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Concurrences

REVUE DES DROITS DE LA CONCURRENCE | COMPETITION LAW REVIEW

Aides d’État
Chroniques l  Concurrences N° 4-2019
www.concurrences.com

Jacques Derenne
jderenne@sheppardmullin.com
Avocat 
Sheppard Mullin, Bruxelles
Professeur 
Université de Liège, Brussels School of Competition

Francesco Martucci
fmartucci@hotmail.com
Professeur 
Université Panthéon-Assas (Paris I)

Bruno Stromsky
bruno.stromsky@ec.europa.eu
Membre du service juridique 
Commission européenne, Bruxelles

Raphael Vuitton
raphael.vuitton@curia.europa.eu
Référendaire 
Tribunal de l’Union européenne, Luxembourg
Chroniques Retrouvez les textes et décisions
commentés sur Concurrences +

Aides d’État 1. Cour de justice

constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art.
L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
Aides régionales à l’investissement – Règlement
Jacques Derenne* d’exemption par catégorie – Proportionnalité de
jderenne@sheppardmullin.com l’aide : La Cour de justice de l’Union européenne
Avocat  Sheppard Mullin, Bruxelles confirme que la Commission européenne pouvait
Professeur Université de Liège, Belgique & Brussels School of Competition limiter le montant d’une aide compatible à ce qui
était strictement nécessaire pour qu’un projet
d’investissement soit mené dans une région défavorisée,
Francesco Martucci** même si un montant d’aide plus élevé pouvait être
fmartucci@hotmail.com
couvert par le règlement d’exemption par catégorie
Professeur  Université Panthéon-Assas (Paris II)
(CJUE, 29 juill. 2019, BMW, aff. C-654/17 P, EU:C:2019:634)

Bruno Stromsky***
L’arrêt sur pourvoi du 29 juillet 2019 fait suite à l’arrêt du Tribunal du
12  septembre  2017 (Trib. UE, BMW, aff.  T-671/14 ; voir Concurrences
bruno.stromsky@ec.europa.eu no 4-2017), par lequel le Tribunal avait confirmé la validité d’une décision
Membre du service juridique  Commission européenne, Bruxelles de la Commission déclarant partiellement incompatible une aide à l’in-
vestissement consentie par l’Allemagne à BMW.

Raphael Vuitton*** Était en cause un grand projet d’investissement. Grâce à l’aide que


raphael.vuitton@curia.europa.eu l’Allemagne entendait lui octroyer, BMW établirait un site de production
Référendaire  Tribunal de l’Union européenne, Luxembourg
de véhicules électriques et de véhicules hybrides à Leipzig plutôt qu’à
Munich. La Commission a déclaré cette aide compatible à hauteur
d’environ 17  millions d’euros et incompatible avec le marché intérieur
pour la partie dépassant ce montant (soit environ 28  millions d’euros).
1. Cour de justice détermination du montant de l’aide
Trib. UE, 19 sept. 2019, FIH Holding e.a.,
En  effet, selon les calculs réalisés par les dirigeants de l’entreprise au
1  La CJUE confirme la possibilité
de limiter le montant d’une aide
aff. T-386/14 RENV, EU:T:2019:623 moment de décider de l’implantation du nouveau site, en l’absence d’aides,
compatible à ce qui est strictement 16  Le Trib. UE confirme une décision une installation à Leipzig aurait entraîné un surcoût de 17 millions par
nécessaire qualifiant des mesures adoptées par
CJUE, 29 juill. 2019, BMW, aff. C-654/17 P, les autorités tchèques en faveur des rapport au choix de Munich. Partant, il n’était pas nécessaire de verser un
EU:C:2019:634 producteurs d’électricité comme
constituant un régime d’aide nouveau0 montant d’aide plus important à BMW pour l’inciter à s’établir à Leipzig.
3  La CJUE considère que illégal mais compatible avec le marché
la décision 2000/128/CE s’applique commun
à une entreprise qui a bénéficié
de réductions de charges sociales
Trib. UE, 20 sept. 2019, FVE Holýšov,
aff. T-217/17, EU:T:2019:633
BMW estimait en substance que la Commission et le Tribunal avaient
déclarées partiellement incompatibles méconnu l’article  107, paragraphe  3, TFUE, en appliquant les lignes
par cette décision 18  Le Trib. UE confirme l’analyse
CJUE, 29 juill. 2019, Istituto nazionale de la Commission européenne directrices relatives aux aides régionales aux grands projets d’investisse-
della previdenza sociale c/ Azienda s’agissant du critère de sélectivité
Napoletana Mobilità, aff. C-659/17, et rejette des actions en annulation ment. Par ailleurs, toujours selon BMW, la Commission et le Tribunal
EU:C:2019:633 de trois décisions de la Commission
européenne déclarant incompatible auraient violé le règlement d’exemption par catégorie. En effet, la
une exonération d’impôt
Commission se serait écartée des critères de compatibilité retenus par le
2. Tribunal sur les sociétés au bénéfice des ports
5  Le Trib. UE déclare irrecevable un
en Belgique
Trib. UE, 20 sept. 2019, Havenbedrijf
règlement d’exemption par catégorie, alors que l’aide litigieuse ne se dis-
recours déposé par une compagnie
aérienne contre une décision
Antwerpen NV et Maatschappij van tinguait des aides exemptées que par son montant, qui dépassait les seuils
de Brugse Zeehaven NV, aff. T-696/17,
déclarant compatibles des mesures EU:T:2019:652 ; Trib. UE, 20 sept. 2019, de notification individuelle. Ce faisant, la Commission n’avait-elle pas
d’aides susceptibles de favoriser Port autonome du Centre et de l’Ouest
l’un de ses concurrents e.a., aff. T-673/17, EU:T:2019:643 ; traité BMW de façon discriminatoire par rapport aux autres entreprises
Trib. UE, 11 juill. 2019, Air France, Trib. UE, 20 sept. 2019, Le Port de
aff. T-894/16, EU:T:2019:508 Bruxelles et Région de Bruxelles-Capitale, visées par ce règlement d’exemption ?
aff. T-674/17, EU:T:2019:651
6  Le Trib. UE confirme une
décision qualifiant les subventions
à l’investissement octroyées en
22  Le Trib. UE annule une décision
concernant les Pays-Bas et confirme
L’arrêt de la Cour rejette la théorie avancée par BMW et précise la portée
faveur des entreprises de transport
par autobus dans la région Île-de-
une autre adressée au Luxembourg juridique des lignes directrices de la Commission et, surtout, du règle-
dans deux situations factuelles
France comme constituant des aides similaires ment d’exemption par catégorie.
nouvelles illégales mais compatibles Trib. UE, 24 sept. 2019, Pays-Bas
avec le marché commun c/ Commission et Starbucks et Starbucks
Trib. UE, 12 juill. 2019, Keolis
CIF, aff. T-289/17, EU:T:2019:537
Manufacturing Emea, aff. jtes T-760/15
et T-636/16, EU:T:2019:669 ; Trib.
Avant d’examiner ces deux questions centrales, la Cour est amenée à se
(et 5 autres arrêts) UE, 24 sept. 2019, Luxembourg et prononcer sur un pourvoi incident formé par la Commission, qui n’est
Fiat Chrysler Finance Europe, aff. jtes
10  Le Trib. UE confirme une décision
déclarant les aides accordées par
T-755/15 et T-759/15, EU:T:2019:670 pas dépourvu d’intérêt.
la Lituanie pour la construction

L’impossibilité de se pourvoir contre une décision


d’un terminal GNL compatibles
avec le marché intérieur 3. Juridictions
Trib. UE, 12 sept. 2019, Achemos Grupė nationales
et Achema, aff. T-417/16, EU:T:2019:597

13  Le Trib. UE rejette le recours formé


24  La C. cass. estime que le préjudice
découlant de l’absence de bénéfice
admettant une demande d’intervention
contre la “décision Alumine II” d’une aide d’État illégale n’est pas
Trib. UE, 17 sept. 2019, Irlande et réparable La Commission avait formé un pourvoi incident contre la décision du
Aughinish Alumina Ltd, aff. jtes T-129/07 Cass. com., 18 sept 2019, EDF
et T-130/07, EU:T:2019:610 c/ Corsica Sole 2, n° 18-12.601, Tribunal d’admettre l’intervention du Freistaat Sachsen au soutien des
FR:CCASS:2019:CO00720; Cass. com.,
14  Le Trib. UE annule une décision en 18 sept 2019, EDF c/ Corsica Sole 3, conclusions de la requérante. Ce pourvoi n’était pas formé contre l’or-
n° 18-12.657, FR:CCASS:2019:CO00721
raison d’une erreur commise dans la donnance admettant l’intervention (il est en effet bien établi qu’une telle
ordonnance ne peut donner lieu à un pourvoi, contrairement à l’or-
* Avec la participation de Catalina Chilaru et Julien Blanquart, Stagiaires, Sheppard Mullin.
donnance qui rejette une demande d’intervention). Il était en revanche
** Avec la participation de Mélanie Vermorel et d’Amandine Amandine Yahaya, dirigé contre l’arrêt du Tribunal mettant fin à l’instance, entaché, selon la
Etudiantes, Panthéon-Assas (Paris II).
*** Les opinions ici exprimées n’engagent que leur auteur et non l’institution à laquelle il appartient.
Commission, d’une erreur de procédure.

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 1


La Cour estime, au terme d’un raisonnement très fouillé, L’exemption par catégorie ne transfère
pas de compétence aux États membres

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qu’un tel pourvoi n’est pas recevable. D’une part, ce raison-

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nement repose sur le constat qu’aucune disposition du statut
de la Cour ne constitue une base juridique conférant à une BMW faisait valoir qu’en application du règlement
partie le droit de la saisir d’un pourvoi contre une décision no 800/2008 d’exemption par catégorie, les États membres
par laquelle le Tribunal a admis une demande d’interven- étaient compétents pour octroyer sans notification préa-
tion. La Cour souligne à cet égard que le droit de l’Union lable une aide au développement régional telle que celle
n’impose pas un double degré de juridiction. D’autre part, ici en cause jusqu’à un montant de 22,5 millions d’euros.
il tient compte du fait que le pourvoi ne vise pas à obtenir Dès lors, la Commission n’aurait pas pu, sans empiéter
l’annulation de l’arrêt attaqué (favorable à la Commission). sur cette compétence, limiter l’aide compatible dans ce
La Cour précise toutefois que, si le Tribunal avait accueilli cas d’espèce à 17  millions d’euros. En outre, une telle
le recours en annulation introduit par la partie requérante, réduction entraînerait une discrimination par rapport
la Commission aurait été en droit de contester, dans le aux autres opérateurs bénéficiant du régime d’aides
cadre d’un pourvoi, les arguments avancés par la partie régionales mis en place par l’Allemagne en application de
intervenante et considérés comme fondés par le Tribunal. ce règlement d’exemption.

La nature suffisante de l’examen conduit La Cour rappelle avec force que l’argumentation de
par la Commission dans le cadre BMW repose sur une double prémisse erronée concer-
nant, d’une part, le système de contrôle des aides d’État
des lignes directrices institué par le Traité (contrôle qui, selon la requérante,
Selon BMW, la Commission n’aurait pas pu fonder pourrait être partagé entre la Commission et les États
son appréciation d’incompatibilité sur le seul fait que le membres) et, d’autre part, la portée (large, selon la requé-
montant de l’aide excédait la différence entre les coûts rante) du règlement d’exemption par catégorie.
nets de l’investissement dans la région assistée et ceux
d’un investissement dans une autre région, sans avoir mis S’agissant de la première prémisse, la Cour relève la
en balance les effets positifs et négatifs de l’aide. En subs- nature fondamentale de l’obligation de notification pré-
tance, la Commission se serait fondée sur une simple pré- alable des aides d’État dans le système de contrôle de ces
somption d’incompatibilité de l’aide avec le marché inté- dernières institué par le Traité. Se fondant notamment
rieur sans définir le marché concerné et examiner précisé- sur l’arrêt Eesti Pagar (CJUE, 5 mars 2019, aff. C-349/17,
ment les distorsions (prétendument très limitées) engen- EU:C:2019:172), elle souligne que les aides d’État qui ne
drées par l’aide sur ce dernier. sont pas couvertes par le règlement d’exemption par caté-
gorie sont soumises à l’obligation de notification préa-
La Cour relève à cet égard que la requérante n’a pas lable. “[C]e n’est que si une mesure d’aide adoptée par un
contesté la validité de la communication relative aux aides État membre remplit effectivement toutes les conditions
régionales aux grands projets d’investissement de 2009, pertinentes prévues par le règlement no 800/2008 que cet
laquelle dispense la Commission de la mise en balance État membre est exempté de son obligation de notifica-
litigieuse dans un cas tel que celui-ci, et qu’elle n’a pas tion” (pt 138).
non plus fait valoir de circonstances spécifiques justi-
fiant une application directe de l’article 107, paragraphe La Commission conserve ainsi une compétence exclusive
3, TFUE aux faits de l’espèce. Elle rappelle pour l’essen- pour apprécier leur compatibilité avec le marché inté-
tiel la solution retenue par l’arrêt Kotnik (19 juillet 2016, rieur, et ne peut d’ailleurs déroger à cette règle de com-
aff. C-526/14, EU:C:2016:570) en ce qui concerne la com- pétence sans violer le Traité. Reprenant la solution déjà
pétence exclusive de la Commission pour apprécier la retenue dans l’arrêt précité Eesti Pagar, elle rappelle que
compatibilité de l’aide, son large pouvoir d’appréciation, les États ne bénéficient sur ce point d’aucun transfert de
et l’effet juridique de l’adoption de lignes directrices. compétence. Les formules employées par la Cour sont
dépourvues de toute ambiguïté : “(…) la Commission n’a
La Cour observe qu’en l’occurrence la condition relative pas, par l’adoption du règlement no 800/2008, transféré aux
à l’effet incitatif de l’aide recoupe celle relative à sa pro- États membres cette compétence pour les aides visées par
portionnalité, dès lors que le montant de l’aide en cause celui-ci dont le montant n’excède pas le seuil de notification
considéré comme satisfaisant à cette dernière condition individuelle” (pt 133). “[P]ar le règlement no 800/2008, la
correspond précisément au montant nécessaire à titre Commission s’est bornée, en substance, à exercer ex ante,
incitatif. “[U]ne aide dont le montant excède ce qui est les compétences que lui confère l’article  107, paragraphe
nécessaire pour qu’un investissement soit réalisé dans la 3, TFUE pour toutes les aides remplissant les conditions
région assistée ne saurait être déclarée compatible au seul prévues par ce règlement” (pt 135). “De tels règlements ne
motif qu’elle n’engendre pas d’effets négatifs sur la concur- peuvent en rien affaiblir son pouvoir de contrôle dans ce
rence” (pt 89 de l’arrêt). La Cour rappelle au demeurant domaine” (pt 141).
que l’existence d’une distorsion de concurrence doit déjà
être démontrée pour établir l’existence de l’aide. Dans Et la Cour de conclure que “[l]a Commission reste donc
le cadre de l’analyse de compatibilité, la Commission seule en droit de déclarer une telle aide compatible avec
pouvait présumer que l’aide ne respectant pas le principe le marché intérieur en vertu de cette disposition, que le
de proportionnalité entraînait une distorsion de concur- montant de cette aide excède ou non le seuil de notification
rence sur le marché concerné et n’était pas tenue de individuelle prévu à l’article  6, paragraphe  2, dudit règle-
procéder à la mise en balance litigieuse. ment” (pt 146).

2 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


S’agissant de la seconde prémisse sur laquelle s’appuie la En l’espèce, la tâche de la Cour est facilitée par la coïnci-

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requérante, la Cour considère que les aides couvertes par dence des conditions posées par les lignes directrices rela-

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le règlement d’exemption par catégorie ne constituent tives aux aides régionales aux grands projets d’investis-
pas des “aides existantes”. Il s’agit là d’un point impor- sement et de celles posées par le règlement d’exemption
tant, car les aides existantes bénéficient d’une protection en ce qui concerne ces mêmes aides. Dès lors, l’aide en
particulière, dont sont donc privées les aides exemptées. cause, même réduite au montant du seuil d’exemption,
La solution retenue par la Cour repose sur deux considé- n’aurait pas pu être déclarée compatible pour la totalité
rations : d’une part, les autorités nationales ne disposent de ce montant.
pas d’un pouvoir de décision définitive quant à la confor-
mité d’une mesure d’aide avec un règlement d’exemp- Enfin, la Cour prend soin de répondre à l’argument de
tion et, d’autre part, le règlement d’exemption se limite BMW selon lequel elle aurait subi un traitement défa-
à énoncer des critères généraux de compatibilité, sans vorable du fait de la décision de l’Allemagne de notifier
procéder à une appréciation concrète de la compatibilité l’aide litigieuse. Elle observe que la notification a au
d’un régime d’aides déterminé ou d’une aide individuelle contraire permis de transformer la partie autorisée de
donnée au regard des conditions qu’il édicte. l’aide en aide existante, tandis qu’en l’absence de noti-
fication, toute l’aide aurait été illégale et aurait donc été
L’analyse suivie par la Cour met en exergue la nature exposée à une récupération.
précaire de “l’autorisation” de l’aide donnée par le règle-
ment d’exemption, qui doit être distinguée de l’autorisa- Comme l’arrêt du Tribunal en première instance, cet arrêt
tion donnée par une décision de la Commission au titre sur pourvoi rappelle le caractère inaliénable de la compé-
de l’article 107, paragraphe 3, TFUE (en somme la seule tence de la Commission lorsqu’elle apprécie la compati-
véritable autorisation). bilité d’une aide avec le marché intérieur selon les mérites
propres de cette dernière. L’exemption ne saurait être parée
Il est remarquable de constater que le raisonnement suivi de la même vertu et des mêmes effets que la notification.
par la Cour ne vise pas seulement les aides qui dépassent
le seuil de notification individuelle prévu par le règlement B. S. n
d’exemption par catégorie, mais plus généralement toutes
les aides prétendument ou réellement exemptées. C’est
véritablement le statut des aides exemptées en général
Aides à l’emploi – Applicabilité à une
qu’elle a entendu préciser (dans un contexte où une grande entreprise de transport public local :
proportion des aides octroyées par les États membres La Cour de justice de l’Union européenne
relèvent précisément du règlement d’exemption). considère que la décision 2000/128/CE
concernant des régimes d’aide italiens
La Cour examine ensuite l’importance qu’il convient d’accor- en faveur de l’emploi s’applique à une
der (ou non) aux dispositions du règlement d’exemption par
entreprise qui a fourni, sur le fondement
catégorie pour apprécier la compatibilité de l’aide ici en cause.
d’une attribution directe par une commune
Elle observe que le seuil de notification individuelle prévu et de manière exclusive, des services de
par ce règlement ne reflète en rien une appréciation, par transport public local et qui a bénéficié
la Commission, de la nécessité ou de la compatibilité de de réductions de charges sociales au
l’aide. Par ailleurs, même si le seuil de notification n’était titre d’une réglementation nationale que
pas dépassé, il faudrait encore, selon les conditions de cette décision a déclaré partiellement
fond posées par le règlement d’exemption, vérifier l’effet
incompatible avec le marché commun
incitatif de l’aide, en établissant, à partir de l’examen
des documents préparés par le bénéficiaire, que le projet (CJUE, 29 juillet 2019, Istituto nazionale della
n’aurait pas été réalisé dans la région assistée en question previdenza sociale c/ Azienda Napoletana Mobilità,
sans ces aides. Or, précisément, en l’occurrence, la partie aff. C-659/17, EU:C:2019:633)
de l’aide déclarée incompatible n’a pas d’effet incitatif et
ne respecte pas le principe de proportionnalité. Les faits à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt
sous commentaire sont particulièrement anciens. Ils
Ici, la Cour semble mettre sur le même plan les lignes remontent en effet à l’adoption en 1984, par l’Italie,
directrices adoptées par la Commission et les disposi- d’une législation en faveur de l’emploi, qui a instauré
tions du règlement d’exemption, qui devraient donc être un “contrat de formation et de travail”. Celui-ci était un
lues, elles aussi, comme de simples lignes directrices en contrat à durée déterminée, assorti d’une période de for-
cas de notification (v. en ce sens les pts 161, 164 et 165 de mation, prévu pour l’embauche de chômeurs n’ayant pas
l’arrêt). Elle admet ainsi que “si un État membre notifie plus de 29 ans. Les embauches effectuées par le biais de
à la Commission une aide qui est conforme aux condi- ce contrat bénéficiaient, pendant deux ans, d’une exoné-
tions édictées par le [règlement d’exemption par catégo- ration de charges sociales dues par l’employeur. Cette
rie], cette dernière doit, en principe, autoriser cette aide” exonération s’appliquait de manière uniforme, automa-
(pt  164), mais elle ne va pas au-delà et dénie à l’État tique et non discrétionnaire sur tout le territoire national.
membre le droit d’obtenir l’autorisation d’une aide supé- En 1990 et 1994, cette législation a été modifiée, en per-
rieure au montant qui a été retenu par la Commission mettant notamment aux autorités régionales de modifier
dans la décision attaquée. la limite d’âge et en prévoyant une exonération totale de

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 3


charges en faveur des entreprises opérant dans des zones En effet, tout en rappelant, de manière didactique, les

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dont le taux de chômage était supérieur à la moyenne critères, issus de la jurisprudence, concernant l’apprécia-

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nationale. À la suite de la mise en œuvre, en 1998, d’une tion des deux conditions en cause (CJUE, 27 juin 2017,
procédure formelle d’examen, la Commission a adopté, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania,
en 1999, la décision 2000/128/CE (JO 2000, L 42, p. 1), aff.  C74/16, EU:C:2017:496, pts  78 à 80), la Cour cir-
par laquelle elle a déclaré que ces régimes d’aides italiens conscrit, comme à son habitude, la marge d’apprécia-
en faveur de l’emploi étaient, dans la mesure où ils ne res- tion de la juridiction de renvoi. Elle relève ainsi que les
pectaient pas certaines conditions, incompatibles avec le charges sociales pour lesquelles ANM a bénéficié des
marché commun. Elle en a également ordonné la récu- réductions litigieuses au principal sont des coûts qu’elle
pération partielle. Cette décision a fait l’objet de recours aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa
devant le juge de l’Union, lesquels n’ont cependant pas gestion courante ou de ses activités normales. Dans ce
prospéré (CJUE, 7  mars  2002, Italie c/ Commission, contexte, contrairement à la position d’ANM, les autori-
aff.  C-310/99, EU:C:2002:143 ; Trib. UE, 19  janv.  2001, tés italiennes ont indiqué que le marché italien du trans-
Confindustria, aff. T-126/00, EU:T:2001:17). Confrontées port public local était ouvert à la concurrence et qu’au-
à des difficultés pratiques, les autorités italiennes ont éga- cune interdiction d’offrir de tels services en Italie n’était
lement tardé à mettre en œuvre la récupération des aides applicable aux opérateurs d’autres États membres. À cet
en cause, conduisant la Cour à constater un manquement égard, la Cour rappelle que plusieurs États membres ont
à cet égard (CJUE, 1er  avril  2004, Commission c/ Italie, commencé, dès 1995, à ouvrir certains marchés de trans-
aff. C99/02, EU:C:2004:207), puis à imposer à l’Italie une port à la concurrence d’entreprises établies dans d’autres
amende forfaitaire et une astreinte (CJUE, 17 nov. 2011, États membres, de sorte que plusieurs entreprises
Commission c/ Italie, aff. C-496/09, EU:C:2011:740). offraient déjà, au cours de ladite période, leurs services
de transports urbains, suburbains ou régionaux dans des
Azienda Napoletana Mobilità (ANM) est une société
États membres autres que leur État d’origine. Quant à la
ayant pour objet la gestion des services de transport
question de savoir si ANM était ou non, au cours de cette
public à Naples. Étant donné qu’elle a procédé à des
période, exposée à une concurrence en ce qui concerne
embauches au moyen de contrats de formation et de
les services de transport public local en cause, la Cour
travail, au sens de la loi de 1984, telle que modifiée en
1990 et 1994, et a bénéficié, pour ceux-ci, d’exonérations relève que rien n’établit que la commune de Naples aurait
de charges, les autorités italiennes lui ont demandé, en été tenue, par des mesures législatives ou réglementaires,
exécution de la décision 2000/128, de rembourser près de d’attribuer ces services de manière exclusive à ANM, de
9,7 millions d’euros. Saisie, au stade du pourvoi, dans le sorte qu’il aurait également été loisible à cette commune
cadre du contentieux lié à la contestation de cette récu- d’attribuer ces services à un autre prestataire.
pération, la Cour de cassation italienne a décidé de
demander à la Cour si ladite décision s’appliquait à la Aussi, la Cour estime qu’une concurrence pour les
situation d’ANM. La question était en particulier de services en cause était possible, de sorte qu’il ne saurait
savoir si cette décision pouvait trouver application dans être exclu ni que la réduction des charges sociales dont a
le secteur du transport public local et si les conditions bénéficié ANM ait procuré à cette entreprise un avantage
d’affectation de la concurrence et des échanges entre par rapport à ses concurrents potentiels, même provenant
États membres étaient remplies. d’autres États membres, ni que, partant, la concurrence
pour ce marché ait été faussée et les échanges entre États
À cet égard, la Cour avance un raisonnement en membres aient été affectés par ces réductions.
deux temps. D’une part, elle relève que, dans la
décision  2000/128, la Commission n’a pas restreint le Elle laisse néanmoins le soin à la juridiction de renvoi de
champ d’application de celle-ci aux secteurs directement vérifier si tel a bien été bien le cas, en examinant si, au
impliqués dans les échanges de produits ou de services cours de la période pertinente, le marché italien du trans-
au sein du marché intérieur, à l’exclusion des secteurs port public local était ouvert à la concurrence et permet-
des services locaux (pt  23). Cette décision est donc tait donc aux opérateurs d’autres États membres d’offrir
applicable à tous les secteurs dans lesquels les contrats leurs prestations en vue d’assurer les services en cause ou
de travail en cause ont pu être conclus. D’autre part, la si la commune de Naples était soumise à une obligation
Cour souligne qu’il ressort également de ladite décision législative ou réglementaire d’attribuer ces services exclu-
que les conditions relatives à l’affectation de la concur- sivement à ANM.
rence et des échanges ne sont remplies que dans la mesure
où les entreprises bénéficiaires des réductions de charges La Cour suggère également à ladite juridiction de déter-
sociales sont exposées à la concurrence sur un marché miner si ANM a exercé, au cours de la période allant de
libéralisé, même partiellement. Par conséquent, avant de l’année  1997 à l’année  2001, des activités sur d’autres
procéder à la récupération d’un avantage, les autorités marchés de produits ou de services ou encore sur d’autres
nationales sont tenues de vérifier, dans chaque cas indi- marchés géographiques ouverts à une concurrence effec-
viduel, si l’avantage accordé était, dans le chef de son tive. En effet, si tel devait être le cas, les réductions de
bénéficiaire, susceptible de fausser la concurrence et d’af- charges dont elle a bénéficié ont pu fausser la concur-
fecter les échanges entre États membres. La réponse à la rence et affecter les échanges entre États membres sur
question de la juridiction de renvoi dépend donc princi- ces autres marchés, sauf à ce que ces activités n’aient pas
palement de cette vérification, que la Cour prend soin bénéficié desdites réductions et que tout risque de sub-
d’encadrer minutieusement. ventions croisées ait été exclu.

4 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


La Cour conclut en indiquant que, sous réserve des véri- Après avoir rappelé que la décision en cause, en tant

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fications de la juridiction de renvoi, la décision 2000/128 qu’elle vise une aide individuelle, ne peut être considé-

Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art.
L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
s’applique à une entreprise qui a fourni, sur le fondement rée comme un acte réglementaire au sens de l’article 263,
d’une attribution directe par une commune et de manière paragraphe  4, TFUE, le Tribunal vérifie si Air France
exclusive des services de transport public local et qui a est individuellement concernée par la décision attaquée,
bénéficié de réductions de charges sociales au titre de la c’est-à-dire si elle a démontré que sa position concurren-
réglementation que cette décision a déclaré partiellement
tielle était substantiellement affectée par cette dernière en
incompatible.
ce qui concerne chacune des deux mesures examinées.
On se bornera, pour conclure, à constater qu’au regard de
l’ensemble des prescriptions de la Cour, il est peu probable L’affectation trop indirecte de la position
que les vérifications de la juridiction de renvoi aboutissent
de la requérante par une subvention
à l’aéroport
au constat de l’absence de distorsion de concurrence et
d’affectation des échanges entre États membres, et donc
à l’inapplicabilité de la décision  2000/128 à la situa- S’agissant de la première mesure, le Tribunal semble
tion d’ANM. Le raisonnement de la Cour s’inscrit quoi
attacher de l’importance à la manière dont la décision
qu’il en soit dans la veine d’une jurisprudence constante
attaquée identifie son bénéficiaire. Il relève que le conseil
concernant l’appréciation de ces deux conditions d’appli-
général des Bouches-du-Rhône a attribué la subvention
cation de l’article  107, paragraphe  1, TFUE, y compris
dans le contexte de marchés en voie de libéralisation, et litigieuse à l’investissement à la chambre de commerce
ne prête, par conséquent, pas le flanc à la critique. et d’industrie (CCI) de Marseille Provence (qui n’est
pas en concurrence avec Air France) et non à Ryanair.
R. V. n La décision attaquée désigne cette CCI comme étant la
seule bénéficiaire de l’aide, et tous les critères d’existence
de l’aide sont examinés par rapport à elle.
2. Tribunal Le Tribunal ne s’en tient cependant pas à cette seule cir-
Secteur aéroportuaire – Recevabilité – constance pour considérer que le recours est irrecevable,
Aide indirecte : Le Tribunal de l’Union en tant qu’il porte sur cette mesure. Il examine également
européenne déclare irrecevable un recours si Ryanair peut être considéré comme un bénéficiaire
déposé par une compagnie aérienne contre indirect de l’aide.
une décision finale de la Commission
Toutefois, il retient une conception relativement étroite
européenne déclarant compatibles
de la notion de bénéficiaire indirect. En effet, il s’appuie
des mesures d’aides susceptibles
essentiellement sur deux facteurs pour conclure à l’ab-
de favoriser l’un de ses concurrents sence d’aide indirecte en faveur de Ryanair : d’une part,
(Trib. UE, 11 juillet 2019, Air France, aff. T-894/16, l’absence de priorité accordée à Ryanair quant à l’accès
EU:T:2019:508) et à l’utilisation de la nouvelle aérogare et, d’autre part,
le fait que la requérante aurait pu y avoir accès si ses
L’arrêt du 11  juillet  2019 rejette comme irrecevable
négociations avec le gestionnaire de l’aéroport avaient
le recours déposé par Air France contre une décision
abouti. À cet égard, il accorde de l’importance au fait
finale de la Commission après ouverture de la procé-
dure formelle d’examen autorisant plusieurs mesures que le volume total des offres présentées par les compa-
d’”aides” en faveur de l’aéroport de Marseille et des com- gnies aériennes intéressées par cette aérogare n’excédait
pagnies utilisatrices de l’aéroport. pas la capacité prévue, de sorte qu’il n’y a pas eu de sélec-
tion. Il relève aussi que l’échec des négociations est objec-
Deux mesures étaient plus particulièrement visées par tivement lié au type de vols auxquels cette aérogare était
le recours : d’une part, le constat de compatibilité d’une destinée.
aide à l’investissement dans une nouvelle aérogare (et une
aire de stationnement pour avions adjacente à celle-ci) et, Ainsi, pour considérer qu’une entreprise est bénéficiaire
d’autre part, le constat que ne constituaient pas une aide indirecte de l’aide, il ne suffit pas qu’elle en tire quelque
les tarifs de la redevance par passager applicable à cette avantage. Apparemment, du moins dans le cas des sub-
nouvelle aérogare, ainsi que le contrat d’achat d’espace ventions aux infrastructures aéroportuaires, il faut encore
publicitaire conclu avec une filiale à 100 % de Ryanair,
qu’il existe un lien étroit entre l’attribution de l’aide et
ceux-ci étant considérés comme conformes au principe de
le bénéficie qu’elle en tire, et que ce bénéfice présente un
l’opérateur privé avisé en économie de marché.
caractère sinon exclusif du moins spécifique.
En substance, Air France considérait que le principal
utilisateur de la nouvelle aérogare serait son concurrent Dès lors, pour cette mesure, le Tribunal n’a pas même
Ryanair, qui pourrait, grâce aux mesures litigieuses, faire besoin d’examiner si l’atteinte à la position concurren-
usage de la nouvelle aérogare à des tarifs particulière- tielle d’Air France est substantielle, puisqu’il écarte
ment bas, ce qui engendrerait une affectation substan- purement et simplement l’existence d’une atteinte à la
tielle de sa position concurrentielle. position concurrentielle de la requérante.

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 5


Une insuffisante singularisation d’Air Transport par autobus – Aide
France en ce qui concerne les tarifs

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nouvelle – Avantage – Subventions à

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de l’aéroport l’investissement : Le Tribunal de l’Union
européenne confirme la décision de la
Bien que la position concurrentielle d’Air France soit
Commission européenne qualifiant les
affectée par la fixation des tarifs de l’aéroport, peut-on
considérer que cette affectation est substantielle au sens subventions à l’investissement octroyées
de la jurisprudence ? en faveur des entreprises de transport
par autobus dans la région Île-de-France
Le Tribunal estime que tel n’est pas le cas. Son raison- comme constituant des aides nouvelles
nement souligne l’exigence d’une individualisation véri- illégales mais compatibles avec le
table de la requérante par rapport aux autres concurrents marché commun (Trib. UE, 12 juill. 2019,
de Ryanair.
Keolis CIF, aff. T-289/17, EU:T:2019:537 ; Trib.
Les destinations desservies par les différentes compagnies UE, 12 juill. 2019, Transdev e.a., aff. T-291/17,
aériennes n’étant pas réservées à l’une ou l’autre des aéro- EU:T:2019:534 ; Trib. UE, 12 juill. 2019, Région Île-
gares de l’aéroport de Marseille, le Tribunal considère de-France, aff. T-292/17, EU:T:2019:532 ; Trib. UE,
que l’effet des mesures en cause doit être examiné à l’aune 12 juill. 2019, Optile, aff. T-309/17, EU:T:2019:529 ;
de toutes les liaisons opérées depuis et vers cet aéroport, Trib. UE, Ceobus, aff. T-330/17, EU:T:2019:527 ;
indépendamment de l’aérogare utilisée.
et Trib. UE, 12 juillet 2019, STIF-IDF, aff. T-738/17,
Or, il observe que 36 compagnies aériennes le desservent, EU:T:2019:526)
qu’Air France et Ryanair ne sont pas les seules compa-
gnies à effectuer des vols directs sans escale (qui corres- Contexte
pondent à ce que l’on nomme la “concurrence frontale”).
Ni le nombre de liaisons sur lesquelles les deux compa- Afin d’améliorer l’offre de transport collectif, la région
gnies sont en concurrence frontale ni l’importance éco- d’Île-de-France a adopté, en 1994, une délibération,
nomique des liaisons considérées ne sont suffisantes pour reconduisant un mécanisme existant depuis 1979. Cette
individualiser Air France. délibération visait à accorder des aides aux collectivités
publiques ayant conclu des contrats d’exploitation de
Le Tribunal souligne qu’est requise une démonstration lignes régulières d’autobus avec des entreprises privées
convaincante du lien de causalité entre la mesure liti- de transport collectif régulier par route. Ces aides étaient
gieuse et les prix pratiqués par les compagnies aériennes ensuite reversées par ces collectivités à ces entreprises de
concernées ou les fermetures de lignes aériennes. Il aurait transport. Elles étaient octroyées sous la forme de sub-
fallu à cet égard des “estimations précises, chiffrées et ventions à l’investissement et visaient à favoriser l’ac-
circonstanciées”. quisition de véhicules neufs et l’installation de nouveaux
équipements. Ce mécanisme a été reconduit en 1998 et
Par ailleurs, au terme de cet arrêt, il ne suffit pas qu’Air en 2001, avant d’être abrogé en 2008. Entre 1994 et 2008,
France démontre que la mesure litigieuse pouvait entraî- 135 entreprises en ont bénéficié.
ner une diminution de son activité sur le marché concerné.
Il faudrait encore établir que sa situation se distingue de Par ailleurs, en tant qu’autorité organisatrice des services
celle des autres opérateurs se trouvant en concurrence de transport public régulier de personnes en Île-de-
avec Ryanair sur le marché pertinent. France, le Syndicat des transports d’Île-de-France
(STIF-IDF) a décidé, en 2006, de conclure des contrats
Cet arrêt rappelle donc que la démonstration d’une affec- avec les entreprises privées offrant ce type de services.
tation substantielle de la position concurrentielle d’un Des contrats dits de “type 1» étaient conclus pour une
requérant par une décision finale positive est un test dif- période maximale de quatre ans, de 2007 à 2010 ou 2011,
ficile à remplir. Il apporte aussi des indications intéres- et des contrats dits de “type 2» étaient conclus pour la
santes sur la distinction entre aide directe et aide indi- période restante, jusqu’au 31 décembre 2016. En 2008, le
recte, tout en précisant son impact sur la recevabilité d’un STIF-IDF a, par avenant, modifié les contrats de type 1
recours en annulation. afin d’inclure un mécanisme de subventions à l’investisse-
ment en matériel roulant. Quant aux contrats de type 2,
B. S. n ils prévoyaient, à leur article  53-3, le versement d’une
contribution financière à l’entreprise concernée, en com-
pensation de l’exécution des obligations de service public
auxquelles cette dernière était soumise en vertu de l’ar-
ticle 5-2 de ces contrats. Une partie de cette contribution,
dite “C2”, était liée au financement des investissements
des entreprises de transport.

6 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


Près de six ans après avoir reçu une plainte concer- À cet égard, le Tribunal confirme l’argumentation

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nant les aides accordées aux entreprises de trans- développée par la Commission dans la décision attaquée,

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port par la région Île-de-France et par le STIF-IDF, la selon laquelle ce décret ne définissait aucun des paramètres
Commission a décidé, en 2014, d’ouvrir une procédure clés du régime d’aide en cause, à savoir sa durée, son
formelle d’examen. À l’issue de celle-ci, elle a adopté, le budget, ses bénéficiaires, la nature des biens éligibles à
2 février 2017 (soit près de neuf ans après le dépôt de la la subvention et le taux de subvention, et qu’il ne créait
plainte…), la décision (UE) 2017/1470 (JO 2017, L 209, aucun droit à recevoir des subventions. Il relève en effet
p.  24). Par celle-ci, elle considère que les subventions que les modalités d’octroi des subventions prévues par
à l’investissement accordées entre 1994 et 2008 par la le décret de 1949 différaient de celles des aides accordées
région Île-de-France, celles accordées à compter de 2008 par la région Île-de-France. En particulier, il ne prévoyait
par le STIF-IDF dans le cadre de l’avenant aux contrats pas le mécanisme, figurant dans la délibération de 1994,
de type 1, ainsi que les contributions C2 accordées dans consistant à verser des subventions à l’investissement
le cadre des contrats de type 2, constituent des régimes aux collectivités publiques, puis le transfert de celles-ci
d’aides d’État compatibles avec le marché intérieur, mais aux entreprises bénéficiaires. Il relève également que
que, dans la mesure où ils n’ont pas été notifiés, ils ont été les subventions prévues par ladite délibération visaient
illégalement mis en œuvre. uniquement à faciliter l’acquisition de matériel par les
entreprises de transport public d’Île-de-France, sans
C’est dans ces conditions que la région Île-de-France, imposer, en contrepartie, d’obligations tarifaires à ces
le STIF-IDF, des entreprises bénéficiaires des aides en entreprises, alors que tel n’était pas le cas du décret de
cause, ainsi qu’une association dont les membres sont 1949, qui visait le contrôle des tarifs appliqués.
des entreprises exerçant une activité de transport public,
ont introduit des recours contre la décision  2017/1470, Le Tribunal ajoute également, sur un autre plan, que les
lesquels ont été intégralement rejetés à la faveur de délibérations de 1994, 1998 et 2001 de la région Île-de-
six arrêts prononcés le 12  juillet  2019. Ces derniers se France ne comportaient aucune référence au décret de
recoupent dans une large mesure et abordent principale- 1949 et qu’elles s’inscrivaient dans un cadre législatif spé-
ment les questions liées au caractère existant des régimes cifique, relatif à l’organisation des transports en Île-de-
en cause, ainsi qu’à leur sélectivité et à l’avantage qu’ils France, lequel a été précisé, pour la première fois, en 1959.
confèrent.
Dans ces conditions, le Tribunal conclut, fort logique-

Les subventions accordées par la région


ment, que le décret de 1949 ne constituait pas la base juri-
dique des régimes en cause et donc qu’ils ne pouvaient
Île-de-France entre 1994 et 2008 ne être qualifiés d’existants au titre de l’article 1er, sous b), i),
relèvent pas d’un régime d’aide existant du règlement 2015/1589.

Cinq des six recours (aff.  T-289/17, T-291/17, T-292/17,


T-309/17 et T-330/17) visaient à critiquer la qualification,
Le régime d’aide en cause n’a pas été mis
par la Commission, des subventions à l’investissement en œuvre avant la libéralisation du marché
accordées entre 1994 et 2008 par la région Île-de-France Conformément à l’article  1, sous b, v), du règle-
comme résultant d’un régime d’aides nouveau, qui aurait ment 2015/1589, constitue une aide existante toute aide
dû être notifié. Si l’on excepte la mise en cause de la moti- dont il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide
vation de la décision 2017/1470 à cet égard, les critiques au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue
portées par ces recours concernaient la mise en œuvre des une aide par la suite en raison de l’évolution du marché
articles  1, sous b, i), 1, sous b), v, et 17, paragraphe  3, intérieur et sans avoir été modifiée par l’État membre.
du règlement (UE) 2015/1589. Aucune n’aura cependant
prospéré devant le Tribunal. Invoquant cette disposition, des requérants soute-
naient que, dans la mesure où les marchés de transport
public des États membres de l’Union n’ont été ouverts
Le régime en cause n’existait pas avant
à la concurrence qu’à compter de 1995, le régime d’aide
l’entrée en vigueur du TFUE en France résultant des délibérations de 1994, 1998 et 2001 de la
L’article 1, sous b, i) du règlement 2015/1589 permet de région Île-de-France n’était pas susceptible de relever de
qualifier d’aide existante toute aide existant avant l’entrée l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
en vigueur du TFUE dans l’État membre concerné, c’est-
à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exé- En l’espèce, la Commission a constaté que ce régime a
cution avant et toujours applicables après l’entrée en été instauré en 1994 et abrogé en 2008, avec pour consé-
vigueur du TFUE dans les États membres respectifs. quence que le dispositif d’aide initial de 1979 devait être
considéré comme un régime d’aide distinct de celui mis
C’est en se fondant sur cette disposition que certains en œuvre par les délibérations de 1994, 1998 et 2001.
requérants contestaient le caractère “nouveau” du régime
d’aides résultant des délibérations de 1994, 1998 et 2001 À cet égard, le Tribunal relève que, en France, la loi
de la région Île-de-France. Ils avançaient plus particuliè- no 93-122 (JORF 1993, p. 1588, dite “loi Sapin”) a permis
rement que la possibilité pour les collectivités territoriales l’entrée d’investisseurs et d’opérateurs de transport sur le
d’octroyer des subventions aux entreprises de transport marché français et a transposé dans le droit français la
public de voyageurs par route avait été introduite par un directive 93/38/CEE (JO 1993, L 199, p. 84). Cette loi a
décret de 1949 (JORF 1949, p. 11104). été adoptée en 1993, soit avant la délibération de 1994,

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 7


qui met en vigueur le régime d’aide en cause. Partant, Dans ce contexte, et eu égard au fait que la Commission

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le Tribunal confirme l’appréciation de la Commission a indiqué, dans la décision  2017/1470, que la pres-

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selon laquelle les entreprises bénéficiaires pouvaient, à cription a été interrompue par un recours déposé en
compter de 1994, utiliser l’équipement financé par les mai  2004 devant le juge national, le Tribunal précise
aides octroyées au titre du régime d’aide en cause sur que l’introduction d’un recours au niveau des juridic-
d’autres marchés de transport régulier de voyageurs tions nationales par un concurrent ne saurait constituer
ouverts à la concurrence et, par conséquent, que lesdites une “mesure prise par la Commission ou un État membre,
aides étaient susceptibles d’affecter la concurrence et les agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide
échanges entre les États membres et de constituer des illégale”, au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règle-
aides nouvelles à compter de cette date. ment  2015/1589. Ainsi, même si les juridictions natio-
nales avaient décidé, s’agissant du régime d’aide en cause,
Quant au fait que la loi Sapin était antérieure à la libé- que les aides octroyées au titre de celui-ci étaient pres-
ralisation du marché du transport régulier par le droit de crites à compter de l’introduction du premier recours
l’Union, elle est considérée comme sans pertinence par devant elles par un concurrent des bénéficiaires finaux,
le Tribunal. En effet, ce dernier l’écarte à juste titre au cette décision n’aurait pas été susceptible de s’impo-
motif que “la seule présence d’une date de libéralisation, ser à la Commission. Le Tribunal souligne également,
résultant de l’entrée en vigueur d’une réglementation euro- en se fondant sur l’arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine
péenne, ne suffit pas à exclure qu’une mesure puisse être Ölleitung in Österreich (aff.  C368/04, EU:C:2006:644),
qualifiée d’aide nouvelle si, sur la base du critère de l’évo- que les pouvoirs des autorités nationales concernant une
lution du marché, il peut être prouvé que la mesure a été éventuelle récupération des aides en cause ou des intérêts
adoptée sur un marché qui était déjà, en tout ou partie, au titre de la période durant laquelle les aides en cause
ouvert à la concurrence avant la date de libéralisation de ont été illégalement versées sont soumis aux seules règles
l’activité concernée par le droit de l’Union”. Le Tribunal de prescription du droit national applicables devant le
ajoute que, en tout état de cause, même en admettant juge national.
que le régime d’aide en cause devrait être regardé comme
ayant été institué dès 1979 ou au plus tard en 1994, à Finalement, le Tribunal écarte tous les griefs pris d’une
une date à laquelle le marché du transport régulier de violation de l’article 17 du règlement 2015/1589.
voyageurs était encore fermé à la concurrence, les béné-
ficiaires finaux étaient susceptibles d’utiliser le matériel
financé partiellement par la région Île-de-France dans le
Les régimes en cause remplissent les
cadre d’activités de transport occasionnel ouvertes à la conditions d’application de l’article 107,
concurrence. paragraphe 1, TFUE
Dans ces conditions, le Tribunal rejette, à bon Au-delà des questions liées au caractère existant de l’aide,
escient, toute violation de l’article  1er, sous b), v), du deux recours mettaient également en cause la qualifica-
règlement 2015/1589. tion des mesures concernées de régimes d’aides d’État au
sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
Les règles en matière de prescription n’ont Ainsi, dans l’affaire T-738/17, le STIF-IDF soutenait que
pas vocation à s’appliquer en l’espèce la Commission avait commis des erreurs, au regard du
Certains des requérants contestaient, en se fondant sur quatrième critère de la jurisprudence Altmark (CJUE,
l’article 17 du règlement 2015/1589, la conclusion selon 24  juillet  2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium
laquelle seules les aides octroyées au titre du régime d’aide Magdeburg, aff. C280/00, EU:C:2003:415), dans le cadre
en cause avant mai 1994 étaient prescrites. Ce moyen était de son examen des contributions  C2, tandis que dans
manifestement voué à l’échec en raison de son caractère l’affaire  T-292/17, la région Île-de-France contestait les
inopérant. appréciations de la Commission relatives à l’avantage
économique et à la sélectivité des subventions à l’investis-
En effet, ainsi que le Tribunal le rappelle, les règles en sement qu’elle a accordées entre 1994 et 2008.
matière de prescription prévues à l’article  17 du règle-
ment  2015/1589 n’ont pas vocation à s’appliquer dans
Les contributions C2 ne remplissent
les cas où la Commission a reconnu la compatibilité des
pas le quatrième critère de la jurisprudence
aides illégales avec le marché intérieur postérieurement à
leur octroi.
Altmark
Le STIF-IDF avançait, dans son recours, plusieurs argu-
En effet, les règles en matière de prescription définies à ments visant à remettre en cause l’appréciation de la
l’article 17 du règlement 2015/1589 se rapportent unique- Commission selon laquelle les contributions  C2 ne res-
ment aux “pouvoirs de la Commission en matière de récu- pectaient pas le quatrième critère de la jurisprudence
pération de l’aide”. Altmark, au motif, notamment que le montant de celles-ci
n’avait pas été calculé sur la base d’une analyse compara-
Le Tribunal prend également soin de rappeler que le tive des coûts (aff. T-738/17).
délai de prescription de dix ans ne peut être interprété
comme s’étendant aux pouvoirs des autorités nationales Rappelons, s’il en est besoin, que pour échapper à la qua-
de recouvrer des intérêts au titre de la période durant lification d’aide d’État la jurisprudence en cause énonce
laquelle les aides en cause ont été illégalement versées. quatre critères cumulatifs, dont le quatrième exige que,

8 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


lorsque le choix de l’entreprise qui doit être chargée de Ainsi, en ce qui concerne l’existence d’un avantage, la

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l’exécution d’obligations de service public, dans un cas région soutenait que la Commission n’avait pas précisé

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L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure quelles étaient les charges particulières susceptibles de
de marché public permettant de sélectionner le candidat peser sur les bénéficiaires finaux ainsi que la manière
capable de fournir ces services au moindre coût pour la dont les subventions litigieuses permettaient d’alléger ces
collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit charges et, par conséquent, de leur conférer un avantage
être déterminé sur la base d’une analyse comparative des économique. Une telle argumentation se situant à la
coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquate- frontière entre la critique d’un défaut de motivation et
ment équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de celle d’une erreur d’appréciation, le Tribunal répond sur
service public requises aurait encourus pour exécuter ces les deux plans. Il constate ainsi, d’une part, que, dans la
obligations, en tenant compte des recettes s’y rapportant décision 2017/1470, la Commission a indiqué que, dans la
ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de mesure où les subventions en cause visaient à couvrir une
ces obligations. partie des coûts d’investissement normalement supportés
par les entreprises du marché du transport public régulier,
Aucun des arguments avancés par le STIF-IDF ne la région avait, en octroyant ces subventions, libéré des
convainc cependant le Tribunal, qui les écarte les uns marges de manœuvre pour les bénéficiaires finaux, qui
après les autres. En particulier, il constate que les outils pouvaient, de ce fait, utiliser leurs propres ressources à
utilisés par le STIF-IDF pour mener à bien la négociation d’autres fins. Ce faisant, il est clair que la Commission a
des contrats de type 2, ainsi que les différents contrôles ex expliqué en quoi ces subventions permettaient d’alléger
post effectués pour vérifier les investissements réalisés par les charges pesant à l’égard des entreprises bénéficiaires.
les bénéficiaires finaux, ne sont pas pertinents ou, à tout Le Tribunal constate, d’autre part, que la région Île-de-
le moins, suffisants aux fins de déterminer si le montant France n’a avancé aucun argument ou élément de preuve
de la compensation a été fixé sur la base des coûts qu’une permettant de remettre en cause l’appréciation effectuée
entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée par la Commission concernant le critère en cause.
afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public
requises aurait encourus. En effet, ces outils visaient uni- En ce qui concerne la sélectivité, la région Île-de-France
quement à assurer la bonne négociation des contrats et à faisait valoir qu’elle ne disposait d’aucun pouvoir dis-
contrôler les coûts effectivement encourus par les béné- crétionnaire concernant l’octroi de ces subventions et
ficiaires finaux. Ils n’avaient pas pour objet de détermi- que tous les opérateurs actifs sur le marché du transport
ner le montant des contributions  C2. Au demeurant, régulier de voyageurs étaient éligibles à ces subventions.
le Tribunal relève que le STIF-IDF n’a pas présenté Sur ce point, le Tribunal objecte que l’octroi des subven-
d’autres éléments visant à établir qu’il avait effectué les tions litigieuses dépendait de la conclusion d’une conven-
vérifications nécessaires pour s’assurer que les entreprises tion d’exploitation entre les bénéficiaires finaux et les col-
de référence utilisées dans le cadre de son analyse compa- lectivités publiques concernées. Il en déduit donc que les
rative des coûts pouvaient être considérées comme bien entreprises d’autres États membres ou d’autres régions
gérées et adéquatement équipées. À cet égard, il écarte françaises n’étaient pas éligibles à l’octroi des subven-
la pertinence de la circonstance que ces entreprises sélec- tions litigieuses et que seules les entreprises actives sur
tionnées étaient soumises à une procédure de mise en le marché du transport régulier de voyageurs et exerçant
concurrence conforme à la loi Sapin. En effet, comme leurs activités sur le territoire de la requérante pou-
le relève le Tribunal, cette circonstance n’implique pas vaient bénéficier du matériel subventionné par les aides
qu’elles doivent être considérées, d’emblée, comme octroyées au titre du régime d’aide en cause. Dans ces
des entreprises bien gérées au sens de la jurisprudence conditions, les critiques relatives au critère de sélectivité
Altmark. ne pouvaient qu’être rejetées.

Conclusion
Dans ces conditions, le Tribunal écarte les arguments du
STIF-IDF relatifs au quatrième critère de cette jurispru-
dence et confirme que le mécanisme sur la base duquel les En conclusion, l’apport des arrêts sous commentaire est
contributions  C2 ont été octroyées constitue un régime relativement limité, étant tout au plus circonscrit aux déve-
d’aide d’État. loppements concernant le caractère existant des régimes
en cause. L’intérêt même des recours –  dirigés contre
Les subventions à l’investissement une décision déclarant les régimes concernés compa-
accordées par la région Île-de-France entre tibles avec le marché commun – peut d’ailleurs être ques-
1994 et 2008 confèrent un avantage et sont tionné. L’on notera, dans ce contexte, que, faisant usage
sélectives de la jurisprudence Boehringer (CJUE, 26  février  2002,
Conseil c/ Boehringer, aff. C23/00 P, EU:C:2002:118), le
Toujours dans le contexte de la qualification des mesures
Tribunal  a préféré se prononcer sur le fond des recours
en cause au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE,
sans en examiner la recevabilité.
la région Île-de-France prétendait quant à elle que les
subventions qu’elle avait versées n’étaient pas sélectives R. V. n
et ne conféraient pas un avantage (aff. T-292/17). Voués
manifestement à l’échec, ces griefs sont rejetés sèchement
par le Tribunal.

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 9


Énergie – Terminal GNL – Construction Cette situation donnait donc l’occasion aux requérantes

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et gestion – SIEG : Le Tribunal de d’invoquer une violation de leurs droits procéduraux, en

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faisant valoir que la Commission se serait uniquement
l’Union européenne confirme la décision
fondée sur les informations fournies par les autorités
de la Commission européenne déclarant lituaniennes, sans entreprendre les démarches requises
les aides accordées par la Lituanie pour avoir une vue complète de la situation. Cette argu-
pour la construction d’un terminal mentation est toutefois rejetée par le Tribunal.
GNL dans le port maritime de Klaipėda
compatibles avec le marché intérieur Ainsi, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission
(Trib. UE, 12 sept. 2019, Achemos Grupė et Achema, n’aurait pas pris en compte l’existence d’un projet alternatif
d’investissement dans un terminal GNL, le Tribunal relève
aff. T-417/16, EU:T:2019:597)
que la Commission pouvait s’appuyer sur les informations
communiquées par la Lituanie, sur sa propre étude sur le
L’approvisionnement en gaz naturel de la Lituanie
dépend essentiellement d’un seul fournisseur, Gazprom, marché du gaz dans l’Union, sur les éléments contenus
dont la politique commerciale est largement influen- dans la plainte de l’association lituanienne du gaz, dont fait
cée par des intérêts géopolitiques, lesquels sont souvent partie une des requérantes, ainsi que sur les renseignements
divergents de ceux des États membres de l’Union. Afin figurant dans une lettre des requérantes. Dans ces condi-
de sécuriser cet approvisionnement, les autorités litua- tions, le Tribunal estime que la Commission pouvait vala-
niennes ont chargé Klaipėdos Nafta (KN), une entre- blement considérer disposer “des éléments les plus complets
prise indépendante de Gazprom et détenue à plus de 70 % et fiables possibles, provenant de sources différentes, indépen-
par l’État, de développer un plan pour la construction dantes et poursuivant des intérêts divergents” (pt 57). Dans
d’un terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) et de réaliser ce contexte, le Tribunal relève notamment que les requé-
la construction de celui-ci. Le financement de ce terminal rantes n’ont pas fait part à la Commission de l’existence
était assuré par trois éléments, à savoir : (i) un prélève- de leur propre projet de construction de terminal, dont on
ment spécial acquitté par tous les utilisateurs du réseau verra ultérieurement qu’il avait un objectif plus restreint.
de transport de gaz et transféré à KN, afin de financer le La  lettre de l’association lituanienne du gaz était égale-
coût d’investissement et de fonctionnement du terminal ; ment muette à cet égard. Aussi, le Tribunal se fonde-t-il sur
(ii) une obligation d’achat d’un quota minimal de gaz la jurisprudence selon laquelle “il ne saurait être reproché
importé via le terminal imposé à certains producteurs de à [cette institution] de ne pas avoir tenu compte d’éventuels
chauffage et d’électricité pour une durée de dix ans, et (iii) éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présen-
une garantie d’État à hauteur de 100 % des prêts accordés tés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas
à KN, pour un montant total d’environ 116  millions été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner
d’euros. Notifiées à la Commission par les autorités litua- d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient
niennes, ces mesures ont fait l’objet d’une décision de cette pu lui être soumis”. Cette jurisprudence semble cependant
institution le 20 novembre 2013 (JO 2016, C 161, p. 1). concerner les informations qui auraient pu être soumises à
Par celle-ci, la Commission a estimé, d’une part, que, en la Commission pendant la procédure formelle d’examen et
tant qu’aides à l’investissement, la garantie d’État et le non, comme en l’espèce, pendant la procédure préliminaire.
prélèvement spécial étaient compatibles avec le marché Il semble ainsi difficile d’opposer aux requérantes le fait de
intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, ne pas avoir soumis des informations à ce stade prélimi-
sous c), TFUE, et, d’autre part, qu’en tant qu’aides au naire de la procédure (où leur rôle est quasi inexistant) alors
fonctionnement, l’obligation d’achat et le prélèvement qu’elles reprochent précisément à la Commission de ne pas
spécial étaient conformes à la communication sur l’enca- ouvert la procédure formelle d’examen et d’avoir ainsi violé
drement SIEG (JO 2012, C 8, p. 15) et donc à l’article 106, leurs droits procéduraux. Il n’en demeure pas moins que la
paragraphe 2, TFUE. Commission n’a pas à rechercher tous les éléments et infor-
mations “imaginables”. En effet, la légalité d’une décision
C’est dans ces conditions que les entreprises Achemos en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge
Grupė et Achema (dont l’arrêt sous commentaire fait de l’Union en fonction des éléments d’information dont
malheureusement l’économie d’une présentation détail- la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a
lée mais dont il est possible de comprendre qu’elles arrêtée. Ces éléments incluent ceux qui apparaissaient per-
figurent parmi les plus gros consommateurs de GNL en tinents pour l’appréciation à effectuer et dont elle aurait pu,
Lituanie) ont introduit un recours contre la décision de sur sa demande, obtenir la production au cours de la procé-
la Commission. dure administrative. Or, en l’espèce, au regard des éléments
évoqués par le Tribunal, l’existence d’un projet alternatif
La Commission n’a pas violé les droits des requérantes ne pouvait apparaître comme étant un tel
procéduraux des requérantes élément, son existence n’ayant pas même été évoquée.

Faute d’indication dans l’exposé des antécédents du litige, Concernant l’argument relatif au caractère incomplet et
il faudra attendre l’énoncé du premier moyen de recours insuffisant de l’examen de la capacité du terminal, il est
pour comprendre que la décision de la Commission a été également sèchement rejeté, le Tribunal relevant que la
adoptée à l’issue de la procédure préliminaire d’examen, décision attaquée faisait apparaître des explications suffi-
sans, par conséquent, que soit ouverte une procédure santes, fondées sur une étude de faisabilité dont les requé-
formelle. rantes ne contestent pas la fiabilité.

10 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


Est également écarté l’argument selon lequel la paragraphe 3, sous a), b), c) ou d), TFUE, et ainsi, pouvoir

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Commission aurait été saisie d’une plainte, cette circons- bénéficier de la dérogation prévue par cette disposition.

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tance ne permettant pas de remettre en cause le fait que la En l’espèce, les requérantes ne contestaient pas l’objectif
pertinence d’une plainte dépend des éléments de preuves poursuivi par les autorités lituaniennes, à savoir assurer
figurant dans celle-ci et non du fait que des informations la sécurité de l’approvisionnement en gaz. À cet égard,
aient été transmises par ce biais. la Commission avait estimé que le marché en Lituanie
n’aurait pas permis, sans le soutien de l’État, de déve-
Le Tribunal rejette donc logiquement le moyen par lequel lopper et de financer un projet qui serait en mesure d’as-
les requérantes invoquaient une violation de leurs droits surer la sécurité de l’approvisionnement, et ce, indépen-
procéduraux. damment du fait que les prix du gaz en Lituanie seraient
parmi les plus élevés de l’Union. Cette situation était la
Les aides en cause remplissent les conséquence de la situation monopolistique détenue par
conditions d’application de l’article 107, Gazprom. Dans sa décision, la Commission avait donc

paragraphe 3, sous c), TFUE


considéré que, sans le prélèvement GNL et l’obligation
d’achat, le terminal GNL ne serait ni compétitif ni viable.
Afin d’appuyer leur contestation de l’application de l’ar-
ticle 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, les requérantes Aucun des arguments avancés par les requérantes pour
mettaient en cause les conditions relatives à la nécessité, contester cette appréciation ne prospérera. Tel est notam-
l’incitativité et la proportionnalité des aides en cause. ment le cas de celui fondé sur l’existence d’un projet de
terminal GNL porté par les requérantes, qui démontre-
Avant d’examiner la réponse apportée par le Tribunal à rait le caractère erroné du constat de l’absence d’intérêt à
ces griefs, il convient de relever que la condition de l’in- investir dans de telles infrastructures. Le Tribunal l’écarte
citativité, ou de l’effet incitatif, se distingue de celle de d’abord en renvoyant à ses appréciations concernant le
la nécessité de l’aide, en particulier en ce qu’elle répond fait que l’existence de ce projet n’avait pas été portée à la
à des exigences différentes de cette dernière. En effet, la connaissance de la Commission. On peut s’interroger sur
question de savoir si une aide est nécessaire à la réalisa- la portée de cette appréciation dès lors qu’il demeurait
tion d’un objectif déterminé diffère de celle de savoir si loisible aux requérantes de faire valoir, au stade conten-
le projet soutenu par cette aide, et qui vise à répondre à tieux, un argument qui n’avait pas été présenté antérieu-
cet objectif, serait réalisé sans ladite aide. Le Tribunal a rement, et ce d’autant plus que la procédure formelle
déjà eu l’occasion de le souligner en indiquant que “[m] d’examen n’avait pas été ouverte. Le Tribunal complète
ême si elles peuvent, dans certaines hypothèses, se recouper, néanmoins son argumentation en ajoutant un élément
ces deux conditions de la compatibilité des aides revêtent bien plus convaincant : le projet de terminal GNL porté
une signification propre” (Trib. UE, du 14  janvier  2009, par les requérantes visait à couvrir uniquement les besoins
Kronoply, aff.  T162/06, EU:T:2009:2). Cependant, la en gaz de l’une d’elles. Aussi, ce projet ne répondait mani-
jurisprudence tant de la Cour que du Tribunal tend, de festement pas à l’objectif de sécurité de l’approvisionne-
manière générale, à ne pas opérer une distinction nette ment pour l’ensemble des consommateurs lituaniens que
entre ces deux conditions et à mêler la terminologie s’y poursuivent les aides en cause. L’existence dudit projet
rapportant. L’arrêt sous commentaire s’inscrit dans cette n’était donc pas de nature, ainsi que le relève à très juste
ligne, dans la mesure où l’énoncé de certains principes titre le Tribunal, à remettre en cause la nécessité de ces
jurisprudentiels évoque simultanément la nécessité et aides. Les juges écartent donc l’argument concernant
le caractère incitatif d’une aide (v. not. pts  68 et 84 de l’existence dudit projet.
l’arrêt).
Concernant, ensuite, la condition de l’incitativité, elle
Cet arrêt opère néanmoins – et c’est heureux – un examen implique d’observer si l’investissement soutenu par une
distinct de ces deux conditions. Il examine également de aide serait effectué sans cette aide. S’il devait être effectué
manière séparée les arguments relatifs à la condition même en l’absence de l’aide, cette dernière aurait pour
relative à la proportionnalité de l’aide. À cet égard, il faut seul effet d’améliorer la situation financière de l’entre-
aussi signaler que si cette dernière est également intrinsè- prise bénéficiaire, sans pour autant répondre aux exi-
quement liée aux précédentes (notamment à celle de l’in- gences de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. En
citativité, dans la mesure où son examen est opéré en lien l’espèce, afin de démontrer l’absence de caractère inci-
avec la quantification de l’effet incitatif de l’aide), elle en tatif des aides en cause, les requérantes faisaient prin-
diffère cependant. Cela a déjà également été constaté par cipalement valoir que KN était obligée, par les actes
la jurisprudence (v., en ce sens, Trib. UE, 12 sept. 2017, adoptés par les autorités lituaniennes, de réaliser le
Bayerische Motoren Werke, aff. T671/14, EU:T:2017:599, projet de terminal GNL. Si l’argument pouvait, prima
pt 84). facie, sembler pertinent, le Tribunal le rejette toutefois.
Il relève en effet qu’aucun élément ne permet de consi-
Quoi qu’il en soit, en l’espèce, le Tribunal écarte l’ar- dérer que KN avait entamé la réalisation du projet en
gumentation des requérantes concernant ces trois cause ou, à tout le moins, qu’elle avait l’intention de le
conditions. faire, indépendamment des mesures d’aide en cause. Or,
l’on sait que la constatation du défaut de nécessité d’une
Concernant, tout d’abord, la condition de nécessité, elle aide peut notamment découler du fait que le projet aidé
se vérifie en examinant si l’aide en cause est nécessaire a déjà été entamé, voire achevé, par l’entreprise intéres-
pour atteindre l’un des objectifs visés par l’article  107, sée avant que la demande d’aide ne soit transmise aux

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 11


autorités compétentes, ce qui exclut que l’aide concer- connectant le terminal au réseau gazier et que cette durée

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née puisse jouer un rôle incitatif. La Commission avait correspondait à la “période d’amortissement” dudit

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d’ailleurs retenu, dans sa décision, que la construction gazoduc, lequel est un actif principal indispensable au
n’a commencé qu’après que l’État lituanien s’est engagé à sens de l’encadrement SIEG.
soutenir financièrement le projet. Le Tribunal ajoute éga-
lement que, selon le cadre juridique national, les mesures À cet égard, les requérantes avançaient que la décision de
d’aide en cause constituaient une condition sine qua non à la Commission n’indiquait pourquoi la durée du mandat
la réalisation du projet. Il relève enfin que la Commission devrait correspondre à la durée de vie du gazoduc raccor-
a retenu que, en l’absence d’aides, le projet ne générerait dant le terminal GNL au réseau gazier, étant donné qu’il
pas un taux de rendement positif, le rendant ainsi peu s’agit d’un projet plus large et plus complexe, ni pourquoi
attrayant aux investisseurs. Il conclut donc en excluant ledit gazoduc devrait être considéré comme l’un des
qu’il puisse être déduit du fait que l’obligation de réali- “principaux actifs indispensables à la prestation du
sation du projet a été légalement imposée à KN que les SIEG” au sens de l’encadrement SIEG. Selon elles, l’actif
aides en cause manquent d’effet incitatif. ayant la durée d’amortissement la plus longue aurait été
choisi dans le but de justifier une durée de mandat la plus
Concernant, enfin, la condition de proportionnalité, elle longue possible.
vise à vérifier si le montant de l’aide est adapté à l’objectif
visé. C’est ainsi qu’une aide peut être nécessaire mais dis- Répondre à cette argumentation et déterminer la durée
proportionnée. Dans ce cas, la partie de l’aide supérieure du mandat à retenir impliquait, pour le Tribunal, de
au montant jugé proportionné peut être déclarée incom- préciser la notion de “principaux actifs indispensables à
patible avec le marché intérieur. De même, il pourrait être la prestation du SIEG”.
considéré que la partie de l’aide qui dépasse le montant
jugé proportionné est dépourvue d’effet incitatif. En En effet, s’il n’était pas contesté que le gazoduc est un
l’espèce, les parties requérantes échouent à démontrer actif principal indispensable à la prestation du SIEG au
que les aides en cause vont au-delà du minimum requis sens de l’encadrement SIEG, il n’en demeure pas moins
pour la réalisation du terminal GNL. En particulier, le que ce dernier fait référence aux “actifs principaux indis-
Tribunal valide les appréciations de la Commission selon pensables” au pluriel, sans évoquer l’hypothèse, telle
lesquelles la capacité du terminal ne va pas au-delà de que celle existant en l’espèce, où plusieurs “actifs prin-
ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité de l’ap- cipaux” sont indispensables au SIEG et que ceux-ci ont
provisionnement. Sur ce point, on nota que l’appré- des durées d’amortissement différentes. Aussi, interpré-
ciation porte plus sur l’adéquation de l’investissement tant l’encadrement SIEG à l’aune de son objectif, qui est
avec l’objectif que de l’aide avec l’incitation à réaliser notamment d’éviter toute surcompensation, le Tribunal
l’investissement… retient finalement que “la durée du mandat doit corres-
pondre à la période d’amortissement comptable de l’un des
En conclusion, le Tribunal rejette l’intégralité de l’argu- principaux actifs indispensables à la prestation du SIEG,
mentation des requérantes concernant l’appréciation des à condition que la rémunération en résultant n’entraîne
conditions relatives à la nécessité, l’incitativité et la pro- aucune surcompensation” (pt 123). Du pluriel, le Tribunal
portionnalité des aides en cause, et partant, toute viola- revient donc au singulier… Quoi qu’il en soit, en l’espèce,
tion de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. le Tribunal relève, d’une part, que les requérantes ne
démontrent pas que la durée du mandat de 55 ans entraî-
La Commission n’a pas violé l’article 106, nerait une surcompensation au profit de KN. Il relève,
paragraphe 2, TFUE d’autre part, que le montant du prélèvement GNL tient
compte des périodes d’amortissement des autres éléments
Les requérantes contestaient enfin l’appréciation de la du terminal GNL (machines et équipements (13 ans),
Commission selon laquelle l’obligation d’achat et le pré- station de comptage (18 ans), jetée (2 ans) et unité flot-
lèvement spécial étaient conformes à l’encadrement de tante de stockage et de regazéification du GNL (30 ans)),
l’Union européenne applicable aux aides d’État sous dès lors que la diminution progressive du coût d’amortis-
forme de compensations de service public (JO 2011, C 8, sement, pendant la durée du mandat, sera répercutée sur
p. 15, ci-après l’”encadrement SIEG”) et à l’article 106, le calcul du montant du prélèvement GNL. Finalement,
paragraphe 2, TFUE. il rejette, sans que cela puisse prêter le flanc à la critique,
le grief des requérantes concernant la durée du SIEG.
Elles mettaient en particulier en cause les considérations
de la Commission concernant la durée du SIEG. À cet Quant au grief des requérantes selon lequel l’attribution
égard, il est à rappeler que l’encadrement SIEG prévoit du projet GNL à KN ne pouvait être exonérée des règles
que “[l]a durée du mandat [pour la prestation du SIEG] de passation des marchés publics, le Tribunal l’écarte à
doit se justifier au regard de critères objectifs, tels que la l’issue d’un contrôle détaillé. Il estime en particulier que
nécessité d’amortir des immobilisations incessibles” et que, le besoin de protéger les intérêts essentiels de la sécurité
“[e]n principe, la durée du mandat ne devrait pas excéder de l’État lituanien, au sens de la directive  2004/18/CE
la période nécessaire à l’amortissement comptable des prin- (JO 2004, L 134, p. 114), n’aurait pas pu être atteint dans
cipaux actifs indispensables à la prestation du SIEG”. En le cadre d’une mise en concurrence et il rejette l’argumen-
l’espèce, la Commission a retenu que la durée de 55 ans tation selon laquelle l’adjudication directe en cause ne
pendant laquelle le prélèvement GNL sera imposé cor- serait pas nécessaire, appropriée et proportionnée à l’ob-
respondait à la durée de l’”amortissement” du gazoduc jectif poursuivi.

12 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


Le Tribunal écarte enfin, également à l’issue d’un examen minérales utilisées comme combustible pour la produc-

constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
minutieux, la contestation du calcul du taux de rende- tion d’alumine alors que cette exonération avait été auto-

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L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
ment du projet et valide la position de la Commission risée par le Conseil en vertu des règles d’harmonisation
acceptant que le taux de rendement interne du terminal du marché intérieur (Trib. UE, 22  avril  2016, Irlande
pour la durée du SIEG se situe entre 4,84 % et 7,09 %. et Aughinish Alumina, aff.  jtes  T-50/06  RENV II et
T-69/06 RENV II, Concurrences no  3-2016, pp. 122-129,
Conclusion obs. J. D.). Par ordonnance du 7 décembre 2017, la Cour
avait rejeté les pourvois qui avaient été formés contre ces
En conclusion, on retiendra que l’arrêt sous commentaire décisions (aff. C‑369/16 P, EU:C:2017:955).
opère une analyse minutieuse de l’argumentation des
requérantes, et ce, alors même que la recevabilité pouvait La présente affaire s’inscrit dans la lignée de cette saga
être douteuse, au moins dans la mesure où il s’agissait jurisprudentielle et concerne la “décision Alumine II” de
de contester, au-delà de la violation de droits procédu- la Commission du 7 février 2007 (décision 2007/375/CE
raux, le bien-fondé de la décision de la Commission. Le concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles
Tribunal a ainsi préféré user de la célèbre jurisprudence minérales utilisées comme combustible pour la pro-
Boehringer (CJUE, 26 février 2002, Conseil c/ Boehringer, duction d’alumine dans la région de Gardanne, dans la
C23/00  P, EU:C:2002:118) et rejeter le recours au fond région du Shannon et en Sardaigne, appliquée respective-
sans examiner sa recevabilité. Cela lui a permis d’effec- ment par la France, l’Irlande et l’Italie). La Commission
tuer une analyse intéressante, tant en ce qui concerne les avait estimé que les exonérations des droits d’accise sur
conditions d’application de l’article  107, paragraphe  3, les huiles minérales lourdes utilisées dans la production
TFUE, que de l’encadrement SIEG. d’alumine, accordées par la France, l’Irlande et l’Italie à
partir du 1er janvier 2004 constituaient des aides d’État,
R. V. n incompatibles avec le marché intérieur dans la mesure où
les bénéficiaires n’acquittent pas au moins 20 % des droits
d’accise dus en l’absence de l’exonération ou le minimum
Sélectivité – Charge de la preuve : communautaire (15  euros par 1  000  kilogrammes), la
Le Tribunal de l’Union européenne rejette valeur la plus faible étant retenue. La Commission a
le recours formé contre la “décision en conséquence ordonné la récupération desdites aides
Alumine II” de la Commission européenne auprès de leurs bénéficiaires.
et rappelle qu’une fois que celle-ci
a établi le caractère a priori sélectif Rejet des recours par le Tribunal
d’une mesure, il appartient à l’État Les moyens soulevés par l’Irlande et Aughinish portaient
membre ou au bénéficiaire de l’aide essentiellement sur l’application du critère de sélectivité
d’État qui conteste le caractère sélectif de dans le cas de l’exonération litigieuse ainsi que sur une
la mesure de démontrer qu’elle est justifiée erreur d’application de l’encadrement des aides environ-
par la nature et l’économie générale du nementales de 2001 par la Commission européenne.
système fiscal national (Trib. UE, 17 sept. 2019,
Irlande et Aughinish Alumina Ltd, aff. jtes T-129/07 Sélectivité
et T-130/07, EU:T:2019:610) Les requérantes reprochent à titre principal à la
Commission européenne de ne pas avoir suffisam-
Il n’est pas possible ici de revenir sur tous les faits et ment motivé sa décision s’agissant du moyen  tiré de
rebondissements de cette longue procédure ni d’envisa- l’application du critère de sélectivité. À titre subsidiaire,
ger toutes les questions de fond abordées depuis 2006 elles lui reprochent d’avoir commis une erreur mani-
dans cette série d’affaires. Pour son historique, on pourra feste d’appréciation en estimant que l’exonération du
utilement se reporter aux observations antérieures dans droit d’accises dont Aughinish avait bénéficié à partir
Concurrences  : TPI, 12  décembre  2007, Irlande e.a. du 1er  janvier  2004 constituait une aide d’État, notam-
c/ Commission, T-50/06, Concurrences no 1-2008, p. 155, ment parce qu’elle était sélective dans la mesure où elle
obs. J.-Y.  C. ; CJUE, 2  décembre  2009, Commission favorisait la production d’un produit spécifique, à savoir
c/ Irlande e.a., C-89/08 P, Concurrences no 1-2010, p. 147, l’alumine, et, de facto, une seule entreprise située dans
obs. J.-Y.  C. et chronique “Procédures”, no 1-2010, une région déterminée (Aughinish dans la région du
pp. 158-160, obs. A. M. ; Trib. UE, 21 mars 2012, Irlande Shannon), sans qu’il ait été démontré que cette exonéra-
e.a. c/ Commission, T-50/06 RENV I, Concurrences tion était justifiée par la nature et l’économie générale du
no 3-2012, pp. 176-178, obs. J.-Y.  C., obs. B.  S. ; CJUE, système de taxation de l’énergie en cause (pt 50).
10 décembre 2013, Commission c/ Irlande e.a., C-272/12
Le Tribunal rappelle que la notion d’aide d’État ne vise
P, Concurrences no 1-2014, pp. 150-152, obs. B. S.
pas les mesures étatiques introduisant une différenciation
entre entreprises lorsque cette différenciation résulte de
Antécédents du litige la nature et de l’économie d’un système de charges ou de
Dans un arrêt du 22 avril 2016, Le Tribunal avait rejeté, taxation d’intérêt général, dans lequel elles s’inscrivent et
après deux renvois, les recours contre une décision de la dont il incombe à la partie qui s’en prévaut de rapporter
Commission (la “décision Alumine I”) déclarant incom- la preuve de l’existence (pt 56).
patible l’exonération des droits d’accises sur les huiles

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 13


Ensuite, le Tribunal rappelle que, dès lors que la Secteur bancaire – Montant de l’aide :

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Commission établit le caractère a priori sélectif d’une Le Tribunal de l’Union européenne annule

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mesure, il appartient à l’État membre ou au bénéficiaire
une décision de la Commission européenne
de l’aide qui en conteste la sélectivité de démontrer qu’elle
ne l’est pas, car justifiée par la nature et l’économie du en raison d’une erreur commise dans la
système fiscal national (pt 61). détermination du montant de l’aide (Trib. UE,
19 sept. 2019, FIH Holding e.a., aff. T-386/14 RENV,
Le Tribunal confirme que la Commission avait claire- EU:T:2019:623)
ment établi le caractère sélectif de l’exonération litigieuse
(pt 62) et que, par conséquent, il appartenait aux requé- FIH est une banque danoise qui a bénéficié dès 2009
rantes de démontrer que l’exonération litigieuse était jus- de mesures prises par le Danemark pour stabiliser son
tifiée par la nature et la logique du système de taxation secteur bancaire. Deux mesures en particulier ont été
national en cause (pt 63). approuvées par la Commission au titre de régimes d’aides
compatibles avec le marché intérieur : l’une consistait en
Le Tribunal rejette l’ensemble des moyens portant sur
un apport de capital hybride de catégorie A ; l’autre était
l’application du critère de sélectivité en considérant que
une garantie de l’État utilisée par FIH pour émettre des
c’est à bon droit que la Commission a constaté que l’exo-
obligations.
nération litigieuse était sélective, en ce qu’elle favorisait
certaines entreprises en Irlande, car elle ne s’appliquait Entre 2009 et 2011, l’agence de notation Moody’s a
qu’aux entreprises qui utilisaient du fioul lourd pour la abaissé la note de FIH, qui est passée de A2 à B1 avec
production d’alumine. Les requérantes n’ont pas fourni perspective négative. En 2012, le Danemark a notifié à la
d’éléments permettant de constater que l’exonération Commission un nouveau paquet de mesures en faveur de
était conforme à la nature et à la logique du système de FIH. Ces mesures visaient en substance à transférer les
taxation irlandais (pts 72, 73 et 77). actifs les plus problématiques de FIH vers une nouvelle
filiale de celle-ci (NewCo). La FSC, entité publique
Application de l’encadrement des aides
danoise mise en place par l’État dans le contexte de la
environnementales de 2001
crise financière, rachèterait les actions de NewCo et
S’agissant du moyen tiré d’une mauvaise application financerait le rachat par cette dernière des actifs problé-
de l’encadrement des aides environnementales de 2001, matiques, ce qui permettrait à FIH de rembourser les
Aughinish faisait grief à la Commission d’avoir appliqué prêts garantis par l’État. NewCo serait ensuite liquidée
le point  51 de l’encadrement des aides environnemen- de manière ordonnée.
tales de 2001 de manière trop stricte et littérale, en ce
qu’elle n’aurait pas examiné si l’objectif visé à ce point ne La Commission a provisoirement approuvé pour une
pouvait pas être atteint par d’autres méthodes que celles période limitée ce paquet de mesures, tout en ouvrant la
envisagées dans le texte, en l’occurrence par le biais des procédure formelle d’examen. En 2013, un plan de res-
obligations auxquelles Aughinish était tenue en termes tructuration de FIH a été présenté par le Danemark,
d’obligations environnementales. complété par une série d’engagements pris par cet État
Le Tribunal confirme l’approche littérale de la membre à l’égard de la Commission en vue de répondre
Commission et souligne qu’Aughinish n’a pas démontré aux préoccupations qu’elle avait exprimées dans le
avoir fourni à la Commission la preuve qu’elle aurait cadre de l’ouverture de la procédure formelle d’examen.
conclu des accords avec les autorités irlandaises dans Finalement, en 2014, la Commission a décidé que le
lesquels elle se serait engagée à atteindre des objectifs de paquet de mesures constituait une aide d’État compatible
protection de l’environnement pendant la période d’ap- avec le marché intérieur en vertu de l’article  107, para-
plication de l’exonération litigieuse, ou la preuve que graphe  3, sous b), TFUE, compte tenu du plan de res-
cette dernière exonération était assortie de conditions tructuration et des engagements présentés.
procurant le même effet que de tels accords et engage-
La décision de la Commission comprend de nombreux
ments, ou encore la preuve que les investissements éco-
calculs complexes destinés d’une part à déterminer si
logiques réalisés dans son usine de la région du Shannon
le principe de l’opérateur privé avisé en économie de
seraient allés au-delà de ce qui était nécessaire pour res-
marché a été respecté en l’espèce, et d’autre part, une fois
pecter la législation irlandaise ou de ce qui était faisable
établie l’existence d’une aide, à déterminer si les engage-
et économique sur le plan commercial (pt 106).
ments pris par le Danemark sont suffisants pour rendre
En conclusion, le Tribunal juge que les conditions d’application l’aide compatible avec le marché intérieur.
du point 51, paragraphe 1, sous a), de l’encadrement des aides
environnementales de 2001 n’étaient pas remplies (pt 107). Cette décision a donné lieu à un premier arrêt d’annula-
tion du Tribunal (Trib. UE, 15  sept.  2016, FIH Holding
Le recours est rejeté. e.a., aff. T-386/14 ; v. Concurrences no 1-2017), annulé par
J. D. & J. B. n la Cour sur pourvoi (CJUE, 6  mars  2018, FIH Holding
e.a., aff. C-579/16 P ; v. Concurrences no 2-2018). La Cour
a rejeté elle-même le moyen d’annulation tiré de la vio-
lation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et a renvoyé
l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le moyen
d’annulation concernant la quantification de l’aide d’État.

14 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


Avant de procéder à l’examen de ce seul moyen, le le marché intérieur et les montants qui devaient être

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Tribunal devait statuer sur sa recevabilité contestée par reversés ou payés à titre de rémunération par le bénéfi-

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la Commission. Ensuite, sur quatre des cinq branches de ciaire. Cette quantification reposait sur une appréciation
ce moyen, il donne raison à la Commission, lui recon- technique particulièrement complexe.
naissant une importante marge d’appréciation dans la
résolution des difficultés techniques auxquelles elle était Les requérantes contestaient notamment la valeur des
confrontée pour quantifier l’aide, avant d’annuler la actifs cédés par le bénéficiaire, valeur qui aurait été
décision attaquée en raison de la lecture erronée, par la sous-estimée par la Commission, cette dernière n’ayant
Commission, de données communiquées par les autori- pas procédé d’une évaluation individuelle des actifs cédés
tés danoises. (des prêts en l’occurrence). Le Tribunal souligne que les
éléments de preuve apportés par la partie requérante
Sur la recevabilité de la contestation portant doivent, pour emporter l’annulation, être suffisants pour
sur la compatibilité de l’aide priver de plausibilité les appréciations des faits retenus
dans la décision en cause. Il admet que la Commission
La décision attaquée déclarait l’aide à FIH compatible ait procédé à sa propre évaluation du portefeuille de
avec le marché intérieur et l’autorisait. Cette décision prêts (l’évaluation effectuée par les autorités danoises
n’était pas prise en application de l’article 7, paragraphe 4, reposant sur la valeur comptable de ces actifs et non sur
du règlement (CE) no  659/1999, relatif aux décisions de leur valeur de vente, et sous-estimant les risques de cessa-
compatibilité conditionnelle, mais en application de son tion de paiement).
article 7, paragraphe 3, relatif à la compatibilité simple.
La Commission ajoutait que, même si le Danemark avait Sans qu’il paraisse ici utile de revenir sur chaque contes-
pris certains engagements visés par cette décision, elle ne tation technique, on notera que, pour chacune d’entre
les lui avait pas dictés (à la différence de ce qui s’était elles, le Tribunal procède à peu près de la même manière.
passé dans l’affaire ING – arrêt de la Cour du 3 avril 2014 Il examine concrètement la difficulté à laquelle la
dans l’affaire C‑224/12 P – et qui avait conduit la Cour à Commission était confrontée et vérifie que cette dernière
déclarer le recours recevable en l’espèce). Dans ces condi- est en mesure d’expliquer raisonnablement (par des
tions, selon la Commission, la déclaration de compatibi- motifs logiques, des motifs de prudence, et, le cas échéant
lité n’avait pas d’effet juridique susceptible d’affecter les par une pratique) les choix méthodologiques qu’elle a
intérêts des requérantes. effectués. Ainsi admet-il par exemple qu’il était prudent
d’envisager les pertes escomptées à 100 % des actifs non
Le Tribunal ne suit pas la Commission et semble élargir
garantis en cas de cessation de paiement.
sensiblement les conditions de recevabilité d’un recours
contre une décision simple de compatibilité. Pour déclarer Le Tribunal vérifie également que le Commission ne s’est
le recours recevable, il s’appuie notamment sur le fait que
pas écartée de sa communication sur les actifs dépréciés
le dispositif de la décision attaquée déclare l’aide compa-
en l’absence de raisons compatibles avec le principe d’éga-
tible, “compte tenu du plan de restructuration et des enga-
lité de traitement justifiant de s’en écarter  (il rappelle
gements pris en annexe” et relève de surcroît que certains
l’autolimitation qui découle de ces lignes directrices).
engagements du Danemark semblent avoir été pris à l’ini-
tiative de la Commission.
Il valide également la manière dont la Commission a pris
en compte, dans l’analyse de compatibilité, l’exposition
Au-delà de ces circonstances, le Tribunal suggère que les
au risque découlant pour l’État des précédentes aides
intérêts des requérantes sont affectés dans la mesure où
l’aide n’est autorisée que si les engagements et le plan de qu’il avait accordées à FIH (exposition qui ne pouvait
restructuration sont respectés. Il y a là une nette inflexion être prise en compte dans le cadre du test de l’opérateur
jurisprudentielle, car, d’une manière ou d’une autre, l’au- privé en économie de marché, mais qui pouvait l’être
torisation d’une aide repose généralement sur des “enga- dans l’analyse de compatibilité). Le Tribunal s’abstient
gements” (au sens large) de l’État membre (ne serait-ce de déterminer si la Commission devait ou pouvait tenir
que le contenu de la notification dans le cas d’une aide compte de cet élément, mais observe qu’il a, en l’occur-
notifiée). rence, joué un rôle dans l’examen de la viabilité de FIH
et dans la répartition adéquate des charges résultant de la
Il reste que, dans le cas d’espèce, les “engagements” liti- restructuration litigieuse.
gieux s’apparentaient à une restitution d’une partie du
montant de l’aide ou à une rémunération du montant des Sur la lecture erronée des données
avantages ainsi consentis, ce qui a pu peser sur l’apprécia-
tion relative à la recevabilité du recours.
communiquées par les autorités danoises
C’est sur le calcul de l’allègement des exigences de fonds
Sur la large marge d’appréciation de propres résultant de la cession d’actifs que la Commission
la Commission sur les questions techniques perd finalement cette affaire, une question en apparence
assez technique.
Bien que l’aide en cause ait été déclarée compatible avec
le marché intérieur, sa quantification revêtait une impor- Le Tribunal admet qu’une rémunération soit requise
tance certaine pour déterminer les “conditions” dans pour l’allègement des exigences de fonds propres dont
lesquelles elle pouvait être déclarée compatible avec FIH a bénéficié.

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 15


Toutefois, l’effet d’allègement des exigences de fonds en un prix de rachat minimal, fixé annuellement et ne

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propres ne pouvait pas être calculé en se fondant exclu- pouvant diminuer de plus de 5 % d’une année à l’autre

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sivement sur des données fournies par le Danemark, dès ou, (ii) pour les producteurs choisissant de vendre leur
lors que cet État lui-même avait contesté durant la pro- électricité sur le marché, en une prime verte, majorant le
cédure administrative ces données qui n’étaient fournies prix du marché. Ces mesures étaient financées exclusive-
qu’à titre d’illustration. ment par un prélèvement spécial (ci-après le “prélèvement
SER”), payé par les consommateurs finals d’électricité au
Le Tribunal observe également que l’autorité nationale de gestionnaire du réseau de transports (ci-après le “GRT”)
surveillance du secteur financier et FIH avaient contesté et aux sociétés régionales de distribution (ci-après les
ces chiffres durant la procédure administrative. Le fait que “SRD”). Afin d’éviter une surcompensation, les autori-
FIH n’ait pas réitéré sa critique sur ce point “afin d’adopter tés tchèques ont modifié le régime initial en 2010, rédui-
une attitude constructive” ne justifie pas de l’avoir ignorée. sant ainsi l’ampleur des mesures de soutien en cause (ci-
après “le régime modifié”). Elles ont notamment instauré
On retrouve donc ici l’idée selon laquelle la Commission un prélèvement sur les prix de rachat et les primes vertes
ne peut s’abriter derrière une information donnée par accordés aux installations photovoltaïques, supprimé la
l’État membre en faisant abstraction des réserves et des limite de 5 % pour certaines installations, et abrogé une
critiques dont elle est entourée. C’est donc pour une exonération d’impôt sur le revenu. Le financement du
raison assez simple (une erreur de lecture commise par la régime modifié ne devait en outre plus faire appel uni-
Commission) que la décision est annulée. quement au prélèvement SER mais également au budget
de l’État. Après que les autorités tchèques ont notifié,
B. S. n en 2014 (soit près de dix ans après l’entrée en vigueur
du régime initial !), les mesures de soutien en cause, la
Énergie – Modification des mesures de Commission a adopté, sans ouvrir la procédure formelle
soutien : Le Tribunal de l’Union européenne d’examen, une décision à cet égard le 28 novembre 2016.
confirme la décision de la Commission Par celle-ci, la Commission a estimé que les mesures en
européenne qualifiant des mesures cause constituaient un régime d’aide nouveau, sa lettre de
2004 ne pouvant être considérée comme une décision de
adoptées par les autorités tchèques
ne pas soulever d’objection. Elle a néanmoins retenu que
en faveur des producteurs d’électricité ces mesures étaient, compte tenu de leur objectif environ-
produite à partir de sources d’énergies nemental, un régime d’aide compatible avec le marché
renouvelables comme constituant un intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c),
régime d’aide nouveau, mis en œuvre de TFUE et de la communication relative à l’encadrement
manière illégale, mais compatible avec communautaire des aides d’État pour la protection de
le marché commun, sur le fondement de l’environnement (JO 2001, C 37, p. 3) ainsi que des lignes
directrices concernant les aides d’État à la protection de
l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE
l’environnement (JO 2008, C 82, p. 1). Elle a également
(Trib. UE, 20 sept. 2019, FVE Holýšov, aff. T-217/17, pris note du fait que les autorités tchèques s’étaient
EU:T:2019:633) engagées à mettre en place un mécanisme de contrôle
destiné à prévenir un risque de surcompensation. Elle a
L’occasion nous a déjà été donnée, dans le cadre d’une donc finalement décidé de ne pas soulever d’objection à
précédente chronique, de mettre en exergue l’inventivité l’égard de ces mesures, tout en regrettant leur mise œuvre
des autorités étatiques en matière de mesures de soutien en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
à la production d’électricité issue de sources d’énergies
renouvelables (SER). Inventivité qui n’a d’égal que la C’est dans ces conditions que plusieurs entreprises, dont
diversité et la complexité des réglementations mises en l’arrêt sous commentaire ne précise ni leur secteur d’ac-
place à cet égard (v. Concurrences no 4-2017, pp. 137- tivité ni leur position à l’égard de la décision attaquée
138). Ces dernières n’échappent bien évidemment pas à (mais dont il peut être compris qu’il s’agit de produc-
l’examen sous les auspices des dispositions en matière teurs d’électricité SER), ont introduit un recours contre
d’aides d’État. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt sous la décision du 28 novembre 2016, en tant qu’elle qualifie
commentaire en est une nouvelle illustration. Celle-ci le régime initial d’aide d’État.
trouve son origine dans un projet de loi des autori-
tés tchèques visant à promouvoir l’électricité produite Alors que la Commission avait soulevé une fin de non-re-
à partir de SER. En 2003, ce projet fut dénoncé, dans cevoir, en raison d’un défaut d’intérêt à agir des requé-
une plainte, par deux associations actives dans le secteur rantes, le Tribunal préfère ne pas se prononcer sur
des SER. Par une lettre de 2004, la Commission leur a celle-ci, en se fondant sur la jurisprudence Boehringer
répondu que, sur la base des éléments en sa possession, le (CJUE, 26  février  2002, Conseil c/ Boehringer, C23/00  P,
système envisagé ne constituait pas une aide d’État, étant EU:C:2002:118). Il examine donc directement le fond
donné qu’il n’impliquait pas de ressources étatiques. de l’affaire. Parmi les sept moyens soulevés par les requé-
Finalement adoptée en mars 2005, la loi résultant de ce rantes, les griefs qui méritent l’attention dans le cadre de la
projet (ci-après le “régime initial”) prévoyait des mesures présente chronique sont principalement ceux concernant la
de soutien consistant, notamment dans le domaine pho- nature juridique de la réponse à la plainte introduite en 2003
tovoltaïque, (i) pour les producteurs de SER choisissant et ceux – classiques dans les affaires de ce type – relatifs à
de vendre toute leur électricité à un opérateur du réseau, l’existence d’un financement au moyen de ressources d’État.

16 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


La réponse à la plainte ne constitue pas prélèvement SER était imposé par des décrets. D’autre
une décision de ne pas soulever d’objection

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part, le Tribunal valide l’appréciation de la Commission

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selon laquelle l’avantage en cause en l’espèce est bien
Les requérantes faisaient valoir que la lettre de 2004, accordé au moyen de ressources d’État. Il fait applica-
dans laquelle la Commission a conclu que le régime tion à cet égard d’une jurisprudence désormais stabili-
initial ne constituait pas une aide d’État, était une sée, rappelée récemment par la Cour dans son arrêt du
décision définitive contraignante et que, par conséquent, 28 mars 2019, Allemagne c/ Commission (aff. C405/16 P,
cette institution ne pouvait pas adopter la décision du EU:C:2019:268, comm. B. Stromsky, Concurrences,
28 novembre 2016. no 2-2019, pp. 125-127). C’est ainsi que le Tribunal part
du constat que le régime initial était entièrement financé
Afin de déterminer si cette lettre constitue une “décision” par le prélèvement SER, lequel était obligatoirement
au sens de l’article 4 dudit règlement, le Tribunal vérifie facturé aux consommateurs finals par le GRT et les SRD,
si, compte tenu de la substance de cette lettre et de l’inten- qui collectaient ainsi les recettes provenant dudit prélève-
tion de la Commission, cette institution a définitivement ment. Il poursuit en relevant, premièrement, que, dès lors
fixé par celle-ci sa position sur les mesures dénoncées. que le prélèvement SER est facturé aux consommateurs
finals et qu’il est obligatoire, il revêt le caractère d’une
À cet égard, le Tribunal examine, premièrement, le taxe parafiscale qui frappe l’électricité selon un critère
contenu de cette lettre et conclut que celui-ci ne permet objectif qui est la quantité de kilowatts/heure transpor-
pas de conclure qu’il s’agissait d’un acte décisionnel ou tés. Le Tribunal en déduit que les montants provenant
définitif. Il se fonde en particulier à cet égard sur le fait de ce prélèvement ont pour origine une ressource d’État.
que les services de la Commission se réservaient la possi- Il souligne, deuxièmement, que le GRT et les SRD, qui
bilité de revenir sur leur position si de nouveaux éléments sont majoritairement détenus par l’État, sont mandatés
leur étaient apportés. Il n’est cependant pas évident que par les autorités dans le but de facturer le prélèvement
cette circonstance permette de contrebalancer le fait que SER et de recueillir les fonds en résultant. Il indique, troi-
certains passages de la lettre indiquent qu’il est “conclu” sièmement, que le GRT et les SRD ont été désignés par la
que la mesure n’implique pas de ressources d’État, loi afin d’administrer le régime initial sous le contrôle de
comme le relève le Tribunal. Quoi qu’il en soit, ce dernier l’État. Le Tribunal conclut donc que les montants ainsi
poursuit, deuxièmement, en se penchant sur les pouvoirs perçus par le GRT et les SRD ont pour origine une taxe
de la Commission. Or, il relève que les dispositions du parafiscale, restent sous le contrôle des autorités tchèque
règlement (CE) no 659/1999 (JO 1999, L 83, p. 1) – alors et ne peuvent avoir d’autre affectation que celle prévue
en vigueur – n’autorisaient pas la Commission à adopter par la loi. Or, le Tribunal rappelle que des fonds alimentés
de décision à la suite d’une plainte faisant état d’un projet par des contributions obligatoires imposées par la légis-
d’aide qui n’était ni notifié ni mis à exécution. La lettre lation de l’État membre, gérés et répartis conformément
de 2004 ne pouvait donc constituer une décision au sens à cette législation, peuvent être considérés comme des
de ce règlement. Il constate au surplus qu’elle n’a pas été ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1,
adoptée par le collège des Commissaires, comme prévu TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de
par les règles pertinentes, mais par un directeur, ce qui l’autorité publique. Écartant l’ensemble des arguments
participe à démontrer l’absence de caractère décision- des requérantes, le Tribunal rejette logiquement les griefs
nel de cette lettre. Le Tribunal évoque, troisièmement, le des requérantes concernant le financement du régime en
contexte dans lequel la lettre a été adressée et constate, à cause au moyen de ressources d’État. Ce faisant, il reste
cet égard, que, selon les dires de la Commission, l’envoi dans la droite ligne de la jurisprudence dégagée par la
d’une telle lettre s’inscrivait dans le cadre d’une pratique Cour.
courante visant à donner une réponse utile aux plaignants
dans un contexte où elle n’avait pas le pouvoir d’adop- On notera, pour conclure, que, au-delà des moyens
ter une décision. Enfin, le Tribunal prend soin de préciser évoqués précédemment, le Tribunal écarte également
que, même à supposer que la lettre de 2004 constitue une ceux relatifs à la méconnaissance des principes de pro-
décision, elle n’empêchait pas la Commission d’adopter tection de la confiance légitime et de sécurité juridique,
la décision du 28 novembre 2016, et ne la contraignait pas au caractère prétendument excessif des exigences de la
à la révoquer avant d’adopter cette dernière. En conclu- Commission s’agissant de l’appréciation de la compa-
sion, le Tribunal exclut que la lettre de 2004 ne constitue tibilité des mesures en cause, à un vice de procédure, à
pas une décision de ne pas soulever d’objection et rejette la violation de l’article  5, paragraphe  1, TUE et à des
logiquement le moyen y afférent. erreurs manifestes d’appréciation. L’examen de ceux-ci
ne présentant pas un grand intérêt, il n’y a pas lieu de s’y
L’avantage découlant du régime initial était attarder dans le cadre de la présente chronique.
financé au moyen de ressources d’État R. V. n
Les requérantes avançaient par ailleurs que le régime
initial n’était pas financé par des ressources d’État.

Sur ce point, le Tribunal répond en deux temps. D’une


part, il confirme que ce régime est bien imputable à
l’État. Cet aspect ne faisait guère de doute, dès lors
que ledit régime avait été institué par la loi et que le

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 17


Régime d’aide existant – Exonération caractère de service d’intérêt général conféré aux ports par

constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
de l’impôt des sociétés en faveur des le législateur belge”, deuxièmement, d’une “violation liée à

Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art.
L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
l’absence de prise en compte du système de référence [de]
ports – Activités économiques et non
taxation belge”, troisièmement, d’une violation de l’ar-
économiques – Sélectivité : Le Tribunal ticle 93 TFUE et, quatrièmement, d’une “erreur d’appré-
de l’Union européenne confirme l’analyse ciation sur la qualification d’aide d’État en ce que la com-
de la Commission européenne s’agissant pensation est effectuée [au] bénéfice d’un [service d’intérêt
du critère de sélectivité et rejette des économique général]”” (pts 39 et 40 des deux arrêts dans
actions en annulation de trois décisions les affaires T-673/17 et T-674/17).
de la Commission européenne déclarant
incompatible une exonération d’impôt Contexte juridique
sur les sociétés au bénéfice des ports en En droit belge, les impôts sur les revenus sont répartis
Belgique (Trib. UE, 20 sept. 2019, Havenbedrijf entre (i) impôt des personnes physiques, (ii) impôt des
Antwerpen NV et Maatschappij van de Brugse sociétés, (iii) impôt des personnes morales (personnes
Zeehaven NV, aff. T-696/17, EU:T:2019:652 ; Trib. morales belges autres que les sociétés) et (iv) impôt des
UE, 20 sept. 2019, Port autonome du Centre et de non-résidents. Le code des impôts sur les revenus de
1992 (tel qu’amendé –  ”CIR”) prévoit que ne sont pas
l’Ouest e.a., aff. T-673/17, EU:T:2019:643 ; Trib.
assujettis à l’impôt des sociétés, diverses entités telles
UE, 20 sept. 2019, Le Port de Bruxelles et Région de
que les intercommunales, les régies communales auto-
Bruxelles-Capitale, aff. T-674/17, EU:T:2019:651) nomes, les associations ayant comme objet social prin-
cipal l’exploitation d’un hôpital, ainsi que diverses ins-
Comme s’agissant des sociétés de ports en France (v. titutions ou divers organismes nommément désignés
Trib. UE, 30  avril  2019, Chambre de commerce et d’in- comme “la SCRL Port autonome du Centre et de
dustrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest), l’Ouest, la Compagnie des installations maritimes de
aff. T-754/17, EU:T:2019:270 et Trib. UE, 30  avril  2019, Bruges, le Port de Bruxelles, la régie portuaire communale
Union des ports de France –  UPF, aff. T-747/17, autonome d’Ostende, les sociétés anonymes de droit public
EU:T:2019:271, Concurrences no 3-2019, pp. 132-134, Havenbedrijf Antwerpen et Havenbedrijf Gent et les ports
obs. J. Derenne), le Tribunal a rejeté trois recours en annu- autonomes de Liège, Charleroi et Namur”. L’exonération
lation formés par les ports en Belgique à l’encontre de la est donc tout à fait explicite et individualisée. Toutefois,
décision similaire de la Commission du 27 juillet 2017 qui l’article 220 CIR prévoit l’assujettissement de ces ports à
ordonnait à la Belgique de supprimer une aide existante : l’impôt des personnes morales, c’est-à-dire uniquement à
l’exonération de l’impôt des sociétés en faveur des ports raison “du revenu cadastral de leurs biens immobiliers sis
la (décision (UE) 2017/2115 concernant le régime d’aides en Belgique, (…) et des revenus et produits de capitaux et
SA.38393 mis à exécution par la Belgique – Fiscalité des biens mobiliers”.
ports en Belgique, JO 2017, L 332, p. 1).
L’assiette de l’imposition est donc tout à fait différente
Les trois arrêts ont une rédaction presque identique bien pour les sociétés exploitant des activités portuaires et net-
que les affaires n’aient pas été jointes pour la délivrance tement favorable par rapport à l’impôt des sociétés.
des arrêts (d’ailleurs deux des affaires sont en français
et la troisième en néerlandais). Pour la convenance de En juillet  2013, les services de la Commission euro-
l’analyse et des citations, on se référera à l’arrêt dans l’af- péenne ont adressé aux États membres un question-
faire du port d’Anvers, Havenbedrijf Antwerpen qui est la naire sur le fonctionnement et la fiscalité de leurs ports
mieux articulée. afin de clarifier leur situation au regard des règles sur les
aides d’État. Une procédure classique d’application des
À ce sujet, on peut noter que le Tribunal critique assez articles 108, paragraphes 1 et 2, TFUE (examen perma-
sévèrement la rédaction des deux autres recours en nent des “aides existantes”) s’en est suivie (conclusions
déclarant que “la requête n’est formellement articulée préliminaires, observations de l’État membre, proposi-
autour d’aucun moyen, mais consiste à réfuter la position de tion de “mesures utiles” par la Commission, observations
la Commission telle qu’elle ressort de la décision attaquée, de l’État membre, refus de ces mesures utiles par l’État
sous la forme d’une discussion libre, présentée en 18 points membre, ouverture de la procédure formelle d’examen,
ou griefs, au sein desquels les éventuels moyens d’annu- observations de l’État membre et des tiers intéressés et
lation se révèlent difficilement identifiables. Toutefois, il décision finale négative de la Commission).
convient d’observer que les éléments essentiels de fait et de
droit sur lesquels les requérants se fondent ressortent d’une On notera en passant que les requérants dans les
façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte affaires  T-673/17 et T-674/17 avaient tenté de contes-
de la requête même. Cela est confirmé par le fait, d’une ter à la fois une lettre confirmative des conclusions pré-
part, que la Commission a été en mesure de comprendre les liminaires et la lettre portant proposition de mesures
principaux griefs avancés par les requérants dès lors qu’elle utiles, recours qui ont été déclarés irrecevables (ordon-
a été en mesure d’y répondre dans le mémoire en défense. nance du 9  mars  2016, Port autonome du Centre et de
D’ailleurs, dans la réplique, les requérants se sont efforcés l’Ouest e.a., T‑438/15, EU:T:2016:142 et ordonnance du
de regrouper leurs arguments sous quatre titres ou moyens 27 octobre 2016, Port autonome du Centre et de l’Ouest
distincts, tirés, premièrement, de la “méconnaissance du e.a., T‑116/16, EU:T:2016:656).

18 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


La décision de la Commission comprend les éléments suivants : Le Tribunal confirme que la Commission a pu à bon

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droit considérer que ces activités étaient –  au moins

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les activités des ports belges sont –  au moins
–  partiellement  – des activités économiques. Le Tribunal
partiellement  – des activités économiques, les rejette ensuite quatre séries d’arguments soulevés par les
ports devant donc être qualifiés d’entreprises dans parties requérantes ou par le Royaume de Belgique, qui
la mesure où ils exercent de telles activités ; était partie intervenante.
– l’assujettissement de ces ports à l’impôt des personnes
Premièrement, le fait que les ports disposent, pour l’exer-
morales (IPM) plutôt qu’à l’impôt des sociétés (ISOC)
cice d’une partie de leurs activités, de prérogatives de puis-
leur confère un avantage au sens de l’article  107,
sance publique n’empêche pas, à lui seul, de les qualifier
paragraphe 1, TFUE correspondant à la différence
d’entreprises. Seule la nature économique des activités
entre l’ISOC sur leurs activités économiques et la part
importe, même si les ports sont chargés de services d’in-
de l’IPM sur ces activités économiques ;
térêt général. Le Tribunal relève notamment qu’il n’existe
– cette mesure étatique est sélective, constitue un aucun lien entre l’exonération de l’ISOC litigieuse et une
transfert des ressources d’État, renforce la position quelconque mission de service public.
des bénéficiaires dans les échanges internationaux
et est donc susceptible d’affecter les échanges à Deuxièmement, le Tribunal rejette la distinction entre
l’intérieur de l’Union et de fausser la concurrence ; activités de gestion de l’infrastructure portuaire par les
ports et activités commerciales des usagers des ports.
– l’exonération litigieuse est donc qualifiée d’aide L’activité des ports ne se limite pas à faciliter l’offre de
d’État qui est déclarée incompatible avec le marché services par leurs tiers utilisateurs : “le fait que des entre-
intérieur, que ce soit sur la base de l’article 93 ou de prises tierces utilisaient certains terrains et infrastructures
l’article 106, paragraphe 2, TFUE ; portuaires pour offrir des services aux armateurs ou aux
– une demande d’octroi d’une période transitoire navires n’excluait pas que les activités de gestion exercées
pour sa mise en œuvre est également rejetée. par les ports en tant qu’autorités portuaires, consistant
notamment à louer lesdits terrains et infrastructures à
Sur la qualification d’activités économiques ces entreprises tierces, soient également de nature écono-
mique” (pt 63). Les ports évoquaient également l’évolu-
Les ports faisaient valoir que leurs activités ne revêtent tion de la pratique décisionnelle : à ce sujet, le Tribunal
pas un caractère économique et qu’il n’existe pas de juge que “la pratique décisionnelle de la Commission
marché sur lequel ils proposent leurs services. concernant d’autres affaires ne saurait affecter la validité
de la décision qui est attaquée, qui ne peut s’appré-
Caractère économique des activités cier qu’au regard des règles objectives du traité” et qu’à
Le Tribunal rappelle la définition classique de la notion “supposer que la Commission ait pu modifier sa pratique
d’entreprise  : “toute entité exerçant une activité écono- décisionnelle à cet égard, c’était afin de se conformer à
mique, indépendamment du statut juridique de cette entité la jurisprudence de la Cour, en particulier avec les arrêts
et de son mode de financement. À cet égard, constitue une du 24  octobre  2002, Aéroports de Paris/Commission
activité économique toute activité consistant à offrir des (C‑82/01  P, EU:C:2002:617), et du 19  décembre  2012,
biens ou des services sur un marché donné” (pt 46 de l’arrêt, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/
T-696/17). Et, “l’exploitation commerciale et la construc- Commission (C‑288/11  P, EU:C:2012:821)” (pts  68 et
tion d’infrastructures portuaires ou aéroportuaires en vue 69). Le Tribunal confirme qu’”il n’existe pas de différence
d’une telle exploitation commerciale constitu[ai]ent des fondamentale entre l’octroi de l’accès à l’infrastructure
activités économiques” (pt. 47 faisant référence à l’arrêt d’un aéroport en échange de redevances aéroportuaires et
de principe du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris, aff. l’octroi de l’accès à l’infrastructure portuaire en échange de
C‑82/01 P, EU:C:2002:617, pt 78). droits de ports” (pt 71).

La décision énumérait une série d’activités économiques Troisièmement, le Tribunal examine la pratique tarifaire
exercées par les ports : des autorités portuaires et rappelle que la “caractéris-
tique essentielle de la rémunération réside dans le fait que
– service général à leurs usagers (accès aux navires celle-ci constitue la contrepartie économique de la presta-
à l’infrastructure portuaire en échange d’une tion en cause” (pt 75). La qualification des droits de port
rémunération appelée généralement “droit de port”) ; de “rétribution” par la Cour constitutionnelle belge “ce
qui exclurait la prise en compte de toute composante liée
– services particuliers tels que le levage, la manutention,
au profit, n’infirme pas la thèse de la Commission selon
l’amarrage, le transbordement ou le pilotage,
laquelle ces droits constituent la contrepartie économique
également en échange d’une rémunération (en fait,
à la prestation du service en cause” (pt  77). Le Tribunal
il s’est agi seulement d’activités de transbordement
ajoute que “les caractéristiques des tarifs pratiqués par
et de remorquage derrière les écluses) ;
les ports en l’espèce (publicité, non-discrimination, etc.)
– 
mise à disposition, moyennant rémunération, sont similaires à celles des tarifs pratiqués dans le cadre
d’infrastructures ou de terrains aux entreprises de services d’intérêt économique général, qui sont bien, en
qui utilisent ces espaces pour leurs besoins propres principe, des activités économiques et sont soumis au droit
ou pour fournir aux navires certains des services des aides d’État. De même, dans la grande majorité des
particuliers susmentionnés. prestations économiques, les prix sont aussi publics, non

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 19


discriminatoires et fixés à l’avance unilatéralement par le Tribunal (notamment qu’aux fins de qualifier une mesure

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prestataire” (pt  79). Enfin, le Tribunal rappelle que “la fiscale nationale de “sélective”, la Commission doit iden-

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circonstance que l’offre de biens ou de services soit faite tifier, dans un premier temps, le régime fiscal commun
sans but lucratif ne fait pas obstacle à ce que l’entité qui ou “normal” applicable dans l’État membre concerné et
effectue ces opérations sur le marché doive être considérée démontrer, dans un second temps, que la mesure fiscale
comme une entreprise, dès lors que cette offre se trouve en en cause déroge audit régime commun, dans la mesure où
concurrence avec celle d’autres opérateurs qui poursuivent elle introduit des différenciations entre des opérateurs se
un but lucratif” (pt 80). trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime
commun, dans une situation factuelle et juridique com-
Quatrièmement, le Tribunal rejette les arguments consis- parable, l’État membre concerné pouvant tenter de jus-
tant à réduire ces activités économiques à des activités tifier la mesure par la nature et l’économie du système
purement accessoires qui échapperaient, dès lors, à l’ar- fiscal en cause).
ticle 107, paragraphe 1, TFUE. Le Tribunal rappelle que
le fait qu’une “entité dispose, pour l’exercice d’une partie On peut tenter de ne retenir que les points suivants.
de ses activités, de prérogatives de puissance publique n’em-
pêche pas, à [lui seul], de la qualifier d’entreprise au sens du Selon les autorités belges, le fondement de l’exonéra-
droit de l’Union de la concurrence pour le reste de ses acti- tion de l’ISOC pouvait être, soit l’article  180, point  2,
vités économiques” (pt 87). Mais, en tout état de cause, le du CIR (première hypothèse), soit les articles 1er et 2
Tribunal relève qu’en l’espèce, “les activités économiques du CIR (seconde hypothèse). La seconde hypothèse est
des ports ne sont pas rendues obligatoires par leurs activités rejetée par la Commission : l’article 180, point 2, du CIR
non économiques d’intérêt général et que, en leur absence, ne fait pas que tirer les conséquences des règles générales
ces activités non économiques ne seraient pas nécessaire- figurant aux articles 1er et 2 du CIR et constitue bien une
ment privées de leur utilité” (pt 88) et que les activités éco- dérogation au système de référence. En l’absence de cet
nomiques des ports “ne sont pas indissociables de leurs article 180, point 2, du CIR, les ports seraient soumis à
activités non économiques d’intérêt général” (pt  89). Au l’ISOC en application des critères généraux des articles
contraire, les activités économiques des ports sont loin 1er et 2 du CIR. Les règles relatives à l’IPM ne sauraient
d’être secondaires ou accessoires par rapport à leurs acti- constituer le système de référence pour la taxation des
vités non économiques d’intérêt général  : “les droits de ports. L’application normale des règles générales du droit
ports et les redevances de concession représentent la très belge aboutirait à soumettre les ports à l’ISOC en raison
grande majorité du chiffre d’affaires des ports” et “plus de des revenus de leurs activités économiques. À défaut, cela
75 % de leurs revenus étaient engendrés par trois types d’ac- aboutirait à une discrimination entre des “entreprises”
tivités, à savoir les concessions, la navigation et le remor- ayant des activités économiques.
quage” (pt 91).
Le Tribunal examine la première hypothèse puis la
Existence d’un marché seconde, à titre subsidiaire.
L’argument consiste pour les ports à soutenir qu’à “défaut
de l’existence d’un marché sur lequel offrir leurs services, Sur la sélectivité de la mesure en cause dans
les autorités portuaires ne peuvent pas être considérées l’hypothèse où l’article 180, point 2, du CIR
comme des entreprises” (pt 93). Un monopole légal exis- constituerait une dérogation au cadre de référence
terait excluant toute concurrence potentielle en mettant – Sur le grief tiré de l’identification erronée du cadre
en place un prestataire exclusif du service en question. de référence

Le Tribunal rejette cet argument également : “une entité Le Tribunal constate tout d’abord que la position des
disposant d’un monopole légal peut très bien proposer des requérantes selon laquelle la Commission aurait erroné-
biens et des services sur un marché et, partant, être une ment défini le système de référence comme étant l’ISOC
“entreprise” au sens de l’article 107 TFUE. (…) la notion résulte d’”une lecture erronée de la décision attaquée et
d’activité économique est une notion objective, qui découle doit, de ce fait, être rejeté[e]” (pt 142). Selon le Tribunal,
d’éléments de fait, notamment de l’existence d’un marché la décision a considéré que le système de référence était
pour les services concernés et ne dépend pas des choix ou composé, en l’espèce, des règles fiscales générales décou-
des appréciations nationales” (pt 98). lant des articles 1er et 2 du CIR, qui disposent que les
“sociétés” sont soumises à l’ISOC, tandis que les per-
Le Tribunal confirme l’analyse de la Commission selon sonnes morales résidentes autres que les “sociétés” sont
laquelle, “il existe bien une concurrence au niveau de soumises à l’IPM. Le Tribunal juge que l’analyse de
l’Union entre les différents ports maritimes, en particulier la Commission (les ports sont des “sociétés” pour les
sur l’axe Hambourg-Rotterdam-Anvers, pour attirer des besoins de l’impôt sur les revenus à raison de l’essentiel
navires ou d’autres prestataires de services” (pt 99). de leurs activités, qui sont économiques) n’est entachée
d’aucune erreur d’appréciation  : en l’absence de l’ar-
Sur la sélectivité ticle 180, point 2, du CIR, les ports seraient normalement
soumis à l’ISOC.
Le Tribunal résume longuement l’analyse de la sélecti-
vité par Commission dans sa décision. Il n’est malheu- Sur le fondement d’une analyse fiscale très détaillée, à
reusement pas possible de revenir ici sur tous ces détails l’appui de plusieurs questions aux parties, le Tribunal
ni sur le long rappel de la jurisprudence pertinente par le conclut sur ce point que la Commission a, à juste titre,

20 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


décidé “que le cadre de référence aux fins de l’examen de Dans ce cas, le Tribunal considère que “le système belge

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la sélectivité était constitué, en l’espèce, des articles 1er et d’imposition des revenus serait lui-même sélectif, dans la

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2 du CIR, auquel l’article 180, point 2, du CIR constitue mesure où il conduirait à favoriser “certaines entreprises”,
une dérogation, dans la mesure où cette dernière disposi- à savoir les ports, alors même que ceux-ci se trouvent dans
tion exonère inconditionnellement les ports de l’ISoc, alors une situation factuelle et juridique comparable par rapport
même qu’ils se livrent à une exploitation ou à des opéra- aux autres entreprises soumises à l’ISoc en ce qui concerne
tions de caractère lucratif, au sens de l’article  2, point  5, la taxation des bénéfices qu’ils tirent de leurs activités éco-
sous a), du CIR” (pt 163). nomiques” (pt 194).

– Sur le grief tiré de l’absence de comparabilité entre En effet, l’article 180 CIR “identifie nommément certaines
les ports et les entités soumises à l’ISOC entités, notamment les ports, et les exonère ainsi incondi-
tionnellement de l’ISoc, alors même qu’ils se trouvent, en ce
À ce sujet, le Tribunal examine si l’exonération fiscale
qui concerne les bénéfices tirés d’“activités économiques”,
prévue par l’article 180, point 2, du CIR est “de nature
dans une situation comparable à celle des autres entre-
à favoriser certaines entreprises par rapport à d’autres
prises (personnes morales résidentes) soumises à l’ISoc.
qui se trouveraient dans une situation factuelle et juri-
Les ports sont donc identifiés en tant que catégorie privilé-
dique comparable au regard de l’objectif poursuivi par
giée par ces dispositions, en raison de leurs caractéristiques
le régime commun” (pt 171). Il s’agit d’établir le carac-
propres et du secteur d’activité auquel ils appartiennent”
tère a priori sélectif de la mesure en cause, à savoir
(pt 198).
de vérifier si, en dépit de certaines caractéristiques
particulières, “les ports se trouvent dans une situation En conséquence, dans cette hypothèse, la décision est
factuelle et juridique comparable à celle des sociétés également correcte en ce que, si les articles 1er et 2 consti-
soumises à l’ISoc, au regard des objectifs du cadre de tuaient la base juridique de l’exonération, celle-ci serait
référence” (pt 175). Le Tribunal précise que “le critère une mesure a priori sélective en ce qui concernait les
de distinction retenu, pour apprécier la comparabi- activités économiques des ports (pt 199).
lité des situations des ports et des sociétés soumises à
l’ISoc, doit être fondé sur des caractéristiques perti-
nentes et cohérentes par rapport aux objectifs du cadre Sur le grief tiré de la justification par
de référence” (pt 176). la nature ou la logique du système fiscal
Le Tribunal rappelle que la jurisprudence distingue entre
Le Tribunal juge qu’en l’espèce “aucune des caractéris- (i) “les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et
tiques des ports invoquées par les requérantes et par le qui lui sont extérieurs” et, (ii) “les mécanismes inhérents au
Royaume de Belgique – à les supposer établies – n’est per- système fiscal lui-même qui sont nécessaires à la réalisation
tinente et cohérente au regard de l’objectif de l’impôt sur de tels objectifs” (pt 207).
les revenus, qui est, comme l’indique son intitulé, de taxer
les revenus des personnes morales résidentes et, s’agissant Les objectifs inhérents au système fiscal général (éviter
en particulier des “sociétés” qui se livrent à une exploita- une double imposition, prévenir les abus) peuvent jus-
tion ou à des opérations de caractère lucratif, d’imposer les tifier un régime fiscal a priori sélectif, au contraire des
bénéfices qu’ils tirent de ces activités” (pt 177). objectifs externes au système fiscal (préserver la compé-
titivité internationale, sauvegarder l’emploi, favoriser des
À la suite d’une longue discussion sur ces caractéristiques organismes socialement méritants) – (pt 208).
avancées par les autorités belges, le Tribunal conclut que
la décision a correctement qualifié la mesure en cause de En l’espèce, le Tribunal relève que “les notions d’intérêt
prima facie sélective, “dans la mesure où elle constituait général, d’absence de but lucratif, de même que la nature
une dérogation au cadre de référence, constitué des articles publique ou privée des entités concernées sont étrangères à
1er et 2 du CIR, et où elle introduisait une différencia- la nature et à la logique du système fiscal belge de l’impôt
tion entre les ports et les sociétés assujetties à l’ISoc, alors sur les revenus, qui repose, essentiellement, pour ce qui est
même que, au regard de l’objectif de ce cadre de référence, de la distinction entre l’ISoc et l’IPM, sur la définition du
ils se trouvent dans une situation factuelle et juridique com- terme “société”, telle qu’établie à l’article  2, point  5, du
parable” (pt 192). CIR” (pt 209).

Sur la sélectivité de la mesure dans Puisque “le critère déterminant pour l’assujettissement à
l’ISoc ou à l’IPM était le fait de se livrer, par l’entité consi-
l’hypothèse où l’article 180, point 2,
dérée, à une “exploitation” ou à des “opérations de carac-
du CIR ne constitue pas formellement
tère lucratif” (voir article 2 du CIR)”, un traitement fiscal
une dérogation au cadre de référence plus favorable que celui des autres sociétés ne saurait
Cet examen n’est réalisé qu’à titre subsidiaire par le être justifié pour des raisons liées au fait que les ports ne
Tribunal. Il s’agit de la seconde hypothèse retenue par la distribuent pas leur profit, mais le réinvestissent, qu’ils
décision pour établir la sélectivité de la mesure en cause : poursuivent un objectif dépassant leur intérêt indivi-
les articles 1er et 2 du CIR seraient alors la base juridique duel, qu’ils n’ont pas pour objectif statutaire de faire des
de l’exonération de l’ISOC et l’article  180, point  2, du profits, qu’ils font partie des pouvoirs publics ou qu’ils
CIR ne serait pas formellement une dérogation au cadre assurent des missions d’intérêt général (pt 210). En outre,
de référence. en tout état de cause, ces objectifs allégués ne sont pas
poursuivis de manière cohérente  : “d’autres entreprises

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 21


réinvestissent également leur profit, poursuivent des objec- Pour ce faire, la Commission avait constaté que, selon

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tifs dépassant leur intérêt individuel ou génèrent des effets le rapport sur les prix de transfert, la méthode la plus

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L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
sur l’économie dépassant leur intérêt individuel sans être appropriée afin de déterminer le bénéfice imposable était
exonérées de l’ISoc pour ces raisons. À l’inverse, des entités la méthode transactionnelle de la marge nette (ci-après
ne faisant pas partie des pouvoirs publics, comme les asso- “MTMN”).
ciations sans but lucratif, peuvent être soumises à l’IPM à
condition qu’elles respectent le critère général posé à l’ar- L’affaire Starbucks porte sur une mesure relative à
ticle  2 du CIR, de sorte que l’appartenance à la sphère l’application du régime néerlandais de l’impôt sur les
publique n’est pas non plus un critère pertinent au regard sociétés, selon lequel l’impôt doit être acquitté par les
des règles nationales” (pt 212). entreprises établies aux Pays-Bas, qui sont des contri-
buables nationaux, ainsi que par des entreprises non
Le Tribunal conclut de ce qui précède que la décision a, à établies, qui sont des contribuables étrangers, mais qui
juste titre, considéré que l’exonération fiscale en cause des ont une activité économique aux Pays-Bas. La décision
ports leur procurait un avantage sélectif. de la Commission concerne Starbucks Coffee Emea,
établissement principal du groupe dans la région
J. D. n EMEA, dont la fonction principale est de concéder en
sous-licence des droits de propriété intellectuelle pour
lesquels des redevances sont versées à une société établie
Tax ruling – Sélectivité – Avantage – au Royaume-Uni (Alki). La Commission avait en effet
Principe de pleine concurrence : identifié l’APP et établi que ce dernier était conclu sur
Le Tribunal de l’Union européenne la base du rapport sur le prix de transfert préparé par
annule une décision concernant les le conseiller fiscal du groupe. En adoptant cet APP,
Pays-Bas (pour défaut de preuve les autorités des Pays-Bas acceptaient le montant de
de l’avantage) et confirme une autre, redevance qui était déductible du bénéfice imposable de
Starbucks Manufacturing (“SM”) et n’était pas soumis
adressée au Luxembourg, dans deux à l’impôt aux Pays-Bas. La Commission, en identifiant
situations factuelles similaires concernant SM ainsi que le groupe Starbucks en tant qu’entité éco-
des décisions fiscales anticipées (Trib. UE, nomique, a estimé que l’APP conclu entre les Pays-Bas
24 sept. 2019, Pays-Bas c/ Commission et Starbucks et la société, qui permettait à cette dernière de détermi-
et Starbucks Manufacturing Emea, aff. jtes T-760/15 ner son impôt sur le revenu des sociétés aux Pays-Bas
et T-636/16, EU:T:2019:669 ; Trib. UE, 24 sept. sur une base annuelle pendant une période de dix ans,
2019, Luxembourg et Fiat Chrysler Finance Europe, constituait une aide d’État incompatible avec le marché
intérieur.
aff. jtes T-755/15 et T-759/15, EU:T:2019:670)

Dans deux arrêts très attendus, le 24 septembre 2019, le Sur la compétence de la Commission


Tribunal rappelle la compétence de la Commission pour dans l’application des règles des aides d’État
appliquer les règles en matière d’aides d’État aux déci- aux tax rulings et l’application du principe
sions de tax ruling accordées par les États membres aux de pleine concurrence
multinationales, tout en soulignant la portée et la nature Dans les deux affaires, les requérants estimaient que,
juridique du principe de pleine concurrence. Ce faisant, “nonobstant le fait que le respect de l’article  107 TFUE
le Tribunal affirme l’importance d’une analyse rigoureuse constitue effectivement une limite à l’autonomie fiscale
en la matière, en rappelant qu’une erreur méthodolo- des États membres, la Commission aurait outrepassé les
gique ne suffirait pas à prouver l’existence d’un avantage. pouvoirs qui lui sont conférés” par ledit article (pt  132
de l’arrêt SM et pt 100 de l’arrêt FFT), le Luxembourg
Contexte factuel et juridique  estimant même que la Commission procède à une harmo-
nisation fiscale déguisée (pt 111 FFT).
Dans l’affaire Fiat (FFT), la décision fiscale en question
concerne une structure de groupe fournissant des services Selon la Commission, la nature juridique du principe
de trésorerie et un financement à des sociétés du groupe de pleine concurrence fait référence au principe général
établies dans divers États membres et opérant à partir d’égalité de traitement en matière de taxation et “fait
du Luxembourg. La décision se réfère à un accord préa- (…) partie de l’examen au titre de l’article 107 TFUE, des
lable en matière de prix de transfert (ci-après “APP”), qui mesures fiscales accordées aux sociétés d’un groupe, indé-
faisait suite à la lettre du conseiller fiscal de FFT adressée pendamment de la question si l’État membre avait incor-
à l’administration fiscale de Luxembourg. Dans sa poré ce principe dans son système juridique national” (pt
décision, la Commission a établi que la décision fiscale en 139 SM et pt 131 FFT).
cause préconisait une méthode complexe, inappropriée
pour le calcul de bénéfices imposables reflétant les condi- Le Tribunal rappelle tout d’abord la jurisprudence
tions du marché. Elle a conclu que la décision fiscale qui constante selon laquelle, en l’absence de réglementa-
permet au prestataire de services de trésorerie du groupe tion de l’Union en la matière, les États membres sont
de déterminer son impôt à payer sur une base annuelle à compétents pour désigner les bases d’imposition, ainsi
Luxembourg pendant une période de cinq ans constitue que la répartition de la charge fiscale (pt 105 FFT et pt
une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. 140  SM). Cependant, cette compétence exclusive des

22 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


États membres ne signifie pas une dérogation des règles la méthode de détermination des prix de transfert doit

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en matière d’aides d’État, pour autant que les conditions se faire au regard de la transaction intragroupe et de sa

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relatives à cette qualification sont réunies. cohérence par rapport au principe de pleine concurrence.
Or, le Tribunal estime que la décision de la Commission,
Cependant, contrairement aux arguments de la basée sur une motivation de six lignes sur ce point, ne
Commission, le Tribunal ne considère pas le principe de suffit pas à démontrer l’existence d’un avantage au sens
pleine concurrence (principe issu des pratiques fiscales de l’article 107, paragraphe 1 du TFUE (pt 559).
internationalement reconnues, notamment au sein de
l’OCDE) comme “intrinsèque à l’article  107 TFUE”, Dans l’affaire FFT, le Tribunal rappelle, au point  169,
mais le caractérise plus comme un outil permettant l’argument de la Commission selon lequel “une méthode
d’analyser si les prix des transactions intragroupe sont d’imposition appliquée à des prix de transfert qui ne res-
effectués aux conditions de marché, et c’est à bon droit pectent pas le principe de pleine concurrence et aboutit
que la Commission l’a utilisé comme “un critère de à une diminution de l’assiette fiscale de son bénéficiaire
référence” dans l’analyse d’un avantage au sens de l’ar- conférait un avantage”. Contrairement à l’affaire SM,
ticle 107, paragraphe 1, TFUE (pt 143 FFT). Néanmoins, le Tribunal estime dans le cas d’espèce que la décision
le Tribunal confirme la compétence de la Commission de la Commission est suffisamment motivée et aucun
pour analyser la conformité d’une mesure fiscale natio- argument des parties ne saurait invalider la constatation
nale par rapport à ce principe de pleine concurrence. de l’existence de l’aide. S’agissant de l’argument avancé
par FFT, selon lequel la Commission aurait dû prendre
Les deux arrêts expliquent ensuite que si le droit national en compte le critère de proportionnalité afin de consta-
n’opère pas de distinction entre les sociétés intégrées ter un avantage, notamment en application de la décision
(multinationales) et les sociétés autonomes quant à leur Umicore (décision  2011/276/UE du 26  mai  2010), le
assujettissement à l’impôt pour les sociétés, le principe Tribunal estime que la Commission n’est pas tenue par
de pleine concurrence aurait justement pour objectif de sa pratique décisionnelle. Ainsi, la Commission a correc-
déterminer si le bénéfice imposable d’une société appar- tement considéré que le Luxembourg “avait exclu à tort
tenant à un groupe aux fins du calcul de l’impôt sur les une partie des capitaux propres à FFT, à hauteur de ses
sociétés était effectué en conformité avec les conditions participations dans ses filiales, du capital devant être pris
de marché (v. pts 148 à 150 SM et pts 132 à 133 FFT). en considération pour déterminer la rémunération de FFT
pour ses activités de financement intragroupe et de trésore-
Dans les deux cas, le principe de pleine concurrence tel rie” (pt 278).
que décrit ci-après relève de l’exercice des pouvoirs de
la Commission lorsque celle-ci souhaite analyser le prix De plus, le Tribunal rejette comme non fondé l’ar-
des transactions intragroupe. Cependant, il conviendra gument avancé par FTT selon lequel les réductions
encore d’analyser si cet outil est utilisé de manière correcte d’impôt seraient neutralisées par des hausses d’impôt
et rigoureuse lors de la constatation d’un avantage. dans d’autres États membres : “dès lors qu’il a été établi
qu’une entreprise intégrée bénéficie en vertu d’une mesure
Sur l’existence d’un avantage fiscale accordée par un État membre d’une réduction de la
Dans l’affaire SM, le Tribunal rappelle que la Commission charge fiscale qu’il aurait normalement dû supporter en
est tenue de prendre en compte la nature approximative application des règles d’imposition normale, la situation
de la méthode utilisée lorsqu’elle détermine si le prix de fiscale d’une autre entreprise du groupe dans un autre État
transfert d’une société intégrée est conforme au principe membre n’a pas d’incidence sur l’existence d’un avantage”
de pleine concurrence (pt  199). Dans cet ordre d’idées, (pt  318). Ainsi, l’objectif d’éviter la double taxation ne
il est constaté que le seul non-respect de prescriptions saurait pas être pertinent, étant donné que le groupe dans
méthodologiques n’aboutit pas nécessairement à une sa totalité bénéficie d’un avantage fiscal.
diminution de la charge fiscale et ne suffit pas pour qua-
lifier une mesure d’aide d’État. Ce faisant, le Tribunal Sur la sélectivité
précise l’importance de l’obligation de motivation pesant S’agissant de l’affaire SM, le Tribunal n’examine pas la
sur la Commission lorsque cette dernière doit examiner question de la sélectivité, étant donné que les erreurs de
des éléments techniques et complexes du litige. Ainsi, il la Commission relatives à la notion “d’avantage” étaient
faut que la Commission “démontre que les erreurs métho- suffisantes pour annuler la décision. C’est regrettable.
dologiques qu’elle a identifiées dans l’APP ne permettent Cela peut constituer une “économie de procédure” à ce
pas d’aboutir à une approximation fiable d’un résultat de stade, mais en cas de pourvoi de la Commission et d’an-
pleine concurrence et qu’elles ont abouti à une réduction nulation avec renvoi devant le Tribunal, on aura perdu
du bénéfice imposable par rapport à la charge fiscale résul- quelques années. En tout état de cause, c’était un point
tant de l’application des règles d’imposition normales du capital qu’il aurait été utile de clarifier à ce stade alors
droit national à une entreprise placée dans une situation que toutes les parties avaient épuisé leurs arguments à ce
factuelle comparable (…) et exerçant ses activités dans des sujet.
conditions de marché” (pt 201). Le Tribunal constate éga-
lement que la Commission n’évoque aucun élément per- Dans l’affaire FFT, les parties font valoir que la
mettant de conclure que le choix de la méthode MTMN Commission a pris en considération un cadre de réfé-
par rapport à la méthode du prix comparable sur le rence erroné dans le cadre de son analyse de la sélecti-
marché libre (“méthode CUP”) aboutit nécessairement vité en trois étapes, rappelée au point 22 de l’affaire FFT :
à un résultat trop bas (pt  212). Il en résulte alors que (i) choisir d’abord le régime de référence ; (ii) analyser

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 23


si la mesure fiscale déroge à ce régime de référence, en
3. Juridictions nationales

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examinant la situation des opérateurs économiques

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dans une situation juridique et factuelle comparable ;
Juge judiciaire – Aide illégale –
et (iii) si tel est le cas, l’État membre pourrait justifier
la dérogation par la nature ou l’économie générale du Responsabilité : La Cour de cassation
régime de référence. Les parties rappellent ensuite que la estime que le préjudice découlant de
jurisprudence distingue entre les mesures individuelles ad l’absence de bénéfice d’une aide d’État
hoc et les mesures fiscales individuelles d’application d’un illégale n’est pas réparable (Cass. com.,
dispositif fiscal général. Ainsi, les parties soutiennent que 18 sept 2019, EDF c/ Corsica Sole 2, n° 18‑12.601,
la décision anticipative en cause n’est pas une mesure FR:CCASS:2019:CO00720; Cass. com.,
individuelle ad hoc, mais une mesure individuelle qui
18 sept 2019, EDF c/ Corsica Sole 3, n° 18-12.657,
s’inscrit dans le cadre d’un régime général (pt 329).
FR:CCASS:2019:CO00721)
Le Tribunal rappelle tout d’abord que “l’exigence de
sélectivité diverge selon que la mesure en cause est envisa- Par deux arrêts rendus en date du 18 septembre 2019, la
gée comme un régime général d’aides ou comme une aide chambre commerciale de la Cour de cassation applique
individuelle” (pt  333). Le Tribunal relève qu’en l’espèce, le droit des aides d’État et estime que le préjudice consti-
“la mesure en cause ne porte pas, de manière générale, sur tué de la perte de la chance de bénéficier d’un tarif pro-
l’adoption par les autorités fiscales, de décisions anticipa- cédant d’une aide d’État illégale ne peut être réparé. Ces
tives, mais sur une décision anticipative qui concerne spéci- arrêts ont été rendus à l’occasion de deux pourvois initiés
fiquement et précisément FFT” (pt 351) et que celle-ci “doit par chaque partie, à l’encontre d’un arrêt de la cour
être considérée comme constitutive d’une aide individuelle, d’appel de Paris no 15/13283 rendu le 10 novembre 2017,
au sens de l’article 1er, sous e), du règlement  2015/1589” opposant la société Corsica Sole  2 et sa société mère
(pt 355). Le Tribunal remarque que les autorités luxem- Corsica Sole à la société Électricité de France (EDF).
bourgeoises ont une grande marge d’appréciation afin Dans cette affaire, la société Corsica Sole 2 avait adressé
d’évaluer et de fixer la meilleure méthode pour calculer à EDF une demande de raccordement de son installa-
le montant imposable de chaque société soumettant tion de production d’électricité d’origine photovoltaïque
une demande de décision anticipative. Dès lors qu’une au réseau public d’électricité, avec pour objectif de béné-
décision anticipative octroie un avantage à une entreprise ficier des tarifs légaux en vigueur en 2010 permettant
en particulier, celle-ci constitue une aide individuelle à l’achat d’électricité d’origine photovoltaïque à un prix
l’entreprise en cause. Selon le Tribunal, les conditions supérieur à celui du marché de l’électricité. EDF n’ayant
liées à la présomption de sélectivité étaient remplies en pas répondu dans le délai maximal de trois mois, la
l’espèce, indépendamment du cadre de référence, que ce société requérante n’avait pas pu bénéficier du tarif préfé-
soit le système général de l’impôt sur les sociétés ou l’ar- rentiel. Elle a donc assigné la société EDF pour perte de
ticle 164 du code des impôts et une circulaire administra- chance de réaliser les gains escomptés. Dans le cadre d’un
tive. Sur ce point, à part un rappel vague de la jurispru- litige qu’elle estimait purement précontractuel, la cour
dence concernant la présomption de sélectivité dans l’hy- d’appel de Paris avait alors rejeté le moyen invoqué par
pothèse d’une mesure individuelle, on peut regretter l’ab- EDF, selon lequel le préjudice invoqué par Corsica Sole 2
sence d’une motivation plus pertinente et moins superfi- n’était pas réparable, dès lors que l’achat de la production
cielle de ce principe de présomption. Le Tribunal conclut électrique à un prix supérieur à sa valeur de marché avait
en estimant que la Commission n’a pas commis d’erreur le caractère d’une aide d’État illégale. Ce rejet avait pour
dans la qualification de la sélectivité. Il confirme donc la motif le défaut de preuve apporté par EDF. Elle n’avait
décision de la Commission en rejetant le recours FFT. par ailleurs pas fait droit aux prétentions de la société
Corsica Sole 2, tenant à la reconnaissance de l’existence
Les autres moyens évoqués (restriction de concurrence d’un contrat d’achat d’électricité lui permettant de reven-
ou violation des droits de la défense) sont facilement diquer le bénéfice du tarif d’achat préférentiel. Dans
rejetés par le Tribunal comme étant non fondés. le cadre du pourvoi initié par la société Corsica Sole  2
(no 18-12.601), la chambre commerciale de la Cour de
J. D. & C. C. n cassation affirme l’obligation pesant sur les juridictions
nationales de sauvegarder les droits que les particuliers
tirent de l’effet direct de l’article 108 TFUE. Elle affirme
ensuite qu’”un mécanisme de compensation intégrale des
surcoûts imposés à des entreprises en raison d’une obliga-
tion d’achat de l’électricité d’origine photovoltaïque à un
prix supérieur à celui du marché, dont le financement est
supporté par tous les consommateurs finals d’électricité sur
le territoire national” tel que celui en cause, est constitu-
tif d’une aide d’État, favorisant de manière sélective les
producteurs d’électricité ayant cette origine. Elle constate
également que ce mécanisme ne faisait l’objet d’aucune
exemption. Dès lors, cette aide est reconnue comme
illégale, n’ayant fait l’objet d’aucune notification. Par cet
arrêt, la Cour déboute ainsi la société Corsica Sole 2 et

24 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


sa société mère de leurs prétentions, en affirmant qu’elles À NOTER

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“ne sont pas fondées à invoquer un préjudice constitué de
Aides d’État – Récupération :

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la perte de la chance de bénéficier d’un tarif procédant
d’une aide d’État illégale, un tel préjudice n’étant pas répa- La Commission européenne adopte
rable”. Le pourvoi est donc rejeté. Le second arrêt rendu une nouvelle communication relative
sur cette affaire (no 18-12.657) fait suite à un pourvoi de à la récupération des aides d’État
la société EDF, contre la décision de la cour d’appel de illégales et incompatibles (Comm. eur.,
Paris de ne pas reconnaître l’existence d’une aide d’État, Comm. sur la récupération des aides illégales
invoquant le manque de preuves. Reprenant le raisonne-
et incompatibles avec le marché intérieur, JOUE C
ment de l’arrêt précédent, la chambre commerciale de la
Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel, réaffir- 247 du 23 juillet 2019, p. 1)
mant l’obligation pesant sur les juridictions nationales de
“tirer toutes les conséquences de la méconnaissance, par les La Commission a adopté une nouvelle communication
autorités nationales, de cette obligation de notification”. relative à la récupération des aides illégales et incompa-
Par ces deux arrêts, la chambre commerciale de la Cour tibles qui remplace sa communication “récupération”
de cassation s’inscrit ainsi dans la jurisprudence de la de 2007 (JO C 272 du 15  novembre  2007, p.  4). Cette
Cour de justice de l’Union européenne pour reconnaître nouvelle communication n’a pas pour vocation d’an-
la compétence du juge judiciaire en matière d’aides d’État noncer une ligne de conduite, mais plutôt de rappeler
illégales, ce que la cour d’appel de Paris s’était montrée les principes énoncés dans la précédente communica-
frileuse à faire, ne se plaçant que sur le plan contractuel. tion, qui résultent de la jurisprudence de la Cour et du
Elle avait pourtant reconnu quelques mois plus tôt sa Tribunal, et de la mettre à jour en fonction des dévelop-
propre compétence en la matière en appréciant la légalité pements jurisprudentiels survenus au cours de ces douze
d’une aide, dans un arrêt du 16  mai  2019, no  18/06503. dernières années.
On peut également rappeler qu’en 2011, la cour d’appel
de Paris avait rejeté une action en dommages et intérêts Davantage que la précédente communication, elle
visant la réparation du préjudice constitué par la perte du examine les différents motifs invoqués à tort ou à raison
bénéfice d’une aide illégale et déclarée incompatible par par les États membres pour retarder ou éviter une récu-
la Commission européenne (CA Paris, 25 octobre 2011, pération effective. Surtout, elle décrit davantage les
Epta Rack, RG 10/06421 ; Jacques Derenne, Action en modalités pratiques de la récupération et le proces-
dommages et intérêts : La Cour d’appel de Paris rejette sus pratique de coopération entre la Commission et les
une action en dommages et intérêts qui était fondée sur États membres, évoquant tour à tour le traitement des
la perte du bénéfice d’une aide déclarée illégale et incom- demandes de prorogation de délai, la réunion administra-
patible par la Commission (Epta Rack), 16 février 2012, tive de lancement de la récupération, l’identification des
Revue Concurrences N° 1-2012, Art. N° 42252, pp. 178- bénéficiaires et la quantification du montant à récupérer,
179). L’arrêt peut également être rapproché de la solution les modalités d’une exécution provisoire de la récupéra-
retenue par le juge administratif. Ainsi, le Conseil d’État tion, les moyens de récupération possibles autres que le
avait rejeté le recours en responsabilité engagée contre paiement en numéraire ou encore les cas d’insolvabilité.
l’État pour l’octroi d’une aide illégale et la récupéra- En d’autres termes, elle tire parti de l’expérience acquise
tion tardive de celle-ci (CE, 7 juin 2017, Le Muselet dans ce domaine et évoque les cas pathologiques qu’elle a
Valentin, n° 386627, Raphael Vuitton, Récupération : le plus souvent rencontrés.
Le Conseil d’État rejette le pourvoi d’une entreprise
Enfin, elle présente les liens qui existent entre les procé-
mettant en cause la responsabilité de l’État pour l’octroi
dures judiciaires devant les juridictions nationales d’une
d’une aide illégale dont elle a bénéficié et la récupéra-
part, et le processus de coopération entre l’État membre
tion tardive de celle-ci (Le Muselet Valentin), 7 juin
et la Commission d’autre part.
2017, Revue Concurrences N° 4-2017, Art. N° 85019,
pp. 148-149 ; v. aussi CE, 25 octobre 2018, no 408789, Bien que destinée à faciliter en pratique la coopération
FR:CECHR:2018:408789.20181025). Ce faisant, la Cour entre les autorités nationales et la Commission, elle fait
de cassation confirme l’office du juge judiciaire, en cas de état des nombreuses procédures en manquement qui ont
méconnaissance par les autorités nationales de leurs obli- été conduites depuis 2007 en vue d’assurer une récupéra-
gations en matière d’aides d’État.  tion effective des aides illégales et incompatibles.
F. M., S. V. & A. Y. n
Cette communication rappelle utilement les principes
essentiels qui gouvernent la matière et peut se lire comme
un guide pratique pour les États membres.

B. S. n

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 25


Règlement général Juridictions nationales – Étude :

constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
d’exemption – Modification – La Commission européenne publie

Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art.
L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
Consultation : La Commission européenne une étude sur l’application des règles
invite les États membres et les autres et des décisions en matière d’aides
parties intéressées à se prononcer d’État par les juridictions nationales
sur sa proposition visant à exempter (Comm. eur., 30 juill. 2019, Étude sur l’application
de notification les aides octroyées par des règles et des décisions en matière d’aides d’État
des fonds nationaux pour des projets par les juridictions nationales, https://ec.europa.eu/
soutenus dans le cadre de certains competition/publications/reports/kd0219428enn.pdf)
programmes gérés de manière centralisée
par l’Union (Comm. eur., Cons. pub. Targeted Comme ce fut le cas en 2006, puis en 2009, la Commission
review of the General Block Exemption Regulation a publié une étude sur l’application des règles et des déci-
sions en matière d’aides d’État par les juridictions natio-
(State aid): extension to national funds combined
nales. Couvrant l’ensemble des États membres, elle
with certain Union programmes, https://ec.europa.eu/ s’articule en quatre parties. Elle présente tout d’abord
competition/consultations/2019_gber/index_en.html) son contexte juridique, ses objectifs et la méthodolo-
gie retenue. Elle expose ensuite une analyse de l’état de
La Commission a lancé une consultation publique l’application par les juridictions nationales des règles en
–  achevée à l’heure de l’écriture de la présente chro- matière d’aides d’État, tout en présentant les principales
nique – afin de recueillir l’avis du public sur un projet de tendances qui se dégagent. Elle fournit, par ailleurs, des
modification du règlement général d’exemption par caté- indications quant aux meilleures mises en place par les
gorie (JO 2014, L 187, p. 1), visant à exempter de notifi- tribunaux nationaux. Elle se penche enfin sur les outils
cation les aides octroyées par des fonds nationaux pour des de coopération entre la Commission et les juridictions
projets soutenus également dans le cadre de programmes nationales. Une base de données accompagne l’étude
gérés de manière centralisée par l’Union. Plus concrè- (disponible à l’adresse suivante  : https://state-aid-ca-
tement, il s’agit d’étendre l’exemption de notification selex-accept.mybit.nl/search). Celle-ci permet d’obte-
prévue par ce règlement à trois domaines, à savoir (i) les nir des résumés de 145  décisions nationales, produites
financements nationaux contenus dans les produits finan- dans le cadre de l’étude. Ces résumés concernent les déci-
ciers bénéficiant du soutien du Fonds InvestEU, (ii) les sions rendues par les juridictions nationales de 27 États
projets de recherche et de développement et d’innovation membres (aucune n’a été identifiée pour le Luxembourg)
ayant reçu un label d’excellence au titre d’Horizon 2020 qui méritent l’attention au regard de leur importance
ou d’Horizon Europe, ainsi que les projets de cofinance- et qui ont été rendues entre 2007 et 2017. Des décisions
ment et les actions de formation d’équipes dans le cadre importantes rendues en 2018 y figurent également.
d’Horizon 2020 ou d’Horizon Europe, et (iii) les projets
de coopération territoriale européenne. Une telle exemp- R. V. n
tion constituerait une simplification majeure, réalisable
en raison des garanties offertes par la gestion centralisée
des programmes en cause. Le projet de règlement modi-
ficatif est disponible à l’adresse suivante  : http://ec.eu-
ropa.eu/competition/consultations/2019_gber/index_
en.html. L’adoption de ce projet est prévue avant l’entrée
en vigueur du prochain cadre financier pluriannuel, afin
de garantir que toutes les règles soient en place suffisam-
ment à l’avance avant le commencement de la nouvelle
période de financement en 2021.

R. V. n

26 Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État


Commission – Politique de La Commission rappelle également le rôle essen-

constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
concurrence 2018 – Rapport annuel : tiel des règles en matière d’aide d’État pour le finance-

Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art.
L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
ment des projets importants d’intérêt européen commun
La Commission européenne publie
(PIIEC). Elle se réfère à toute une série de décisions de
son rapport annuel sur la politique décembre 2018 dans lesquelles elle a estimé qu’un projet
de concurrence, sous forme de résumé prometteur en faveur de la recherche et de l’innovation
non exhaustif des activités menées dans le domaine de la microélectronique était conforme
au cours de l’année 2018 (Comm. eur., 15 juil. aux règles en matière d’aides d’État et contribuait à la
2019, Rapport sur la politique de concurrence 2018, réalisation d’un intérêt européen commun.
COM(2019) 339 final)
La Commission souligne également le rôle de premier
plan que jouent les règles en matière d’aides d’État dans
Le 15 juillet 2019, la Commission a publié son la promotion des moyens écologiques et économes en
rapport annuel sur la politique de concurrence. énergie pour la production et la consommation de l’élec-
On peut en retenir les quelques points suivants tricité. La Commission se félicite des décisions prises en
s’agissant des aides d’État. la matière et rappelle que ces dernières permettent de
favoriser les objectifs de l’Union en matière d’énergie et
L’enjeu de la modernisation des règles de climat, au coût le plus faible pour les contribuables,
sans fausser indûment la concurrence au sein du marché
La Commission rappelle que l’introduction du nouveau unique.
règlement général d’exemption par catégorie en 2014
puis sa modification en 2017 ont largement contribué à
La baisse du nombre de nouveaux cas
dans le secteur financier
la réduction de la charge administrative reposant sur les
États membres, tout en permettant une mise en œuvre
plus rapide des mesures d’aides. La Commission se La stabilisation générale du secteur financier et la mise
félicite des avancées en matière de transparence permises en œuvre progressive du cadre réglementaire relatif à
par le développement de la plateforme électronique l’union bancaire ont entraîné une diminution du nombre
Transparency Award Module (TAM) et rappelle qu’elle d’interventions effectuées au moyen de fonds publics,
est en train de mener l’évaluation des règles en matière et partant à une réduction du nombre de nouveaux cas
d’aides d’État, destinée à vérifier que les règles ont effec- d’aides d’État dans ce secteur. En outre, la Commission
tivement eu l’effet escompté et lui permettant de juger de a pu cesser de contrôler le respect, par dix banques sup-
la prolongation ou de la mise à jour des règles. plémentaires, d’engagements faisant suite à des décisions
antérieures relatives à des aides d’État, ainsi que clôturer
Les aides d’État au soutien de nouveaux une série d’affaires déjà très anciennes.
défis dans l’économie numérique et
en matière d’énergie et d’environnement La lutte contre les avantages
La Commission note que, pour assurer le déploiement
fiscaux sélectifs
du haut débit dans les zones rurales et isolées, confor- La Commission rappelle son objectif premier de lutte
mément aux objectifs qu’elle a définis dans ses stratégies contre les avantages fiscaux sélectifs en prenant pour
“numériques” et “société du gigabit”, une part impor- exemple sa décision Engie. La Commission se félicite éga-
tante de financements publics est nécessaire, et que son lement des progrès réalisés par les États membres dans les
contrôle en la matière est nécessaire afin de garantir que récupérations des aides illégales octroyées au moyen de
les investissements publics n’évincent pas les investisse- rescrits fiscaux.
ments privés.
J. D. & J. B. n

Concurrences N° 4-2019 I Chroniques I Aides d’État 27


Concurrences

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Eleanor Fox, Douglas H. Ginsburg, Gildas de Muizon, Jorge Padilla,
Laurence Idot, Frédéric Jenny, Arnaud Penelope Papandropoulos, Anne Perrot,
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Institution l Institution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rue l Street . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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