après on met en
application, on constate que ça ne fait pas toujours cohérent avec la stratégie qu’on
avait élaborée donc on réadapte un peu les choses pour qu’on soit cohérents … Et en
fait on s’est dit, effectivement on privilégie l’autopartage en boucle, mais l’autopartage
one-way, de station à station, ça permet d’étoffer le bouquet de service, c’est-à-dire
d’offrir des façons de se déplacer diverses et variées, et ça peut participer quand même
à la démotorisation. Parce que c’est quand même ça l’objectif, in fine, c’est que les
gens se séparent de leur bagnole. On augmente en fait la possibilité de se déplacer en

150
ville, parce que les transports collectifs dès fois sont pleins, donc on améliore le
bouquet de services. C’est comme ça qu’on l’a vendu après.

C.J : Et par rapport aux nouvelles plateformes qui viennent s'immiscer dans ce
domaine-là, des acteurs privés qui sont complètement indépendants, qui n’ont pas
besoin de la puissance publique. Quel rapport vous avez avec ce type d’acteurs ?
Je pense aux plateformes numériques entre particuliers par exemple (…)
Comment votre service gère ça, est-ce qu’il y a une espèce de veille, est-ce que
vous les connaissez ? Est-ce que vous avez déjà eu des contacts avec ce genre
d’entreprises ?

J.F : Personnellement non. C’est un peu les nouveaux acteurs, c’est l’ubérisation des
mobilités qui arrive. Non, nous on ne les rencontre pas. Je ne sais pas si Pierre
[Soulard, directeur du service Voirie Mobilité Urbaine] d’ailleurs il les connait.

J.C : Non je ne pense pas. En tous les cas il n’y a pas pour le moment des démarches,
au sens où l’un ou l’autre des services de la Métropole aurait pour mission de suivre et
être en veille régulière de chacun des nouveaux acteurs susceptibles d’offrir une offre
de mobilité complémentaire sur le territoire.

J.F : C’est une sacrée question. Moi je suis confronté à ce problème pour le
stationnement. Et honnêtement, aujourd’hui on est un peu dépassés. Enfin moi je le dis
franchement, on est dépassés par ce qui arrive. Nous on a mis en place des services, on
les a labellisés, on les a encadrés. On les oriente pour que ça rentre bien dans notre
politique de mobilité, avec toujours les objectifs de réduire les émissions polluantes,
réduire l’occupation du domaine public, réduire la circulation automobile … Enfin, on
a des objectifs comme ça et on fait en sorte que chacun des services y répondent,
même si on n’est pas en délégation de service publique, même si on fait appel au privé
il faut qu’ils rentrent un peu dans moule.

J.C : Qu’ils soient pas, enfin qu’ils n’aient pas une posture qui soit antinomique des
objectifs de la politique publique sur le territoire.

J.F : Et ça, c’est typiquement Uber quoi. C’est-à-dire le service taxi ultra réglementé
parce qu’il répond à des dispositions de service public, en gros. Et un mec arrive, il a
besoin de personne, il s’installe et il fait de la mobilité. Et on ne sait pas comment y
répondre. Aujourd’hui ils n’ont pas besoin de nous. Pour le stationnement les
gestionnaires de parking, les Bipark, les Zen park et compagnie ils n’ont absolument
pas besoin de nous.

J.C : Oui parce qu’aujourd’hui un Bluely, ou n’importe quel service d’autopartage


avec un opérateur, il a besoin quand même à un moment de physiquement de mettre
son véhicule quelque part. Pour le reste, l’autopartage entre particuliers, les gens ils se
débrouillent. Après on peut se dire, au pire, l’autopartage entre particuliers, on peut se

151
dire « où est la contradiction avec la politique publique ? » vues les échelles c’est pas
forcément le truc qui va nous plomber plus.

J.F : Je sais pas, quand même, parce que l’autopartage entre particuliers, si ça se fait
n’importe comment, déjà ça tue nos services à nous. C’est-à-dire que Bluely, là, ils
sont encore en déficit hein.

J.C : Oui, mais en même temps nous on n’y met pas un rond.

J.F : Non, ok. Après notre SEM c’est différent. Pour Citiz LPA qui a du mal quand
même à survivre. S’il y a des pratiques concurrentes, qui sont tout à fait légales, on ne
peut rien y faire, après il y a des questions de fiscalité mais je vais pas revenir là-
dessus. Mais ça tue un peu des pratiques qu’on a essayé de développer. Mais peut-être
que c’est tant mieux finalement, on a commencé à répandre un peu le … à initier ces
pratiques.

J.C : C’est un peu le cas du covoiturage. C’est se dire à un moment on continue avec la
plateforme covoiturage Grand Lyon etc. parce que c’est appuyé aussi sur une stratégie
de management de la mobilité, de proximité, donc on y adosse tout un tas d’autres, une
autre dynamique. Pour le moment on se dit que les Blablacar et autres ne répondent
pas forcément, sont pas forcément hyper performants sur les questions de covoiturage
courte-distance parce que sur du covoiturage courte-distance ils veulent pas payer…

J.F : Mais ils vont y arriver. Il y a Google qui arrive…

J.C : Oui, ils vont y arriver, bien sûr, mais : « et alors ? » Là où il faut vraiment qu’on
se pose la question c’est sur le « et alors ? où est le risque ? », qu’on l’identifie et
qu’on ajuste. Mais après les moyens d’actions ils sont compliqués.

J.F : Il y a quand même un « et alors ? », dans la mesure où on ne maîtrise plus rien.

J.C : On ne maîtrise plus rien.

J.F : Sur le stationnement à la rigueur c’est plus dramatique.

J.C : Oui, c’est plus immédiat on va dire.

J.F : C’est quelque chose qui est très réglementé le stationnement, on a vraiment des
choses qui sont très encadrées, très cadrées. Et là on est avec des acteurs qui n’ont
besoin de personne, qui développent du stationnement à des coûts qui sont totalement,
ultra agressifs pour nous. À la rigueur quand c’est du particulier à particulier, c’est pas
dérangeant, mais quand c’est des hôtels complets, qui ont 100 places de parking
disponibles et qui les mettent sur le marché, nous ça casse tout ce qu’on essaye de
mettre en place. On met des tarifs un peu dissuasifs sur le stationnement, pour que les

152
gens utilisent d’autres modes, si on a une offre de stationnement qui se développe en
plein centre-ville à des coûts ultra bas, et bien les gens ils vont reprendre leur bagnole.
Donc il y a toujours cette idée de diminuer le réflexe voiture, et donc s’il y a des
systèmes qui se développent qui prennent effectivement, qui atteignent des masses
critiques qui sont importantes, ils vont remettre en cause toute la stratégie qu’on a mise
en place.

J.C : C’est pour ça que dans le PDU par exemple on a pris en compte dans l’axe, sur la
fiche action sur la politique de stationnement, c’est un peu les nouveaux opérateurs de
mobilité. Sur la mutualisation, l’optimisation des garages privés, le fait qu’elles
peuvent être effectivement un levier, on a mis par exemple « en développant la
mutualisation des parkings privés, tout en restant vigilants quant au développement
non maîtrisé d’une nouvelle offre de stationnement peu coûteuse qui inciterait l’usage
de la voiture en centre -ville et qui pourrait fragiliser l’équilibre général du système de
stationnement dans l’agglomération. En disant, oui, nous, on essaye de contraindre et il
y a quelqu’un qui arrive et qui ouvre tous les robinets. Ah. Et nous on a investi pour
fermer tous les robinets.

J.F : Google, Waze qui arrivent avec du covoiturage, là, de l’autostop en ligne. Tout le
système de transports collectifs, il n’y a plus personne dans tes bus.

J.C : Après c’est : « et alors ? ». Et donc sur la question du « et alors ? » ça veut dire
qu’à un moment quand même, c’est quid, par rapport à ces questions de covoiturage,
c’est « quelle concurrence peut faire du covoiturage à du transport collectif ? » On se
dit, et bien le covoiturage c’est pas du service public, comme le TC, il peut aller où il y
a du monde, là où il y a de la demande. Est-ce que la vocation de la collectivité c’est
pas justement d’apporter du service là où n’y a peut-être pas de monde mais là où il y a
un besoin de mobilité ? Et là effectivement, c’est pas où ça rapporte le plus. Mais si la
collectivité elle va toujours là où ça rapporte le moins, et qu’elle n’a pas les lignes qui
vont permettre de gagner un peu de gnognote pour pouvoir réinvestir là où ça gagne
moins, ça veut dire qu’on accepte de financer ça 100% par l’impôt. Il n’y a plus les
recettes clientèles. Donc là c’est tout le modèle économique qui est remis en cause.
L’enjeu, vraiment, c’est le modèle économique du système de mobilité qui est en
question avec ces nouveaux opérateurs. C’est exactement comme avec les taxis et
l’apparition de Uber. (…) Tout le système économique s’effondre. C’est pareil avec
l’autopartage et le covoiturage.

(…)

J.F : Après, si ça répond aux mêmes besoins, que c’est à peu près les mêmes
caractéristiques de service, que ce soit du public ou du privé, finalement ce n’est pas
grave…À la limite on peut se dire tant mieux à la rigueur, si c’est des sous en moins à
apporter, si la plateforme de covoiturage privé fait le job de la plateforme Grand Lyon,

153
et bien on mettra nos ronds ailleurs en tant que collectivité publique. La question c’est
« est-ce qu’on est sûrs que ça remplace à 100 % ? ».

(…)

J.C : Sur un objet, une offre de mobilité qui peut sembler tout à fait vertueuse, il faut
vraiment creuser sur : est-ce que l’impact est vraiment vertueux ? Est-ce que ce n’est
pas des gens qui aujourd’hui font du TC qui demain vont faire du covoiturage ? Et
pareil, et alors ? Et à chaque fois c’est le « et alors ? » et je pense, moi, que la
difficulté, chaque fois pour la collectivité, la puissance publique, c’est que ce « et alors
? ». Il faut qu’on l’identifie, qu’on fasse l’étude, qu’on réfléchisse, et alors les
opérateurs privés pendant ce temps-là ils ont déjà déroulé 25 trucs et ont fait que… on
a un peu tendance à courir derrière. Donc même le temps de dire, on va lancer des aires
de covoiturage pour faciliter les choses, ça nous met un certain temps, si ça se trouve il
y aura d’autres pratiques. On sent que les nébuleuses, le potentiel ouvert par toutes ces
nouvelles technologies, ces nouveaux opérateurs, qui sont là un jour et qui peuvent
disparaître le lendemain, parce qu’il y aussi la question de la garantie de service. (…)

J.F : Si l’opérateur se tire… Bluely se barre du jour au lendemain parce que ça ne leur
rapporte pas des ronds, là on se retrouve avec plus rien. C’est pour ça qu’on a un
système d’autopartage à côté, public, enfin semi-public.

(…)

J.F : C’est super intéressant cette question. Et je ne suis pas sûr que, nous, on l’ait
assez traitée entre nous. Je pense que c’est, aujourd’hui on se trouve vraiment à la
croisée des chemins, il y a vraiment deux options à prendre, dans les collectivités et les
Métropoles en particulier, c’est soit on se désengage, de plus en plus, sur la politique
publique de mobilité, et on laisse le privé gérer. L’autre option c’est au contraire, on
récupère le champ de la mobilité et on a un vrai opérateur. Une SPL par exemple, une
vraie SPL qui fait de la mobilité, notre opérateur central, à qui on va confier
l’ensemble des clés, pour développer l’autopartage, développer le covoiturage etc,
etc… Un peu comme fait TCL pour le SYTRAL, avec les transports en commun.

J.C : L’ensemble des offres de mobilité autre que du TC, qui serait l’apanage du
SYTRAL.

J.F : Tellement fort qu’il empêcherait tout concurrent de venir s’installer sur Lyon.

C.J : Et cela rajouterait quoi par rapport à la situation actuelle, par rapport à ces
acteurs ?

J.F : On maîtriserait les choses.

154
J.C : C’est dissuasif d’une certaine manière. (…) Juridiquement, rien n’empêcherait un
autre opérateur de venir. Sauf que c’est dissuasif dans la mesure où il y a déjà toute
l’offre qui serait prise en charge, par un opérateur, type SPL, qui coordonne, qui a une
stratégie globale…

J.F : On a la force de frappe pour avoir un service avec la masse critique, et donc
effectivement on empêche la concurrence frénétique, le marché, de venir s’installer.
On maîtrise les choses, on maîtrise les tarifs. Et faire en sorte qu’il n’y ait pas d’impact
négatif sur la mobilité, qu’il n’y ait pas de concurrence entre les modes, qu’il n’y ait
pas de concurrence avec les TC. (…) Qu’on prenne en compte les questions d’équité
sur le territoire aussi, parce que le marché il va dans le centre-ville. Il ne va pas à
Oullins… et encore moins à Vénissieux ou Vaulx-en-Velin, alors qu’il y a une
demande de mobilité.
(…) Donc voilà il y cette option de tout prendre en charge, et puis l’autre solution ce
serait de dire « et bien, finalement, le privé fait aussi bien que nous, allons-y, laissons-
faire ». Parce que l’encadrement on ne pourra pas le tenir. Ce que vous dites, là,
l’autopartage entre particuliers, on ne peut plus rien faire. Les gens ne sont pas sur le
domaine public donc bon … C’est une vraie question.

(…)

J.C C’est très neuf, ce qui est en même temps très troublant, c’est qu’on sent des
choses, mais est-ce que ce sont des éléments durables ou est-ce que c’est un feu de
paille ? Est-ce que c’est trois start-up et dans trois ans c’est finis, et c’était sympa mais
en vrai personne n’utilisait les services ? On sent qu’il y a du potentiel, que ça pourrait
être intéressant. En même temps, une collectivité, ça n’a pas le pouvoir de réaction
d’une start-up, on est pas tellement organisés pour …

J.F : C’est plus lent…(rires)

J.C : C’est un peu plus lent, donc oui, il y a une réalité de … Je pense qu’il y a… c’est
la même chose pour un Onlymoov, les calculateurs d’itinéraires etc. Paradoxalement,
on se dit presque que la collectivité sur ces sujets-là elle a presque été initiateur de
quelque chose. Voilà, parce qu’elle se disait, il y a un truc, ça correspond avec ma
politique publique, et après les opérateurs privés ou les acteurs privés s’en sont tout à
fait saisi, et là ça ré-échappe et on ne sait plus par quel bout rattraper le truc.

J.F : C’est un peu l’idée de l’open data. De favoriser l’initiative privée. Et aujourd’hui
Onlymoov il est complètement dépassé par Waze… c’est mort quoi.

J.C : Oui mais, justement, est-ce que ce n’est pas un peu le rôle de la collectivité de
faire démarrer la machine ? Est-ce que ce n’est pas un peu illusoire de croire que dans
le monde dans lequel on vit, où tout va très vite, on va pouvoir structurer, organiser,
mettre en cohérence de manière très très importante, et que du coup, on est toujours,

155
les collectivités courent toujours après quelque chose qui va plus vite… c’est de réelles
questions. Moi je pense qu’il y a un rôle de la collectivité dans la durée.

J.F : Et sur la mobilité en particulier, parce que c’est un droit. C’est un droit
fondamental. Ce n’est pas des choux et de carottes.

J.C : Oui, exactement, je pense que c’est important de temps en temps de revenir à ça.
On ne fait pas de la mobilité pour faire du TC, ou de la voiture ou faire ça, on fait pas
des offres de mobilité pour rentabiliser ceci, rentabiliser cela, c’est quand même pour
permettre à des gens de pouvoir se déplacer parce qu’ils en ont besoin pour faire un
certain nombre d’activités, qu’elles soient personnelles, professionnelles…C’est
important dans tous ces débats de se redire : la mobilité, en clair, s’il y avait plus tout
ça, que ferait les gens ? On peut faire beaucoup d’économie de polluants et de gaz à
effets de serre, et alors ? Si les gens ils ne se déplacent plus ? Dans toutes ces questions
il faut pas oublier de se poser cette question fondamentale. (…)

J.C : En ce moment par exemple je travaille à une autre échelle sur les questions
d’autopartage en périurbain, voire rural. Dans ces zones-là, la question des nouveaux
services de mobilité se pose. Sauf que les opérateurs ils vont pas mettre des services
d’autopartage en pleine cambrousse. Ça ne les intéresse pas. (…)

J.F On se demande finalement si ces nouveaux servies, qui se concentrent dans les
grands centres-villes urbains, ils n’auraient pas aussi leur place dans les zones
périurbaines et rurales. Ou dans les petits centres-bourgs. Mais le problème c’est qu’il
n’y a pas d’offres.

J.C : Dans ces cas-là, la question de la puissance publique elle se pose réellement. Et là
ce sont vraiment des décisions très innovantes, des collectivités qui décideraient
d’investir sur un réseau d’autopartage dans le rural profond. Vus les coûts, ce n’est pas
évident… Et donc par rapport à votre question initiale sur quel est le rôle de chacun sur
ces sujets, en principe c’est nous qui faisons la stratégie, VMU qui fait l’opérationnel,
plus la DPDP qui fait l’expérimentation, et autour de, leur entrée c’est plus les temps,
la Mission des Temps, plus tout ce qui concerne les Plans de Déplacements Inter-
Entreprises etc.. Mais on voit que le schéma de : on fait de la stratégie, on met en
œuvre et puis on fait de la valorisation, avec ces nouveaux outils qui vont très très vite
et ces nouveaux opérateurs qui jaillissent de partout, on est toujours obligés d’adapter,
et en même temps notre rôle c’est quand même de dire, je pense nous encore plus que
VMU, c’est de rappeler à chaque fois « attendez, la mobilité, la stratégie de mobilité,
c’est pour quoi ? c’est pas rapport à quoi, quels objectifs on poursuit ? ». Et qu’à un
moment c’est aussi pour permettre aux gens de se déplacer, pour vivre.

J.F : Oui, on est un peu les gardiens du Temple.

J.C : Oui il y a un côté un peu comme ça.

156
J.F : Ceux qui rappellent la Constitution (rires).

J.C : Oui, c’est le droit à la mobilité, de manière équitable, pour l’ensemble des
territoires, l’ensemble des populations (…) On philosophe peut-être un peu plus que
des services comme VMU (rires). En même temps son essaye d’écrire ça dans des
documents qui sont un peu plus prescriptifs, en tous les cas qui sont des documents
d’orientation et nous l’idée qu’on avait c’est qu’au travers de ce PDU, essayer de caler
noir sur plan les idées un peu générales.

J.F : Mais ce n’est pas évident de trouver la place du covoiturage et de l’autopartage


dans le PDU. Et dans le système de mobilité de manière générale.

J.C : Du coup c’est vrai qu’on avait mis dans le PDU, cette idée effectivement qu’il y
a tous ces acteurs privés de la mobilité et donc l’idée ça a été de dire dans l’axe « mise
en œuvre », une fiche qui est « Expérimenter et promouvoir les nouveaux services de
mobilités avec les services privé », avec cette logique de recensement,
d’accompagnement, de promotion, sous réserve (lecture d’un extrait du PDU) : « il
importe pour cela de travailler dans une logique de complémentarité avec les offres de
TC, décloisonner les approches et les fonctions dans une approche innovante de
montage de partenariat ». L’idée étant qu’il y ait des réserves voilà … « en veillant à
leur bonne adéquation avec les objectifs du PDU » (extraits du PDU 2015-2020). Ça
fait du bien de le relire de temps en temps (…) Je pense que c’est notre rôle, encore
plus que … même si VMU l’a en tête, et Pierre Soulard le premier, de rappeler un peu
ça.

C.J : Par rapport aux élus, quelles relations vous avez avec, par exemple, j’ai vu
qu’il y avait une vice-présidente en charge de nouvelles mobilités ?

J.F : Karine Daugnin-Sauze ? Non, ça c’est plutôt de l’opérationnel, c’est Pierre


Soulard. Moi je l’ai vu sur le stationnement, pour parler des nouveaux acteurs, pour
essayer d’avoir un avis de sa part sur la position qu’on pourrait tenir par rapport à ces
nouveaux acteurs. Très prudente d’ailleurs là-dessus… Elle dit qu’il faut plutôt
conforter nos outils plutôt que de se laisser bouffer par ces nouveaux acteurs. Martial
Passi, qui est notre vice-président, lui il a suivi tout le PDU. (…)

157
Stéphanie Chaussy, directrice marketing du service Bluely, groupe Bolloré, réalisé
le 19 janvier 2017 à Lyon – (durée totale 1h10) - Retranscription partielle

La personne interrogée a choisi de réaliser une présentation du service à partir d’un


document, puis de répondre aux questions dans un second temps, sans autoriser que
cette deuxième partie soit enregistrée.

S. C : Donc Bluely fait partie du groupe Bolloré, donc le groupe Bolloré c’est un
groupe familial, avec plus de 55 000 collaborateurs dans le monde. Sachant qu’il y a
trois branches, la transports & logistiques, la branche communication et médias et la
branche électricité et stockage d’énergie, donc Bluely fait vraiment partie de cette
branche-là. On a plusieurs services d’autopartage, vous connaissez surement le service
d’autopartage à Paris, Autolib’ existe depuis 2011 à Paris, Bluely existe depuis 2013 à
Lyon et vous avez également Bluecub à Bordeaux et vous avez également
Indianapolis, Turin, Singapour, on a répondu à l’appel d’offre à Los Angeles, on rentre
à Londres par les bornes de charge, voilà. (…) Pour ce qui est de reprendre un petit
peu ce qui est besoins et enjeux : on vient effectivement à la rencontre des enjeux de
santé publique, on le voit bien, avec les problèmes de pollution, on en a eu à Lyon il
n'y a pas très longtemps. Et on le voit bien aussi, en ce moment il fait très très froid, les
contraintes aussi à la fois du développement des énergies propres et renouvelables,
avec toute la problématique est de répondre entre l'offre et la demande. (...) On arrive à
la croisée de ces deux enjeux-là. Donc il y a une croissance des besoins en solution de
stockage d'électricité. Donc nous on a une technologie avec la batterie LMP, qui est
donc une batterie Lithium Metal Polymère, et c'est comme ça en fait que l'aventure de
l'autopartage 100% électrique a démarré, c'est-à-dire qu'on avait une technologie qui
est cette technologie de batterie, et donc toutes nos voitures sont équipées de ces
batteries-là. Et effectivement quand le service Autolib a démarré, c'était vraiment la
vision de Vincent Bolloré, qui avait le pouvoir, enfin qui avait surtout la technologie,
et le pouvoir effectivement d'un politique, qui était à l'époque Delanoë, et donc la
rencontre de ces deux hommes a fait que le service est arrivé sur Paris. (…) Notre
batterie c’est du 100% solide, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de liquide à l’intérieur. C’est
une des batteries qui a le plus d'autonomie sur le marché., 250 km d'autonomie en zone
urbaine. (…) Elle est aussi intégrée dans des bus, vous avez par exemple à Paris la
navette de la fondation Louis Vuitton, c’est la navette du groupe (…) A l’occasion de
la COP 21, il y avait des trams qui avait été mis sur les Champs-Elysées, ce sont des
trams qui ont la particularité d’être sans rails et sans cathéters, donc moins chers, plus
écologiques et qui se rechargent en fait à chaque arrêt. Ça c’est tout ce qui est
applications mobiles, ensuite vous avez des applications qui sont stationnaires. Une
fois que la batterie à un atteint son niveau de vie, elle est recyclée en application
stationnaire, c’est-à-dire que là, on cumule les batteries les unes sur les autres, pour

158
alimenter une zone, une Blue Zone par exemple en Afrique, ça peut être pour allumer
un stage, pour faire marche internet. Voilà donc les différentes applications, à la fois
mobilité durable et à la fois stockage d’énergie. (…) BlueLy, le « ly » c’est Lyon.
BlueCub c’est « communauté urbaine de Bordeaux », enfin maintenant c’est la
Métropole. On a inauguré le service en 2013, avec au départ 130 véhicules pour 51
stations. Le service s'est développé en plusieurs phases, aujourd'hui on est à plus de
100 stations et 300 véhicules. On a élargi la gamme de véhicules, puisqu'au départ on
avait uniquement des Bluecar, donc celles-ci, avec la batterie dont je vous ai parlé. Et
on a également rentré plus récemment des Twizy, donc qui sont des véhicules de chez
Renault et des Citroën C-Zero. Elles n’ont pas la même technologie, parce que nous en
fait, le groupe est pas constructeur de véhicules au départ, c'est vraiment une
technologie et la voiture a été construite autour de la batterie. Simplement on est
partenaires de constructeurs automobiles, en l'occurrence la Bluecar a été fabriquée
dans les usines Alpines de Renault. (…) On est partenaires du Grand Lyon
évidemment, c'est-à-dire que ici à Lyon ça n'est pas une délégation de service public,
simplement on a, la Métropole n'a pas voulu porter elle-même un service
d'autopartage, mais on a le soutien de la Métropole et on est labellisé « service
d'autopartage », donc on paye une redevance pour l'occupation des sols, et on est
complètement intégrés dans les politiques de la ville effectivement, pour en revenir à la
pollution, quand il y a un pic de pollution, quand on est en alerte niveau 2, la
Métropole prend en charge pour chaque nouveau client une heure de gratuité. (...) C'est
vraiment pour sensibiliser la population à l'usage de l'autopartage et de la voiture
électrique. Enfin toutes les façons de se déplacer autrement que la voiture soliste. Donc
seulement en cas de pic de pollution niveau 2, c'est très précis, on a une convention qui
nous lie, effectivement la Métropole offre à chaque nouveau client, donc c'est vraiment
pour que les gens fassent la démarche, testent et ensuite effectivement s'habituent au
système et l'adoptent, même en dehors des pics de pollution mais en tout cas il y a une
incitation forte de la Métropole en cas de pic de pollution. (…) On est sur un usage
servitiel de la voiture, avec une façon de fonctionner quasiment identique au Vélo’v,
donc je prends la voiture sur n’importe laquelle des stations, je la restitue sur n’importe
laquelle des stations. C’est de la « trace-directe » ou « one-way », et vraiment c’est « je
ne paye que ce que j’utilise de la voiture » (…) C’est la mobilité à disposition, facile,
sans les contraintes. (…) On est évidemment dans une logique de mobilité durable, à
la fois parce qu’on est sur de l’électrique, donc ça veut dire que l’on émet pas de CO2,
la voiture ne fait pas de bruit, on parle beaucoup de la pollution atmosphérique, mais il
y a aussi la pollution sonore des villes. Et effectivement, une voiture en autopartage
remplace, alors à Paris on dit que c'est 9, à Lyon on dit plutôt que c'est 6 véhicules
personnels. (…)

C.J : En termes d’occupation de l’espace, de véhicules stationnés ?

S.C : En termes d'occupation de l'espace, effectivement, et en termes aussi, alors nous


on fait des enquêtes clients on en fait une par an, et la dernière enquête montrait qu'il y
avait 30 personnes qui avaient abandonné leur voiture au profit d'un service

159
d'autopartage. Alors, ce n’est pas forcément la voiture principale, ça peut être la
deuxième voiture qui est abandonnée, mais enfin voilà.

S.C : Le réseau des stations et des espaces d'inscriptions (…) : on est étendus sur
Lyon-Villeurbanne, et 12 communes, 12 communes en tout en fait puisqu'en En
première phase on était uniquement sur Lyon Villeurbanne ensuite en deuxième phase
de développement on a fait les communes de première couronne, donc tout ce qui
touche Lyon. (…) On est sur ce qu'on appelle nous, la troisième phase de
développement. En première phase on a ouvert avec 51 stations. Deuxième phase on a
doublé le nombre de stations et on a augmenté le nombre de véhicules. Et là, troisième
phase, on continue notre développement, (…) on vient combler les trous qu’il peut y
avoir dans le maillage. (…) On regarde effectivement de très près l'implantation des
stations, on travaille bien entendu en partenariat avec le Grand Lyon, avec les mairies
d'arrondissements et les communes. L'idée c'est pas simplement de venir combler les
trous c'est aussi que la station soit rentable, qu'elle soit pas trop proche d'une autre
station, qu'elle soit suffisamment bien placée pour qu'il n'y ait pas des déplacements
pendulaires mais qu'il y ait bien - nous on est un service 24h/24h donc il faut que la
station elle tourne tout le temps. Donc effectivement on est très attentifs à ça, voilà.

C.J : Donc, par exemple des communes peuvent vous solliciter, ou comment ça se
passe pour installer une station par exemple ?

S.C : Oui, des communes peuvent nous solliciter, on peut avoir des cas particuliers
comme l'aéroport de Lyon, où là c'est vraiment la volonté de deux hommes qui a fait
que cette station a vu le jour, et qui fait l'objet d'une convention parce que c'est du
domaine privé accessible au public, alors que toutes nos stations sont sur l'espace
public. On travaille avec les services de Voirie beaucoup, on a un cabinet d'architecture
qu'on sollicite pour faire les plans, parce qu'on ne pose pas une station… avant de
poser une station il faut d’abord voir effectivement le maillage, il faut voir l'intérêt
économique de la station, il faut voir effectivement les motivations des uns et des
autres, il faut d'un point de vue technique être bien sûrs, parce qu'on perce pas des
trous dans le sol sans s'assurer de… Parce que si vous voulez, parfois, on déplace, on
ne fait pas forcément la station là où on avait décidé de la faire, parce que et bien il
faut tirer des câbles sur X mètres, donc ça fait vraiment monter le prix de la station, or
c'est un pur investissement privé donc on regarde, on est très attentifs à ça, et in fine,
vous avez aussi en dernier ressort les architectes de bâtiments de France, vous n'avez
pas de station par exemple à Lyon, quasiment aucune station j'exagère il y en a quand
même une, sur les quais de Saône et sur les quais du Rhône. (…) Si vous voulez, la
problématique c'est qu'à Lyon il y a beaucoup de monuments. Donc il y une
réglementation qui est assez stricte, y compris pour nos espaces d'inscription puisqu'on
a des espaces sous formes de cabines téléphoniques assez transparents. On a deux
espaces bulles qui ont été acceptés, qui sont à Jean Macé et à la Part Dieu (...) Voilà
tout est validé, notre matériel est validé par les architectes des bâtiments de France.
L'intérêt pour l'utilisateur c'est de ne pas marcher plus de 5-10 min pour avoir une

160
voiture. 10 min c'est déjà beaucoup. C'est la même logique que pour les Vélov,
simplement ce n’est pas la même logique d'implantation puisqu'il faut percer les trous
dans le sol, il faut avoir une alimentation électrique… Voilà.

(…) Nous, les trajets moyens sont d’une demi-heure, 8 kilomètres. Si vous partez sur
un abonnement Premium à l’année par exemple, le trajet il va vous coûter 6 euros. (...)
On n’est pas seulement dans la location de voiture, on est vraiment un service. On a un
périmètre de circulation qui est de 30 kilomètres autour de Lyon. Si vous crevez dans
ce périmètre de circulation, vous passez par le bouton d'appel qui est dans la voiture,
on va vous dépanner. (…) Les usages, on est plutôt sur des utilisateurs masculins,
entre 25 et 49 ans, je dirais. Avec évidemment les principales raisons qui ressortent
c'est celles qu'on a déjà évoquées, la possibilité de se garer facilement, de se déplacer
24h/24h, on est très complémentaire aux transports en commun, mais dès lors qu'il n'y
a plus de transports en commun, la nuit par exemple, où dès lors que c'est compliqué
de traverser tout Lyon, ou de faire des transversales, parce que vous allez avoir deux,
trois, changements, là évidemment on devient substitutif. Mais on est très
complémentaire parce que la station par exemple de Tolozan, qui est aux pieds des
pentes de la Croix-Rousse, c'est notre station number one depuis trois ans. C'est une
station qui en phase 1 était à 5 bornes de charges et on l'a passé à 7 bornes de charge,
et c'est une station qu'on réapprovisionne tous les soirs à 17h parce qu'on sait que les
Croix-Roussiens descendent en Vélov le matin et le soir remontent en Bluely, voilà.
Donc on est vraiment sur des usages tout à fait complémentaires. (…) Nos
ambassadeurs sont chargés de l’équilibrage pour que les stations ne soient jamais trop
vides ou trop pleines. Ils font de l’équilibrage en transports en commun, en trottinette,
en vélo pliant qu’ils peuvent rentrer dans les voitures. Et la nuit ou sur des zones un
peu plus excentrées, ils vont de l’équilibrage en Bluely avec une voiture-taxi. (…) Ils
ont des « PDA » qui leur donnent des tâches, puisqu’on connait en temps réel où il y a
des voitures et où il n’y en a pas. Et donc où il faut en amener en fonction de l’offre et
de la demande. (...) Le type de public qui est visé c'est du CSP+, c'est des gens qui sont
effectivement plutôt éduqués, qui ont dans l'esprit cet usage de la voiture (…) Je vais
vous donner un exemple de quartier qui fonctionne et de quartier qui fonctionne moins
bien et vous allez comprendre tout de suite : à la Croix-Rousse le service fonctionne
très bien, pourquoi ? À la Croix Rousse on a beaucoup de parisiens, d'abord, qui
connaissent donc le service, il y a une difficulté de stationner à la Croix-Rousse, on a
beaucoup de "bobos", entre guillemets, ce sont des gens qui ont déjà fait le calcul de
combien leur coûtait leur voiture. Dans le 8ème arrondissement, le service marche
moins bien. Pourquoi ? Parce qu'on est sur un quartier où la voiture, c'est encore un
statut social, où il y a des facilités de stationnement, où les gens comparent plutôt
Bluely à du transport en commun.

La suite de l’entretien a fait l’objet d’une prise de notes détaillée.

161
Christine Giraudon, directrice marketing de Lyon Parc Auto et
responsable du service d’autopartage Citiz LPA, réalisé le 10 février 2017 à
Lyon – (durée : 40 minutes) - Retranscriptions d’extraits sélectionnés
(…)

C.J : Vous travailliez déjà ici quand Citiz a commencé ? Est-ce que vous pouvez
m'expliquer un peu le moment du rachat, est-ce que vous pouvez me donner un
peu de détail sur le choix d'intégrer la flotte de l'association La Voiture
Autrement …

C.G : C'est super simple. En 2005 à peu près, François Gindre et moi on a commencé à
réfléchir au concept de l'autopartage, c'était assez novateur dans l'entreprise et ça
restait entre nous deux. En 2006, le processus s'est un peu accéléré, on est allés
rencontrés Mobility en Suisse, pour comprendre ce que c'était l'autopartage, comment
il fonctionnait et ce qu'on pouvait envisager. C'est dans le courant 2006, fin 2006,
qu'un grand groupe, formant un petit consortium, dont je ne peux toujours pas dire le
nom, nous a approché avec l'idée de créer un service en France, d'autopartage. Nous, à
cette époque-là, on travaillait déjà avec la Voiture Autrement, parce qu'ils nous avaient
sollicités pour installer des stations dans nos parcs de stationnement, ils ne pouvaient
pas payer le prix de l'abonnement, et donc on les aidait en leur offrant une tarification
peu chère en stationnement dans les parcs de stationnement. Donc on connaissait déjà
la structure, on les avait rencontrés etc. Quand on a, au printemps 2007, fait le tour
avec le consortium qui nous sollicitait, finalement on a eu une discussion super
intéressante en se disant, mais finalement, quel est l'intérêt de la Métropole, quel est
l'intérêt de l'entreprise ? On avait le choix : un grand groupe, qui voulait un
développement national dans lequel on était un petit acteur local qui faisait que
l'exploitation et l'entretien local, et puis il y avait cette association, qu'on trouvait avec
une démarche intéressante, qui était membre de France Autopartage, il me semblait
que sur le plan éthique on avait plus de proximité avec eux, certainement plus qu'avec
les partenaires de l'autre groupe. Et du coup on a contacté cette association, en leur
disant « voilà, nous, on est intéressés par le développement d'un service d'autopartage à
Lyon, en boucle, classique, on a plusieurs hypothèses : vous, vous êtes une petite
structure, vous avez 8 stations, 24 voitures », et parce qu'on connaissait bien on savait
qu'ils n'avaient pas le moindre euro devant eux pour pouvoir assurer le développement.
Et on a lancé l'idée d'une reprise de l'activité par LPA pour développer l'activité
d'autopartage à Lyon. Ça a été super bien accueilli par le bureau de l'époque, par le
Président et le bureau de l'époque, les échanges ont été intéressants et ils ont durés un
peu. Avec l'idée d'avoir des engagements, d'abord on a vérifié qu'on avait bien la
même philosophie de l'autopartage et les mêmes objectifs. Qu'on était bien en phase
sur l'idée de développer massivement l'autopartage, et en même temps pas en faire une
activité génératrice de bénéfices délirants. L'objectif c'était d'arriver à l'équilibre avec
une sécurité financière qui leur permettrait de continuer à développer les véhicules.
Nous, ça nous allait bien, parce qu'on est une SEM, on est une structure qui a

162
l'habitude de porter du déficit sur du très long terme, notre métier d'origine c'est la
concession. La concession c'est : on met des millions d'euros sur la table, et on sait
qu'on sera bénéficiaires 20 ans après, 30 ans après. Donc éthiquement ça ne nous
posait pas de problème. Donc on était assez proches, il y avait l'idée de rester membre
du réseau autopartage, d'aider au développement du réseau national, l'idée d'avoir une
approche qui était très économiquement équilibrée, c'est-à-dire qu'il faut faire payer au
consommateur le juste prix du service, sans chercher à augmenter pour faire des
bénéfices. Voilà, on était vraiment en phase sur des tas de choses. Le deuxième point
c'était qu'ils avaient un salarié en CDI, un salarié en réinsertion et une salariée en
CDD, ils étaient inquiets de l'avenir de ces salariés, donc nous on a pris l'engagement
de les intégrer, bien entendu, dans notre structure. Les discussions se sont très bien
passées, je ne sais plus si c'est au mois de juin ou au mois de septembre, on a fait une
assemblée générale de l'association au cours de laquelle on est allés présenter notre
projet, et l'association a validé le principe. Donc on a pris l'activité de l'association, on
a repris ses voitures, on a repris le personnel et on a épongé les dettes de l'association.
Voilà comment ça s'est passé, tout ça pour qu'au premier janvier 2008, ils avaient déjà
déposé le nom "Autolib" et ils avaient déjà commencé à l'utiliser, et bien le service
devienne Autolib LPA et se développe comme ça.

C.J : Et après le changement de nom pour devenir "Citiz", quelles étaient les
motivations ?

C.G : L'association La Voiture Autrement avait déposé le nom Autolib, on a donc


racheté dans l'acquisition le nom Autolib. Ça c'était en 2008. En 2008-2009 la ville de
Paris a demandé au sénateur-maire de Lyon l'autorisation d'utiliser le nom Autolib
parce qu'ils avaient déjà Vélib’ à l'époque. L'accord a été donné d'utiliser le nom
Autolib, donné à la Ville de Paris, qui l'a transmise au syndicat de Paris. À ce moment-
là, Europcar s'est réveillé en disant « mais nous, il y a longtemps, on a déposé une
marque qui s'appelle Autoliberté et il y a une trop grande proximité entre les deux,
donc soit vous rachetez la marche Autoliberté, soit vous abandonnez Autolib,
autrement on va au contentieux ». (...) Ils ont attaqué séparément LPA d'un côté, et la
ville de Paris de l'autre côté. En première instance, on a tous les deux gagné contre
Europcar, le juge de l'époque ayant dit « il n'y a pas de proximité, en tous les cas ce
n'est pas un plagiat, ce n'est pas l'utilisation frauduleuse d'une marque ». Là-dessus
Europcar est parti en appel. Il se trouve que le jugement de Paris est intervenu
beaucoup plus vite que le jugement de Lyon en appel, et Paris a perdu en appel. Nous,
on avait l'option d'arrêter et de changer de marque tout de suite. On avait l'option
d'aller jusqu'au bout pour voir qui était propriétaire de la marque. En sachant qu'en
même temps c'est une période dans laquelle le réseau France Autopartage réfléchissait
à la création d'une marche nationale qui aurait des déclinaisons locales, chaque
membre du réseau utilisant la marque Citiz avec un agrément soit territorial, soit
d'entreprise comme la nôtre. Donc ils ont proposé de créer la marque Citiz au niveau
national, que les opérateurs locaux pouvaient reprendre. Nous on en est resté là en
disant « nous, on va au bout du jugement, quelle que soit l'issue du jugement, de toute

163
façon il est probable qu'on fasse un changement de marque ». Avec deux options, soit
on prenait la marque Citiz, soit on développait notre propre marque. On a perdu le
procès en appel, et on a choisi de prendre la marque Citiz. (…)

C.J : Et aujourd'hui par rapport à la Métropole, quelles relations vous avez avec
les services mobilité de la Métropole ?

C.G : Il y a deux types de relations avec la Métropole. Il y a un premier type de


relation c'est que la Métropole est actionnaire de LPA. Donc au sein du Conseil
d'Administration, la Métropole discute avec les autres actionnaires des services de
mobilité de manière générale et donc de Citiz inévitablement. Donc ça c'est un premier
niveau, au niveau de la Métropole actionnaire. C'est elle qui décide quand même de la
stratégie, en tout cas qui valide ou pas les axes stratégiques qui sont proposés par
l'entreprise. Il y a un deuxième niveau de relation avec la Métropole, c'est au travers du
label. La Métropole a élaboré un label autopartage, label dont Citiz bénéficie, on a
rempli toutes les conditions pour en bénéficier. Et donc au travers de ce label, il y a des
réunions qui ont lieu, qu'on appelle « comités de pilotage », à peu près une fois par
trimestre. À côté de ça il y a des réunions plus régulières avec les agents de la
Métropole, des gens qui travaillent dans les services : on parle des stations, on parle
des services, on parle d'un certain nombre de choses.

C.J : Le label vous l'avez reçu quand ?

C.G : Dès le début, dès la sortie du label. Il a un peu évolué mais globalement il est
resté le même. Il me semble qu'ils ont adopté ce label suite à un décret, je me demande
si c'est pas un décret de 2005, pris par l'Etat, qui définissait le label autopartage et qui
confiait au AOT l'obligation de le mettre en œuvre localement et de les compléter.
L'AOT c'est le SYTRAL, il a délégué sa compétence à la Métropole, et c'est la
Métropole qui a pris en charge le label.

C.J : Et du coup le label il prévoyait dès le départ le fait de pouvoir avoir des
stations en surface, sur l'espace public ?

C.G : Non

C.J : Et ça, comment Citiz a obtenu cette possibilité ?

C.G : Grâce à un super concurrent qui est venu nous mâcher le travail.

C.J : Donc c'était après Bluely que vous avez pu commencer à avoir … ?

C.G : Non, non, c'était en 2011. En février 2011 je crois, il y a un service concurrent à
Citiz qui est arrivé à Lyon qui s'appelait Car2Go, c'était des petites Smarts, en flee-
floating intégral. Le service a fermé le 3 ou 4 juin 2011, donc il est resté en

164
exploitation pendant 4 mois. Ils n'avaient pas besoin de stations eux, Car2Go, mais ils
avaient besoin - dans un certain nombre de quartiers où le stationnement est tellement
sous pression qu'il est impossible - que la collectivité fasse des emplacements réservés
aux voitures d'autopartage. Donc il y a eu cette première démarche où ils ont eu
besoin, je crois qu'ils y avaient une vingtaine d'espaces dans Lyon et la Part-Dieu, avec
4, 5, 6 places réservées aux véhicules d'autopartage, pas que Car2Go, parce que l'arrêté
du Maire ne peut pas viser qu'une entreprise. Et parallèlement, pour avoir le droit de
s'installer à Lyon, ils ont négocié avec la Ville de Lyon, un tarif d'occupation du
domaine public, parce que leurs 100 voitures occupaient 100 places de stationnement
et ils ne savaient pas payer le stationnement pour les voitures, donc ils ont discuté avec
la collectivité. Forts de cette expérience-là, et bien LPA on a frappé à la porte de la
collectivité en disant « donc, il est tout à fait possible d'avoir des autorisations
occupation du domaine public ». Et ce qu'il se passait c'est que l'AOT [Autorisation
d'occupation temporaire du domaine public], on va rentrer dans des détails un peu
juridiques, elle aurait dû nous être donnée par la Métropole dès le départ, sauf que la
ville considérait que c'était une autorisation de stationnement et pas une autorisation de
voirie, donc la ville disait "c'est nous", et il y avait en place dans les services de la
ville, une personne qui était farouchement frileux et pas très favorable au projet Citiz,
on va le dire comme ça. Et le service juridique de la ville de Lyon était accroché. Sauf
qu'on a finit par démontrer que ce n'était pas une permission de stationnement mais
bien une permission de voirie, parce qu'on avait un ancrage sur le domaine public. Et
là on est passé au niveau de la Métropole, Métropole qui se réjouissait d'accueillir
Car2Go. Donc il a été extrêmement facile à partir de là de négocier la création de onze
stations sur voirie à la fin de l'année 2011, à l'automne 2011 on a lancé 11 stations sur
voirie.

C.J : Et avant cela, est-ce que vous aviez déjà fait des demandes d'autorisation
d'occupation du domaine public

C.G : Nombreuses et multiples, qui avaient toutes échoué. Alors, on en fait une
première officielle, on se fait jeter, et puis après on essaye d'utiliser tous les leviers. Et
ça ne marchait pas, il y avait vraiment une opposition.

C.J : Ok, donc c'est un peu la voie qui a été ouverte par…

C.G : Car2Go nous a permis d'avoir une vraie visibilité du service. On y serait arrivés
je pense avec Bluely. Mais c'était compliqué.

C.J : Comment pour Citiz ça a été perçu l'arrivée de Bluely ? Est-ce que vous
considérez ça comme un concurrent ou est-ce que comme ce n'est pas les mêmes
types d'autopartage vous …

165
C.G : Il y a deux approches là-dessus : sur est-ce que Bluely est un concurrent de Citiz,
on n’avait pas peur parce qu'on savait qu'on n’était pas sur les mêmes niveaux de
clientèle. Bluely ne le savait pas, mais nous on le savait. Parce qu'on connaît quand
même bien la structure de notre clientèle, et qu'on n’avait quand même pas mal bossé
avec Nova7 pour être capable de bien connaître notre position. Donc en termes de
marché, on savait qu'on n’était pas sur les mêmes segments. Ou que ça se chevauchait,
ça se recoupait, mais pas de manière vraiment très prégnante. Après il y a eu une autre
approche qui a été de dire : quel a été le soutien de la Métropole à Citiz et à Bluely ?
(…) Il y avait cette difficulté où la Métropole ne portait pas Citiz, du tout. Il n'y avait
jamais eu de communication sur Citiz, il n'y avait jamais rien. Là dessus Bolloré
arrive. Bolloré avec un système au moins de stations en stations, en one-way, qui n’est
pas du free-floating mais qui a le mérite de faire des petits trajets en ville. Bolloré
arrive avec beaucoup de voitures, développe de l'énergie électrique, amène une
visibilité dans les médias qui est extraordinaire : devinez ce qui va se passer ? La
Métropole va porter le projet Bluely, évidemment. Et on ne va pas le reprocher aux
élus, les élus ils veulent de la notoriété, ils veulent qu'on parle de la ville, Bolloré
arrive après Paris c'est Lyon, évidemment on soutient Bluely. Donc nous on a eu,
l'entreprise a eu un sentiment d'injustice profond. (…) Nous on avait mit de l'argent
pour un système de mobilité vertueux, qui ramait pour trouver de la clientèle. Et, arrive
un service qui est concurrent aux TC, concurrent aux taxis, concurrent aux Vélo’v,
avec des distances qui sont extrêmement courtes. Et là, on ne parle plus que d'eux. Ils
ont eu des ponts d'or sur la voirie, ils sont eu … on a vraiment eu un sentiment de deux
vitesses, c'était… ça s'est atténué, les responsabilités ont évolué au niveau de la
Métropole sur un plan politique et du coup les messages passent mieux. Et il y a quand
même plus de soutien de la part de la Métropole par rapport à Citiz.C'est-à-dire qu'ils
parlent un peu souvent de Citiz et quand ils en parlent, ils en parlent correctement. (…)

C.J : D'ailleurs, j'ai vu récemment un communiqué de presse de Bluely, et eux ils


mettent en avant « l'initiative de la Métropole », ils disent « à l'initiative de la
Métropole, nous développons… »

C.G : C'est faux. (…) C'est-à-dire que quand Bolloré a débarqué, il lui fallait beaucoup
de moyens pour installer ses stations et il a très bien compris, et il a été brillant là
dessus, que la façon de faire porter son service, qui est 100% privé, par les
collectivités, c'était d'avoir une communication proactive, qui laisse à penser que c'était
les collectivités qui étaient allées chercher Bolloré et que c'était presque un service
public développé par les collectivités. Et là dessus Bolloré est absolument génial, enfin
ses équipes sont géniales en termes de positionnement, en termes de stratégie c'est
génial.

C.J : J'avais un dernier point à aborder avec vous, c'était par rapport un peu aux
nouvelles plateformes numériques qui font de l'autopartage entre particuliers, ou
même sur le stationnement je suppose que vous avez un peu le même genre de

166
problématique, savoir comment vous à Lyon vous traitiez ça, comment vous vous
positionnez là dessus…

C'est le début de quelque chose, certainement. Peu de gens sont capables d'être
suffisamment visionnaires pour savoir dans quel sens ça va aller. Moi je pense que tout
dépend de l'ambition des uns et des autres, entre guillemets. Mon sentiment c'est qu'il y
a certainement, dans une mobilité future, de la place pour tous les modes. Il y a de la
place pour le free floating, il y a de la place pour du one-way, en tous les cas en
électrique. Il y a de la place pour de la boucle, la boucle étant nécessaire pour que les
deux autres se développent. Et la boucle elle peut se faire soit par une entreprise
comme nous qui se charge du service, soit elle peut se faire par du particulier. Parce
que l'autopartage en peer-to-peer365, c'est bien de la boucle qui se fait. Mon sentiment
c'est que le peer-to-peer ne se développera pas en zone urbaine dense. En revanche je
pense qu'il faudra que les collectivités, directement, indirectement, je ne sais pas
encore, trouvent une solution pour aider les plateformes en peer-to-peer à se
développer dans le périurbain, périrural ou le rural même. D'une manière ou d'une
autre il faut qu'on arrive à encourager, parce que personne, aucune entreprise ne pourra
aller investir dans le développement de l'autopartage là-bas, même en périphérie c'est
dur, alors en rural je ne vous explique même pas, c'est carrément mission impossible.
Ça peut être mission possible si les collectivités le financent. Et elles ont deux
solutions à ce moment-là : ça peut être de financer l'installation d'un service, ou ça peut
être une contribution à des nouvelles formes qu'on imagine pas vraiment : Grenoble a
un peu ouvert ça avec "Ma Chère Auto". Ils ont un service Citiz, avec un service très
classique, et ils ont lancé une action l'an dernier qui s'appelle "Ma Chère Auto", qui
permet entre guillemets de racheter des véhicules à des particuliers et d'entrer ces
véhicules dans les flottes d'autopartage. Alors ce n’est peut-être pas par le rachat que
ça passera, mais je pense qu'il y a des formes hybrides qui peuvent venir demain, et qui
seront un peu à la croisée des chemins entre du Citiz, du Trip'n'Drive, du peer-to-peer
vraiment intégral, un peu un mélange de tout cela.

C.J : Est-ce qu'aujourd'hui vous avez l'impression que ça fait une concurrence à
votre service, est-ce que, comment…

C.G : Je ne crois pas du tout. Non, je ne pense pas que ça fasse de l'ombre au service,
vraiment. Je pense que les concepts sur lesquels sont les constructeurs automobiles
avec la propriété partagée d'une voiture sont des concepts beaucoup plus dangereux
pour une entreprise comme LPA que l'autopartage de particulier à particulier. (...)

C.J : Est-ce que vous avez en tête éventuellement des personnes à rencontrer dans
le domaine de l'autopartage ?

365
Pair à pair ou entre particuliers

167
C.G : (…) Je pense que c'est intéressant que vous ayez un contact avec Jean-Baptiste
Schmider, c'est France Autopartage. Il est directeur de Citiz Alsace, et il est en même
temps gérant du réseau Citiz qui nous unit tous. Je pense que ce serait intéressant
d'avoir Jean-Baptiste, parce que lui il a une autre histoire de l'autopartage à Strasbourg.
Ce qui vous permettrait d'avoir deux facettes si vous comparez Lyon avec autre chose.
À Strasbourg, Strasbourg a toujours porté l'autopartage. Les collectivités ont financé
l'autopartage. Et au moment où Bolloré est venu frappé à la porte de Strasbourg, la
Métropole a travaillé, enfin en tous les cas a prévenu Citiz et Citiz a développé un
service de flee-floating, avec la bénédiction de la Métropole, ce qui fait que Bolloré ne
s'est jamais installé à Strasbourg. Il faut peut-être avoir cet éclairage là qui peut être
intéressant. Strasbourg c'est la plus ancienne des coopératives. (…)

168
Annexe 5 – Sources écrites

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170
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Discours

172
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