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1. Était annexée à la présente conférence, une liste des questions posées par
M. *** à Gustave Guillaume à la suite de la leçon du 3 janvier 1952. La
première question est la suivante : * Dans le système génétique qui
aboutit à l'univers-espace et à l'univers-temps, je comprends comment
l'attribution, à la notion singulière, de caractérisateurs (genre, mode...)
conduit aux nominaux substantif et adjectif, et aux verbaux infinitif et
verbe décliné. Mais quels sont les caractérisateurs qui vont conduire aux
adverbes ? C'est-à-dire, comment vont se différencier les adverbes d'adjec-
tivation et ceux de verbe ? N'est-ce que le régime d'incidence (sub-
nominal ou sub-verbal) ? Mais il me semble difficile de dire que très, par
exemple, est sub-nominal : en ancien français, rien n'était plus courant
que très...battre à côté de moult joli ? +
2. En marge : M. *** a perdu de vue une de mes déclarations que les
caractérisations généralisatrices mènent à l'univers-espace et à
l'univers-temps, et pas au-delà ; au-delà : incidence.
3. Mots restitués.
82 ANNÉE 1951-1952
catégoriel
système <génétique>
catégories
d'entendement
sous-catégories
système ontique incidentiel
(incidentiel)
nom verbe
H1
H1
H2 parole
H3 aimable
H4 très aimable
H2 <sur> minimum
H3 d'éloignement
H4 horizontal
H1 nom verbe
Très est sub-nominal par départ systématique. Or, les départs sys-
6 tématiques sont partout et toujours la première prise de position
dans le mouvement horizontal. Lorsqu'il s'agit de très, on a :
10 JANVIER 1952 – SÉRIE A 85
H1 nom verbe
H3 adjectif -ment do
H4 adverbe do do
parler
je parle
tu parles
etc.
les deux systèmes. On peut, on doit les étudier l'un après l'autre, les
comparer, non pas tenter de les réduire au même état de cohérence,
qu'ils refusent. Point de vue saussurien : autant de théories (par-
ticulières) que de systèmes. Il ne me serait pas difficile de faire
figurer avec un tableau assez grand le système de l'ancien français,
à côté du système du français moderne. Mais je me refuse à les faire
fusionner. Ils sont deux, non pas un : deux synchronies dans une
9 diachronie de systématisation. Il reste cependant que la transition de
l'un à l'autre reste, sur son axe, une transition de psycho-
systématique, et peut être étudiée comme telle. C'est alors l'histoire
de la systématisation. On a dit en ancien français : très...battre, à
côté de très/moult joli. Cela témoigne, dans le sens vertical, d'une
distinction faible des horizons H3 et H4, lorsqu'on s'avance dans le
10 sens horizontal. L'histoire de la systématisation est ici celle de
positions tenues dans un mécanisme de deux mouvements dont la
dualité même fait certaines difficultés à la tenue d'une position
(déficience statique, <par cinétisme1>). Phénomène dont l'étude est
délicate, mais possible. On a, par exemple, au départ le substantif en
position H2, sub-nominale. Or, horizontalement, le substantif ne tient
pas. On obtient, en position sub-verbale, d'abord l'infinitif, puis le
verbe. La décadence accompagne l'extension horizontale. Soit :
H2 substantif infinitif
verbe
11
H2 parole parler il parle
H3 aimable
aimablement aimablement
H4 très très
H1 nom verbe
H2 parole parler
H3 aimable aimablement
H4 très très
H4 * très
C'est autre chose ; et l'on ne peut rendre raison de ce qu'il est sans un
examen en soi du système portugais, et pas seulement du système
des parties du discours, mais du système de spatialisation du temps
(système verbo-temporel). C'est toute une étude longue. Confusion
inévitable si l'on compare des faits hors du système auquel ils
appartiennent. Pas de comparaison directe possible entre l'infinitif
multiple du grec ancien, qui ressortit à une certaine spatialisation du
14 temps, et l'infinitif français (autre spatialisation du temps). Pas de
comparaison entre l'infinitif, absent, du grec moderne, et l'infinitif
largement représenté du grec ancien. Pour rendre raison des
différences, évoquer toute la systématique verbo-temporelle qui a
subi une révolution : futur afférent/futur efférent. Je renvoie à mon
livre sur * L'Architectonique du temps dans les langues classiques +.
J'ai produit cette étude ici même, il y a quelques années. À chaque
instant, on compare entre eux des faits, étiquetés semblablement,
pris dans des systèmes différents. C'est courant. Mauvaise méthode.
<Brève>, mais mauvaise. Pas de résultat : cela peut, sans résultat,
durer des millénaires1.
15
La 3e question2 de M. *** met en cause la relation entre trois
ordres de faits : le fait de pensée : psycho-systématique ; le fait de
parole et le fait de graphie : tous deux psycho-sémiologiques. Et, du
même coup, on est conduit à se demander, des deux sémio-
logies – celle de parole, celle de graphie –, quelle est la plus fine, la
16 plus rigoureuse, la supérieure ? Nous n'hésitons pas à répondre :
la graphique. Si très reste mot, c'est dans la pensée d'abord, au
titre de la psycho-systématique ; puis dans la graphie ensuite, et
dans la parole.
Or, la graphie est souvent la seule sémiologie d'individuation
du mot. Sémiologie très importante. Un confrère me disait une fois
que dans j'ai, à ses yeux à lui, il y a un mot, pas deux1. Oui, si l'on né-
glige le mot de pensée, et vraiment, le linguiste ne peut le faire. J'ai
17 fait mot unique dans la parole, mais dans la pensée, il y a deux mots.
Pourrait-on enseigner la grammaire aux enfants avec des mots de
parole ? Y aurait-il une grammaire avec des mots de parole ? Je pose
la question. Où irait-on ? La réalité psycho-systématique, elle, est
dénoncée par la graphie.
Dans le cas de très, il y a lieu de remarquer que le mouvement
horizontal prend très au départ, pour ainsi dire, du mouvement
vertical :
H3 aimable aimablement
H3 + très
très
H4 (très)
préposition
préposition