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La quête du seuil minimal du sens dans

la pensée linguistique arabe classique


I/ La quête d’un niveau plus abstrait que la racine chez les
grammairiens arabes classiques:
Les grammairiens arabes ont abouti à poser la racine trilitere comme etant ce
seuil ultime et inanalysable. Ce choix a ete fait malgre tous les signes
d'instabilite que comporte ce concept - tels que son incapacite à expliquer la
reversibilite de l'ordre des consonnes et leur variation phonetique
independamment du sens. C'est un choix synchronique anhistorique qui exclut la
notion de temps, et emane d'une conception revelationniste (tawqif) du langage.

Au XIXe siecle, l'evolutionnisme darwiniste, etendu à la philologie, met à mal


cette conception figee de la racine. En integrant la notion de temps, nombre
d'Orientalistes, suivis par quelques philologues arabes de l'epoque, ont montre à
travers une approche comparative que la racine trilitere est une forme evoluee
d'une base primitive bilitere (ou monosyllabique). Depuis, plusieurs explications
ont ete proposees pour la formation de la racine trilitere à partir d'une base
bilitere (croisement, incrementation, affixation).

Certains linguistes comme Hurwitz ont essaye d'identifier et de systematiser


par deduction les elements ternaires et leurs valeurs semantiques. Dans le cadre
de la theorie des matrices et des etymons, la racine trilitere est analysable en
termes d'etymons biliteres et de crements, ou affixes. Les elements affixables ou
incrementables à la base sont phonetiquement les memes (gutturales, sonantes,
labiales, nasales) et correles souvent aux memes valeurs grammaticales (factitif,
statif, moyen) ou semantiques (l'intensif). La troisieme position de la racine est la
position privilegiee dans ce processus d'affixation/incrementation.

La racine trilitere n'est donc pas le seuil minimal du sens, et s'avere reductible
à une base biconsonantique rendue trilitere grace à un segment crement ou
affixe. Ceci peut avoir un effet sur notre conception du lexique arabe, desormais
reorganisable autour des bases biliteres soit abstraites (les traits phonetiques),
soit concretes (les etymons primitifs), qui sont à leur tour transformables en
radicaux triliteres grace à une liste prealable de crements et affixes specifiant la
signification primordiale vehiculee par la base bilitere.

Les grammairiens arabes postulent que la racine se définit par un ordre stable
et récurrent d’un nombre de consonnes supérieur ou égal à trois, qui constituent
le seuil minimal du sens.
Certains grammairiens arabes font exception à cette règle : Al Ḫalîl (m. 791),
Ibn Jinnî (m. 1002), et Ibn Fâris (m.1004).
Al-Ḫalîl a découvert, avant Ibn Jinnî, la grande faiblesse du lien entre l’ordre
des consonnes dans la racine, et son sens. Il fut le premier à pratiquer la
permutation des consonnes dans la racine dans son dictionnaire Al &ayn: son
travail était purement formel, et n’intégrait pas l’aspect sémantique.

Dans le premier chapitre d’Al-Ḫaṣâ’iṣ, Ibn Jinnî (m. en 1002) révèle le


caractère réversible des consonnes dans la racine: le sens ne dépend pas de
l’ordre des consonnes.

Ibn Fâris, quant à lui, avec son dictionnaire Maqâyîs al-lugah, s’est fortement
intéressé aux questions sémantiques. Il a découvert à l’instar d’Ibn Jinnî, qu’il
existe derrière les différentes formes d’une racine donnée une «racine
sémantique» invariable, c’est-à-dire une signification primordiale générique
invariable.

➔ Il faut signaler ici une différence essentielle entre les deux approches:
pour Ibn Jinnî, la signification primordiale commune est rattachée à différentes
permutations des consonnes au sein d’une racine donnée, alors que pour Ibn
Fâris cette signification générique invariable transcende les différentes formes
(nominale ou verbale, simple ou augmentée) d’une racine donnée.

Lors de son explication de la racine bilitère √zl, Ibn Fâris a fait une remarque
très importante ; il note que «le zây et le lâm forment une racine invariable et
récurrente dans le cas de la racine géminée (de type CjCiCi) ainsi que dans tous
les cas où l’on trouve un zây suivi d’un lâm dans le trilitère. Cela est une
propriété extraordinaire de cette racine.» (Ibn Fâris, Maqâyîs, Vol. III, p. 4). ( (‫زل‬
‫الزاء واللم أصل ر‬
‫ وهذا من عجيب هذا‬.‫ وكذلك في كل زاء بعدها لم في الثلثي‬،‫مطرد منقاس في المضا فعف‬
‫ مادة زل‬،‫ مقاييس اللغة‬،‫ ابن فارس‬.‫الصل‬.

Ibn Fâris consacre au sujet de la métathèse (al-qalb) dans son Al-SâHibiy (p.
208) un chapitre très bref en citant deux exemples de [jaba@] et [ja@ab] (tirer,
extraire) et de [bakal] et [labak] (mélanger). Ce Phénomène fait , selon lui, partie
des pratiques langagières des Arabes et n’est régi par aucune règle. En effet, il
considère les mots qui présentent cette propriété non pas comme des
réalisations possibles de la même racine, comme le fait Ibn Jinnî, mais tient l’une
pour authentique, et les autres pour des corruptions. Par exemple, dans le
Maqâyîs, nous lisons sous l’entrée jb@ : « le j, le b et le @ ne constituent pas
une racine, car il s’agit d’un mot à l’envers. On dit “jaba@tu a$-$ay?” (J’ai tiré
quelque chose) dans le sens de “ja@abtuhu” (je l’ai tirée) ». (Ibn Faris, Maqâyîs,
Vol. I, p. 501).
De son côté, en supprimant la restriction de l’ordre des consonnes dans la
racine, tout en surveillant son effet sur le sens, Ibn Jinnî atteint un degré
d’abstraction plus élevé que celui atteint par ses contemporains, y compris Ibn
Fâris, et ses prédécesseurs.

Ibn Jinnî considère que toutes les occurrences possibles d’une racine sont
toutes authentiques et acceptables, car selon lui, l’ordre ne fait pas partie du
niveau abstrait de la racine, mais seulement les consonnes sans ordre
prédéterminé.

Ibn Jinnî place sa nouvelle théorie à un niveau plus abstrait que la dérivation
qui conserve l’ordre des consonnes dans la racine, et la nomme en
conséquence la «macro-dérivation» (al-i$tiqâq al-?akbar). La macro-dérivation
prend en considération tous les agencements possibles d’un nombre donné de
consonnes. ( voir texte 1)

➔ Données extraites du chapitre consacré par l’auteur d’Al-XaSâ?iS à la


mise en œuvre de cette pratique tout à fait innovante :

- Les combinaisons possibles de (k, l, m), à savoir klm, kml, mkl, mlk, lkm et lmk
tournent communément autour de l’idée de force et vigueur.

- Les combinaisons possibles de (q, w, l), à savoir qwl, qlw, wql, wlq, lqw, et lwq
tournent communément autour de l’idée de rapidité et légèreté.

- Toutes les combinaisons de (j, /b/, r) ont quelque chose à voir avec l’idée de
force et vigueur.

- Les racines qsw, qws, wqs, wsq, et swq tournent autour de l’idée de force et
rassemblement.

- Les racines sml, slm, msl, mls, lms, et lsm tournent autour de l’idée de douceur
et d’extension.

- Pour Ibn Jinnî, il s’agit en effet «d’extraire la signification commune de toutes


les permutations d’une racine» (Versteegh, 1985, p. 45).

Conclusion:
➔ Voilà donc deux parmi les premières quêtes intuitives d’un niveau plus
abstrait que la racine sur le plan formel comme sur le plan sémantique. Deux
quêtes dont les résultats, malgré leur importance dans l’histoire de la lexicologie
arabe, restent limités, car leurs auteurs n’ont pas osé aller jusqu’au bout de leurs
réflexions. Ibn Jinnî et Ibn Fâris restent de la sorte prisonniers de la conception
trilitariste de la racine, quoique le premier semble affranchi de la doxa de l’ordre
des consonnes au sein de la racine à laquelle le dernier s’attache encore
fermement. Bien qu’elle soit appliquée à un nombre de racine réduit, la
contribution de la macro-dérivation a été de montrer que le changement de
l’ordre des consonnes dans la racine permettait d’arriver à une signification
primordiale commune à toutes les permutations existantes.

L’instabilité de la notion de racine au niveau paradigmatique


Sur un axe paradigmatique, la question de la relativité de la notion de racine a
été abordée depuis les premières décennies de la réflexion linguistique arabe.
Sous les rubriques d’al-i$tiqâq al-kabîr (l’hyperdérivation, la «grande étymologie»
selon Versteegh), al-?ibdâl (la mutation, la substitution), al-mu&âqabah
(l’alternance), al-qalb (permutation), al-naZâ?ir (les variantes, les analogues) ou
al-muHawwal (métamorphosé), etc.

Ce phénomène, qui consiste en une alternance entre deux ou plusieurs


consonnes phonétiquement proches dans la même position de la racine, sans
effet sur le sens. Les explications données par les grammairiens arabes, quand
ils en donnent, sont de type phonologique (ressemblance phonétique forte entre
les consonnes permutées) ou relevant des variations dialectales entre les
différentes tribus arabes ou encore simplement (et vaguement) des
«caractéristiques de la langue arabe en général». Ibn Jinnî, attentif au côté
sémantique de la question, explique l’alternance des deux consonnes proches
dans la même position de la racine par des nuances sémantiques:
«qaDama/XaDama: le XaDm (croquer) désigne le fait de manger des choses
fraîches comme le melon et les concombres et ce qui est du même type
nourriture fraîche. Alors que le qaDm (grignoter) est spécifique aux (objets) durs
et secs». (Al-XaSâ?iS, Vol. II, p. 157). Pour ce dernier, il ne s’agit donc pas d’une
alternance libre, mais d’une nuance phonétique exprimant une nuance
sémantique. Le premier ouvrage consacré à établir la liste des variantes dans le
lexique de l’arabe est celui d’Ibn Al-sikkît (802-858), Kitâb al-qalb wa-l-?ibdâl
dont la source principale est Al-ASma&î (m. en 831). Dans ce livre, Ibn Al-sikkît
recense les allophones dans le lexique de l’arabe: trente-sept allophonies sont
explicables par la ressemblance phonétique entre les consonnes permutables et
cinq restent inexplicables.

Exemples:
➔- n/l : ex. : [hatan]/[hatal] (faire tomber des averses), [rafal]/[rafan]
(marcher fastueusement, en se balançant ou en agitant les bras),
[daHil]/[daHin] (Ventru, qui a le ventre grand et pendant), [rahdal]/
[rahdan] (imbécile, sot) ;

➔- b/m : [?arbad]/[armad] (gris), [&a$ima]/[&a$iba] (devenir sec,


aride, séché), [rimâ?]/[ribâ] (intérêt, usure) ;
➔- m/n ; [gâma]/[gâna] (avoir soif), [?ajama]/[?ajana] (se gâter),
[maxaja]/[naxaja] (agiter)

➔- &/H : [Daba&]/ [DabaH] (hennir), [&afDâj]/ [HafDâj] (être gros),


[ba&cara]/[baHcara] (disperser) ;

➔- h/? : [hayr]/[?ayr] (vent du sud), [?araqa]/[haraq] (verser) ;

➔- h/H : [madaHa]/[madaha] (louer), [kadah]/[kadaH] (se casser),


[qaHala]/[qahala](être sec), [Haba$a]/[haba$a] (ramasser) ;

➔ . Les allophonies rares sont :

➔- m/w ex. : [ma$aja]/[wa$aja] (mêler) ;

➔- l/h ex. : [$âkala]/[$âkaha] (ressembler) ;

➔- k/H ex. : [safaka]/[safaHa] (renverser) ;

➔- b/d ex. [Saluba]/[Saluda] (être dur) ;

➔- r/m ex. : [qaHura]/[qaHuma] (devenir vieux).

La théorie de la ressemblance phonétique perd sa puissance explicative dans


le livre d’Abû Al-Tayyib Al-Lugawî (m. en 962), intitulé Kitâb al-?abdâl (ou al-?
ibdâl?) (Traité des variantes) qui n’est qu’une très longue liste de variantes. Dans
ce traité, il est possible de trouver des allophones qui n’ont aucune
ressemblance phonétique les uns avec les autres. Ex: j/H :[Harafa]/[jarafa]
(enlever, emporter), [?aHamma]/[?ajamma] (être en chaleur), etc.

➔ Conclusion:
Face à ces instabilités, tant sur le plan syntagmatique (l’ordre des
consonnes) que sur le plan paradigmatique (les variantes), le concept de
la racine trilitère s’avère inefficace face au besoin d’atteindre le seuil
minimal et ultime, autant sur le niveau paradigmatique que sur le plan
syntagmatique. Le concept de racine trilitère, qui fige artificiellement
certains processus dynamiques de la langue (réversibilité et allophonie),
ne nous semble donc pas rendre compte de toute la complexité des
relations entre sémantique et morphologie.

II/ La contribution des philologues arabes et des orientalistes aux 19ème


et 20ème siècles:
En 1868, à l’époque de la NahDa, AHmad Fâris Al-$idyâq (1804-1887), a publié
un traité intitulé «sirr al-layâl fî l-qalb wa-l-?ibdâl» dans lequel il reprend le
phénomène de la permutation lexicale. Il postule que les racines bilitères
géminée de type CjCiCi seraient sont d’origine mimophonique et note qu’elles se
rattachent souvent à la notion de «frapper, couper»: ces racines
monosyllabiques imiteraient le son que produit le coup. La racine défectueuse
n'est que l’écho de la racine géminée d’origine onomatopéique: « Il convient de
considérer la racine défectueuse comme l’écho de la géminée, car elle la
reproduit et lui ressemble » (id. p. 5). (Ex.: Tabba/Tâba (être bon), Darra/Dâra
(nuire), etc.)

La forme géminée CCiCi La forme augmentée Sens


zamma zamaja remplir
kadda kadaHa faire tous ses efforts
manna manaHa donner, offrir très peu de choses
rabba raba&, rabada séjourner
jamma jama&a rassembler
habba haba@a se dépêcher
falla fala@a couper
zalla zalaqa glisser
rajja rajafa se trembler
Damma Damada panser
salla salaba, salata tirer, extirper

« …considérons aussi les mots gamma, gamata, gamada, gamara, gamasa,


gamaSa, gamaDa, gamaTa, gamqa, gamala, gamana et gamâ qui sont tous
rattachés, avec des nuances, à la notion d’enveloppement et couverture. Et
aussi falla, iftalata, falaja, falaHa, falaxa, fala@a, fala&a falaga falaqa, iftalama et
falâ qui désignent tous le sens de couper. Ainsi sauras-tu que ce procédé ne
relève pas du hasard.» (Al-$idyâq, 1868, p. 26).

Ces inspirations nocturnes dont Al-$idyâq prétend que «personne avant moi
ne leur a tendu le bras pour les tirer au clair ni n’en a clarifié les sens difficiles qui
ont échappé aux maîtres de ce savoir-faire comme aux diffuseurs de cette
marchandise même si, comparé à eux, je suis le moins savant et inférieur à eux
en matière de compréhension. Ce n’est qu’un secret qui m’a été révélé par le
Créateur lors d’une nuit difficile où l’âme désespérait du dénouement et espérait
se joindre à ceux qui sont partis. C’est pour cette raison que j’ai nommé ce traité
«sirr al layâl fî l-qalb wa -l-?ibdâl» (La révélation nocturne au sujet de la mutation
et de la permutation)», n’étaient en réalité que le plagiat des idées d’Ernest
Renan (1823-1892) parues dans «Histoire Générale et Système Comparé dans
Langues Sémitiques», en 1855.

Dans cet ouvrage, Renan s’aperçoit en effet que «les racines trilitères elles-
mêmes ne sont pas le dernier degré auquel il soit donné d’atteindre», (Renan,
1855, p. 85) et qu’il existe dans le lexique des fausses racines trilitères telles que
les racines défectueuses et géminées qui ne sont trilitères que par fiction
grammaticale (ibid., p. 86).

Face à des données telles que la relation entre, par exemple, le couple {fr} et
l’idée de séparation: farâ (couper), farama (couper en petits morceaux), faraDa
(tailler), faraSa (couper, fendre en deux), faraca (crever), farada (isoler), faraza
(séparer), faraqa (séparer), faraja (fendre, pourfendre), et entre le couple {qT} et
l’idée de couper: qaTTa (couper), qaTaba (couper, partager), qaTa&a (couper),
qaTafa (cueillir), qaTala (couper, retrancher), qatama (couper, retrancher), etc.,
Renan remarque que «Parmi (les) trois radicales, en effet, il en est presque
toujours une plus faible que les autres et qui paraît tenir moins essentiellement
au fond de la signification. » (id. p. 87).

Plusieurs autres philologues arabes de la Nahda, modernes voire


contemporains ont adhéré à la théorie bilitariste de Renan. Nous pouvons citer
Jorge (ou Jirjî) Zaydan

Une révélation qui a amené Renan à s’attaquer explicitement à la notion de


racine trilitère: «Les verbes qui se montrent constamment sous la forme trilitère
ne sont pas, pour cela, inattaquables à l’analyse. » (id. p. 85-86). La racine
sémitique se présente ainsi comme étant composée de deux lettres radicales,
«auxquelles s’est ajoutée plus tard une troisième, qui ne fait que modifier par
des nuances le sens principal, parfois même ne sert qu’à compléter le nombre
ternaire. » (id. p. 87).

Les éléments primitifs et irréductibles des langues sémitiques seraient alors,


non pas des formes trilitères, mais plutôt des formes monosyllabiques bilitères
attachées à une signification qui constituent un fond de signification commun à
des groupes entiers de radicaux trilitères qui complètent la primitive
phonosémantique «de mille manières, selon la nuance qu’il s’agit d’exprimer»
(id. p. 87).

Dans Bohas (Bohas, 2000, p. 26), on lit que Renan a été mis par son
professeur M. Le Hir en contact avec les textes de Gesenius et Kautzsch, des
textes dont la traduction se trouve dans (Bohas, 2000, p. 23-26). Gesenius
(1786-1842) y formule un nombre de remarques très importantes quant aux
éléments primitifs de la langue hébraïque et à leur développement, et parvient à
dégager une base primitive consonantique monosyllabique qu’il nomme radix
primaria bilitaris. (ibid. p. 23).Essayons de résumer le contenu de ces textes
dans les éléments suivants :

Un an après son apparition, l’hypothèse de Renan sur l’origine monosyllabique


(et onomatopéique) des langues sémitiques et sur la compositionnalité des
formes trilitères, incite aussi l’Abbé Leguest à publier un traité intitulé «Essai sur
la Formation et la Décomposition des Racines Arabes» (1856). Dans ce traité,
Leguest illustre par des exemples du lexique arabe la théorie de Silvestre de
Sacy à qui il semblait «que les grammairiens ou lexicographes arabes aient cru
reconnaître que les racines trilitères sont composées de deux parties, dont la
première, formée des deux premières radicales, exprime une idée générale, et la
seconde (qui n’est peut-être que la contraction d’une autre racine bilitère)
restreint cette idée générale et la modifie». (S. de Sacy cité par Leguest, 1856,
p. 1-2). Leguest affirme n’avoir connu les observations des deux grammairiens
BayDâwî ( 12??- 1286) et MuTarrizî (1144-1213) et celles de S. de Sacy
«qu’après avoir déjà formulé les lois de mon système étymologique». (id., p. 3).

Les lois de composition et de décomposition des racines trilitères selon


Leguest se résument dans la suppression en tout ou en partie des quatre lettres
faibles /?/, /h/, /w/, et /y/ dans les mots juxtaposés. (id., p. 4). En voici quelques
exemples de formation des racines bilitères concaves selon Leguest (id. p. 16 et
p. 18) :Tawâ (fin) + hallat (pluie) = Tallun (pluie fine).ra?â (voir, penser) +?uss
(fondement, racine) = ra?s (la tête qui le principe, le siège de la pensée)En ce
qui concerne les racines trilitères qui ne comprennent que des consonnes fortes,
elles sont composées, selon Leguest, de «deux racines bilitères, concaves ou
défectueuses ou de deux mots apparentés, mais rapprochés de manière à ce
que la lettre forte qui termine la première racine soit précisément la lettre forte
qui commence l’autre», de sorte que si l’on a une racine trilitère BCD, BC sera le
premier élément de formation et CD le second: BC+CD > BCD

Les racines triliteres qui se trouvent formees à l'issu de ce procede sont, par
exemple: laffa (envelopper) + fam (bouche) = lafama (s'envelopper le visage)

lamma (atteindre, toucher) + massa (toucher) = lamasa (toucher, palper)

bâlun (esprit) + laddun (obstacle, tout ce qui empêche ou gêne les mouvements)
= baluda (être stupide)

Leguest conclut son essai en affirmant que les éléments primitifs de la langue
arabe sont formés d'une consonne forte et d'une consonne faible. Ces unités ont
ensuite servi à la formation des racines sourdes (géminées), concaves,
défectueuses et bilitères qui à leur tour se sont agglutinées pour donner des
racines triliteres. Il est cependant manifeste, d'apres les exemples donnes par
Leguest lui-même, que cette analyse de la composition est fort artificielle, et loin
donc de refléter la simplicité et la parcimonie qui caractérisent les procédés des
formations des unités lexicales.

Hurwitz s’est également attaché à prouver l’existence de la racine bilitère à


travers l’étude des formes trilitères dénominatives dans le lexique sémitique.
Dans ce cadre, il a fait référence à l’étude menée par Caspari (1896-1898)
«Grammar of the Arabic language» (traduite de l’allemand, annotée et
augmentée par Wright, (1896, 3e éd.)) dans laquelle il a démontré que des
formes trilitères dénominatives telles que [tajaha], [taxama], [tasi&a], [talada],
etc., sont issues, en passant par un processus d’assimilation, respectivement de
la forme F. VIII des formes suivantes: [wajaha], [waxama], [wasi&a], [walada]. Ce
phénomène d’assimilation du -t- réfléchi explique aussi des formes telles
[taxa@a] et [tajara] qui seraient formées suite à l’assimilation de la forme F. VIII
de [?axa@] et [?ajara].

Partant de l’hypothèse de la formation des quadrilitères à partir des trilitères et


des trilitères à partir des bilitères, Hurwitz commence par l’étude de la
morphologie des quadrilitères avant de passer aux trilitères, car selon lui les
segments rajoutés aux trilitères pour former des quadrilitères doivent être les
mêmes que ceux rajoutés aux bilitères pour former des trilitères.

Les déterminatifs sont donc soit des liquides /m/, /n/, /l/, /r/, des gutturales, des
sifflantes /$/, /s/,des dentales /t/,/d/, et comme des post-déterminatifs, des
labiales /b/ et /p/ et moins fréquemment le /d/ et le /q/. Les gutturales, les liquides
(sonnantes), les semi-voyelles et la dentale /t/ sont rencontrées comme des
infixes.

Les trilitères sont donc classifiables selon Hurwitz (op. cit. p. 70-71) en six
classes :

Les radicaux réfléchis :

- réfléchis directs avec le préfixe ou infixe t. Ex.:[tabana] (être intelligent, fin rusé)
lié à [bâna] (être lucide), [rata&a] (se repaître) lié à [ra&â] (paître), [katama]
(cacher) lié à [kamma] (envelopper);

- réfléchis indirects avec /n/ préfixé ou infixé. Ex.:[najiza] (arriver à son terme, à
sa fin, être fini) lié à [jazza] (couper), [na@ula] (être vil, bas) lié à [@alla]
(s’avilir).I.

Le système taxémique T / N: La dentale sourde orale T représente


l’obstacle dur, la dentale sonore nasale N une image de volumes intérieurs qui
peuvent devenir extérieurs diathétiquement. Cette opposition se reproduit en
sémitique où elle joue un rôle majeur dans la taxémique, c’est-à-dire dans la
motivation topologique des préfixes et suffixes.

Dans les taxèmes autonomes, T sert à représenter une limite atteinte : cf.
Hatta « jusqu’à ce que ». On le retrouve dans kay-ta « ainsi ».

Dans la thématisation du verbe, la butée contre l’obstacle génère, sur


mouvement actantiel ou syntaxique, la représentation d’un effet réflexe. D’où :

1.Préfixe t-vocalisé en a + gémination du modéliseur, effet réfléchi-moyen :


accompli ta-kassara « il se brisa » (kasara « il brisa ») ;

2.Préfixe t- vocalisé en a + vocalisation décroissante ā + a, réfléchi, passif,


réciproque, simulation : accompli : ta-sāqata « il s’effondra sur » (saqata « il
tomba »), ta-tāba&a « il entra dans la file » (tabi&a « il suivit »), ta-ǧāhala « il fit
l’ignorant », (ǧahila « il ignora ») ;

3.Préfixe t- et métathèse du schématiseur (d’où nécessité de hamza soutenant


une voyelle initiale), vocalisation résultante en second rang : réfléchi-passif,
moyen, réciproque :accompli ’iǧ-tama‘a « il se réunit » (ǧama‘a « il réunit »), ?ik-
t-ataba « il s’inscrivit » (kataba « il écrivit »), ?is-t-abaqa « il disputa une
course» ; avec vocalisation u du hamza + u + i à l’accompli, et vocalisation u du
préfixe personnel à l’inaccompli, forme passive : ?uftu&ila « il fut fait », yu-f-ta&-
alu « il est fait » (fa&ala « il fit ») ;

4. Préfixe t- étayé représentationnellement par s (?is-ta-) + vocalisation


croissante 0 + a, inverseur du causatif « il considéra comme » : ?is-ta-fhama « il
interrogea » (?afhama « il fit comprendre »), ?is-ta-wzara « il nomma ministre »
(wazīr, « ministre »). Mais intériorité de N peut aboutir au même résultat sans
qu’il y ait besoin d’effet réflexe :

5.Préfixe -n non vocalisé (d’où hamza, vocalisé en i), passif, ?inhazama « il fut
mis en déroute » (hazama « il repoussa »).

Tout tient, en domaine sémitique, à la critique de la racine trilitère,


construction ancienne des grammairiens arabes, à laquelle la description
fonctionnelle de la langue a été sou-mise sans doute indûment. E.Renan (1855):
« On est ainsi amené à se représenter chaque racine sémitique comme
essentiellement composée de deux lettres radicales, auxquelles s’est ajoutée
plus tard une troisième, qui ne fait que modifier par des nuances le sens
principal, parfois même ne sert qu’à compléter le nombre ternaire » (cité par
Bohas 1999 : 364)
— Binarité du schème : schématiseur et modéliseurs

La tradition régnante, après et contre Renan, a dû pourtant reconnaître


l’exception bilitérale pour 37 occurrences radicales. Pour certaines [?.X] «frère»,
[?.b] «père», on pourrait même poser un monolitéralisme, la dualité
consonantique n’étant due qu’à la contrainte d’occlusion glottale initiale (cf. page
17) 1. Mais pour l’immense majorité, la thèse générale pose l’implication de trois
consonnes.

C’est sur ce point que la remarque sur la hiérarchisation interne, qui remonte
à Renan, joue à plein. La série batara «il coupa la queue», (in)bata?a «il fut
séparé», bataka «il retrancha», batala «il sépara une partie de son tout»
(Bohas1999 : 367) permet de poser un élément suffisant bata-, c’est-à-dire une
racine biconsonantique [b.t], qui produirait un sens commun de «couper »,
auquel sont ajoutées les consonnes -r., -?., -k., -l. pour diverses sémantisations.
Cette racine, nous la trouvons réduite à elle-même, simplement voilée par la
gémination de la deuxième radicale: batta «il coupa court». Pour d’autres, [m.?]
«eau», [f.m] «bouche», [d.m] «sang», [b.n] (réalisé ?ibn par effet de la contrainte
de hamza initial, cf.page17) «fils», etc. ; le biconsonantisme est évident.

Prenons un exemple plus vaste: kabata «il musela, ré-prima», kabaHa «il mit
un frein», kabada «il affligea», kabura «il s’accrut», kabira «il vieillit», kabasa «il
assiégea», kaba$a «il cramponna», kibl «entrave», kabala «il entrava», kabana
«il ourla», kabā «il fit un faux pas» (ā < aw, cf. kabwat «erreur »), et avec
allongement d’une voyelle kābada « il endura» , kābara « il résista », avec
gémination de consonne kabba « il renversa », ?akabba « il s’adonna »,
kabbada « il culmina », (ta)kabbara « il s’enorgueillit ». À défaut pour le moment
d’une analyse plus fine, une première intuition nous permet de découvrir dans
tous ces programmes de sens quelque chose de commun, qui a peut-être à voir
avec k.b + r, de kabīr « grand » et kubr « gloire ».

La séquence radicale sémitique présente en arabe en racine biconsonantique


+ suffixe monoconsonantique. L’essentiel de la représentation sous la production
de sens est dans la racine, la modalité dans le suffixe. La séquence trilitère
s’analysera, en schématiseur + modéliseur (radical) + surmodéliseur (suffixal).
Encore il faut, se méfier d’une régularisation secondaire, à laquelle pensait déjà
Renan (« compléter le nombre ternaire »). Une fois que le triconsonantisme s’est
imposé par sa généralité, il peut très bien devenir une quasi-nécessité
paradigmatique, et les grammairiens avec les lexicographes y aident. Nous
avons déjà vu avec batta, kabba le rôle de camouflage que joue en cela la
gémination de la seconde radicale. De même marra « il surit », du schème de
mara-sa « il macéra », etc.
— Surmodéliseur et préschématiseur:

Un autre décryptage, inverse, du trilitéralisme est possible. Au lieu de poser


un suffixe, on posera un préfixe. Ainsi na-kafa « il s’éloigna » est à l’évidence
analysable en na+kafa (Bohas 1999 : 382) d’après kaffa « il éloigna », kafa?a « il
fut repoussé », kafaHa « il écarta ». Si l’on donne à la gémination du modéliseur
sa valeur habituelle d’agentif (cf. batta, kabba page 11) et à n- une valeur de
moyen, on se trouve devant un système cohérent de mise en fonction
parapraxémique1, de thématisation « par les deux bouts », d’un schème qui est
k.f., soit par un préschématiseur (na-kafa), soit par un surmodéliseur (kaf-fa).

l’étude de Hurwitz (1913 : 55-60), reprise par Saguer et Bohas (1999 : 382-
383) dégage six premières radicales, N, T, S, H,?, M, qui peuvent être préfixes
tout comme schématiseurs, étant nettement utilisées par ailleurs comme préfixes
dans la dérivation.

La binarité connaît deux sortes d’extension sur elle-même (sans ajout de


suffixe ni préfixe) :

1.La gémination, qui, comme nous venons de le voir, peut servir à résoudre
une identité consonantique, est aussi par elle-même une modalité. Comme le
prouve l’itération, qui la brise, elle doit bien être interprétée comme une double
consonne, un surmodéliseur à l’identique, rendu impossible par la contrainte:

1. kabba ou kab-kaba « il bobina, il culbuta », zaffa « il accéléra le pas», zaf-


zafa « il courut à toutes jambes».

2. L’itérativité syllabique, comme la gémination du modéliseur, a été


lexicalisée en arabe. Soit elle rompt la gémination, comme dans les exemples ci-
dessus, soit elle reprend linéairement la syllabe tout entière: ra’ā « il a vu »,
ra’ra’a « il a tourné les yeux avec attention », rāqa « elle se répandit (l’eau) »,
raq-raqa « il répandit », éventuellement en négligeant un préfixe: ma-ᶁaġa « il
mâcha », ᶁaġ-ᶁaġa « il mâchonna».

Gémination et itérativité servent d’activant aux représentations portées par le


schème : kabkaba donne de la culbute une image plus vive que kabba et kabba
lui-même est activant du schème k.b.

Pour la gémination, cette activation a, de façon très générale, une valeur de


transitivité de l’acte : naꞕā « il alla vers », naꞕꞕā « il écarta », haǧar « pierre »,
haǧǧara « il pétrifia »,‘amuqa « il fut profond », ‘ammaqa « il creusa», ’aǧara « il
prit à gages », ’aǧǧara « il donna à bail ».
Ni l’une ni l’autre n’ont d’influence sur la représentation de base, elles ne
peuvent que favoriser des spécialisations d’emploi : nabaġa « il apparut »,
nabbaġa « il secoua le pollen des palmiers ». Ce sont d’ailleurs ces
spécialisations ou sémantisations, du domaine des usages socio-historiques,
multipliées par métaphore et métonymie, qui posent le plus de problèmes à
l’analyse des praxèmes de l’arabe, baucoup plus que l’identification des unités
motivées.

Le développement des étymons:

Comment s'appareillent l'étymon et le schème?

L'étymon est une racine biconsonantique. L'étymon se développe / l'appareillage


de l'étymon et le schème peut se faire:

1. Par diffusion de la dernière consonne comme dans batta.

2. Par incrementation de sonnante r / l / m / n ou de gutturale & / H / h / ?.


l'incrémentation peut s'effectuer à l'initial, à la médiane entre les deux
éléments de l'étymon ou à la finale, comme dans batara – inbatara – batala
– balata – et barata.

3. Par préfixation; comme sabata (se raser la tête)

4. Par croisement:

5. Par incrementation de glide ou transformation d'une voyelle en glide;


comme ( badda et wabida), (baHHa et bàHa ou baHà), on a
incrementation initiale, mediane et finale. Ce glide est en fait, à l'origine,
une voyelle apophonique.

6. Par incrementation d'une consonne finale comme dans; ( ja'à - ja'ba)

7. Par redoublement; faire cadrer l'étymon biconsonantique avec le schème


en redoublant l'étymon. Comme (bazza – bazbaza).

Ce développement comme le disait Renan ne fait que modifier par des


nuances le sens principal mais il peut aussi n'apporter aucune modification. Sa
fonction est alors seulement de faire cadrer l'étymon avec le schème tri ou
quadriconsonantique.

Exemples d'analyse:

( jaxxa – jaxjaxa): les formes suivantes montrent que l'étymon [xj] est réversible.
(jaxxa); L'étymon [ jx ] est développé par diffusion de la dernière consonne.
( jaxjaxa); L'étymon [ jx ] est développé par redoublement .
Cet etymon est developpe par incrementation mediane d'un ( l ) dans la forme
( jalaxa) j[l]x; violer une fille et est developpe par incrementation finale d'un ( r )
dans la forme jaxara [jx]r; épouser une femme.

Dans (najaxa) n[jx], l'etymon [jx] est developpe par incrementation initial d'un n
sans valeur sémantique.

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nataHa – natara – nataSa – natafa – nataqa – nataka ; tous ces verbes ont en
commun le noyau sémique « tirer » et la séquence initiale [ nt ]. Dans nataHa ,
l'etymon [ nt ] est developpe avec incrementation finale de H, le n qui figure au
début de la forme nataHa fait partie de l'étymon et le H est un crément final; [nt]H

natara; incrementation final de r

nataSa ; incrementation final de S

natafa ; incrementation final de f

nataqa ; incrementation final de q

nataka ; incrementation final de k

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nabaSa ; n[bS] le n est un préfixe plus que le verbe manifeste le sens du moyen
gagner sa vie et celle de sa famille dont n est le préfixe qui exprime le moyen.

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