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(1) Cetarticleestledéveloppementdecertainesdesidéesexposéesdansunecommuni-
cation présentéeau « Congrès G. Budé»à Aix-en-Provence,
de ГAssociation le 3 avril
1963, sousle La
titre marche le
vers ď
principátaprès Patereulus
Velleius du
(Actes Congrès,
pp.
214-215).Lescitations Patereulus
du textede Velleius
françaises sontempruntées à la
traductiondeP. Hainsselin etH. Watelet(Paris,Éd. Garnier,
1932).
(2) ItaloLana, Velleio оdella
Patercolo propaganda(Turin,1952).
(3) Ibid.,p. 164.
Mais, à vrai dire, là n'est pas le problème, et, même si nous ad-
mettionsla thèse de Lana sur cette politique, il resteraità savoir
quelle est à cet égard la position de Vellerns. Certes, notre his-
torien fait à diverses reprises l'éloge de l'action des hominesnoni,
mais point d'une façon qui soit contraireà ce que nous savons de la
réalité historiqueet à ce que nous pouvons lire en d'autres ouvrages.
En revanche, son œuvre, dans son ensemble, ne traduit point leurs
positionspolitiques et ne montreà leur égard aucune complaisance.
Ses jugements sur les faits historiques de l'époque républicaine
sont au contraire tout empreintsdes conceptions aristocratiqueset
conservatrices. Il est, d'une façon générale, hostile aux populares:
à P. Sulpicius Rufus (trib. pl. 88) (x), à Valerius Flaccus, auteur
d'une loi sur les dettes (2), à Cinna (3) qu'il accuse de dominatio(4) ;
il considère que le meurtre de Clodius fut fort utile à l'État (5) ;
il regrettele comportementdes équitésà l'égard de P. Rutilius (e) ;
il blâme la conduite de Ti. Gracchus qui a abandonné les boni(7)
et loue trèsvivementson meurtrier,Scipio Nasica (8) ; il reproche
à Caius d'avoir faitpasser les iudiciadu Sénat aux équitéset il appelle
son pouvoir une potentiaregalis(9) ; il déplore le sort des Gracques,
mais en regrettantqu'ils aient dépassé la mesure et qu'ils n'aient
pas voulu se contenterde la brillante carrière que leur assurait
leur haute naissance (10). S'il ne se déclare pas non plus très favo-
rable au meurtrierde Caius, L. Opimius, ce n'est pas en raison de
ce meurtrelui-même,mais parce qu'il s'est montréinutilementcru-
el, qu'il a poursuivi des vengeances personnellesplus que le bien de
l'État et qu'il a cédé lui aussi à la démesure (u). Son jugement sur
Marius me paraît tout à fait caractéristique de cette position : Vel-
ut... belli
(1) II, 11,2 : Effecit paenepattati , quibisIugurtham
a Metello , summa
aciefuderat
committeretursibi.
(2) II, 11,1.
(3) II, 12,6.
(4) II, 13,2 : (Senatus) , si quadeplebis
nonintellegens commodis ab eo agerentur
, ueluti
inescandaeinliciendaeque causa
multitudinis ,
fieri ut,minoribus ,
perceptismaiora permitteret.
(5) II, 35.
(6) Cf.Q. Cic.,Pet.52: Postremo tota
petitiocurautpompae plena utspěn-
sit, utillustris,
dida, utpopularis sit. Cf.aussiJ. Hellegouarc'h, Le vocabulairelatindesrelations et des
partis sousla République
politiques (Paris,1963),pp.534sq.
(7) J. Hellegouarc'h,op,cit.,pp.476et483.
teux qu'il faut penser de même de l'éloge qui est faitde Séjan (II,
127, 3-4) et de Tibère lui-même dont il exalte continuellementet
avec emphase les multiplesvertus.
Par conséquent, les personnages qui sont cités dans l'œuvre de
VellernsPaterculussont appréciés, non en fonctiondes positionspoli-
tiques qu'ils ont prises, de la classe sociale ou même de la nation à
laquelle ils ont appartenu, mais uniquement suivant leur propension
au vice ou à la vertu. C'est par le dosage relatifde l'un et de l'au-
trequ'il explique ou justifiebien des faitsde l'histoire qu'il évoque.
Par exemple, Varus a subi un désastre en raison de son incapacité
et de son manque de uirtus(II, 117, 2 sq.) ; il en est de même de
M. Lollius, qui fut vaincu en Pannonie et se montra uitiosissimus ,
mais futremplacé par Drusus, frèrede Tibère, qui justement se fait
remarquer par ses vertus (II, 97).
Bien entendu, de telsjugements ne sont point totalementexempts
de préférencespolitiques. Notre historienloue les vertus d'Octave
(II, 61 ; 84, 1 ; 85, 5 ; 86, 2), mais Lèpide (II, 80, 1) aussi bien qu'
Antoine (*) manifestentleur totale absence de uirtus. Toutefois, il
faut constaterqu'il témoigne d'une certaine indépendance vis-à-vis
des membresde la familleimpériale et de leurs antécédents. Il fait
un éloge assez vifde Pompée (2) et n'hésite pas à déclarer, en évo-
quant les débuts de la guerre civile, que la cause de César était la
plus forte,mais que celle de Pompée était la meilleure (3). Il s'in-
digne des proscriptionsdes triumvirset surtout de l'exécution de
Cicéron ; s'il excuse quelque peu Octave, en déclarant qu'il futcon-
traint par ses deux associés, il le blâme tout de même d'avoir per-
mis ce crime et déplore qu'aucune voix ne se soit élevée pour la dé-
fensede l'orateur (II, 66, 2) ; il admire Brutus dont il vante la va-
leur militaire(II, 69, 3) et il loue son actionjusqu'au jour où un seul
acte de folie effaça toutes ses vertus (II, 72, 1).
Mais, dira-t-on,en exaltant la uirtusdes personnages de l'histoire
ou en regrettantson absence, Velleius reste dans le cadre des pré-
occupations des hominesnouiypuisque l'essentiel de la revendication
de ces derniersconsiste à demander que la situation politique d'un
*
* *
Cicéron - les temps ont changé ! - mais enfin d'une façon ana-
logue, il n'apparaît guère que la uirtusdont Vellerns fait constam-
ment l'éloge ait cette forme. Si l'industria,ou des concepts voisins,
comme uigilantiaou labor, ne sont pas ignorés de lui, ce sur quoi il
insiste essentiellement,c'est sur l'alliance de la uirtuset de la for-
tuna(1). Or la fortunaest, peut-on dire, le contraire même de Vin-
dustria; à l'activité propre de l'individu, à l'exercice judicieux et
efficacede ses capacités, elle substitue l'intervention d'un élément
supra-humain,qui ne tient pas compte des mérites propres des in-
dividus, de leur uirtus, ou qui, en tout cas, se superpose à elle pour
en compléterl'action ; dans cette conception de Vellerns, les succès
de l'homme politique ne sont pas dus seulementà ses qualités per-
sonnelles ou à l'activité qu'il a su montrer,mais aussi au fait qu'il
est en quelque sortel'élu des dieux,qui ont voulu son succès en fonc-
tion d'une causalité supérieure. Alors que l'ascension de Yhomo
noms,telle qu'elle nous apparaît chez Salluste et Cicéron, n'est que
l'expression de la croissance d'une classe sociale, celle des équités,
ce que Vellerns nous montre, c'est la réussitede quelques person-
nages exceptionnels. Il y a, de façon constante,dans son œuvre, une
exaltation des exploits individuels aux dépens de l'action collective.
Ainsi, dans II, 80, Octave triomphede Lèpide par un acte de bra-
voure purement individuel :
« (Lèpide) eutmêmel'audace d'ordonner à Césarde quitterla Sicile.
Ni les Scipione,ni les autresgénérauxromainsne conçurent ni n'exé-
cutèrent jamais riende plushardique l'acte qu'accomplitalorsCésar:
sansarmes,vêtud'un simplemanteau,n'ayantriend'autrepourle pro-
tégerque son nom,il pénétradans le camp de Lèpide,évitales traits
qui lui furentlancéssurl'ordrede cethommeperfideet,bienqu'il eût
son manteaupercéd'un coup de lance,il osa se saisirde l'aigle d'une
légion. On put voir là combiences deux générauxdifféraient entre
eux. Les soldatsen armessuivirent un chefdésarmé».
Il signale également l'exploit de Messalinus qui, pendant la
guerre d'Illyrie, mit en fuite 20.000 hommes avec une légion in-
complète (II, 112, 2). Il se plaît à fairedans un même chapitre une
revue d'ensemble d'une série de faits semblables, en signalant le
nom des personnagesqui les ont réalisés (2). Son œuvre tend ainsi
à se présentercomme une série de « gros plans », suivant le mot de
toute la finde son ouvrage (x). Il s'étend évidemment sur ses nom-
breusesvertus (2) ; il nous montreson activité,son endurance comme
chef de guerre, sa conscientia , sa prudentia(II, 115, 5) ; il l'oppose à
Agrippa Postumus que ses vices grandissantsont conduit à sa perte
et à la mort (II, 112, 7) ; enfin,après avoir fait un tableau idyllique
de la situation de Rome après son avènement et dressé le bilan de
son œuvre et de seize années d'exercice du pouvoir (8), il le qualifie
à' optimusprinceps(II, 126, 5) et déclare : « A tous il inspira le dé-
sir ou imposa la nécessité de bien faire. La vertu est honorée, le
vice puni... C'est par ses actes que le meilleur des princes enseigne
aux citoyensà bien agir et, s'il est le plus grand par la puissance, il
est plus grand encore par l'exemple de ses vertus» (II, 126, 2-5).
Puis vient l'éloge de la uirtusde Séjan (II, 127, 3-4) que le prince
associe étroitementà ses actions ; à ce propos, Vellerns évoque celle
des hommes nouveaux sous la République (II, 128) ; mais, notons-
le, c'est uniquement parce que Séjan est lui-mêmeun homme nou-
veau, et non pas en vertu d'une position de principe qui le condui-
rait à soutenirl'action des homines noui>que cet éloge apparaît dans
son œuvre. Ce qu'il faut surtout marquer, c'est qu'il y a entre les
éloges conjoints de Séjan et de Tibère une différenceconsidérable.
Vellernsévoque leur uirtusà tous les deux, mais à Tibère seul il attri-
bue la fortuna(4) ; ceci serait bien curieux s'il s'agissait d'atténuer
en quelque sorte ce qu'une référenceà la fortuneaurait de répré-
hensible. En fait,ce que nous montre l'ouvrage de Vellerns Pater-
culus, c'est que, au cours d'une évolution traversée de beaucoup
de vicissitudes,l'action de certainspersonnages,dont la valeur excep-
tionnelle est soutenue par une fortunade caractère quasi divin, a
triomphé définitivementdes vices qui avaient envahi la vie des
Romains et promu l'institutiond'un régime qui assure le triomphe
définitifde la vertu. Loin de récuser l'action de la fortuna , le prin-
cipát semble bien au contraire s'être complu à la mettre en avant,
si bien que l'on a pu dire avec raison que l'un des soucis des milieux
hostiles aux empereursfut de réhabiliterle rôle de la uirtus à côté
de celui de la fortuna(*).
*
* *
*
* *
(1) Voicilà aussiquelquesexemples : II, 64,2 : (D. Brutus) censebat aequum , quaeaccepe-
rata Coesore
, retiñere , quiilladederat
, Caesarem ; II, 73,3 : Cum(Sext,
, perire Pompeium) non
armis
uindicatum
depuderet ас duetu sui
patris mare sceleribus
piraticis
infestare ; II, 124,2 (à pro-
posdela récusât lorsdesonaccession
iode Tibère, au principát) : Solique huic paene
contigit
recusare
diutius , quam
principátům , utoccuparent
eum, aliiarmis pugnauerant; II, 129,3 : Bellum...
mira ocuirtute
celeritate utante
compressiti populus Romanus se
uicisse quam bellarecognosceret.
(2) Op.cit.,p. 214.
(3) H. Bardon,Lesempereurs etleslettreslatines
, d'Auguste à Hadrien(Paris,1940),
p. 173.
tenu par la toute puissance des dieux qui sont les véritables auteurs
de son élévation.
Nous avons affaire,en fait,à un type d'ouvrage dont cette époque
nous offremaints exemples, où l'auteur développe des thèmes con-
ventionnels,souvent empruntés aux historiensantérieurs,particu-
lièrementà Salluste, mais en les enjolivant et les amplifiant,et en
se comportantavec une flagornerieà l'égard du pouvoir établi, qui
vise moins à exalter la politique de l'Empereur - le but serait,tout
au moins à notre sentimentde modernes, fortmal atteint- qu'à
en obtenir de substantiellesfaveurs. Vellerns n'est pas un historien,
certes,mais ce n'est pas non plus un propagandiste au sens que nous
donnons ordinairementà ce terme; c'est un écrivain de cour, com-
me en ont connu tous les régimesde pouvoir absolu (1). Est-ce à dire
que pour autant son œuvre est sans intérêt? Non, certes; mais
il faut y voir moins une histoire qu'un témoignage sur un certain
moment de l'évolution des idées et des conceptions politiques des
Romains (2).
J. Hellegouarc'h.