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DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX,


DU PACS ET DU CONCUBINAGE
LMD COURS

U
2018 Collection dirigée par Bernard BEIGNIER

DROIT DES RÉGIMES


Le droit de la famille, au plein sens du terme, ce n’est pas seulement le droit des
personnes (couple et enfants) mais aussi celui du patrimoine. Celui-ci se subdivise,

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX,


traditionnellement, en droit des régimes matrimoniaux et en droit des successions
et libéralités.
Mais le mariage n’est plus le seul mode de vie en couple. Il faut compter avec le pacte
MATRIMONIAUX,

DU PACS ET DU CONCUBINAGE
civil de solidarité (PACS) sans oublier que nombre de couples vivent, simplement, en
concubinage. Se restreindre aux seuls régimes matrimoniaux reviendrait à omettre,

DU PACS
quasiment, la moitié des familles.

O
En outre, à l’heure où les frontières ne sont plus guère (du moins en Europe) que
des traits sur une carte, il est nécessaire d’avoir une vue, même sommaire, du droit

ET DU CONCUBINAGE
régissant les couples comportant un élément international.
Ce droit va donc en se diversifiant et en se complexifiant. Il n’en est que plus riche et
plus passionnant aussi. C’est le droit de la vie ordinaire.

C
Cette législation a la réputation d’être un droit « chiffré » qui ne se comprend que par
la maîtrise de cette technique parfois rude qu’est la liquidation. Raison pour laquelle • Droit interne • Droit international privé
l’ouvrage comporte de nombreux exercices d’initiation allant du plus simple au plus
complet. Le but étant, principalement, que tout étudiant sache lire et comprendre
• Cours & schémas
une liquidation en bonne et due forme. • Exercices progressifs de liquidation
Bernard BEIGNIER est professeur des Universités, Institut de droit privé EA-1920,

B. BEIGNIER
S. TORRICELLI-CHRIFI
doyen honoraire de la Faculté de droit et de science politique de l’Université Toulouse
1 Capitole. Il est actuellement recteur de l’Académie d’Aix-Marseille et recteur de la
région académique Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Bernard BEIGNIER
Sarah TORRICELLI-CHRIFI est maître de conférences à l’Université Toulouse 1
Capitole, Institut de droit privé EA-1920. Sarah TORRICELLI-CHRIFI

LMD
Édition 2018

COURS
www.lextenso-editions.fr
ISBN 978-2-275-06062-0 35 € & TD
COURS - droit des regimes matrimoniaux - 6e ed-Dos 19 mm.indd 1 22/08/2018 10:39
2e exercice
Cas pratique
Jacques et Isabelle se sont mariés en 1992 sous le régime de la séparation de biens.
Isabelle travaille dans un cabinet de consultation en qualité de juriste international et
Jacques a une entreprise de bâtiment. Tous les deux adorent « chiner » et ont rempli
leur maison, rue Voltaire, à Rouen, d’une grande quantité de meubles anciens de valeur.
Depuis peu, la situation financière du couple s’est dégradée. Jacques a de moins en moins
de commande et Isabelle s’est fait licencier. Pour faire face à ces difficultés, Jacques,
profitant de l’absence de son épouse, décide de contacter un antiquaire et de lui vendre
certains meubles. Finalement, l’antiquaire repartira de chez Jacques avec une commode
Louis XVI achetée trois ans auparavant par le couple à Saint-Ouen. Apprenant la vente de
cette commode, Isabelle vous consulte pour savoir ce qu’elle peut faire. De plus, Isabelle
s’est aperçue que son époux avait profité de son absence pour aller vendre au même anti-
quaire un vase dont elle avait hérité et auquel elle était très attachée. Trois mois après
cette affaire, Isabelle est totalement désemparée. Elle a appris que pour faire face à ses
nombreuses dettes, Jacques avait contracté seul un emprunt important. N’acquittant pas
les mensualités, il a reçu un avis de saisie sur sa maison rue Voltaire. Isabelle voudrait
savoir si elle peut s’opposer à cette opération.

Proposition de corrigé
Jacques et Isabelle se sont mariés en 1992 sous le régime de la séparation de biens.
Cette information nous permet de savoir qu’ils ont conclu un contrat de mariage préala-
blement à leur union. Il pourrait être intéressant de se le faire communiquer afin de voir
détailler leurs volontés patrimoniales. Outre les dispositions de ce contrat qui s’appli-
quent à leurs relations patrimoniales, les époux sont soumis aux règles énoncées aux
articles 1387, 1536 et suivants du Code civil. Enfin, comme tout couple marié, le régime
primaire, d’ordre public, prévu aux articles 212 à 226 s’impose à eux car il est un effet
direct du mariage.
Isabelle et Jacques exercent la profession de leur choix. L’article 223 du Code civil vient
nous rappeler qu’ils ont en ce domaine toute latitude puisque la loi leur confère le droit
de choisir librement, et sans l’accord de l’autre, une profession. Incidemment on remar-
quera que le fait d’empêcher son conjoint d’embrasser la profession de son choix est
constitutif d’une faute pouvant conduire au prononcé d’un divorce pour faute aux torts
exclusifs de son auteur (Cass. 2e civ., 22 juin 1994, pourvoi no 92-21941). Cette solution
est dans la droite ligne de l’esprit contemporain des régimes matrimoniaux. En effet,
l’autonomie financière de chaque époux n’est que le corollaire du principe de liberté
dans le choix de sa profession.
Il nous est indiqué qu’ils possèdent une maison rue Voltaire dans laquelle ils
demeurent. Dans ce cas, cet immeuble doit recevoir la qualification de logement de
famille, car il s’agit du logement principal des époux, tel qu’il résulte de l’article 215
alinéa 3 du Code civil. Il importe de soulever que cette notion est une notion factuelle,
laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond. Nul doute ici que la maison rue

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DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE

Voltaire répond parfaitement aux critères du logement de famille, en ce sens qu’elle


constitue le logement où vivent effectivement les époux.
En présence du logement de famille, les droits des époux sur ce bien se trouvent très
strictement encadrés. Ainsi aux termes de l’article 215 alinéa 3 du Code civil : « Les
époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le loge-
ment de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a
pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité
lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans
pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est
dissous ». Nous remarquons alors que le législateur a souhaité protéger tant le loge-
ment familial que les meubles meublants, contre certains types d’actes graves. Cette
sécurité ainsi assurée au logement de famille ne fait que découler naturellement de
l’alinéa 1er de ce même article qui oblige les époux à une communauté de vie. En effet,
cette dernière obligation impose aux époux de vivre ensemble une vie de couple et afin
que celle-ci se déroule sereinement il convient alors d’en protéger le nid. C’est ainsi que
l’alinéa 3 vient imposer des restrictions de pouvoir sur ce bien particulier qu’est le loge-
ment de famille.
Le couple va devoir faire face aux difficultés de la vie et se retrouve confronté à des
problèmes financiers qui vont conduire Jacques à vendre différents objets afin d’obtenir
des liquidités.

1. La vente du vase chez l’antiquaire


Ce vase est la propriété d’Isabelle. À ce titre, c’est un bien qui lui est personnel, et elle a
donc seule le droit d’en disposer librement, il s’agit d’une gestion exclusive (art. 225
et 1536 C. civ.). Pierre qui a vendu ce bien, n’avait aucun pouvoir pour réaliser valable-
ment cet acte, sauf à démontrer qu’il avait reçu mandat de son épouse en ce sens
(art. 1539 C. civ.), ce qui n’était pas le cas d’espèce. De même, le mandat tacite ne
serait pas d’un grand secours à Jacques pour justifier son acte. En effet, à supposer
l’existence d’un mandat tacite, Jacques n’aurait eu alors que des pouvoirs d’administra-
tion et de gestion sur le vase mais en aucune façon il aurait acquis un droit de disposer
de ce bien.
La vente du bien paraît a priori nulle. À défaut de règles justificatives dans le régime de
séparation de biens et dans le contrat de mariage, il convient alors de vérifier si une
disposition du régime primaire ne trouverait pas à s’appliquer.
En l’espèce, le bien vendu est un meuble. Et l’on sait que l’article 222 du Code civil pose
une présomption de pouvoir en matière mobilière. Cette présomption de pouvoir repose
sur quatre conditions cumulatives dont il importe de vérifier la présence :
– l’époux doit se présenter seul, ce qui était le cas d’espèce puisque Jacques s’est
rendu seul auprès de l’antiquaire ;
– cet époux doit détenir individuellement le bien, il s’agit d’une simple détention maté-
rielle, une appréhension matérielle du meuble corporel, comme celle de porter à la
main le vase. Cette seconde condition paraît également remplie, Jacques ayant détenu
en main propre ce bien ;

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Exercices d’apprentissage

– il doit s’agir d’un meuble, ce qui était le cas en l’espèce puisque Jacques a vendu un
vase ;
– enfin, le tiers doit être de bonne foi. Celle-ci est présumée en droit civil.
Les conditions énoncées par l’article 222 alinéa 1er du Code civil semblent réunies. Dès
lors, la présomption mobilière peut déployer ses effets, Jacques est présumé avoir eu
pouvoir de vendre le vase. Rappelons que la présomption mobilière a pour objectif de
protéger les tiers tout en favorisant la sécurité juridique des transactions.
Or l’article 222 dispose dans son second alinéa que pareille présomption ne peut jouer
pour les meubles meublants visés à l’article 215 alinéa 3, c’est-à-dire ceux disposés
dans le logement de famille. Nous avons déjà eu l’occasion de préciser que la maison
où se situait le vase était le logement de famille. Il convient alors de s’interroger sur la
qualification du vase. Est-ce un meuble meublant ? Un vase est sans nul doute un
meuble par nature au sens de l’article 528 du Code civil. De plus ce meuble peut rece-
voir la qualification de meuble meublant, énoncée à l’article 534 du Code civil, car un
vase peut être considéré comme un meuble destiné à l’ornement des appartements.
En conséquence, le vase doit recevoir la qualification de meuble meublant. S’agissant
de meubles meublants le logement de la famille, ils se trouvent être protégés contre
les actes de disposition, en application de l’article 215 alinéa 3 du Code civil. A priori,
Isabelle pourrait faire annuler l’acte de disposition passé par Jacques, puisque celui-ci
a agi sans son consentement alors même que cet article impose une cogestion pour
les actes de disposition concernant les meubles meublants. Son action en nullité étant
également conditionnée par le délai très court de forclusion d’un an à compter de la
connaissance de l’acte, sans jamais pouvoir dépasser un an après la dissolution du
régime matrimonial.
Or par le déplacement du vase, Jacques ne lui a-t-il pas fait perdre sa qualification de
meuble meublant ? En effet, Jacques en sortant le vase du logement de famille, lui fait
perdre cette qualité, car dès lors le vase ne meuble plus le logement de famille. Il appa-
raît que ce sont les tiers qui sont ici protégés et non les époux entre eux. Ainsi, le
meuble ayant perdu sa qualité de meuble meublant le logement de famille, par sa
sortie de ce logement, perd au même instant la protection énoncée à l’article 215
alinéa 3 du Code civil. En effet, le vase ne garnit plus le logement familial. Il convient
alors de revenir aux dispositions de l’article 222 alinéa 1er.
La présomption mobilière trouve alors pleinement à s’appliquer. Jacques était présumé
avoir pouvoir de vendre le vase d’Isabelle. Nous remarquons ainsi que par le jeu de la
présomption mobilière, Jacques était présumé aux yeux des tiers avoir pouvoir pour
vendre le vase alors que dans le même temps dans le rapport entre les deux époux,
Jacques n’avait aucun pouvoir de vendre.
Comme la volonté du législateur est de favoriser les transactions mobilières, il importe
de faire primer la présomption et de considérer que Jacques avait fictivement pouvoir de
vendre un vase qui appartenait à Isabelle, sans son accord. À retenir une solution diffé-
rente, c’est l’économie même de l’article 222 du Code civil qui se trouverait en péril. Ce
qui n’empêchera pas cette dernière d’obtenir réparation de son préjudice, au besoin par
le biais d’une créance entre époux, qu’elle demandera lors de la liquidation de la
communauté.

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DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE

2. La commode Louis XVI


La commode a été achetée par le couple durant le mariage. Il s’agit d’un bien indivis, en
application de l’article 1538 du Code civil. Aucune règle propre au régime de la sépara-
tion de biens, ne vient préciser la gestion de ces biens. Ainsi, il convient de se référer
aux dispositions qui gouvernent l’indivision.
Tout d’abord, les époux ont pu préciser, dans leur contrat de mariage, les modalités de
gestion des biens indivis. Dans pareille hypothèse, il conviendra de donner pleine appli-
cation à la loi des parties (art. 815-1 C. civ.). À défaut de précision en ce sens, nous
considérerons que le contrat de mariage est muet sur ce point. Dès lors, il convient de
donner effet aux règles de l’indivision légale. Malgré les modifications apportées, par la
loi du 23 juin 2006 relative aux successions, le principe demeure que pour les actes de
disposition, l’accord de tous les indivisaires est requis (art. 815, al. 3, C. civ.). La vente de
la commode est un acte de disposition qui, à ce titre, requiert l’accord de tous les indi-
visaires soit en l’espèce l’accord d’Isabelle et de Jacques. Le consentement d’Isabelle
faisant défaut, la vente est a priori nulle (art. 815-16 C. civ.).
Néanmoins, il convient de vérifier si le régime primaire, régime d’ordre public, peut
venir atténuer cette solution car, ici encore, le bien vendu est un meuble. La présomp-
tion mobilière énoncée à l’article 222, alinéa 1er du Code civil, semble pouvoir jouer
puisque les conditions énoncées en son premier alinéa sont réunies : Jacques s’est
présenté seul, il détenait individuellement un bien meuble et le tiers était a priori de
bonne foi au moment de l’acte de vente. Cette solution pourrait être nuancée si nous
considérions que, de par sa qualité de professionnel, l’antiquaire a un devoir d’informa-
tion et de conseil qui aurait dû le conduire à s’interroger sur la propriété du bien. Les
juges apprécient souverainement la mauvaise foi du tiers au moment de l’acte de
vente. Par conséquent, de par le jeu de la présomption mobilière, la vente est en prin-
cipe valable.
Or l’alinéa 2 de ce même article effectue un renvoi à l’article 215 alinéa 3 du Code civil
s’agissant des meubles meublants. En vertu des articles 534 et 215 du Code civil, la
commode doit recevoir la qualification de meuble meublant le logement de famille,
puisque situé dans leur maison rue Voltaire. Dès lors, l’article 222 alinéa 1er du Code
civil, devient inapplicable. La présomption mobilière s’efface au profit de la protection
du logement de famille et de ses meubles meublants. L’article 215 alinéa 3 du Code
civil soumet à la cogestion les actes de disposition qui portent tant sur le logement de
famille que sur les meubles meublants ce logement. La vente d’un tel bien nécessite
l’accord des deux époux. La vente de cette commode, meuble meublant le logement de
famille, est dès lors annulable pour défaut de pouvoir de Jacques. Il s’agit d’une nullité
relative que pourra demander Isabelle. Il importe de souligner que l’action en nullité lui
est ouverte dans l’année à partir du jour où elle a eu connaissance de l’acte, sans
pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est
dissous (art. 215, al. 3, C. civ.).
Pour comprendre la différence des solutions apportées à la vente du vase et à celle de
la commode, tous deux meubles meublants, il convient d’insister sur le fait que, dans le
1er cas, c’est Jacques qui s’est rendu chez l’antiquaire, tandis que dans le second cas, le
professionnel s’est rendu au domicile conjugal des époux. Il ne pouvait donc légitime-
ment ignorer qu’il s’agissait d’un meuble meublant garnissant le logement de famille.

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Exercices d’apprentissage

3. L’emprunt important contracté par Jacques


Le banquier peut-il intenter une action contre Isabelle si Jacques se révélait insolvable ?
A priori, seul l’époux qui a contracté est engagé envers la banque. Ici, seul Jacques
semble pouvoir être actionné par la banque, en raison des liens contractuels qui les
unissent.
Le moyen pour la banque d’attraire Isabelle dans le contentieux serait d’utiliser les
règles de l’obligation à la dette ménagère. En effet, en présence d’un contentieux entre
un époux et un tiers, c’est le rapport d’obligation à la dette qu’il convient d’analyser.
Pour ce faire, il importe de se référer à l’article 220 du Code civil, relatif à l’obligation à
la dette, faute pour les époux d’avoir précisé ce point dans leur contrat de mariage et en
l’absence de règles spécifiques à leur régime. L’analyse de l’article 220 du Code civil doit
débuter impérativement par celle de la notion de dette ménagère. L’article 220
alinéa 1er du Code civil en pose la définition, il s’agit de la dette qui vise à l’entretien du
ménage ou à l’éducation des enfants. Il est désormais de jurisprudence constante que
c’est sur le créancier que repose la charge de la preuve de l’existence d’une dette
ménagère. Ainsi reviendra-t-il au banquier de prouver que le prêt consenti à Jacques
avait pour objet soit l’entretien du ménage soit l’éducation des enfants. La convention
de prêt porte peut-être mention précise de l’objet du prêt. En l’espèce, rien n’est vérita-
blement précisé quant à l’objet ménager de ce prêt. En conséquence, si l’objet du prêt
ne vise ni l’entretien du ménage, ni l’éducation des enfants, la solidarité énoncée à
l’article 220 alinéa 1er ne jouera pas.
A contrario, si la dette a un caractère ménager, la solidarité pourra déployer ses effets.
C’est ainsi qu’un nouveau rapport de droit va se créer entre la banque et Isabelle qui,
pourtant, n’avait signé aucun contrat. Il s’agit d’un rapport d’obligation sécrété par la loi
et non par l’application d’un contrat. Dans cette dernière hypothèse, la banque pourra
alors demander aux deux époux de payer la dette voire seulement à Isabelle, qui paraît
plus solvable que son mari. Celle-ci pourra alors être condamnée à payer la totalité de
la dette, à charge pour elle ensuite de se retourner contre son mari par une action en
contribution aux charges du mariage (art. 214 C. civ.). Néanmoins, elle pourra peut-être
échapper à ce mécanisme redoutable, la solidarité, si elle prouve qu’une exception au
principe de solidarité trouve à s’appliquer.
La première exception, au principe de solidarité aux dettes ménagères, figure dans
l’alinéa 2 de ce même article. Ce dernier pose un faisceau d’indices mis à la disposition
du juge afin de vérifier si la dette est manifestement excessive et ce au regard du train
de vie du ménage, à l’utilité ou l’inutilité de la dépense, à la bonne ou mauvaise foi du
tiers contractant. À défaut de précision sur l’objet de la dette et son montant, il apparaît
difficile d’user de ce fondement pour renseigner Isabelle.
La seconde exception, au principe de solidarité aux dettes ménagères, est énoncée à
l’alinéa 3 de ce même article 220, lequel dispose : « Elle n’a pas lieu non plus (la solida-
rité), s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempé-
rament ni pour les emprunts ». Le principe apparaît comme limpide, pour que l’emprunt
engendre la solidarité, il importe qu’il ait été conclu par les deux époux quand bien
même l’objet serait ménager. Il s’agit ici, d’une limitation de pouvoir importante au
regard de l’alinéa 1er qui énonçait que chaque époux peut contracter seul une dette

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DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE

ménagère, et qui s’explique par la dangerosité d’emprunts consentis facilement à un


époux sans le consentement de l’autre. Mais cette exception s’accompagne d’une
nouvelle exception : « à moins que ces derniers (les emprunts) ne portent sur des
sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante ». Ainsi, même si un
époux vient à contracter un emprunt sans l’accord de l’autre, cet emprunt qui aurait un
objet ménager permettrait de faire jouer la solidarité. Isabelle devrait alors rembourser
l’emprunt dans sa totalité, si la banque venait à le lui demander. Pour autant, cet
emprunt doit porter sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie
courante. Dans l’esprit du législateur, cette disposition était insérée afin de permettre
aux couples mariés de contracter de petits emprunts et éviter des fins de mois difficiles.
En l’espèce, il nous est précisé que l’emprunt est important. À ce titre, il ne peut rece-
voir la qualification de modeste. Dès lors les sommes empruntées n’étant pas
modestes, la solidarité ne joue plus. Isabelle ne sera pas tenue de régler l’emprunt
auquel elle n’a pas donné son consentement.

4. La saisie de la maison
Jacques a reçu un avis de saisie sur cette maison, conséquence logique d’une condam-
nation au bénéfice de la banque, qui n’a pu obtenir le remboursement de l’emprunt. Le
bien étant indivis, la banque peut envisager une exécution forcée sur une partie de ce
bien. Mais le bien constitue le logement de famille qui est protégé par l’article 215
alinéa 3 du Code civil contre tout acte de disposition d’un époux. La difficulté est de
déterminer si la saisie entre dans les actes interdits par l’article 215 alinéa 3 du Code
civil ? Cette disposition vise les actes de disposition volontaires et délibérés qui émane-
raient d’un époux. Or, la saisie est une voie d’exécution par laquelle une personne (le
créancier) fait mettre sous main de justice un ou plusieurs biens d’une autre personne
(le débiteur) afin de garantir le paiement de sa dette : la saisie n’est donc pas un acte de
disposition volontaire de la part d’un époux. C’est en l’espèce la banque qui est à l’ori-
gine de l’acte de saisie, constituant un acte de disposition contre le logement de famille.
L’article 215 alinéa 3 du Code civil n’a pas pour vocation de créer une insaisissabilité du
logement de famille. Il semble de jurisprudence constante que, sauf l’hypothèse d’une
fraude de Jacques1, « la banque pourra saisir le logement de famille »2. L’article 215
alinéa 3 du Code civil est alors inopérant pour protéger ce logement. La banque peut
donc poursuivre la saisie du bien, saisie qui constitue la conséquence légale de l’inexé-
cution de l’obligation de payer.

1. Cass. 1re civ., 21 juin 1978 : Bull. civ. I, no 237, no 77-10330, D. 1979, 478, note Y. Chartier.
2. Cass. 2e civ., 6 juill. 2000, no 98-23424 ; Cass. 1re civ., 21 mai 1997 : Bull. civ. I, no 163, no 95-14102 ; Cass. 1re civ., 4 juill. 1978, :
Bull. civ. I. no 256, no 76-15253.

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plus passionnant aussi. C’est le droit de la vie ordinaire.

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Cette législation a la réputation d’être un droit « chiffré » qui ne se comprend que par
la maîtrise de cette technique parfois rude qu’est la liquidation. Raison pour laquelle • Droit interne • Droit international privé
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