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La racine trilitere n'est donc pas le seuil minimal du sens, et s'avere reductible
à une base biconsonantique rendue trilitere grace à un segment crement ou
affixe. Ceci peut avoir un effet sur notre conception du lexique arabe, desormais
reorganisable autour des bases biliteres soit abstraites (les traits phonetiques),
soit concretes (les etymons primitifs), qui sont à leur tour transformables en
radicaux triliteres grace à une liste prealable de crements et affixes specifiant la
signification primordiale vehiculee par la base bilitere.
Les grammairiens arabes postulent que la racine se définit par un ordre stable
et récurrent d’un nombre de consonnes supérieur ou égal à trois, qui constituent
le seuil minimal du sens.
Certains grammairiens arabes font exception à cette règle : Al Ḫalîl (m. 791),
Ibn Jinnî (m. 1002), et Ibn Fâris (m.1004).
Al-Ḫalîl a découvert, avant Ibn Jinnî, la grande faiblesse du lien entre l’ordre
des consonnes dans la racine, et son sens. Il fut le premier à pratiquer la
permutation des consonnes dans la racine dans son dictionnaire Al &ayn: son
travail était purement formel, et n’intégrait pas l’aspect sémantique.
Ibn Fâris, quant à lui, avec son dictionnaire Maqâyîs al-lugah, s’est fortement
intéressé aux questions sémantiques. Il a découvert à l’instar d’Ibn Jinnî, qu’il
existe derrière les différentes formes d’une racine donnée une «racine
sémantique» invariable, c’est-à-dire une signification primordiale générique
invariable.
➔ Il faut signaler ici une différence essentielle entre les deux approches:
pour Ibn Jinnî, la signification primordiale commune est rattachée à différentes
permutations des consonnes au sein d’une racine donnée, alors que pour Ibn
Fâris cette signification générique invariable transcende les différentes formes
(nominale ou verbale, simple ou augmentée) d’une racine donnée.
Lors de son explication de la racine bilitère √zl, Ibn Fâris a fait une remarque
très importante ; il note que «le zây et le lâm forment une racine invariable et
récurrente dans le cas de la racine géminée (de type CjCiCi) ainsi que dans tous
les cas où l’on trouve un zây suivi d’un lâm dans le trilitère. Cela est une
propriété extraordinaire de cette racine.» (Ibn Fâris, Maqâyîs, Vol. III, p. 4). ( (زل
الزاء واللم أصل ر
وهذا من عجيب هذا. وكذلك في كل زاء بعدها لم في الثلثي،مطرد منقاس في المضا فعف
مادة زل، مقاييس اللغة، ابن فارس.الصل.
Ibn Fâris consacre au sujet de la métathèse (al-qalb) dans son Al-SâHibiy (p.
208) un chapitre très bref en citant deux exemples de [jaba@] et [ja@ab] (tirer,
extraire) et de [bakal] et [labak] (mélanger). Ce Phénomène fait , selon lui, partie
des pratiques langagières des Arabes et n’est régi par aucune règle. En effet, il
considère les mots qui présentent cette propriété non pas comme des
réalisations possibles de la même racine, comme le fait Ibn Jinnî, mais tient l’une
pour authentique, et les autres pour des corruptions. Par exemple, dans le
Maqâyîs, nous lisons sous l’entrée jb@ : « le j, le b et le @ ne constituent pas
une racine, car il s’agit d’un mot à l’envers. On dit “jaba@tu a$-$ay?” (J’ai tiré
quelque chose) dans le sens de “ja@abtuhu” (je l’ai tirée) ». (Ibn Faris, Maqâyîs,
Vol. I, p. 501).
De son côté, en supprimant la restriction de l’ordre des consonnes dans la
racine, tout en surveillant son effet sur le sens, Ibn Jinnî atteint un degré
d’abstraction plus élevé que celui atteint par ses contemporains, y compris Ibn
Fâris, et ses prédécesseurs.
Ibn Jinnî considère que toutes les occurrences possibles d’une racine sont
toutes authentiques et acceptables, car selon lui, l’ordre ne fait pas partie du
niveau abstrait de la racine, mais seulement les consonnes sans ordre
prédéterminé.
Ibn Jinnî place sa nouvelle théorie à un niveau plus abstrait que la dérivation
qui conserve l’ordre des consonnes dans la racine, et la nomme en
conséquence la «macro-dérivation» (al-i$tiqâq al-?akbar). La macro-dérivation
prend en considération tous les agencements possibles d’un nombre donné de
consonnes. ( voir texte 1)
- Les combinaisons possibles de (k, l, m), à savoir klm, kml, mkl, mlk, lkm et lmk
tournent communément autour de l’idée de force et vigueur.
- Les combinaisons possibles de (q, w, l), à savoir qwl, qlw, wql, wlq, lqw, et lwq
tournent communément autour de l’idée de rapidité et légèreté.
- Toutes les combinaisons de (j, /b/, r) ont quelque chose à voir avec l’idée de
force et vigueur.
- Les racines qsw, qws, wqs, wsq, et swq tournent autour de l’idée de force et
rassemblement.
- Les racines sml, slm, msl, mls, lms, et lsm tournent autour de l’idée de douceur
et d’extension.
Conclusion:
➔ Voilà donc deux parmi les premières quêtes intuitives d’un niveau plus
abstrait que la racine sur le plan formel comme sur le plan sémantique. Deux
quêtes dont les résultats, malgré leur importance dans l’histoire de la lexicologie
arabe, restent limités, car leurs auteurs n’ont pas osé aller jusqu’au bout de leurs
réflexions. Ibn Jinnî et Ibn Fâris restent de la sorte prisonniers de la conception
trilitariste de la racine, quoique le premier semble affranchi de la doxa de l’ordre
des consonnes au sein de la racine à laquelle le dernier s’attache encore
fermement. Bien qu’elle soit appliquée à un nombre de racine réduit, la
contribution de la macro-dérivation a été de montrer que le changement de
l’ordre des consonnes dans la racine permettait d’arriver à une signification
primordiale commune à toutes les permutations existantes.
Exemples:
➔- n/l : ex. : [hatan]/[hatal] (faire tomber des averses), [rafal]/[rafan]
(marcher fastueusement, en se balançant ou en agitant les bras),
[daHil]/[daHin] (Ventru, qui a le ventre grand et pendant), [rahdal]/
[rahdan] (imbécile, sot) ;
➔ Conclusion:
Face à ces instabilités, tant sur le plan syntagmatique (l’ordre des
consonnes) que sur le plan paradigmatique (les variantes), le concept de
la racine trilitère s’avère inefficace face au besoin d’atteindre le seuil
minimal et ultime, autant sur le niveau paradigmatique que sur le plan
syntagmatique. Le concept de racine trilitère, qui fige artificiellement
certains processus dynamiques de la langue (réversibilité et allophonie),
ne nous semble donc pas rendre compte de toute la complexité des
relations entre sémantique et morphologie.
Ces inspirations nocturnes dont Al-$idyâq prétend que «personne avant moi
ne leur a tendu le bras pour les tirer au clair ni n’en a clarifié les sens difficiles qui
ont échappé aux maîtres de ce savoir-faire comme aux diffuseurs de cette
marchandise même si, comparé à eux, je suis le moins savant et inférieur à eux
en matière de compréhension. Ce n’est qu’un secret qui m’a été révélé par le
Créateur lors d’une nuit difficile où l’âme désespérait du dénouement et espérait
se joindre à ceux qui sont partis. C’est pour cette raison que j’ai nommé ce traité
«sirr al layâl fî l-qalb wa -l-?ibdâl» (La révélation nocturne au sujet de la mutation
et de la permutation)», n’étaient en réalité que le plagiat des idées d’Ernest
Renan (1823-1892) parues dans «Histoire Générale et Système Comparé dans
Langues Sémitiques», en 1855.
Dans cet ouvrage, Renan s’aperçoit en effet que «les racines trilitères elles-
mêmes ne sont pas le dernier degré auquel il soit donné d’atteindre», (Renan,
1855, p. 85) et qu’il existe dans le lexique des fausses racines trilitères telles que
les racines défectueuses et géminées qui ne sont trilitères que par fiction
grammaticale (ibid., p. 86).
Face à des données telles que la relation entre, par exemple, le couple {fr} et
l’idée de séparation: farâ (couper), farama (couper en petits morceaux), faraDa
(tailler), faraSa (couper, fendre en deux), faraca (crever), farada (isoler), faraza
(séparer), faraqa (séparer), faraja (fendre, pourfendre), et entre le couple {qT} et
l’idée de couper: qaTTa (couper), qaTaba (couper, partager), qaTa&a (couper),
qaTafa (cueillir), qaTala (couper, retrancher), qatama (couper, retrancher), etc.,
Renan remarque que «Parmi (les) trois radicales, en effet, il en est presque
toujours une plus faible que les autres et qui paraît tenir moins essentiellement
au fond de la signification. » (id. p. 87).
Dans Bohas (Bohas, 2000, p. 26), on lit que Renan a été mis par son
professeur M. Le Hir en contact avec les textes de Gesenius et Kautzsch, des
textes dont la traduction se trouve dans (Bohas, 2000, p. 23-26). Gesenius
(1786-1842) y formule un nombre de remarques très importantes quant aux
éléments primitifs de la langue hébraïque et à leur développement, et parvient à
dégager une base primitive consonantique monosyllabique qu’il nomme radix
primaria bilitaris. (ibid. p. 23).Essayons de résumer le contenu de ces textes
dans les éléments suivants :
Les racines triliteres qui se trouvent formees à l'issu de ce procede sont, par
exemple: laffa (envelopper) + fam (bouche) = lafama (s'envelopper le visage)
bâlun (esprit) + laddun (obstacle, tout ce qui empêche ou gêne les mouvements)
= baluda (être stupide)
Leguest conclut son essai en affirmant que les éléments primitifs de la langue
arabe sont formés d'une consonne forte et d'une consonne faible. Ces unités ont
ensuite servi à la formation des racines sourdes (géminées), concaves,
défectueuses et bilitères qui à leur tour se sont agglutinées pour donner des
racines triliteres. Il est cependant manifeste, d'apres les exemples donnes par
Leguest lui-même, que cette analyse de la composition est fort artificielle, et loin
donc de refléter la simplicité et la parcimonie qui caractérisent les procédés des
formations des unités lexicales.
Les déterminatifs sont donc soit des liquides /m/, /n/, /l/, /r/, des gutturales, des
sifflantes /$/, /s/,des dentales /t/,/d/, et comme des post-déterminatifs, des
labiales /b/ et /p/ et moins fréquemment le /d/ et le /q/. Les gutturales, les liquides
(sonnantes), les semi-voyelles et la dentale /t/ sont rencontrées comme des
infixes.
Les trilitères sont donc classifiables selon Hurwitz (op. cit. p. 70-71) en six
classes :
- réfléchis directs avec le préfixe ou infixe t. Ex.:[tabana] (être intelligent, fin rusé)
lié à [bâna] (être lucide), [rata&a] (se repaître) lié à [ra&â] (paître), [katama]
(cacher) lié à [kamma] (envelopper);
- réfléchis indirects avec /n/ préfixé ou infixé. Ex.:[najiza] (arriver à son terme, à
sa fin, être fini) lié à [jazza] (couper), [na@ula] (être vil, bas) lié à [@alla]
(s’avilir).I.
Dans les taxèmes autonomes, T sert à représenter une limite atteinte : cf.
Hatta « jusqu’à ce que ». On le retrouve dans kay-ta « ainsi ».
5.Préfixe -n non vocalisé (d’où hamza, vocalisé en i), passif, ?inhazama « il fut
mis en déroute » (hazama « il repoussa »).
C’est sur ce point que la remarque sur la hiérarchisation interne, qui remonte
à Renan, joue à plein. La série batara «il coupa la queue», (in)bata?a «il fut
séparé», bataka «il retrancha», batala «il sépara une partie de son tout»
(Bohas1999 : 367) permet de poser un élément suffisant bata-, c’est-à-dire une
racine biconsonantique [b.t], qui produirait un sens commun de «couper »,
auquel sont ajoutées les consonnes -r., -?., -k., -l. pour diverses sémantisations.
Cette racine, nous la trouvons réduite à elle-même, simplement voilée par la
gémination de la deuxième radicale: batta «il coupa court». Pour d’autres, [m.?]
«eau», [f.m] «bouche», [d.m] «sang», [b.n] (réalisé ?ibn par effet de la contrainte
de hamza initial, cf.page17) «fils», etc. ; le biconsonantisme est évident.
Prenons un exemple plus vaste: kabata «il musela, ré-prima», kabaHa «il mit
un frein», kabada «il affligea», kabura «il s’accrut», kabira «il vieillit», kabasa «il
assiégea», kaba$a «il cramponna», kibl «entrave», kabala «il entrava», kabana
«il ourla», kabā «il fit un faux pas» (ā < aw, cf. kabwat «erreur »), et avec
allongement d’une voyelle kābada « il endura» , kābara « il résista », avec
gémination de consonne kabba « il renversa », ?akabba « il s’adonna »,
kabbada « il culmina », (ta)kabbara « il s’enorgueillit ». À défaut pour le moment
d’une analyse plus fine, une première intuition nous permet de découvrir dans
tous ces programmes de sens quelque chose de commun, qui a peut-être à voir
avec k.b + r, de kabīr « grand » et kubr « gloire ».
l’étude de Hurwitz (1913 : 55-60), reprise par Saguer et Bohas (1999 : 382-
383) dégage six premières radicales, N, T, S, H,?, M, qui peuvent être préfixes
tout comme schématiseurs, étant nettement utilisées par ailleurs comme préfixes
dans la dérivation.
1.La gémination, qui, comme nous venons de le voir, peut servir à résoudre
une identité consonantique, est aussi par elle-même une modalité. Comme le
prouve l’itération, qui la brise, elle doit bien être interprétée comme une double
consonne, un surmodéliseur à l’identique, rendu impossible par la contrainte:
4. Par croisement:
Exemples d'analyse:
( jaxxa – jaxjaxa): les formes suivantes montrent que l'étymon [xj] est réversible.
(jaxxa); L'étymon [ jx ] est développé par diffusion de la dernière consonne.
( jaxjaxa); L'étymon [ jx ] est développé par redoublement .
Cet etymon est developpe par incrementation mediane d'un ( l ) dans la forme
( jalaxa) j[l]x; violer une fille et est developpe par incrementation finale d'un ( r )
dans la forme jaxara [jx]r; épouser une femme.
Dans (najaxa) n[jx], l'etymon [jx] est developpe par incrementation initial d'un n
sans valeur sémantique.
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nataHa – natara – nataSa – natafa – nataqa – nataka ; tous ces verbes ont en
commun le noyau sémique « tirer » et la séquence initiale [ nt ]. Dans nataHa ,
l'etymon [ nt ] est developpe avec incrementation finale de H, le n qui figure au
début de la forme nataHa fait partie de l'étymon et le H est un crément final; [nt]H
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nabaSa ; n[bS] le n est un préfixe plus que le verbe manifeste le sens du moyen
gagner sa vie et celle de sa famille dont n est le préfixe qui exprime le moyen.