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Ce que le patriarcat fait à l’amour

Ce texte est la traduction du dialogue entre Victoire Tuaillon et son invitée, Carol Gilligan, co-autrice de « Pourquoi le
patriarcat ? ». Cette interview a été enregistrée en novembre 2019 pour le podcast « Les Couilles sur la Table » de
Binge Audio.

Dans cet épisode je vais discuter, avec Carol Gilligan qui est une féministe et psychologue américaine, de l’amour et
de la masculinité. Carol Gilligan est une pionnière dans l’étude des genres. Durant sa carrière elle a étudié le
développement des différences entre garçons et filles et comment ces différences peuvent autant saboter que faire
émerger nos relations proches, intimes, émotionnelles. L’année dernière elle a publié avec Naomi Snider un livre
intitulé « Pourquoi le patriarcat ? » et j’ai trouvé ce livre tout simplement extraordinaire car il examine comment d’un
point de vue traditionnel on définit le concept de ce que sont une femme et un homme et comment ces définitions
affectent nos capacités humaines à tisser du lien et à créer des relations profondes.

Victoire Tuaillon : Tout le monde constate aujourd’hui qu’il y a une asymétrie entre filles et garçons et ce, même
dans la manière dont nous les élevons, ce que nous attendons d’elles, d’eux. Pouvez-vous nous expliquer comment,
psychologiquement, un garçon se développe aujourd’hui ?

Carol Gilligan : Eh bien, l’asymétrie flagrante se situe au moment de notre développement quand filles et garçons
semblent être les plus vulnérables, et c’est tellement intéressant car ça a été observé, ou du moins écrit, pour la
première fois au milieu du 19ième siècle. En d’autres mots : leur résistance. Leur capacité à supporter du stress ou à se
rétablir d’un stress comme un système immunitaire : leur résistance était vulnérable. Et ce qui a été observé et écrit
pour la première fois au 19ième siècle, concernait les garçons.
Cela se passe pendant l’enfance entre l’âge de quatre et sept ans, quand parmi les garçons de ces âges on voit plus
de signes de dépression, comme une sorte de monotonie émotionnelle et une soudaine recrudescence des
problèmes d’attention, de langage, de lecture, sans contrôle sur ce qui se passe et des problèmes d’apprentissage.
Je veux dire, questionnez n’importe qui travaillant dans une école : « Où vont la plupart des aides dans les écoles
élémentaires ? » Ils vous répondront « aux garçons » sans hésitation. Les filles, comme groupe et en comparaison,
s’en sortent mieux, souvent bien mieux jusqu’à l’adolescence. Je trouve ça tellement intéressant que personne ne
questionne cela ! « Comment cela se fait-il ? »

Victoire Tuaillon : Comment cela se fait-il ? Comment se fait-il que les garçons aient des problèmes entre l’âge de
quatre et sept ans ?

Carol Gilligan : Que se passe-t-il ? Personne ne pose la question. Mais tout le monde sait, que lorsque tu atteins
l’adolescence, il y a soudainement une nette hausse du taux de dépression chez les filles. Alors on se retrouve face à
des troubles du comportement alimentaire, à de la scarification et à une grande variété de comportements
autodestructeurs. Et voici le fait majeur qui est resté terré depuis le milieu du 19ième siècle dans la littérature
psychologique et la majorité des gens continue de parler comme si ce fait n’existait pas.
L’orientation de ma recherche était vraiment de demander : Comment cela se fait-il ? Qu’est-ce qui explique cela ?
Que les garçons soient plus vulnérables entre l’âge de quatre et sept ans, puis soudainement c’est avec les filles
autour de l’adolescence qu’il y a une augmentation de leur vulnérabilité et puis plus tard c’est de nouveau au tour
des garçons. C’est aussi à ce moment qu’on a une fréquence élevée de suicides et de formes de violence
comportementale…

Victoire Tuaillon : … contre les autres et eux-mêmes, elles-mêmes ?


Carol Gilligan : Les deux ! Les hommes se suicident bien plus souvent que les femmes. Avec mes étudiant.es à
Harvard, nous avons effectué dix années d’étude sur le développement des filles et nous en sommes arrivé.es à
établir le fait suivant : alors que les filles atteignent l’adolescence, leur résistance se retrouve confrontée à cette
culture du genre en les divisant entre bonnes et mauvaises filles. Cette culture est basée sur la division genrée de ce
que doivent être masculin et féminin et sur le comportement que doivent adopter les filles.
On observe cette résistance chez les filles, qui m’a amené à écrire sur le sujet qu’on appelle le « développement »
mais qui devrait plutôt être perçu comme une initiation. Et c’est à ce moment qu’on a introduit le patriarcat : les
filles résistaient à l’initiation au patriarcat !
Cela m’amena à me poser la question par rapport aux garçons. Les garçons ne résistent-ils pas aussi ? Alors je me
suis dit… attends une minute, que se passe-t-il pendant ce temps entre quatre et sept ans ?
Et donc, avec mon étudiante Judy Chu, une chercheuse brillante, on a commencé à observer un groupe de garçons
âgés de quatre ans. Judy a suivi ces garçons dans leur évolution de l’école maternelle au CP. C’est dans son superbe
livre « Quand les garçons deviennent des « garçons » ».
Donc voici la découverte de son bouquin : elle a constaté, chez les quatre et cinq ans, à quel point ils étaient
attentifs, authentiques, expressifs et directs les uns envers les autres. Et durant les trois années de son étude elle a
pu voir comment petit à petit ils devenaient moins attentifs, moins clairs, moins directs avec les autres et elle aussi.
Elle parle de la manière dont leur relation passe d’une présence relationnelle émotionnelle, à une présence
posturale voir fausse. Elle décrivait là ce qui se passait quand les garçons devenaient des « garçons », ou du moins,
comment ils étaient prédestinés à l’être. Mais ce n’est pas comme ça qu’ils étaient à l’âge de quatre ou cinq ans.
Alors elle s’est dit : les garçons en savent plus qu’ils ne veulent bien le montrer. Et donc, en d’autres mots, ce qu’elle
a pu observer c’était ces petits garçons qui résistaient à une initiation, ou étaient en train de trouver un moyen
stratégique de gérer la pression à mesure qu’ils intégraient l’école pour démontrer qu’ils faisaient partie des garçons
dans une définition de la masculinité opposée à celle de la féminité. Les filles et la féminité étaient perçues comme
gentilles. Alors les garçons devaient être méchants. Et les garçons ont formé une équipe appelée « La méchante
équipe » et le but de cette équipe s’organisait en opposition aux filles pour démontrer que vous étiez un garçon. De
façon à montrer que vous n’étiez pas une fille et ou bien gay. La fonction de la « méchante équipe », comme le dit un
garçon de cinq ans, c’était « d’embêter les autres » ! En d’autres mots vous deviez démontrer que vous n’étiez pas
gentils et donc pas comme une fille alors vous embêteriez les gens. De plus pour être un garçon vous deviez faire
partie de la « méchante équipe ». On en parlera plus tard parce qu’une ancienne élève, maintenant une collègue,
Niobe Way, a fait cette étude autour de l’adolescence des garçons et leurs liens relationnelles. Ce livre s’intitule
« Profonds secrets » et je vous le dis, le profond secret c’est que les garçons sont des êtres humains.

Victoire Tuaillon : Alors maintenant on va parler de ces garçons qui ont entre quatre et sept ans. Ils apprennent donc
à être des garçons en accord avec les règles de la masculinité. Comment cela se répercute-t-il sur eux ?

Carol Gilligan : Chez les petits garçons, le niveau d’intelligence émotionnelle est stupéfiant ! Il y a ce petit de cinq ans
qui dit à sa maman : « Maman pourquoi tu souris quand tu es triste ? ». Il interprète son sourire. Il réalise que le
sourire cache de la tristesse. Ainsi, il interprète les émotions cachées.
Un autre petit de cinq ans, dont le papa qui lui-même avait été frappé par son père, avait fait la promesse qu’il ne
ferait pas la même chose à ses enfants. Un jour les parents décident de divorcer. Il y a beaucoup de tension dans la
maison et le petit fait quelque chose, son père le frappe. Le jour suivant le père dit à son fils : « Je suis si désolé, je ne
voulais pas. Je vais te faire la promesse que je n’essayerai plus jamais de te frapper ». Ce à quoi le petit garçon
répondit : « Tu as peur que si tu me frappes pendant que je grandis alors je frapperais mes enfants ». Il a interprété
la peur de son père. On doit alors partir du fait que les garçons sont des êtres humains, ce qui signifie : qu’ils
débutent avec une incroyable capacité à piocher dans les émotions contenues dans le monde qui les entoure…

Victoire Tuaillon : Et ils perdent cette capacité ?


Carol Gilligan : Alors ensuite, le fait est que d’avoir une intelligence émotionnelle et sensible conduit à être
considéré comme une fille. Alors les garçons doivent faire peau dure, se protéger. Ils ne perdent pas cette
intelligence, ils la cachent. Ils doivent donc se comporter comme s’ils s’en moquaient, comme s’ils ne se
préoccupaient plus de la manière dont ils touchaient émotionnellement les autres. Ça c’est être méchant. Parce
qu’autrement ils sont considérés comme fille ou gay. Alors, ce qu’écrit Judy Chu dans son livre, c’est qu’il y a une
réelle ironie car dans leur désir de créer du lien avec les autres garçons, ils se protègent et enfouissent en eux les
grandes qualités qui leur permettraient de se rapprocher les uns des autres ! Dans cette tentative de prouver qu’ils
font partie des garçons, ils dissimulent ces qualités qui font part de leur humanité et qui leur permettraient de créer
les liens qu’ils désirent. Alors c’est très intéressant parce qu’on est face au fait que ces garçons butent sur un choix
qui va les forcer, au nom de la masculinité, à renoncer à leurs désirs.

Victoire Tuaillon : … et leurs besoins !

Carol Gilligan : Et ce dont ils ont besoin car vous savez de plus en plus d’études montrent que ce n’est pas seulement
cela, nous voulons aussi aimer et être aimé.es. Mais vous savez ne pas avoir de relations émotionnelles, intimes, est
aussi mauvais pour votre corps que la cigarette ! La longévité, ne pas être malade… Les relations émotionnelles et
intimes sont probablement une des choses les plus importantes. Et le nombre d’hommes qui n’ont pas ces relations,
autres que LA relation amoureuse, ou le mariage ou autres, est bien plus grand. Le prix que mettent les hommes
pour la construction de cette masculinité est énorme ! Et la violence en fait partie.

Victoire Tuaillon : Puis les garçons deviennent des adolescents : que se passe-t-il alors ?

Carol Gilligan : Quand on devient un adolescent, on se retrouve avec cette montée d’hormones et on ressent des
choses qu’on n’avait jamais ressenties auparavant. On développe la capacité qu’on nomme subjectivité, qui conduit
à une introspection : on s’intéresse à soi, à nos expériences, nos émotions, notre dignité. Et donc ces qualités que le
petit garçon avait cachées en lui pour être un « garçon » réapparaissent soudainement… car elles ne sont pas
perdues, elles ne disparaissent pas, elles sont là. Alors elles resurgissent. Niobe Way, dans son livre « Profonds
secrets », a fait cette étude sur des centaines de garçons de tout type d’ethnie, de genre et de classe, pour discuter
l’importance de leurs relations entre eux. Il y a des relations dans lesquelles ils ne regardent pas juste du sport ou
vous savez, où ils ne trainent pas juste ensemble : ils se disent leurs secrets profonds, leurs sentiments.
Ça c’est aussi la façon habituelle que les psychologues ont eu de décrire les relations émotionnelles entre filles !
Et les garçons vous diraient, que si vous n’avez personne à qui confier des secrets, alors vous deviendriez cinglé.es,
fou ou alors en colère ou vous seriez perdu.es… On a besoin d’un.e ami.e à qui confier ses secrets.
Durant le déroulement de son étude, à mesure que les garçons grandissaient, passants de treize-quatorze à dix-sept-
dis-huit ans, les trois quarts des garçons n’avaient plus de meilleur ami à la fin du lycée. Ils disaient : « A quoi ça sert
de dire mes secrets à quelqu’un ? », « Pourquoi devrais-je croire qui que ce soit ? ».

Victoire Tuaillon : « Pourquoi aurais-je besoin de quelqu’un ? »

Carol Gilligan : « Je ne suis pas une fille. » Etc. L’intimité émotionnelle était attribuée au genre, féminin et à une
sexualité, gay. Quand ces garçons plus âgés décrivent une relation ils se disent « No Homo ».
C’est comme : « J’apprends à être un homme. Je n’ai pas besoin de relations intimes et émotionnelles ».
Et ce, même si trois ans plus tôt, ils disaient : « Si vous n’avez pas de relations, vous deviendriez fou et serriez en
colère… »

Victoire Tuaillon : Donc à treize ans, la plupart des garçons sont conscients qu’ils ont besoin de relations intimes,
proches, émotionnelles et ils les ont ; puis sur une période de 3 ans, ils perdent leurs ami.es. Et donc ils leur restent
quoi alors ? Des faux ami.es ?
Carol Gilligan : Des relations plus superficielles. Dans « Pourquoi le patriarcat ? », Naomi Snider et moi, on entame
notre livre en parlant d’Adam. Adam est un étudiant en troisième année de droit. Dans son rendu final de travaux
dirigés portant sur « Résister à l’injustice », il écrit au sujet de sa propre trahison d’amour et parle de sa relation avec
Ali, avec qui il était ami. En grandissant ensemble, Ali et Adam jouaient dans la même équipe de foot. Pour Adam, Ali
fut la seule personne en dehors de sa famille avec qui il partagea son amour du chant alors qu’il était un athlète.
Quand Adam raconta à Ali qu’il voulait se présenter pour un rôle dans une pièce de l’école, ils passèrent la journée
ensemble à créer un décor de scène fait de carton pour qu’Adam puisse s’entraîner au chant. Ils étaient vraiment
proches et partageaient des secrets. Adam raconte ensuite comment, aux alentours de ses quinze ans, des filles,
qu’il connaissait, sont venues lui partager, et lui le suspectait, qu’Ali était gay.
Adam a rompu son amitié avec Ali et aujourd’hui il considère cela comme le plus grand regret de sa vie jusqu’ici.
Quand Adam eu à peu près seize ans, son grand-père lui demanda : « As-tu un meilleur ami ? » et Adam lui
répondit : « J’en avais un… mais plus maintenant ». Tout ça parce qu’il a senti qu’il ne pouvait pas être ami avec un
garçon gay et être reconnu comme un sportif effréné, un garçon au masculin. Alors il a abandonné son amour pour
Ali et son amour pour le chant. Au nom de la masculinité.

Victoire Tuaillon : Les hommes sacrifient beaucoup de besoins, de capacités et de qualités… pour préserver leur
masculinité.

Carol Gilligan : Et oui ! Ils trahissent ce qu’ils aiment dans le but de s’affirmer comme masculin. C’est intéressant que
ça nous surprenne parce qu’on peut ensuite se dire, attends une minute : ce ne serait pas là l’histoire d’Abraham et
Isaac ? Abraham, pour prouver son dévouement au Dieu, un Dieu patriarcal, se retrouve prêt à sacrifier son fils qu’il
aime ! Agamemnon, le général grecque se retrouve lui à sacrifier sa propre fille pour hériter du vent qui portera son
armée vers Troie pour restaurer l’honneur de la Grèce ! On a la preuve que dans notre culture, les hommes doivent
sacrifier leur amour au prix de la masculinité.

Victoire Tuaillon : Vous montrez aussi dans votre livre à quel point les filles doivent sacrifier leur amour mais d’une
façon différente. Peut-être pourrions-nous juste brièvement énoncer comment les filles et les femmes doivent aussi
sacrifier une partie d’elles-mêmes afin d’être féminine ?

Carol Gilligan : En tant que femme aimable ou bien le genre de fille avec qui les gens aiment être, elles doivent
sacrifier leur voix, leur sincérité et apprennent à ne pas dire ce qu’elles pensent et ressentent.

Victoire Tuaillon : C’est ce qu’elles doivent sacrifier.

Carol Gilligan : Je vais vous dire rapidement une chose. Une fille de dix-sept ans, très bonne élève et très populaire
s’est retrouvée à dire : « Si je devais dire ce que je pense et ressens… personne ne voudrait être avec moi. Je serais
trop bruyante, ma voix porterait trop ». Puis elle rajoute : « … mais vous devez avoir des relations ». Alors le prix
pour obtenir de telles relations est celui de l’étouffement de la voix, ne pas dire ce qu’elle ressent ni pense, ce qui
signifie qu’elle est absente dans ces soi-disant relations.

Victoire Tuaillon : Mais cela est surprenant car on disait que d’avoir des relations et des amies proches étaient
quelque chose de « girly ». Les filles se confient des secrets et ont des relations très proches. Mais en même temps
elles ne sont pas supposées dire ce qu’elles pensent ou ressentent. Alors que sont ces amitiés « féminines » ?

Carol Gilligan : Et bien c’est une bonne question ! Les filles se posent aussi cette question. Elles sont conscientes que
si elles cachent leurs émotions et leurs pensées alors on perd l’authentique et que la relation devient fausse. Ce n’est
pas une vraie relation. Et vous savez, comme un corps résistant à l’infection, un esprit sain résiste à cette initiation
au patriarcat. Peu importe votre genre. Car ça va tout simplement vous forcer à sacrifier vos désirs de vivre une
liaison proche, une connexion avec vous-même et les autres. Plus schématiquement, on peut dire : nous sommes
tous des êtres humains nés avec une voix et le désire, ainsi que la capacité, de s’engager de façon responsable avec
d’autres personnes… Pour les garçons, cette voix se transforme en violence alors que pour les filles cette voix se
transforme en silence. La violence et la menace des hommes contre le silence des femmes maintien un ordre
patriarcal.

Victoire Tuaillon : Femmes et hommes sont de pair. Les femmes sont silencieuses et les hommes deviennent
violents ou menaçants.

Carol Gilligan : Ce sont des réponses à cette initiation, à la culture patriarcale qui requière un sacrifice des relations
et de l’amour afin de maintenir certaines hiérarchies de race, de genre, de sexualité… C’est un sacrifice de l’amour
que tout le monde paye au prix fort. Alors la question qu’on peut se poser est : « Pourquoi ce prix fort ? »

Victoire Tuaillon : Exactement. Parce qu’on a tou.tes besoin d’amour et de relations et qu’on le veut tou.tes. Aussi
les filles et les femmes ne se cachent pas d’être à la recherche et de désirer l’amour. Mais on reparlera d’amour un
peu plus tard. C’est quelque chose que les féministes on toujours dit, et bien sûr, c’est mon avis, on l’a dit, c’est
que : le patriarcat blesse aussi bien les hommes que les femmes. En forçant les hommes à agir comme s’ils n’avaient
pas besoin de relations proches : « Je suis indépendant. Je n’ai besoin de personne. Je ne suis pas un bébé. Je n’ai
pas besoin de confier mes secrets à qui que ce soit. Je veux juste du sexe. Je ne veux pas d’intimité ». Ça c’est
quelque chose que beaucoup de garçons disent.

Carol Gilligan : Oh que oui ! Ils se lassent des filles car elles posent trop de questions : « Comment vas-tu ? Comment
te sens-tu ? »

Victoire Tuaillon : Ce que vous pointez du doigt c’est que quelque part on profite tous psychologiquement du
patriarcat. On paye le prix fort. On sacrifie tant de choses et en même temps on ne connait pas l’authenticité, le
véritable amour…

Carol Gilligan : On se protège de la perte.

Victoire Tuaillon : C’est un moyen de se protéger nous-mêmes !

Carol Gilligan : C’est ça la grande découverte qui a amené notre livre.

Victoire Tuaillon : Je voudrais maintenant que l’on parle de ça. Le titre de votre livre est « Pourquoi le patriarcat ? »
et ce que vous nous dîtes c’est que le patriarcat est un moyen de défense contre la perte.

Carol Gilligan : C’est vrai.

Victoire Tuaillon : … et si triste.

Carol Gilligan : C’est si triste ! C’est typiquement humain de renoncer à l’amour parce qu’on a peur de perdre.

Victoire Tuaillon : Préfèrerait-on alors ne pas être aimé.e plutôt que de risquer de perdre l’amour ?

Carol Gilligan : Parce qu’on part du principe qu’on ne peut pas survivre à la perte.

Victoire Tuaillon : Pourriez-vous nous expliquer ce que vous signifiez par cette peur de perdre ?

Carol Gilligan : Aimer une personne, désirer une personne, vouloir être auprès d’une personne c’est se rendre
vulnérable ! Vous pouvez être blessé.e si on vous rejette, si on vous dit : « Je t’apprécie mais pas en amour ». Vous
vous exposez au rejet, vous vous exposez à la perte. Peut-être qu’on vous quittera en vous disant : « Je ne peux pas
m’impliquer dans cette relation ». Particulièrement si vous avez été blessé.es auparavant ou si vous avez connu des
expériences de perte, d’abandon et que vous vous êtes senti.es sans défense. Alors on pense : « Même si j’en ai
envie je ne peux pas m’impliquer. Je ne veux pas prendre ce risque. Je ne peux juste pas ». Ou alors vous minimisez
la perte ; je reviens sur Adam qui a abandonné son amitié avec son meilleur ami car il ne voulait pas être perçu
comme un garçon gay. Il s’est dit que si son meilleur ami était gay, alors on penserait de lui qu’il est gay aussi… Il a
donc abandonné cette relation comme si ça ne l’atteignait pas. Comme si : « Maintenant j’ai seize ans et je suis un
homme. Quand j’étais petit, j’avais des amis mais je n’ai plus besoin de ce genre de relations maintenant ». Et à l’âge
de vingt-six ans pendant qu’il est en troisième année de droit, Adam dit ça : « C’est le plus grand de mes regrets
jusqu’ici ». On apprend aux hommes à minimiser le coup de la perte. Certains diraient : « Oh il y a tant de femmes
dans le monde, ou tant d’autres hommes. De toute façon tu es un homme tu peux tenir sur tes deux jambes, tu n’es
plus un bébé, tu es indépendant et ainsi de suite ». Le fait est que nous sommes tous interdépendants en tant
qu’êtres humains. C’est la réalité. Ou alors les femmes diraient : « J’ai été blessée par l’amour. Alors maintenant j’ai
un job et j’ai un revenu et je peux m’occuper de moi-même et subvenir à mes besoins. Pourquoi m’exposerais-je à ça
à nouveau ? ». Vous abandonnez quelque chose que vous voulez et vous en payez le prix.

Victoire Tuaillon : Alors ça complète l’idée dominante dans « Pourquoi le patriarcat ? » qui est que lorsque l’on a des
privilèges on ne veut pas les perdre. Alors le patriarcat donne aux hommes beaucoup de privilèges, n’est-ce pas, et
c’est une des explications. Mais aussi il persiste parce que tout le monde souhaite qu’il persiste car il nous protège
de la perte.

Carol Gilligan : Vous savez, personne n’agit sans raison ! Reparlons d’Adam : il abandonne sa relation avec Ali parce
qu’il sera un homme privilégié par le patriarcat. Parce que le patriarcat élève certains hommes au-dessus des autres :
les hommes blancs au-dessus des hommes de couleurs, les hommes hétérosexuels au-dessus des homosexuels, les
pères au-dessus des fils et tous les hommes au-dessus des femmes. Vous voulez être un de ces hommes : vous aurez
de l’argent et des maisons et des voitures et des femmes. Des femmes sans fin.

Victoire Tuaillon : Pas de réelle relation mais beaucoup de sexe peut-être.

Carol Gilligan : Ou des objets : vous pourriez avoir des montres de luxes, de superbes habits, des costumes sur
mesures… Et pour les femmes : si vous cessez de dire ce que vous pensez ou ressentez, si vous refusez de voir ce
qu’il se passe devant vos yeux, si vous refusez d’écouter ce que vous entendez, mais qu’en revanche vous dîtes ce
que les autres veulent vous entendre dire et que vous connaissez ce que les autres souhaitent que vous sachiez et
non ce que vous connaissez de votre propre expérience… Alors les gens voudront être avec vous. Vous serrez inclus
et tout le monde vous voudra comme collègue ou amante. Mais quand vous commencerez à dire réellement vos
pensées et sentiments … alors là personne ne voudra de vous.

Victoire Tuaillon : Vous serez rejetées et personne ne voudra passer de temps avec vous. Aucun homme ne vous
aimera…

Carol Gilligan : Vous serrez seules. Alors choisissez ! Dans la pièce « La tempête » de Shakespeare, les déesses
offrent à Miranda, la jeune fille de Prospero, l’honneur et leur bénédiction ainsi que richesse et mariage. C’est ça
qu’offre le patriarcat aux femmes. Simplement vous la fermait. Ne parle pas de ce que tu vois, ne parle pas de ce
dont tu sais, de ta propre expérience et tu pourras avoir de l’honneur. Sinon ce sera le déshonneur ; vous pourrez
avoir des richesses ou bien vous serez pauvres. Vous pourrez vous marier, ou alors vous resterez seules.

Victoire Tuaillon : Ça me fait aussi penser à l’histoire de la petite sirène. Elle doit sacrifier… sa voix ! Afin d’avoir un
homme.

Carol Gilligan : C’est vrai et puis… ce n’est plus/pas un secret.

Victoire Tuaillon : Mais toujours est-il, sans amitié, sans réelle intimité, une personne devient folle. Les petits
garçons le savent, les ados le savent, tout le monde le sait pas vrai ? Je veux dire, on en a besoin. Mais quand je
regarde autour de moi je vois beaucoup d’hommes qui ne ressentent aucune réelle intimité avec quiconque. Et je
pense qu’ils pourraient être fous. Mais en même temps ils semblent parfaitement adaptés au monde dans lequel
nous vivons. Ils ont beaucoup de succès. Ils se font beaucoup d’argent. Ils prétendent être heureux. Ils ne manquent
de rien, ils semblent allaient parfaitement bien tels qu’ils sont.

Carol Gilligan : Mm hmm


Victoire Tuaillon : Et donc… comment ont-ils pu oublier, au fond d’eux, ce dont ils avaient besoin ? Comment ne
peuvent-ils pas ressentir ce manque ? Comment votre théorie peut-elle expliquer ce paradoxe des hommes se
retrouvant seuls sans intimités et en même temps dire qu’ils ont du succès, qu’ils sont parfaitement heureux et très
adaptés au monde dans lequel nous vivons ?

Carol Gilligan : La première réponse à la perte est la protestation. Vous êtes en train de vous demander pourquoi ces
hommes ne protestent-ils pas ? Notre découverte est que la protestation est vue comme si : « aucun homme ne
protesterait car un homme n’a pas besoin de relations intimes. Il est capable de tenir sur ses deux jambes » ; alors la
protestation devient honteuse. Elle est perçue comme non-masculine. Si la protestation est inefficace, elle est suivie
par le désespoir et personne n’aime vivre dans le désespoir. C’est ce que vous dîtes : pourquoi ne désespèrent-ils
pas ?
Le détachement résulte du désespoir, ainsi que le remplacement des personnes par des objets. Alors un homme se
dit détaché ; il n’est même pas conscient du manque de relations intimes. Cela ne fait pas parti de ses notions. Au
lieu de ça il dit : « J’aurai du succès, j’aurai toutes ces choses, je peux presque avoir toutes les femmes que je
veux »… Qu’a dit Donald Trump ? « Si tu es largement assez populaire, une star, tu peux toutes les attraper par la
chatte ». En tant que psychologue, je sais que ce que les gens disent n’est qu’une partie de ce qui se trame derrière.
En tant que psychologue vous savez, à cause du fait que la colère des femmes est perçue comme un problème, on se
retrouve avec beaucoup de femmes qui disent : « Je ne suis pas en colère ».
C’était rigolo quand je faisais mon étude avec les filles : je me souviens de cette fille, elle était indienne, elle était
formidable et elle racontait les conversations qu’elles avaient elle et sa maman. Elle lui avait demandait si elle était
en colère contre elle et par la suite elle se mit à imiter la voix de sa mère qui lui avait répondu « Je ne suis pas en
colère ». Elle savait que sa maman était en réalité en colère mais qu’elle disait le contraire.

Victoire Tuaillon : Quand je suis allée aux Etats-Unis pour mes études, je me souviens d’une de mes colocataires…
elle ne pouvait pas me dire les choses qu’elle n’aimait pas que je fasse car elle était trop habituée à être gentille et
agréable. Je me souviens lui avoir demandé si certaines choses ne la dérangeaient pas et elle me rétorqua que
« Non, Non, tout va bien ». Je savais que quelque chose n’allait pas, mais elle était incapable de me le dire.
Et ça, ça arrive souvent.

Carol Gilligan : [Je vous raconterai une histoire très drôle d’un garçon que sa mère m’a racontée. Cette personne est
la mère d’un garçon de cinq ans.] Ce que je veux dire, au sujet des garçons et le fait d’être doué d’une intelligence
émotionnelle, c’est que lorsque l’on croise un homme démunie de cette intelligence, dans tous les cas, on se doit de
se demander ce qu’il est arrivé à cette personne.

Victoire Tuaillon : Parce que tout homme que l’on voit a aussi été un jeune garçon malin doué d’une intelligence
émotionnelle.

Carol Gilligan : Exactement. Parce qu’en tant qu’être humain nous sommes émotionnellement sensibles. Maintenant
je veux partager une des choses que j’ai apprise pendant ma recherche : il y a la voix avec laquelle on se protège et la
voix qui est en-dessous, plus basse. Une voix patriarcale que l’on apprend toutes et tous pour nous permettre de
naviguer dans un environnement patriarcale et des institutions patriarcales. Et puis il a cette voix humaine, plus
basse, en-dessous. Ma première expérience face à cette notion s’est produite grâce à une femme à qui j’ai demandé
de résoudre un dilemme moral sur lequel je travaillais ; elle m’a regardé et m’a dit : « Aimeriez-vous que je vous dise
ce que je pense ou ce que je pense réellement ? ». Cela signifiait qu’elle avait appris à penser d’une façon différente
comparée à la manière avec laquelle elle pensait ordinairement. Elle était consciente de cette différence.
Ce que j’ai pu tirer de mes recherches, c’est que dans une culture patriarcale, la voix humaine est étouffée par la voix
patriarcale. Alors lorsque l’on écoute, que l’on entend une voix patriarcale, il est important de la cerner elle ainsi que
sa structure et sa résonnance culturelle mais aussi de juste se demander : où est la voix humaine ?
Victoire Tuaillon : Après avoir lu votre livre, je me suis demandée : l’amour existe-t-il réellement quelque part ? Si les
femmes apprennent à être inauthentique, et que les hommes prétendent eux n’avoir besoin de personne alors…
comment cela fonctionne-t-il dans les couples hétérosexuels ? Est-ce le vrai amour, ou bien un faux-amour ? Qu’elle
est la nature de cette relation intime partagée ?

Carol Gilligan : Mais vous oubliez une chose…

Victoire Tuaillon : La résistance ?

Carol Gilligan : Oui ! A moins que vous ne résistiez, vous n’aurez pas l’amour.

Victoire Tuaillon : J’aimerais que nous discutions d’une solution pour nous sortir de ce piège, collectivement et aussi
sur le plan individuel. Comment les hommes adultes peuvent-ils réapprendre ce qu’ils n’ont pas appris étant
enfants ? Que peuvent-ils faire ?

Carol Gilligan : Traîner avec des garçons de quatre et cinq ans !

Victoire Tuaillon : Est-ce la solution ?

Carol Gilligan : Vous demandez, comment les hommes peuvent-ils recréer du lien avec des parts d’eux-mêmes, des
parts perdues ? Quand je faisais ma recherche sur les jeunes garçons avec Judy, j’ai observé des pères, dans les
années 90. Ces hommes avaient la trentaine. Certains de ces pères amenaient leurs petits garçons à l’école et ils
étaient si tendre, si joueurs avec eux. Alors j’ai proposé à ces pères de me rencontrer pour discuter de ce que c’était
d’être le père d’un petit garçon de quatre ou cinq ans. Ils étaient d’accord. On avait prévu une seule rencontre et on
a fini par se voir tout l’hiver. A un moment donné, j’ai demandé à ces hommes : que voyez-vous dans vos enfants qui
vous fait vous dire « pourvu qu’il ne perde jamais ça ». Ils me répondirent : « A quel point ils sont émotionnellement
ouverts. A quel point leurs émotions sont présentes, disponibles. Ils ont du cran, du courage. A quel point ces
garçons sont pleins de vie ». Un autre de dire : « La vraie joie qu’ils ont de retrouver leurs amis ».
A partir de ça la question fut : à mesure qu’ils grandissaient, les pères voulaient que les garçons s’accrochent à ces
qualités mais ils voulaient aussi que leurs garçons deviennent des hommes. C’était un dilemme pour eux. Pouvaient-
ils laisser leurs garçons avec ces qualités sans les exposer à la violence des autres, au fait d’être appelés filles, ou gays
ou bien d’être harcelés. Alors je recommande à tous les hommes de passer du temps avec les garçons de quatre ou
cinq ans.

Victoire Tuaillon : Ou des filles ?

Carol Gilligan : Je demanderais à toutes les femmes de passer du temps avec les filles de neuf, dix et onze ans, et de
demander aux femmes : que devez-vous faire pour protéger les qualités humaines de ces enfants ? Car beaucoup
d’hommes qui ont observé ces qualités chez les garçons réalisèrent qu’eux-mêmes avaient du mal dans leurs
relations proches, intimes car ils sentaient qu’ils avaient dû cacher ces qualités ou bien les avaient sacrifiées. Donc en
premier lieu il faut récupérer ce qu’il y a en vous mais également mettre sa conscience en retrait. Ensuite il faut
passer à l’action dans cette société pour changer en se joignant simplement à la résistance naturelle de ces enfants
contre la perte de ces qualités essentielles et humaines, ces qualités à la grande valeur d’empathie et de garder vos
pensées et sentiments connectés… et la coopération. Il faut éduquer la résistance de vos enfants. Vous n’avez pas
besoin d’y apporter quoi que ce soit : tout est déjà là ! En tant que parents, vous donnez de la nourriture saine à vos
enfants pour renforcer leurs systèmes immunitaires ; et bien vous devez en faire de même psychologiquement car
vos enfants se heurtent à la culture toxique qu’est le patriarcat et vous devez aider et renforcer votre enfant. Cette
habilité à résister à cette culture. Il faut faire face à la culture : vous devez faire face à l’école, vous devez faire face
aux institutions qui, simplement dans un sens, vous poussent à faire ces sacrifices.

Victoire Tuaillon : Comment faire en tant que parents ? Je n’ai moi-même pas d’enfants mais j’écoute mes ami.es
qui en ont et ielles me disent : « On essaye de faire comprendre à notre petit garçon que c’est normal d’être tendre,
normal de pleurer et de dire ce que l’on pense. Mais en même temps mon petit garçon va à l’école maintenant et
lorsqu’il rentre à la maison il est obsédé par les armes et la bagarre. On ne le reconnaît plus et on ne sait plus quoi
faire ».

Carol Gilligan : Il faut admettre que ce qu’il se passe à l’école est réel et que les enfants doivent naviguer à travers
cette réalité. Je veux dire qu’on ne peut pas changer le monde d’un coup de baguette mais on peut les aider à
trouver les moyens, non pénibles, de prendre les bons chemins pour traverser ça. En attendant vous pouvez toujours
aller à l’école et dire : « Comment se fait-il que vous tolériez une culture de l’arme ici ? ».
Une chose que je trouve incroyable c’est qu’à l’école, les professeurs n’interviennent pas lorsque, par exemple, les
filles sont méchantes entre elles. Les femmes adultes deviennent paralysées. Vous pensez que vous pourriez dire :
« Arrêtez ça. Vous ne pouvez pas traiter les gens de cette manière » ou « C’est quoi ce truc avec les armes, que
combattez-vous ? Parlons de ce qui se passe ici ». Si vous êtes éducateur ou éducatrice, c’est ce que vous devriez
faire.

Victoire Tuaillon : Si vous êtes un homme, peut-être que vous pourriez passer plus de temps à observer les jeunes
garçons : à quel point ils sont authentiques, comment ils expriment leurs sentiments. Le conseil pour tout homme
serait : en tant qu’homme vous pouvez aussi devenir plus attentifs aux émotions et aux sentiments des autres
personnes.

Carol Gilligan : Comme être l’humain à l’intérieur de vous, vous aviez cette capacité : qu’est-il arrivé à cette
personne ? A mesure que vous allez vous rapprocher de cette part de vous-même, en tant qu’homme, vous allez
sentir que vous risquez votre masculinité et vous commencerez peut-être à ressentir de la honte, la honte d’être un
homme… Comment gérer cela sans devenir violent ou autre ? Ce changement va initialement les exposer à des
sentiments de honte à propos de leur masculinité. Ils achèvent leur masculinité en créant une carapace autour de
leur tendresse et de leur sensibilité. Puis ils se remettent de cette sensation, celle qui leur fait sentir qu’ils vont
perdre leur masculinité.
C’est ce que vous faites Victoire, vous devez parler de la masculinité ! Pourquoi la masculinité est-elle définie de
façon binaire, dans cette opposition au féminin, à ce que c’est d’être féminin ? Si vous voulez être masculin vous ne
pouvez avoir aucune des qualités humaines qui ont soudainement été définies comme féminines, comme la
tendresse…

Victoire Tuaillon : Quelles œuvres recommanderiez-vous à nos auditorices ? Ce pourrait être une chanson, un film
ou bien une peinture, n’importe.

Carol Gilligan : Je veux vous recommander un film. En réalité je vous en recommande trois. Je dois vous dire que j’ai
écrit un papier intitulé « D’une voix différente act2 » et c’est à propos de trois films réalisés par des hommes, qui
mettent en scène des hommes, qui parlent « d’une voix différente », je l’appelle ainsi. C’est-à-dire d’une manière
non-patriarcale. Ces films sont très intéressants selon moi car ils ont été réalisés par des hommes hétérosexuels qui
vivaient de longues relations de couple avec des femmes à la parole franche. Je crois alors que ces hommes se sont
confrontés à ce dont nous avons parlé. Ils se sont confrontés à cette masculinité car tous traitent de ce sujet. Alors le
premier film est « Le fil caché » de Paul Thomas Anderson. Le second film est « Sur le chemin de la rédemption »
dirigé par Paul Schrader. Le troisième film est « BlackKkKlansman » dirigé par Spike Lee.

Victoire Tuaillon : Un grand merci à vous.

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