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Archives de sciences sociales des religions

118 | avril - juin 2002


Varia

Jean-Claude Schmitt, Le Corps, les rites, les rêves, le


temps. Essais d’anthropologie médiévale
Paris, Gallimard, 2001, 439 p. (illustr.) (coll. « Bibliothèque des
Histoires »)

Jean-Pierre Albert

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/assr/1673
ISSN : 1777-5825

Éditeur
Éditions de l’EHESS

Édition imprimée
Date de publication : 1 avril 2002
Pagination : 87-151
ISBN : 2-222-96718-X
ISSN : 0335-5985

Référence électronique
Jean-Pierre Albert, « Jean-Claude Schmitt, Le Corps, les rites, les rêves, le temps. Essais d’anthropologie
médiévale », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 118 | avril - juin 2002, document
118.29, mis en ligne le 15 novembre 2005, consulté le 30 avril 2019. URL : http://
journals.openedition.org/assr/1673

© Archives de sciences sociales des religions


ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

Cependant, comme le montre la troisième 2001, 439 p. (illustr.) (coll. « Bibliothèque des
partie du livre consacrée au « mythe brisé », les Histoires »).
premières fissures sur la façade unitaire du
monde catholique apparaissent dans les années J.-C.S.réunit dans cet ouvrage dix-sept tex-
1960 et deviennent parfaitement visibles dans tes écrits entre le milieu des années 1970 et
les années 1970 : la crise de l’Action catholique l’année 2000, certains restés jusqu’ici inédits
et la scission de l’Association des travailleurs en français. Une longue préface permet de
chrétiens révèlent les divergences de points de mesurer tout l’intérêt de cette rétrospective.
vue parmi les responsables catholiques ; le syn- L’auteur y rappelle en effet le contexte intellec-
dicat et les militants catholiques prennent leurs tuel qui fut celui de son entrée dans les études
distances avec la démocratie chrétienne ; d’histoire médiévale : l’un des premiers auteurs
celle-ci manifeste à son tour son autonomie par invoqués est bien entendu Jacques Le Goff, le
rapport à l’Église ; une Église au sein de premier ouvrage cité Faire de l’histoire (J. Le
laquelle se font entendre des protestations Goff & P. Nora, Gallimard, 1974), avec ses
contre la ligne politique officielle, etc. Ainsi, le trois volumes consacrés à de « nouveaux pro-
monde catholique devient progressivement plu- blèmes », de « nouvelles approches », de « nou-
riel, sapant les bases mêmes du mythe sur lequel veaux objets ». Cette ouverture de l’histoire la
reposait la légitimité du système politique. conduisit au même moment à rencontrer
l’anthropologie (avec en particulier les élargis-
Cette érosion trouve son explication socio- sements du programme lévi-straussien à l’étude
logique dans la dernière partie du livre, où l’A. des sociétés de l’Antiquité) et aussi la linguis-
reprend un grand nombre d’indicateurs de la tique et les travaux sur la littérature orale inspi-
modernité religieuse : la subjectivisation des rés de Vladimir Propp.
croyances et la perte de l’emprise institution-
nelle sur le croyant, la crise de la civilisation La préface du livre est émaillée des référen-
paroissiale comme le lieu concret de la sociali- ces aux ouvrages marquants de ces années, aux
sation religieuse, l’abandon massif des associa- débats aussi, parfois tranchants, qui s’y multi-
tions catholiques, etc. Après la chute du mur, le plièrent : par exemple celui autour de la notion
mythe de l’unité des catholiques, longtemps de « religion populaire » et, au-delà, de la
creusé de l’intérieur par les changements socié- notion même de « religion », mise à mal par le
taux, s’est écroulé finalement comme un jeu de comparatisme anthropologique (voir dans la
cartes, en faisant apparaître la pluralité de fait. première partie du livre l’article « Une histoire
religieuse du Moyen Âge est-elle possible ? »,
Au-delà de l’éclairage apporté à l’histoire posant la question des limites de ce qui, dans la
politique de l’Italie d’après-guerre, l’intérêt culture du temps, relève du « religieux »). Il
théorique de cet ouvrage est de montrer com- serait trop long de rappeler ici la part que prit
ment l’institution religieuse arrive à s’inscrire J.-C.S., par ses livres, ses articles et son ensei-
dans les mythes collectifs que l’on trouve à la gnement, au renouvellement de l’histoire
base d’une société démocratique et à y puiser sa médiévale. On retiendra surtout la cohérence
propre légitimité. L’actualité de ce thème ne d’un parcours, que balisent bien les quatre mots
s’épuise guère avec le communisme ; au con- juxtaposés dans le titre de l’ouvrage. Au centre
traire, comme le souligne l’A. dans la conclu- de cette œuvre, en effet, il y a le projet de resti-
sion, la crise de la nation ouvre une période de tuer l’expérience vécue des hommes du Moyen
réécriture des mythes collectifs à travers Âge et les catégories culturelles qui lui don-
l’Europe. Par exemple la fabrication du naient forme. Une expérience qui s’enracine
« mythe européen » en tant que nouvelle source dans les corps – et l’on connaît le beau livre
de la légitimité, dont se servent d’ores et déjà que l’A. a consacré à La raison des gestes
les institutions religieuses et notamment (Gallimard, 1990), auquel le mot « rite » fait ici
l’Église catholique, mérite une réflexion appro- écho. Un corps, donc, travaillé par la culture,
fondie. L’ouvrage d’E.P. offre à cet égard une qu’il faut remettre dans l’histoire. Et ce qui est
source d’inspiration importante. La question de vrai du corps l’est aussi du psychisme : d’où
fond est de savoir quel sera le rôle du mythe l’intérêt du vaste dossier sur le rêve, les théo-
dans le maintien du lien social dans la société ries qui en furent données, ses motifs, ses usa-
postnationale. ges sociaux, ses rencontres avec la question du
Wojtek Kalinowski. surnaturel. Un dossier que croisait déjà
l’ouvrage Les revenants. Les vivants et les
morts dans la société médiévale (Gallimard,
1994) (cf. Arch. 88.69), la vision des morts
118.29 SCHMITT (Jean-Claude). ayant partie liée de manière complexe avec le
Le Corps, les rites, les rêves, le temps. Essais registre du rêve. L’expérience humaine, enfin,
d’anthropologie médiévale. Paris, Gallimard, est inséparable du temps : et il s’agit ici encore

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

de saisir la manière dont les hommes du Moyen d’individu, de personne, de personnalité et les
Âge se sont situés par rapport à lui, ont conçu le registres dans lesquels elles interviennent. Ou
passé et imaginé l’avenir. Autant de thèmes qui encore les deux études « Corps malade, corps
correspondent bien à la perspective anthropolo- possédé » et « Le corps en chrétienté » qui, sur
gique dont se réclame l’A. : une anthropologie des sujets également complexes et controver-
qui déploie dans le temps le sens de la diffé- sés, offrent des repères précieux : la question de
rence et la reconnaissance de logiques autres, l’autonomie de la médecine par rapport au reli-
parfois surprenantes, que l’ethnologie, quant à gieux, ici abordée pour le Moyen Âge,
elle, rencontre dans l’espace. n’est-elle pas de nouveau d’actualité dans nos
sociétés ? À noter enfin, dans la première
Cela ne veut pas dire, pour autant, que partie, deux textes autour de la question de la
J.-C.S. use de la notion de culture pour donner croyance (« La croyance au Moyen Âge » et
une image homogène des sociétés médiévales. « Du bon usage du credo ») où le souci de par-
Bien au contraire (et c’est là sans doute qu’il tir des définitions et des usages « indigènes »
reste fidèle à sa formation d’historien), il est de la notion de croyance renouvelle utilement
très sensible à la diversité souvent antagonique les études trop souvent abstraites et répétitives
des groupes sociaux, aux voix discordantes qui consacrées à cette notion.
parviennent à percer jusqu’à nous en dépit de
tous les filtres imposés par les sources. D’où Ainsi, tant par les problèmes théoriques
qu’il aborde que par ses suggestions épistémo-
son intérêt pour la dialectique entre « traditions
logiques, ce livre excède de beaucoup le champ
folkloriques et culture savante » – titre de la
de la seule histoire médiévale. Issu d’un dia-
deuxième partie du livre. Il ne faut pas se
logue fécond entre histoire et anthropologie, il
méprendre, en effet, sur l’usage du mot « fol- ne pourra qu’intéresser tous les chercheurs en
klorique » : comme chez Jacques Le Goff, il a sciences sociales des religions, quel que soit
ici une référence sociologique précise. La cul- leur champ d’étude particulier.
ture folklorique est celle d’une population qui
résiste, ou du moins reste extérieure, aux sché- Jean-Pierre Albert.
mas de pensée et de comportements que
l’Église prétend lui imposer. La recherche de
cette forme de culture sert d’hypothèse à plu-
sieurs enquêtes très subtiles, plusieurs fondées 118.30 SÉGUY (Jean).
sur des exempla – une source dont, en ces Conflit et utopie, ou réformer l’Église. Par-
années, on mesurait la richesse et l’aptitude à cours wébérien en douze essais. Paris, Cerf,
enregistrer l’écho d’une culture du plus grand 1999, 455 p.
nombre autrement insaisissable. Par rapport à
Grâce à ce recueil se trouvent enfin disponi-
cette démarche, les exempla ont un double inté-
bles pour un public plus large une partie impor-
rêt : d’une part ils apportent des informations
tante des travaux de J.S., jusqu’ici dispersés
ailleurs à peu près introuvables (comme, par
dans des publications diverses, souvent introu-
exemple, les textes ici étudiés faisant état de vables – mais qui n’ont pas moins exercé une
danses de chevaux-jupons dans une église) ; influence significative sur la sociologie des
d’autre part, ils permettent d’évaluer de façon religions en France au cours des dernières
différentielle, par comparaison avec d’autres décennies. On peut néanmoins regretter
sources, les degrés de réélaboration, selon les l’absence de ses essais sur Weber (sauf un)…
canons de la culture cléricale, des données L’ensemble est précédé d’une substantielle
« folkloriques » qui les ont inspirés (voir en introduction, qui présente les lignes de force de
particulier l’étude « La parole apprivoisée », sa problématique.
sur les différents récits d’un étrange exorcisme
attribué à saint Dominique). Comme le suggèrent déjà le titre et le
sous-titre, J.S. se réclame de la sociologie
De façon générale, la lecture de ce livre wébérienne des phénomènes religieux chré-
frappe à la fois par l’ampleur de l’érudition et tiens. Comme il l’explique dans l’introduction,
des synthèses historiographiques qu’il propose. ce qui lui semble essentiel dans la démarche du
Plusieurs articles offrent ainsi un état de la sociologue de Heidelberg, c’est – outre le refus
question en des domaines cruciaux, du fait de de la monocausalité et de l’évolutionisme – la
leurs enjeux théoriques. Je citerai, entre autres, compréhension que l’histoire a trop d’épaisseur
le texte intitulé : « La ‘découverte de l’indi- pour qu’un chercheur puisse l’appréhender
vidu’ : une fiction historiographique ? », qui autrement que d’un point de vue, répondant à
apporte beaucoup de clarté dans un débat tou- un intérêt donné : il n’y a de science sociale que
jours repris grâce, en particulier, à quelques perspectiviste. Dans le cadre de cette concep-
éclaircissements conceptuels sur les notions tion « modeste » de la science, qui refuse tout

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