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Gaillard L. Jean Decarreaux. Les moines et la civilisation en Occident. Des invasions barbares à Charlemagne. Coll. Signe des
temps XIII, 1962. In: Revue du Nord, tome 44, n°176, Octobre-décembre 1962. pp. 442-443;
https://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1962_num_44_176_5706_t1_0442_0000_1
MOYEN AGE
y a mené l'existence d'un grand scholar » (p. 265), anachronisme bien en place,
à propos de cet homme «qui savait tout» (p. 275). D'ailleurs, si les temps
carolingiens sont réservés à un second volume, il est déjà question ici d'Alcuin.
La Germanie, elle-même, s'ouvre à la foi et à la culture des missionnaires
anglo-saxons et nos provinces du Nord de la France bénéficient de leurs
fondations monastiques.
« Confrontant » une culture païenne révolue et une culture chrétienne en
constante élaboration » (p. 307), les moines font du latin d'Eglise « une langue
vivante et originale,... aisée, claire et toute neuve » ; langue qui a « quelque
chose à dire, ce qui est bien le signe de la vie et de l'originalité » (p. 308-309).
Ce latin se répand largement par la liturgie dont les moines sont, en
quelque sorte, des « spécialistes ». Poèmes, chants, images, processions : tout
concourt à « marquer les âmes qui, en dépit de leur rudesse » (p. 317), sont
comme imprégnées de culture spirituelle. Et c'est l'étude du latin d'Eglise
qui est à l'origine des écoles bénédictines, lesquelles ne sont pas destinées
seulement aux jeunes moines mais encore aux laïcs. C'est aussi cette étude qui
nécessite, tout autant que la diffusion obligatoire des textes et des chants
liturgiques, la transcription des manuscrits : on doit aux monastères d'avoir sauvé
beaucoup d'oeuvres profanes, d'avoir conservé, en plus grand nombre, les
œuvres des Pères de l'Eglise. Ces manuscrits sont enluminés, ordinairement
avec goût et richesse, bien qu'ils soient inférieurs aux manuscrits orientaux
contemporains. De l'enluminure, l'Auteur passe aux arts majeurs et mineurs :
ils ne nécessitent qu'un paragraphe assez court, car nous ne sommes pas encore
à l'âge d'or et aussi parce que « la vétusté, les pillages, les transformations
ont laissé peu de vestiges importants » (p. 337). Enfin, dès cette haute époque
se constituent des domaines monastiques qui nous étonnent par leur ampleur,
et qui ont servi, le plus souvent, à permettre aux moines de pratiquer une très
authentique charité.
Le livre se ferme par un « premier bilan pour des temps obscurs » qui
n'a rien d'optimiste et J. Décarreaux rappelle avec une insistance marquée que
ce monde est « en état de barbarisation ». Peut-être est-il permis de penser,
après avoir lu l'inventaire si vivant qu'il nous a donné des richesses culturelles
réelles des cénobites de ces siècles, que pendant cette longue période, bien des
valeurs essentielles ont été sauvées. Dans ce sol rude, la moisson n'est pas
encore dorée, mais elle existe et elle n'est pas seulement une espérance. Mince
réserve, si on la mesure à l'aune de l'utilité très grande de ce livre : nous
n'avions rien de comparable, et il est muni de notes, de tableaux chronologiques
et d'indications bibliographiques qui assurent sa solidité scientifique.
Dom Louis Gaillard.