Sunteți pe pagina 1din 25

Syria

Homme masqué ou dieu-ibex ?


R.-D. Barnett

Citer ce document / Cite this document :

Barnett R.-D. Homme masqué ou dieu-ibex ?. In: Syria. Tome 43 fascicule 3-4, 1966. pp. 259-276;

doi : https://doi.org/10.3406/syria.1966.5875

https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1966_num_43_3_5875

Fichier pdf généré le 29/11/2019


HOMME MASQUÉ OU DIEU-IBEX? (i)

PAR

R. D. Barnett

(PI. XIX-XXIV)

Le sujet de notre exposé est un groupe de cachets provenant de l'Iran


occidental et de ses environs, qui présentent tous comme centre de leur
composition un très curieux personnage. Le spécimen le plus beau
de ce groupe (pi. XXII, 1) montrant un des types le plus évolués du
personnage central, a été acquis par le Department of Western Asiatic Antiquities
du British Museum en 1957; aux dires du marchand il proviendrait du
Luristan. Je le décris en détail : BM 132217 est un cachet circulaire convexe
de 15 cm de diamètre, en pierre blanchâtre, percé d'un trou de suspension
parallèle à la face gravée. Un second trou traversant le centre de la scène
a été percé par la suite. Au centre se trouve un homme à tête d'ibex, le
corps couvert de touffes de poils, chaussé de lourdes bottes, les jambes
écartées. Autour de lui s'entrelacent trois énormes serpents à tête aplatie
(deux d'entre eux étant bicéphales). Il lève les bras comme s'il dansait,
les doigts étendus vers les cornes de deux ibex bondissants. E. Herzfeld,
qui a rassemblé plusieurs cachets de ce type provenant de Tépé Giyan
en Perse occidentale <2) a remarqué le premier ce personnage barbare à
cornes d'ibex. Il a été suivi par P. Amiet (3) qui le rapprocha d'un pectoral
trouvé à Tell Asmar dans le « Temple carré » (4) ; sur cet objet, un homme

(*) Cet article a fait l'objet d'une communi- (2) E. Herzfeld, « Aufsàtze zur Altorien-
cation à la onzième Rencontre assyrio- talischen Archaologie II. Stempelsiegel ». Ar-
logique à Strasbourg, juillet 1965. Je tiens à chàologische Mitteilungen aus Iran V. Berlin
remercier le Dr E. Sollberger, pour m'avoir aidé (1925). Sur ces sceaux voir plus bas p. X.
à reviser la traduction française. J'emploie (3) P. Amiet, La Glyptique mésopotamienne
le terme technique « ibex » pour désigner la archaïque, Paris (1961).
chèvre sauvage des montagnes (Voir pi. XXI, 1). (4) Frankfort, 3rd Prelim. Report, Iraq
260 SYRIA [XLlll

à tête d'ibex (?) se tient debout au milieu de serpents, de chiens et d'oiseaux.


Mlle Porada (1) suggère que ce pectoral (ou grand cachet?) est probablement
d'origine iranienne et daterait de l'époque protoliterate récente. On trouve
de très nombreux exemples illustrant ce thème; Mlle Porada*, reprenant
le sujet en 1962, cite un beau cachet circulaire en pierre rouge (pi. V, B.
et E. de son ouvrage), appartenant à la collection Heeramanek de New
York, le datant des environs de Suse I (fin du IVe millénaire av. J.-C).
Celui-ci présente le même homme cornu, botté et couvert de poils qui
semble lancer en l'air un animal cornu tandis qu'un autre tombe sous
son bras levé. Elle ajoute à tort que ses pieds sont en forme de têtes
d'animaux à cornes; en fait, il porte de lourdes bottes de chasse. Mais elle a raison
de dire que c'est un maître, et peut-être un protecteur, du gibier, ce qui
est symbolisé par ses cornes.
Nous pouvons citer un autre bon exemple de ce thème remarquable
appartenant à la collection du Dr. R. Schmidt de Soleure, qui m'a
aimablement permis de le reproduire (2) ici (pi. XXII, 2). Nous y retrouvons le
même personnage poilu à cornes d'ibex (cassées mais cependant en partie
visibles); cette fois-ci, il ne porte pas de bottes; un grand serpent s'enroule
autour de sa taille, un autre encercle toute la scène. Sur ce cachet, le
personnage est flanqué de deux sangliers sauvages.
On peut réunir un très grand nombre de cachets étroitement
apparentés à ceux que nous venons de décrire; plusieurs d'entre eux viennent
de Tépé Giyan, comme l'a fait remarquer Herzfeld. Sur ces exemples les
traits distinctifs (poils, cornes d'ibex, bottes) semblent être quelquefois
moins marqués : par exemple les mains ne se lèvent pas toujours vers
des animaux, mais sont cependant généralement levées; mais ces défauts
peuvent être quelquefois dus au dessin peu soigné du dessinateur moderne :

Excavations, 1932/3 (O.I.C. 19, pp. 29, 30) édité par Machteld Mellink (1964). Une repro-
(1934); également dans W. Nagel, Vordy- duction du même cachet est également donnée
nastisches Keramikum, Berlin Jahrb. fiir Vor- u. par Mlle Porada dans son Altiran, (1962)
Friihgesch. (1963), pi. XV. pi. V : édition anglaise : The Art of Ancient
(]) Mlle E. Porada, dans son essai intitulé Iran, (1965), pi. V.
Nomads and Luristan Bronzes publié par Tins- (2) Ce cachet sera publié sous peu par le
titut Néerlandais d'Istanbul dans un volume Dr V. Kenna dans son livre Ancient Seals qui
d'essais Dark Ages and Nomads (c. iooo B.C.) va bientôt paraître (Phaidon Press).
SYRIA, XLIII (1966), 3-4 4 p pi. xix

1) (a), (b), (c), Musée de Brooklyn. Figurine en cuivre du dieu-ibex. Trois vues.
2) British Museum. Cylindre-sceau. Homme masqué tirant un bœuf sauvage.
SYRIA, XLIII (1966), 3-4 PI. XX

1) (a), (b), Musée de Brooklyn. Figurine en cuivre du dieu-ibex. Deux vues. (Suite).
2) 3) Charsadda Représentation de danseurs masqués.
SYRIA, XLIII (1966), 3-4 2 f PI. XXI

W- •&'.

1) Musée Albright-Knox, Buffalo. Figurine en cuivre du dieu-ibex. - 2) Un chasseur d'ibex en Iran. - 3) Argali ou « Mouton
de Marco Polo » (ovis Poli). - 4) Mouflon (à ne pas confondre avec l'argali, 3). - 5) Scène de chasse à l'ibex. Détail de la
SYRIA, XLIII (1966), 3-4 PL XXII

1-11) Divers sceaux et empreintes illustrant le thème du dieu-ibex entouré de fauves.


1966] HOMME MASQUÉ OU DIEU-IBEX? 261

Fig. 1.
SYRIA. — T. XLIII.
262 SYRIA [XLlli

1. Herzfeld, Arch. Mitt, aus Iran, V (1933), p. 101, fig. 24 (Tépé Giyan 2335), cachet circulaire
convexe : homme cornu regardant derrière lui, sous un serpent (fig. 1, 8).
2. Herzfeld, ibid.: (Tépé Giyan 2349), homme (tête disparue) passant à gauche entre deux
serpents (fig. 1, 7).
3. Herzfeld, ibid.: (Tépé Giyan 2333), homme à cornes d'ibex entre deux serpents (fig., 1,10).
4. British Museum, 128664. Herzfeld, ibid, et pi. II : (Tépé Giyan 2331); Amiet, La Glyptique
Mésop., pi. 7, 149. Homme à tête d'ibex et poitrine velue luttant (?) contre un serpent (pi. XXII, 6;
fig- 1, 4).
5. Herzfeld, ibid., fig. 25 (Tépé Giyan 2377); amulette rectangulaire gravée des deux côtés :
homme passant à gauche tenant un animal (?); au revers : serpent à deux têtes, (fig. 1, 21).
6. British Museum, 128658. Herzfeld, ibid. : (Tépé Giyan 2340) : Amiet, op. cit., pi. 7, 148 :
homme tenant deux serpents; au revers : deux serpents entrelacés (pi. XXIII, 3; fig. 1, 20).
7. Herzfeld, ibid. : (Tépé Giyan 2375), homme à tête d'ibex entre deux serpents; au revers :
deux animaux (fig. 1, 19).
8. Herzfeld, ibid. : (Tépé Giyan 2506) ; Amiet, op. cit., pi. 7, 146 : homme à cornes d'ibex
brandissant deux quadrupèdes; au re\ers : cerf et bande guillochée (fig. 1, 17).
9. British Museum, 128660. Herzfeld, ibid. : (Tépé Giyan 2373). Amiet, op. cit., pi. 7, 147
(pi. XXIII, 2; fig. 1,H6). Deux groupes : a) homme à tête d'ibex entre chien et grenouille; b) homme
à tête de mouflon (cf. pi. XXI, 4, 5) tenant un quadrupède. Au revers : deux cerfs avec deux
quadrupèdes plus petits (faons).
Ce cachet est d'une importance particulière en ce qu'il montre deux personnages semblables,
mais avec des cornes différentes; est-ce peut-être pour suggérer que le même génie peut prendre
les deux formes, ou faut-il les considérer comme distincts l'un de l'autre? On peut comparer ce
cachet au nos (12) et (13).
10. Collection R. Moussa, New York. Cachet en pierre noire; rectangulaire aux angles arrondis,
gravé des deux côtés. Long. : 52,7 mm; larg. : 45 mm; haut. : 13,5 mm. A l'endroit : homme à
tête d'ibex marchant au milieu de serpents; au-dessus de sa tête, un ibex renversé; au revers :
.deux rangées de têtes d'animaux séparées par une ligne ondulée entre des bandes quadrillées
(représentant peut-être des filets de chasse) (pi. XXIII, 4; fig. 1, 18).
Je suis très reconnaissant à MUe Porada d'avoir attiré mon attention sur ce cachet et à M. Moussa
et à elle-même de m'avoir envoyé photographie et détails.
11. Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire. Cachet circulaire percé au centre (comme
BM. 132217, voir ci-dessus). Homme poilu à tête d'ibex (?), portant de très hautes bottes,
marchant à grands pas vers la droite entre un chien et un grand oiseau en plein vol; entre ses
pieds se trouve une flèche. Haut. : 15 mm; diam. : 45 mm. (Tépé Giyan) (pi. XXII, 3).
Je suis reconnaissant à Mme Homès-Frédéricq, des Musées royaux d'art et d'histoire de Bruxelles,
d'avoir aimablement attiré mon attention sur ce cachet et à M. Philippe Gilbert, Directeur des
Musées, pour son aimable permission de le publier.
Mme Homès-Frédéricq ajoute très aimablement ces précieuses remarques : « Le cachet, qui
appartient à la section Iran qui n'est pas sous ma direction, n'a pas encore de numéro d'inventaire;
il proviendrait d'après les indications laissées par M. G. Goossens, de Tépé Giyan et a les dimensions
suivantes : hauteur : 15 mm., diamètre : 45 mm. Il a la forme d'une calotte avec le trou de suspension
au milieu. Le personnage n'a pas de tête d'ibex, mais il a le corps couvert de grosses touffes de
poils et semble porter des bottes, qui n'ont pourtant pas la pointe recourbée comme sur certains
exemples que vous nous avez montrés. »
12. British Museum, 128659 : Herzfeld, ibid. : (Tépé Giyan 2505) : homme à cornes de taureau,
196GJ HOMME MASQUÉ OU DIEU-IBEX? 263

un serpent à la taille, entre deux étoiles; au revers : quatre têtes de chèvres sortant d'un filet de
chasse ou d'une palissade (?). (Remarquons que cette variante à cornes de taureau est très rare)
(pi. XXIII, 1 et fig. 1, 23).
13. Coll. Heeramanek, New York, E. Porada, Altiran, fig. en haut p. 26 . cachet rectangulaire
(4,25 cm haut.). Homme au corps couvert de poils à cornes de taureau ou de mouflon, portant
des bottes, dansant entre deux serpents (pi. XXII, 5).
14. HfR7HiD, loc. cit , fîg. 14 et pi. 1; Amilt, op. cit., pi. 7, 151. Cachet circulaire à
petite bélière; homme à tête aplatie (sans cornes0), mais portant de grandes bottes, jambes
écartées entre deux serpents. (Tepé Gi\an) (pi. XXII, 7 et fig. 1, 5).
15. Collection J. Cohn, Londres. Cachet circulaire : diam. 3,5 cm : personnage à petite tête et
cornes minuscules, le\ant les bras, les jambes écartées entre deux serpents; dans le champ, des
chevrons (pointes de flèches0) (pi. XXIII, 6) (x).
16. Même collection : personnage semblable entre des ibex; chevrons (représentant des pointes
de flèches0) dans le champ (pi. XXIII, 5).
17. Collection Norman CoKille, Londres (fig. 2). Grand cachet ovoïde, diam. : 6 cm, pierre
noirâtre. Homme nu, levant les bras, les jambes
écartées, la tête à corne droite, tournée en arrière,
deux serpents s'approchant de ses aisselles; lion,
chien, ibex, lézard (2).

Ce catalogue n'épuise aucunement


les exemples représentant ce type de
personnage. Sans aucun doute, une
recherche diligente en découvrirait
d'autres (3).
Un autre groupe de cachets,
légèrement plus varié du point de vue de
la composition, a été découvert au Fig. 2. — Cachet de la collection Colville
cours des fouilles de Tépé Gawra.
Dans ce groupe, sur certains exemples, les cornes du personnage sont sans
aucun doute des cornes d'ibex; sur d'autres, elles ressemblent plutôt à
des cornes de gazelle où à des cornes d'ibex très raccourcies. Cela serait-il
dû à l'éloignement relatif de Tépé Gawra des montagnes, habitat de l'ibex?
Un certain nombre d'autres cachets circulaires représentent un homme

(x) Je remercie aussi M. Cohn d'avoir bien Niveau 17 de Tépé Gawra une figure peinte
voulu m'accorder la permission de publier les représentant un personnage dansant à tête
numéros 15 et 16. aplatie entre deux serpents (?) Tobier,
(2) Je remercie aussi M. Colville pour la Excavations at Tepe Gawra II, Philadelphia (1950),
permission de publier le numéro 17. pi. LXXV.
(3) II faut aussi noter sur un tesson du
264 SYRIA [XLIII

à tête plate sans cornes. Il s'agit non plus d'une tête d'animal, mais peut-
être d'une tête masquée ou déformée. Ces hommes ont des attitudes variées,
souvent erotiques : Tobler, Tepe Gawra II, pi. CLXII, 76-80, CLXIII,
184 (ici fig. 1, 11, 12, 13, 14, 22 et pi. XXII, 9-11). Nous ne citons que les
exemples les plus importants.

1. Tobler, op. cit., pi. LXXXVIII a, 5; pi. CLXIV-95 Niveau XIII; Amiet, pi. 2. 40 (Niveau

:
d'Obeid) : homme cornu dansant devant un ibex dressé (pi. XXII, 11).
2. Tobler, op. cit., pi. CLXIII. 81. Empreinte. Niveau XI. Rectangulaire. (Notre fig. 1, 15) :
homme à tête d'ibex tenant des objets non identifiables, un serpent autour de la taille.
3. Tobler, op. cit., pi. CLXII. 77. Niveau XI-A. (Post-Obeid) : Amiet, pi. 2. 39 : cachet
circulaire; homme à tête aplatie entre des objets non identifiables. (Nos pi. XXII, 9; fig. 11).
4. Tobler, op. cit., pi. CLXIV. 94 : même niveau : Amiet, op. cit., pi. 2, 38 : homme cornu
entre deux chèvres.
5. Tobler, op. cit., pi. CLXIV. 01. Niveau XIII (Niveau d'Obeid) : Amiet, op. cit., pi. 2, 37.
Cachet circulaire : homme à tête aplatie entouré d'ibex.

A Suse, la situation est différente de celle de Tépé Giyan et de Tépé


Gawra. A Suse, à la base de la « couche intermédiaire », entre les niveaux I
et II, nous trouvons une nouvelle série de spécimens représentant un
personnage analogue, quoique exécuté d'une manière assez différente.
Sur ces cachets, le personnage à tête d'ibex est vêtu d'une longue jupe
et porte un collier, généralement orné d'un pectoral. Il semble qu'il
pourrait s'agir d'un personnage féminin (peut-être la parèdre du dieu-ibex?).
Mais il faut remarquer que ni la jupe ni le collier à disque ne sont
nécessairement des parures féminines dans l'Ancien Orient.

1. Le Breton, R.A. 50. (1956) fig. 4 (post Suse) : Amiet, op. cit., pi. 6, 117 : personnage à
tête d'ibex vêtu d'une longue jupe et paré d'un collier et d'un pectoral, debout entre deux poissons,
brandissant des serpents. Post-Suse I (fig. 1,1).
2. Le Breton, op. cit., fig. 5 : Amiet, op. cit., pi. 6, 118 : personnage semblable tenant des
serpents : Post-Suse I.
3. Le Breton, op. cit., fig. 12. Amiet, op. cit., pi. 6, 119 : cachet pendeloque gravé sur les
deux faces : a) personnage semblable empoignant deux lions; au-dessus, deux pieds (?), b) personnage
agenouillé adorant des représentations d'animaux (?) (fig. 1,2).
4. Le Breton, op. cit., fig. 10 : Amiet, op. cit., pi. 6, 120. Cachet circulaire : semblable
à celui de la figure 3 qui empoigne deux lions; au-dessus, deux bucranes (?).

D'autres cachets circulaires (Amiet, pi. 6, nos 121-123) semblent


représenter des êtres humains en train d'adorer cette divinité à tête d'ibex.
Le dernier exemple est un cachet circulaire d'époque archaïque, (R. de
1966] HOMME MASQUÉ OU DIEU- IBEX? 265

Mecquenem, R.A. 22 (1925), p. 12, n° 1 : Le Breton, Iraq, XIX (1957),


p. 104, fig. 18 : Amiet, op. cit., pi. 14, 231) sur lequel un homme (dépourvu
de cornes) tient une arme (?) d'une main et un quadrupède de l'autre :
au-dessus et au-dessous, deux poissons. L'homme porte des bottes à la
poulaine, ainsi que j'ai pu le vérifier sur l'original (fig. 1, 3).

Le personnage à tête d'ibex de ces cachets donne certainement la clef


de l'explication de deux statuettes en cuivre tout à fait remarquables.
Elles ont l'une et l'autre une hauteur d'environ 17,3 cm; elles ont été
achetées à Baghdad et déclarées provenir de Tello, attribution plutôt sujette
à caution. L'une est maintenant en dépôt au Musée de Brooklyn (1) et
appartient à Mr. et Mrs. Martin; l'autre est à la Albright-Knox Art Gallery
de Buffalo (2). L'analyse de celle de Brooklyn a montré qu'elle était en
cuivre pur. Elles sont toutes les deux en métal massif mais ont les yeux
incrustés : elles ne proviennent cependant pas du même moule. Chacune
de ces deux puissantes sculptures en miniature nous montre un homme
barbu, nu, les bras étendus, les organes sexuels très apparents, ayant pour
coiffure une tête et des cornes d'ibex. Il porte un serpent enroulé autour
de la taille et sur le dos une gibecière, peut-être en forme d'oiseau. Aux
pieds, d'énormes bottes de chasse à la poulaine. Ses mains tenaient
autrefois des objets (serpents ou quadrupèdes, peut-être un arc et une flèche,
ou un bâton, nous ne le saurons jamais). Je suis très enclin à penser que
ces statuettes sont de la fin du IVe millénaire avant Jésus-Christ, ou
période protoliterate, phase pendant laquelle, nous le savons maintenant,
l'Iran a produit un certain nombre d'exemples extrêmement remarquables
de sculpture archaïque représentant des personnages divins ou semi-
divins (3). Nos deux statuettes ont effectivement une ressemblance assez

I1) Je suis reconnaissant au Dr B. V. Bothmer (2) Je dois des remerciements à la Albright-


et au Dr Cooney du musée de Brooklyn Knox Art Gallery, de Bufïalo, pour m'avoir
pour leur aide et conseil, et à la Guennol Col- permis de reproduire la photographie de sa
lection (Mr. et Mrs. Alastair Bradley Mar- statue.
tin), de m'avoir aimablement accordé la (3) Voir R. Ghirshman, « Statuettes archaï-
permission de publier à nouveau leur statue ques de Fars. » Artibus Asiae XXVI (1963).
qui est en dépôt au musée de Brooklyn.
266 SYRIA [XLlii

frappante avec un personnage trouvé à Warka (1). Elles ont été publiées
pour la première fois par E. Schenk en 1953 (2), et publiées de nouveau
par Haskins en 1957 (3). Haskins émet l'opinion plutôt étrange qu'il s'agit
d'œuvres caucasiennes des environs du *.n ' siècle avant Jésus-Christ
représentant un prêtre de type « shaman », mais cette opinion n'est guère
convaincante : elles sont sûrement beaucoup plus anciennes.
Je pense qu'en passant en revue les observations de Herzfeld,
Mlle Porada, Amiet, nous avons suffisamment démontré qu'un génie mâle
à tête d'ibex, associé principalment à des serpents, mais aussi à d'autres
animaux, a joué un rôle extrêmement important à la fin du IVe millénaire
avant Jésus-Christ dans ces deux régions assez éloignées l'une de l'autre
que sont Tépé Giyan (Nihavand) en Iran et Tépé Gawra en Mésopotamie
du Nord. Sous sa forme la plus complète, en Iran ce génie est représenté
dansant ou marchant à grands pas, le corps couvert de poils, nu, mais
chaussé de bottes de chasse à la poulaine. En Mésopotamie septentrionale,
sa tête d'ibex est moins caractéristique, et il perd progressivement ses
cornes tout en gardant souvent une tête plate, ce qui pourrait signifier
soit une tête masquée, soit peut-être une tête déformée ou stylisée, comme
on le voit dans les terres cuites d'Ur de la période d'Obeid. Ce génie est
bientôt complètement oublié à Tépé Gawra au fur et à mesure que le
IIIe millénaire avance et les cachets qui l'y représentent disparaissent.
Il est cependant étrange, et ce n'est peut-être pas une coïncidence,
que les bottes de chasse qu'il porte, souvent à pointe recourbée, survivent
longtemps sous forme d'amulette, à la fois en Syrie du Nord et en Asie
Mineure. On peut même, peut-être, les reconnaître dans des vases en forme
de botte, que l'on a trouvés en Asie Mineure et en Transcaucasie. Le sujet
a été bien étudié par Mme Guitty Azarpay (4), qui a relevé les petites
f1) Strommengeh et Hirmer, 5,000 Years l'exposition Ancient Art in American Private
of the Art of Mesopotamia (1964), pi. XXXII- Collections, n° 72 (1954).
XXXIII. (3) John L. Haskins, Shamanistic Figures
(2) Edgar G. Scheink, Additions to Perma- from the Caucasus, Marsyas VII (1957),
nent collections : Two Near Eastern Figurines : pp. 40 ss.
Gallery Notes, XVII /I Buffalo Fine Arts (4) Guitty Azarpay, Two Urartian Boot-
Aeademy, Buffalo, N. Y. Jan. 1953. Celle de shaped Vessels, Artibus Asiae, vol. XXVII,
Brooklyn a été exposée au Fogg Art Museum 1/2 (1964).
de Cambridge, Mass., voir le catalogue de
l%6] HOMME MASQUÉ OU DIEU-IBEX? 267

amulettes en pierre de Tell Brak en forme de botte comme les exemples


les plus anciens (1) (PL XXIII, 7).
Mais qui est cet homme-ibex botté? Une grande importance semble
être donnée, sur tous ces documents, à ses curieuses bottes à la poulaine.
On pourrait être tenté de suggérer que, puisque le nom du dieu sumérien
Sumugan (ou Sakkan), dieu des troupeaux et des animaux sauvages,
pouvait s'écrire dGÎR, le signe GÎR voulant dire 'pied', ces personnages
représentent Sumugan. Mais un pied n'est pas une botte, et ce personnage
ne semble être aucunement sumérien : il paraît donc tout à fait improbable
que Fhomme-ibex représente Sumugan. Est-ce tout de même peut-être
une préfiguration en Mésopotamie de Tammuz, associé à la fois à une
antilope et à des serpents, quand il essaye d'échapper à ses tourmenteurs?
Ou encore du se'ir, en Canaan, sorte de satyre, auquel la Bible interdit
aux Israelites d'offrir des sacrifices? Il est peut-être plus sage de ne pas
essayer pour le moment de rechercher une identification trop précise,
mais de voir en lui un simple génie protecteur de l'ibex. Nous pouvons,
cependant, souligner que ce génie ne disparaît pas en Iran après l'époque
d'Obeid. Au contraire, il semble avoir connu un très large accroissement
de son influence dans le temps et dans l'espace : un personnage apparenté,
portant des cornes de mouflon, apparaît souvent comme « maître
(quelquefois maîtresse) des animaux » sur les passe-guides de bronze et autres
ornements ajourés du Luristan des ixe et vme siècles avant Jésus-Christ (2)
(PL XXIV, 2). La protection des animaux est naturellement liée à leur chasse.
L'homme masqué peut donc être aussi bien un protecteur de la faune qu'un
chasseur. Nous devons penser au temps où l'homme chassait avant
l'invention de la poudre. Comment, alors, un chasseur primitif s'approchait-il
d'une proie vigilante, aux pieds agiles et à la vue perçante, assez près
pour pouvoir l'atteindre avec un arc et une flèche? Seulement en la
traquant, chaussé de bottes, mais en portant aussi un déguisement d'animal,
de manière que, si l'animal voyait quelque chose bouger, il pût penser
qu'il s'agissait seulement de la peau et des cornes d'un de ses frères de

(*) Mallowan, Excavations at Brak and (2) Photographie due à la courtoisie du


Chagar Bazar, Iraq 9 (1947), pi. VII, 5 (p. 97) : musée de Téhéran, prise par Mr. Rostamy.
pi. VIII, 6 et p. 99 : pi. LU, 10 (p. 211).
268 SYRIA [XL1II

race. Bien sûr, d'autres idées, idées de magie ou totémisme, peuvent s'être
mêlées à l'intention pratique. Les danses servaient à la fois aux besoins
de la religion, de la guerre et de la chasse. Des personnages se livrant à
une danse du sabre et ayant l'un une tête d'ibex et l'autre une tête de
mouflon se trouvent sur un tesson de Charsada (la « capitale » aryenne
Pushkalavati), dans le Pakistan sur la frontière de l'Afghanistan (PL XX,
2, 3) (1). Bien entendu, ces danseurs à masque d'animal ont de nombreux
parallèles dans les sociétés primitives.
Des besoins semblables menèrent à un résultat semblable dans nombre
d'endroits très éloignés dans le temps et dans l'espace, sans qu'il faille
s'imaginer que les illustrations de cette sorte appartiennent toutes à une
seule culture. Une remarquable représentation de chasseur portant une
tête de chèvre en guise de déguisement et tenant en laisse un chien (en
partie disparu) se trouve sur un tesson de l'époque de Suse II (pi. XXI, 2) (2).
Une autre scène nous est fournie par un cylindre d'époque moyenne
assyrienne (3) montrant un homme au masque de bélier, à genoux,
probablement en embuscade, tirant sur un taureau sauvage (pi. XIX, 2) (4). Des
cultes païens très semblables subsistent jusqu'à nos jours dans les régions
limitrophes de l'Iran4.

Mlle Porada a judicieusement attiré l'attention, dans un contexte


légèrement différent (5), sur la survivance remarquable à l'époque moderne
du culte païen rendu à une divinité-ibex dans la vallée de Haramosh, au
Dardistan (Gilgit Agency), dans le nord-ouest de l'Inde, non loin de
Charsada, déjà mentionné, au sein d'une tribu indo-aryenne, où une déesse
f1) Sir Mortimer Wheeler, Charsada, Oxford (4) Pour voir un exemple paléolithique de
(1962), pi. XIX et p. 102. Je suis très chasseur masqué revêtu d'une peau de bête, cf.
reconnaissant à Sir Mortimer de m'avoir Breuil et Begouën, Comptes rendus de V Académie
aimablement procuré une photographie de cette des inscriptions et belles-lettres 1930; F. Behn,
scène et m'avoir permis de la reproduire. Vorgriechisches Maskenbrauchtum, pi. XI, Ber.
(2) Mémoires de la délégation en Perse XXV, liber die Verhàndlungen der Sachs. Akad. Wiss.,
%. 11, XXX, pi. X. Nagel, op. cit., fig. 95, Leipzig, phil. hist. kl. 102, pt. I (1955).
nos 3 et 4. C'est à M. Amiet que je dois une (8) Altiran, p. 36, citant Jettmar, «
photographie de cette pièce. Ethnological Researches in Dardestan 1958, »
(3) Collection de Mr. J. Cohn, Londres Proceedings of the American Philosophical Society
[maintenant BM 134836]. 105 (1961), pp. 79-97.
SYRIA, XLIII (1966), 3-4 PI. XXIII

1-6) Divers sceaux et empreintes illustrant le thème du dieu-ibex ou mouflon


entouré de fauves.
7) Amulettes en forme de bottes, de Tell Brak.
SYRIA, XLIII (1966), 3-4 PI. XXIV

1) Collection Foroughi. Coupe de Bronze avec représentations astrales.


2) Bronze du Luristan : déesse-mouflon (?) entre fauves.
1966] HOMME MASQUÉ OU DIEU- IBEX? 269

appelée Murkum est adorée par toutes les femmes de la vallée à la fois
comme protectrice de la mère et de l'enfant et comme principale
propriétaire de tous les ibex et moutons sauvages. Les chasseurs apportent des
cornes d'ibex sur l'autel de Murkum. Pendant que les femmes de la tribu
accomplissent certains rites annuels dans le sanctuaire de la déesse, situé
dans la montagne, une femelle d'ibex est envoyée par celle-ci pour être
sacrifiée par le seul mâle présent, le prêtre, qui la tue et la partage après
s'être livré, nu, à une danse erotique. Il semble que ce prêtre ait plein
pouvoir, du point de vue sexuel, sur toutes les femmes de la vallée.
Malheureusement, on ne nous dit pas ce qu'il porte sur la tête (porte-t-il
des cornes d'ibex?) ni comment il est habillé en d'autres circonstances.
Mais cela nous rappelle singulièrement nos cachets.
Nous nous demandons si l'homme-ibex des cachets, qui danse avec
des serpents et d'autres créatures, ne serait pas un personnage du genre
du prêtre de Murkum, revêtu comme un chasseur de la peau et des cornes
de l'animal chassé. Est-il possible que ce soit le consort, ou peut-être
simplement le grand-prêtre de la déesse? Le personnage qui danse suivi d'un
ibex et les personnages aux attitudes erotiques des cachets de Tépé Gawra
semblent parfaitement évoquer le prêtre de Murkum. Les hommes à tête
plate, qui figurent sur d'autres cachets, peuvent être supposés représenter
des hommes masqués ou au crâne déformé. Aucun de ces personnages
ne porte la tiare à corne qui sera l'insigne habituel des dieux plus tard
en Mésopotamie, mais qui ne l'était guère à l'époque de nos monuments.

En Mésopotamie et dans l'Ouest, le concept de la protection des


animaux, particulièrement du bétail, est identifié au concept de la chasse,
c'est-à-dire de la chasse aux fauves. Passons maintenant à la découverte
la plus surprenante faite au cours de nos recherches sur ce sujet. Il
s'agit d'une coupe de bronze peu profonde de la collection de M. Mohsène
Foroughi de Téhéran (1). Elle est en bronze peu épais (notre PL XXIV et

(x) Je suis très reconnaissant à M. Foroughi remarquable et de m'avoir si généreusement


de m'avoir aimablement montré cet objet permis de le publier; et à mon collègue,
270 SYRIA [XL11I

fig. 3-6) et aurait été trouvée au Luristan. Elle a la forme simple


des coupes de métal phéniciennes des viiie-vne siècles avant Jésus-Christ,
dont certaines ont été trouvées au Luristan (1). Cette coupe présente une
scène unique, entièrement composée d'astres, d'étoiles et de constellations.
Autour du bord se succèdent huit motifs placés chacun sous une étoile;
en haut se trouve le soleil, en bas la lune. Celle-ci est du type qui, sur les
monuments araméens de Zinjirli, représente Sin, le Dieu-Lune (2). Elle
se trouve entre deux étoiles. A gauche, sous une grande étoile, se trouve
une tête de taureau composée de dix-neuf cercles, encadrée de deux autres

Fig. 3. — Coupe Foroughi. Le motif central et les constellations.

Fig. 4- — Profil de la coupe.

Mr. R. Pinder-Wilson, d'avoir vérifié ses et XXXVI.


dimensions, qui sont les suivantes : hauteur : (2) Voir R. D. Barnett, « The Gods of
3,5 cm.; diamètre : 18 cm. Zinjirli, » Compte rendu de la onzième Rencontre
(x) Par exemple : A. Dupont-Sommer, assyriolo gique internationale, Leyde (1964),
« Trois inscriptions araméennes. » Iranica pp. 75-76.
Antiqua IV (1964), particulièrement pis. XXXV
1966] HOMME MASQUÉ OU DIEU-IBEX? 271

cercles. Ce doit être le « Grand Taureau du Ciel », la constellation du


Taureau (1). Entre la tête de taureau et le Soleil, il y a un singe (!) tenant un
bâton fait de petits points, avec trois cercles sur le corps, debout sous un
dais composé de neuf cercles. Entre la tête de taureau et la Lune se trouve
un motif ressemblant à un collier, ou peut-être à une boucle d'oreille, fait
de quatorze cercles minuscules. En bas à droite, il y a sept cercles formant
une grappe de raisin (sans aucun doute les sibitti, les Pléiades) entourés
de cinq petits cercles. Devant le personnage central se trouve un objet
angulaire; n'est-ce pas vraisemblablement la Charrue, la constellation de
MUL.APIN? Elle est composée de sept cercles surmontés de cinq autres
cercles plus petits. Entre la Charrue et le symbole du soleil, il y a un groupe
de sept grands cercles que je ne peux identifier que comme une botte à la
poulaine renversée, qui fait pendant à un autre motif semblable situé de
l'autre côté du personnage central. Peut-être faut-il les identifier à la
Grande Ourse et à la Petite Ourse? Aucune étoile tirant son nom d'une
botte ne figure, autant que je sache, dans la littérature cunéiforme, mais
le Dr E. Sollberger me fait remarquer qu'il existait un type de chaussure
ou de sandale appelé kussuhub qui s'écrivait KUb.MUL et plus tard
KUS.SÛ.MUL (2). Cela pourrait peut-être indiquer qu'il existait à l'origine
une telle étoile. Sur la coupe, les intervalles entre les groupes situés le long
du bord sont remplis par des étoiles formant une étoile à huit branches,
symbole astral familier (3). Au centre de toute la composition se trouve une
constellation majeure. Au centre, entourée d'un dais d'étoiles et représentée
avec le mystère et la discrétion qui conviennent, se trouve la silhouette
géante d'une divinité masculine à jambes écartées, faite de soixante-trois
cercles. Le personnage semble barbu, tient un long bâton ou une lance,
et porte un haut chapeau pointu. Il regarde à droite et se tient au-dessus
d'un ibex regardant à gauche et fait de vingt-sept cercles. Devant et derrière
le dieu, il y a deux grandes étoiles et devant lui ce qui paraît être un poisson
fait de petits points; puis viennent quatre petits cercles. La constellation
à laquelle on pense identifier le plus volontiers notre homme est Orion,

(x) Jeremias, Handbuch der altor. Geistes- Landsberger, MSL 7, p. 131, note aux lignes
kultur (1929), pp. 215-6. 177 ss.
(2) Voir Deimel, §L 129a. 17 et 548.4; (3) R. D. Barnett, loc. cit.
272 SYRIA [XLIII

le puissant chasseur (appelé sitaddalu en akkadien (1), « celui-qui-est-fendu-


par-une-arme » ou, en sumérien, Sipa-zi-ana, « le bon pasteur de ciel »).
Notons qu'Orion est étroitement associé à la fois au Taureau et aux Pléiades.
Les noms assez mystérieux qu'il porte en sumérien et en akkadien font
penser à la figure de Tammuz, protecteur des troupeaux, et même à celle
d'Adonis et d'Attis, tués à la chasse.
Que signifie cette extraordinaire composition? Elle signifie qu'un génie
masculin étroitement associé à l'ibex, portant une sorte de coiffure anato-
lienne, tenant un javelot, et associé à de mystérieuses bottes et à un poisson,
était considéré par quelque culture, que nous voudrions placer en Syrie
ou Phénicie aux viiie-vne siècles avant Jésus-Christ, comme le maître des
cieux, protecteur de l'ibex. Ce personnage rappelle singulièrement celui
des cylindres, et cachets décrits plus haut, tout en présentant certains
traits nouveaux : le chapeau de type anatolien ou syrien et, peut-être, le
procédé anatolien, mais aussi mésopotamien, consistant à représenter le
dieu debout sur un animal. Notons que ce n'est peut-être pas le cas sur
notre coupe, car normalement, aussi bien dans les régions orientales
qu'occidentales, l'animal est tourné du même côté que le dieu et non, comme ici,
en sens inverse. On pourrait penser que sur notre coupe, le dieu en réalité
protège l'ibex contre un fauve qui n'est pas représenté. Quatre des
constellations qui l'accompagnent, le Taureau, la Charrue, le Poisson, les Pléiades,
sont familières à l'astronomie mésopotamienne, et sans aucun doute ailleurs,
tandis que les trois autres sont franchement nouvelles et surprenantes :
les bottes, le singe et le « collier » (2). Ce qui est le plus étrange, c'est qu'elles
soient représentées iconographiquement à une date relativement aussi
ancienne que celle-ci, car sauf erreur, les plus anciennes représentations de

(*) Gossman, Planetarium Babylonicum (2) On peut remarquer que des monnaies
(1930), pp. 130 s. Weidner, A. f. O. XIX des vie-ve siècles avant Jésus-Christ de la ville
(1959-60), pp. 112-3. Ce n'est peut-être pas grecque de Salamine à Chypre (où l'influence
une coïncidence si l'hymne vieux-babylonien phénicienne était forte) portaient le signe
bien connu aux dieux de la nuit mentionne ankh fait de gros points, évoquant une
comme dieux de la nuit « le brillant Gibil, constellation et renfermant une étoile à huit
le guerrier Irra, l'Arc, le Joug, l'Étoile-de-celui- branches. Hill, Catalogue of Greek Coins in the
qui-est-fendu-par-une-arme, le Dragon-Serpent, British Museum: Cyprus (1904), pis. IX-X.
le Chariot, la Chèvre, le Bison, la Vipère ».
1966] HOMME MASQUÉ OU DIEU-IBEX? 273

Fig. 5. — Motif central et constellations sans le dais.

Fig. 6. — Les étoiles remplissant le champ autour du


motif central et des constellations.
274 SYRIA [XLIII

constellations se trouvent sur des tablettes d'argile de l'époque


hellénistique (1). Notre coupe montre maintenant sans aucun doute possible que
déjà avant cette date un peuple du Proche Orient (phéniciens ou araméens?)
représentait d'une manière graphique certaines étoiles importantes et
certains groupes d'étoiles comme symbolisant certaines divinités ou
personnages divins. Cela peut éclairer les propos énigmatiques d'Asarhaddon
déclarant qu'il dessinait des représentations d'étoiles semblables à
l'écriture de son nom (2), déclaration qui a été rapprochée de façon plausible
des curieuses figures qui se voient à la base de ses prismes d'argile. De plus,
nous pouvons en rapprocher les figures de la « Pierre Noire d'Asarhaddon (3) ».
Cela peut aussi éclairer les étranges figures peintes par Sargon, son père,
à Khorsabad : un homme, un lion, un corbeau, une charrue et un taureau (4).
Ces rois, de toute évidence, cachaient sur ces monuments leurs noms sous
des figures occultes, faisant ainsi allusion aux formes des constellations
réputées être de bon augure en les associant à leur nom royal à l'aide de
quelque principe qui n'a pas encore été élucidé.
Il est clair que notre coupe fournit un argument de poids aux savants
qui pensent que certains motifs et groupes reproduits très souvent dans
l'art du Proche-Orient ancien ont eu depuis des temps très reculés une
signification astronomique (5). Les étoiles et leurs mystères ont occupé
l'esprit des hommes depuis les temps les plus anciens.

f1) Jeremias, Handbuch der altorientalischen un palmier.


Geisteskultur (1929), fïg. 131, 133. (3) BM. 91027 : Guide to the Babylonian and
(2) Lu-ma-a-se tam-si-il sitir sumi-ya e-siq Assyrian Antiquities (1922), p. 228.
si-ru-us- sù-un « sur elles (les stèles) j'ai peint (4) Voir V. Place, Ninive et l'Assyrie. Perrot
les éto'ûes-lumâsu qui correspondent à et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité,
l'écriture (cunéiforme) de mon nom ». Chicago vol. II, pi. XV.
Assyrian Dictionary 4, 331 s. Borger, Die (5) W. Hartner, op. cit., fait remarquer que
Inschriften Asarhaddons (1956), p. 28. E. F. le « seul fait que le plus grand nombre, et de
Weidner, « Silkan(he)ni Kônig von Musri ». beaucoup, des noms d'étoiles, soient sumériens,
A. f. O. XI, (1941-4), pp. 48-9. Les lumaïe et non akkadiens, semblerait indiquer l'origine
sont les étoiles du Zodiaque. Un exemple de sumérienne de toutes, ou du moins de la plus
l'écriture occulte d'Asarhaddon se trouve grande partie, de ces constellations » (ib.,
sur la base du prisme BM. 78223 (CI. XLIV p. 2), et il soutient qu'on trouve dans l'art
(1963), pi. IV). On y voit une charrue, une une connaissance continue des constellations,
montagne, un lion, un « arbre de vie », un remontant aux environs de 4000 avant Jésus-
homme, un autel, avec, en plus, un carré et Christ.
1966] HOMME MASQUÉ OU DIEU-IBEX? 275

A quoi a donc pu servir la coupe Foroughi sur laquelle est inscrite


« l'écriture des cieux »? Quel était son objet? S'agit-il d'une sorte de
calendrier? A-t-elle pu peut-être même servir à quelque forme de divination (1)?
L'importance d'Orion en matière de calendrier, en Mésopotamie du moins,
est soulignée dans l'hémérologie de l'astrolabe K. 2920 (2) où il est dit :
« Au mois de Tammuz appartient Orion, le dieu Papsukkal, illustre vizir
d'Anu et d'Ishtar. Mois des semailles. Mois où l'on répand la graine précoce
arrivée à maturité, etc. » Orion, sitaddalu, est (selon Weidner) le « verrouil-
leur », ou portier. Il est identifié à Ninsubur ou Papsukkal, et par suite à
Tammuz, mais son rôle de portier du ciel s'explique par le fait qu'il occupe
dans le ciel le point si important où le Zodiaque entre dans la Voie lactée.
On peut tenter d'expliquer d'autres éléments de cette carte du ciel par
l'étude de Weidner. Ainsi quand le soleil et la lune sont exactement à
l'opposé l'un de l'autre, comme sur notre coupe, c'est le premier mois,
moment où le soleil d'hiver est à son point le plus bas (3). L'ibex qui se trouve
sur la coupe au-dessous d'Orion est l'étoile SUI~IUR-MASha ou Caper, la
Chèvre, étoile devenue généralement chez les Babyloniens le Poisson-
Chèvre (4). Caper est de toute évidence liée à la fois au soleil et à la lune (entre
lesquels se trouve précisément l'ibex sur notre coupe), représentant le point
le plus élevé de la trajectoire du Soleil, appelé « le point de Sin » ou
Nibiru (5). Caper se trouve dans le ciel exactement en face d'Orion. Le
Taureau est associé au mois de Sivan, les Pléiades à Ayaru, le Soleil à Ab, la
Lune à Nisan (6). Quant à la présence énigmatique du singe sur la coupe, elle
pourrait s'expliquer par le fait remarquable que le singe est l'animal qui
représente la Syrie dans le Dôdekaôros. Ce système de division du monde en
douze parties, chacune associée à un animal et à une planète du Zodiaque (7),
C1 ) On ne devrait pas perdre de vue que (4) C'était l'animal sacré d'Ea. E. Unger,
dans les hiéroglyphes hittites le mot « ciel » "Die Symbole des Gottes Assur," Belleten,
est représenté par une coupe (Laroche, Les XXIX (1965), fait remarquer (p. 438) que la
Hiéroglyphes Hittites, 1960, vol. I, 182), et chèvre est l'emblème de trois dieux : Enlil,
que, par conséquent la présente coupe Enki et Assur, et que l'étoile Chèvre MUL.
représenterait tout naturellement les cieux, en tout UZA (la Lyre moderne) appartient à Enlil.
ou en partie, comme un planisphère. (5) Weidner, op. cit., pp. 32-3.
(2) Weidner, Handbuch der Bab. Astronomie (6) Ibid., pp. 84-92.
(1915), p. 87. (7) Jeremias, op. cit., pp. 242-3.
(3) Ibid., pp. 84, 92.
276 SYRIA [XLII1

est d'époque hellénistique mais probablement d'origine mésopotamienne.


L'étoile qui y est associée au singe et appartient à la Syrie est l'ibex!
Ceci me semble indiquer que cette coupe, quoique trouvée en Iran, pourrait
être de facture syrienne ou phénicienne. Mais en ce qui concerne
l'astronomie je dois reconnaître ma totale incompétence et laisser à d'autres
le soin de fournir les éclaircissements nécessaires.

Fig. 7. — Scène de chasse à l'ibex sur un vase de Suse (voir détail : pi. XXf, 5).

S-ar putea să vă placă și