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Presses Universitaires de France

Le dialectique, la dialectique, les dialectiques chez Hegel: A propos de trois ouvrages récents
Author(s): André Stanguennec
Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 82e Année, No. 3 (Juillet-Septembre 1977), pp. 312-
326
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40901758
Accessed: 22-10-2015 17:23 UTC

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Le dialectique,la dialectique,
les dialectiqueschez Hegel

A propos de troisouvrages récents

La publicationrécente,en languefrançaise, de troislivresconsacrés


à Hegeloffre cecide remarquable que,malgrél'éloignement des méthodes
ou des thèmes,chaque auteury insistesur la richesse,trop souvent
méconnue, du dialectiquechez Hegel1.Mais pourquoiparlerici du dia-
lectique? Et doit-onconsidérer commeune confusion l'assimilation du
dialectiqueà la dialectique?
Unlecteurscrupuleux de YEncyclopédie objecteraque Hegela lui-même
favorisécetteassimilation, puisquel'exposédu « momentdialectique»
est suivi,dans cet ouvrage,d'uneRemarque où l'adjectifsubstantivé et
le substantifsemblent bienpouvoirêtreprisl'un pourl'autre.Qu'on en
juge : « Io Le dialectique(das Dialektische), prisà partpour lui-même
par l'entendement, constitue,particulièrement quand il est présenté
dansdesconceptsscientifiques, le scepticisme En
;... sa déterminité propre,
la dialectique(die Dialektik)est bienplutôtla naturepropre,véritable,
des déterminations d'entendement, des choseset du finien général»2.
Convenons que le sens de ces propositionsestindiscutable ; le dialectique
et la dialectiquedésignent, indifféremment, « une nature propre», un
contenu« présenté» dans des « concepts» objectivement considérés.
Mais notrelecteur,supposéscrupuleux,conviendraégalementqu'un
auteurpeut,localement, négliger une distinction
terminologique dontle
respectseraitnéanmoins conforme à la syntaxede textesdécisifsparce
que plusnombreux*
1. Gérard Lebrun, La Patience du Concept,Gallimard, 1972 ; Bernard Quelquejeu,
La volontédans la philosophiede Hegel, Le Seuil, 1972 ; André Léonard, Commentaire
Littéralde la Logique de Hegel, Bibliothèque philosophique de Louvain, Librairie Vrin,
Paris, 1974.
2. Hegel, Encyclopédie des Sciences Philosophiques, § 81, traduction Bernard
Bourgeois, Vrin, 1970, p. 343.

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DialectiquechezHegel

Faisonstoutd'abordobserver qu'ence passagedu § 81 de YEncyclopé-


die, la formeadjective substantivée(das Dialektische)semble plus
convenable puisqu'elleconcerne «le momentdialectique » (das dialektische
Moment), «
situéentre le premier moment, l'élémentrelevantde Yenten-
dement y)1,et le moment« spéculatifou positivement rationnel» qui
appréhende « l'unité des déterminations dansleuropposition »2.
Notonsen outreque ces troiscôtésne représentant pas trois« parties
de la Logique» (die Logik),maisétant« des moments de toutce qui a
uneréalitélogique,c'est-à-dire de toutconceptou de toutce qui estvrai
en général»3,constituent « le logique» (das Logische).A l'encontrede
la distinction entrele dialectiqueet la dialectiqueque nous cherchons
ici à élucider, la différence entrele logiqueet la Logiqueest explicitement
:
poséepar Hegel logiqueou le conceptuel
le estle contenude la connais-
sance philosophique en général,contenuque la Logique,sciencephilo-
sophiqueparticulière, a le privilège d'exposerà l'étatpur.De plus,dans
la mesureoù, selonnotreauteur,« la Philosophiede la Natureet de
l'Espritapparaissentpar contreen quelque sortecommeune Logique
appliquée,car la Logiqueest l'âme qui les vivifie»4,l'explicationde la
distinction entrele dialectiqueet la dialectiquedu logique opéréeau
niveaude « la » Logiquene perdrarienà être« appliquée» au niveaude
la Natureet de l'Esprit.
La dialectiquene dénommerait-elle pas le processusglobaldu logique
dontle dialectiquene représenterait qu'unedes phases? Nombreux sont
en effet les textesqui viennent à l'appuide cettehypothèse. Considérons
par exemplece passagedes Principesde la philosophie du droit: « mais
la dialectiquesupérieure du concept,c'est de produire la détermination,
nonpas commeune purelimiteet un contraire, mais d'en tireret d'en
concevoir le contenupositifet le résultat,puisquec'estpar là seulement
que la dialectiqueest développement et progrèsimmanent»5. Hegel
soulignenettement ici le caractèreincomplet de la dialectiqueréduiteà
sonmomentnégatifet provisoire, au dialectique.GérardLebrun,faisant
référence à ce texte,noteque l'expression « la dialectique» n'y a plusle
mêmesensque dans YEncyclopédie : « c'est cettephase que le § 82 de

1. Hegel, Ibid., § 79, trad. cit.. d. 343.


2. Hegel, Ibid., § 82, trad, cit., p. 344.
3. Hegel. Ibid.. S 79. trad. cit.. d. 343.
4. Hegel, Ibid., § 24, Add. 2, trad,cit.,p. 477. SelonHegel,la logiqueest,par rap-
portaux sciencesparticulières, commela « grammaire» (nous dirionsla linguistique)
par rapportaux institutions d'uneculture: à Penfant,Logiqueet Grammaire semblent
complètement extérieuresà ces contenus; par contre,l'adulte cultivésait combien
les « formes»,linguistiques d'unepart,dialectiquesde l'autre,pénètrent intimement le
contenudes institutions et des sciencesnaturelleset humaines: « les mêmesrègleset
formesontdésormaisunevaleurpleine,riche,vivante» (Hegel, Sciencesde la Logique,
trad.Labarrière et Jarczyk,Aubier,1972,I, p. 30). Signalonsà ce proposunelacune
dans la traductionde la Sciencede la Logiquepar S. Jankélévitch, Aubier,1947, I,
p. 44 : cettephrasede Hegelet la suivantesontomisesdanssa versionde YIntroduction.
5. Hegel, Principesde la Philosophie du Droit(1821), § 31, Remarque,trad. Kaan,
Gallimard,1940,p. 55.

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YEncyclopédie désignecommedas dialektische Momentproprement dit,


à savoir« l'autosuppression de tellesdéterminations finieset leurpassage
dansleursopposées». Le mot« dialectique», Hegelle réservealorsà la
pureet simpledénonciation des déterminations finiesm1. Paradoxalement
en effet, il n'est faitaucun usage du substantif « la dialectique» pour
nommer «la méthode spéculative » au seindestextesque Hegelluiconsacre
dans YEncyclopédie (§ 237 à 244). Des troisMomentsde la méthode,
commencement, progression, fin,c'est,de manièresignificative, du second
que Hegel écrit qu'il « est la dialectique... »2 et il ajoute : « il est par là
le négatifdu commencement... »3. Hegela doncopté dans cetteœuvre
pourla restriction de sensde la dialectique: elle ne s'étendpas au-delà
du momentsecond,ou négatif, de la méthode.« Mais il semble,ajoute
G. Lebrun,qu'il revienne surcettedécisiondansla Philosophie du droit:
« la dialectique »,cette fois,englobe le moment Y
que Encyclopédie nommait
spéculatif ou rationnel »4. la
positif Que dialectique soit le mouvement
totaldu concept,c'est ce que suggèrent encoreplusieurspassagesde la
Préfacede la Phénoménologie de VEsprit; ainsi: « l'élémentde la philo-
sophieestle processusqui engendre et parcourtses moments »5,et, plus
bas : « le mouvement dialectique, cette marche (dieser Gang) engendrant
elle-même le coursde son processuset retournant en soi-même »•. Mais
le mouvement dialectique (die dialektische Bewegung) est-il bien la dia-
lectique? Le contexte, entoutcas,la nomme: « la dialectique » se présente
commela « démonstration de ce mouvement »7. Par l'intermédiaire de
l'idée de méthode il semblequ'on puissefairese rejoindre le mouvement
totalet la dialectique, puisque« la méthodede ce mouvement » n'estque
« la structure du toutexposédanssa pureessentialité »8.
Avecces analyseson abordele thèmede la dialectiquecommeméthode
ou,commele ditailleursHegel,« le cheminement du concept» (derGang
desBegriffes)*. Ainsiquele rappelleutilement AndréLéonard,« méthode »
vientdu grec(xeô'oSov signifiant littéralement «
: le long du chemin»,
« cheminement », « processus»10.Dans cettemarche,la traversée(òiá)
d'unconceptà un autreconcept(Xoyo;) justifiera naturellement l'emploi
du substantif « dialectique», et commec'est la négativitédu second
momentqui assurela transition à Yautreconcept, « ce côtédu logiqueest
« »
appelé dialectique parcequ'en lui c'est le moment intermédiaire ou
transitif le
(M) par lequel logos(Xóyo;) passe d'une à
catégorie l'autre,
1. GérardLebrun. La Patiencedu Conceptédit.cit.,p. 332.
2. Hegel, Encuclopédie, trad,cit., § 239.
3. Hegel. Ibid.
4. GérardLebrun, La Patiencedu Conceptp. 332.
5. Phénoménologie de l'Esprit Préface,trad. Hyppolite, Aubier,1939,p. 40.
6. Ibid., p. 56.
7. Ibid.yp. 56. Plus bas encore,« la dialectique» (p. 60) de Platon est tenue pour
l'expressiondu « pur concept» (p. 61).
8. Ibid.. p. 41.
9. Hegel, Sciencede la Loaique,trad.cit.. p. 24.
10. A. Léonard, op. cit.,p. 539, note 3.

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et les traversetoutes,qui est misen évidencea1. Il semblequ'à présent


nousayonsatteintle termede l'élucidation de la relationentrele dialec-
tiqueet la dialectique: le momentnégatifestappeléle ( moment) dialec-
tiqueparceque c'estluiquipermetd'accomplir le « pas » ou la « traversée
»
versl'autreconcept,dans cettemarchequ'est la dialectiqueentendue
comme méthode.Des troismomentsdu mouvement, il est le seul digne de
porterle nom de la totalité
de ce mouvement.
Le moment du négatifse
voitconférer cettedignitéen vertude la puissancede déductionnéces-
saire et immanente qu'il recèle.Il fondela possibilitéd'une déduction
métaphysique catégoriesselon l'intentionde Kant, intentionqui,
des
d'aprèsHegel,ne futjamais convenablement réalisée.
Il est d'ailleurspossiblede distinguer, au seinde la méditation hégé-
liennesurla méthode, les notionsde « marche» (Gang) et de « chemin»
(Weg). La marchesembled'avantagerelativeà la forme, au rythme, à la
« méthode du mouvement » du concept; quantau « chemin», il concerne
plutôtle contenu, Vêlement, la doctrinede ce mouvement. Voiciparexemple
un texterapprochant forme,rythme, méthode : « aucune présentation
ne peut avoir valeur scientifique qui n'emprunte la marchede cette
méthode(den GangdieserMethode) et qui ne soitconforme à son rythme
simple(ihremeinfachem Rhythmus)... »2. Le rythme dialectiquen'estpas
toujoursrythme de marche, ce qui contribue déjà à dissocier
relativement
le concepthégéliende la penséede la notionde cheminement : le rythme
du conceptest parfoisassimiléau rythmede l'harmonie, relationde
balancement et d'unité« entrele mètreet l'accent»3; dans tel texte
méthodologique enfin,il s'agit du rythmede cettedanse sacréequ'est
le « délirebachique»4. Toutefois, sans qu'elle soit uniquement, ni peut-
être essentiellement, une marche,la méthodeest formeet rythme:
de marche,d'harmonie, de danse.De leurcôté,le contenu,l'élémentau
sensde milieutraversé, la doctrine enseignée parle systèmedes concepts
sontnotionsparentes: « c'estdoncaussiparce chemin(in diesemWege)
que doitse former le systèmedes concepts»5.Le terme« encyclopédie»,
par lequel Hegeldésigneson « système», le dit fortement : *, eyx>xXioç
-kouBzîv, l'être-en-cercle-des-choses-que-l'on-peut-enseigner ! Le cercle
de la méthodedialectiqueimposeseulementaux contenusempiriques
enseignéspar les autressciences,un sens; conférer un sens,c'est situer
et orienter les significations d'entendement dans une totalitéde pensée,
car« ennégligeant de penser, de mettre en œuvrela dialectique spéculative
qui fluidifie les catégories de l'entendement pourles faireentrerdans
l'épopéeunifiéede la raison,l'hommede scienceéchoueà faireparaître

1. AndréLéonard, Commentaire Littéral....édit.cit.,p. 25.


2. Hegel, Sciencede la Loaiaue.trad.cit..légèrement modifiée,
d. 26.
3. Phénoménologiede l'Esprit,trad, cit., p. 54.
4. Ibid., p. 40.
5. Hegel, Sciencede la Logique,trad,cit., p. 24.

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le sens»*.Dans la Logique,la méthodeestla dernière catégorieenvisagée,


contenant la penséequi,ayantépuisétoutcontenuparticulier, prendpour
objet sa propreforme.« Ce contenuest le systèmedu logique.Comme
forme, il neresteici à l'Idée riend'autreque la méthode de ce contenu...»2.
L'impératifde résoudredialectiquement problèmedes rapports
le
entreméthodeet doctrine,ne nous contraindrait-il pas à abandonner
l'image du chemin de la pensée comme « ne menant nulle part» ? En tant
la
que spéculative, pensée esten effet à la fois et
sujet objetd'elle-même et
la formede la penséepensanteindissociable du contenu,de ce qui est
pensé.Entrantdansla danseou le fluxharmonieux du sens,la signification
déterminée ne peut plus s'entendrecommeun tableau ou un paysage
conceptuel rencontré enchemin. «On» ne passepas d'unconceptà unautre
comme« on» passe dans un chemin : c'est la signification elle-même qui
passe, ou fait retour à soi à partir d'une ou
autre, bien,enfin, se développe.
Passage(Übergehen), Paraître(Schein),Développement (Entwicklung)
tellessonten effet lesmodalités du dialectique. Cestroismodalitéscorres-
pondentaux troispartiesde la Logique: « la formeabstraitede la pro-
gression estdansl'êtreunautreet unpassagedansunautre,dansl'essence
unparaîtredansVopposé...»3,alorsque « la progression du conceptn'est
ni
plus passage paraître dans autre chose, mais développement... »4. Le
dialectique en tant que moment méthodologique de la progression réalise
doncdiversement la dialectique.En bref,l'élucidation des rapportsentre
le dialectiqueet la dialectiquechez Hegel conduità l'idée qu'il n'y a
pas unedialectiquemaisdesdialectiques. On estpar conséquent d'autant
moinsfondéà négliger la pauvretéprétendue de la penséedialectiqueen
faveurdes richessescombinatoires de l'entendement analytiqueque ce
méprissembleaujourd'huisouventreposersurl'ignorance de la nature,
c'est-à-dire l'absencede la lecturedesdialectiques dansle textehégélien:
« de quoiparleHegel? L'oublide cettequestionpremière explique-t-elle
que l'histoirede la critiquede Hegel soit principalement l'histoiredes
incompréhensions et des contresens commisà l'encontre de sa penséela
plusavérée? »5.A unedialectiqueappauvriepourles besoinsd'unecause
hyperformaliste, « à cet échangeurpauvre qui supposedeux joueurs
d'échecsassez infantiles pourrechercher simplement dansuneperspective
bi-polaire,binaire,univoque unilinéaire, échangerleur position
et à
respective selonla forme la pluspauvredela négativité, la contradiction »«,
onpréférera dèslorssanspeine« les développements de la sciencecontem-
poraineet de l'epistemologie qui l'escorte,où un réseauformel rigoureux
d'uneinfinie richessedéploiel'ensemble fécondde ses multipolarités... »T.
1. BernardQuelquejeu, La volonté de Hegel,édit. cit.,p. 321.
dans la philosophie
2. Hegel, Encyclopédie, § 237, trad, cit., p. 460.
3. HRflKL.Ibid.. S 240. trad. cit.. D. 461.
4. Hegel, Ibid., § 161,trad,cit.,p. 407.
5. BernardQuelquejeu, op. cit.,p. 19.
6. Jean-MarieBenoist, Marxestmort,Idées,Gallimard,1970,p. 240.
7. Jean-MarieBenoist, Ibid., p. 241.

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DialectiquechezHegel

Parce qu'elle est proprement inséparablede la pensée d'un contenu


déterminé, la progressiondialectique, dansla triplicità de sa forme ontique,
essentielleou eidétique, et conceptuelle, échappeprécisément chezHegelà
ce reproche de schématisme pauvreet mort.De tellescritiquesparaissent
ignorer que Hegel,en destextesclassiques,fustige chezSchelling, l'utilisa-
sationde la dialectique« réduiteà un schémasans vie »*.Laissonsdonc
à Hegelle soinde répondre : « la déterminabilité tiréedu schémaet appli-
quée de l'extérieur à Pêtre-là est dans la science,au contraire, l'âme,se
mouvantelle-même, du contenuplein»2. Non seulementHegelne laisse
à nul autrele soin de démontrer les « mécaniques» dialectiques,mais,
renversant les préconceptions hyperformalistes, il s'interroge loyalement
sur les richessesde la penséeformelle. Si l'on peut, certes,mesurer la
richessed'une penséeau nombrede combinaisons que sa forme sait
revêtir,en des rapportsexacts,avec un contenuextérieur quelconque,
en vertude quelleévidencepremière mépriserait-on la possibilitéd'un
autrecritère: la puissancedu négatifet, proprement, la capacitéqu'a
la penséehumained'engendrer le sensde ses penséesen se pensantelle-
même? On connaît,au demeurant,l'appréciationhégélienneselon
laquellel'activitéde calculer« ne vaut pas beaucouppluscherque ce jeu
auquel se livrent les enfants etqui consiste, à partirde tableauxdécoupés
de façonvariée,à rechercher les morceauxqui s'adaptentl'un à l'autre»3.
En tantque « puzzle»,« le calculerestuneentreprise à ce pointextérieure
et partantmécanique(qu') on a pu, commeon le sait, fabriquerdes
machinesqui effectuent les opérationsarithmétiques de la manièrela
plus parfaitequi soit »4. Entre le calcul et le concept, l'écart reviendrait
doncà celuiqui séparelejeu mécanique du travailorganique de la pensée?
Certes,mais la questionla plus profondeest peut-êtrela suivante:
pourquoices termesde « jeu» et de « mécanisme » considérés commefort
convenables, banals, voiregalvaudésdans des épistémologies à usage
interne,deviendraient-ils subitement infamantssous l'unique prétexte
que c'estunmétaphysicien quienfaitusageenentirantlesconséquences ?
L'évaluationhégéliennene comportenul mépris,mais une attention
vigilanteaux premiers moments de la pensée,quantitéet calcul,qui font
l'objet de longueset minutieuses analyses5.Est-ilbien contestable, en

1. Hegel, Phénoménologie de l'Esprit,Préface,trad,cit.,p. 42.


2. Hegel, Ibid., p. 45-46; à notreconnaissance,Hegel ne cite les termes,banalisés
de
depuis, thèse-antithèse-synthèse qu'en un texte de ses Leçonssur l'Histoirede la
Philosophie où le « rythmede la connaissance» estprésentécomme« un schémagénéral»
(Vorlesungen überGeschichte derPhilosophie, Glockner,19, p. 610).
3. Hegel. Sciencede la Loaiaue. trad. cit.. d. 23.
4. Ibid.. d. 201.
5. Les deux derniers tiersdu Livrede l'Être, Quantitéet Mesure,deLa Sciencede la
Logique.Cf. Jean Hyppolite, Logiqueet Existence,P.U.F., Épiméthée,1953,p. 55 :
«...sa critiqueanticipéedemeurevalable,du moinscontreuneprétention de ce forma-
lismeà se substituerau langageverbalpour énoncerles problèmesphilosophiques»,
et plus bas, Ibid., p. 62 : « c'est la critiquedu calcul qui prétendrait
se substituerà la
recherchedu sens que fait Hegel ».

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l'occurrence,que si la penséephilosophique
se doitde chercher
le sensde
la quantitéen un « conceptdu calcul», un « calculdu concept» en tant
que tel est choseimpossible ?
***

En quoi consistece « passage », modalitédu dialectiqueen régime


d'Être ? Se nieren se posantcommeêtre,se nierparet dansl'actemême
de s'affirmer, cela s'appelle« passer». Un être(un étantrelevantde la
Logiquede l'Être) n'est pas d'abord,pour ensuitese nier ; son auto-
négationest immédiate et suppressive. « Imaginairement, faitremarquer
G. Lebrun,il semblesans douteabsurdeque la dissolution de quelque
chosesoitle déploiement de son sens»*. Passage...Que l'on songe,bien
sûr,au tempsdonton dit,à justetitre,qu'il passe! Cet étantphysique
relèvebien de la Logique de l'Être, plus précisément de la Quantité.
Il passeen lui-même, sonacte d'être,sa subsistance n'étant,paradoxale-
ment,qu'un anéantissement de lui-mêmeen lui-même.Subsisteren se
dissolvant, se dissoudre ensubsistant, telesttrèsprécisément la spécificité
du
dialectique Passage en un Autre in
(Übergehen Anderes).Écoutons
: «
Hegel Espace,temps, etc.. sont un aller-hors-de-soi, un couler,lequel
ne passe pas dans l'opposé,...maisils sontcommesortir-de-soi, un acte
permanent d'auto-production »2. Considéré à l'état pur, logique du
le
temps est la quantité; or, « la première forme de la quantitépure,la
grandeur continue, est tout aussi bien discrète, car elle est,certes,conti-
nuité, mais seulement continuité du Plusieurs. Quant la secondeforme
à
de la quantitépure,la grandeur discrète, elleest aussibiencontinue, car
sa discrétionest le discernement ou la discontinuité d'Uns qui sont
toujoursles mêmes;... »3. Dans l'être,le négatif colleau contenuaffirmé,
dontil n'estque l'autrefaceou l'envers: « c'estun va-et-vient sans fin,
mais qui s'inscritdans le concept,la sortied'une des déterminations
vers son Autre,de la continuité à la négativité, de la négativitéà la
continuité »4.Méthodologiquement, cettesuppression simpledes significa-
tionsa pourrésultatcetteautredétermination du Passage: « danscette
progression par ruptures, les déterminations finiesdénoncent sans doute
leurinstabilité maisseulement sousla forme dela substitution d'uncontenu
par un contenudifférent »5. Cetteextériorité relativedes contenuscaté-
goriauxgrèved'unecertainecontingence la « déduction » des catégories.
Mais étonnamment, cette extériorité provient d'un « renversement »,
ou d'unautre« aspect» de la mêmecatégorie. Le contenuaffirmatif n'est
doncpas rapporté à un autrecontenuqui coexisterait avec le premier:
1. Gérard Lebrun, op. cit., p. 299.
2. Science de la Logique, trad, cit., Aubier Montaigne, p. 171.
3. André Léonard, op. cit.. p. 96.
4. Hegel. Gesch. Philo.. Glockner. 17. d. 332. cité par C. Lebrun, op. cit.. p. 238.
5. G. Lebrun, op. cit., p. 327.

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l'Êtreetle Néant,parexemple, ne sontpas descorrélatifs ou descomplé-


mentaires opposés.
La relationà l'Autre,est, par contre,constitutive des catégoriesde
l'Essence. En sa signification première,une catégorie,par exemple
l'Identité,ne se comprend qu'en référence à son opposée,la Différence ;
loinde passer,c'est-à-dire de se supprimer en elle,elle se réfléchiten elle.
« Dans l'Essence,les déterminations se reflètent les unes surles autres,
ellesparaissent les unesdansles autrespuisqu'ellessontintrinsèquement
relativesles unesaux autresb1.En une notefortprécieusede son long
Commentaire Littéraldu § 112 consacréau dialectiquedu « Paraître»,
AndréLéonardsoulignecombien l'équivoquedutermeallemand« Schein»
a de portéespéculative. Dans l'essence,l'Êtren'estpas disparu,maisses
déterminations - qualité, quantité,mesure- perdentleur statut
d'évanouissement seulementconstatéet par conséquentd'extériorité,
c'est-à-dired'opacitéou d'obscurité pourla pensée.Littéralement, l'Être
s'illumine:« il n'estdoncplusl'êtreopaqueensonimmédiateté maisl'être
illuminéoù transparaît, commeen son refletou sa luisance,le luirepur,
la purediffusion lumineuse de soi de l'essence...»2. L'antiquemétaphore
associantla lumièreà l'intelligence se retrouve intactedansle « Schein»
hégélien.Mais, de même que le « Passage », en son équivoque,désignait
toutautantle caractère« évanouissant » des penséespenséesque la pro-
gressionpar« saut» de la penséepensante, de mêmele « Paraître» signifie
aussi bienle caractèrelumineuxde l'essencepourla penséeintelligente,
que la réflexion l'uneen l'autredespenséesintelligibles. C'estqu'en effet,
la clartéconceptuelle de l'êtreprovientde la dépendanceintrinsèque de
ses déterminations à l'égard« d'un élémentqui demeure,et celui-ciest
tout d'abord l'essence»3. Les anciennesdéterminations qualitatives,
quantitatives, métriques, de l'êtreontun nouveaustatut: elles« mani-
festent» l'essencequi « apparaît» en elles,ce que dit aussi le vocable
allemand« Schein»4. Maissi l'êtreestl'apparencemanifestant l'essence,
cettedernière nesortainside soique pourrentrer ensoi,carsonexpansion
dansle « paraître» est identiquement une confirmation de son caractère
fondateur ; bref,en l'être,ou en l'autre,elle se réfléchit en soi-même, la
réflexionétantle retourd'untermesurlui-même parl'intermédiaire d'un
autreterme,lui servantde « miroir» confirmant et éclairant.
Néanmoins,la médiation,caractéristique de l'Essence, n'est pas

1. A. Léonard, op. cit..p. 38.


2. A. Léonard, Ibid.. p. 135,note 10.
3. Hegel. Encyclopédie, trad. cit.. § 112, p. 547.
4. Dans le cas de Hegel,un Commentaire Littéralfidèledoits'arrêteraux équivoques
étymologiques ; il respecteraen cela Tun des thèmesfondamentaux de la philosophie
du
hégélienne langage : «... ce peut être une joie pourle penseurde rencontrer de tels
motset de trouverl'uniondes contraires, que l'entendement juge absurdecommerésul-
tat de la spéculation, d'unemanièrenaïve,à l'état lexicald'un motayantdeuxsignifi-
cationsopposées» (Wissenschaft derLogikI, edit.G. Lasson,Hambourg,Meiner,1957,
p. 109).

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complète, et les contraires y conservent encoreunerelativeindépendance.


L'autre,en lequel l'essencese confirme en paraissanten lui, n'est pas
l'auto-différenciation de l'essence.Ce dualismeontologiqueimplique
qu'uneauto-subsistance est présupposée : « la causepar exemple,trouve
sonentièredétermination dansl'uniténégativequi la relieà l'effet, mais
l'immédiateté résultantde l'achèvementde cette médiationn'est pas
constitutive de sa proprerelationà soi maisde cellede la substance pas-
sive qui lui est présupposéed1. Incomplète,la relativitéreflexivede
l'essencese trouvesimplement conjointeà l'immédiateté d'un milieude
l'être(cf.la matièrechez Platon)où elle paraît.L'entendement « réflé-
chissant» ne peut que relierces deux aspectsd'autosubsistance et de
relativité « parunsimple« aussi» enles plaçantl'unà côtéde l'autre...»2,
Seulle conceptprésentera l'identité dansla différence des deuxcontraires
affirmant ainsisa supériorité surl' Être,qui les identifie immédiatement
par le « Passage», et sur l'Essence, dans laquelle leur différence, reposant
sur l'hétérogénéité de l'êtreet de l'essence,ne peut être entièrement
ramenéeà l'identité.
GérardLebrunnote,quantà lui, ce traitdistinguant le « dialectique
essentiel » du « dialectiqueontologique » : « ici,plusde passage,pas de A
qui se détruirait pourdevenirB »3.Et commeA. Léonard,il indiqueque
l'unitésynthétique du « momentspéculatif » est, en l'Essence,incom-
plète ; la détermination réciproque des contraires, en tant que réflexion
infinie, n'estpas, du moinsen deçà de la catégoried'actionréciproque,
la détermination par soi de la liberté,acte de la penséequi se pense: « il
s'enfautquel'extériorité descontenus, marquede la Finitude, soitencore
résorbée: la dialectiquede l'Essencerestegrevéede naïveté»4.L'auteur
deLa Patiencedu Concept, croitmêmepouvoirdécelercommeune « vio-
lence» proprede l'Essenceà l'égardde l'Être.Si, en effet, les « passages»
de l'Être sont aisémenttransposables et repérablesdans les violences
de la Nature,sphèreoù prédominecette modalitédu dialectique,le
logiquedu « paraître» s'appliquede manièreprédominante aux catégories
des sciencesde l'Esprit.Certes,les violencesde l'Esprit sont moins
meurtrières, carla coexistence avec l'Autre(choseou moi)y estindispen-
sable afinque l'Esprits'y réfléchisse. Mais précisément, l'autreest dès
lorsconsidérécomme moyen un et non comme une fin en lui-même.Il
n'estpas jusqu'à la raisonet ses conceptsqui ne soient,danscettepers-
pective,considéréscommedes instruments, ainsi qu'on le voit chez
Descarteset Kant.Le dialectiquedu Paraîtreimposeainsisournoisement
sonstyleau discours philosophique : « jusqu'oùpouvons-nous connaître?»
«
signifie Jusqu'oùpouvons-nous gagner sur l'Autre ? »5
1. A. Léonard, od. cit..p. 334-335,soulignépar nous.
2. A. Léonard, op. cit.,p. 148.
3. G. Lebrun, od. cit..p. 328.
4. G. Lebrun, Ibid., p. 328.
5. Ibid., p. 331.

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Quinieraitquela conscience soit,dansla sphèrede l'Esprit,la meilleure


« application » del'apparencedialectique? La conscience, entantqu'inten-
tionnelle,ne s'entendque renvoyéeà un objet1. Réciproquement, si
touteconscienceest consciencede quelquechosequi n'estpas la cons-
ciencemême,toutobjetindiqueun moded'altéritéoù la conscience est
impliquée.Le thèmede l'ouvragede Quelquejeu,La volontédans la
Philosophiede Hegel, comportecette correspondance : « le sens de
YErscheinung nepeutêtrecernéavecrigueur qu'en se référant à la Logique
de l'Essencequi est,dansla Logique, le moment homologue de celuide
la Phénoménologie et de la conscience»2. Puis,il cite Hegel : « en tant
que je, l'espritest essence(Wesen)...en tantque conscience, il n'estque
Vapparaître de
(das Erscheinen) l'esprit »3. Les textes de la Phénoménologie
admettent l'extension au détaildesanalysesde l'homologie aperçue.Ainsi,
de mêmeque la dialectiquepurement logiquede l'Essencetrouveson
termedansla libertéqui assurela transition de l'Essenceau Concept,de
mêmela dialectiquephénoménologique trouvele sien dans la Raison,
« le purconceptexistantpoursoi-même, le je, la certitude de soi-même
commeuniversalité infinie»4. La raisonphénoménologique établitla
transition de l'Essenceau Conceptdans l'EspritSubjectif.Et en effet,
les dialectiques majeuresde l'Anthropologie, premier momentde l'Esprit
Subjectif sont toutes de passage, tandis que celles de la Psychologie,
dernière sciencede l'EspritSubjectif, sonttoutesdialectiquesde dévelop-
pement(Entwicklung). Examinons, pourvérifier notrethèse,les princi-
paux moments négatifs à l'intérieur de l'Anthropologie. Il s'agit des
« modifications naturelles»5, du « sentiment-de-soi »e, de « l'expression
humaine» de l'Esprit7.Or les modifications naturellesde l'hommesont,
typiquement, despassages: succession des âges de la vie,éveildu besoin
sexuel,alternance de la veilleet du sommeilqui sont« nonpas de simples
altérations maisdesétatsqui alternent (progrès à l'infini)»8.Le sentiment-
de-soiimplique,de son côté, une dialectiquequantitative de passage
puisqu'ilconsisteà rapporter à une âme uniqueet permanente la multi-
plicitédes sentiments passagers.Enfin,parmiles diversesexpressions
corporelles du psychisme (gestes,mimiques, voix),c'est« ce sonde spiri-
tualitérépandusurl'ensemblequi annonceimmédiatement que le corps
estla forme extérieure d'unenatureplushaute»•.Orprécisément, l'expres-
sionparlée,est commeun paradigmepourla définition du passageque
1. Entenduestrictosensu,cette notionne convientqu'à la Phénoménologie : le
« Gegenstand » est objetopposéau sujet,en vis-à-vis; F « Objekt» est,en revanche,une
du
catégoriede la Logique Concept,indiquantla nécessitéet l'universalité de la pensée.
2. BernardQuelquejeu, op. cit., p. 108.
3. Hegel. Encyclopédie, S 414, trad. Quelquejeu, op. cit.,p. 108.
4. Hegel, Ibid.. § 439, trad. Quelquejeu, op. cit.,p. 139.
5. Hegel, Ibid., S 396,trad.Gibelin, Vrin,1970.
6. Hegel, Ibid.. § 407, trad. cit.
7. Hegel. Ibid.. § 411. trad. cit.
8. Hegel. Ibid.. S 399. trad. cit.
9. Hegel, Ibid., § 411, Remarque,trad. cit.

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Revue de Méta. - N° 3, 1977. 21

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nous donnions, en l'illustrant alors, par l'exemple du temps. Selon


G. Lebrun, « l'expressionest l'exemple d'une présenceinséparabled'une
dissolution»* car, ainsi que le dit Hegel du Moi qui s'exprime: « cette
disparition est donc elle-même immédiatementson demeurer (Dies
Verschwinden ist also selbstunmittelbar
sein Bleiben) »2.
Considéronsà présentquelques dialectiques essentiellesde la Psycho-
logie. Hegel commencepar indiquer que « le progrèsde l'esprit est un
développement »3. Bernard Quelquejeu explique qu'il s'agit là d'un
« terme spécifique,approprié pour désignerce type de progrès dans
la sphère médiatisée de l'esprit »4. Acte culminantde l'esprit libre, le
jugementde l'intelligenceillustreen effetune dialectique fondamentale
du Concept : être relationpredicativeà l'Autre dans l'identitéà soi de
la copule. Quant à la volontélibre,phase ultimede l'espritpratique,elle
comporteégalementcette « relationà soi commeà un autre » caractéris-
tique du Concept.En tant qu'il se veut lui-mêmedans sa liberté,l'Esprit
est bien rapportà soi ; et cependant,se voulantlui-mêmeil ne peut qu'être
autre que soi en ce rapportmême,et doit se faire.Mais il seraitplus pro-
fitabled'entrerdans le détail du développementde l'esprit après avoir
méditéle Commentaire que fournitA. Léonard du développementpure-
ment logique. Qu'il nous suffised'avoir montréque, chez Hegel, l'âme
passe (Anthropologie),la conscienceparaît (Phénoménologie),l'esprit se
développe(Psychologie).
•%
Le Concept, en tant que sujet-objet,être par soi, liberté,s'est déjà
présentédans les sphèresde l'Être et de l'Essence. Toutes ces catégories
sont en effetdes momentsde la pensée se pensantelle-même,mais celle-ci
n'a fait, jusqu'ici, que penser ses pensées (Logique objective) et non
son penser(Logique subjective). La transitionde la Logique objective à
la logique subjective est assurée par la catégoried'action réciproque.Le
terme de la nécessité, en tant qu'échange réciproque (Wechsel), est
1'« action réciproque» (Wechselwirkung), « rapportduel avec soi comme
avec un autre»5. Il s'agit donc d'w/ieseuleetmêmesubstancequi demeure
auprès de soi en l'interactionde réalitésdiversesqui agissentet réagissent
les unes sur les autres.La substance manifesteactivementson identité
dans l'interactionde ces différences. Mais la perfection(et donc la réalité
effectived'une telle relation) n'est autre que la pensée se pensant elle-
même. « Or, la libertén'est rien d'autre, pour Hegel, que cette nécessité
intrinsèqueet transparentepar laquelle la Pensée disposesouverainement
1. G. Lebrun, op. cit..p. 298.
2. Hegel, Phénoménologie de l'Esprit,trad. Hyppolite modifiée,édit. cit., II,
D. 69.
3. Hegel. EncucloDédie. § 442. trad.cit.
4. B. Quelquejeu, op. cit.,p. 153, note 28.
5. AndréLéonard, op. cit.,Commentaire du § 158,p. dOl.

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DialectiquechezHegel

des déterminations logiquesnécessaires commede sespropresdétermina-


tionsde soi par soi »*. La nécessitévraimentaccomplie,c'est donc la
libertéde la penséecomprenant la nécessité de conceptsqu'ellea engen-
drésen elle-même. Il n'y a, dès lors,que la penséereflexive et, en tant
qu'accomplissement de la réflexion, que la penséephilosophique qui soit
liberté.
Qu'appelle-t-on penser? (Was heisstDenken?) Voicila réponsede la
Phénoménologie deVEsprit: « se comporter à l'égardde l'essenceobjective
de tellesortequ'elle ait la de
signification l'être-pour-soi de la conscience
elle
pourlaquelle est, c'estcela que veut dire penser »2. Penser estconce-
voir; selonAndréLéonard,Hegelentendle concevoir en la tripleétymo-
logiede « concipere». Concevoir, c'est,tout d'abord,saisirla nécessité
d'une signification universelle, entendre, mais aussi engendrer, et, pour
terminer, prendreensemble, rassembler*. Il existe un certainlien de
dépendanceentreces troissens du concept. C'est parce qu'ellese pense
elle-même la est de
que pensée susceptible s'engendrer ou de se développer
et c'esten tantqu'ellese développequ'elleestà mêmede recueillir ou de
comprendre toutes les significations en un seul système où elles ont un
sens, une orientation circulaire parfaite. Ainsi que l'exprime A. Léonard :
« le concept(conceptus) estla propreconception (conceptio) parsoi, etle
propreengendrement de toutesles déterminations logiquesqui naissent
de lui commede leurprincipecréateur»4. Les catégories de l'Être et de
l'Essence, en leur infinité vraie ou moment synthétique (Devenir,Fonde-
ment,etc.)et « au titrede ce retouren soi,de cettetotalisation et de cette
compréhension synthétique, (elles) sont donc bien des concepts(conca-
pere) »5, mais ne le sont qu'imparfaitement puisqueles contrairesy
conservent toujoursquelqueextériorité l'un au regardde l'autre.Dans
l'Être,ils se cèdent la placedevantla penséeet, en l'Essence,l'un trouve
dans l'autreun milieuou un moyenextérieurde son Paraître: « cet
autre,dans lequel l'Essences'assured'elle-même en paraissanten lui,
n'a pas, avantVactionréciproque la mêmedignitéqu'elle»6.

1. AndréLéonard, Ibid., p. 302.


2. Phénoménologie de l'Esprit,trad,citée,légèrement modifiée, I, p. 168. Qu'onnous
permetted'y joindrece passagedes Leçonssur l'Histoirede la Philosophie: « Dans la
mesureoù l'idée est l'êtrequi se penselui-mêmeabsolu (das absolutesichselbstdanken),
elle est l'activitédu penseren soi-même; et la dialectique, de même,n'est pas autre
choseque l'activitéde ce qui se penselui-mêmeen lui-même»,Leçons,trad.P. Garni-
ron, III, p. 451,Vrin,1972: soulignépar nous.
3. Il va de soi que l'étymologie allemandede « begreifen » donne« prendre» et non
« engendrer ». Dans sonEsthétique, Hegelaffirme que la signification sensiblede ♦begrei-
»
fen est seulementtransportée (übertragen wird)dans Tordredu spirituel.(Esthétique,
trad,franc.Aubier, 1944,II, l'ArtSymbolique, Chap. Ill, B, 3. La métaphore, p. 118).
C'est dire que la signification conceptuellene se réduitpas à la signification imagée.
Cf. Paul Ricœur, La Métaphoreuive.Éd. du Seuil, 1975,p. 371-372et p. 363-364.
4. A. Léonard,od. cit..p. 320.
5. A. Léonard, Ibid.,p. 323 ; cf.également, p. 302 : « la connotation qui prédomine
ici est celle qui dérivede l'étymologiepremièreaussi bien de l'allemandBegreifen
0 saisiren réunissant») que du latin concipere (« prendreensemble»).
6. A. Léonard, Ibid., p. 318.

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Le conceptde développement (Entwicklung), troisième formedu dia-


lectique,indiquecetteidentitéavec soi qui ne se réalisequ'en une diffé-
renciation ou opposition à soi-même. C'estYuniversalité d'unseulet même
êtrequi se diversifie en ces divisions particulières.Telleestla singularité
véritabledu jugementdontl'étymologie allemande(Urteil)indiquant,
selonHegel,cettedivision(Teil) originaire ou génératrice de soi (Ur),
faitque l'on peutdire: « toutesles choses,envisagées selonleurconcept,
sont un jugement». Les troisfiguresmajeuresde l'Universelconcret
(syllogisme du jugementformel, organismedu jugementnaturel,Idée
absolueou penséede la pensée)sonttoutes,éminemment, des développe-
ments.Le syllogisme, d'abord, est la « restitution de l'unité totalisante
du conceptau cœurmêmede la dissociationjudicative»*. Quant à
l'organisme, il n'estcertesqu'en tant qu'il se différencie en lui-même par
la diversité de ses organes,maisaussien tantque,manquantd'éléments
qui sontdanssonmilieu,il « vise» leuraltéritécommela siennepropre;
enfin,se reproduisant, il n'est qu'en concevant,engendrant un autre
vivanten lequelil se continue.Un conceptcommeceluide « milieuinté-
rieur»,formé parClaudeBernardbienaprèsla mortde Hegel,correspond
néanmoins parfaitement à la dialectiquede la « figuration » du vivantà
l'intérieur de lui-mêmeque nous venonsd'évoquer.Il s'agit bien d'un
« milieu» et doncd'une altéritéque produiten soi-même l'organisme ;
en lui, il est parfaitement « chez-soi». L'idée de « chez soi » (bei sich)
exprimeque le lieu(chez)d'unétantestl'essencemême(soi)de cetétant.
Fairede soi sonlieu,telleestsansdoutel'unedes fonctions primordiales
du vivantselon Claude Bernard,c'est-à-dire du conceptselon Hegel.
L'esprit,pour terminer, n'est qu'en tant qu'il se pense,et s'identifie
en tant qu'il s'opposeà lui-mêmeen lui-mêmeen un je-sujet et un
je-objet,« un objet dans lequel toutesles déterminations sont venues
se rassembler »2. La notionde développement revient,selonl'expression
de BernardQuelquejeu,« à livrerune sortede matricelogiquede la dia-
lectiquehégélienne »3. BernardQuelquejeuproposeun rapprochement
entrele discoursdu conceptet le discourspoétique.Ici et là, mêmeexi-
genceà' unitéet d'actionà l'égarddes significations. Rassembler, d'une
part,les zonesles plusdiversesdu réel - ce le
que symbole et la dialec-
tiquefontchacunà sonniveau; faireet refaire les significations, d'autre
part,en cessant de les subir passivement au niveau des « mots de la tribu»
de
ou l'opinion. Car de même le
que poète est celui le
qui fait, concept
hégélienest une véritable« matrice» de significations4. Entrele philo-

1. AndréLéonard, Ibid., p. 391, Commentaire du § 181.


2. Hegel, Encyclopédie,§ 236, trad, citée, p. 460.
3. BernardQuelquejeu, op. cit.,p. 65.
4. BernardQuelquejeu, Ibid., p. 335-340.B. Quelquejeu ne cite aucun textede
néanmoinsla corro-
Certainstextesde l'Esthétique
Hegel à l'appui de son hypothèse.
borent.Car si la « conscienceprosaïque» tend à diviserlia réalité en secteurs
étrangersles uns aux autreset à considérertoute chose,non pour elle-même,mais

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sopheet le poète,tousdeuxvouésà la pensée,ne demeurerait plusque la


différencequiséparel'impatience du symbole de la « patiencedu concept».
L'auteurde l'ouvragequi portece titre,nous demande,quant à lui,
de romprel'antiqueallianceassociant« méthode» et « cheminement »,
afinde mieuxpenserle Concepthégélien.Les métaphores de la marche
et du chemin,que nous avons étudiéesplus haut,n'ontqu'une valeur
partielleet provisoire : tout au plus conviennent-elles dans les sphères
de l'Être et de l'Essence.Pour « la plus haute dialectique»*,celle du
Concept,il faut abandonnerle schemed'une trajectoire de la pensée.
en
Passer, revanche, d'une catégorie à une autre, ou laisserparaîtrel'une
dansl'autre,c'est,dansles deux cas, parcourir une voie surlaquelleon
rencontre des significations différentes sans comprendre chacuned'elles
commeauto-différenciation d'un premier terme.De l'acte d'êtreconcep-
tuel,on pourraitdirece qu'écritW. Brokerde VacíechezAristote,car
Pevépyeta est toute prochede l'activité(Tätigkeit)du Concept: « le
voirn'estpas en chemin; il n'ya rienen dehorsde lui où il devraitencore
parvenir »2. Hegelnousrecommande de distinguer la penséeconceptuelle
de la penséequi représente sonobjet; c'estque les différentes penséesne
sontpas les contenusd'un spectacleque parcourrait, en passant,notre
regard; les significations ne sontpas non plus ces idées-tableaux dont
parlaitDescartesou ces tables,rases ou non,dontnous entretiennent
Lockeet Leibniz.Le Concepthégélien, situéà l'écart,horsdes voiesoù
l'on chemine,loin des miroirsoù l'on paraît,n'est-ilpas proprement
déboutant ? Or, sans doute,est-ilencorepossiblede s'orienter dans la
pensée? Certesoui,maisà la condition expressede renoncer à ce postulat
faussement évident, relatifau statutde l'altérité, et selonlequel1'«autre»
est un termeverslequel il faudraitaller.Mais ce n'est qu'une manière
possibled'entendre l'Altérité, unpostulat(et nonune évidence)solidaire
d'une perspectiveinstrumentale sur les conceptset la signification.
L'adoptionquasipermanente de ce postulat,dontl'utilitéest pourainsi
direvitale,l'élèveà la dignitésuspectedu familier, quientantquenotoire
est « le bien-connu » (das Bekannte) 3. Mais que ce postulatbien connu
soit« reconnu», qu'onlaissese direla signification en cessantde la mani-
pulerà l'instarde « l'homofaber» bergsonien : « qu'onexplicite le sensau
lieu d'imposer la fonction : surce chemin nontracé,on ira de surprise en

commemoyenpourses propresfinsextérieures, « la penséespéculative,qui présente


de ce fait une certaineaffinité avec l'imaginationpoétique,obvie à ces défautsdes
» (Esthétique,
représentations... trad. Gibelin, Aubier,8, La Poésie, I, p. 34). Elle
présente,de manièredésintéressée,le réeldansson unité: « grâceà ce procédé,la philo-
sophiespéculativeest capable de produiredes œuvresqui, semblablesen cela aux
œuvrespoétiques,présententune identitéet un développement, déterminéspar le
contenului-même,délimitésDar lui » (Ibid.. n. 49V
1. Hegel. Principesde la Philosophie du Droit,trad.cit.. d. 55.
2. W. Broker, Aristoteles,cité par G. Lebrun,op. cit.,p. 358. Il s'agit du Commen-
taire de Yacte%en Métanhusiaue. § 6.
3. Hegel, Phénoménologie de l'Esprit,trad, cit., I, p. 30.

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surprise»*.Un peu commela géométrie euclidienne parrapportà cellede


Riemann, le codeprosaïquede la signification n'estqu'unaspectparticu-
lier,relativement pauvre,de la dialectiqueabstraitement réduiteà son
premier moment, celuide l'entendement, « Être hégélien, c'estposerque
la récusation de ce code n'estnullement le sacrifice du sens,mais,bien
au contraire, la condition de sa librecirculation »2. Quoi de plusproche,
cependant, que la dialectiquedu Concept retrouvée en sa totalité,cette
identification de soi qui se réaliseeffectivement et paradoxalement, dans
l'auto-différenciation ? Cettedialectiquedu Conceptque l'entendement
trouveprécisément inconcevable3, notreespritl'effectue, réflexivement,
dès qu'il se décide4à penserses pensées,et notrecorps,spontanément,
toutle tempsqu'il vit sa vie.
AndréStanguennec
de Nantes.
Université

1. G. Lebrun, od. cit.. p. 292. soulignépar nous.


2. G. Lebrun. Ibid.. p. 293.
3. Hegel, Principesde la Philosophie du Droit,trad.Kaan, § 7 : « le vrai,le spécula-
tif...est ce que l'entendement se refusetoujoursà pénétrer,lui qui justementappelle
touiours inconcevablele concept».
4. Cettedé-cision(Ur-teil)de soi est l'acte inauguralpar lequel la penséelibrese
détermine à jugerses penséeset son penser,contenusjusque là subisà titrede repré-
sentationsopinantes.

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