Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
DE LA
MANIFESTATION
MICHEL HENRY
DEUXIÈME ÉDI'T'ION
EN UN VOLUME
^IÎ D0215055
!^Î
Note de l'Edi'teur
Cette deuxième édition regroupant en un seul
volume les z tomes de la première édition, la
table des matières du premier tome a été conservée
en place pages 473 à 475
ISBN 2 13 053599 2
ISSN 0768-0708
(I) SZ, 24. --- Za liste des abréviations utilisées dans les notes se trouve a
début du tome I , supra
, p. vu et vui. u
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
L'LTHE DE L'EGO
valeur, comme lorsque nous disons : « cela est » ? Qu'est -ce donc que
ce « est », en dehors de cette- chose-ci, de cette personne-là ? L'essence
de la présence ne signifie-t-elle pas plutôt la dissolution de toute
présence effective
C'est l'essence p ourtant qui s'annonce à nous dans une telle
dissolution . « Dans », cela sig é que cette dissolution est l'aspect
que l'essence nous offre d'elle^même . La disparition de tout existant
effectif {et la tonalité affective qui accompagne cette disparition}
constitue le donné phénoménologique sur lequel doit prendre appui
toute pensée qui veut réaliser l'essence en elle. .A une telle pensée
l'essence se propose assurément comme ce qui n'est. pas l'étant,
comme ce qui, â vrai dire, n'est rien de tout ce qui existe. Mais
l'essence n'est pas la simple négation de l'existant , elle n'est pas une
pure privation. Ou plutôt, c'est justement parce qu' elle est cette
privation , qu'elle est l'essence même. Être indigent et être, pour
l'être , c'est tout un. L'être. West être que sur le fondement du Néant
en lui. Le néant n'est pas rien, il est l'opération effective par laquelle
l'être se réalise. C'est un néant réel qui, dans son néantir même,
réalise l'essence de l'être, en même temps qu'il est l'origine de
l'exp ulsion hors de l'être par laquelle l'étant est promu au ' rang
d'existant. L'être se présente d'abord à la réflexion du philosophe
comme un néant relatif f, en tant qu'il est saisi dans sa relation à l'étant
comme ce qui n'est pas l'étant ; ce « n'être pas » qui n'est encore que
relatif, ou, si l'on préfère, cette transgression de l'étant par quoi se
caractérise tout d'abord l'être , n'est en réalité possible que 'sur le
fondement d'un néant réel, qui constitue l'essence même de l'être. Le
thème de l'ontologie phénoménologique
. universelle n'est donc rien
qui puisse être assimilé par. nous â une essence purement formelle,
ou même complètement vide. Il n 'est pas un terme abstrait, la fiction
d'une métaphysique creuse, le concept dont l'extension ne s'égale à
tout ce qui existe que si sa compréhension s'appauvrit graduellement
jusqu'à un point qui ne correspondrait plus qu'à un néant de
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
j LE DÉPASSEMENT DE L'INTUITIONNISME ET
LA LIBÉRATION
DE L'HORIZON PHÉNOMÉNOLOGI UL UNIVERSEL
L'ontologie .
phénoménologique universelle suppose, comme
première condition d'une de conscience
prise de sa tache et de sa
p oss ibilité propres, un dép as s ement ra dical de
l 'intuitionnisme. C 'est
seulement dams -uni tel dép assement qu'elle eu t s'élever
p . au problème.
du sens de l'être en général. « En général » ne designe plus ici un
simple recensement ni même une élucidation s` '
ystematique et coor^
. donnée des différentes régions et des différents : sens que l'être revêt
chaque fois a l'intérieur de ces régions. La recherche. se situe, en
réalité, sur. un autre
planue
q celui
de la pluralité des. ontologies
régionales . Elle ne vise pas à épuiser les différentes
structures que les
_essences ultimes .
prescrivent chaque fois à l'être a l'intérieur des
domaines qu'eues gouvernent
g généralité . La ^ .
que vise l 'ontologie
L'ÊTRE DE L'EGO
(I) Le fait que la singularité intuitionée soit d' ordre éidétique ne change
évidemment rien à la situation décrite . Une telle singularité n'en a pas moins son
horizon déterminé . Ainsi, les essences mathéma tiques, par exemple, sont entourées
par un horizon mathématique qui n ' a rien de commun avec celui où baignent les
objets empiriques.
L'ESSENCE DE LA MANIFÈSTATION
qui ne veut pas manquer l'essence , un fil conducteur plus sur que
l'examen systématique des différents t yp es de Conscience qui par-
viennent chaque fois dans l'évidence à un contenu strictement déter-
miné. A la conscience non intuit ive, pour laquelle aucun donne
rigoureusement circonscrit n'a de
cote émergé enl'indétermination
'
et de l'obscurité de l'horizon ou il baigne, l'aperception de cet
horizon n'est pas mas q uée. La richesse intuitive dune présence
singulière ne peut
eut as pasencore détourne r ^l'attention
attention d'une réflexion
sur l'horizon qui rend possible toute présen ce comme telle. La tache
demeure assurément de saisir celui-ci non point a titre de simple
horizon psycholo giq ue, toujours confondu ave c les contenus qui
le rem-
plissent oii avec le s objets marginaux de la conscience (les
c a ractères que la
psychologie attribue â un tel horizon - obscurité , indetermina®
tion, etc. --^ ne sont encore, précisément, que les e
^ q caractère s psycho-
logiques de ces Contenus ), mais comme la '
^^ condition transcendantale
d'un objet en générai, comme la forme pu re de l'objecti
vité qui
préfigure et précède, en le rendant possible, tout
oblat c®nlrne tel.
qui permet à tout être de se manifester, de devenir « phéno-
mène », c'est le milieu de visibilité où il eut sur
p g ir à titre de présence
effective. Le déploiement d'un tel milieu, en tant q u'ho
rs^on tran,rcen-
dantal de tout être en général, est l'oeuvre de l'être
. lui-mense. La prise en
considération de cet horizon transcendantal
ou, comme nous pou-
vons le dire, de l'hori on uni
phénoménologique ver,rel, n ' est pas. différente
de la pensée de l'être. La tâche de comprendre un tel horizon., est
celle de l'ontologie phénoménologique universelle qui domine, a
titre de condition, toute ontologie particulière et toute science
ontique . Toute vérité qui concerne
un étant déterminé est . en effet
relative à l'état manifeste de celui-ci à sa présence.
Toute vérité
prédicative susceptible d'être formulée suppose tout d 'abord . la
manifestation de étant qu'elle vise c'est-à-dire ' d'ordre
une venté
ontique, or, une telle manifestation n'est ij amais
^xnplele s' corrélat
d'une représentation ° ou d'une intuition elle
se produit toujours, en
L'1 TRE DE L'EGO
ce qui doit jouer à leur égard le rôle d ' une condition de possibilité,
c'est- à-dire en renon çant finalement au problème philosophique du
fondement ; ou bien, tout en restant soumise à la préoccupation
ontologique qui vise un tel fondement susceptible d'ouvrir l'horizon
à l'intérieur du quel des existants p euvent se manifester pour nous,
à titre de phénomènes, soustraire du moins un existant indûment
ié à cette condition préalable et ultime . Mais, dans ce dernier
p rivilég
cas la contradiction ne fait que se déplacer; car, ou bien un tel
existant dé p ouillera effectivement sa condition d'existant , ou bien il
sera incap able de tenir en fait le rôle qu ' on prétend lui faire jouer. Ce
ui cache, au moins un instant, une telle contradiction , c'est qu'on .
q
maintient en même tem p s les deux termes incompatibles de l 'alter
native
native, l'existant envisagé dans son existence effective et singulière,
et 9 d'autre part le fondement lui-même, qui ne peut être correcte-
ment pensé que dans sa trans g ression à l'égard de tout existant. On
s'efforce alors d'atténuer cette contradiction en dépouillant l'existant
de sa nature d'existant. On s'avance aussi loin qu'on le peut sur cette
voie .. après 1a s ubjectivité brumeuse et `t im p ersonnelle» de l'idéalisme,
o n • affirme l'identité
.^ de la su bjectivité et dis néant . A ffirmation absurde
car si l'être est le néant, c'est justement parce qu'en étendant sur elle
son règne, il repousse hors de lui toute détermination , et la subjec-
tivité en articulier. Celle-ci est penséep , qu'il s'agisse de l'idéalisme
-
d u Xix' ou de celui du xxe siècle, sous le titre de « champ trans-
cendantal ». On eut déclarer celui-ci « impersonnel ». Maïs au
moment où on l'enferme dans les limites d ' une existence singulière,
on s'engag e dans une anal yse qui n' en est plus une.
. LE PROBLÈME DE L'INSERTION DE L'EGO COGITO
A L'INTÉRIEUR DE L'HORIZON PHNOMÉNOLOGIQUE UNIVERSEL
L' K ÊTRE » DE L'EGO ABSOLU
tous les sers d'être qui leur sont immanents . Ce dont nous sommes
maintenant en présence, c'est, par conséquent, l'ego absolu le
naturant originaire qui n ' appartient pas à une région déterminée de
l'être et qui ne saurait être correctement pensé par nous sous le
titre de « région conscience » p uis qu'il est, au contraire, ce qui
confère à l'ensemble des régions le sens que l'être revêt chaque
fois en elles.
Le problème de l'être de l'ego absolu est=il résolu p ar les considéras
tions qui précedent ? Celles-ci ne nous mettent-elles pas plutôt en
présence d'une situation trop facilement acceptée par la philosophie
classique et qui peut être caractérisée par l'absence de toute problé^
matique dirigée sur ce qui fait la subjectivité du sujet, par l'oubli
du problème de l'être de celle-ci. Une fois qu'on a montré, en effet,
comment les différentes régions de l'être renvoient nécessairement à
un pouvoir fondamental de constitution qui est l'origine ou les objets
qu'elles régissent puisent leur être et leur sens, on n'a pas résolu pour
autant le problème de cette origine. Celui-ci se pose seulement avec
plus d'urgence. L'explicitation phénoménologiqu.e de l'ego trans
cendantal, la description systématique des configurations et des
enchaînements de conscience considérés comme des types aprioriques,
comme des structures d'ordre éidétique auxquelles se soumettent
chaque fois les vécus, ne concernent-elles pas cependant un tel
problème, ne constituent-elles pas, de toute évidence, une élucidation
thématique du fondement ? Comment, toutefois, une telle élucidation
est-elle possible ? Comment l'origine "peut-elle être portée a la condition de
« phénomene », de tanière a devenir l' « objet» de l'enquête phénoménolog:q.ve?
N'est-ce pas seulement dans la lumière de la transcendance, à la
condition d'accep ter la juridiction de l'horizon transcendantal de
l'être dans et par lequel toute chose, et une telle « origine » en parti -
culier, peuvent devenir « visibles » ? Le p roblème de l'être de la
subjectivité nous renvoie, inévitablement, au problème du sens de
l'être en général.
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
de cette vie tout entière» ( t), afin de me la rendre présente , elle et les
multiples itationes
cog quil la composent, dans l'intuition et, finalement,
dans l'évidence. L'expérience transcendantale, c'est-à-dire l'expérience
de la vie transcendantale, est sans doute ce qui permet d'accéder à
celle-ci et à ses composantes comme à des « phénomènes ». La phénoo
ménolo ie transcendantale n'est précisément possible que lorsque la
réduction a accompli son oeuvre en nous montrant la possibilité de
réaliser9 chacun pour notre propre compte, l'expérience transcena
dantale a c'est-àmdire l'exp érience de la vie absolue et de l'ensemble o
des corrélats qui lui sont immanents à titre de coitata. Mais il est
. clair aussi qu'une telle expérience implique l'ouverture préalable
d'un champ de présence à l'intérieur duquel cette vie et ses contenus
,
puissent précise ment surgir devant nous a titre de « phénomènes ».
L'expérience interne « transcendantale » et phénoménologique à
..
laquelle conduit l'&ro reste ainsi subordonnée aux conditions de
l'évidence et de la réalisation intuitive, c'est®a^dire, en fait, à 1 hor. on
transcendantal de l'être en genéral. Exposant la tâche de l'explicitation
phénoménologique de l'ego transcendantal, usseri écrit : « I faudra
s'en tenir strictement aux données pures de la réflexion transcendan-
tale, les prendre exactement comme elles se donnent dans l'intuition
de l évide nce directe et écarter d'elles toutes les interprétations
dépassant ce donné (z ). »
Le dépassement de l'intuitionnisme vers une philosophie trans^
cendantale de la conscience constituante et donatrice n'est qu'appa
cent. La difh culte fondamentale à laquelle il se heurte n'est pas- d'ordre
mé thoolo g iquea Il ne suffit p as, pourq u'elle soit s ur mon
. tée , d'inviter
la recherche a s'exercer tout d'abord d'elle- même, d'une man ere
irréfléchie, nt de prendre conscience de ses présupposés et de sa
...avant
démarche propre. La rétro -référence à soi-même de la phénoménologie ne
s à l'attitude sc en t fi q ue a do tée ar
p d eq Me.w^a '4a/r
4 •
' Ji ° O
"4s8i 4; r
p p le pen^n^enola,ue, en
i i
l'étant qui est choisi comme celui à partir duquel le sens de l'être
doit être élucidé n'est pas indifférent . L'étant qui pose la question
de l'être est manifestement un étant privilégié, celui qui fonctionnera
comme le Befragtes de la question de l'être, comme l'étant auquel
on pose cette question . L'être } de : la réalité humaine doit d'abord faire
le thème de la problématique qui vise à élucider le sens de l'être
en général.
L'être luiamême, enfin, considéré dans son essence pure, domine
tout étant, et la réalité humaine en particulier. A celle-ci, toutefois,
il appartient d'être reliée â l'être, et cela d'une façon privilégiée, en
lait qu'elle le comprend. La compréhension de l'être par la réalité
humaine est le fait fondamental qui détermine celle-ci dans son
essence propre. Peu importe qu'une telle compréhension demeure
a l'état implicite, ou que, pour des raisons qui devront faire le thème
d'une problématique particulière, elle demeure soumise le plus
souvent à des altérations profondes. Ces altérations mêmes ne sont
possibles qu'a titre de modalités et sur le fondement du rapport qui
relie, dans l'origine, la réalité humaine à l'être lui même. Si l'entente
-
de l'être appa rtient à la réalité humaine comme ce qui précède, en
les guidant, tous les comportements qu'elle est susceptible d'assumer
et, en particulier, la question qu'elle peut élever au sujet du sens de
l'être en général, c'est que celle-ci n'est pas autre chose que la radica-
lisation de cette compréhension ontologique ou, plutôt, pré-onto-
logi que de l'être qui est immanente à la réalité humaine comme son
pouvoir le plus propre et comme son essence même.
La réalité humaine occupe donc a l'intérieur, de la question de
l'être une p lace déterminante. Elle peut revendiquer, a l'égard des
autres étants , une préséance qui est à la fois d'ordre ontique - puis-
que la question de l'être n'est, somme toute , qu'un mode déterminé
de cette existence que nous sommes nous-mêmes immédiatement --
et d'ordre ontologique, s'il est vrai qu'à une telle existence appartient
par essence une compréhension de l'être, et cela en un double sens,
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
étant donné qu'il s'agit aussi bien de son être prop re ue de l'être
q
de l'étant qu'elle n'est pas.
Pourquoi, cependant, l'ontologie est-elle incapablé de se fonder.
elle-mênne onto o i uement et doit-elle lacer au centre de sa
problématique un existant déterminé auondre oint de se confavec
l'analyse existentiale de celui-ci ? A une telle condition l'ontologie
ne peut évidemment être soumise qu'en fonction du rapport ` qu 'i
unit, dans l'essence, l' être et l'étant. Car, l'élaboration de l a structure
de la question de l' être ne constitue q u' une analyse tout extérieu re
d'un _ tel rapp ort. En fait, le lien quiunitl'étantl 'être et demeure
oncièremenI obscur, sa structure n'est pashomogeue, sa si gnification est
p olyvalente.
Considérons la réalité humaine. Ce qui caractérise le rapport
qu'eue entretient avec l'être, c'est précisément le fait qu'il l lui est
donné de l'entretenir, de le vivre. A ce privilège est iié celui du
langage toute parole n'est prononcée que sur le fond d'un entretien
pus primitif, qui est celui de l'homme et . de l'être. C'est un tel 'pri-
.o
vdege --- que l'étant nos-Dasein ne peut revendiquer comme sien,
et cela non pas en fonction d'une déficience ontique quelconque
(comme, par exemple, l'absence d'un organe de phonation) mais
bien au contraire, en raison de sa réalité ontologique propre -- qui
confère
. à la réalité humaine
, la fonction caractérisée
à qu'elle remplit
l'intérieur de que
la p roblém ati l
de 'être. La préséance de la réalit é
humaine dans la question de l 'être n'est ue l 'éq uivalent méthodo-
q
logique de sa structure ontologique p rop re, structure conformément
a laquelle une c ompréhension im p licite et non conceptuelle de l 'être
lu i est d'o res et déjà
^ donnée.deLors que le rapp ort
la réalité humaine
à l'essence doit être défini à partir d'une telle compréhension nous
l'appelons un rapport transcendantal. Ce dernier , ainsi entendu,
n'implique aucun primat de la «subjectivité» ou du « suj et » car son
fondement ne réside pas dans la réalité humaine elle-même mais
bien plutôt dans l'être qui donne à celle=ci
, , en l'ordonnant à lui, la
L'ÊTRE DE L'EGO 43
ET FONDAMENTALE
ÉLUCIDATION
DU CONCEPT DB PHÉNOMÈNE
LE MONISME ONTOLOGIQUE
quer. Celle-ci , par suite, ne saurait être totalement réduite pas plus,
d'ailleurs, que ne saurait être ré duite la realile scienti iqile elle-même, sous
c
toutes ses formes. Leur valeur expl i ative une fois mise entre p aven-
thescs - (mais subsistant â ce titre) , les théories p enetrent dans notre
environnement titre de donnees. Comm e telles elles re uierent
q
elles aussi, l'a ttention du phenomenologue q ui est cap able de décrire
les structures de leurs configura tions propres. La meface dont
fait
preuve la pbeno oio g ie â l'e ard des co ncep tions p hiloso p hi q u es
o^a scientifique., tient se ulement au fait q ue celles-ci nous mas q uent le
plus uueflt use re alite dont elles oub lient ou travestissent les
carac ere et le propre en pensant l 'expliquer a Mais, a y regarde
de pre , cette rue s ce n'est pas discerna ble d'une vise e eonside
ration, lle c - l ' indice d ' u n trava il positf° Cc qui se tro u u, Iie ci
fta e ^ v,rta u .r.
lie i et k plus vo s û :r t p altere par les théo ries, c'est le sens même u
travall t Seo iode Ct de ses produi t s . C'est l'e^, ird de la sigr ^
^at^on
des ensembles constitues a titre de prinei es epheatifs que la . pbeno^
nienologi. accomplit d'abord soi œ r de ln servation, c'est l'être
des objets scie, nti ques et des groupes qu'ils constituent u'el e restitue.
dans son integrite en lui conférant un statu. C'est la phenomênolo ie
.
qui defend la science contre la tentation d'être une nouvelle méta-
physique
. e en lui interdisant de se constitues abso
zeal^te comrn un ° ' lue
^.^
et en opr r2nt au contraire l'insertion des edi . ces et des principes
abstraits dans ie contexte de l'experienee humaine . Si l'objet se en
ti qui f-st le rte que l'objet de cette experience ce n'est as seules
p
ment parce qu'il renvoie nécessairement à un objet d'experiene
(sensible ou non), mais c'est aussi parce qu'il est lui-même un objet
d experience0
Si le concept de henomenolo ie est facile à saisir dans sa signi-
fication négative, en tant qu'il implique la mise entre parenthèses de
toutes les interprétations et constructions que la pensée théorique
superpose au réel au point de prendre ses propres produits pour la
.réalité
, s et de les hypostasier sous une forme absolue, sa '
détermination
LE MONISME 0 NTO LO GIQ JE
(x) H, 129.
(2) PhE, I, 68,
LE MONISME ONTOLOGIQUE
rence entre être et apparence ( i).» Mais cette affirmation, sur laquelle
on a cru pouvoir fonder le caractère absolu de la problématique
phénoménologique en tant qu ' elle vise la sphère immanente de la
conscience, demeure en fait une indication extrêmement vague tant
qu'on n'a pas défini ce qu ' il convient d'entendre par le fait d'appa-
raître . De même, si l' on dit qu'il y a dans l'essence même quelque
chose qui n'apparaît pas, ce qui n'apparaît pas, ou, pour être plus
exact, le fait de ne pas apparaître , demeure aussi indéterminé dans
son être que la pure et simple manifestation , aussi longtemps
que celle- ci n'est pas saisie d'une façon rigoureuse dans son
essence . Bien plus, le fait de ne pas apparaître n'a peut-être
qu'une signification limitée , purement négative, s 'il demeure en
relation avec un concept non élaboré de l'essence phénoménale,
car il se pourrait que ce qui est donné comme n'apparaissant pas
ne soit tel qu' au regard d'une conception unilatérale et, comme
telle, abstraite de l'essence . Pousser jusqu ' au bout la détermination
de l'essence afin de la reconnaître dans son caractère pleinement
concret c' est peut-être mettre en lumière une Forme, un Comment
plus fondamental dont la loi confère une présence, quoique.. d'un
autre ordre , à ce qui était primitivement pensé comme « n'appa-
raissant pas »
La détermination de l'essence doit également nous fournir le
cadre ontologique pour une discussion du rapport de cette essence
à l'existant qui trouve en elle son fondement . Cette détermination
eut seule dire, en effet, si le dépassement du positivisme ëst, au
point . de vue ontologique , définitif et sans appel, si la transgression
de l'existant s'o p ère sans retour, et si l'essence qui s'acquiert dans
une telle transgression peut se refermer sur soi , s'abstraire de la
détermination ontique, s'absolutiser dans cette abstraction et subsister
ainsi cependant, en préservant son absoluité dans son autonomie.
9. LA DÉTERMINATION UNILAT'
. ERALE DE L'ESSENCE DU PHÉNOMÈNE
ET LE CONCEPT DE <( DISTANCE
PHÉNOMÉNOLO GIQUE
(I) i+• MAL VERNE, I,a condition de l'être in Rev. M'et. Mor.,
janv. 1949, 42.
LE MONISME ONTOLOGIQUE 75
(r) W G, III.
(2) Ideen I, 218.
LE MONISME ONTOLOG QUE 79
comme est toujours absolu l 'éloignement qui ne fait qu'un avec elle. Il n'y a
de degrés dans la proximité qu'au moment où celle-ci cesse d'être
considérée dans sa signification ontologique en tant qu 'elle appar-
tient, comme structure constitutive, à l'essence de la phénoménalité,
pour devenir une caractéristique phénoménologique de l'étant lui-
même. Considérée comme le pouvoir ontologique qui nous donne
accès aux « phénomènes » et fonde ainsi la « connaissance » dans sa
possibilité, la distance phénoménologique ne saurait être dite plus
ou moins grande et il n'y a aucun sens à parler de « distance minima ».
Lorsque la distance entre mon oeil et l'objet diminue progressive-
ment, il ne s'agit évidemment que d'une distance spatiale. Lorsque
cette distance devient nulle, je ne vois plus rien, nous dit Malverne.
Mais lorsque je dis que je ne vois plus rien, cette proposition, si elle a un
sens, commente une expérience . Que je ne vois plus rien, c'est là un fait
positif, un « phénomène ». Pour lui, l'essence a déjà accompli son
oeuvre, une distance s'est déployée qui n'est certes ni spatiale ni
« réelle » mais constitue bien plutôt la réalité même du réel , la possi-
bilité de toute présence comme telle. Cette distance phénoménolo-
gique transcendantale se distingue ainsi, de la façon la plus nette,
de toute distance spatiale, puisqu'elle subsiste dans son absoluité là
même où la distance spatiale devient nulle, là aussi où la structure de
l'être est telle qu'il n'y a plus aucun sens à parler de distance spatiale.
Dans le cas des distances qui structurent le monde objectif et d'abord
. celui de la vie, il est clair qu'elles appartiennent à l'étant intramondain
à titre de déterminations ontiques. C'est justement dans la mesure
où elle apparaît comme une détermination « catégoriale », pour parler
comme Heidegger, c'est-à-dire relative à l'étant non Dasein, que la
-
distance est susceptible d'une différenciation; en tant qu'elle est un
« existential » au contraire, c'est-à-dire co-appartient à la structure
ontologique de l'essence , elle porte en elle cette caractéristique
éidétique qu'elle est toujours une distance absolue.
En tant que distance absolue et transcendantale , la distance
8o L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
elle est l'être lui-même, si l'on veut, mais à distance de soi, dans sa
non-coïncidence avec soi, elle est l 'être dans la différence . Considérons
avec Fichte le mur dont nous disons qu'il « est ». Ce qui est visé dans le
« est », à savoir l 'être du mur, « n'est pas identique avec lui... mais
se distingue de ce mur comme de quelque chose d'indépendant » (i).
Ce qui distingue l'être du . mur lui-même , ce qui les différencie
d'une façon foncière, c'est justement la différence comprise comme
l'essence qui permet au mur d'être . L'être du mur est le mur lui-même
dans l'infinité de la distance qui lui confère, avec la condition phéno-
ménale, l'existence même. L'existence du mur est l'être du mur en
tant que cet être est posé dans une extériorité radicale par rapport à
lui-même, elle est , pour reprendre la forte expression de Fichte,
« son être en déhors de son être ». Il est vrai que la conscience naturelle
n'a «pas le temps de contempler le «est » qui lui écha pp e totalement»
viser au contraire celui- ci d'une façon thématique dans la conscience
philosophique, c'est être amené à poser que « le « est » par rapport à:
l'être est immédiatement l'existence » (2). L'être doit exister, il existe
nécessairement . L'argument ontologiquë n'est pas une preuve au
sens ordinaire du mot, il consiste dans la lecture de la condition
phénoménale de l'être. • Cette condition phénoménale est justement
l'existence de l'être, elle est, en tant qu'être en dehors de son être,
l'être0 même de l'être.
L'existence qui fait ainsi l'être même de l'être ne se recouvre
pas avec l'être pur et simple, avec l'être stable et absolu. Elle se
recouvre si peu avec lui qu'elle s'en distingue bien plutôt, elle est
par rapport à lui dans une extériorité absolue et , s'étant retirée de lui
dans cette extériorité , elle le pose en face d'elle comme un être stable.
L'existence n'est rien par elle - même, si ce n 'est l'acte de se retirer de
l'être et, en s'anéantissant devant lui, de le poser en face d'elle comme
à fait irréel, s'il ne se soumettait à son tour aux conditions qui ouvrent
et définissent le champ de l'existence . phénoménale et de la spiritua-
lité vraie . Ou, pour être plus exact, Dieu n'est pas lui-même quelque
chose qui se soumettrait à de telles conditions; s'il est l'essence même
de la spiritualité , il est un avec ces conditions , il se confond avec
elles, c'est lui qui est, non pas seulement cette vocation de se mani-
fester et de se réaliser dans cette manifestation , mais le mouvement
même qui actualise cette vocation , le pouvoir qui en fait quelque chose
de réel. L'essence de la divinité est identique, par conséquent,
avec - celle de ce pouvoir, ce qui est pensé, dans les deux cas, c'est la
structure interne de l'absolu, c'est l'essence de la manifestation comme
telle. Ainsi les conditions de la phénoménalité trouvent -elles dans la
description de l'essence divine, non pas l'exemple particulier encore
que privilégié d'une réalité qu'elles se soumettraient et qui serait
subsumée sous elles comme sous une règle générale, mais leur propre
réalité, en tant précisément qu'elles ne sont pas des conditions abs-
traites, mais les conditions mêmes de la réalité et, comme telles, la
réalité ontologique absolue elle-même.
Le commentaire fichtéen du début de l'Évangile de saint Jean
se situe dans cette perspective , il vaut comme une répétition des
présuppositions ontologiques qui ont été évoquées, répétition qui,
parce qu'elle se situe décidément cette fois sur le plan de l'absolu,
confère à ces présuppositions un caractère décisif. La définition de
Dieu comme Verbe signifie la compréhension de l'être divin comme
existence . L'être de Dieu existe, il se manifeste, et cela conformément
aux conditions qui constituent l'essence de la manifestation, c'est-
à-dire en fait, l'essence de la divinité elle-même. Que l'être de Dieu
existe, cela signifie, conformément à ces conditions qui constituent
son être, que Dieu se divise en vertu du dualisme de l'être et de
l'existence, que l'être . divin ne peut être posé 'dans l'apparence
que pour autant que se produit en face de lui, en s 'anéantissant
devant lui, sa propre image, qui est l'existence et le savoir ,de son
LE MONISME ONTOLOGIQUE
dehors de lui comme un être en dehors :de son être. L'unité de l'être
et de l'existence a pour conséquence la division de l'être, son auto-
séparation d'avec soi et, comme le dit Fichte , son exp ulsion hors de
soi. Ce qui dans l'être de Dieu lui est extérieur , c'est-à-dire « tout ce
qui dans l'être est une conséquence de l'existence » c'est-à-dire encore
sa « forme », n'est pas du tout en réalité q uel que chose ui serait
q
étranger à l'être de Dieu, c'est l'être de Dieu lui-même en tant qq u'il
est justement, c'est-à-dire en tant qu'il existe. L'âliénalion est réelle
non pas comme quelque chose d'extérieur à l'absolu mais comme constituant
au contraire son essence même . C'est comme immanente à la vie interne
de l'être, ou plutôt comme structure même de cette vie 9 q ue l'exté-
riorite se déploie et peut alors partager « l'être mort en soi en un être
pour ainsi dire répété deux fois, le p osant devant lui-même » ( i ).
Ainsi l'existence n'est-elle point différente de l'être, mais ce qui fait
que cet être est différent de soi . Voici comment Fichte s'exp rime â ce
sujet : « L'être absolu se présente dans son existence., comme cette
indépendance à l'égard de son être intime p ro p re; il ne crée pasune
liberté en dehors de lui méme mais il est lui-même , dans cette partie de la
forme, cette liberté qui lui est propre en dehors de lui-même , et à cet égard il
est assurément différent dans son existence de ce qu'il est dans
son être et s'expulse de lui-même pour y rentrer avec une vie nou-
velle (2). »
Les analyses qui précèdent prennent leur signification ontolo-
gique concrète si on veut bien les situer dans le cadre phénoménologique
dont elles constituent à vrai dire une définition . Conformément à
celle-ci , il apparaît que le passage de l'être-en -soi à l'être-pour-soi
consiste
, , dans la position hors de soi de l'être, est le passage de l'être
a l extérieur de soi ; ce qui se réalise dans un tel passage, c'est l 'être-à-
l'extérieur- de-soi de l ' être-en-soi, et cet être-à-l'extérieur-de-soi est le
M. HENRY 4
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) F. ALQUIÉ, L'Être et le Néant de J.-P. Sartre , Cahiers du Sud, '945, XXIII,
654.
(2) F. JEANSON, Le problème moral et la pensée de Sartre , Éditions du Myrte,
Paris 947, 233.
,1
LE MONISME ONTOLOGIQUE
) H, rbr.
LE MONISME ONTOLOGIQUE 93
(I) Pareille promotion dans la lumière mérite d'être appelée certitude, parce
que de ce qui s'offre véritablement à nous dans cette lumière et que nous voyons en
elle tel qu'il est en soi, c'est de cela que nous sommes certains. Lorsque nous disons
que nous sommes certains de l'étant qui nous apparaît, nous voulons simplement
dire qu'il nous apparaît. I,a certitude repose sur l'apparence, ou plutôt elle ne fait
qu'un avec elle.
102 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
l'objet est une réalité ontique dont l'être est constitué par le rapport
comme tel, s'il demeure par suite une détermination réelle qui trouve
dans la conscience son fondement ontologique une telle situation ne
peut convenir au sujet . L'être du sujet est en effet le rapport comme
tel. La dissociation entre les concepts de conscience et de sujet n'est
possible qu' aussi longtemps qu'on en reste, pour ce dernier, â une
détermination pré-critique qui fait déchoir la réalité qu'il désigne au
niveau d'une réalité d'ordre ontique . C'est la réalité ontologique comme telle
qui est en fait visée par la philosophie de la conscience lors qu'elle.^ait intervenir
dans -sa problématique le concept du si jet. Le sujet désigne l'événement
ontologique qui fait accéder l'étant à la condition d'o bjet, c'est-à-dire de
phénomène pour nous. Le sujet n'est rien en dehors d'un tel événement com ris
p
dans sa signification ontologique absolument pure . Faire accéder l'étant
au rang de phénomène , le faire surgir dans la lumière de l'existence
phénoménale et consciente , c'est là l'oeuvre qui est pensée comme celle
du sujet, et l'être de celui-ci n'est rien en dehors d'une telle oeuvre mais
s'épuise au contraire en elle. L'être du sujet est ainsi identiquement le
surgissement même de l'existence phénoménale , il consiste dans
l'ouverture de la dimension ontologique de la présence . C'est parce
que cette dimension ontologique de la présence est pensée tradition-
nellement et d'une façon impropre sous le titre de « connaissance »
que le sujet est justement compris comme la « condition de la connais-
sance ». Le sujet est le pouvoir de connaissance , le . connaissant
comme tel. Mais « le connaissant ... n'est rien d'autre que ce qui fait
qu'il y a un être-là du connu, une présence » ( i). « La connaissance et
le connaissant lui-même, est-il encore dit, ne sont rien sinon le fait
qu' « il p a» de l'être (2). » La connaissance enfin, est « la pure solitude
,
du connu ( s). » Le sujet est ainsi ce qui fait que l'objet est présent ,
il est sa présence comme telle. Ce qui fait que l'objet est présent,
que l'objet est un oh-jet, ce qui fait de lui ce qu'il est , l'objet en tant
qu'objet, c'est son être. Le sujet est l'être de l'objet. Il est le fondement
ontologique à partir duquel l'objet est ce qu'il est. Le dualisme du
sujet et de l'objet n'est pas un dualisme ontologique, c'est le dualisme de
l'essence et de la détermination ôntique qui trouve dans cette essence son
fondement ontologique. Le dualisme traditionnel apparaît ainsi comme
une première formulation , comme la pensée pré-critique d'une
dissociation proprement philosophique entre l'étant et son être, entre
ce qui est d'ordre ontique et ce qui appartient au contraire à la sphère
ontologique de l'essence . C'est cette région ontologique de l'essence
qui est pensée sous le titre du sujet, tandis que l'objet désigne
l'étant sur le fond de l'es sence en lui, dans son unité indissociable avec elle.
Ce qui se cache dans le départ entre le sujet et l'objet, c'est une seule
et même essence, et le dualisme traditionnel est un monisme ontolo-
gique. Mais l'unité essentielle dont le monisme ontologique est le
titre, n'est pas, si elle la fonde, l'unité du sujet et de la détermination
ontique, ce qu'elle signifie, c'est l'unicité du mode de manifestation
conformément auquel l 'étant se réalise dans le sujet qui n'est autre que ce mode
de manifestation comme tel.
Les présuppositions ultimes qui sont visées sous le titre de
monisme ontologique ne s'épuisent pas dans l'affirmation de l'unicité
du mode de manifestation compris dans sa pureté phénoménologique
essentielle, elles confèrent en fait à ce mode une structure éidétique
parfaitement définie. Ce n'est pas la seule affirmation de l'unicité de
l'essence phénoménologique, c'est l'identité de structure de cette
essence qui fonde l'identité essentielle, par-delà les différences appa-
rentes, de la philosophie de la conscience et de la philosophie de,
l'être. Pensant le sujet comme le fondement de la phénoménalité
des phénomènes, la philosophie de la conscience interprète finalement
l'être de ce sujet comme le Rapport . En tant qu'il est le rapport, le
sujet est l'établissement et le maintien d'une distance , le pouvoir
ontologique qui déploie l'horizon , la spatialité originaire et transcen-.
io8 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
dire que le monde est « subjectif », mais cela signifie seulement qu'il
est « plus objectif que tout objet » ( i). La subjectivité du monde
marque seulement sa transcendance à l'égard de tout étant , elle est la
transcendance comme telle . La transcendance est l'essence de la mani-
festation, l'apparaître de ce qui apparaît . En tant qu'il est l 'Être-dans
et le Rapport, le sujet est cet apparaître comme tel, il est l'essence de
la manifestation au sens moniste . « La subjectivité du sujet, dit
Heidegger, c'est l'Erscheinen lui-même (2). » C'est l'apparaître de ce
qui apparaît, c'est l'être de l'étant qui constitue la subjectivité du sujet
humain. La lumière qui nous traverse est celle du monde ( 3). C'est en nous
que se trouve la vérité , dans l'intérieur de l'homme . La conscience a en
elle la mesure de la vérité. Mais la vérité qui constitue notre intériorité
même n'est que la lumière absolue de l'extériorité. La subjectivité humaine est
la transcendance du monde.
L'identification de l'essence de la conscience avec l'extériorité
pure de la transcendance surgit au moment où la problématique
de la conscience se comprend dans sa signification ontologique pure.
Lorsque l'essence de la conscience est saisie comme la vérité en un
sens ontologique , c'est-à-dire comme l'essence pure de la manifes-
tation, cette essence de la conscience est nécessairement identifiée
avec l'essence de la manifestation telle qu'on la comprend. Parvenue à
son stade ultime et à la pleine compréhension de soi-même dans
sa vérité, la philosophie de la conscience ne peut être qu'une répéti
tion des présuppositions fondamentales du monisme . A vrai dire, les
remonter jusqu ' à elle, son origine dans l'essence. La conce p tion d'un
sujet libre dont la liberté se manifeste dans le doute ou dans quelque
autre conduite caractéristique, trouve finalement son fondement
dans l'essence de la transcendance
pure n du . La conceptio
sujet a
certes évolué, au moins d'une façon implicite , car le problème de la
subjectivité du sujet est rarement le thème de la p roblémati ue. Le sens
q
de cette évolution est cependant de faire apparaître de plus en plus
clairement une identité fondamentale entre la com p réhension de la
subjectivité du sujet et celle de l'objectivité de l'objet . La substitution
finale d'un « sujet temporel» au sujet classique ne fait qu'affirmer l'inter-
prétation qde ce su j et comme
ontologique implicite ou explicite de l'être
transcendance . La temporalité est l'essence de la transcendance. Elle
est solidairement la subjectivité du sujet et « l'horizon de l'être ».
La conception d'un être-commun de la subjectivité
J sujet du
et de l'objectivité de l'objet est le fondement ontologique de la
démonstration hégélienne de l'identité de la matière et de l'esprit et
plus généralement , de l'affirmation philosophique traditionnelle aussi
souvént formulée que rarement saisie dans le concept, de l'identité
de la pensée et de l'être.
La saisie conceptuelle de l'identité essentielle du sujet et de
l'objet met à nu la vanité des discussions classiques entre les tenants
de l'objectivité et les partisans philosophie
d'une subjective. Elle
rend particulièrement sensible le caractère naïf et pré-philosophique
de certaines critiques « décisives », comme celle, par exemple, que les
promoteurs du behaviorism ont adressée à la philosophie de la cons-
cience. Ainsi , selon Watson , la conscience est un conce pt
qui.
n' est ni défini ni utilisable, une chose fuyante que personne n 'a
jamais
vue iii touchée, ni enfermée dans une éprouvette , et qu'il faut consi-
dérer en conséquence, au même titre q ue la vieille entité méta phy
i que et religieuse de l'âme dont elle n'est qu'un substitut moderne -s
,
comme une hypothèse incontrôlable. Précisant sa critique Watson
ajoutait : « Vous affirmez qu'il existe quelque chose comme une
LE MONISME ONTOLOGIQUE II7
(i) The waÿs of behaviorism, Harper and brothers, New York and London, i 9 2 8, 7 .
(2) Cet appel apparaît comme le leitmotiv de la critique behavioriste contre
la philosophie de la conscience. Cf. par exemple cet autre texte qui vise plus préci-
sément la conception du souvenir et de l'image entendus au sens classique, c'est-à-
dire comme faits de conscience « But the behaviorist, having made a clean sweep
of ail the rubbish called consciousness, cornes back at you : « Prove to me », he says,
« that you have auditory images, visual images or any other kinds of disembodies
processes. So far I have oniy your unverified and unsupported word that you
have them )) » (The ways of behaviorism, op. cit., 75, souligné par nous).
(3) 'Non moins naïve et contradictoire était, au siècle dernier, la position de
Cl. Bernard, lorsqu'il opposait à la philosophie, science creuse sinon nuisible, simple
exercice de l'esprit, sa proposition fondamentale selon laquelle « en dehors de l'expé-
rience il n'y a rien ». I,a philosophie est justement la science de l'expérience comme
telle ; encore faut-il voir que l'expérience comme telle fait problème. S'élever à
l'intelligence de ce problème, c'est justement cela être philosophe.
i i 8 . L'ESSENCE . DE LA MANIFESTATION
(i) SZ, 221 ; par « monde n Heidegger entend ici la somme de l'existant, c'est
pourquoi il met le mot monde entre guillemets.
(2) « Descartes, écrit Heidegger, accomplit ainsi philosophiquement de façon
explicite l'inversion de l'effet de l'ontologie traditionnelle sur la physique mathé-
matique moderne et ses fondements transcendantaux n (SZ, 96).
M. HENRY 5
122 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) « Ce rien est la réalité humaine elle-même n, dit SAi TxE (EN, 230).
1 zG L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
de tout étant, dépassement tel que c ' est justement en lui que l'étant
trouve son être. Dans un tel dépassement , toutefois, en transgressant
tout existant, l'essence obtient aussi le séjour qui lui est propre. Le
séjour de l'essence est justement celui de l'existant . L'être est l'être de l'étant.
A la question de savoir si la transgression de l'étant est sans retour , la
réponse est donnée, si une telle transgression ne conduit as en
réalité au-delà del existant mals constitue au contraire l'endroit même
où il se tient . Pourquoi l'essence ne peut-elle être maintenue dans le
lointain originel où elle réside , au-delà de l'existant, sinon parce que
cet au-delà est l'être même de tout existant comme tel?
L'affirmation selon la q uelle l'être est l'être de l'étant doit être
comprise . Ce qui se trouve énoncé dans une telle affirmation c'est
l'unité essentielle de l'être et de l'étant. La pensée qui o pp ose l'être à
l'étant ne pénètre pas encore dans le contenu . Pénétrer le contenu,
c'est aller en lui jusqu'à ce qui constitue son fond le plus essentiel
c'est saisir l'être au sein même de l'étant. L'immanence de l'être à
l'étant ne signifie sans doute pas la suppression de leur opposition ou
plutôt, de l'opposition comme telle. Mais l'o pp osition qui fait
que l'étant surgit toujours comme l ' opposé, résulte justement de
l'immanence en lui de l'être , c'est-à-dire du néant. Le pouvoir
ontologique du néant est immanent à l'étant comme son fond
le plus essentiel . C'est sur le fond du néant en lui ue l'étant est.
q
Sur le fond du néant en lui, l'étant est nié. Etant nié, l'étant est tenu
à distance, il apparaît, il est. La négation de l'étant, ui est l'oeuvre
q
du néant, est identiquement sa promotion dans la dimension de la
présence phénoménale , son avènement ontologique comme tel.
C'est dans l'étant lui-même toutefois que cette oeuvre s'accomplit . Parce que
le néant est immanent a la détermination ontique comme ce qui la fait
être, on peut dire avec Hegel que « la vie concrète de la déterminabilité
est.., l'opération de se dissoudre » (I), Le néant ne nie pas tant la
(i) I,a détermination est finie, non pas en tant que son mode de manifestation
lui est transcendant mais, bien plutôt, parce que ce mode de manifestation qui
habite en elle et constitue son être même est la transcendance et, comme tel, le dépas-
sement. Dans un tel dépassement la détermination est nécessairement finie. La
détermination est finie en tant qu'elle se tient dans le néant, c'est-à-dire sur le fond
en elle de l'être compris comme la transcendance.
LE MONISME ONTOLOGIQUE I29
est seulement ce qui ouvre une place ,pour celui-ci ? Dans cette « ouver-
ture pour », « l'élan par-delà » trouve en fait son but. L'étant n'est
ce par-delà quoi la transcendance, dans son dépassement radical,
déploie l'horizon, que parce qu'il est d'abord ce en vue de quoi cet.
horizon est, comme tel, ouvert . Le mouvement par-delà l'existant
de la transcendance trouve son T&Aoç dans celui-ci. Toute transcendance
est comme telle essentiellement réceptrice. Dans la réceptivité de la transcen-
dance réside sa finitude la plus essentielle. Cette finitude résulte de ce que,
dans l'accom plissement même de la transcendance qui com p ose la
possibilité d'une réception , est inscrit un besoin, le besoin de ce qui
sera reçu dans cette réception comme telle . Ce qui trouve la possibilité
de sa réception dans le déploiement de la transcendance, n'est-ce pas,
de toute évidence, l'étant lui-même ? La transcendance est le besoin
de l'étant. En tant qu'elle est la transcendance , l'essence ne se réalise
que lorsque ce besoin qu'elle porte en elle est satisfait. L'essence
n'obtient sa concrétion que dans cette réalisation . Mais l'essence est,
comme telle, concrète. Le besoin de la transcendance s'est d'ores et
déjà réalisé si la transgression de l'étant est identiquement le retour
sur celui-ci et, comme telle, l'acte même par lequel l'étant est posé. Voilà
pourquoi l'être est, en vertu de sa structure même, toujours et nécessai-
rement l'être de l'étant . En vertu de sa structure l'être est toujours cet
acte d' «aller au-delà» et de « revenir sur» qui est un acte d'aller au-delà
de l'étant et de revenir sur lui. A cet acte l'étant est aussi essentiel
que la transcendance qui le constitue . La transcendance est finie en
tant que l'étant est impliqué en elle comme ce dont elle a besoin.
Est-ce p ar hasard si c'est chez Kant, où l'essence du pouvoir
ontologique est saisie pour elle-même et comprise à partir de l'idée de
la transcendance, que cette finitude se trouve affirmée pour la
première fois, et cela avec la plus grande force ? « Kant, dit Heidegger,
avait à chercher la finitude dans l'être rationnel lui-même (I). »
(t) K, 224.
Z ao L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
C'est parce que l'être rationnel est compris dans sa structure ontolo-
gique comme transcendance que la finitude p eut et doit être cherchée
en lui d'abord . L'être rationnel est fini comme a yant à trouver
hors de lui l'étant qu'il doit pour cette raison recevoir, et cela de telle
manière que c'est seulement dans cette réce p tion ue l'essence se
q
réalise ou, comme le dit Kant, que la raison parvient à une connais -
sance. Ainsi la finitude n ' est-elle pas liée chez l'homme au fait
qu'à la rationalité pure qui le définit comme être méta physiq ue
. .
est liée synthétiquement, et cela d'une façon incom p réhensible pour
nous, une sensibilité ; c' est la rationalité pure elle,même , en fait
qui est finie, et cela en tant que, comme transcendance elle est et
demeure essentiellement réceptrice, c'est-à-dire fondamentalement
orientée vers l'étant qu'elle n'est p as. En tant ue réce p trice , la
q
transcendance constitue ainsi en elle-même la sensibilité comme telle
et dans sa possibilité. La sensibilité à l'égard de l'étant c'esta-dire la
possibilité de le recevoir , est ainsi fondée comme la ossibilité
p
justement d'une connaissance effective quelconque en général.
Le dépassement de l'étant est identiquement l'acte q ui le main-
tient dans l 'être. Ainsi le monde qui se constitue dans Nn tel de passement
n'est-il transcendant aux « phénomènes » que ur autant u'il se trouve en
po q
fait, rapporté d eux. Si la totalité n'est j amais dissociable de ce ui se
q
manifeste en elle, c'est que la transcendance du monde est la finitude
même. La tâche que se donne l ' ontologie de penser l'essence dans sa
pureté ne peut signifier la rupture du lien qui relie la transcendance
comme telle aux phénomènes auxquels elle se rapporte. Elle réside
plutôt dans 1a compréhension de ce lien. « Dans le renversement,
dit Heidegger , la conscience ne doit as ... abandonner le sé our au
p j
milieu de l'étant, elle doit l'assumer ex ressément dans sa vérité ( i . »
p )
Penser dans sa vérité un tel séjour, c'est com p rendre comment et our-
. p
quoi il est toujours en réalité pour nous un séjour au rès de l'étant.
p
(I) H, 190.
LE MONISME ONTOLOGIQUE ` z; z
L, 157.
LE MONISME ONTOLOGIQUE '35
(I) L, 175.
136 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(z) Kierkegaard dit qu'en Grèce le sensible n'était pas la culpabilité mais
l'énigme. Dans ce caractère énigmatique du > sensible réside, selon Kierkegaard,
la signification de la plastique grecque. Cf. Le Concept d'Angoisse, trad. K. FEiu ov
et J. GATEAU, Gallimard, Paris, ig35, 96.
LE MONISME ONTOLOGIQUE 137
(i) Sur tout ceci , cf. A. Kou, La philosophie de Jacob Bc^hme, Vrin, Paris,
1929, 303-414.
140 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
pure. Si, dans les Recherches sur la liberté humaine, l'élément nocturne
qui sert de « réactif » à la révélation et constitue à ce titre la condition
de sa p ossibilité, peut être interprété comme un élément ontologique
pur - en tant que le Fond causal n'est pas la détermination sur
laquelle se réfléchit la lumière mais ce qui, dans l'essence même de
celle-ci, se dissimule, et cela non pas antérieurement à son devenir
effectif mais au sein de celui-ci --, l'élément différent de la conscience
est, dans la dernière philosophie, clairement posé dans son hétéro-
g énéité p ar rapp ort à l'essence. C'est un être réel au sens de la déter-
mination, et non elle-même, que l'essence s'oppose dans l'aliénation
où elle cherche l'existence consciente . L'opposition à la simple pensée
de soi-même de l'idée d 'une création effective aboutissant à un terme
réel et, comme tel, étranger à la pure objectivation de soi de la pensée,
a la même signification que la critique dirigée par Boehme contre
la Sagesse divine . Cette signification phénoménologique est que la pure
objectivation ne peut accomplir son oeuvre que si ce qui survient en elle lui est
étranger. La séparation effective de la créature d'avec Dieu dans le
phénomène de la création et le rejet constitutif du panthéisme au
profit d'une « autonomie de la progéniture » (i) trouvent ainsi leur
motif dans les conditions qui rendent possible le devenir effectif de la
phénoménalité.
Ces conditions qui postulent l'effectivité de l'aliénation, Hegel
devait les comprendre à son tour comme les conditions de la réali-
sation de l'essence, c'est-à-dire de l'absolu. L'essence ne se réalise au
séin du devenir effectif de la phénoménalité qui est l'esprit concret
que si, dans le processus ontologique de l'aliénation qui la constitue,
est inclus le non-ontologique, le terme radicalement autre , l'être
différent de cette aliénation elle-même. Tant que l'aliénation ne
signifie pas l'existence de cet être radicalement autre, tant qu'elle ne
(I) IT, 9.
(z) Ibid.
(3) « Lee seul objet immédiat du point de vue transcendantal est le subjectif
[c'est-à-dire l'essence pure, le transcendantal, l'élément absolument non objectif]
le seul organe de cette philosophie est le sens intime », In., xS.
148 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
justement ..une.... telle ., essence dans son caractère concret, c' est-,-dire
dans l'effectivité de son être-réalisé ? Car ce n'est p as l'inévitable
référence de l'essence à la détermination, c'est la prétention de saisir
l'essence en dehors de cette référence et dans une prétendue pureté
qui doit être mise en cause, si l'être-là de la détermination effective
est le devenir phénoménal et, comme tel, la réalisation de l'essence
de la phenomenalite Que la pure essence s'évanouisse dans la nuit
de l'origine transcendantale, cela signifie eulement qu'elle `ne saurait
être comprise en dehors de l'élément ontique où elle trouve le moment
de la présence phénoménale. L'essence pure est l'abstraction de
i etre-present. L'être n'est present que comme être de la déterml^
nation qui est là, et cela non pas seulement en ce sens qu'il est toujours
et inévitablement l'apparence d'un étant mais, plus originellement,
parce que cette apparence ne devient precisement ce qu'elle est, une
apparence, que par la médiation de ce qui apparaît en elle. C'est
l'étant qui apparait. Le lien de l'être et de l'étant, l'inévitable référence
de la transcendance à ce qui se trouve par elle transcendé, ont cette
signification phénoménologique ultime. Ce qui s'exprime dans celle-ci,
c'est l'unité indissoluble de l'element ontique et de l'element ontologique dans la.
devenir effectif de la phenomenaltie. L'être-1a effectif est ontique et
ontologique en même temps. Si le Dasein ne désigne pas seulement
l'abstraction d'une présence mais cette présence même dans son
accomplissement réel, n 'est-ce pas legitlmement, alors, que la trans-
cendance est qualifiee en lui, non pas sans doute comme « la pro
p rieté d'un sujet donné,» mais comme - « la manière d'être essentielle
de cet étant» `i) que le « Dasein » pst aussi ? Le droit de parler d'une
« possibilite ontique . de la compréhension de l'être » (z) n'est-il pas
fondé ? L'ambigu te fondamentale du Dasein ne trouve-t-elle pas sa
raison -dans la structure interne de la phenoménahté effective .
(I) MAR%, Ouvres Philosophiques, trad. MOLITOR, Costes, pans, 1946, VI, 84.
I 5 6 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
elle n'est pas créatrice par rapport à l'étant mais seulement réceptrice
que cette connaissance est dite finie. Finie , la connaissance l'est parce
que son contenu ne provient pas d'elle, parce qu'il n'est pas ce qu'elle
s'objecte. Le contenu de la connaissance présuppose cependant ce que
la connaissance s'objecte . C'est seulement comme objet que l'étant
est susceptible de former le contenu d'une connaissance , qu'il est
connu. La receptivite de la connaissance finie à l'égard de l'étant
présuppose sa receptivite â l'égard de l 'objet. Plus exactement, le
problèîzze de la réceptivité de la connaissance à l'égard de l'étant est celui de sa
recepüvité à l'égard de l'objetpuisque c'est justement comme objet que l'étant
est reçu. La finitude de la connaissance ontique est identiquement
autre chose . Elle est la finitude d'une : connaissance qui a besoin de
l'objet pour la réception de l'étant. Elle est la finitude de 1a connais -
sance ontologique.
Ce dont la connaissance ontique a besoin pour la réception
de l'étant, la connaissance ontologique le crée elle-même. C'est dans
l'acte propre de la transcendance que surgit l'horizon transcendantal
de l'être. Pourquoi la connaissance ontologique, créatrice de son
objet, est-elle dite finie ? Parce que l'horizon de la transcendance
est lui - même fini, La finitude de l'horizon signifie la finitude de la
p henomenalité effective. C'est la place où surgit la lumière, c'est la
place elle-même comme telle qui est finie. La lumière est cette finitude
d'une place. La finitude a une signification ontologique . Elle concerne
la structure interne de l'essence originaire et p ure de la phenomé=
nalite en tant que cette essence ne se réalise que dans le processus
par lequel elle s'objective sous la forme d'un horizon fini. La pheno-
menalité qui devient effective dans l'objectivation de cet horizon est.
elle-même une p hénomenalité finie . La manifestation est finie en tant
qu'elle se produit. La finitude de la manifestation en tant qu'elle se
produit signifie la finitude de la manifestation en tant que- telle. La
finitude est une structure eidétique de d'essence de la phénomenalité.
« Ce dont il s'agit au fond, dit Heidegger , c'est de mettre en
LE MONISME ONTOLOGIQUE "7
liberté, dit Heidegg er, « ne p eut se dérober â ce qui p rend d'elle ainsi
naissance » (Z ). Ce à
q uoi la liberté ne p eut se dérober est donc ce q ui
(I) K, 278.
(2) WG, 1 0g.
a 8 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) Qu'est-ce que la Métaphysique r', trad. H. Cons, Gallim ard, Paris, 42, sou-
ligné par nous.
I Gz L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
K, 279.
LE MONISME ONTOLO GI U
Q E iG
RÉPÉTITION DB L'ÉLUCIDATION
DU CONCEPT DE PHÉNOMÈNE
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
Car c'est. sur _ le fond de cette manifestation que l'étant est ce qu'il
est. A la conscience naturelle qui saisit chaque fois l'étant avec se s
caractères propres , l'être est d'ores et déjà donné : la manifestation
de l'être est originaire.
La détermination de l'étant par l'être exprime la dépendance
de ce qui apparaît à l'égard de l'acte d ' apparaître considéré en et
pour soi. Dans la pure apparence la détermination trouve l 'origine
. .
de son destin : ce destin qui est le sien lui est etranger. Que son
propre destin soit étranger au contenu de la détermination ne signifie
pas qu' il le soit aussi à la conscience naturelle q ui vit en présence
de ce contenu. Pour s ' adonner a la conside•ation exclusive de l'étant
la conscience doit avoir accès. à l'être. L'être se manifeste a la conscience
naturelle comme ce qui lui permet d'être ce q u'elle est une conscience
qui vise l'étant. La conscience vit donc en résence de d'être ui est
p q
cette présence même. La presence de l'être dans laquelle vit la
conscience naturelle ' n'est pas une p resence su osée une condition
Pp
dé gagée par la réflexion philosophique et p ensée ar elle comme la
.• , p
presupposition de toute relation possible à l'étant . La présence de
l' être qui rend possible cette relation, c 'est-à-dire la conscience
elfe-même, est bien plutôt presente en elle-même. C'est parce que la
relation est p resente , p arce que l'être se manife ste, que la conscience
naturelle a effectivement un rapp ort avec l'étant. La réalité de la relat an
est sa manifestation. La manifestation de la relation est la manifes-
tation de l'être qui est donnée a la conscience naturelle des qu'elle se
rapporte à l'étant. La manifestation de l'être est la manifestation de
l'absolu. La manifestation de l'absolu estLson
bsoluité. a '
absolulte
de l'absolu est la Parousie ; Dès qu'elle se rapporte `a l'étant la
conscience naturelle doit se tenir dans la Parousie elle est deja la
connaissance absolue, la science qui u à son premier pas parvient dans
la Parousie de l'absolu, c'est - à-dire est P rès de son absoluité ( x) »
(I) H, 126.
i68 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) H, 190.
(2) ID., 1 89.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 16 9
(I) H, 178.
(2) Cf. ID., 175.
172 L'ESSENCE DE LA MANIFESTA TION
sente l'être, cela veut dire que l'être se manifeste â elle et lui est
accessible en dehors de toute modification de sa vie qui aurait l'être
pour thème, en dehors de toute prise de position et de toute visée
particulière. La conscience naturelle se représente l'être sans faire
de lui le thème de sa visée Parce que la représentation de l'être est
l'essence de la conscience en général. La representation désigne
maintenant l'essence de la conscience, la manifestation de soi de l'être,
la Parousie. C'est en un sens radicalement différent que la conscience ph:lo-
sophique se représente l'être dans le savoir vrai, La conscience pbzlosophtque
se représente l'être comme la conscience naturelle se re presenfe l'étant, en
faisant de lui le the`me de sa visée, a l'intérieur d'une modification déterminée
de la vie de la conscience en général. Bien qu'il soit l'être et non plus l'étant
l'objet de la conscience philosophaque est un objet au même sens que l'objet de la
conscience naturelle, c'est quelque chose qui se donne à la conscience par la
médiation d'un acte déterminé de celle-ci, à l'intérieur d'une visée spécifique
et comme son corrélat strict et lui-même déterminé.
A la division radicale du concept de représentation correspond
une division radicale° du concept d'obljet. L'objet vers lequel la
conscience se tourne pour se le « représenter» est un objet déterminé.
Détermine, cet objet l'est par l'acte qui se dirige sur `lui et comme ce
qui se donne â cet . acte. L'objet de la conscience philosophique est
un objet, au sens ordinaire du mot. Mais l'objet de la conscience
dans son essence universelle n'est détermine par aucun acte de la
conscience, il n'est solidaire d'aucune déterminations Particulière
de sa vie. En tant que l'objet de la conscience dans son essence
universelle se donne a elle en l'absence de toute visée particulière
se dirigeant sur lui, il. n'est . Pas « quelque chose « que la conscience
puisse atteindre dans un acte, il n'est Pas un « obljet» au sens ordinaire
du mot. L'objet de la conscience universelle est plutôt la condition de
possibilité de tout « objet» comme la représentation de la conscience universelle
est la condition de toute « représentation » particulière, de tout acte spéci-
fique visant chaque fois un « objet ». L'obljet de la conscience dans
TRANSCENDA. NCE ET IMMANENCE 177
(r) Parce que l'horizon de l'être n'est jamais l' « objet » d'une « re résentation
particulière, la possibilité de la représentation de l'être dans p
le savoir. philosophique
demeure problématique . Ce qui est represente dans le savoir philosophique n'est
peut-être pas 1'etre lui-même, mais seulement une « representation » de 1 etre,'une
signification objective dont le sens est de renvoyer à l'essence originaire de 1'horizon
et de sa manifestation, Cette signification objective trouve évidemment son fonde-
ment dans l 'horizon lui- même . Dans la nature de celui -
ci, toutefois, ne se trouve
pas seulement le fondement du savoir philosophique , mais sans doute aussi sou
motif. Car le savoir philosophique ne surgit avec le problëme du savoir de soi de
l'essence que pour autant que celle-ci parait « obscure ». Mais peut - être 1'essence ne
paraît- elle obscure qu'au regard de la visée que la conscience dirige sur elle dans
la pensée thématique , peut-être l'obscurité de l'essence est-elle le fait de la « repre
sentation ».
(2) H, 136.
178 L' ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(=) H, 163.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE x8 z
naturel est, si l ' on veut, une essence, c'est un savoir typique dont on retrouvera de
multiples exemplaires . le savoir naturel est toutefois l'essence elle-même comprise
dans sa structure ontologique universelle en tant précisément qu'il est un savoir,
c'est-à- dire la manifestation de soi de l'essence de la manifestation et, comme tel,
la Parousie.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
183
.dire,. ne font qu'un, elles consistent dans . -1a manifestations de- soi. de
l'être, c'est-à- dire dans la structure ontologique
universelle de l'essence
absolue. La compréhension existentielle trouve son
fondement dans la
compréhension ontologique de l'être . Celle-ci est la compréhension, non
plus d' une signification déterminée mais de d'être lui-même comme
,
fondement de toutes les significations possibles.compréhension
La '
ontologique
• deual'être est la manifestation
rneme originaire de l'être
dansal
la conscience en général . Comme telle la compréhensionontologique ' est
identiquement la structure universelle de l'essence absolue. L a comprehen-
{ sion ontologique differe de la com ` réhension existentielle en ceci. que
l' être qu'elle comprend n'est p as compris dans un acte '
de saisie de
la conscience mais : précède au contraire tout acte de • comme
saisie
ce qui le rend possible.
Dans la compréhension ontologique l'être réside lede •
savoir
absolu. Le savoir vrai ou philoso est une '
phique comprehenslon
existentielle ou, pour mieux dire , existentiale de la com '
prehen^lon
ontologique. Mais toute compréhension existentielle de la compr'
ehen-
sion ontologique n'est pas forcément vraie ni forcément philoso-
phique. Si elle ne se limite a la com réhension d'une
pas p determi-
nation existentielle considérée dans sap articularite
p nsion la com rehe
existentielle implicite de soi de l'existence est, une . comprehenslon
existentielle de la compréhension ontologique, l;'esquisse- implicite '
et le plus souvent impropre d'une com p réhension
stentiale.. ex '
A vrai dire, et précisément parce qu'une détermination existentielle
est une détermination de l'existence la com
p ension reh '
existentielle
implicite de soi de l ' existence est toL'ours implic i tement une compta-
hension existentielle de l'essence de l'existence dans sa structure onto-
logique universelle , c'est-à- dire une com rehensio
p .: '
n existentielle de la
compréhension ontolo gique Le savoir philosophiq ue ..n'est qu 'une
thématisation, conduite avec le mate'riel conceptuel exige et '
elabore
à cette fin, de cette compréhension existentielle implicite de soi• de
l'existence , c'est- à-dire de la compréhension ontologique .elle-meure.
184 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
M. HENRY
7
186 L'ESSENCE DE LA MA NIFESTA TIO N
pas l'essence, n'empêche pas qu 'elle soit cette essence dont elle
n'est séparée que dans la représentation illusoire qu'elle se donne
d'elle-même . La sep aration de l'essence et de l'existence dans
la représentation est une . se p arat on irréelle. Irréelle,
f toutefois, cette
séparation ne` l'est pas parce qu'elle est fausse, mais parce qu'elle se produit
à l'intérieur de la représentation, c'est-â-dire comme une signification
ication vife'e
par la conscience dans un mode déterminé de sa vie ( i ) L'unité de l'essence
et de l'existence telle que nous pouvons la comprendre dans le savoir vrai
n'est pas moins irréelle, en tant justement qu'elle est une unité comprise
par nous, une unité qui appartient à la compréhension existentielle de
foi de l'existence, telle qu'elle s'accomplit du moins à l'intérieur du
savoir philosophique.
La conscience
., malheureuse du judaïsme ne se représente p as
l'unité de l'essence et de l'existence , cette unité n'est pas pour elle
(fur es), elle est au contraire p our nous (fur uns) qui comprenons
l'existence dans sa vérité , c'est-à-dire comme l'essence . Lorsque
la conscience naturelle se sera élevée à travers toute la série de ses
expériences, à travers l'expérience de la conscience malheureuse, au
savoir philosophique qui est le nôtre, l'unité de l'essence et de
l'existence qui constitue l'essence de cette conscience lui deviendra
présente à elle-même, ne sera plus seulement une urute pour nous. La.
conscience sera apportée devant sa vérité , Sa vérité, à savoir l'unité
en elle de l'essence et de l'existence , sera une vérité p our elle Uur
sich). Toutefois , et comme on vient de le voir, l'unité de l'essence et de
l'existence qui est pour la conscience qui parvient à la com p rehens on
de son essence (fi?r sich) comme elle est pour nous (ftr uns) qui
nous mouvons à l'intérieur du savoir philosophique, n 'est. p as moins
irréelle que la séparation de l'existence et de l'essence qui est pour
la conscience malheureuse, p our la conscience naturelle en generai
(I ) PhE, I, 74.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 191
tout
..,est pour la conscience, Hegel doit- dire précisément Parce que
cet être-pour- la-conscience est seulement un être pour et dans sa
représentation - que quelque chose aussi P ourtant n'est as our
P P
elle. Qu'est-ce donc qui n'est pas pour elle mais seulement Pour
nous? .
Le mouvement de l'expérience est, selon Hegel, celui par le quel la
conscience s'aperçoit que l'obljet qu'elle prenait j' us que4â pour l'en-.
soi, la vérité, est seulement en réalité un en-soi pour elle, ; et que , Par
conséquent, c'est l'être-pour-elle de cet en-soi qui est, en fait, la vérité.
Dans un tel mouvement la conscience Passe d'un objet à un antre le
premier est l'en-soi, l'étant, le second est l'être-pour-elle de cet
étant. Le second objet est simplement lu vérité du remier objet, son essence
mais « cette considération de la chose est notre fait» (t). La conscience
qui fait l'expérience et pour qui le second objet vaut maintenant
comme la vérité ne voit en lui qu'un nouvel objet, qui remplace
purement et simplement le Premier. Elle ne comprend pas d'où lui
vient ce nouvel objet, la suppression du premier est Pour elle une
semple perte . qu'elle éprouve dans la souffrance. La naissance du
nouvel objet à Partir du premier, comme simple vérité de celui-ci, le
mouvement de son être-devenu, voila ce qui n'est P as P our elle' . ce
qui « se passe pour ainsi dire derrière son dos » (z), ce qui est seule-
ment pour nous. Mais, on l'a vu, ce qui est pour nous est aussi irréel que
ce qui est seulement pour elle. Le mouvement de naître du nouvel obljet,
s'il est réel n'est pas seulement pour nous. La réalité du mouvement
de l'expérience n'est, à vrai dire, ni Pour elle, ni pour nous. L'expé•.
rence réelle ne se produit ni devant la conscience, ni derrière elle elle se
produit dans la dimension ontologique originaire de l'être-pour-soi. La
compréhension du mouvement de l'expérience dans la représentation
du devenir du nouvel objet, voilà ce qui est seulement pour nous ce
(I) PhE, I, 7
(2) ID., 77.
1 98 L'ESSENCE DELÀ MANIFESTATION
qui peut ne pas être pour elle. Le « moment qui n'est pas présent pour
la conscience qui est elle-même enfoncée dans l'expérience » (x).
est un moment abstrait. Loin de constituer la réalité, l'être pourMnous
en . est la simple représentation. La confusion de la réalité avec la
représentation est lourde de conséquences : ce qui ne s'étale pas
devant la conscience doit, s'il est réel, se trouver quelque part
ailleurs, de telle manière cependant qu'il soit lui aussi une représen..
tation, un contenu étalé pour une conscience possible . De ce qui ne
se produit pas devant la conscience on cura donc qu 'il se panse
« derrière elle ». L'intellectualisme, que ce soit celui de Hegel. ou de
Freud est une doctrine de l'inconscient.
,
Ce qui se passe derrière la conscience est cependant ce vers
quoi la conscience tend, ce qu'elle aspire à se représenter . Lorsque
la conscience se représentera ce qui se passe derrière le dos de la
conscience naturelle, ce qui est seulement pour nous sera aussi pour
elle (ftr swb), la conscience sera parvenue au savoir vrai. Le mouve..
ment de la conscience vers le savoir vrai est le mouvement. de l'expé-
rience. Le mouvement de l'ecpérience trouve son origine, selon
Hegel , dans l'inégalité qui existe entre la conscience de l'objet
et la conscience de soi, dans la différence, dit Heidegger, entre le
savoir naturel et le savoir réel. Lorsque cette différence sera sup..
primée , lorsque la conscience sera égale â son objet, parce que cet
objet sera la conscience même, alors l'expérience s'arrêtera. En quo
consiste , cependant, l'inégalité entre la conscience de l'ob jet et la.
conscience de soi, la différence entre le savoir naturel et le savoir
réel, différence qui se trouve à lori du mouvement de l'expe
rience ? Le savoir naturel. c st le savoir de la conscience qui vise
l'étant, Le savoir réel est le savoir qui permet le savoir naturel
c'est la manifestation originaire de l'être qui rend possible la manifes..
tation de l'étant . Le savoir réel est immanent au savoir naturel.
il doit l 'être à son début. a conscience, ; vrai dire, ne parvient pas plus
au savoir absolu qu'elle ne s'en sépare . L'absolu est l'être lui-même,
le savoir absolu est la manifestation de soi de l'être . En tant qu'elle
est la manifestation de soi de l'être, la conscience est elle-même le
savoir absolu. Le problème du savoir absolu est le problème de la structure
interne de la conscience en général.
Que la conscience doive être parvenue au savoir absolu, et cela
des le début de son histoire , ne signifie ` certes pas que le savoir
absolu soit équivalent au savoir naturel . Le savoir absolu n'est p as le
savoir naturel par lequel commence l'histoire de la conscience,
il est son essence. Dans ce qui est au début il convient donc de
distinguer une modalité de la vie de la conscience' modalité dans
laquelle cette conscience commence l'histoire de sa vie, et, d'autre
part, ce qui rend possible un tel commencement , a savoir le commen-
cement lui-même. Le savoir absolu est ce commencement absolu il
est l'origine , et cela en un sens ontologique et non pas seulement
existentiel, l'origine qui est le surgissement de la dimension effective de la
pbénomenal:té où q uel que chose en general, et le savoir naturel d'abord
peuvent se produire, c'est-â-dire se manifestera Comme il est celle
du savoir naturel , le savoir absolu est aussi l'essence du savoir vraie.
A la différence du savoir naturel celui-ci se re p résente l'acte même p ar
lequel il surgit et se rend ainsi p resente â lui-même - sa p rop re origine.
Mais cette manifestation de l'ori gine dans la représentation du savoir
vrai - n'est pas l'origine elle-même, elle la presuppOse en tant que,
comme tout autre savoir , le savoir vrai se manifeste d'abord, sur le
fond en lui de l'essence de la manifestation . Précisément parce qu'il
est l'essence commune du savoir naturel et du savoir vrai le savoir
absolu est etranger à leur histoire, le passage . du savoir naturel au
savoir vrai ne le concerne pas. Le rapport du savoir absolu au savoir
naturel et au savoir vrai est celui , précédemment étudié, qui existe
entre l'essence de la conscience et ses l déterminations existentielles.
La dissociation entre la vérité ontologique, qui constitue l'essence
zoz L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) H, 175•
(2) L, 163.
X06 L'ESSENCE ' DE LA MANIFESTATION
conscience de ce qui était avant elle. Ce qui était avant elle était
déjà l'es prit, car, comme le dit encore Hegel, « ce que l'esprit est,
il le fut touj ours en soi » (i). Mais l'en-soi de l'es prit est l'être-
pour-soi originaire de l'essence de la manifestation, et cet être-pour
soi de l'essence n'est pas le fait de la re p résentation mais sa condition.
En rej etant la représentation hors de l'essence, la distinction de la
vérité ontologi que et de la vérité existentielle nous interdit de
considérer cette essence comme inachevée tant que la représentation
ne la comprend pas . Elle écarte l'affirmation selon laquelle la conscience
est « quelque chose qu'elle n 'est pas encore » (z). Ce que la conscience
n'est pas encore, n'est pas la conscience n'appartient pa: à la sphère de la
,
réalité. Ce que la conscience n'est p as encore est seulement la science,
l'élément idéal qui a besoin de la réalité mais qui ne la produit pas,
L'identification de ce que la conscience n'est pas avec ce qu'elle est,
est la tentation de la science, l'illusion qu'elle a, en se comprenant
elle-même, de comprendre la réalité,
Le savoir philosophique manque son but lorsqu 'il s'interroge
sur lui-même, au bien il faut qu'il pousse cette interrogation assez
loin pour qu'elle soit identiquement une interrogation sur l'essence
de tout savoir comme tel. Ce n'est pas le savoir philosophique qui
importe, La philosophie vient toujours trop tard car ce qu'elle dit
était au commencement,
(I) L, 77.
(2) H, 167.
TRANScENDANGE ET IMMANENCE 207
(I)K,92.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 21 3
(I) K, 8o.
21 4 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) K, 210.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 215
tant qu' elle . est la libre invention... d'un ' horizon : par-delà.. l'étant,
le problème de la structure interne de l'imagination transcendantale est celui de
comprendre comment celle-ci peut être réceptrice à l'égard de ce qu'elle forme.
C'est encore une solution purement négative , et partant illusoire,
qu'il convient d'écarter en remarquant qu'on ne peut donner ,
comme fondement de la réceptivité de l'imagination à l'égard de
l'horizon, le fait que celui- ci est formé par elle-même, Cette solution
semble se proposer lorsque, par exemple, Heidegger dit , Y a propos
sans doute des intuitions pures, mais justement pour montrer que
leur essence réside dans l'imagination, qu'elles reçoivent la vue pure
de l'espace- et du temps mais que « cette réception est en elle-même un.
acte formateur qui se donne à lui-même ce qui s'offre » ( I ) Q ue . le
contenu ontologique pur que s'objecte l'essence soit formé p ar
celle-ci n' explique en aucune façon comment un tel contenu est
aussi reçu par elle . Bien au contraire, une telle formation de l'horizon
pur de l'être par le pouvoir ontologique de la connaissance n'a sans
doute un sens , un sens phénoménologique, que pour autant que ce
qu'elle forme se manifeste , c'est- à-dire est reçu par elle. Ainsi la
capacité qu'a l'imagination de produire le contenu pur qu'elle
s'objective
. sous la forme d'un horizon, la possibilite pour elle
justement de s'objecter un tel contenu, trouvent elles leur fondement
-
dans l'aptitude
.. qu'elles ont de le recevoir. L'essence de la sp ontanezie réside
dans la réceptivité. Ce n'est pas rien, assurément , de montrer que
l'intuition pure est, en tant que formatrice, imagination . Que l'intui-
tion pure soit imagination ne résout pas cependant le probleme de la
possibilité la plus ultime de l'essence de l'objectivation en tant que
toujours celle-ci reçoit ce qu'elle forme , et cela comme la condition
même de cette formation.
En fait, la solution au problème de la structure interne de l'imagination
transcendantale en tant que celle-ci est essentiellement réceptrice, consiste à dire
non plus que l'intuition est imagination , mais, bien plut5t, que l'imagination
est intuition. « L'imagination est aussi, et même surtout, une faculté
d'intuition .» (i), dit Heidegger, qui cite encore la parole de Kant
selon laquelle l'imagination est « constamment sensible » (2). Pourquoi
donc l'imagination qui vient d'être pensee comme l'essence de
l'intuition voit-elle au contraire celle-ci def nir maintenant sa propre
essence ? Un tel renversement dans l'ordre des concepts et des
essences ne se produit p oint par hasard mais précisément au moment
où se pose clairement et sans plus pouvoir être différé, le probleme
de la perceptibilité de l'horizon, c'est-à-dire en fait celui de sa réceptivité.
La problématique concernant la manifestation de l'étant a fait
apparaître comme sa condition la manifestation pure de l'être.
« Pour que l'étant puisse s'offrir comme tel, l'horizon dans lequel sa
rencontre pourra se faire devra se manifester , lui aussi, sous la forme
d'une offre sollicitante (3), » Ainsi l'horizon de l'être ne peut-il
. accomplir son oeuvre et permettre à l'étant de se manifester que s'il
est 1w-même perceptible . « Si l' horizon d'objectivation doit remplir
sa fonction, cette forme d'offre a besoin d'une certaine erce ti-
bilite (4). » En quoi consiste celle-c:, que signifie, enfin, our l'hori on « être
p ^
perceptible » ? « Nous appelons perceptible ce qui est susceptible
d'être immédiatement re çu Par l'intuition (s) » De même â propos du
« terme de l'orientation
, », n'est-â-dire - de l'horizon qui permet la
rencontre de l,etant, Heidegger parle de la « nécessité de sa peicepti
bilitimmédiate dans une intuition pure » ( 6). C'est donc l'intuition
qui rendpercep
Cible
^l'hori on en le recevant . Mais parce qu 'elle
précisément
le rend perceptible, la réception de l'hori on est identique avec sa ormation.
f
(i) K, 210.
(2) ID., 204.
(3) ID., 148.
(4) Ibid.
(5) Ibid.
(b) ID., 178-179.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 211
(r) K, 187.
(2) Cf. supra, Introduction § 3.
(3) K, 149, souligné par nous.
M. HENRY
2 18 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) K, 205.
(z) ID., 84, souligné par nous . Kant disait déjà, non moins explicitement
« Chacune des deux (l'intuition et la pensée ) est certes représentation », Ueber die
Fortschritte dey Metaphysik seit Leibniz und Wolff, OEuvres (C ssnu R), VIII, 312,
cité par HEDEGGER, ibid.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
- 221
(I) K, 159.
(2) ID., 18o..
(3) ID.., 15.7..
224 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) K, 156.
(2) ID., i6o.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 225
(I) K, 159.
(2) ID., 16o, souligné par nous;
z26 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) HEIDEGGER remarque lui-même dans Sein und Zeit (p. 356) que « l'idée
de l'intuition conduit depuis le début de l'ontologie grecque jusqu 'à aujourd'hui
toute interprétation de la connaissance p. Ce primat de l'intuition est encore af irrnc,
de façon aussi solennelle qu'explicite, par I ArTT, dès le début de la Critique ( Estize
tique transcendantale) : « de quelqûe manière et par quelque moyen qu'une connais-
sauce puisse se rapporter à des objets, le mode par lequel elle se rapporte immédia-
tement aux objets et auquel tend toute pensée comme au but en vue duquel elle
est le moyen, est l'intuition . » (Critique de la Raison pitre, trad. TREMESAYGUES
et PACAUD, Presses Universitaires de France , Paris, 1950, 53).
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 227
(I) K, 245.
23 0 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
dimension alors qu'il n'est pas là ? Pas plus que le futur et le • passé,
toutefois, l'étant ne saurait définir le present. Car le present n'est
qu'un instant évanouissant qui ne serait rien du tout s'il ne consistait
en fait à voir venir et à voir passer la chose dont nous disons qu'elle est
là maintenant pour nous. Le maintenant suppose donc, comme
appartenant à sa structure même, l'acte de. pré-voir. et celui de retenir
dans le regard, c'est-à-dire l'horizon pur qui rend possible toute
présence comme telle.
Ce qui affecte le temps n'est donc pas l'étant mais l'horizon
pur de l'être. L'affection par soi, qui co-constitue l'auto-affection,
n'est pas le fait, toutefois, de cet horizon lui-même, car celui-ci
demande, préalablement à l'acte par ple temps
lequel . il eut affecter ?
à être formé. Cette formation est l'æuvre du temps lui-même. C'est juste-
ment parce que l'affection du temps par l'horizon pur de l'être est une
affection par un horizon que le temps a lui-même formé, que cette
affection du temps est une affection par soi. Ce qui affecte n'est
donc pas, finalement, l'horizon du temps pur mais plutôt le pouvoir
originaire qui déploie cet horizon. C'est le temps originaire qui
s'affecte par la médiation du temps pur. En s'affectant par la média-
tion du temps pur, le temps se sollicite sous la forme de l'horizon.
C'est parce que cet horizon est produit par le temps originaire
lui-même, parce que cette sollicitation vient de lui, que le temps
« forme l'essence de toute auto-sollicitation:» (i) En tant qu'il produit
le temps pur, c'est-à-dire en tant que faculté formatrice pure capable
de susciter l'horizon transcendantal de l'être, le temps originaire
apparaît comme le pouvoir qui est susceptible . de poser autre chose
que l'étant, il se révèle être imagination « l'imagination transcen-
dantale est le temps originel » (z). C'est en tant qu'imagination
que le temps est une intuition capable de faire surgir d'elle-même le
(I) K, 244.
(2) ID., 242.
TR.A NSCENDA NCE ET IMMANENCE z
3'
(I) Dans cette mesure une telle intuition est une intuition « originelle A, c'est-à•
dire une intuition dont le « mode de présentation » est un mode « productif'
(cf. K, 99 s4•) •
(2) ID., 230.
(3) ID., 246.
(4) Ibid.
232 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(r) « I,e temps ne peut être perçu ' en lui - même », Critique de la Raison pure,
oj. cit., i78.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
233
(I) K, 244.
(2) Ibid.
234. L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
d'être affecté, c'est- à-dire l'affection de soi, définit le sens interne que
celui - ci est, dans son essence , le temps lui-même. « Le sens interne
pur est l' affection pure de soi, c' est-à-dire le temps originel (x). »
Mais le temps, enfin, constitue l'essence de la transcendance. Parce
que l'essence du temps réside dans l'affection de soi, celle-ci détermine
aussi, par conséquent, l ' essence de la transcendance elle-même.
« L'affection .pure de soi, dit encore Heidegger , détermine l'essence
profonde de la transcendance (2) . » i
La comprehension de l'essence du temps comme affection de soi
nous amène à instituer une distinction radicale entre le temps pur et
le temps originaire . Le temps pur est l' horizon de la succession
originellement formée par les places pures du futur , du passé et du
présent. Un tel horizon est ce qui se forme dans la transcendance, il
est son objet pur. En tant qu'il est un objet pur, le temps est plus
ou moins comp arable à l'espace, il est le contenu ontologique d'une
intuition, Le temps pur, toutefois, n'est pas le temps réel. Le temps pur
n'a en lui-même aucune réalité parce qu 'il ne se forme ni ne se
manifeste par lui-même. En tant que tel il renvoie nécessairement
à autre chose, à l'essence originaire du temps qui forme l'horizon de
la succession en le recevant , c'est-à-dire à la transcendance elle-même,
pour autant qu'elle est capable justement de recevoir cet horizon,
pour autant que le temps originaire qui la détermine dans sa nature la plus
profonde est dans son essence affection de soi. Ainsi le temps n'est-il pas
seulement ce que s'objecte la transcendance mais, bien plutôt, ce
qui la rend possible . Ce que s' objecte la transcendance est l'horizon
du temps pur. Ce qui la rend possible en assurant la réception de ce
qu'elle developpe, à savoir le temps pur lui-même , est le temps
originaire en tant qu 'il est affection de soi. Celle-ci, toutefois, n'est
pas seulement la condition du temps pur, elle est celle de tout ce qui
(i) K 253•
(2) ID., 245.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
235
(I) K, 229.
238 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) K, 229•
(2) Ibid., souligné par nous.
240 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
de l'horizon, ce n'est pas dans l'être séparé de celui -ci, c'est en elle
que la réalité doit être cherchée. Lorsqu'il est séparé du pouvoir
qui assure sa formation phenomenologique dans l'acte par lequel
il le reçoit, l'horizon perd, avec la possibilité de s'offrir à nous, sa
réalité même. L'horizon pur de l'être considéré en lui-même est.
abstrait. Du temps pur il a été montré qu'il n'est pas le temps réel.
Mais la separation radicale instituée entre le temps originaire et le
temps pur implique en fait leur non-séparation , l'impossibilité absolue
de saisir l 'horizon du temps pur indépendamment de l'acte par lequel
le temps originaire de l'affection de soi le forme en s'affectant lui-
même. La prétention de circonscrire la réalité de l'acte qui reçoit
l'horizon dans cet horizon ouvert, est celle de fonder la réalité du
temps originaire dans le temps pur . Ou bien, si elle est fondée, elle
revient à dire que l'être-essentiel de l'essence réside dans la manifes-
talion de l'horizon. Mais cet être-essentiel de l'essence est justement
le probleme dont la premiere élucidation a conduit devant la tâche de
comprendre ce qui constitue la possibilité de la réceptivite comme
telle. Loin de fonder la réalite' de l'acte qui reçoit l'horizon de l'être,
la manifestation de cet horizon trouve au contraire en elle la
condition de sa possibilité.
Une fois écartée la possibilité de définir la réalité de la transcen-
dance à partir de celle de l'horizon dont elle fonde en fait la pheno-
ménalité, c'est-à-dire la réalité même, c'est à l'acte de la transcen-
dance considéré en lui-même que la pensée s 'attache. Ce qui constitue
l'essence de cet acte a été compris comme la réceptivité . La déterrai
nation de la transcendance comme réceptivité se fait jour au moment
où il s'agit de saisir cette transcendance dans son essence même,
c'est-à-dire dans ce qui assure la possibilité de sa cohérence interne.
La réceptivité assure la possibilité de la cohérence i nterne de la
transcendance en tant qu'elle est le pouvoir de retenir près de soi
en le recevant l'horizon que l'essence a elle-même formé. En quoi
consiste, plus précisément, cet acte de retenir près de soi l'horizon
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 243
se phénoménalise et qui est visible comme tel. La. réalité de la Iran scen-
dance n'est cependant pas définie par la phmnoménalité de d'horizon transcen-
danlal de l'être, elle est, bien plutôt, présupposée par celle-ci. La présuppo-
sition de la transcendance comme condition de la formation du
milieu phénoménologique de l'être demeure toutefois totalement
indéterminée , sa prétention de saisir la structure ultime de l'essence
de la manifestation reste en fait sans fondement, aussi longtemps que
ne se manifeste pas ce qui se trouve par elle présupposé, à savoir la transcen-
dance elle-même dans sa réalité propre. Car, comme il a été montré, la
réalité
_ de la transcendance ne . réside p as dans le milieu p hénomeno-
logique de l'être . Mais, lorsque vient le moment de faire la preuve de
cette réalité et de fonder , en lui conférant un statut phénoménologique,
l'acte originairement imaginatif de l'essence qui s'ôbjecte dans
l'horizon , c'est à la phénoménalite' de celui-ci qu'il est fait :secrètement
appel. La thèse selon laquelle la réception de l'horizon trouve sa condition
dans le mouvement de la transcendance qui le forme en le posant devant, ne se
recouvre pas avec celle qui situe la réalité de l'acte qui reçoit dans la mani-
festation de l'horiron ouvert de l'être, elle lui emprunte pourtant toute sa force.
Ou bien, si la phenomenalite de l'horizon transcendantal de l'être
ne contient pas la réalité de l'acte de la transcendance qu'elle presup-
pose en fait, la réalité de cet acte ne doit-elle pas être cherchée, dès
lors, en dehors du milieu ontologique de la vérité . L'incapacité de saisir la
réalité de l'acte originairement formateur de l'horizon , la philosophie
de la transcendance . ne peut-elle la faire sienne et la revendiquer
comme un témoignage de sa propre fidélité au réel, si la vérité
trouve sa condition dans une non-vérité plus ancienne qu'elle
Si, par exemple, l'instauration kantienne du fondement de la meta-
physique « ne mène pas à l'évidence absolue et claire d'une première
thèse ou d'un premier principe mais ... se dirige et nous renvoie
consciemment vers l'inconnu » (i), n'est-ce pas précisément parce
(I) K, 9798.
246 L'ESSENCE DE LA MA NIFESTA TION
non-appartenance
.. .... ,de ..
celui-
_ci .:.....,
au milieu ontolo
::g_ iqueêtre
de l'" . Ainsi ., séparé d ' un
tel milieu , l'homme n'estpas autre chose qu u 'une
' une réalité d'ordre
ontique . A l'étant, sans doute , ` il appartient d ' être éclair'e par l
'être
qui le dépasse dans l ' horizon ou il lui permet de se manifester. Mais ,
l'être n ' éclaire pas l'homme comme il éclaire l'arbre ou la fle
ur. Lare
éclairé
,, par l'être , cela
p figni
f ie our l'hommerecevoir sa lumière, de telle
manière cependant qu'il devienne lui-même cette lumière et puisse ainsi se
rapporter aux autres étants et à lui-même en les éclairant à son tour. « Il
appartient à la vérité de l'être , dit Heidegger, de relier a elle, d 'une
manière privilégiée, l'essence de l'homme (i). » .
. C'est sur cette manière dont l'être
privilégiée e rell
a lui' l'essence
de l'homme qu ' il convient, à vrai dire de s'expliquer. En tant que
l'essence de l'homme est reliée à la vérité de l'être d'une manière
privilégiée, elle n'est rien d ' autre que ce qui est capable de recevoir
la lumière de cette vérité , d'entrer . en elle, de parvenir jusqu'à e1 le et
de devenir ainsi elle-même cette vérité . Un tel parvenir dans la vérité
de l'être qui signifie devenir intérieurement cette vérité l'étant est par
lui-même bien incapable de l'accomplir . Sur lui brille la lumière mais
seulement comme ce qui ne • pénètre pas en lui comme ce qu'il ne
A
devient pas lui-même et lui demeure en fait étran ger à jamais. C
n' est pas comme étant, a vrai dire , que l'homme est ca pable de rece
voir voir la vérité. Comment donc la reçoit-il, sinon sur le ond en lui de l'essen
f ce
originaire et pure de la manifestation ? Ainsi l'essence de la vérité ne
peut-elle être réalisée hors de l'homme sans que ne se pose immé-
diatement le problème de sa réception par l'homme^ c 'est-à-dir
e,
en fait, celui de la présence en lui de cette vérité. Plus essentielle toute
fois,
que la question de savoir comment l'homme reçoit la vérité de l'essence est celle
de savoir comment cette essence se reçoit elle-même . Car l'homme ne peut
précisément recevoir la vérité que par l'action en lui du ouvoir ontolo i ue
p gq
pur qui assure la réception de cette vérité, par l'action de l'essence en tant
qu'elle est capable de se recevoir elle-même.
L'intervention de l'homme dans la problématique qui concerne
l'essence de la manifestation a seulement pour effet de la détourner
de son vrai problème et de masquer à ses yeux ce qui constitue le fond
le plus essentiel de la possib ilité ultime qu'elle vise. Cette possibilité
réside tout entière dans l 'essence de la manifestation, non dans
l'homme . C'est l'essence qui assure dans l'homme la réception de la
vérité, réception dans laquelle cette vérité se conquiert elle-même et
devient ainsi seulement ce qu'elle est, l'essence effective de la phéno
ménalité. Que la vérité ne réside pas dans l'homme mais seulement
dans l'essence, ne signifie pas, toutefois, qu'elle se confonde avec le
'eu absolu de l'extériorité pure, ne signifie paf, plu, précisément,
que la phénoménalité effective de ce milieu trouve en lui la condition de sa
possibilité. ` Telle est, cependant , la présupposition implicite de la
philosophie de l'être au moment où, en opposant la vérité à l'homme, elle la
réalise hors de lui dans l'extériorité comme telle. Solidaire de cette
réalisation de la vérité dans l'être-séparé du milieu pur de l 'extériorité
est l'oubli de ce qui , en le recevant, assure dans l'essence la possibilité
de sa manifestation effective , c'est-à-dire, en fait, de sa réalité. Mais
l'essence est contraignante , elle déroule inexorablement l'enchai-
nement de ses prescriptions et ajoute toujours un terme à celui qu'on
a abstrait. L'abstraction de l'être extérieur devient visible quand à la
vérité de son milieu pur s'ajoute l'homme que cette vérité relie à elle.
Ce qui se cache, toutefois, dans cette possibilité pour l'homme d'être
relié au milieu de l'être extérieur, ce n'est rien de moins, en fait, que la
possibilité de cette extériorité même, la possibilité de l'essence de la
vérité. A l'homme est subrepticement confié le pouvoir essentiel de
l'essence, celui de se recevoir elle-même.
Ainsi l'intervention de l'homme dans la problématique qui vise
l'essence de la manifestation a-t-elle en fait une double si gnification.
Celle, d'abord, de masquer la possibilité la plus ultime de cette
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
253
. essence en réalisant
, les conditions
, de la vérité.
= dans le milieu de
1 extériorité pure . Conteur oraine de cette réalisation de la vérité
dans le milieu absolu de l'extériorité posiuon, en est
face la ''`
de celle-ci,
d'un homme dépouillépouvoir du ontologique qu'on vient de
situer hors de lui. Ce qu 'il faut rendre ensuite à
cet homme ainsi
dépouillé ne se recouvre exactement,
pas toutefois, avec ce qu ' on
vient de placer hors de lui. Ce qui assure dans l'homme la possibi1ité
pour lui de s'ouvrir au milieu de l'extériorité n'est pas ce milieu lui-même,
c'est la possibilité justement de s'ouvrir â lui
est-a-dire c'
la rec ••
'eptrvrte
comme telle. La réceptivité j'ossibilitéestplus
la la ultime '
de la verste, telle
est la seconde signification de l'intervention de l'homme dans la
problématique qui concerne l'essence de la manifestation ,, celle de
l aisser paraître ce que cette intervention avait d'abord elle-meure
caché.
Si cette seconde signification qui ramène la problématique devant
la pensée du fondement ne se faitpas as j our
our plus '
aisément, c 'est qu 'elle
demeure le plus souvent masquée par le prestige des thèmes qui
accompagnent habituellement la simple réalisation de la vérité dans
l'être abstrait de l'extériorité pure. Ce dont s ' accompagne une telle
réalisation, en effet, c 'est, on l 'a vu, le dépouillement
y de l'homme
désormais séparé du pouvoir ontologique qui produit la phénomé-
nalité. La finitude de l'homme, telle est l'évidence dont s'empare la
pensée qui• situe la vérité dans la spatialité de l'pure.
, extériorité
Que signrfie, cependant, d'une,^açon lus précise, la finr'tude ici en
p questa 'on ?
Être fine cela veut dire pour l ' homme qui ne porte plus en lui le
principe de la phénoménalité , être séparé de la vérité . Ce qui est
séparé de la vérité qui signifie la lumière de la phénoménalité est en
lui-même obscur . L'obscurité intrinsèque de la '
nature humaine est le sens
de sa finitude . La réalisation de la vérité dan ' '
s le milieu ouvert de
l'extériorité a pour effet de re j eter dans l'ombre ce qui se trouve
en deçà de cet avant-plan de lumière qet,
n cet
deçàe est l 'homme
lui-même, d'abandonner celui-ci à la misère de
sa nuit,. Ainsi voit-on
254 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) Selon Malebranche l'étendue intelligible n'est pas Dieu lui-même mais seu-
lement la face de son être que celui-ci tourne vers nous, ce à quoi il nous permet
d'avoir accès en lui. Que l'étendue soit justement en Dieu ce qui permet d'avoir
accès en lui, que l'extériorité définisse ainsi les conditions selon lesquelles l'absolu
se phenomenahse, cela atteste la prééminence chez Malebranche, comme chez tant
d'autres penseurs, des présuppositions ontologiques ultimes du monisme. Sur le
pressentiment génial qu'a eu cependant Malebranche de l'insuffisance radicale
de ces présuppositions dans leur prétention à définir la condition de toute pheno-
ménalité possible, comme sur l'échec de ce pressentiment, cf. infra, § 48.
(2) M. GUÉROULT, Étendue et Psychologie chez Malebranche, Les Belles-Lettres,
Paris , 1939, 24-25.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 255
) EN, 679.
260 L 'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
perpétuel renvoi d'un terme à l'autre il n'est pas mis fin autrement
que par leur identification, par l'aplatissement l'un sur l'autre et le
recouvrement rigoureux de l'essence et de l'extériorité. Un tel
recouvrement s'opère, l'identification fallacieuse qu'il promeut est
effective, lorsqu'il est dit que « le champ où l'Erscheinen parvient à
l'intuition de soi est fait de l'Erscheinen lui-même et par lui » (1).
A vrai dire, considérée dans sa g énérahté indéterminée une telle
proposition est vraie. En elle s'annonce le caractère décisifde l'essence,
celui d'être le fondement de sa propre man festation. Vitre le fondement de
sa propre manifestation; c'est justement cela, pour l'essence de la
manifestation, être un fondement. Mais le caractère en vertu duquel
l'essence est le fondement ne saurait être purement et simplement
affirmé. Un tel caractère doit au contraire être saisi dans sa possibilite
même. Cette possibilité a éte mise en lumière, elle réside dans la marifeslation
du fondement lui-même, c'est-à-dire de la transcendance comme telle. A la
pensée qui comprend l'essence comme. le fondement de sa propre
manifestation, le problème de cette possibilite n'échappe pas. La
manifestation de l'acte d'apparaître est incluse dans l'affirmation selon
laquelle ce qui se phénomenalise dans le champ pur de la pheno-.
ménahté est cet acte d'apparaître lui-même. « Le champ où i'Erscheinen
parvient à l'intuition de soi est fait de l' « Erscbeinen » lui-même. »
C'est précisément parce que le champ phénoménologique . ou se
manifeste l'acte d'apparaître est fait de l'acte d'apparaîti e lui-même .
que ce champ est celui où se manifeste un tel acte, qu'il est le champ
où l'acte d'apparaître parvient à l'intuition de soi. De ce champ il est
dit aussi, toutefois, qu'il n'est pas fait seulement de l'Errcheinen lui-
même mais encore par lui. Que le champ de l'Erscheinen soit encore
« fait pat lui », cela nous invite à réfléchir sur la nature de l'Erscheinen
en tant qu'il n'est pas seulement ce qui se phénomenahse dans ce
champ comme constituant sa phénoménalité même, en tant 'il n'est
( I) H, 1 34.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 267
pas seulement ce champ lui- même mais encore ce ui le crée. Car ce quicrée le
q
champ phénoménologique
• de l'apparence
- n'est pas ce champ lui
meme, mals la transcendance A la pensée qui médite sur la nature
.
de 1 Erscheinen se présente dès lors cette évidence :
la détermination
du champ où l'acte d'apparaître parvient à l'intuition de soi comme
fait de cet acte,. et par lui,
,repose
p sur unement
confusion, plus exacte
sur l ' ambiguïté de l' « apparaître » lui-même en tant que
celui-ci
design a la fois la phénoménalité de l'horizon transcendantal de l'être et la
transcendance elle-même. Pour nous le sens de cette confusion est clair :
la tentative de déterminer la réalité du fondement en lui conférant
un statut phénoménologique est ce qui s'annonce en elle. Avec
l'identification phénoménologi que de la transcendance et de l'horiz on,
toutefois, cette détermination s'opère mal . Loin d'être levée par
elle, l'indétermination phénoménologique foncière du fondement
est ce qui la rend possible, car la. transcendance ne peut être identifiée
avec l ' horizon de l'être qu'elle n'est as que pour autant que son mode
p
originaire et propre de révélation demeure totalement inéclairci.
Parce qu'un tel mode demeure inéclairci ou, pour mieux dire,
totalement ignoré, il lui est purement et simplement substitué
le mode de manifestation de l'horizon lui-même . Ainsi apparaît
clairement l ' origine phénoménologique de l'identification de la trans-
cendance et de l 'horizon . Ce qui est impliqué par une telle identifi-
cation, ce n'est rien de moins qu'une identité ontologique que tout le
contexte de la problématique dément . Sur le plan phénoménologique
lui-même , toutefois , une telle identification se révèle illusoire. Avec
la manifestation de l'horizon où elle cherche vainement le principe
d'une phénoménologie de la transcendance c'est - à-dire du fonde-
ment lui-même, la problématique se donne quelque chose qu'elle n'a
pas, car la manifestation de l'horizon n'est possible que. par la
transcendance, c'est-à-dire justement sur le fond de quelque chose
qui lui échappe.
Que l'être du fondement échappe à la aumoment
problématique
268 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
champ est constitué par lui), c'est que l'acte d'apparaître qui est le
fondement de sa propre manifestation se montre aussi en tant qu'il
est ce fondement. C'est comme ce fondement qu'il est lui- même de sa
propre manifestation que l'acte d'apparaître apparaît. Dans cette déter-
mination de l'être du fondement comme ce qui se montre , la signi-
fication positive de la. Selbstdndigkeit, la manifestation de l'essence, ne
se recouvre - t-elle pas purement et simplement avec ce qui constitue
sa possibilité même ?. Cette possibilité cesse d'être abstraite, elle est
autre chose qu'une condition x, si elle s 'exhibe dans le champ
qu'elle fonde de la phénoménalité comme cela même qui le fonde. A
sa tâche s ' égale la problématique qui vise à élucider l'essence du
phénomène , elle atteint son but quand est déterminé dans sa réalité
ce qui rend possible la manifestation de l'essence de la manifestation,
c'est-à- dire l'être du fondement. La détermination dans sa réalité de
la possibilité de la manifestation de l'essence appartient à la phéno-
ménologie du fondement . Avec la phénoménologie du fondement la
« Selbstdndigkeit » de l'essence est autre chose qu'une présupposition , elle est
ce qui se montre dan s sa po ssibilité.
L'élaboration de la structure formelle de l'idée d'autonomie
reste cependant formelle, les conditions qu'elle énumère comme
constituant ensemble la p hénoménalité concrète demeurent en fait
des présuppositions vides aussi longtemps qu'il n'est pas répondu
à cette question qu'est-ce qu 'apparaître ? Que l'acte d'apparaître
apparaisse, qu'il soit le fondement de sa propre apparition, et qu'il
apparaisse justement en tant qu 'il est ce fondement , cela donne sans
doute à penser que cet acte d'apparaître se suffit à lui-même , mais cela
ne veut encore rien dire aussi longtemps que la signification du mot
« apparaître » demeure en fait et chaque fois totalement indéterminée.
La distinction instituée par la problématique entre l'Erscheinen et sa
manifestation, entre l'acte d'apparaître compris comme ce qui se
phénoménalise dans le champ phénoménologique de l'être et ce même
acte considéré en lui-même en tant qu'il fonde la phénoménalité de ce
TRA NSCENDANCE ET IMMANENCE 2 7 !
revêt la signification d'être tel en tant que la conscience l'atteint dans l'acte
par lequel elle se transcende vers lui . L'immanence reçoit paradoxalement le
sens de l'objectivité.
La désignation d'un contenu comme immanent ne détermine-
t-elle pas pourtant celui- ci d'une façon plus précise, en l'opposant
par exemple au contenu « transcendant » de la conscience ? Si une
telle opposition a un sens, s'il y a véritablement lieu d'instituer une
distinction dans le cours de notre expérience entre les contenus
qui lui appartiennent en tant que contenus immanents et ceux qui
ne sont encore que transcendants par rapport à elle, n'est-ce pas le
mode même selon lequel ces contenus sont reçus par la conscience
dans l'expérience qu'elle en fait qui doit alors ét chaque fois être
différent ? Et si l 'immanence désigne précisément le mode selon,
lequel s'opère la réception d'un contenu lorsque celui - ci revêt cette
qualification d'être immanent, ne doit-elle pas, dès lors, être déter-
minée en tant que telle et constituer par suite l 'essence particulière
d'un mode spécifique de réceptivité ? A vrai dire, dès que la problé-
matique se pose les questions les plus simples, et pourvu que celles-ci
aient une signification ontologique rigoureuse , les évidences sur-
gissent devant elle, La distinction effectuée dans la phénoménologie
husserlienne entre les contenus immanents et les contenus transcen-
dants de l'expérience est iressentielle parce que l'essence de ces
contenus précisément est la même le pouvoir ontologique qui les rend
ultimement possibles en assurant leur réception est dans tous les cas a
transcendance. Transcendant à la conscience apparaît en effet le contenu
primitivement désigné d' une façon impropre comme immanent,
dès que la problématique ne se borne plus à constater. le caractère en
vertu duquel un tel contenu appartient à titre de donné à l'expérience
réelle de la conscience mais s'interroge au contraire sur la condition
de possibilité de ce donné, c'est-à-dire sur le pouvoir ontologique
qui en assure originairement la réception. Dès lors , le contenu,
immanent à la conscience en tant qu 'il entre dans la sphère de son
284 L'ESSENCE DE. LA MANIFESTATION
tant qu' elle se projette sous la forme d'un horizon dans le milieu
pur de l'extériorité . Précisément parce qu 'il est constitué par cet
horizon, c'est-à- dire par un milieu d'extériorité pure, le contenu
ontologique que se représente l'essence dans l'acte par lequel elle
.
s'objective en lui, est un contenu extérieur, et cela en un sens radical
conformément auquel l'extériorité qui le qualifie n'est as une ro riété
p p p
surajoutée mais détermine au contraire ce contenu lui-méme dans sa réalité
ontologique propre . Ce qui est donc visé par la prôbléinatique qui se
meut à l'intérieur des présuppositions du monisme quand elle se
prétend en possession d'un mode de réceptivité dont le contenu ne
lui est pas « extérieur », c'est donc simplement le caractère ontologi-
quement pur d'un tel contenu, le fait que celui-ci n'est constitué
par rien d'autre que par l'essence et, comme tel, lui est identique.
C'est cependant dans le milieu ontologique de l'extériorité que ce
contenu est ce qu'il est, un contenu qui se manifeste à l'essence
et qui lui apparaît. Que ce contenu soit l'essence elle-même ne change
rien au mode de manifestation qui le détermine essentiellement comme un
contenu « extérieur ». C'est sous la forme d'un horizon que l'essence
se manifeste à elle-même . L'identité de l'essence et dé son contenu
est une identité dans la différence si le milieu de l'extériorité est aussi
celui d'une altérité radicale. Si c'est l ' essence qui se manifeste à
elle-même, elle se manifeste toutefois comme autre qu'elle-même,
comme cela même qui est l 'autre.
Ici, cependant, ce sont les fondements mêmes d'une ontologie
phénoménologique qui peuvent sembler être mis en question. La
possibilité de l' édification d'une ontologie phénoménologique repose
en effet, sur l'identité de la réalité ontologique et de l'apparence comme telle.
Que devient cette identité si la manifestation d'un contenu radicale-
ment autre par rapport à l'essence est cependant interprétée comme la
manifestation de l'essence elle-même ? Que ce soit l'essence ellé-
même.. qui se manifeste dansp l'horizon de l'altérité,
p` c 'est là une résu
position vide si l'aspect de cet horizon est précisément le seul élément
_ L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
mais être ce contenu, de telle manière que celui-ci ne soit rien d 'extérieur à
l'être qui le reçoit. De telle manière aussi que l'être qui reçoit ce contenu qui
ne lui est pas extérieur mais identique, ne soit plus libre par rapport à lui,
mais le reçoive au contraire passivement comme quelque chose qui ne dépend
pas de lui et qu'il n 'a pas créé, comme ce quelque chose d 'incréé qu'il est
lui-même.
Avec le dédoublement du concept de la réceptivité la problé-
matique éclaire de la manière suivante le rapport qui existe entre la
forme de cette réce p tivité et son contenu . Quand il s'agit de la
réceptivité de la représentation , forme et contenu sont différents. La
forme réside dans l'essence , elle est identiquement celle-ci dans la
réalité de l' acte imaginatif par lequel elle dessine un horizon . L'horizon
lui-même est un produit purement imaginaire , sa réalité ontologique
n'est pas celle de l'essence, n'est pas la réalité . Ce que crée l'essence
est seulement une image . L'horizon transcendantal de l'être de finit le
milieu ontologique de l'irréalité . Parce qu'ils sont, l'une, l'essence,
l'autre , son produit imaginaire , la forme et le contenu de la réceptivité
qui réside dans la rep résentation diffèrent, au point de vue ontologique,
comme la réalité et l'irréalité C'est sa propre réalité, au contraire, non
.
le simple produit de son imagination , que l'essence reçoit dans le
mode originaire de réceptivité qui est le. sien. Parce qu'il est constitué
par l'essence elle-même, le contenu de la réceptivité dans le mode
originaire de son accomplissement est identique à sa forme. La
mise en lumière de l'essence originaire de la réceptivité est ce qui permet seule
à la problématique de se trouver présence
en d'une réceptivité dont la forme
et le contenu soient ontologiquement identiques. L'identité ontologique de
la forme et du contenu de la réceptivité définit la structure d'une
essence dont le^ propre est de se recevoir ' elle-même. Parce qu'une
telle identité ne se réalise que dans la forme originaire de la réceptivité,
celle-ci assure seule la possibilité pour l' essence' de se recevoir elle-
même, elle constitue la structure ontologique de l'essence en tant que réception
originaire de soi. Si le dédoublement de son concept a montré qu'il
TRANSCENDANCE ET IMMANE
NCE 30I
orientation p ure vers... veut dire qu'on lui suscite quelque opposi-
tion (i). » Avant de recevoir le contenu pur qu 'il s'oppose et qui
l'affecte, c'est lui-même, toutefois, que, conformément au mo de
originaire de la réceptivité , l'acte d' objectivation reçoit, c 'est par lui
d'abord qu'il est affecté. Plus originaire que l'affection de la transcendance
. Le caractere
par l'horir on est l'a ffection de la transcendance par elle-même
originaire de l'affection de la transcendance par elle-même a, en ce
qui concerne l'ouverture projetante de l'horizon , la signification
suivante dans l'acte originaire par lequel elle projette l 'horizon
qu'elle se suscite à elle-même et par lequel elle s'affecte, la transcen
dance est d ja affectée . Que la transcendance soit déjà affectée dans
l'acte par lequel elle forme l'horizon veut dire que son affection
.. .
originaire est indépendante de cet horizon , indépendante de l'acte qui
le forme en tant que tel. L'indépendance de cette affection originaire a
l'égard de l 'acte qui forme l ' horizon est identiquement son indépen-
dance à l'égard du processus : ontologique de l'objectivation , l'indé-
pendance de l'affection originaire de la transcendance à l'égard de la transcen-
dance elle-même . L'essence originaire de l'affection réside dans l'immanence.
La mise en lumière d' une affection originaire dans son opposition
ontologique radicale avec l'affection de la transcendance par l'horizon
qu'elle se suscite à elle^même, ne donne-t-elle pas un sens à l'ambi-
guité qui pese sur le concept de l'affection ? N'introduit-elle pas cette
ambiguite` dans la problématique comme un élément positif de celle-ci
ou pour. mieux dire, décisif ? Une telle ambiguté doit -elle être levée
ou seulement approfondie ? ou bien l'approfondissement
r de cette
ambiguté qui se découvre au progres de l 'analyse et se donne
finalement comme son résultat le plus positi f, n'est -il pas identi-
quement la mise en lumière d' une autre ambiguté, celle-là purement
ff
négative, conformément à laquelle le concep t de Ja ect:on a constamment
été confondu,par laproble'matique qui se meut à l'intérieur des présuppositions
(i) K, 244.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE 303
s'affecter elle-même exige que soient corp ris la nature- et -le.Vra ort .:...._
pp
des deux modes d'affection qui tombent sous les conce pts de l'affec-
tion par soi et de l'auto-affection . La compréhension du ra ort ui
pp q
existe entre l'affection par soi de la transcendance, plus p récisément
entre l'affection dont le mode d'accomplissement réside dans la
transcendance et celle qui , comme auto-affection a cette transcen
dance comme contenu, est identiquement la com p réhension du
rapport qui existe entre la transcendance et l'immanence,
. § 3 3. L'INTERPRÉTATION ONTOLOGIQUE
DE L'ESSENCE DE LA TRANSCENDANCE COMME IMMANENCE
ET LA POSSIBILITÉ INTERNE DU DÉPASSEMENT
« se rapporter
A à » et d'un « se dépasser vers » au sens d'un « s'apporter
soi-même auprès de » se perd dans le rapport d'indifférence de la
lumière et des choses.
Comme l'interprétation de la transcendance à du
partir dépas-
sement de l'étant manque son but et aboutit à un faux concept,
elle donne aussi au concept antithétique de l'immanence une signifi-
cation fallacieuse et vide. Quand la transcendance désigne l'être-hors-
de-soi de l'étant, où réside au contraire l'immanence,. sinon dans
l'étant lui-même, plus précisément, dans l'être-à-l'intérieur-de-soi
de l'étant ? Dans la mesure cependant où l'étant se trouve par lui-
même incapable de sortir de soi et d'être ainsi « hors de soi auprès
de », l'être-à-l'intérieur-de-soi n'est pas une propriété qui lui serait
surajoutée ni même une simple détermination parmi d'autres. Dans
l'être-à-l'intérieur-de-soi l'étant trouve sa qualification la plus propre.
L'immanence reçoit la signification d'être une catégorie ontique. C'est préci-
sément lorsqu'elle reçoit cette signification que l'immanence vaut
comme le concept antithétique de la transcendance. Au « sortir de soi»
qui appartient à la transcendance s'oppose le « rester en soi-même »
qui est le partage de l'être immanent. Comme l'être-hors-de-soi
de la transcendance est cependant compris à partir de l'étant comme
la possibilité même dont celui-ci se trouve privé, de la même manière
le rester-en-soi-même de l'étant s'entend dans sa relation au sortir-
de-soi de la transcendance et comme la simple privation de celui-ci
« Un être non libre, écrit un commentateur de 1-feidegger, serait un
être si absolument replié sur soi qu'il s'affirmerait constitutionnelle-
ment incapable d'être auprès de l'autre (i), » L'être non libre,
c'est-à-dire privé de la possibilité de sortir de soi et de se trouver
ainsi « hors de soi auprès de », est justement l'étant. Cette privation
de la liberté qui le contraint au contraire à rester en lui-même est
plus catégorique la mani è re dont elle s'op^ ère. 'L' affirmation du ra ort
pp
de transcendance en dehors de tout contexte philosophique conte-
nant au moins une indication sur la possibilité interne d'un tel
rapport ne se laisse pas aisément reconnaitre dans sa gratuité, car
celle-ci est interprétée non moins immédiatement comme un caractère
de l'élément réel et, en même temps, qui comme fonde s ce '
a réalité.
Dans l' absence de fondement du ra ort réside en effet le carac
pp
tère en vertu du quel celui-ci est le fondement, l' « absolu », Quand
l'absolu n' a pas de fondement , c'est-à-dire en fait quand sa possibilité
positive interne ne peut être exhibée, son avènement. n'en est que plus
surprenant . Le rapport
^surgit ^ commeTract,
l ' éclair il est le simple
der reine Beug. Cette simplicité qui est l'absence de tout fondement
ne désigne pas seulement le rapport comme le fondement, elle le
qualifie encore comme fondement sans fondement . Être un fonde-
ment sans fondement, telle est l'essence du ra ort, telle est la nature
pp
contingente de l'absolu. Dans cette contingence l'absolu • acquiert le
pathétique qui lui fait j ustement défaut. La carence ontologique
de la problématique est, la source des prestiges existentiels dont elle
se pare. L'existence , écrit un commentateur, est « une sorte d'absolu
sans origine et sans destin, la Relation elle-même , à la fois irrempla-
çable. .. et injustifiable (i). » Ainsi volt-on sa propre impuiùance à
«justifier » la relation, c'est-à-dire à saisir celle-ci dans ce ui la rend
^ q
possible, conduire la problématique àabsolutiser le ra p .. p ort de
transcendance en faisant de l 'absence de fondement le caractère et
l'essence du fondkment lui-même . Le moment existentiel où l'absolu
« sans origine et sans destin » surgit dans la nudité de sa contingence
est aussi le moment du réalisme . Le réalisme est la réalisation de ce
qui n' estpas la réalité mais la Le
présupp ose réalisme ste l 'abstrac-
tion. La réalisation abstraite de l'absolu dans la « Relation » ne
pensé sous le concept de cette unité c'est un seul et même acte, l 'acte
de la transcendance , ce n'est pas la ossibilite '
p interne de cet acte de demeu-
rer un en lui-même dans son accomplissement.
Parce que la possibilité
interne de l'unité originelle de l'acte de la transcendance n'est m
pensée ni saisie, ce n'est pas cet acte en lui-même qui, finalement, se
trouve pris en considération mais plutôt son rapport à l'horizon qu 'il
crée. Parce qu'elle concerne seulement l'acte de la transcendance
dans son rapport avec l 'horizon l'unité de la spontanéité et. de la
réceptivité se révèle être identiquement l'unité . de la structure totale
engendrée par cet acte, l'unité de l'essence etpur duqumilieu •
'elle imagine,
non l'unité interne de `l'essence elkrriëme.
Ainsi apparaît ce que contient d'équivoque une e xpression
comme celle de la « cohérence de la structure interne de l'essence de la
manifestation ». La structure interne de l'essence rie comprend en
elle à la rigueur que la réalité de celle-ci.laDans totalité' synthétique
de la structure d'ensemble constituée par la transcendance réside au
contraire, avec l' essence elle-même ,
, ^ le pur produit imaginaire de son
activité. La subsistance de cette structure d'ensemble est sans doute un
problème : elle est assurée par l'acte de la transcendance comme
acte de créer et de retenir l'horizon . L'unité de la spontanéité et de la
réceptivité de la transcendance à l'égard de l' horizon est, ainsi le
fondement de la cohérence de la structure d'ensemble que suscite la
transcendance dans sa liberté . La cohérence de cette structure d'ensemble
n'est •pas celle de l'essence dans sa structurc inter ne, elle la pre'suppQse.
L'unité de l 'essence et de son produit imaginaire, '
unité qui trouve son
fondement dans celle de la spontanéité et de 1 a réceptivité de l'acte
de la transcendance à l'égard de l 'horizon, renvoie a l ' unité interne
de cet acte et à sa cohérence originaire comme a un fondement
dernier. Le schématisme renverse les termes donne pour l'unité
de l 'essence,
pour l'unité originairement cohérente de la transcendance elle-mémé, l'unité
de la structure d'ensemble que la transcendance développe. Avec un tel
renversement dans la hiérarchie des essences se découvre juste i ment,
336 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) K , 176.
,
( b)ID., 99.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
337
(1) Si le temps est donné par Husserl comme la condition de l'unité. de phéno-
mènes structurellement différents - on peut placer l'un à côté de l'autre des objets
appartenant à des espaces et à des temps différents « en tant qu'on les place dans un
champ temporel » (EU, 213) -- c'est précisément parce que le temps est luiménie
compris comme constituant un champ phénoménologique et, comme tel, unifié,
r l'unité d'une . intuition « l'unité de. l'intuition du temps est la condition de
possibilité de toute unité de l'intuition pour une quelconque pluralité liée d'objets
qui sont tous des objets temporels » (id. 214).
(Z) K, 138. .
(3) ra confusion de ces diverses unités, la substitution à l'unité fondamentale
de l'essence des unités secondaires qui reposent sur elle et en dérivent ,. n'est pas
340 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
que par l'oeuvre en lui de l'essence qui le fait être dans l'unité origi-
naire qui, le constitue. Car l'unité non plus n'est pas quelque chose
de mort. Elle est une oeuvre j ustement et un accomplissement. La
manière dont s'accom plit cette oeuvre, l'ouvre intérieure de l'être, c'est
là ce que se représente la pensée qui dispose des catégories ontolo-
giques fondamentales où se trouve définie la possibilité pour l'être de
parvenir originellement en lui.
La possibilité p our l'être de p arvenir originellement en lui le
détermine comme l'immédiat . Non pas comme l' immédiat de la
conscience naïve qui s'en tient au donné et le considère comme allant
de soi, non pas comme celui de la pensée qui, remontant à la condiP
tion ontologique de ce donné c'est-à-dire â l'être lui-même, prend
,
cependant celle-ci à son tour comme quelque chose de donné sim^
plement et qui se suffit à soi-même . Car sans doute la condition
ontologique de possibilité du donné se suffit à elle-même, si juste-
ment elle est la condition . Ce en vertu de quoi elle est la condition,
ce p ar q uoi elle se suffit à elle-même, c'est là cependant ce qui doit
être exhibé par la problématique. C'est cette possibilité en vertu de
la q uelle l' être se suffit à lui-même et se trouve être ainsi la condition
en un sens absolu, possibilité qui est identiquement pour lui celle
de parvenir originairement en lui-même, qui est pensée sous le
concept de l'immédiat et le détermine comme le concept fondamental
de l'ontologie . L'immédiat est l'être lui-même comme originairement donné
à lui-même dans l'immanence. Parce que cette donation originaire de
l'être à soi qui le constitue p ro p rement ne s'accomplit ni par hasard
ni par miracle, mais dans l'immanence et comme cette immanence
même, le conce p t de l'immédiat ne demeure pas indéterminé, l'immé-
diat n'est pas un simple nom pour dire, en l'absence de tout contexte
philosophique valable et comme une simple tautologie , que l'être est,
mais désigne au contraire sa possibilité interne et se réfère par suite
à une essence, à l'essence fondamentale où cette possibilité trouve sa
réalité.
TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
345
LA STRUCTURE INTERNE
DE L'IMMANENCE
ET LE PROBLÈME
DE SA DÉTERMINATION
PHÉNOMÉNOLOGIQUE
L'INVISIBLE
mondaine en général. Ici se fait jour pour la pensée qui veut parvenir
à l'essentiel la nature étrange du chemin qu 'il lui faut suivre si du
moins elle veut atteindre son but . Suivre un tel chemin pour elle, en
effet, ce n'est pas « se diriger vers » mais au contraire « se détourner
de », de telle manière cependant que, dans ce mouvement par lequel
elle se détourne de ce qui forme son objet naturel, elle n'abandonne
pas seulement celui-ci et l'infinie richesse de ses déterminations
multiples mais , plus essentiellement et d'une manière plus décisive
pour la compréhension de l'indigence et du dénuement auxquels elle se
voue, la nature même du séjour qui était le sien auprès des choses,
cet acte de se diriger vers avec lequel pourtant elle pouvait paraître
se confondre. Ainsi s'ajoute à la perte de tout ce qui est, celle, plus
essentielle, de l'être lui-même, en même temps que s'annonce à la
pensée, avec le caractère ontologique de la privation dont elle
est ' frappée, sa vraie détresse. Car c'est sa propre possibilité, la
possibilité de penser, qui lui est retirée quand elle doit se détourner
du milieu ontologique où elle se trouve éclairée par la vérité. C'est
pourquoi ce détournement qui lui est prescrit pourtant comme le
chemin, l'abandon de l'étant dans son ensemble , signifie seulement
aux yeux de la pensée son propre abandon, mesure sa propre
impossibilité.
Cet abandon pourtant est celui de l'essence, c'est dans cette
indigence extrême où rien ne subsiste du monde, et pas davantage le
monde lui-même, qu'elle se tient comme dans sa possibilité. Indigence
et détresse, perte et abandon, caractérisent l'essence relativement à ce
dont elle se trouve privée. De quoi donc l'essence est-elle privée?
Quand le caractère de sa privation a été compris et ce dont elle
manque saisi lui-même comme être -à-l'extérieur-de-soi de l'être,
comme extériorité et altérité, c 'est de celle-ci que l'essence se trouve
privée. L'être-autre est autre que l'essence. L'élément étranger où
grandissent les riches déterminations de l'existence , c'est là ce qui lui
est étranger . L'indigence de l'essence réside dans le fait qu'elle ne renferme
LA STRUCT URE INTERNE DE L'IMMANENCE
35'
rien d'autre. C'est parce que l'essence ne renferme rien d ' autre que la
pensée qui se tourne vers elle se détourne nécessairement de tout ce
qui est autre qu'elle, de cela même qui est l'autre de l'être enfin
compris comme altérité • et comme extériorité . Parce qu'elle se
détourne de ce milieu pur , de ce qui s ' y manifeste et de ce qui s'
rapporte, la libération de l ' essentiel se poursuit comme un retrait.
Voilà pourquoi toute approche de l'essence revêt immédiatement la
forme de l'épargne, pourquoitoute proximité, si du moins elle
concerne l'origine, sera « économisante ». Épargne, économie
signifie ici, toutefois , rejet, abandon . C'est pour uoi il y a dans cette
q
épargne, dans le projet de cette économie , un certain courage, celui
non d' un renoncement provisoire mais d'une pauvreté qui se fait
et se veut essentielle . Essentielle est la pauvreté qui laisse aller, au
lieu de s'y joindre, les multiples configurations de l'être, la forme
même de son séjour au p rès de la terre la Maison et l'Année . La p arole
même où toute chose est contenue, le nom et l'a pp ellation, ce qui
désigne et ce qui montre, à cela aussi il faut renoncer dans cette
pauvreté qui est faite de silence. Mais que reste - t-il alors?
Ce qui reste quand, avec l'altérité et l'extériorité le milieu de
l'être et toutes ses déterminations , ses configurations et le mouve-
ment vers elle de la pensée, ont été rejetés ou supprimés , c'est l'essence
elle-même . Car rien n'est retiré à l'essence qui se trouve au contraire libérée
et reconnue dans son intégrité quand s'opère dans la p ensée le retrait de
l'être transcendant et de la transcendance elle-même : rien n'est retiré p arce
que l'essence ne renferme rien d'autre et que la suppression de l'altérité est
seulement la suppression de l'élément étranger par ra pp ort à l'essence, de ce
qui la recouvre et la dissimule à nos yeux.
C'est ici le moment où la détermination négative de la structure
interne de l'essence à partir de l'exclusion hors d'elle de toute transcen-
dance manifeste sa signification positive . Si la pensée qui se voue à la
garde de l'essentiel s'accomplit comme un retrait et comme un rejet,
c'est que, se comportant de la sorte , elle obéit à une prescription qui
352 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) L, 73.
"4 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
absence doit alors recevoir son vrai nom, car elle ne signifie plus
une privation mats le tout de la réalité. Dans le non+pouvoir l'essence
trouve son pouvoir suprême, son impuissance est celle de la pléni..
tude (I).
Cette plénitude de l'essence séparée de toutes les déterminations
du monde et à laquelle pourtant rien ne manque, cette richesse d'une
réalité sans limite qui se perd dans sa propre profusion et se confond
entièrement avec elle, l'expérience de. l'être dans sa nudité, dans
sa simplicité, dans sa totalité, cette expérience sans partage qui est
l'être lui-même, c'est là ce que le jeune Hegel se représentait comme
le contenu de la conscience religieuse. Pareille profusion qui lui est
donnée comme cela même qu'elle est, cette conscience la vivait
plus particulièrement dans le symbole de l'eau. L'élément liquide
ne connaît « aucune lacune, aucune limitation, aucune diversité ou
détermination » (z). C'est pourquoi l'expérience d'un tel élément
(i) Il se peut que l'irréalité ou , plus exactement, son inclusion dans l'essence,
ne constitue pas un obstacle à l'existence et à la saisie d'une totalité : « Le phénomène
du Pas- encore qui naît de l'anticipation de soi - même n'est pas davantage que la
structure du Souci en général un argument contre la possibilité et l'existence d'un
état de totalité » (SZ, 259). C'est cette anticipation de soi dans le projet qui cons-
titue bien au contraire , selon HEIDEGGER, la possibilité pour le Dasein de parvenir
à la saisie de sa totalité , et cela parce que l'élan qui anticipe sa possibilité ultime et
dernière, absolument indépassable, révèle en même temps « toutes les possibilités
situées en deçà de cette dernière » ( ID., 264). Lia totalité ainsi révélée par l'élan
anticipateur doit cependant être comprise dans ce qu'elle est et comme ce qui
fonde en même temps la possibilité de la révélation, elle doit être comprise comme
finitude . C'est la finitude de l'horizon, en effet, qui constitue la signification ' ontolo-
gique de l'être -pour-la-mort ou, pour mieux dire, qui lui est identique . La vue portée
sur l'existence humaine dans son ensemble par l'être -pour-la-mort n 'est ainsi rien
d'autre que cette finitude même et, pour cette raison , elle se développe tout entière
sur le plan de l'irréalité . En d'autres termes, la totalité ici en question est une totalité
comprise , surgissant à l'intérieur de l'acte anticipateur de la transcendance et comme
l'horizon même de celle-ci . Elle ne concerne en aucune façon la réalité de l'essence,
de telle manière que la possibilité pour cette dernière de former en elle •méme une
totalité et d'être saisie comme telle n ' est pas même prise en considération et ne
constitue en aucune façon le problème posé.
(2) CD, 98.
36 0 L'ESSENCE DE LA DIA NIFES TA TIO N
( 1) CD, g8.
LA STRUCTURE INTERNE DE L
'IMM.A,jiTENC"E 3 61
ce qu'elles sont, l'être est ce qu'il est, dans cette adéquation parfaite
qui est l'être lui-même. C'est pourquoi, c'est le caractère parfait de
cette adéquation et de ce qu'elle signifie en général pour la structure
universelle de l'être que Kafka a exprimé encore quand il a parlé de
ces flèches exactement ajustées aux plaies qu'elles ont faites (x)
Privilèou dans ce monde sans déchirement, déchirement d'une
blessure, l'oie ou souffrance, ou bien encore, et cela pour des raisons
essentielles qui seront exposées, l'un et l'autre en même temps, telle
est en tout cas la structure de l'être dans l'unité, son unité indisso-
luble avec soi dans l'expérience adéquate qui le constitue.
La nature de l'expérience de l'être comme expérience adéquate,
comme expérience de soi de l'être dans la totalité de sa réalité et
dans son unité avec soi, le caractère indissoluble de cette unité
expriment une impossibilité inscrite dans l'essence comme sa struc-'
turc même. Sur quelle structure se fonde dans l'essence l,impossi'
b' 'té ici en question et que signifient-elle d'abord ? Toute impossi-
bilité implique l'absence d'un pouvoir en relation avec lequel, au
contraire, quelque chose serait possible. Ce qui est impossible dans
l'expérience de l'être, et cela conformément à sa structure, c'est la.
non-adéquation, la non-coïncidence de l'être avec soi dans la totalité
de sa réalité. Quel pouvoir manque quand il est impossible à l'être
de ne pas coïncider avec soi, de ne pas s'identifier à soi dans l'unité
absolue où, prisonnier de lui-même et de sa réalité, il demeure en
soi ? Manifestement le pouvoir de s'en aller hors de soi, de poser
autre chose que sa propre réalité et de lui échapper, c'est-à-dire
encore la « liberté ». « L'être absolu, disait Fichte, est dans cette
partie de la forme cette liberty qui lui est propre, en dehors de lui-
mime (z). » La liberté tel est bien au contraire, le pouvoir dont
l'être absolu se trouve dépourvu, de telle manière qu'il n'y a en
le plus souvent, pour ne pas dire presque toujours, non pas comme
constitutive p récisément de l'essence et de la possibilité d'une révé-
lation, mais comme excluant celle-ci pour désigner au contraire ce
er à l'élément de la phénoménalité,
qui se trouve par p rinci p e étrang
à savoir l'étant . Et c'est ainsi que, au moment même où son idée se fait
jour, l'immanence se trouve r ejetée hors du domaine propre de l'ontologie
, la signi f ication d'être une caté-
p our recevoir au contraire , comme on l'a vu
l'analyse de l'étant
gorie ontique . Or, ce n'est pas, si l'on y réfléchit,
qui aboutit à sa détermination thématique comme être immanent,
détermination d'ailleurs absurde , car, comme on l'a vu aussi , l'étant
ne demeure p as p lus en lui-même qu'il ne s'en va hors de soi. La
p ensée de l'immanence intervient en réalité sur un plan ontologique,
elle prend forme et se détermine initialement dans son opposition
au concept de la transcendance . Celle-ci étant comprise cependant
comme le p ouvoir où la phénoménalité , identifiée avec l' extériorité,
acquiert un fondement , l'immanence d'où un tel pouvoir se trouve
radicalement exclu se trouve exclue â son tour de ce dernier, c'est-
à-dire de l'essence de la phénoménalité, et interprétée dès lors
comme radicalement étrangère à celle-ci, - comme étrangère non
p as seulement à la p hénoménalité elle-même dans son effectivité
mais à son essence, à ce qu'il pourrait y avoir de non-phénoménal
dans l'élément ontologique lui-même. Et c'est ainsi que le concept
de l'immanence se laisse paradoxalement appliquer à l'étant. C'est
à p artir de celui-ci, sans doute, que dans la philosophie moderne la
transcendance elle-même se trouve pensée, et cela faute de pouvoir
l'être â partir d'elle-même et de son fondement. Pensée à partir de
l'étant comme cela même dont celui-ci est privé , la transcendance
offre ainsi à ce q ui lui sert de concept antithétique la possibilité,
et même l'obligation, de désigner l'étant lui-même . Ainsi l'immanence
signifie-t-elle premièrement la non-phénoménalité, secondairement
ce qui se révèle caractérisé par celle-ci, et cela de telle manière que la
genèse des concepts ontologiques purs telle qu 'elle s'accomplit
LA STRUCTURE I NTERNE
DE L'IMMA NENCE
373
13
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
318 ..... . _..v .._ ...,.
est « actes çzble aux hommes » (z), est un bien, de son horreur enfin, qui
l'apparente aux plus randsg penseurs religieux et,a par exemple,
Kierkegaard, pour tout ce qui méconnaît une telle vérité dans ce
qu'elle est, comme la revei':tion de l'absolu lui-même dans son être
intime, pour tout scepticisme comme pour tout relativisme en gene-
rai (3 . Pourquoz donc alors Fichte n ' a t1 pu écarter les thèses qui sont
proprement celles de ce sceptzczsrne et` de ce relativisme, pourquoi dit -ii
que « nous ne savons rien de cette vie divine zmmeaaate, car au premier
contact de la conscience elle se transforme de;aa en un monde mort»
et encore que « toujours la forme », c'est-â-dire l'eistence, la manifes-
tation en tant que telle, « nous voile l'essence » ? Pourquoi a pen see
sombre-t-elle comme d'une manière inévitable au niveau de celle de
la philosophie classique ese voit-elle contrainte com me celle-ci
§ 39. ECKHART
(I') T, 258.
(2) 1n., 245, souligné par nous.
(3) ID., 258,
(4) In., 259.
3 88 L'ESSENCE DE LA MA NIFESTA TIO N
( 1) T, z53.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 389
lement comme son oeuvre . » Cette opération dont Eckhart dit dans
le même p assa ge qu'elle est identi,q.uement l'amour, n'est p as « une
opération» mais l'essence même de l'absolu, c'est-à-dire comme il le
dit encore, Dieu lui-même . Et Eckhart ajoute : « Dieu s'aime lui..
même. .. Mais dans l'amour dont Dieu s'aime lui-même, Il aime aussi
toutes les créatures , non en tant que créatures, mais en tant q u'elles
sont Dieu (i). »
Ce qui vient d'être dit de l'amour, peut-il l'être , toutefois, de la
pauvreté, de l'humilité ? Ces dernières ne sont-elles p as visiblement
des modes déterminés de l'existence, déterminés et en même tem p s
contingents ne se recouvrant nullement comme tels avec l'essence.
,
de celle-ci ? Pareils modes qui constituent seulement pour l'existence
des déterminations possibles parmi d'autres, ne se donnent-ils p as
cependant comme la condition de l'union avec Dieu, union qui
devient elle-même, dès . lors, contingente- et problématiq ue, au lieu
d'être inscrite dans l'essence ? Comment l'union avec Dieu dép end-
elle de la pauvreté, de 15humilité ? En tant qu' ell e :ne se réalise que
dans l'homme q ui renonce au mo n de et à lui-
mê me d e manière à
n'être plus rien car c'est seulement s'il n'est P lus rien qu'il y a p lace
en l ui pour l'o pération de Dieu, c'est-à-dire p ou r. D ieu lui- même.
Le dépouillement radical de l'homme compris comme la condition
de la présence en iui de Dieu, n'est-ce point là le thème fondamental
et en même temps le sens d e rnier de la « mystique » d'Eck a ? En
tant que celle-ci présuppose un tel dép ou illement comme sa condi
tion , comme une condition qui doit s'accomplir . d'abord pour q u'elle
soit elle-même possible, elle se trouve liée a un devoir, suspendue,
dans sa réalisation, â une éthique. Voilà pourquoi la pensée religicuse
d'Eckhart revêt une forme édifiante, pourquoi elle s'exprime dans
la prédication, parce qu'elle vise une transformation de l'existence
au terme de laquelle seulement celle-ci pourra se trouver véritablement
(I) T, 245.
390 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
unie à Dieu . « L'homme doit être vide , dit Eckhart, ... il doit laisser
Dieu opérer ce qui lui plaît et rester pour sa part entièrement dis-
ponible ( i). » Le vide que l'homme doit ainsi laisser se faire en lui
doit être absolu, de telle manière que ce qui se trouve opéré en
lui et lui-même ne soient plus rien d'autre que l'opération de Dieu,
ne soient plus rien d 'autre que Dieu. Si l'homme est « dépouillé de,
toutes choses » et « qu'il reste néanmoins en lui un lieu où Dieu
puisse opérer », c'est qu'« il n'est pas encore pauvre de la pauvreté
la plus intime... il n'y a vraiment pauvreté en esprit que lorsque
l'homme esta tel point dépouillé... que Dieu, s'Il voulait opérer
dans hâme, devrait être lui-même le lieu de son opération » (2).
Et encore « Si Dieu trouvait l'homme en cette pauvreté , n'est sur
soi-même qu'il devrait exercer son opération et Il serait lui-même
le lieu de son opération ( 3). » C'est donc la pauvreté ou, ce qui revient
au même, l' humilité qui est la condition de l'union . avec Dieu.
« L'homme humble et Dieu ne font qu'un (d.). » « C'est ici, dit encore
Eckhart, le baiser entre l'unité de Dieu et l'homme humble ». Parce
que c'est dans l'homme humble seulement que se réalise l'union avec
Dieu, de lui seul finalement peut être af rr ee la conséquence extrême
de nette union, en tant qu'elle signifie l'unité, la dépendance de Dieu
à l'égard de l'homme : « l'homme humble n'a pas besoin de demander
mais il peut commander à Dieu » (). Ainsi se trouve clairement
formulée la condition à laquelle obéit l'union et (parce que cette
condition est identifiée avec des modes déterminés de l'existence),
de telle manière que l'union ici en question, c'est-à-dire finalement
l'unité entre l'homme et Dieu, ne peut précisément plus être comprise
comme une unité ontologique.
(i) T, 131.
LA STR UCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE
393
(Y) T, 213.
(2) In., 200.
394 L'ESSENCE DE LA MA NIFESTA TIO N
(I)T,224.
(2) Cf. par exemple . Iv., 202.
(3) ID., 203.
(4) In., 231.
(5) ID., 85, s0ulig^né par nous.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 395
(i) T, io8,
(2) Ibid.
(3) ID., 258•
(4) In., 259.
396 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(g) T, 189.
(2) ID., io3, souligné par nous.
(3) ID., 182, souligné par nous.
(4) ID., 122, souligné par nous.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE
391
(I) T, 246.
(2) ID., 242, souligné par nous.
(3) ID., 250.
(4) ID., 246.
(5) Ibid.
LA STR UCT URE INTERNE DE L'IMMANENCE 40 1
(I) T, 256.
(2) . ID,, 248..
(3) ID., 246.
(4) ID., 131.
(5) ID., 112.
402 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
qui « va jusqu'au fond... saisit Dieu dans son unité et dans sa solitude...,
dans son désert et dans son propre fond » (I). Farce que c'est le propre
fond de Dieu, la Déité qui constitue l'essence de ce désert , le contenu
de cette solitude, celle-ci et les déterminations dans lesquelles elle se
réalise et qui lui sont identiques, hum' 'te et pauvreté , pureté et
virginité, ont donc précisément un contenu, à savoir la Déité elle-
même, sont , comme telles , l'exp érience de Dieu, c 'est-à-dire sa
p ro p re réalité. Voilà p ourquoi l'humilité par exemple pouvait être
dite enracinée au Fond de la Déité, insérée en elle, de façon à n'avoir
d'être qu'en elle, parce que finalement, ayant la Déité pour contenu,
elle lui est identique.
La possibilité pour la Déité de constituer elle-même son propre contenu
et d'être ainsi, au sein de sa solitude et dans le désert de son Fond, la
réalité ontologique absolue, est cependant un problème , son fondement réside,
comme la problématique l'a montré, dans l'unité entendue non plus à partir
de la simple identité de la forme et du contenu mais précisément comme ce qui
rend p ossible une telle identité, comme le mode originaire conformément
auquel celle-ci s'accomplit : tel est précisément le concept ecknartien de
l'unité qui désigne non la simple présence de l'essence en elle mais son pou-
voir fondamental de parvenir en soi-même, de se recevoir elle-même et de se
réunir ainsi avec soi, de telle manière que cette unité de l'essence aven soi
résulte en elle de l'unité fondamentale gui la constitue. Cette unité fonda-
mentale constitutive de la structure interne de l'essence et de la
possibilité pour elle d'être une, de se réunir avec soi et en même
temps d'être elle-même son propre contenu, c'est comme un pou-
voir ontologi q ue, en effet, que la pense Eckhart quand il prétend
subsumer sous son concept et déterminer par elle l'essence de la
Déité. C'est pôurquoi une telle unité est nécessairement comprise
par lui , ainsi que devait le faire à son tour la problématique, comme
une oeuvre et un accomplissement, comme l'oeuvre même de l'essence.
« Celui qui veut saisir en son entier l'oeuvre intérieure dit-il, devient
étranger même à la bonté, à la vérité à tout cequi, ne fût-cecequ'en
qu en.
pensée et par le nom seul, su pporte l ' app arence et l'
ombre de la
distinction
• quelle,
qu'elle,
soit il
f se confieest
à l'unité qui libre de
toute diversite et de toute limitation , l'unité ou se de ouille
p et se
perd toute différence ( i). » Ce caractere actif et ontol
ogiquement
fondateur. de
, l'unité,
quand, Eckhart l'exprime
parlantencore de la
possibilite pour l'âme de s ' unir à l'absolu il déclare au
sujet de
celle-ci que c'est « à l'aide de l'. alité qu' elle réussit à
B parvenir a
Dieu» (2), quand enfin, au sujet de cette egalité elle -
-,., même, c'est- a-dire
de l unite, il dit de son oeuvre
. qu' « elle l'accomplit sans cesse ,.. nuit
et four » (3). Ainsi
se détermine dans son contenu Ontologique
essentiel ce qui appartient en prop re à la ensee d 'Eckhart , •
p l'essence
qui .
subsiste , dans le rejet
l hors d'elle
exte- du pouvoir créateur de
riorite et, par conséquent , de celle-ri , n'est as l'unité monte d.
I etant ni son identite vide dans la tautolog ie , c'est dan s sa solitude
et en l'absence de tout rapport avec le monde dans la «
purete » qui
caractérise cette absence de rapport, l'essence d e l
'absolu . lui-mémé,
son pouvoir originaire et fondamental de parvenir en soi
, de telle
manière cependant que, dans ce parvenir et par lui il demeure
en soi dans l'unité ontologique structurelle de son develo em`e
pp nt
intérieur et de son accom lissernent . « Il a quelque
p y . chose dans
l'âme, dit Eckhart, qui dePasse l'essence creee .4. C'est une parente
d`essence divine, une Unité en soi-mêmes sans rapport avec quoi .
-que ce soit .a. Pays étranger , désert trop innommable pour qu'on le
nomme ... myst ere incréé au-dedans de toi-meme...
» Et cacacté
rlsant encore cette unité dans son absence de rapport avec le rond e
comme « pureté », il ajoute « c'est dans cette Pureté que Dieu le
(I) T, 23x232•
(2) ID., 236.
(3) ID., 143•
(4) ID., 246.
(5) ID., 144.
(6) ID., 258, souligné par nous.
L 4 STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 4oS
l'âme où Dieu opère son opération lui est identique, que « Dieu et rnor
sommes un dans l'opération » (i).
Parce qu'elle opère en elle-même et repose ainsi en elle, l 'essence
«ne veut rien » (z), elle «demeure dans sa nudité sans aucun besoin» (3).
Tel est le calme de l'essence celui qui grandit
randit dans l ' âme tandis
(.),
que, coopérant avec Dieu, c'est-à-dire renonçant a toute a
ctavrte (S),
elle.
entre dans cet état de pauvreté qui app artient en propre a l'essence
et où elle est dite ne rien vouloir , dans cette nudité où elle n'a aucun
besoin. Ne voulant rien et n'ayant, dans le calme
ou elle repose,
aucun besoin, l'essence est, dans cette auvrete essentiellement
. p ^ dému
me a l'égard d ' un pouvoir quelcon que de se rapporter a autre chose,
a quelque chose qu'elle n'aurait pas ou ui
qne pas:
serait encore.
L horion de l'irrealite et la possibilité de se ra orter en lui
pp a quelque chose
d'irréel, la possibilité d'un man ue en éneral c'est là '
q ^ ce qua manque a.
l'essence dans sa pauvreté « Ce Fond secret, dit Eckhart i
, n'a n tisse
ni futur p
, il n' attend rien qui puisse s'ajouter â lui car il ne peut ni
gagner ni perdre ... ( 6). » Un tel manque se comprend dès lors dans
son vrai sens comme appartenant en propre a la réalité,
, l'absence
d'un horizon, comme celle de toute finitude .
La realt n e se la isse point déterminer, toutefois, d'une mamere •
négative et par la simple exclusion hors d'elle du pouvoi r fini de
l'horizon. Elle ne peut être ce u'elie est la réalité ' que parce que le
contenu de celle^ci lui est donne et cela dans sa totalité. Telle est
pr°e'cisément la réalité, l'acte de se donner dans l' urnle la realite de :son propre
co,tenu, la réalité et par suite la totalité de celui-ci.
C'est de la structure
de cet acte que le pouvoir de l'altérité9
celle^ci
lal'irréalité
finitude et
(I) T, 196.
408 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
qui n'est et ne vit absolument qu'en elle-même » ( z). Parce qu'elle n'est et
ne vit absolument qu'en elle , la Raison qui se comprend elle-même,
c'est-à-dire dont le pouvoir phénoménologique consiste dans la
révélation de soi, ne se révèle pas, précisément, d'une manière
conforme au mode de manifestation qui a . été pensé dans ces recher
ches sous le titre de « compréhension »'mais, bien au contraire, selon
la structure de l'unité . C'est comme fondamentalement déterminée
en elle par celle-ci qu'il convient d'entendre la compréhension
qui, selon Eckhart , affecte l'essence et lui appartient , en sorte que,
s'accomplissant sans aucune médiation, elle la révèle telle qu 'elle est
non dans le milieu de l'altérité, mais en elle -même, dépouillée de tout
élément étranger ; « Une intelligence une est si pure en elle-même, dit
Eckhart, qu'elle comprend sans intermédiaire l'Être divin dans sa
Pureté et sa Nudité (x). » Cette nécessité d' entendre l'essence de la
révélation qui s'accomplit comme unité dans son opposition radicale
au processus ontologique de l'objectivation est visible dans la
critique instituée par Eckhart , au nom de l'unité p récisément, contre
l'intuition qui trouve dans un tel processus son fondement « Tant
que nous sommes encore occupés à regarder, nous ne sommes p as
encore un avec ce que nous regardons . Tant que quelque chose est
encore l'objet de notre intuition, nous ne sommes p as encore un dans
l'Un. » En l'absence de toute intuition cependant, quand le p rocessus
qui lui sert de fondement ne s'accomplit pas, une manifestation se
produit, qui est la révélation de l'essence elle-même dans sa réalité.
« Car, ajoute Eckhart, là ou il n'y a que 'Un, on ne voit que l'Un (3) »
Ce qui, sur le fond en lui de l 'unité, constitue lui-même son p rop re
contenu, a été compris comme la vie ; J.arce que l'unité est nomme telle
fondatrice d'une révélation, la vie aus si est, comme constituée par l'unité,
constitutive et fondatrice d'une révélation , elle est en elle-même révélation.
« Connaître Dieu seul, voilà la vie éternelle », dit Eckhart ( I), c'est -
a-dire la vie même dans son essence en tant qu'elle se rapporte a
elledmême dans l'unité et non, dans l ' altérité, a un horizon fini. Parce
que celui-ci est exclu de la réalité _ qui..
est celle l
de ' essence et de la vie,
comme déterminée en elles par l'unité , c ' est cette realite par essence
infinie qui se révèle dans l'unité précis é ment
et dans sa parfaite
adéquation . Voilà p our q uoi c p erso
nne ne sait mieux ce qu'est la vie
eternelle que la vie éternelle elle-même » •
(z), pourquoi « ce qui
est au p lus haut point, o "
n le connaît également au lus haut
point »
pour ^
quoi, enfin , a « un être surabondant p
» correspond « une '
connais-
lance surabondante » Celle-ci ne saurait être consid'
..erse, toutefois,
comme
. , une ^ modalité
e modalitéparticulière de l'existence,
prvi- une •
légiee, par exemple; c'est une structure o '
ntologique -qui se trouve
déterminée â fla fois comme
et comme unité •
révélation. C' est elle qui
constitue cette « premiers Image où toutes choses sont u nits », ou.
réside, selon Eckhart, le « re os » et
p qu'il appelle encore sans équi-
voque « Dieu » O. C'
est en elle que s'accomplit l'expérience de
d'absolu qui, comme expérience ade uate
q de sa realite dans. l'unité,
laisse hors d'elle toutes ses determinatio ns transcendantes, dans
nette région Ontolog iq ue orig inaire ou l'âm e cc peut ..
gourer Dieu
avant qu'il devienne d'aucune façon Vérité ou c
ognoscibilité »,
« C'est la, ajoute . Eckhart, qu'elle connaît de lu
," • ^anze re la plus dure,
qu'elle assume l être dans sa parfaite Egaltie
() »
Ainsi est découvert, avec l'interp retati
on de la structure de l'unité
comme constitutive de « la connaissance la plu
s pure », c est-a-.dire de
l'essence originaire de la révélation '
. , 1e fondement ultime de l'union,
mise par Eckhart au centre de sa méditation de l'âme et de D
ieu. Que
peut signifier une telle union , en effet, sinon la man i festati
on a 1'aine
(I) T, 197•
(2) ID., i63 , souligné par nous.
(3) ID., 94.
LA STR UCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 4"
divine que prend forme en lui tout ce q ui lui advient » (1). Ce qui
pénètre en l'âme, cependant, dans cette forme absolue de la révélation ui
A q
constitue son essence • même et qui, comme fondamentalement déterminée en
elle par l'unité, est la révélation ori ^
`maire de l'absolu
est à lui-même c'
précisément celui-ci, Dieu, tel qu'il est en lui-mêne dans sa nudité. C'est
p ourqioi, comme le dit Eckhar t, l'homme est un theo onoste « ein Gott-
d
wissender Mensch ». C'est parce q u'il est tel, un homme q ui connaît
Dieu, que ce dernier , selon Eckhart q ui ra orte ici les p aroles
pp
mêmes de l'évangile de saint Jean,
s'est adresseà lui en ces ter mes .
« je ne vous ai pas appelés serviteurs mais j e vous ai app eles mes
amis. Le serviteur ne connaît pas la volonté de son maître , mais l'ami
sait tout ce que sait son ami (2) » Et c'est arce qu'ilqueest tel aussi
tous ceux qui participent à son essence ourront dire comme le
p
rapporte encore Jean : « vous, vous adorez ce que vous ne connaissez.
pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons» (3.
L'interprétation de la structure de l'unité comme constituti =e
d'une expérience ne confere pas seulement à l'union de l'homme
avec Dieu son fondement ultime, elle détermine encore d'une
maniere rigoureuse la nature de cette ex p erience- c'est-a- dire l'essen ce
même de la révélation. Parce que celle- ci s'accom plit dans l'unite
elle surgit et devient effective Independamment du process us onto-
logique de l'objectivation et de la phenomenalite produite par lui,
elle se manifeste et sa manifestation n'est p as celle d'un horizon
ni de l'exteriorité. « Limage, dit Eckhart , est sans ima ge », et cela.
« parce qu'elle n'est pas vue dans une nuire image ». C'est parce que
la revelation de l'essence n'est p as l'être -vu dans l'image de l'alterite
que l'âme dont le pouvoir de revelation rep ose sur celui de l'essence
ou plutot lui est identi q ue, comme constitue p ar lui « comp rend et
(I) T, 41•
(2) ID., 169.
(3) ID., 195 --- EAN, 4, 6-26.
41 2 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) T, 22I-222.
(2) ID., 110.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE
413
(.I) T, 103.
(2) ID., i 10, souligné par nous.
(3) ID., 169.
414 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) T, 110•III.
(2) ID., 213.
(3) ID., 130.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANEN CE
415
(I) T, 158.
(2) ID., 190: tt Si l'âme habitait au-dedans d'elle-même^
dit encore
"t,Fckha
le monde entier lui serait présent u (I D ., 203),
(3) ID., 231-232, souligné par nous.
4X6 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
le Fils est égal au Père. Mais dans l'Essence où ils sont un, ils ne
sont même plus « égaux », car l'e alité suppose de a la di erence »
C'est avec cette signification ontologi que ultime, comme radica
lement exclusive de tout rapport de transcendance, que doit s'entendre
l' unité, affirmée par Eckhart , du Père et du Fils, de l'essence et du
Verbe. C'estpourquoi
une telle unité n'a malgré l'apparence, rien,
à voir avec celle que p ar exemple, le j eune Heg el reconnait ra entre
Jésus et Dieu et dont il affirmera à l'encontre de la mentalité juive ,
l'existence . Entre Jésus et son Père c'est - à-dire aussi bien entre
l'homme et Dieu, il n'y a selon lui au-delà des déterminations figées
,
( Z) T, 203•
( 2) ID., 148.
(3) ID., 249, souligné par nous.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE
417
sib' 'té pour lui de se séparer de soi dans le dépassement, parce que
celui-ci, c'est-à-dire l'essence de la transcendance, en est princi-
piellement absent, c'est bien au contraire la positivité interne de
cette relation originelle qui fait apparaître en elle l'exclusion comme
ce qui en résulte. Ce que signifie ..l'impossibilité apparat donc finalement
comme ne pouvant se comprendre qu'à partir de cette positivité de la relation
originelle de l'être avec soi et de ce qui la fonde, â partir de la cohérence de
l'essence dans l'unité originaire qui lui appartient et la constitue. Impossi-
buté veut dire par conséquent, unité, nécessité de cette unité, lien ,
lien qui ne peut être délié et, en ce sens précisément, « im ossi-
bilite ». Parce que 1 impossiblite pour l'être de se dépasser résulte
de la force avec laquelle il cohère origmarement avec soi dans.
l'unité primordiale, c'est celle-ci, la structure interne de l'essence,
qui est ici pensée par la problématique, et qu'elle le soit à la lumiére
du concept de l'impossibihte atteste précisément le caractére à la fois
ultime et originel, insurmontable et indepassable de nette unité et la
détermine ainsi dans sa positivité ontologique specifique et dans ce
qu'elle est. C'est une même compréhension qui s'institue à travers
ces déterminations positives ou négatives; et l'impossibilité pour d'être
e se dépasser lui-même, de se retirer en deçà de son être et de lui
échapper, sigmfie identiquement son attachement irrémissiblea soi
le car. actere irréductible du lien qui l'enchaîne â lui-même dans la
relation originelle qui le constitue.
Où conduit cependant la détention de l'être à la lumière.
u concept de l'inpossib' 'té si elle n'est pas la simple répétition
par l'analyse e detique des caracteres ontologiques fondamentaux
qui constituent la structure interne de l'essence comme immanence
En quoi, plus exactement, une telle repet tion se montre-t-elle
féconde ; Comment manifeste-telle sa nécessité ? Qu'est-ce donc
que cela, être Alie et rivé à soi-même par l'attachement irrémissible
à soi de ce qui constitue soi-même, dans l'unité originaire, soin propre
contenu et s'identifie avec lui ? L'évidence du progrès réalisé dans la
4 22 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
ment qui s'avance vers un monde que pour autant qu'elle :demeure
en elle et s'y maintient comme ce qu'elle est. Demeurant en elle et
s'y maintenant , c'est comme telle comme ce qu'elle est chaque fois
et a a être, qu'elle existe et peutpassement
être le libre de qu'elle est.
La transcendance a un soi, elle est la transcendance de son
foi. C'est a partir
de celui-ci
•seulement et comme celui -ci qu'elle '
exacte, de telle maniere que ce sot
n estjamais ce qu 'elle transcende , mais ce qui transcende
, ce qu'elle est et a a
être pour être ce qu^ ^ _
elle est. Comment la transcendance a-t-elle
ell , comme
cela mêmeque' ne transcende jamais ,
un « soi » ? Comment
se maintient - elle à l'intérieur de son propre depassement pour être
celui-ci et avoir à l'être ? Avec la libéra taon de ce qui,' dans l 'essence,
constitue sa structure interne , la nedonne pas seule -
problematique
ment une réponse à ces questions fondamentales elle dit, plus
avant.,
ce qu'il en est de ce soi de la transcendance queet signifie
ce ' pour elle
« être comme ce qu'elle est et a à être ». De
...telles déterminations
demeurent obscures et en fait non comprises aussi longtemps que
la pensée est tentée a'e les interp reter à partir du
dépassement, c est-
a-dire de la transcendance elle-même. Qu'expriment _elles d'
. autre.
alors, en effet, que la simple tautolog ie, mais
. une maniere d' bizarre
et il°iu ilement compliquée ? Ou bien la transcendance ne se donne-
t-elle pas en elles, en l 'absence de tout autre fondement, comme la
seule origine à partir de laquelle elle a recisem
, p tint, a être. ce qu 'elle
est et, comme telle, . à assumer,
alors dans ce qui constitue ' son delais-
sement le plus insurmontable , le mode d'existence '
qui est chaque.
fois le sien. ? Ou bien encore et au contraire, la deterrnanation
ontologique
fondamentale de la transcendance â artir de l'être-soi et comme titre-lai,sce-
a-soi vient-elle , non de celle-ci ,
mais precisement de ce qui invinci-
la laisse '
blement â elle -Même donc 1'inl^oc .ribilité pour
elle de ce depa.rser ? A partir
de cette impossibzlite seulement, et de l'essence
q ui la contient,
s'entendent et s'éclairent , dans ` leur Opposition radicale .
a celles, de la
tautologie , les déterminations ontologiques structurelles qui vouent
la transcendance à l'existence qui est
ne et lal'être
font sienne ,
-laisse-
42 8 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) W G, 99.
(2) ID., 98.
436
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) W G, '00.
(2) ID., 104.
(3) ID., 110.
(4) ID., zoo.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 437
(I) SZ ,
228.
(2) WG, tlo, souligné par nous.
LA STRUCTURE INTERNE DE L 'IMMANENCE
439
(r) Cet aspect de la pensée de Heidegger est assurément celai qui a été le plus
souvent et le mieux compris par l'existentialisme français notamment. Qûe
1' « homme » ait à décider lui-même, dans son libre projet et par lui, de ce qu'il est
chaque fois et peut étre, qu'il n'y ait pour lui, en ce sens, aucun recours et qu'il
doive assumer lui-même ce qui lui arrive, c'est-à-dire en fait la situation qu'il pro-
duit dans sa liberté et aussi bien les valeurs à la lumière desquelles il la pense et
Se comprend lui-même, qu'à la guerre, par exemple, il n'y ait pas de victimes inno
eentes, toutes ces thèses et les divers développements auxquels elles donnent lieu
en sont, sinon l'expression pure, du moins la traduction immédiate sur un plan
psychologique. Pourquoi l'abandon de l'homme à lui-même ainsi compris et inter-
prété comme déterminant sa situation ne contient pas l'essence de celle-ci et contr-
bue bien au contraire à masquer les structures ontologiques ultimes qui la consti-
tuent, c'est là ce que rend apparent la suite de la présente analyse.
LASTK UCT UAE INTERNE DE L'IMMANENCE
M. J!ENRY
15
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) SZ, 284. -- « Seiend ist das Dasein geworfenes, nicht von ihm selbst in
sein Da gebracht.
(2) Ibid., souligné par nous.
L.A S TRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 443
clairement que celle-ci constitue son être et en même temps l'essence du fonde-
ment. Ainsi surgit dans l' évidence éidétique la possibilité ici recherchée
comme l'essence de la Nichtigkeit et, identiquement, de la Gewor^
fenheit la possibilité pour le Dasein de n'être pas le fondement de
lui-même : n'être pas ce fondement veut dire ne pas se trouver déterminé
dans son être comme transcendance.
Une telle détermination , la non-détermination de l'être du
Dasein p ar la transcendance , ne p eut ce p endant demeurer simplement
négative si elle contient la p ositivité ontologique concrète de l'être-en-situation
et, plus précisément, l'être-en- situation du « Dasein » lui-même. De celui-ci
ce pendant elle ne constitue p as seulement la situation mais identi-
quement son être même si le « Dasein » se révèle situé en tant que tel et si
p ar ailleurs il est autre chose que rien. Ainsi l'entend Heidegger
« Nichtigkeit ne veut dire en aucune façon ne pas être donné, ne pas
exister nicha bestehen), mais signifie un « ne... pas... » qui constitue cet
être du « Dasein », sa « Geworfenheit ». » Et encore : « La Nichtigkeit
existentiale n'a en aucune façon le caractère d'une privation, d'un
man que ( i ) . » En quo: consiste cependant la positivité Ontologique de la
« Nichtigkeit » ? A quoi renvoie la détermination qui la constitue au même
titre que la « Gewor enheit », le « n'être-pas-fondement » qui veut dire « ne
pas se trouver déterminé dans son être comme transcendance » ? A quoi
renvoie-t-elle, à quelle structure effective , de telle manière qu'elle ne
si g nifie p as une sim p le p rivation, un manque , mais laisse au contraire
paraître en elle une essence ? Qu réside celle -ci ? Ces questions
fondamentales trouvent leur réponse dans le travail eidétique d'eluci-
dation où s'élabore le sens de l 'être : la positivité ontologique concrète de la
détermination structurelle essentielle que laisse paraître en elle la « Nichtig-
keit » réside dans l'immanence. Pour cette raison la « Nichtigkeit »se révèle
identique à la « Gewor enheit » et la fonde, parce que l'immanence porte en
elle comme sa structure même l 'essence de la situation.
Parce-
que la positivité ontologique de la Nichti^
keit dans
réside
l'immanence , ce qui fait cette et identique
positivité ment, l 'essence
de la situation, ne se laisse pas reconnaître à l'aide des présuppositions
qui
,i sont
. celles de la philosophie de Heidegger . C'est pourquoi, a
1 ntérieur de celle - ci, la signification de la Nichtigkeit
se trouve
nécessairement travestie . Ce travestissement s'accomplit de
deux
façons. En tant que le Dasein est dans son existence le fondement de
son pouvoir -être, il se comprend à partir des possibiht
es qu 'il
projette, de telle manière que ce projet s'accomplit aussi, ainsi qu'on
l _ a vu, comme un retrait , « Pouvant- être dit Heidegger, le Dasesn
se tient.., dans l'une ou l'autre ossibilite constamment il n'est pas
l'autre et s'est privé d'elle dans son projet existentiel (i). »Que
le Dasein ne soit pas dans la ossibilite dont il se t '
p couve ainsi. prive
en tant qu'il se tient dans son pprojet à l'intérieur d'une '
l possibilite
effective , c'est là ce qui détermine celui-ci comme essentiellement
nichtig. La « Nichtig keit »^ainsi com
f rise
erese re a la finitude qui affecte le
p rojet des possibilités dans son accomp lissement effecti
ectif, c est-a-
' - dire a la
llberte elle -même . « La liberté est - il dit n'est qu
e dans le choix
d'une possibilité, c'est-à-dire dans le fait d'assumer le
non-choix . ^ . de
l'autre (z )'. » La « Nichtig ke t f» qfzn:ide
ui se re ere à la ' de la laberte,
c'est-à-dire a la transcendance elle-même considérée dans son
acttvate fonda-
trice, n'a cependant rien à voir avec celle ui dés gne la si '
q mille suppres sion de
cette activité, l'impui s sance de la transcendance à se onder elle-même
f Ainsi
se laisse reconnaître l'ambiguïte fondamentale `
de la .Nichtlgkezt
heideggerienne selon qu'elle traduit le mode fini confor mernent
auquel, se projetant à partir de s oi vers ses p ossibilt':
es , le .Dasea,i se
trouve détermine comme l ' être-fondement ou au contraire, le « ne...
pas... » qui affecte essentiellement celai-ci en tant qu 'il n'est j'a mals
lui-même le fondement de son être.
partir des possibilités qu'il projette, de ce qu ' il est dans ce projet est
celle de sa situation. La situation s p atiale du Dasein, p ar exemp le,
n'a rien à voir avec le simple fait pour une réalité donnée de se
trouver là où elle est dans l'es p ace, rien à voir non plus avec l'être-
en-situation d'un outil tel qu' il se détermine à partir d'une région,
elle presu pp ose au contraire la découverte de celle-ci celle d'un
espace que le Dasein dispose et met en place, à p artir du quel « il
détermine chaque fois son propre lieu , de telle sorte q u'il revient
de l'espace mis en place sur la place qu'il a occupée » (i). Parce q ue
c'est seulement à partir de l'espace mis en place dans la transcendance
de l'horizon ouvert qu'il revient sur sa place p our . la déterminer et la
comprendre, « le Dasein conformément à sa spatialité n'est jamais
d'abord ici mais là-bas; c'est à partir de ce la -bas qu' il revient sur son.
ici, et cela seulement de telle manière encore une fois qu'il explique son
être se souciant pour ... à partir du Zuhanden qui est -là-bas » (z) . Un tel
revenir sur soi, a partir de l'objet de son souci , du Dasein se souciant
determine en general sa situation et constitue par suite la structure
de celle-ci.
Pareille structure devient visible notamment dans le cas des
déterminations existentielles qui concentrent le Dasein sur sa propre
situation . Ainsi en est-il dans la peur, laquelle ne se ramène as à
p
l'intuition d'un obj et mena çant ni à la simp le attente de celui-ci.
comme d'un mal futur. La crainte eprouve'e devant ce dernier n'est
telle et ne peut être par suite ressentie comme peur eur que p our autant
que le Dasein ne se projette pas seulement dans l'attente au-devant
du terme menaçant quis approche, mais revient encore sur soi a
partir de celui-ci pour se comprendre, des lors, dans sa soumission
par rapport à lui, a la lumiere du danger qu'il encourt lui-même dans son
existence propre -C'est parce q ue « le s'attendre de la p eur laisse le
I) SZ, 341.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 45'
plus, d'une réalité qui n'est plus donnée , mais au sens de ce qui,
étant encore, était déjà . L'acte de revenir à p artir du futur q u'il
projette sur l'être-été de cet acte, c'est-à-dire du Dasein lui-même, est la
temporalité. C'est comme temporalité, comme modes de celle-ci et
de sa temporalisation, que se trouvent saisies par Heidegger et
décrites par lui la peur et l'angoisse en tant qu'elles laissent paraître
en elles, comme cela même qu 'elles découvrent, l'abandon du
Dasein dans la Geworfenheit, sa situation. Le caractère concret de
celle-ci, le fait qu'elle signifie précisément l'abandon du Dasein, sa
déréliction, ne résulte pas simplement , toutefois, de l'accomplissement
de la temp oralité. Ce dernier, plutôt, doit être com pris non comme le
simple retour du futur sur le passé , mais à partir de la détermination
la plus originelle de ces ekstases , à partir de l'horizon fini de. la mort
et de ce qui, se rapportant à celle-ci , lui est d'ores et dej â, dès sa
naissance par conséquent , livré, L'être-ayant-été comme livré à la
mort dès sa naissance, l'être qui porte en lui co-originairement
naissance et mort, non comme ce qui n'est plus ou comme ce qui
n'est pas encore « réel », mais comme ce qui surgit inlassablement
de 'accomplissement de la temporalité et co mme cet accomplissement
même, est comme tel, comme essentiellement déterminé en lui
par la temporalité, comme transcendance et comme Dasein situe.
,
La situation du Daseii, toutefois, ne se confond pas avec la
temporalité, elle prend naissance en elle. Dans le projet du futur
il n'y a rien d'autre que la mort. C'est seulement dams l'ante de revenir
sur soi a partir de celle-ci que le Dasein se comprend dans son abandon,
comme lui étant livré. Parce que nette compréhension par soi du
Dasein dans sa déréliction s'accomplit dans un tel acte , comme un
retour en arriere, elle surgit dans l'ekstase du p asse, prend sa forme
et la présuppose . Voilà pourquoi le concept de situation apparaît
originellement lie au passe,> parce que la Geworfenheit de l'existence
se découvre a l'intérieur de celui-ci, dans l'ekstase de son horizon.
« Dans la Befindlichkeit le Dasein est surpris comme l'étant qu'étant
452 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
en elle quand, ainsi qu'on l'a vu, elle se trouve contrainte de déter-
miner le fondement de l'être-situé à de l'idée d'un
partir fonde
ment..
qui, comme transcendance précisément , n'est pas le fondement de
lui-même, à partir de l'idée de la Nichtigkeit. Parce que l'abandon de
l' existence a elle-même, constitutif de sa situation , réside dans
l'essence de cette Nichtigkeit originelle l se montre comme tel
radcalement étranger àtout ce qui revêt la structure ou la f orme d'une
ekstase, au surgissement du passé dans la tempovalisation première
de la transcendance par conséquent C'est pourquoi l'affirmation
.
par laquelle Heidegger prétend caractériser ce qui constitue la
facticité du Dasein comme un état caché Verschlossenheit et selon
laquelle celui-ci « co-détermine le caractère ekstatique de l'abandon
de l' existence au fondement nichtlg d'elle-même » ( i ) doit être rejetée.
L'incompatibilité éidétique de l'ekstaie temp orelle et du propre ondement
f
« nichtig » de celle-ci, de ce qui se trouve déterminé comme « Nichti keit »
par cette zncompatibil:re même , rend également inintelligible , incapable
en tout cas d ' exhiber en elle l'essence originelle de la Gewor fenheit,
l' idée donnée pourtant par Heidegger . comme décisive pour la
comprehension de celle -cl, d ' un « rapport ekstatiquement temporel
du Dasein au fondement déjeté de lui -même » (z) . Loin de pouvoir
se fonder sur la temporalité , le concept ontolog i que originel de l'être-
en-situation se trouve au contraire brisé par elle.
Ainsi voit -on, avec l'intervention de la tem poralité dans la
..
définition de ce concept originel la roblemati ue contrainte
,
d' enfreindre les prescriptions qui définissent ensemble en même
temps que ses caractères ontologiques fondamentaux , l'essence de
la situation. Parmi celles - ci, lap
lus i
essentielle
constitue celle qui ' le
fondement de toutes les autres , a été reconnue comme l'im ossibilité
p
pour l'existence de prendre attitude à l'égard de soi, en ce qui concerne
temps» (i), » Ainsi s ' introduit d ' une façon equivoque chez Heidegger
le concept de répétition comme re éfition de ce ui se présente d'abord
p q
sous la forme d'une réalité transcendante dans l'ekstase du passé. Ce ui
q
se présente d ' abord sous la forme d'une réalité transcendante dans
l'ekstase du passé e l 'être
n'est rien d ' autre toutefois qudéjeté
'' du Dasein
sa déréliction , qu'il lui faut alors, se transmettant à soi-même ce qu'il
est « d ' une façon immediate» dit Heidegger mais, en fait, « par ekstase
temporelle » ( 2), prendre sur soi , assumer, acce ter, alors ue rien
p q
ne repugne davantage à la structure interne ori ginelle de la Gew r-
fenhen', c est-a- dire de la situation elle-même, que la liberté incluse en
de tels actes comme ce qui les possibles rend La 'ulta osition ^ de ^ces
-
déterminations ontologiques hétérogènes b est visible dans la philo-
sophie du destin . Car le Dasein ne eut en celui - ci « choisir » la
possibilite dont il « hérite », et, par suite; se com p rendre en lui dans sa
« super-puissance impuissante », « dans la super-puissance- de son
projet.., sur la dette qui l'engage en
, » (3), que pour autant que .
propre
s'ajoute à celle - ci, à la déréliction dans la Gewor enheit, le ouvoir du
f p
Dasein précisément de revenir sur elle et de la reprendre dans la hberte
du projet , Ainsi le Dasein, dont il est dit pourtant qu' « il ne revient
jamais en deçà de sa déréliction » (4), se trouve - t-il revenir précisé-
ment sur elle, au-delà et en deça, dans 1 ekstase de l'horizon où il la
recueille, comme si l'h , er- ouvoir de cet acte par lequel. il 1' «assume»
aussi bien venait composer , avec l ' impuissance qui. determira.e
. (1) SZ, 385 (traduit par CORBIN in Qu'est-ce que la Métaphysique ?, op. cit.,
190).
(2) « En ré;^étant dans le destin les possibilités ayant été, le Dasein se reporte
à ce qui, avant lui, a déjà été une;presence, d'une façon immédiate, ,'est-a-dire par
ekstasis temporelle. Mais avec cette autotransmission de l'hérita e la « naissance A
se trouve alors, dans le revenir à partir de lapossibilite
depassablein ' g de la mort,
rejointe dans l'existence... pour que celle-ci accepte, libre d'illusion la déréliction
du Da propre » (ID., 391, souligné par nous cf. CORBIN,
op, cit., 1.99)•
(3) ID., 385 ; cf. CORBIN, op. cit., 189•
(4) ID., 284, 383.
LA sTRvc?:vAE I^TE^ NE DE L'IMMANENCE
4S1
(I) K, 284.
(2) EN, 642, souligné par nous.
462 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(z ) EN, 639.
(2) ID., 51 1 .
(3) F. JEANSON, Le Problème moral et la Pensée de Sartre, off. cit., J4
466 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
même du donné vers ses fins que 1 a liberté fart exister le donne comme
ce donné -
ci, .., mais en même temps.,, elle se choisit comme ce dé p asse-
ment-ci du donné » ( x). Ainsi faut
-il définir la situation comme
« éclairée par des fins qui ne sont elles
meures '
projetées » --- et fau-.
Brait-il ajouter <c situées » -- « qu'à partir
de l'être-là qu'elles éclai-
rent », et dire encore que « la fin n'éçlaire le do
- nne » -- et faudrait-11
ajouter cc le situe » -- ec que parce qu'elle est
choisie comme de aise-
ment de ce donné » 0 (2) ilMais
n 'est pas meilleure façon 'de psortir d
'un
cercle que de le réaliser , et cela dans la plus extrême confusion : « la
situation, dit Sartre, produit commun '
de la contingence de .l'en-soi et
de la liberté , est un phénomène ambigu •
dans lequel il est impossible
au pour- soi de di scerner - et de l'existant
l' apport de la hberte brut» (3) ,
Une telle incertitude qui voit sous les meures concepts erre
subsumées tour â tour les réalités les plus _ differentes, chaque terme
ne conférer la détermination de l'être-situe au terme o ose
pp que
pour autant qu'il la tient fui - même de celui-cl se retrouve dans la
philoso phie de Jaspers ou l '
essence de la situation est explicitement
décrite comme une dialectique de 1 a nature et de la liberte, tandis
que l'union de ces éléments heterogenes n
e peut soulever d'objection
;puisqu'elle se donne justement pour un « paradoxe » et qu' il suffit
somme toute de considérer la réalité comme .
constituée par des para-
doges de ce genre pour: trouver en chacun d 'eux une p
reuve evidente
de sa vérté...Ai nsi la situation de l'homme
se comprend-elle '
aisement
sur le fond en elles de la transcendance qui le s lie au monde, devient sans objet
quand elle ne signifie plus identiquement le surgissement effectif' de la phéno
ménalifé. C'est pourquoi un tel lien perd finalement son caractère
transcendantal et devient véritablement « naturel », son accomplisse-
ment dans les fonctions du corps se confond avec celui d'un processus
ontique. C'est l'insertion de la conscience dans une nature em pi-
rique qui, conformément aux p resupp ositions du réalisme, détermine
l'homme et le situe . La définition d'un monde où l'ego n'a point
part se donne paradoxalement comme constitutive de la situation
de celui-ci, alors que, comme le mettra en évidence la p roblémati que .
de l'ipséité mais comme peut le comprendre en fait toute pensée
fidèle aux enseignements de l'intuition phénoménologique, la situation.
de l'ego réside nécessairement dans sa structure même et lui est identi que.
C'est à la lumière de ces remarques qu'il convient d'ap précier . le
texte suivant, l'ambiguite et l'indétermination inscrites en lui. « Il y a
donc , écrit M. Merleau-Ponty, un autre sujet au-dessous de moi, p our
qui un monde existe avant que je sols la et qui y marquait ma place,
Cet esprit captif ou naturel, c 'est mon cor p s, non p as le corp s momen-
tané qui est l'instrument de mes choix personnels et se fixe sur tel
ou tel monde , mais le système de « fonctions » anonymes qui enve-
loppent toute fixation particuliere dans un projet général . » Parce
que « cette adhésion aveugle au monde », ce qui est p our le sujet « le
fait de sa naissance », « une communication avec le monde p lus
vieille que la pensée », s'opposent simplement à celle-ci, laquelle
concentre au contraire en elle le principe de la phénoménahte,
« ils engorgent la conscience et sont o paques à la réflexion » déter
minent « l'expérience vitale du vertige et de la nausée qui est la
conscience... de notre contingence » (i). Ainsi voit-on retomber dans
le dualisme de celle-ci et de celle-là une pensee dont le dessein le
plus remarquable était p ourtant de lui écha pp er. C'est finalement,
LA STRUCTURE INTERNE
DE L'IMMANENCE
ET LE PROBLÈME
DE SA DÉTERMINATION
PHÉNOMÉNOLOGIQUE
L'INVISIBLE
(.cuite)
devant une pensée aux prises dès lors avec « l'inconnu » La compréhen-
sion de celle-ci et du mouvement dialecti q ue où elle se p erd, de ce q ui
constitue à proprement parler le destin du monisme, demeurait
cependant négative : la transcendance se dérobe parce qu'elle n'assure pas
elle-même la possibilité de sa propre manifestation, tel était son contenu.
La prétention de reconnaître dans le fondement lui-même, et cela
comme lui étant identique , la raison de sa p ro p re dissimulation ne
signifiait rien d'autre finalement que la non-reconnaissance en lui
du pouvoir susceptible de le révéler ori ginairément. Elle ouvrait la
voie, pour cette raison, à une recherche et à une détermination
positive de ce pouvoir , c'est-à-dire p récisément de l'être réel du
fondement . Une telle détermination est l'oeuvre accom p lie p ar la
problématique . L'essence de la transcendance réside dans l'immanence.
Dans la positivité de cette dernière , non dans le simp le faitpour
la transcen-
dance de ne paf assurer elle - même fa propre manifestation, doit être cherchée,
si elle en est une, la raison de la dissimulation, et cela de telle manière que la
mise en évidence de cette raison , identique à l'essence, app artienne à l'eluci-
dation de celle-ci et de sa structure interne.
Comment la dissimulation trouve-t - elle sa raison dans la p osi-
tivite de l'essence et lui est-elle identique ? Qu'est -ce qui fait, d'ans
la structure interne de l'immanence , qu'elle se dérobe ? Chu bien
n'appartient -il pas à celle-ci, conformément aux résultats e detiques
les plus importants obtenus par la problematique, de ne pas s'en
aller hors de soi dans l'extériorité mais de se retenir au contraire en
elle ? Dans cet acte de se retenir en soi, c'est-à-dire aussi bien dans son
esfpnce originelle, est incluse la raison pour la quelle l'immanence prezsement
ne s'avance pas dans l'extériorité et rie se montre pas en elle comme celte
extériorité même ni nomme la pheomenalite qui la constitueo La non-
appartenance de l'essence à l'extériorité et à sa hhenomenalite propre
le fait qu' elle ne se montre pas dans celle-ci, c'est là ce qui détermine
sa :dissimulation. Parce que cette non-appartenance, la non-manifes-
tation de l ' essence dans la manifestation de l'horizon et dans le
480 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(r) Cf. K, 290 : Une analytique du Daseân doit s'efforcer, dès le départ, de
mettre en pleine lumiére le Daseni dans 1'homme selon ce mode d'être qui, par
nature, le maintient dans l'oubli, lui et sa compréhension de l'être... ide mode d'être
du Dasein --- décisif seulement du point de vue d'une ontologie fondamentale --
nous le nommons l'existence quotidienne (AlUdglwhhe t).
484 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) K, 289.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 485
de l'L^tre-dans ori8
inaire;
e deillusion
la même façon toutet toute
erreur » (i). Ainsi se trouve rejeté par la pensée conformément au
-réÀoç qui l'anime et détermine structurellement la direction de sa
visée, le concept même de l'immanence toute possibilité pour
l'essence de se retenir originellement en elle et de composer ainsi,
dans cet acte de se retenir originellement en soi, quelque chose comme
une intériorité. « Il n'y a pas de sphère de l'immanence, pas de
domaine ou ma conscience soit chez elle... pas d'intimité de la
conscience », et cela parce que celle-ci, dans la vision par exemple
« ne se possède pas et au contraire s'échappe dans la chose vue » (z).
Telle est, comprise par la pensee, la structure universelle de l'exis-
tence, en sorte que même le corps, sur le fond en lui de cette structure
« ne retombe jamais tout à fait sur lui-même », que « l'existence co rpo-
relle ne repose jamais en elle-même » {3)
Mais
. la pensée porte en elle l'essence qu'elle nie. Parce que
celle-ci constitue sa vie, cette vie immanente originelle qui est la
sienne dans l'acte même par lequel elle se tourne vers le dehors, . la
négation qu'elle formule quand, s'identifiant à un tel acte elle le
pense et se pense elle-même à la lumière du TéÀo qui le determine
dans 1 exterioritê, perd son assurance et devient ambi guë. Et ,
cela
non seulement parce que pour nous le contenu de sa négation demeure
e'ugmatique quant a son origine, en sorte que le problème de celle-ci se
pose
• inevitablement
, . . preluge et que la simple dénonciation »
du « de.
l,interiorite prealable du sujet de la connaissance demeure enente v' '
aveugle à l'égard de ce qu'elle dnnonce, se maintient ainsi• sur un
plan prephiloso p hi que et perd finalement tou te signification.
' Pour
elle, pour la pensée qui, conformément au éXode l'intentionn
S ante,
s'enfonce dans la ccnnaissance de l'objet, l'intériorité de celle-ci
n'est e --
p as d'abord,
^ en dépit direction
cette de constante q u'elle se
donne et qui lu'i appartient par principe, l'idée inadéquate à la
lumière de la quelle elle se comprend mal, ce « ré u é » est '
^ J ^ ^ plut6t, le sien,
il est ce qu'elle dit spontanément d'elle-même da ' du langase
ns !a verste
naturel (i). Au moment de la négation de l'immanence par
la conscience
philosophique préexiste celui de son affirmation immédiate dans la
vie. De quelque façon que celle-ci se figure cette immanence, que
les représentations qu'elle s'en donne trouvent inévitablement leur
contenu dans la pensée de l'étant et lui appartiennent, qu'elle se
comprenne par exemple comme une « boîte », n'est elle-même
qu'elle exprime ainsi spontanément et l'intériorité absolue de l'imma-
nence originelle qui constitue ro rement son essence est ce qu'elle
formule confusément. pourquoi C'est de telle
s représentations ont
pour elles
. la force
se de leur origine transcendantale elles
frayent.
un chemin jusqu'à la conscience se mai
philosophique, ntiennent en
celle-cl. et, finalement, s' 'à la nega
Y Juxtaposent taon théorique ' de
l'essence qui les nourrit. L'immanence n'est rien
de telle maniera
cependant que ce rien devient insensiblement quelque chose et, en
fin de compte, le nom d'une essence.
Ainsi voit-on, après qu'elle a été niée.. comme une. fiction
d'ailleurs inexpliquée, apres qu'il a été dit qu'il n'y a pas de sphere
de l'immanence, pas de possession de la conscience par elle-marne,
pas d intimite de cette conscience ni de domaine ou elle sort chez
elle, l'intériorité de celle-ci s'introduire a nouveau dans la proble-
matique et être implicitement admise par elle. « I 1 lui est bien. essentiel
de se saisir », affirme-t-on de la visiona c'est-' dire en-fait
. de la
conscience perceptive et de toute conscience en eneral « et si elle
ne faisait pas elle nele ^
serait vision de rien 'de soi
», Cette saisie de la
qu'elle est « donnée danse une évidence originaire dont la frme d'im-
,nediateté dissimule le mouvement qui l'a engendrée » (i).
Ce n'est pas seulement parce que « l'intentionnalité qui les
produit reste en elles à l ' état implicite » (z) que les « productions »
propres aux sciences positives demeurent naïves, inexplicitées quant
au sens ontologique constitutif de leur être. Ou p lutôt, c'est à l 'origine
de cet « état implicite » qu'il convient de remonter si l'on veut
véritablement dissiper mais d'abord comp rendre le caractère naïifdes
sciences, lequel se fonde ultmement dans la structure cachée du ouvoir const%
p
tuant lm-même et des intentionnalités specifiques par lesquelles i1 s'exprime.
Ainsi s'éclaire, à partir de la non- manifestation dans le donné de
l'intuition donatrice , la méconnaissance habituelle de cette donation
Ainsi se trouve compris finalement non comme ce qui n 'est rien
mais comme celle-ci comme la condition de l'objectivité, l'élément
obscur qui se retient hors d'elle. Parce que l'élément obscur est la.
condition de l'ob ijectivité, « l'obscurité de la salle nécessaire à la clarte du
spectacle
- » et, finalement, la condition et l'essence de tonte présence
possible, il est comme tel, comme sa condition « ce qu'il y a d'opaque
dans mon présent » (4), et cela de quelque manière que celui-ci s'ac-
complisse, partout et toujours , en sorte que «. Penser la pensée » par
exemple, « ce n'est jamais éliminer, c'est seulement re orter lus
p p
haut l'opacité de la Pensée pour elle -même » (^)
Parce qu'il y a en elle quelque chose d'opaque et que sa propre
essence se dissimule, la pensée tombe dans l'oubli . Para qu'elle ne
peut cependant, et pour cette raison, dans l'acte meme par lequel
elle se pense elle-même, éliminer totalement mais seulement reporter
plus haut sa propre opacité pour soi, la pensée ne tombe pas simple
ment, â vrai dire, dans cet oubli mais , ---- et cela conformément â la
positivité qui a ppartient au concep t de ce dernier et le rend ossible
p
en général elle le vit comme tel, comme l'oubli par elle de sa propre
essence. Ainsi parait celui-ci au sein même de la pensée qui l'accomplit.
« L'essence de la conscience est d'oublier ses propres phénomènes (i).
»
Que ceux-ci se trouvent interprétés ou non comme de sim p les événe-
ments psychologiques , comme des déterminations intentionnelles
spécifiques en tout cas , imp orte p eu ici c'est sur le fond en elle de sa
propre essence que la con science les oublie comme cela même qu'elle est.
Comment s'accomplit pareil oubli ? Que la conscience qui vise
l' extériorité manque l'essence qui se retient hors de celle-ci et ne uisse
p
par principe la tenir dans sa visée , que sur l'objet de cette dernière
elle se fuit. elle-niême, de telle manière q ue sa connaissance n'est ue
q.
l'ignorance de soi, tout cela a été dit. Qu'il en soit ainsi cependant
c'est là maintenant l'affirmation de la pensée de l'objet, l'autoné ation
g
de la négation de l'immanence . « Mon acte de perce p tion m'occu e...
p
assez pour que je ne puisse , pendant que je perçois effecti^rement la
table, m'ap ercevoir la percevant (z). » Parlant des êtres sensibles
qui m' entourent, ce p ap ier sous ma main , ç es arbres sous mes eux
y ,
Merleau-Ponty dit encore que « ma conscience se fuit et s'i g nore en
eux » (i). La de finition
inition de l'existence cômme échappement à soi impli ue ce
q
qu'elle me, l'immanence est sa présupposition consciente.
Parce que, selon la philosophie de l 'existence la conscience
oublie ses propres phénomènes , « elle eut se les rappeler » (4)
L'idée dans l'existence et dans la p hiloso p hie qu'inévitablement
,
l'existence se donne d 'elle-même, d'un Remémorial ossible ou
p
nécessaire atteste en elle la positivité de son oubli, la réalité de ce
(i) Ces confusions et, d'autre part, leur origine, laquelle réside ainsi dans le
statut phénoménologique du eorps originel comme corps immanent , sont visibles
par exemple dans le texte suivant « I,,e corps par lui-même, le corps en repos n'est
qu'une masse obscure ; nous le percevons comme un être précis et identifiable
lorsqu'il se meut vers une chose, en tant qu'il se projette intentionnellement vers
le dehors, et ce n'est d' ailleurs lamais que du coin de 1'oeil et en marge de la cons-
cience , dont le centre est occupé par les choses et par le monde s (PhP, 372). - C'est
de la meme manière , d'un corps marginal , d'une première couche transcendante
de la sensibilité constituée parles sensations qui accompagnent l'accomplissement
du mouvement, non de L'être originel de celui-ci, c'est-a-dire du corps immanent,
que parle en réalité Sartre dans les propositions précitées qui présentent ce corps
comme « insaisissable », négligé ^, passé sous silence a, etc.
(z) I,e connaissant, dit Sartre ... n'est pas saisissable ^, EN,. 225.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 497
(I) L'étranger, selon Schelling, est ce qui est produit inconsciemment par le
moi. I,e monde , d'une manière générale, ne parait objectif à la conscience que dans la
mesure où il existe sans sa participation , c'est-à•dire est produit par un acte traits
cendantal inconscient. Ainsi s' explique la connaissance , l'accord qu'elle réalise,
selon la pensée traditionnelle entre la notion et 1'objet , accord qui « est inexplicable
,
sans une identité primitive dont le principe se trouve nécessairement au-delà
de la conscience' (If, 2 ,13). Et de la même manière l'union , qui fait l 'histoire, de la
liberté et de la nécessité (« 1'histoire n'est possible que par «l'union de la liberté et de
la nécessité... Par ma liberté et tandis que je crois agir librement doit se produire
sans que j'en aie conscience, c'est-à-dire sans ma participation , quelque chose que
je ne prévois pas... '. D'où « le devoir de demeurer entièrement tranquille sur le
résultat de mes actions (In., 325-326 - 327), le destin , la providence ia génialité
,"
enfin , qui est l' umon du génie avec l'activité inconsciente qui crée le monde (ef. .s
353).
498 L'ESSENCE IDE LA MANIFESTA TION
elle est seulement posée par une « réflexion critique ». « Ce n'est pas la révélation
d'une réalité absolue, fût-ce celle d'un acte, c'est la mise en évidence des conditions
à priori sans lesquelles aucune connaissance ne serait possible. » Encore «nette
élaboration philosophique se fait-elle « dans le monde » (ID.,124). Ainsi s'explique
que, finalement, le sujet kantien soit non « éprouvé n mais « admis » (ID., 127).
(i ) on peut trouver un exemple remarquable de cette mythologie dans 1 Allure
du Transcendantal de BÉNÉZÉ (Vrin, Paris, 1936). C'est souvent lorsqu'une pënsée
s'exténue et n'offre plus d'elle-même, dans le mouvement de l'histoire, qu'une
formulation extérieure de ce que furent ses intentions initiales que les insuffisances
et les lacunes de celles-ci paraissent au grand jour. C'est la ce qui fait l'intérêt du
livre auquel il est fait ici allusion et dans lequel on` voit se developper jusqu'à
l'absurdité la plus évidente les conséquences qui résultent dans la philosophie de
l'esprit de la dissimulation originelle de celui-ci et, en même temps,. de l'inaptitude
de la problématique à lui reconnaître un fondement dans l'essence. « On ne peut
saisir la conscience transcendantale elle-même H, affirme M. BENÉZÉ (ID., 18), ce
qui l'amène à declarer`au sujet de celle-ci qui constitue cependant le fondement
de toute connaissance, l'absolu, précisément qu'elle est cet « absolu n, qu'elle est
« indubitable », et cela bien qu'elle ne soit pas connue, qu'elle ne soit pas une « cons
cience » (« seule est absolue la conscience transcendantale, non pas même en tant
qu'elle est conscience, mais en tant qu'elle est indubitable u (ID., 259-2.60), et encore
que « la conscience transcendantale n'est pas une conscience » (ID,, 244)) et, dans
le même temps et pour cette raison sans doute, qu'elle n'est qu'une « fiction didac-
tique u et que c'est à ce titre seulement qu'il convient de la garder (ID,, I r) et que
d'ailleurs cc il ne nous est pas permis d'appeler conscience ce qui échappe au doute
cartésien » (ID., 94). Entre ces affirmations extrémes, également absurdes et contra-
dictoires, se situe toute la série des propositions classiques selon lesquelles le trans-
cendantal n'est qu'une « forme », un « cadre vide » (In., 261), une « forme transcen-
dantale impersonnelle parce qu'elle est vide n (In., z68), etc. Parce que la conscience
transcendantale est inconnue en elle-même, le problème de son analyse, d'une
« analyse transcendantale de la conscience p (ID,, 17), se pose comme celui de la.
méthode. Celle-ci consiste à « surprendre le transcendantal à propos du connaissant
et à propos du connu » (ID., 93). « Ce sera... par l'examen introspectif de la conscience
empirique associé à l'observation du monde que nous saisirons l'activité transcen^
dantale ' (ID., 13). Dans le monde et dans ses structures organisées on cherchera
le reflet du pouvoir constructeur, on tentera de saisir en lui « l'allure du transcen-
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE SOI
de celle-ci, ne se laissep
as sioublier.
facileme nt Qu 'elle soit. consciente
de l'oubli dans lequel elle se meut et conçoive au moins l 'essence
comme ce qui lui échappe , c'est là sans doute le caractère le plus
•
intéressant, le plus essentiel, de la philoso hie, u'elle soit celle de
p q
l,« esprit » ou de l'« existence Par un tel caractère en effet la réflexi
». on
traditionnelle ou contemporaine se rattache à l'essence et si elle ne
parvient pas à la détermination ontologique positive de sa structure
interne comme immanence , elle peut apparaître du moins en maints
de ses développements comme le p ressentiment
celle-ci.de
(i) a oujours à
T nouveau je m'égare; c'est un chemin forestier b, Jo urna l intime,
op. Cit., 224.
(2) 'ID., 290.
(3) cc Nous avons é té chassés du paradis, mais le Paradis n'a pas été détruit pour
cela b, I D., 302.
(4) ID,, 304.
So8 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) VB, 292. - Que l'impossibilité de parvenir à l'essence par le moyen du savoir
ne présuppose pas l'inexistence de celle-ci et s'enracine au contraire dans la posi-
tivité de sa structure interne, Kafka, penseur religieux, devait le reconnaître à sa
manière . Aussi voit-on dans le Journal, au moment même où l'échec de toute
recherche humaine lui est explicitement imputé, se faire jour . au contraire la neces-
sité de fonder sur l'essence elle•même, et comme identique en fait à celle-ci, la
possibilité effective de parvenir jusqu'à elle. Une telle possibilité fondée sur la
structure de l'essence se laisse comprendre, dès lors, à partir de son opposition
radicale à la connaissance, et la pensée qui se laisse conduire par elle, c'est-à-dire
par l'essence elle-même, retrouve la signification métaphysique et religieuse des
« moyens qui furent depuis l'origine ceux de la religion, la signification des techni-
ques religieuses, tandis que se découvre à elle, dans le même temps et pour cette
raison , l'essence, que meconnait nécessairement tout savoir positif, de la réalité
et de la vie. Parlant de celle-ci, Kafka dit qu'elle est « répandue autour de chacun,
dans sa plénitude, mais voilée dans la profondeur, invisible... Elle se trouve là-bas
point hostile, point réfractaire m sourde. I,, invoque-t-on par le mot juste, par son
nom véritable, alors elle vient. C'est là le caractère de la magie qui ne crée pas
mais qui invoque * (Journal intime, op. Cit., i i ).
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE SIS
(I) «Être fidèle à moi-même, pourront dire M. Dufr€nne et P. Ricoeur dans leur
commentaire, c'est toujours oser parce que je ne sais jamais ce que je suis » (Karl
Jaspers et la philosophie de l'existence, o. C., 150, souligné par nous),
(2) Ainsi se trouve écartée une philosophie aberrante du choix. Que ce dernier
ne résulte pas de l'examen des motifs o n le voit dans le fait. qu'un tel examen, s'il
n'a pas pour effet de le différer indéfiniment et de le rendre finalement impossible,
en souligne seulement le caractère inexplicable et mysterieux. Le paralogisme de
toute théorie intellectualiste de l'action est de chercher dans la sphère de l'idéalité
l'origine des déterminations réelles.
LA STR UCT URE INTERNE DE L'
IMMANENCE 319
(I) Que la Psychologie ne Puisse rendre compte du saut `qualitatif ^ et cela parce
que ce dernier se produit dans une dimension ontologique radicalement différente.
de celle ou se meut la psychologie, K' x^G ^navait
l' ' déjà note
d'Angoisse, op, cit., 64 sqq•). L'impuissance de celle-ci et en(Le Concept
•
pas seulement affirmée, toutefois tir Kierkegaard g^eral du savoir, n'est
p egaard (c'est là encore le sens de la thèse
selon
laquelle il y a : contradiction à vouloir s'afiger de la culpabilité sur le terraini
esthétique, â. ID. 57), elle s'accompagne chez lui, contrairement à ce qui a été
dit à la suite de certaines affirnnations de HEIDEGGER cf. infra,
définition au moins implicite d' .. ( § ^o, none), de la
une ontologie positive de la subjectivité ontologie
qui joue à l'égard de la philosophie de l'existence le rôle d ' •
et l'empêche en conséquence de dé ` un fondement. essentiel
générer dans la 'litterature et le verbalisme ou,
comme on va le voir, dans le vide et
la confusion d'un quelconque « irrationalisme ,.
3 20 L'ESSENCE. DE LA MANIFESTATION
I) Une telle critique d'ailleurs mérite à peine ce nom. Elle est bien plutôt,
comme on vient de le voir à propos de Jaspers mais comme le montrerait en général
l'histoire du rationalisme, le fait de celui-ci en tant qu'il n'a pu se développer,
c'est-à•dire tenter de promouvoir le régne de la raison, sa lumière, sans se heurter
à l'élément qui n'apparait en elle que pour lui manifester son hétérogénéité radicale,
à l'étant. Ainsi subsiste dans l'objet de la connaissance quelque chose d'irrationnel
qu'elle ne peut reduire tout à fait, bien qu'elle y tende sans cesse. Que cet élément
irréductible aux déterminations intelligibles de la connaissance reparaisse , selon la
philosophie classique, du côté du a sujet », ne montre pas seulement le caractère purement
problématique de ce dernier. L'affinité paradoxale qu'entretient alors l'esprit avec le
terme opaque et impensable qui le détermine d construire l'objet et qui sert de substrat`
d celui-ci, rend encore son concept principiellement absurde , comme dépouillé préci•
sèment de toute signifcation ontologique. C'est cette absurdité d'un concept non
ontologique de « l'esprit qui fait le fond du volontarisme ou encore de la philo-
sophie de l'existence au sens de Jaspers.
LA STRUCT URE INTERNE DE L'IMMANENCE
525
due doit être comprise comme l' « attribut » essentiel d'une substance
correspondante dont elle fonde ou plutôt constitue la connaissance.
A cette substance étendue, c'est-à-dire à la matière créée, Male-
branche juxtapose, il est vrai, celle de l'âme laquelle ne correspond
plus toutefois, du moins pour nous, aucun attribut intelligible, aucun
« archétype ». C'est en ce sens assurément que l'âme ne peut être
connue, au sens où les propriétés essentielles qui déterminent sa substance
metapbysique ne nous sont pas représentée, dans le milieu de l'extériorité
et ne peuvent l'être. Cette impossibilité pour les propriétés essentielles
qui , déterminent la substance métaphysique de l'âme d'être repré
sentées dans le milieu de l'extériorité et de trouver ainsi en lui la
phenomenalite constitutive de leur intelligibilité, Malebranche
l'exprime en disant. que nous n'avons pas d' « idée» de l'âme. « Idée»
ne désigne pas primitivement chez Malebranche la conception parti..
culière d'un rapport déterminé rii son contenu idéal spécifique mais,
précisément, cette idéalité elle-même, le milieu où un tel rapport
est susceptible de se manifester, la conception saisie dans sa possi-
b' 'té ontologique • universelle comme identique à la spatialité trans-
cendantale du monde pur, à l' « étendue ». L'idée est 'justement une
détermination de celle-ci. C'est pourquoi encore, pour Malebranche,
toute connaissance est comme telle une connaissance par idée et trouve en
cette dernière et dans l'effectivité du milieu qu'elle détermine chaque
fois, sa propre effectivité (i), C'est précisément parce que nous
n'avons pas d'idée de l'âme et qu'ainsi une connaissance de celle-ci
est à la rigueur impossible, que, pour tenter d'asseoir néanmoins
(r) Il n'est pas possible, bien entendu, d'instituer ici, même sous la forme d'une
simple esquisse, une problématique du cogito à proprement parler. En raison de la
nature complexe de ce dernier comme des multiples questions qu'il soulève, seuls
ont pu être abordés dans le cadre de la présente analyse les points qui se rapportent
directement à l'objet de celle-ci.
(2) Celle ci devait d'ailleurs passer totalement inaperçue dans le cours ultérieur
de la philosophie occidentale, si ce n'est toutefois chez Manie de Biran à qui il
était réservé de lui donner un développement infini.
532 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
que sur le fond de l'unité et par elle . Dans la structure de celle-ci par
conséquent et dans son maintien , réside la possibilité interne de l'être,
son essence . Une telle possibilité se trouve exclue au contraire , et cela
par principe, du milieu ontologique qui est celui de la connaissance.
Ainsi se fonde pour cette dernière , dans la structure même de l'être,
l'impossibilité de parvenir jusqu'à lui. Une telle impossibilité n'exprime
pas autre chose que l'opposition irréductible de deux essences phénoménolo-
giques : c'est parce que la phénoménalité qui constitue sa réalité n'a rien à
voir avec celle qui définit le milieu de la connaissance que l'être ne peut se
montrer en celle-ci. Parce que la phénoménalité constitutive de l'être et
celle de la connaissance n'ont entre elles rien de commun, parce
qu'elles diffèrent dans leur nature, dans ce qui fait leur phénoménalité
même, l'effectivité de l'une implique chaque fois en elle, dans le surgissement
de son contenu manifeste, la non-effectivité de l'autre. L'opposition ivre-
ductible des essences phénoménologiques a cette signification
ultime. Conformément â celle-ci, parce que la manifestation d'une
essence détermine en elle la non-manifestation de son anti-essence
phenomenologique , toute apparition est' identiquement, en ce qui concerne les
donnés purs originels qui structurent fondamentalement la réalité et la défi-
nissent, une disparition . C'est pourquoi la connaissance ne peut déve»
lopper le milieu ou devient visible ce qu 'elle atteint, un tel milieu ne
peut devenir visible en lui-même sans faire s'évanouir hors de sa
lumière ce qui demeure , en son contenu phénoménologique essentiel,
irréductible à celle-ci. Dans son développement positif la connais-
sauce accomplit chaque fois l'oeuvre de cacher . Rien de ce qu'elle
produit ---- ni les objectivités qu'elle libère, ni le milieu idéal où se
meuvent les multiples déterminations de l'être transcendant -- ne
compose une approche de l'essentiel ne constitue , à quelque
,
degré que ce soit, fût-ce sous la forme d'une « simple apparence »,
une manifestation de l'absolu. . « La moindre image créée qui se
présente en toi de quelque manière que ce soit est tout aussi grande que
Dieu... parce qu'à la totalité divine elle barre le chemin qui mène
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 535
(1) T, X44•
(2) ID., 221.
(I) T, 191.
(I) 1, 240.
(2) ID., 248.
(3) ID., 254.
(4) ID., 224.
(5) ID., 259•
M. HENRY 18
538
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(1) T, 258.
(2) ID., 150.
(3) u Qu' est-ce que la vie ? L' essence de Dieu est ma vie u , ID., 148.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 539
(I) T, 33•
(2) Ce Dieu là, dit ECKHART parlant du Dieu réel qui n ' est pas celui auquel
l'homme peut ou non penser , ne passe pas (ID., 33).
(3) ID., 186.
(4) ID., 47.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 541
(I) T, i86.
(z) « Ce qui m'est inné demeure (sb^d.).
(3) ID., 242 , souligné par nous.
542 L'ESSENCE DE . LA MANIFESTATION
(I) T, 199.
(2) CI. supra, § 40.
(3) T, IIO-1iI.
(4) ID., 179.
(5) ID., III.
(6) ID., 197..
(7) ID., III.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMA NENCE 545
(I). T, i99.
5 46 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
( r) T, 256.257•
(2) ID., 197•
(3) ID., 110.
(4) a Elle s'apaise entièrement dans l'être de Dieu tout ce qu 'elle sait c'est
qu'elle est là, et elle ne counait que Dieu x (ibid.).
(5) Une telle « perte » ne s'accomplit bien entendu que dans la visée de la cons
cience et comme ce qui résulte justement du mouvement de cette visée.
548 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
que par la cécité, le connaître que par la non-connais sance le comprendre que
par la déraison (i). »
Que la révélation de l'essence absolue réside dans le non-savoir
et soit constituée par lui, ne détermine as
p seulementdel'oeuvre
celle-ci comme la dissimulation originelle qui rend caduque l'entre-
prise de la connaissance . Parce que cette oeuvre est celle de la révéla-
tion, sa détermination dans le non-savoir dit ce qu'est la phénomé-
nalité effective de l'essence en tant qu'elle ne se manifeste pas dans
le monde et ne peut être connue, en tant qu'elle n'a pas de visage.
§ y o. LE NON-VISAGE DE L'ESSENCE
sens des alchimistes . Ainsi s'éclaire d'un jour singulier le pressenti tl.
ment qui fut depuis le début çelui de la problématique, l'idée que le
fait de ne as
papparaître
mentdemeure totale
indéterminé et son
concept privé de sens aussi longtempsq ue l'apparaltre lui-même
n'a ^
pas été reconnu dans ses déterminations structurelles fondamentales
â l'intérieur du travail exhaustif de son élucidation ri g oureuse , l'idée
que ce qui n'apparaît pas n'est peut - être tel qu'au re gard d'une
conception unilatérale et abstraite de l'essence (i). Avec l'accomplis-
sement de ce travail d ' élucidation tombe au contraire la définition
immédiate de l'invisible comme simple privation de laphénomenalté.
La prétention de chercher l'origine de toute connaissance dans le
visible et dans ses pouvoirs , prétention explicitement formulée
par Kant (2)
. et qui domine en fait l ' ensemble du développement de la
philosophie occidentale, perd ses droits et se trouve renversée si
la négation incluse dans le concep t de l'invisible n'est pas celle de la phéno-
menal:te mais détermine le made selon le quel celle-ci se phenome'al:se ori
ginairemem et nous aide à le concevoir.
La détermination par le concept de l'invisible du mode selon
lequel se phénoménalise ori ginairement la p hénoménalite', la déter-
mnation originelle de celle-ci, doit être p ensée . L'invisible n'est as
p
seulement révéla ion en lui-même de part en part, il definii justement la
nature de celte révélation. Si l'élaboration ontologique de l'essence de
la manifestation e concentre sur la quest i on de savoir comment sa
manifestation précisément s'accomplit, sur ce « comment » en tant
que tel, la détermination structurelle de ce dernier trouve ici sa signi-
fication phenoménologique , positive et concrète . L'invisible constitue
dans la positivité de son effectivité phenoménologi ue spécifique, le « comment»
de la révélation de l'essence de la révélation et le détermine phénoménoloi^
(x) T, 167 « I,à où l'âme demeure dans le jour qui convient à sa propre nature,
elle connaît toutes choses au-delà du temps et de l'espace, et rien ne lui est proche
ni lointain souligne par nous.
,,
(2) ID., 174.
(3) ID., io8. C'est la version que donne Eckhart du verset de l'évangile de saint
Jean.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE
"3
(I) Hymnes d la Nuit, trad. Geneviève BIANQvis, Aubier, Paris, 1943, 79.
LA STRUCTURE INTERNE DE
EL IMMANENCE
L'IMMANENCE 555
(i) C'est, de cette façon purement formelle que se poursuit chez Heidegger
`
l'élaboration ontologique de l'essence la plus ori 'pelle de
• , l la vérité : le .non-dévoile-
ment est la simple présupposition du dévoilement, sa determination
logique pensée sous la categorie de l'obscurité ou de la di henomeno-
opposition dialectique a ce dernier et réside e sszmulation résulte de son
n elle. I,' obnubilation est donc, lors-
qu'on la pense d partir de la vérité comme
dévoilement , le caractère ' de n'être as
dévoilé et ainsi la non vente originelle, propre à l'essence d p as
de la vérité, op, cit., çZ, souligné ar nous) e 1a vérité ^ (L'essence
p . Et encore : « L obnubilation refuse à.
1 &X) Oc le dévoilement » (ibid.), de telle manière que
c'est dans ce re fus et par ^Ï+^i
qu'elle est comprise et se détermine comme ce u'ellc
Q . C est
este précisément parce. qu'elle
n'est rien d'autre que le refus du dévoilement que l'obnubilation
qu'au sein de celui-ci et precisésnent ne peut se d
comme son refu s, comme sa limite , comme la iO
de son accomplissement phénoménologique effectif, comme
détermine essentiellement le règne de la versté et l'errance ar la uelle ell e
..quelle avec
finalementla
elle q
s' identi fie .
Ainsi s'éclaire en son fondement dernier le caractère
insurmontable de l 'emprise
Ibo L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
qu'exerce l'errance sur l'ontologie, l'obligation faite à cette dernière, dans la question
unique par laquelle elle s'égale à la métaphysique et à la philosophie elle-même,
de se comprendre et de se proposer comme « la vue du mystère â partir de l'errance A
(ID., Ioo, souligné par nous), c'est -à•dire encore, pour l'Entschlossenheït de celui-ci,
la nécessité précisément de « s'accomplir au sein de l'errance aperçue comme telle »
(ibid.). Pour cette raison aussi, toutefois, parce que l'obscurité qui la détermine
et lui confère sa positivité ontologique propre se trouve comprise en tout cas et
de toutes ces façons à partir du règne de la vérité, dans son opposition dialectique
avec lui et, bien plus, comme la loi même de son accomplissement et de son effec-
tivité, la non-vérité n'a prineipiellement rien à voir avec l'essence pensée dans ces
recherches comme celle de la révélation originaire et saisie en elles comme l'invisible.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE 561
(I) L, 226.
LA STRUCTURE INTERNE DE L'IMMANENCE
567
(I) L9 225.
M. }IENRY
. 19
5 70 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
INTERPRÉTATION ONTOLOGIQUE
FONDAMENTALE
DE L'ESSENCE ORIGINAIRE
DE LA RÉVÉLATION
COMME AFFECTIVITÉ
(z) K, 244.
5 74 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
Ce qui se sent soi-même, . de telle . manière , qu'il n'est pas quelque chose
qui se sent mais le fait même de se sentir ainsi soi-même , de telle manière
que son « quelque chose » est constitué par cela, se sentir soi-même, s'eprouver
soi-même, être affecté par soi, c'est là l'être et la possibilité du Soi. A
celui-ci il appartient que ce qui lui est donné originellement et
d'une manière exclusive, comme constituant sa p ro p re réalité, c'est
lui-même, et cela non comme un contenu mort dans la tautologie
sans conscience de la chose identique à . elle-même, maris comme
ce qui lui est donné , comme ce qu'il ép rouve et qui l'affecte. Dans
le Soi réside et se réalise s'il est possible, l'identité de l'affectant
,
et de l'affecté . L'identité de d'affectant et de l'affecté réside et se
réalise, trouve sa possibilité non théorique mais réelle, l'effectivité
de son effectuation phénoménologique, dans l'affectivité . L'affectivité
est ce qui met toute chose en relation avec soi et ainsi l'oppose â
toute autre, dans la suffisance absolue de son intériorité radicale.
L'affectivité est l 'essence de l'ipséité.
Parce que l'affectivité est l'essence de l'ipséité, tout sentiment
est en tant que tel, comme sentiment de soi, un sentiment du Soi,
laisse-être, révèle, constitue l'être de celui-ci. Pour cette raison on
ne saurait , en ce qui concerne le p ouvoir fondamental qui l'habite de
révéler le Soi et de le constituer, opposer un sentiment à un autre,
comme si certains sentiments avaient seuls, en raison d'une déter-
mination particulière de leur être, de leur profondeur , comme senti-
ments fondamentaux , comme béatitude par exem ple ou comme.
désespoir, un tel pouvoir, pouvaient seuls, â ce titre, être appelés
les « sentiments métaphysiques du Soi » (I). Ce n'est j amais le contenu
particulier d'un sentiment, la tonalité affective propre qui le diffé-
rencie et l'isole de tout autre , qui peut faire de lui - le sentiment
d'un moi, celui -ci, précisément, n'est jamais le contenu particulier .
d'un sentiment particulier. Le contenu particulier d'un sentiment
(I) F, 351.
58Z L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
celui-ci, bien qu'un tel contenu lui soit identique . Plutôt, c'est parce
que ce contenu lui est identique, parce que, sur le fond de son
identité avec soi, le sentiment s'est toujours déjà senti soi-même et
porte en lui ce qu'il est comme ce qui l'accompagne invinciblement et
dont il ne peut se défaire, qu'il s'éprouve lui-même comme dépassé
par soi et par sa propre réalité . L'identité ' avec soi du sentiment le
lie à son contenu en sorte qu'il lui est soumis et le supporte, et, en
,
l'absence de tout rapport ne se rapporte à lui qu'à l'intérieur d'un
,
« souffrir » et comme ce « souffrir » qui le détermine ultmement et
constitue en lui l'essence de l'affectivité.
Un tel « souffrir », le « se souffrir soi-même » du sentiment dans
sa passivité ontologi que originaire à l'é g ard de soi, est ce qu'il faut
penser si l'essence de l'affectivité doit être expliquée . En lui, dans le
souffrir considéré en tant que tel, prend naissance et se forme l'épais-
seur du sentiment , son être réel irréductible décidément à la tauto-
,
logie vide de l'identité que la philosophie, lorsqu'elle s'e fforce de la
penser, non comme la condition dernière à laquelle « il faut bien
s'arrêter », mais comme effective, dans l'effectivité de la phénomé-
nalité, se représente comme une pure transparence, comme la translu-
cidité de la conscience . Car la translucidité, si l'on veut, la trans pa
rence du sentiment n'est pas celle d 'une vitre, laissant voir autre chose,
toute chose et par elle -même, en elle - même rien , le néant. A travers
, ,
sa propre transparence le sentiment plonge dans la réalité de son effectivité.
Ainsi s'opère , dans l' immanence du sentiment, son dépassement, le
dépassement du sentir vers ce qu'il sent, de telle manière que,. se
dépassant ainsi, le sentir ne se dépasse vers rien , ne se dépasse pas
lui-même, est l'être- saisi du sentiment par sa propre réalité . L'absence
du dépassement est
. dans le jentiment ce qui le dépasse, son identité avec soi,
Un tel dépassement, celui de l 'identité, s 'accomplissant en elle, donne
au sentiment son contenu, l'ouvre à celui-ci, le lie indissolublement
à ce contenu qui est lui-même , le charge à jamais du poids de son être
propre . Ce qui est ainsi chargé de soi pour l'être à jamais, c'est là
L'AFFECTIVITÉ
59'
douceur de l'être qui vient à lui dans le s entiment. Une telle douceur
où l'être vient à lui sans effort, s ' éprouve dans la passivité '
du souffrir,
dans le sentiment , pénètre tout ce qui est. Considérons le sentiment ment
de l'effort . Ce qui lui est donné , c'est la tension i ntérieure de l
'exis-
tence qui affronte l'être -. opposé et dans cet affrontement se le donne
c'est l'effort, mais dans la façon dont l' effort est donné à lui-même dans le
ff
sentiment de l'effort, il n y a pas d 'effort. L'être de l'effort se réalisant
dans le sentiment est sa passivite originelle à l'égard de soi, son être -
,
donné à soi-même dans le souffrir comme se souffrir soi-même est
sa douceur.
D e même en est-il pour le sentiment de l'action, our toute
p
action en général , pour tout ce qui est. L ' action est l'o ération.
p
Mais l'être de l'action n'est pas l'opération, n'est pas l'action elle-
même. Pas davantage les diverses déterminations dans les quelles
elles s 'expriment, les modes variés de leur déroulement ou de leur
réalisation. L'être de l'action est la non-action sapa5sivite ontolo-
gique originaire à l'égard de soi . Toute action est subie, non par
autre chose, par la chose sur laquelle elle . s'exerce , par le sujet ui
q
l'exerce, mais par elle-même . Ou plutôt, c ' est là ce que signifie être
A
le sujet del action, être l' action elle-même en tant qu'elle se subit
elle-même originairement , dans sa passivite ontologique à l'egard
de soi. Être un sujet veut dire « subir », veut dire « être », L'et re
du sujet est l'être lui-même. L'être du suj et est la subjectivité.
subjectivrte constitutive de `'être et :dent: que à celui-ci est l'être-avec-soi
le parvenir en soi-même de l'être tel qu'il s'nccomplit dans la assvi'te oragip.
'
p
nelle du souffrir. L'essence de la subjectivité est l'affectivité.
Ce qui silencieusement parvient en soi et se rassemble dans la
toute-puissance de d'être-Soi , et cohere avec soi dans l'im puissance
del être livré a sol par sa passivite originelle a l'egard de soi, ce
qui, dans la toute-puissance de cette impuissance , éprouve ce qu'il ''
est et , dans la douceur de sa propre venue à soi-même , se sent frémit
en soi dans le frémissement intérieur de sa pro pre révélation a soi-
5 96 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
fondement sur ce qu'il fonde, quand elle n'a pas d'autre moyen pour
circonscrire finalement l'être compris comme l'énigmatique que de
recourir au mouvement vers lui de l'homme comme mouvement de
l'homme vers ce qui lui échappe (i) Précisément, l'être n'est pas
tel, énigmatique, invisible, en tant qu'il nous échappe et se retire
loin de nous mais en tant qu'il nous affecte. L'invisible est l'être
compris comme l'affection, l'affection • originelle son effectivité
première et l'essence de toute effectivité, la phénoménalité elle-même
absolue, irrécusable, telle qu'elle se révèle originairement à elle-
même, est l'affectivité.
essentiel, c' est lui qui détermine la nature de l'acte dans lequel le
sens se donne son contenu comme un acte qui n'est jamais celui de
regarder bouche béante le pur ob j et de ce regard, qui n'est jamais
privé de tonalité, mais se propose toujours au contraire , et essentiel-
lement, comme affecté par celle-ci et constitué par elle. Le caractère
affectif de la sensibilité est son caractère essentiel parce qu'il ne se
superpose pas simplement comme une coloration variable, passagère
ou l'accompagnant toujours, à son exercice mais le rend possible.
L'opposition peut se produire, le monde est susceptible de nous
affecter et de nous toucher , parce que le pouvoir de l'opposition qui
nous ouvre le monde et est affecté par lui s'affecte lui-même originel-
lement. Le monde ne nous est pas donné pour ensuite et éventuelle-
ment nous toucher et nous émouvoir ou nous laisser dans l'indiffé-
rence, il ne peut précisément nous être donné que comme ce qui
nous touche et nous émeut, et cela parce que l'affection ection de la transcen-
dance par le monde a sa condition dans l'auto-affection et dans l'affectivité.
La sensibilité est précisément la transcendance en elle-même comme affective
dans son essence . L'essence de la sensibilité se trouve dans l'affectivité.
La sensibilité n'est pas une faculté particulière , déterminant chez
l'être en qui elle s'exerce une forme de vie spécifique par opposition
à d'autres modes possibles de la vie pour lui, à sa vie intelligente
ou active p ar exemp le. La sensibilité désigne l'essence du rapport
au monde, tout rapport possible à celui-ci par conséquent, quel que
soit le mode selon lequel il s'accomplit, qu'il s'agisse d'un rapport.
pratique ou théorique , ou encore d'un rapport « sensible » entendu
au sens étroit comme ce qui se produit par l'entremise d'organes
corporellement déterminés et leur appartient . Parce que la sensibilité
désigne l'essence du rapport au monde et le constitue celui-ci,
,
l'être-dans-le-monde considéré en lui-même et comme tel abstrac-
,
tion faite du genre de réalité avec laquelle il nous met en rapport et
indépendamment d'elle, se trouve déterminé , à partir de l'essence
de la sensibilité en lui, comme ce qu'il est, comme affecté chaque fois
L'.AFFECTwI TÉ 60;
déterminables , règlent aussi les relations qui existent entre les tonalités
affectives éidétiquement liées à ces actes.
Les corrélations eidétiques qui existent entre les tonalités affec-
tives des actes et leur structure noético-noématique ne se limitent
pas, toutefois , à la sphere de l'évidence ni â celle du jugement, elles
sont universelles et concernent tous les actes intentionnels possibles
quels qu'ils soient . Nos sentiments ne sont ni plus ni moins contin-
gents que nos pensées . Et comme celles ci laissent voir en elles des
-
structures typiques absolument déterminées et auxquelles elles
obéissent, de même en est-il de nos sentiments dans leur lien avec
ces pensées et, par elles, avec les choses . Chacun ressent et éprouve,
vit d'une façon différente, d'une façon subjective , un paysage, une
oeuvre d'art, un moment de l'histoire , et tout ce qui lui advient, de
telle manière cependant que ces « façons de vivre » sont soumises
aux lois de la perception, de l'imagination , du souvenir , etc. Les
tonalités affectives qui sont liées à ces actes de la perception, de l'ima
gination, du souvenir et les déterminent inévitablement , ne sont
point contingentes par rapport a de tels actes , elles sont leur réalité
et les modes de leur réalisation. Nous n'éprouvons pas n'importe
quoi devant n' importe quoi. Les sentiments que provoquent en nous les
choses sont la conscience de leur constitution.
L'interprétation du comprendre comme affectif ne signifie pas
seulement l'existence en lui d'une tonalité lui appartenant et déter-
minant chaque fois le mode concret de son accomplissement effectif ,
cette proposition aussi semble impliquée par elle et se propose comme
essentielle toute tonalité, inhérente à un acte de comprehension et
liée à lui comme sa réalité même est, comme telle, comprenante.
,
Ainsi se fait j our la thèse selon laquelle l'affectivité ne consiste pas
en un ensemble de modifications ou de qualités subjectives , par elles-
mêmes opaques , irrationnelles , inexprimables, incapables de se
dépasser vers une signification ni de l'atteindre, privées de « sens »
par conséquent , et dont le lien avec nos représentations ne saurait
L'14FFECTITjIT1
607
(i) A la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann , Gallimard, Paris, 1960,
I, 4z7.
bio L 'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) F, 351.
6i6 L'ESSENCE DE LA MA NIFES TA TIO N
tout cela qui plonge ses racines dans le vide de l'existence, c'est-à-dire dans
sa tonalité, loin depouvoir
déterminer celle-ci lui est identique et en '
résulte.
Ainsi s'atteste, au sein même de sa dépendance à l'égard de l'être
étranger, et plus encore en elle, l'autonomie de l'affectivité et la
détermination par elle de toute affection comme telle.
Ainsi doit être rejetée la thèse de Fichte selon laquelle , « le senti-
ment... dépend du hasard » ( 1) et ne saurait comme tel, en raison
de ce caractère contin gent et variable de son être nous permettre
de saisir la vie, au sens où il l'entend , et d'en jouir, c'est-à-dire asseoir
notre rapport à l'absolu, la p ossibilité de fonder un tel ra ort
A pp
devant être laissée a ce qui est seul ca pable de subsister ar soi-même
p
et ainsi de durer, à la conscience de soi identifiée à la connaissance
et à la pensée. Ainsi doivent être écartées les pensées d'inspiration
fort différentes qui, partageant ce p endant avec celle de Fichte et
a vrai dire, avec la quasi-totalité des philoso p hies du sentiment la
conception de la contingence absolue de celui-ci, c'est-a-dire de sa
dépendance à l'égard de l 'é vénement et d'une manière générale de
l'affection, croient pouvoir fonder sur le phénomène de cette dépen-
dance et sur cette contingence même, com p rise dès lors comme un
caractère essentiel de l'affectivité , un savoir p ositif concernant celle-ci ,
sa genèse, son développement ainsi que ses p rincip ales p rop rietes
Telles sont notamment , dans la psycholo gie qui se dit scientifique
les théories fonctionnelles qui p retendent éclairer le sentiment et en
définir la nature à partir précisément de sa « fonction » de son rôle
ces derniers étant de nous ada p ter aux choses , de p ermettre entre le
vivant et l' univers l'instauration d'un éq uilibre essentiel au maintien
de toute vie, fût- elle conscientielle et à son de' elo eurent, En vertu
, pp
de ce « caractère ada p tatif » et p ar suite de l' < orientation objective»
qu'il lui confère, il est donc « normal » que le sentiment, « s'adaptant
a mille ob j ets divers », suscité par eux, variant avec eux, se modifie
(Y) 14à dessus, cf.. PRADINES, Traité de Psychologie générale, Presses Universitaires
de France, Pans, 1948, I, 663 sqq. Cette justification fonctionnelle de l'affec-
tivite n'exclut pas d'ailleurs, indépendamment de toute fixation pathologique,
une certaine stabilité a normale A et en quelque sorte a saine n du sentiment, stabilité
toujours relative cependant et qui exprime la stabilité de l'adaptation elle-même,
comme il amve dans le mariage par exemple, à l'intérieur d'une profession, dans
le choix d'une activité suivie, c'est •à-dire lorsque la situation ne se modifie plus
ou seulement de façon insensible, le changement perpétuel de nos affections et la
volonté de le maintenir en leur fournissant toujours de nouveaux objets pouvant
signifier, dans certaines conditions , un refus de l'adaptation elle-même et de ses
exigences et, comme tels, devenir eux-mêmes a pathologiques ».
L'AFFECTIVITÉ
619
anim ent à leur sujet . Ainsi la « subj ectivité» ,
^ apparaît-elle à un moment,
dans le dérèglement F mede
passion, unela com ''de 1 affec-
propriété
tivite, comme une détermination accidentelle de celle-ci par consé-
quent, liée à elle d'une manière contingente et précisément a la
faveur d ' un « dérèglement » , alors que,
, q me ilcomme ammmété montre,
l'affectivité constitue la même de la subjectivité et son essence
possibilité
et lui est identique . Ainsi voit-on l'anal yse s'orienter
de façon absurde
vers la recherche de la fonction du sentiment et du vole joue par lui
dans l'économie générale du, s' efforcer den rendre
psychisme
compte à partir du phénomène de l'ada ptation , expliquer
par exemple
les émotions par une rupture brusque de celle-ci , c'est-a-dire encore
a partir d'elle, se livrer dans cette direction à toutes sortes d'analyses
et de considérations , avant même de se préoccuper de savoir ce
qu'est ` le sentiment comme tel, avant de se oser '
p la question de son
essence, et sans jamais le faire , En ce
• qui concerne l'adaptation elle-
même, et si on prétend lui faire j ouer le rôle d'un principe
cape d expia
problématiq ue de l'a ffectivi té et de ses-cationsd'éreu
modes fondamentaux , il convient alors de rendre
p préalablement en
considération ce qui rend p ossible cette ada ptation
somme celle et
lui sert de fondement , à savoir l'affection. • par
Expliquer 1 affectivité.
l'adaptation, c'est l'expliquer par l'affection elle-même
, prendre a
condition pour le conditionné et marcher ainsi proprement sur la
tête, d'accord en cela, il est vrai avec
le sens commun, car lus une
pensée est superficielle
et inverse l ' ordre vrai des chosesp lus large
l'audience elle est assurée . Si dont ' p
donc sous le titre de l'adaptation
quelque chose doit être pp ensé,, c'est le ra pp ort a 1'"
erre extérieur,
rapport qui sans doute est lié indissolublement à l'a '.
ffectlvite comme a
l'essence qui, l'excluant d'elle-même, le fonde
toutefois et le déter-
mine ontologiquement.
La détermination ontologique structurelle de l 'affection par
l' affectivité contient le d'une critique
principe générale du méca-
nisme, c'est-à-dire de l'idée d ' une dépendance rigoureuse
de l 'affecté
6zo L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) S, 289.
G z z L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
4 S 6. AFFECTIvrrÉ ET SENSATIONS
à lui, se propose et prétende faire valoir ses droits aussi bien dans
le cas de l'affectivité que dans celui de la sensibilité, ou plutôt comme
attestant la communauté d'origine de ce qu'il y a à la fois et identi-
quement d'affectif et de sensible de qualitativement spécifique,
,
dans le contenu impressionnel et les tonalités de l'existence subjective
en général, la philosophie de l'affectivité le montre suffisamment,
qui affirme à travers toute son histoire et par-delà l'opposition appa-
rente des doctrines qu' «il n'y a pas de sentiments sans un ensemble de
phénomènes corporels (i). » -
Que l'affectivité ne s'identifie pas à la sensation et ne se laisse
pas comprendre non plus comme son effet, cela résulte de ce qu'elle
en est au contraire la condition . Là est le paralogisme de toute théorie
sensualiste de l'affectivité. Un tel paralogisme revient à considérer la
sensation in abstracto, comme quelque chose d'isolé et se suffisant
à soi-même. Considérer la sensation comme quelque chose d'isolé ne
signifie plus ici considérer une sensation isolément, en dehors du
contexte phénoménologique concret auquel elle appartient et où elle
se montre comme une modalisation du sentiment général de l'exis-
tence, le modifiant mais plus encore et toujours d'ores et dé j à modifiée
par lui. Le problème concerne en réalité la suffisance ontologique de
la sensation et aussi bien celle du contenu impressionne) d'ensemble où
elle vient se fondre . Précisément la sensation, le tout de la sensation,
,
n'a par lui-même aucune suffisance, ce n'est pas la spécificité qualitative
du contenu impressionnel de la sensation, pas davantage la spécificité de la
tonalité d'ensemble où elle vient se fondre qui constitue et fonde chaque fois sa
réalité, l'effectivité de son être phe'noménologique et concret . Où réside
la réalité de la sensation ? La sensation est réelle en tant qu'elle est sentie.
La réalité de la sensation réside dans l'être-senti lui-même considéré
en tant que tel et, plus avant, dans l'essence où l'être-senti trouve sa
propre possibilité et l'effectivité de son effectuation , dans l'affectivité,
. , L'affectivité n'est
pasune condition
de 1a extérieure
sensation,
une forme â l'intérieur de laquelle la sensation serait donnée et ou
elle se manifesterait â titre de contenu. La sensation . n'est pas un
contenu, le contenu de la sensibilitépresu pposant, comme tel,
l' existence d'un pouvoir chargé de le recevoir et de le rendre mani-
feste, à savoir précisément la sensibilité et, par
suite, l ' affectivité elle-
même. Que la sensation soit réelle en tant qu'elle est sentie
, dans. le
sentir lui - même et par lui, cela veut dire •
. la sensation , la sensation
originelle n'est pas ce qui noua affecte , l'
être que le sens se donne dans l'oppo-
sition elle est l' ^afection
elle-m8me , l 'etre- a.^
ecce tel
par que, affecte
ce qui
l'affecte, il est dans cette détermination de l'affectio
n et d'abord, affecté par
soi. La sensation originelle s'affecte elle -même se sent elle
-meme,
_ reluppose
la dimen sion ontologique del 'auto-affection • . p
et de l'a ectwité
se forme et '
.^ surgit
en elle. C est de cette façon ue l'affectivité es
q t la condition de la
sensation , comme constituant sa réalité même et la
substance de son
être phenomenologiq ue effectif et cons ret. C®mme telle trouvant sa
réalité et l'effectivité de son être concret dans l'affectivité,
la sensation,
toute sensation possible en général Pst.^a ective l'a ec '
f.^ tivite de la s ensation e.st
nécessaire à priori, lui appartient , non as seulement
, p , a vrai dire, comme
un ça actère eidétique parmi d'autres , mais comme son
essence.
même et précisément comme sa substance. Com me. telle aussi, parce
que son essence est l'affectivité , la sensation est vivant e, est,.
porte en
elle le fremissemen;t intérieur de la vie ormeselaf ou
` se forme . la vie,
vibre en elle , avec elle, et la détermine co
corne sa détermination,
possible à partir d'elle, comme une modal'ite` et une.. tonalité
. de la vie
elle-même . Ainsi est levée du même coup 1'a
bsuraite qui pesé sur le
concept de « sensation exterieure », comme
si riefl d'extérieur, de
transcendant, pouvait constituer ar soi-même une sen
,A p sation, porter
en soi 1 être-intérieur de ceq ui est vivant le
uver s'épro
soi-meure
seul susceptible comme tel d ' é rouver quei
p que chose comme. un
mode précisément de son « s'ep
rouvver soi-même une déter-
», comme
mination de son affectivité,
628 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(i) « ('affection n'est qu'un automatisme », Piiu i ^s , op. cil., 1,6 17.
630 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
l'âme ne se connaît point elle -même par idée, et cela parce que,
n'étant pas séparée de soi , elle se sent elle-même.
Mais, on l'a vu, la permanence des présuppositions cartésiennes
qui réservent l'intelligibilité à la connaissance objective, c 'est-à-dire
finalement à l'étendue , empêchent la pensée de Malebranche, égarée
par ailleurs par ses propres présuppositions religieuses et son inter-
prétation aberrante de la finitude de l'âme humaine et de son obscurité
intrinsèque, de rester fidèle à son intuition initiale et centrale. Le
se-sentir-soi-même de l'âme qui la constitue, son affectivité n'est
plus comprise comme un pouvoir ontologique mais, à la lumière de
l'idée de cette finitude et de cette obscurité, comme quelque chose
d'opaque, comme un simple fait et comme un contenu empirique
qui, loin de pouvoir fonder l'intelligibilité du réel, lui est au contraire
irréductible. L'inévitable réception de l'idée par l ' âme, son appar-
tenance nécessaire à une forme en elle-même obscure et inintelli-
gible, à un entendement précisément affectif, devient, dès lors,
incompréhensible . Aussi voit on de façon significative Malebranche
-
être soucieux de minimiser ce caractère affectif de la forme , distinguer
du sentiment proprement dit et de tout ce qu'il comporte de lourd,
d'obscur et enfin de proprement affectif, le simple sentiment inté-
rieur qui n'est qu'un mot finalement pour désigner la conscience
et dont l'affectivité est nulle. Car il convient d'éviter la contamination
par celle-ci et par son irrationalité intrinsèque, par la confusion non
provisoire mais insurmontable et en quelque sorte essentielle qu'elle
porte en elle, de l'idée pure dont il est dit encore , pour cette raison
précisément, qu'elle ne fait que « toucher légèrement l'âme ». L'inté-
riorite fondatrice de la forme , le concept même de celle-ci se trouve
éliminé, remplacé par la représentation grossièrement réaliste d'un
« contact », d'une intrusion réelle, bien que réduite au minimum, de
l'idée dans l'âme et de la modification qu'elle y détermine et qui est
tout autant et davantage une modification de l'idée par l'âme, une
altération par cette dernière du principe de toute intelhgibilité
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
évidence : considérée dans sa forme, comme une pure mod fication de lame,
l'idée a un contenu, identique à l' âme et constitué par la propre réalité de
celle-ci, un contenu originel, radicalement immanent et qui lui appartient
nécessairement. C'est là en effet ce qui appartient de toute nécessité
à la forme en tant qu'elle est ultimement possible , en tant qu'elle
est constituée par l'affectivité , un contenu, comme contenu identique
à sa propre réalité. Et c'est là aussi ce qui fait sa réalité, la réalité
de l'élément ontologique de l'expérience , de la pure possibilité
ontologique considérée en tant que telle, le fait qu'elle n'est jamais
une forme vide, le pur milieu de transparence à travers quoi on
parvient à autre chose, mais ce qui, à travers sa propre transparence,
parvient d'abord en soi , le sentiment, l'affectivité.
A cette prescription ultime de l'essence de la forme, l'idée, en
tant qu'elle est elle-même nécessairement forme, n'échappe pas,
comme telle, précisément, elle est affective et se trouve constituée,
dans son être originel, comme sentiment de soi. Et de même que
l'idée a nécessairement, comme affective , un contenu originel imma-
nent, ce que Malebranche n'aperçoit pas, de même la sensation,
contrairement à ce qu'il affirme, et précisément parce qu'elle s'accom
plit dans le sens et porte ainsi en elle la structure ontologique de
l'affection, a un contenu transcendant , se propose toujours et néces -
sairement comme une sensation representative . L'inclure dans
l'âme, la considérer tout entière comme une modalité de celle-ci,
c'est insérer dans le flux orig inellement immanent de la vie absolue
des éléments qui lui sont ontolog- iquement hétérogènes et en même
temps, réserver de façon arbitraire à la réalité objective de l'idée,
à la nature simple cartésienne , le privilège de l'extériorité qui appar-
tient aussi bien en réalité à l'image ou à la sensation elle-même . Consi-
dérée comme affective, dans sa réalité, la sensation assurément n'est
rien de transcendant ni d'obljectif, mais il en est de même pour l'idée.
En cela consiste précisément l'affectivité, dans l'immanence radicale du
contenu comme identique à sa forme, à l'affectivité elle-même.
L',AFFECTI VITÉ
649
(I) R, 79.
652 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
qui « doit être libre de toute condition sensible » ( I), et de l' appeler
précisément un « sentiment moral» (z).
Que la singularité en vertu de laquelle un sentiment se manifeste
finalement comme quelque chose de moral, tienne uniquement à son
origine , comme origine extérieure à ce qu ' il est toutefois, et à sa
nature, au caractère extrinsèque , par conséquent, de la définition
qui en est donnée, on le voit dans l'échec auquel se heurte Kant
quand il se propose au contraire de faire apparaître cette singularite
sur le plan du respect lui-même . Le respect, dit-il alors, en une propo-
sition célèbre, s'applique toujours uniquement aux personnes , jamais
aux choses ( s). C'est là, on le remarquera cependant , définir le
respect par son objet, c'est-à-dire encore, par un élément etranger
,
à son affectivité, et croire que parmi tous nos sentiments le respect
est le seul dont l'objet ne soit pas nécessairement sensible, est juste-
ment une présupposition, contraire à l'expérience en ce qui concerne
les autres sentiments, et qui reste précisément à fonder sur le plan
ontologique en ce qui concerne le respect lm-même. C'est l'affectivité
de celui-ci au contraire qui est, semble-t-il, prise en considération
lorsque, toujours pour faire apparaître la singularité de ce sentiment,
c'est-à- dire en fait son caractère non sensible Kant l'oppose au
,
plaisir et a la peine, de telle manière toutefois que cette définition
reste purement negatlve, dit ce que le respect n'est pas, non ce qu'il
est en lm-même, dans la réalité de son affectivité prop,re. Celle-ci,
la réalité affective spécifique du respect permet seule de l'opposer
,
à d'autres tonalités affectives comme le plaisir , l'agrément, la peine,
elle seule nous permet d'abord , précisément parce qu'elle constitue
sa réalité, de saisir ce qu'il est, c'est elle enfin qui fait la force secrète
de ce sentiment et, par contrecoup, celle de la théorie qui s'appuie
sur lui. La détermination de la réalité affective spécifique du respect,
c'est-à- dire du respect lui-même, présuppose cependant un concept
pur de l'affectivité qui fait totalement défaut à Kant. C'est pourquoi
au lieu de se proposer comme une distinction immédiate reposant
sur ce que l'affectivité du respect a de spécifique , l'opp osition . de
celui-ci aux déterminations affectives de la sensib ilité empirique est
établie à l'aide d'ar guments, de raisonnements, bref d'un ensemble de
considérations médiates (i), qui font de cette o pp osition le terme
d'une déduction, comme est déduite en général, faute d'étre saisie en elle-
même, la nature du respect, et cela à partir d'un contexte étranger à celle-ci
à partir de son « origine »
(I) F, 84•
(z) Ibid., souligné par nous ; 8.
65 8 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) R, 8o.
L'AFFECTIVITÉ 66i
(r) R, so.
(z) 1•, 93.
66z L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) Irà -dessus, cf. Philosophie et Phénoménologie du corps, op. cit ., chap. II.
L'AFFECTIVITÉ 66 3
II ! R, 88, 89.
(2) ID., 92.
664 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
l'effet d'un respect pour quelque chose qui est tout à fait autre que la vie. »
Pareille opposition, bien plus, est absurde, s'il est vrai que, tout
comme le respect, la consolation est une manfestation, un mode de la vie et se
propose pour cette raison précisément comme une tonalité affective. Cette
positivité de la vie en chacune de ses déterminations et p ar suite
dans la vie morale elle-même, il faut bien la reconnaître . La défi-
nition de la moralité dans son opp osition à la vie laisse p araître alors sa
contradiction à laquelle Kant est insensible lorsque, parlant de
l'homme moral pour qui « la vie... n'a aucune valeur », il déclare
qu' « il ne vit plus que par devoir » (t).
La dévalorisation de la vie est visible dans la criti que adressée
par Kant aux morales de l'amour et dans la substitution à celui-ci,
comme principe de toute moralité précisément, du respect. L'amour
en effet exprime la spontanéité de la vie, c'est-à-dire d'une nature
sensible et « pathologique » il est de l'ordre du penchant et Kant le
confond avec celui-ci, avec l'attrait p our un objet sensible. Est ignoré
l'amour spirituel , dont l'objet pourrait être lui-même spirituel, Dieu
par exemple, ou une autre personne. Mais on n'a pas ici, au vrai, à
opposer deux sortes d'amour d'après la considération des objets sur
lesquels ce dernier est susceptible de se porter, il s'agit dans tour les
cas d'une intentionnalité dont le statut est celui de la subjectivité absolue,
c'est-à-dire de la vie elle-même, et se trouve comme tel identique à celui de
toutes les autres modalités de cette vie, à celui du respect par exemple. Pour
cette raison, l'opposition instituée par Kant au point de vue moral
entre ces deux modalités de la vie absolue, entre le res p ect et l'amour,
et le rejet de celui-ci , comme ne pouvant être commandé , hors de la
sphère de la moralité , prête à discussion. Le respect p lui-même ne peut
se commander, ni plus ni moins en tout cas que n'importe quel sentiments la
possibilité ou la non-possibilité de se donner librement le sentiment qu'on
éprouve est inscrite dans l'essence de celui-ci, dans l'essence de l'affectivité
ici commandée par tout autre chose que ses origines puritaines et
c'est pourquoi elle a eu un grand retentissement , car les préférences
d'une éthique sont rarement subjectives . La substitution du respect
à l'amour a une signification ontologique ultime, elle est la substitution
de la structure de l'affection pure à celle de l'affectivité.
Avec la substitution du respect à l'amour, et precisément grâce
à elle, Kant a pu se croire d'accord avec le christianisme . Mais le
christianisme repose justement sur la substitution inverse , sur celle
de l'amour à la loi, et cela parce que sa pensée suprême est la non-
pensée, l'unité avec la vie absolue, l'unité de . celle-ci plutôt, que le
Christ appelait Dieu et qui effectivement est Dieu lui -même. C'est
pourquoi encore le christianisme n'est pas une morale, laquelle repose
toujours sur la conscience de la loi , ou du moins sur une pensée, mais
une nouvelle détermination de l'existence affective et, par suite, de
l'action elle-même comme modalité de cette existence, La determi-
nation de l'action à partir d'une representation suppose elle-même
bien entendu, l'affectivité, c'est toujours à partir de celle- ci en réalité
que se produit l'action et le respect de la loi, comme il a ete montré
est précisément un mobile. Le rôle de l'affectivité dans le s ystème de la
moralité pure tel que le comprend Kant ne s'épuise pas cependant dans
l'ouvre fondatrice de l'affection . Si un tel système repose ultimement
sur le principe universel de l'obligation morale compris comme le fait
de la raison (factum rations , la possibilité de celui- ci, c'est-à-dire de
la raison en tant que posant elle-même la loi par laquelle elle s'affecte
réside dans l'auto-affection de l'acte qui pose la loi, dans l'affectivité de
la raison elle-même en tant quepratique. L'affectivité , elle seule, permet que
le fait de la raison soit tiré de l'incertitude foncière où il baigne chez
Kant comme elle permet en général la détermination de l'action, soit
immédiatement à partir d ' elle-même, sait par la médiation de l'affection
dans la représentation, 'est-a-dire encore à partir d'elle-même et cela
parce qu'elle constitue, non un contenu de l'expérience, mais sa forme
précisément et la possibilité ultime de ce qui est.
L'APFECTIVIT1 66 7
(i) Nos sensations sont différentes de nous , disait IIACHELIER, f. supra, § 57.
L'AFFECTI VIT.É
677
qu'elle est, est l'essence originelle du Logos, de telle manière que celui-ci
refuse le langage du monde , le langage de pensée
la et ne peutse montrer en
lui. Mais le langage est l'être . Qu'il réside ori inellement dans l'a
g y ffectrvite
interdit
• de comprendre celui-ci comme il le fut depuis Parménide
nos ours, a partir de la pensée et comme lui étant identique.
L' irréductibilité du Logos originel de l'affectivité au ? é s .v qui,
laissant l'être s 'étendre devant, déploie le m ilieu au q uel s 'ordonne
la pensée, la suscite et l'appelle , attend d'elle u'elle lui ré
q ponde et,
se tournant vers lui, le saisisse dans sa perception rassemblante et
se meuve en lui et, recevant de lui sa lumière, le pense , a cette consé
quence ce qui parle dans le Logos originel , le sentiment ne parle
pas seulement
. ,., avant toute pensée et indépendamment d'elle • pour
cette raison precisement , parce que son cure, et ce qu 'il :énonce, est
foncièrement indépendant de la irréductible
pensée, sonàtitre
' et
a tout ce qu ' elle peut dire, à ce qu'elle exprime , rend manifeste et.
pense, le sentiment n'attend pas d'elle qu'elle se tourne vers lui,.
n' attend de la pensee aucune reponse . Le sentiment n'a as à être
p
pris dans le t( prendre dans son attention » de la pensée est indifferent
a celle- ci, de telle manière que ce qu ' il dit ne peut être ni souligne
. ,
ni ratifié, ni corrigé, ni éclairé, ni modifié , ni défini ni contredit
par elle, rejette toute prise de position de la Pensée, toute attitude
de l'homme à son égard , rend d'avance ino p Brante inefficient
e,
inutile, toute interprétation et toute correction , tout commentaire
transforme d'avance celui-ci en un vain bavardage ' glisse sur
qui
lui, sur l' être du sentiment , sans même l'effleurer.
C'est pourquoi on se méprendrait complètement sur ce que dit
le sentiment si l'on s'en tenait à ce que pense , affirme, sugge're a-son.
sujet la pensée, si l'on croyait pouvoir lire et déchiffrer le conte nu
de ce dire à l'intérieur d'un acte de compréhens ion diri é sur lui
g
et par le moyen d'un tel acte . C'est donc une erreur absolue • un
contresens ontologique total que de prétendre j ustement saisir
dans la pensée, a l 'intérieur du pouvoir de compréhension qu'elle.
690 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
LA RÉALITÉ DU SENTIMENT
considéré en tant que tel, n'exp rime rien d'autre que la haine
elle-même.
Et de même lorsqu'on affirme que « la souffrance est un mal »,
une telle affirmation , si elle a un sens, se ramène en réalité à celle-ci :
« la souffrance est souffrance » se ramène et c'est la ce qui lui confère.
tout son poids , à l'énoncé du contenu de la souffrance comme iden-
tique à sa manifestation et comme constitué par elle à l'énoncé de
cette tonalité spécifique irrécusable et simple ue nous a elons
q pp
la souffrance. Que la souffrance soit souffrance et en ce sens un
« mal », qu ' elle soit ce qu'elle est et s'impose à nous comme ce qu'elle
est et comme un fardeau qu'il faut p orter et au uel on ne p eut se
q
soustraire , c'est là justement ce :qui rend vaine toute tentative pour
l '•intégrer dans un ordre, dans un système dont elle serait un moment
nécessaire et comme tel justifié , où elle apparaîtrai t finalement
comme un « bien ». Car aucune signification accolée à l ' être de la
souffrance ne peut changer quoi que ce soit a ce dernier , diminuer
en rien le poids de sa présence , ni travestir sa « vérité » cette vérité
qui lui est consubstantielle qui est sa propre
revélat on comme con.rtituee
par son affectivité et parle mode selon lequel celle-ci s'accomplit en lui,
comme constituée précisément par la souffrance C'est là ce q ui fait ,
comme l'a noté Scheler (i), la profondeur de l'attitude chrétienne
à l'égard de la souffrance, par opposition à l'attitude heroique et
orgueilleuse de l'antiq uite qui vise à la surmonter
entr , à la t
pour
rien, dans l'im p assib ' ' té par
erence,exemple ou dans l' ndif'et,
finalement, à la nier, la reconnaissance au contraire de la souffrance
comme souffrance infinie parcourant le monde et son aveu une sorte
de naivisme et d'humilité qui tient la douleur p our ce u'elle est,
q
la souffrance pour la souffrance. Une telle attitudea le refus justement
de prendre attitude à l 'égard de la souffrance de la minimiser ,
de
lui porter atteinte en quelque façon ou de prétendre le faire n'est
s
pas morale, n'est pas une attitude , elle exprime la réalité de la souffrance
rance
comme révélation de soi et comme constituée par le contenu de cette révélation,
comme affectivité.
La détermination ontologique de la réalité du sentiment comme
constituée par le contenu de la révélation qu'il accomplit, comme
révélation de soi, comme affectivité , donne sa rép onse à l'inévitable
question qui élémente en fin de compte toute prétendue philoso-
phie de l'affectivité : d'où savons-nous qu'un sentimen t est ce qu'il
est ? Quelle est l'origine de la « connaissance » que nous en avons,
que nous avons de sa réalité ? Considérons le respect dont parle
Kant, ce sentiment, dit-il, « est le seul que nous connaissons parfaite-
ment a priori» (x). Cette connaissance a priori du respect, telle que
l'entend Kant, n'est rien d'autre que sa déduction, que la mise en
évidence de son origine dans la détermination de nos sentiments
sensibles par la loi morale, dans l'affection de « l'esprit », entendu de
façon confuse comme la faculté humaine de désirer et comme le sens
interne, par un pur principe intellectuel. C'est parce qu 'il est saisi
comme l'effet de celui -ci précisément , comme l'effet d'un principe
qui, trouvant son fondement dans la raison, est l'objet d'une
connaissance a priori, que le respect est lui-même l'objet d'une
connaissance de cette sorte et se propose comme un sentiment dont
nous pouvons déterminer la nature par des concepts purs a priori,
comme le seul sentiment, dit encore Kant, « dont nous pouvons
apercevoir la nécessité » (2).
Jamais cependant la saisie du respect comme effet de la contrainte
exercée par la raison pratique sur nos penchants et, par suite, comme
cette détermination pénible et douloureuse de la sensibilité contrariée
par la loi, abaissée et humiliée devant elle dans le respect à son égard,
ne nous ferait connaître la nature de ce dernier, la positivité et l'effec-
(I) R, 7
(2) Ibid.
L'AFFECTIVITÉ 697
ments qui prétend se faire, non d'après cette tonalité qu'ils manifestent
chaque fois comme ce qu'ils sont, mais en fonction de ce à quoi ils
se rapportent, en fonction de leurs « objets ». Des sentiments égoïstes,
altruistes, moraux, religieux, esthétiques, ne diffèrent pas parce
qu'ils
qus se réfèrent au moi,,a autrui, à la valeur morale, à Dieu ou à une
oeuvre d'art, ils diffèrent en eux-mêmes, dans leurs contenus phé-
noménologiques irréductibles et propres, de telle manière que ni
l'idée de ces contenus ni la conscience de la différence qui les sépare
ne peut damais venir de la considération de leurs objets respectifs.
•è remarque concerne les diverses modalités possibles
Cette dernière
d'un même sentiment, de l'amour par exemple comme amour
maternel, filial, de la patrie, sexuel, etc., modalités quis comme l'a
reconnu Scheler (i), diffèrent en elles-mêmes avant de différer
par les objets sur lesquels
. elles se portent.
La même critique vaut évidemment contre la tentative de fonder
la réalité propre de nos sentiments sur la relation qu'ils entretiennent
avec cette catégorie particulière d'objets que constituent les valeurs.
A l'origine de cette tentative est la reconnaissance D dans la diversité
des structures noético-noématiques susceptibles d'être décrites
par une phénoménologie pure, de corrélations d'un certain type ui
s)i nstituent précisément entre un acte intentionnelq constitué par.
un sentiment et son corrélat d'ordre axiologique. La tentation est
grande, dès lors, étant donné le caractère éidéti ue des structures
en question et, par suite, la signification rigoureuse des corrélations
qu'elles régissent, de chercher à définir la réalité d'un sentiment
déterminé à partir de la nature de l'objet auquel il est lie
' par une loi
d'essence. Mais hexistence d'un lien nécessaire entre l'objet axiolo-
gique et le sentiment qu lui correspond peut bien ^ être reconnue,
elle ne fonde nullement maïs présuppose la positivité de celui-ci
laquelle ne saurait être confondue avec celle de la valeur ni inférée
(I) K, 215.
704 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
culière et variable, est celle de la relation elle -même, varie comme elle e
avec elle, de telle manière cependant qu'elle en constitue chaque fois la réalité
se fonde chaque fois et exclusivement sur l'auto-affection de la relation, de la
transcendance elle-même dans l'affectivité.
incluse
sion en lui, dans sa réalité que toute erreur et toute illu-
illu-
sion le concernant trouvent au contraire leur principe hors de lui,
dans l'interprétation qu'en propose la pensée et dans le Logos ou
elle se meut, c'est là ce qui rend sans objet la critique instituée par
Hegel. contre ce qu'il présente
, comme une opnion du sens commun
opinion sur laquelle se fonde justement l'arbitraire de toutes les oPi-
nions, a savoir l ' affirmation que le sentiment ne trompe point et que
toute vérité trouve en lui son fondement et son assurance dernière.
Faisant ainsi « appel au sentiment,^ son oracle
, le intérieur
sens »
commun, dit-11, « rompt tout contact avec ce qui n'est pas de son
.
avis », car « il n'a rien.. , â dire à celui qui ne trouve pas et ne sent bas
en soi-même la vérité ». C'est pourquoi, dans cettep rétention ede s
fonder sur ce qu'il sent en soi - même et sur son sentiment intérieur,
le sens commun, dit encore Hegel, « foule au pied la racine de l'huma-
nite, carda nature de l'humanité c'est de tendre à l'accord mutuel»
( i)
La vente cependant que le sens commun, selon Hegel, pretend fonder
sur ce qu' il sent en lui- même et sur son sentiment intérieur ,
n'est
pas la vérité de celui -ci, la vérité qui trouve son essence et son contenu dans
l'affectivité elle-même, c'est chaque fois une thèse pensee, de la à sa voir
qu'il y a ou qu' il n'ypas
a de dans l'histoire
progrès '
de 1 humanité,
que les hommes sont méchants par nature ou qu'ils sont bons, que la
guerre est inévitable, l'amour aveugle, l'é alite une utopie, etc,
g >
autant
. ,
d'affirmations
. p jugtaprétendu
osées de façon gratuite à un
sentiment interieur de leur vérité, lequel n'existe as, car la vérité
du sentiment lui est mterieure et consubstantielle est foncièrement
étrangere à la « vérité » incluse dans de telles propositions et formulée
par elles . Parce que la vérité du sentiment est foncièrement étrangère
à la vérité incluse dans de telles ro ostions elle ne saurait assuré-
ment ni la fonder, ni être atteinte au contraire lorsque celle-ci se
révèle illusoire . Pour cette raison la crit ique instituée par Hegel
festent les actes qui saisissent des objets logiques, différents d'eux
sans doute, mais égaux en dignité , c'est-à-dire justement dans leur
capacité de définir a priori et de régler un ordre de fonctions pures
et d'objets purs, et leurs corrélations, les corrélations noético-noéma-
tiques de la vie émotionnelle et affective . Ainsi y a-t-il, à côté de
l'entendement et du mode d'expérience qu'il détermine , un « ordre
du coeur », une « logique du coeur », conformément à laquelle « le
coeur a ses raisons », c'est-à-dire « quelque chose qui équivaut véri-
tablement en dignité et en signification à des fondements » (t).
Que la vie émotionnelle et affective ait ses fondements propres,
cela veut dire qu'elle n'est pas une simple accumulation de phéno-
mènes naturels, contingents et aveugles , et ne peut y être réduite,
mais constitue au contraire un mode d'expérience authentique et
déterminé, lequel consiste précisément dans cet ensemble d'actes
et de fonctions éidétiquement définies et nous mettant en rapport
avec des objets spécifiques liés à ces actes par des corrélations
,
rigoureuses, obéissant elles-mêmes à des structures définies. Ne se
laissant pas réduire à une accumulation de faits naturels, contingents
et aveugles, constituant au contraire en elle-même et par elle-même
un mode d'expérience authentique et déterminé , l'affectivité se
laisse comprendre comme ce qu'elle est, comme un pôuvoir de révé-
lation original et propre. En quoi consiste l'originalité de ce pouvoir
comparé à celui de l'entendement ? En ceci que les fonctions et les
actes dans lesquels il se réalise se proposent comme essentiellement
affectifs, de telle manière que ce caractère qui les distingue leur
appartient comme un caractère essentiel et constitue justement leur
spécificité.
Aux perceptions de l'entendement
. s'opposent ainsi irréductible-
ment, à l'intérieur même de la sphère noétique à laquelle ils coappar
,tiennent, des actes et des fonctions dont l'essence est comprise par
(I) F, 266-267.
L'AFFECTIVITÉ
711
(I) F, 304.
L'.AFFE C TIVJTf
719
(I) F, 269-270.
(2) Ibid., souligné par nous.
L'AFFECTIVITÉ 721
(I) F, 2 70.
L'AFFECTIVITÉ 723
(x) F, 268.
L'AFFECTIVITÉ 725
(I) F, 268.
L'AFFECTIVITÉ 729
(I) F, 272•
(2) ID., 271.
M. HENRY 24
730 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
I SS,
( ) I, 3,
(2) ID ., 5.
734 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(Z) K, 293.
L'AFFECTIVITÉ 737
dance. Pour autant que l'affectivité nous ouvre le monde et nous lace ace
p f
au néant, son pouvoir de révélation réside dans la transcendance elle-même
et se trouve constitué par elle. Cette évidence dès lors se présente sans
plus attendre l'essence de la révélation propre à l'affectivité et s'accom lit-
p
tant en elle est complètement manquée par Heidegger , confondue par lui avec
celle de la compréhension ontologique de l'être à la quelle pourtant elle demeure
bérétogène dans sa structure comme dans sa phénoménalité. Ainsi dépouillée
du pouvoir de révélation qui lui appartient en propre et dont l'es-.
sence n'est point reconnue , l'affectivité ne garde sa signification onto-
logique et précisément le pouvoir de révéler quoi que ce soit que dans
la mesure où, confondue avec la transcendance, elle oeuvre à la manière
de celle-ci et, chaque fors, d 'un acte s 'accomplissant dans le 'eu
ouvert par elle, quel que soit le mode authentique ou inauthentique
selon lequel se réalise un tel acte : « l'affectivité ouvre par l 'acte de
tourner vers ou de détourner du Dasein propre » (i). Parcè que l'affec-
tvité, pour autant qu ' elle accomplit l'oeuvre de la révélation, oeuvre
à la manière de la transcendance , c'est-à•dire encore sur le fond en
elle du pouvoir ontologique de la compréhension de l'être le senti-
ment, tout sentiment possible en général , ne peut être autre chose
qu'un fait brut et aveugle, par lui-même étranger à l'élément de la
phénoménalité, que par la médiation de ce pouvoir et précisément
comme un mode du comprendre . « Toute Befindlichkeit, dit Heidegger,.
est comprenante (2). »
En tant que le pouvoir de révélation qui est pensé
. comme le.
sien est celui de la compréhension ontologique de l'être et réside dans
la transcendance, l'affectivité , conformément à l'eidos de ce pouvo ir,
révèle nécessairement autre chose qu'elle-même et que sa propre.
essence, autre chose, à savoir en premier lieu le monde , c'est-à-dire
précisément le milieu pur de l'altérité, en second lieu l'étant qui se
monde, c'est par un seul et même acte de ce pouvoir unique que s'accomplit
conjointement et nécessairement dans l'affectivité la révélation de l'existence
et du monde. Le p ouvoir unique par lequel s'accomplit conjointement
et nécessairement dans un seul et même acte de ce pouvoir la rév&
lation de l'existence et du monde, est le temps . Le temps, dans sa
temporalisation originelle , est le mouvement par lequel l 'existence,
projetant en avant de soi l'horizon de l'avenir et venant s'y heurter,
se trouvant rejetée en arrière à partir de lui et ramenée sur elle,
découvre dans l 'unité de ce double mouvement, dans l'ekstase du
projet « en avant vers » contemp oraine de l'ekstase du retour « en
arrière sur », et le monde comme monde fini, et sa propre existence qui
lui est livrée . Lep ouvoir de révélation de l'affectivité est p récisément celui du
temps. C'est le temps qui, dans la peur, ouvre l'horizon où surgit le
terme mena çant à venir, c'est lui qui le laisse revenir en arrière sur
l'existence menacée et , dans ce revenir en arrière sur elle, la dévoile
à elle-même dans l'ekstase de son p assé inauthentique. C'est le
temp s qui fait surgir devant l'existence angoissée l'horizon pur du
futur, comme un horizon fini, comme l' horizon de sa mort, c' est lui
qui, la laissant revenir à partir de cet horizon en arrière sur elle-
même, la découvre à elle-même, dans l'ekstase du passé authentique,
comme une existence finie, déchue et livrée au monde comme à sa
pareil-
p ropre mort. Que la révélation de l'existence à elle-même , et,
lement, la révélation du monde, s 'accomplisse dans l'affectivité de
façon authenti que ou non, cela résulte justement de ce qu 'à la tempo-
ralité il app artient de se tem p oraliser par principe de diverses façons,
de façon authentique ou non. La temporalité cependant n'est rien
que la transcendance elle-même dans le mode . de son accomplisse-
ment effectif et concret , de telle manière que sa temporalisation
se p roduit nécessairement sous une forme ekstat que, de telle manière
que les différentes ekstases qui la constituent et dans lesquelles elle
s'accomplit , constituent les divers modes de réalisation de la transcen-
dance elle-même . Que le p ouvoir de révélation de l'affectivité soit
L'AFFECTIVITÉ 745
et du terme qui vient vers elle. Bien plus, c'est comme une conscience de cette
sorte, comme une conscience purement théorique , indifférente et a-tonale que
se produirait la découverte à elle-même de l'existence si elle se produisait
dans l'ekstase du passé ou, d'une manière générale , comme un mode de irans-
cendance.`Il nÿ a pas de peur possible sur le fond de la seule relation ekstatique.
Pas d'angoisse non plus. Jamais la saisie de l'existence esseulée
et vouée à la mort comme à ce qui domine l'horizon même de son
monde et de son temps , ne ferait se lever la Stimmung de l'angoisse,
si elle s'accomplissait sous la forme d'une sim ple apercep tion et comme
un mode du comprendre, comme une relation ekstatique . Une telle
aperception, en effet, n' est encore par elle-même que la présentation
indifférente d'un obj et indifférent, et la compréhension de l'existence
comme être-pour-la-mort ne détermine nullement ce com p rendre
comme angoisse. Elle ne peut le faire, l'abandon de l'existence livrée
au monde de sa mort n'est effrayant, angoissant, que si le pouvoir qui découvre
cet abandon est capable non seulement de le découvrir , dans l'opposition
par elle-même atonale de l'ekstase, mais précisément d'être effrayé, de
s'angoisser, que si ce pouvoir n'est pas seulement un comprendre mais se
trouve d'ores et déjà constitué en lui-même, antérieurement à tout ce qu'il
peut comprendre, comme affectif et susceptible de se laisser déterminer
affectivement, comme affectivité. Le comprendre assurément est affectif
et pour cette raison la conscience atonale de la sim ple ap ercep tion
ici postulée par la problématique comme celle de l'ekstase, de l'opPo-
siton, ne se produit jamais , se produit du moins comme une cons-
cience indifférente . L'affectivité du comprendre toutefois ne réside
pas en lui-même ni dans la structure ekstatique qu'il développe chaque
fois, mais dans l'antistructure de cette structure , dans l'antiessence
de la transcendance . Toute l'ambiguïté de la philosophie de la trans-
cendance consiste dans la présupposition de l'affectivité du com -
prendre, présupposition qui ne présuppose pas seulement l'essence
de l'affectivité mais qui, en la réduisant à celle du comprendre lui-
même et en la confondant avec elle, la nie.
L'AFFECTIVITÉ
75 '
Les remarquesprécèdent
qui valent bien
- entendu toute
esp s, ycompris ceux qui, comme pôur
èce de sentiment ressent' '
posent l ' opposition et semblent trouver ment, présup
elle un principe d'ex•-
en
cation suffisant . Considérons pli
la vengeance . Elle est, selon .Nietzsche,
Nietzs
« le ressenti.ment de la volonté envers le temps et son « il
Au y avait» »(I),
temps en effet, a son « passer »
et à ce qui passe e n lui, . au deve-
nir, la volonté vient se heurter comme à
la chose devant laquelle
elle est sans pouvoir et dont elle souffre. L'impuissance souffrante
de la volonté détermine en elle l'esprit de vengeance par lequel elle
rabaisse tout ce qui passe et la vie elle - même en même temps
pose l'absolu
des idéaux supra-terrestres.
. esprit de vengeance
qu'elle
Cet
détermine la méditation de l'homme, c est -
a-dire la maniere dont
celui-ci comprend sa relation à l'être de l'étant et la vit ..
Parce que
cet esprit de vengeance détermine la relation de l'homme à l'être
de l ' étant, Nietzsche dit Heidegger
, , cc pense d'emblée la vengeance
métaphysiquement » ( 2). Ce qui importe dans la vengeance
, toutefois,.
c' est moins ce a quoi elle s'oppose, à savoir le temps et son « il y
avait », que le fait même qu'elle s'y oppose
,, que l'opposition comme
telle. C'est pourquoi l'esprit de vengeance subsiste quand, au lieu
de la dénigrer,. « un homme qui souffre
beaucoup • sous
prend la vie
sa protection » ( s), l'éprouve dans une ex erience elar '
p gie (Dionysos),
absolut se le devenir dans le Retour
ernel de et `' •
l'identique ,
Que l'important . dans
soitla vengeance ..
l ' opposition comme telle,
c'est là Justement ce qui en fait.
caractère le .
metaphysique . « La pensée
métaphysique , dit Heidegger ,
à (d.) » Non pas, repose sur la distinction ,
vrai dire , sur la distinction de ce qui est véri •
véritablement et de ce qui
n'est qu'apparence, ruais sur la distinction laquelle
par l 'existence se
rapporte à l' être comme constituée par cette distinction même, comme
opp osition . L'opposition à l'être compris comme le temps que
cette opposition soit instituée pour le valoriser ou le dévaloriser
est l'être lui-même, est le temps . Avec la pensée métaphysique de la
vengeance se fait j our la possibilité d'une interprétation existentiale-
temporelle exhaustive de l'être de ce sentiment , car la vengeance
.
"
est completement expliquée par le temps quand elle désigne une
relation au temps constituée par le temps lui-même. Ce qui manque,
toutefois à cette interprétation existentiale -temporelle de l'être de la
vengeance , ce n'est rien de moins que le caractère affectif de la relation
par laquelle l ' existence se rapporte a ce qui passe et prend attitude
vis-à-vis de lui, rien de moins que le caractère affectif de la vengeance.
Parce qu' un tel caractère ne réside j amais dans l'opposition comme
telle, celle-ci ne peut expliquer non plus les autres sentiments qui
semblent trouver en elle et dans la séparation qu'elle institue chaque
fois leur origine naturelle, la souffrance de l'être-séparé, la nostalgie.
L'être transcendant il est vrai, ce qui ne trouve jamais que dans le
lointain de la séparation la condition de sa présence, de sa proximité,
le monde en général, éveille notre souffrance « La nostalgie, dit
Heidegger, est la douleur que nous cause la proximité du lointain (i). »
Mais la transcendance du monde, si elle fonde la séparation dont
souffre la nostalgie, ne fonde j amais le caractère souffrant de cette
séparation, la nostalgie{ elle-même et son affectivité , laquelle ne réside
,
pas dans l'acte de cette transcendance mais dans son auto-affection
,.,.
originelle et, précisément , dans l'essence même de l'affectivite.
Que la transcendance ne fonde jamais l'affectivité et ne constitue
pas son essence, on le voit dans le fait qu'elle ne fonde jamais non..
plus ce à quoi l'affectivité se trouve liée en vertu d'une connexion
essentielle : l'ipséité. Une telle connexion se laisse apercevoir dans
l'interprétation existentiale -temporelle de l'affectivité lorsque le
(I) I,a théorie de la constitution de ce Soi transcendant est une des tâches
propres de la Phénoménologie de l'Ego . Elle n'a pu prendre place dans le cadre de
ces recherches.
(2) K, 216.
L'AFFECTIVITÉ
755
(I) K, 215.
(2) Ibid.
756 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
raison et, plus avant, son être-soi, ce qui lui permet précisément
de se donner la loi à elle-même, se trouve à nouveau et une fois de plus
simplement présupposé, de telle manière que le moi qui se donne la
loi à lui-même, faute d'apparaître dans le respect et d'être saisi en
lui comme son affectivité même, n'est plus rien d'autre qu'une
condition = x, une réalité métaphysique . Entre la réalité méta-
physique du moi de la raison qui Pose la loi et la réalité empirique du
moi qui se soumet à elle dans le respect , une différence s'institue
dès lors, qui ne tient pas seulement au fait que le premier échappe à la
sphère d'expérience dans laquelle le second est au contraire plongé,
mais à la nature même de la relation qui s'établit entre eüx , en tant
que cette relation, médiatisée par la représentation de la loi et consti-
tuée par elle, se trouve constituée par la différence elle-même comme
telle.
Parce que les deux moi, celui qui pose la loi et celui qui s'y soumet,
se trouvent définis à Partir de la différence de la représentation et
par suite comme essentiellement différents, l'affirmation de leur unité
au contraire l'affirmation selon laquelle « le respect à l'égard de la
,.
loi » (à l'égard du moi métaphysique où elle trouve son origine)
« est respect à l'égard de soi-même » (i) demeure elle aussi sans fonde -
ment. L'interprétation ontologique de. l'être du moi à partir de la
transcendance, plus précisément ici à partir de la représentation de la
loi morale, ne presuppose pas seulement chaque fois l'ipséité des
deux moi qu'elle est amenée à posera partir de cette représentation,
l'ipséité du moi comme tel, elle fait encore éclater celuici en une pluralité
:mpensable de\ moi di tirent c et irréductibles.
Au moi de l'expérience qui rencontre la loi, au moi métaphysique
qui la pose, s'en ajoute d'ailleurs un troisième, celui qui se réalise
dans la soumission du premier au second et par elle : « je suis moi-
même dans cet acte de soumission à moi-même ». Un tel moi, se
(I) K, 215.
L'AFFECTIVITÉ
7S7
(I) K, 216.
zig
L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) F, 341'-342.
760 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) F, 341.
(2) ID.,. 343.
(3) ID., 340-341.
(4) Cf. ID., 341.
(5) ID., 343-344.
764 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
) F, 346.
766 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) F, 346.
L'AFFECTIVITÉ 767
(I) F, 347•
(2) La théorie de ce contact immédiat , qui recouvre eu fait le phénomêne
transcendantal de l'affection et plus originellement de 1'auto -affection, qui ne
saurait pour cette raison se produire « dans l'espace et dans le temps b, a déjà été
critiquée par la problématique , cf. supra, § 56.
(3) F, 349.
770 L'ESSENCE DE LA MANIFESTA TION
) F, 339-340.
L'AFFECTIVITÉ 771
du moins leur être réel et ce qui fait d ' eux chaque fois ce qu 'ils sont,
à` la sphère d'immanence radicale définie par l'affectivité elle-même
comme telle . La répartition de nos sentiments en différentes caté-
gories et, si l'on veut, selon divers niveaux de « p rofondeur », re ose
p
sur leur contenu manifeste et se fonde sur lui, concerne seulement la
portée de ces sentiments , leur importance respective leurs coné-
quences possibles pour l'existence , n'a et ne p eut avoir u'une
q
signification axiologique.
Considérons la différence qui existe entre le sentiment sensoriel
et le sentiment vital et , p areillement, celle q ui sé p are les sentiments
« superficiels » et les sentiments « p rofonds ». Le sentiment vital ,
parce qu'il s'étend à travers l'être total du corps organique, résente
- p
(I) F, 347.
L'AFFECTIVITÉ 773
(I) F, 347.
L'AFFECTIVITÉ 775
ment éclaire la question , posée par Scheler et discutée par lui dans
une obscurité ontologique extrême, de la relation au Je inscrite en
tout sentiment comme un de ses caractères les plus apparents. La
prise en considération d'un tel caractère constitue l'un des thèmes
de réflexion qui ont conduit Scheler à sa distinction des différents
niveaux affectifs et à l'attribution à celle - ci de la signification que l'on
sait. Après avoir déclaré que « tout sentiment quel qu'il soit possède
une référence vécue au Je », Scheler introduit entre les modes selon
lesquels celle- ci s'accomplit une différence telle qu'elle conduit
précisément à une différenciation ontologique des divers sentiments
qui sont concernés par elle . C'est ainsi que « le sentiment sensoriel
n'a aucune relation à la personne et n'est référé au Je que de façon
doublement indirecte » (i), en tant qu'il est situé dans une partie
du corps organique , laquelle ne se trouve rapportée au Je spirituel
que par la médiation de ce corps dont elle dépend , tandis que celui-ci
ne se rapporte lui-même que médiatement au Je, en tant qu'il lui
appartient seulement et ne lui est pas identique . C'est par la médiation
de ce corps organi que auquel toutefois, à la différence du sentiment
sensoriel , il s'attache immédiatement que le sentiment vital se trouve
lui aussi rapporté au Je. Seuls les sentiments de l'âme se proposent
d'emblée comme « une qualité du Je » et n ' ont aucunement besoin
pour être tels, « pour se présenter comme état ou comme fonc-
tion du Je... que soit phénoménalement donné un corps propre
qui m'appartienne en tant qu'appartenant à :ce Je » (z). Les sentiments
spirituels enfin font corps avec le moi et lui sont unis de façon si
intime qu'il n'est pas possible à celui-ci de se séparer d'eux ni de
les diriger. Ainsi est confirmée , avec . la prise . en considération du
caractère spécifique et chaque fois différent de la relation que les
différents sentiments entretiennent avec le Je, la théorie de la plura-
(1) F, 340.341.
(2) ID., 349.
J
L'AFFECTIVI TÉ
779
incapable comme tel de se rapporter à rien. Cf. : « dans quelque sens qu'on le prenne
(Je empirique , prétendu « Je transcendantal » ou de la « conscience » en général)
le Je lui-même est encore objet d'expérience vécue intentionnelle et par conséquent
d'une conscience de quelque chose :.. Le Je n'est donné que dans l'intuition interne
et ne constitue en tant que tel qu'une certaine forme de la multiplicité des pheno-
ménes visés par l ' intuition interne » (ID., 277-278). Et encore : « Même sous son
aspect formel en tant qu ' ipséité , le Je est objet de conscience axiologique , non point
de départ essentiellement nécessaire d'une telle conscience » (ibid.).
782 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) F, 342.
(z) i,à-dessus , cf. les belles analyses de SCHILER in S, 8o.
L'AFFECTIVITÉ 783
(z) I,a problématique a justement montré que tout regard intentionnel dirigé
sur le sentiment avait pour conséquence , non pas de le troubler ou, comme le
L'AFFECTIVITÉ
787
son simple substitut , quelque chose qui, sans être la chose, « vaut »
pour elle, y renvoie.
La p erception cep endant ne donne la chose elle-même que lorsque
celle-ci dé ploie son être dans le milieu de l 'êAtre transcendant et lui
app artient, lorsqu'app araître , pour elle, sgn fie être étendu devant. Ainsi
^
en est-il de l'être de l'arbre ou de celui du cercle, de l'être de l 'his-
toire, par exemple, et de tout ce qui est historique . Parce que appa-
raître, pcur le sentiment , ne signifie pas être étendu devant , la per-
ception q ui se meut dans cet être - étendu et se le donne, ne se donne
pas le sentiment lui-même , n'atteint ni son être ni sa réalité mais
seulement « q uel que chose qui vaut pour lui », qui y renvoie . La per-
ception du sentiment s 'accomplit nécessairement comme sa repré sentation
au sens d'une « simple représentation », au sens d'un « portrait » ou d'un
« concep t ». Les deux sig nifications successivement reconnues par la
problématique au concept de représentation se rejoignent lorsqu'elles
s'appliquent au sentiment si la représentation ontologique, l'acte
de présenter quelque chose dans le milieu de l'être opposé et comme
identique a celui-ci, n' est plus que l'acte de presenter une image de
ce quelque chose . C'est en ce sens que le sentiment est représente, au sens
où sa représentation n'est jamais et ne peut être qu'une « simple représen-
tation ». Que la représentation du sentiment ne soit damais et ne
puisse jamais être qu'une « simple représentation », n'est pas une
ProPriete isolée donnant l'occasion à une psychologie soucieuse du
détail d'énoncer une loi parmi d'autres . La réalité du sentiment est
la réalité de l'absolu. Que celui-ci ne p uisse être saisi en lui-même ni
atteint dans la représentation , qu'il ne trouve . jamais . en elle et dans
le milieu pur qu'elle déploie que sa simple « image », c'est la ce qui
fait de celui- ci, du milieu de la représentation et de la transcendance
en général, le milieu ontologique de l'irréalité.
C'est à la lumière de cette signification décisive d'une loi éidé-
tique suprême qui divise l'élément pur de la phénoménalité en celui
de la réalité où l'apparence est l'essence et, d'autre part , de l'idéalité
L'AFFECTIVITÉ 789
(i) De telles di fférences se fondent d'ailleurs sur la différence réelle des inten-
tionnalités qui visent chaque fois et constituent ces propriétés nématiques:
(2) EN, 396.
792 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
ou une honte éprouvée par un ego autre que le mien. Il arrive seule-
ment que, dans l'expérience de soi, la douleur ou la honte étant
contemporaine de la perception ou plutôt identique à celle-ci et à
sa réalité , la p ensée commune ou philosophique, incapable d'insti-
tuer les distinctions fondamentales où se découvre chaque fois la.
source du réel, attribue au pouvoir de la perception et comprend
comme donné en elle ce qui la donne, la tonalité affective qui la
détermine.
L'illusion selon la quelle la visée p erceptive dirigée sur un senti-
ment atteint quelque chose de réel a, dans le cas de l'expérience
d'autrui, une origine : quelque chose de réel en effet se donne à
cette perception, à savoir le corps de l'autre . Car c'est la réalité de ce
corp s, son être-étendu qui p arait dans l'être-étendu-devant auquel
s'ordonne la perception . A l'être-étendu du corps , à son être-là dans
l'étendue ne se réduit nullement, il est vrai, le corps de l'autre dans
la communication . Il faut, comme l'a justement noté Scheler, une
modification fondamentale du regard , une attitude nouvelle et à
vrai dires exce p tionnelle comme celle de l'étudiant opérant une dis-
section, pour que ce qui se donne essentiellement et d'abord comme
une structure signifiante n'apparaisse plus, dépouillé de sa signi»
fication, que comme un être-là mort dans l'étendue et comme une
p artie de celle-ci, p our que l'oeil ou plutôt le regard ne soit plus rien
d'autre précisément qu'un « globe oculaire ». C'est une signification
précisément qui, dans l'expérience immédiate, s'ajoute au donné étendu
pour constituer synthétiquement avec lui quelque chose comme une totalité
sign1fiante. La joie p erçue dans un sourire et qui fait de celui-ci, il
est vrai, ce qu'il est, non un mouvement objectif dans l'étendue mais,
comme le dit Scheler , une structure « représentative », n'est pas la
joie réelle de l'autre mais quelque chose qui précisément la « repré-
sente », la designe, y renvoie, la joie réelle de l'autre mais visée
seulement à travers son corps et non pas réellement saisie dans la
p erception de celui-ci, bref une signification vide.
L'AFFECTIVITÉ
795
celui-là même qui le vivait avant d'en faire un élément de son prestige
dans le milieu ouvert de la reconnaissance ces transformations et
ces altérations de la vie affective, les situations 'phénoménologiques
complexes auxquelles elles donnent lieu, ne peuvent être pensées
et décrites
décr quumière ,a fondamentales
des structures ontologiques la l ,
où se définit en chacune de ces situations, à travers chacune de ces
transformations, la réalité du sentiment et ce qui n'est au contraire
chaque fois qu ' un corrélat noématique intentionnel, une signification
affective transcendante et par là même irréelle.
La dissociation ontologique fondamentale de l 'affectivité réelle
et de l' affectivité irréelle éclaire la critique dir igée par la problématique
contre la thèse de l'existence de sentiments « faux » « illusoires
ou « imaginaires » et lui confère un fondement plus assuré . Une telle
critique revenait , on s'en souvient, à montrer que l' « apparence »
sous laquelle le sentiment était censé se presenter tout d'abord
-
pour s'evanouir ensuite avec elle, n'était pas le sentiment réellement
éprouvé par la conscience mais seulement l'interprétationcelle.ci que .'
se donnait à elle-même de ses propres tonalités de telle manière
que l'erreur ou l'illusion ne résidait j amais dans cellesci mais préci-
sèment dans cette interprétation qui en était proposée et, d'une manière
générale, dans l'inadéquation de principe qui existe entre le langage
du sentiment et celui de la pensée . Ce dernier cependant ne se ramène
en aucune façon à un pur jeu de significations intellectuelles c'est
.. à
la lumière des significations affectives qu'elle projette ou qui lui
sont données dans le monde ou elle vit que l'existence se comprend
et, le plus souvent et d'abord, se mé p rend à son sujet de telle manière
que l' illusion dont elle est victime n'est pas seulement une erreur
du jugement mais précisément une illusion affective. Qu'une illusion
de ce genre existe ne met as en cause, on le voit la vérité absolue
du sentiment considéré dans sa réalité , elle trouve son origine dan
le caractere inadequat de la signification affective à la lumière de
laquelle cette réalité du sentiment est comprise dans la comprehen-.
798 L'ESSENCE DE LA MA NIFESTA TIO N
en réalité elle ne les éprouve pas , séparée d'eux qu'elle est par son
néant. Elle cherche seulement à les éprouver mais ils sont là devant
elle comme des masses transcendantes qu'elle ne peut rejoindre. La
souffrance par exemple n'est présente au coeur de la conscience que
comme ce dont elle manque . « Cette souffrance opaque, énorme »,
m'échappe « et je ne peux la saisir, je ne trouve que moi, moi qui..
me plains gémis, dois pour réaliser cette souffrance que je suis,
jouer sans répit la comédie de souffrir » (I). Ainsi se produit sur le
plan de la conscience irréfléchie déjà la scission qui sépare l'existence.
de ses propres sentiments et la condamne , subjectivité vide et en
elle-même atonale, à les « jouer ». Ainsi vaut contre sa propre philo-
sophie la critique adressée par Sartre à La Rochefoucauld, celle de
ne connaître qu'une affectivité pervertie par le regard et comme telle
essentiellement différente de l'affectivité originelle. Ainsi s'accomplit
avec la détermination absurde dé la réalité de la souffrance, de son
« être-en-soi » comme être nié et néantisé, comme être transcendant,
avec la détermination de la réalité du sentiment comme irréalité, le
renversement dés catégories ontologiques fondamentales et, dans
ce renversement, avec l'inextricable confusion qu'il engendre, celui
de la philosophie elle-même.
La distinction ontologique fondamentale de l'affectivité réelle
et de l'affectivité irréelle permet d'éclaircir enfin un dernier caractère
du sentiment, celui en vertu duquel il se présente comme une réalité
à laquelle il peut ou ne peut pas être « co-senti ». Un tél caractère se
trouve précisément interprété par Scheler comme susceptible de
faire apparaître entre nos divers sentiments des différences radicales
qui justifient leur répartition selon des régions étrangères les unes
aux autres comme un nouveau motif de scinder l'affectivité en diffé-
,
rents plans ou niveaux. C'est l'impossibilité de co - sentir un sentiment
sensoriel, que ce soit celui d'un autre homme ou d 'un animal, ou
( s,
I) 37g.
8o2 L 'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) F, 348.
L'AFFECTIVITÉ 803
§ 6 8. AFFECTIVITÉ ET ACTION
(I) F, 351-352.
804 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) S, 295.
L'AFFECTIVITÉ 805
(Y) F, 352.
8o6 L'ESSENCE DE LA _MANIFESTATION
l'affection par la valeur revêt la forme subjective d'un état affectif et parce
que cet état est identiquement la source de l'action qu'il se présente et se
laisse déterminer comme un « mobile ». La reconnaissance de la détermi-
nation immédiate de l'action par l'affectivité demeure ce p endant
équivoque chez Scheler, et cela parce qu'elle ne peut recevoir sa
pleine signification qu'à la lumière de l'inter p rétation ontolo g i q ue
fondamentale de l'affectivité comme immanence , interprétation qui
rend seule possible une saisie adé quate du caractère affectif de la
motivation, l'identification de l'état-source de l'action avec la réalité
affective de la perception et non avec la p ercep tion elle-même consi-
dérée dans sa transcendance.
L'orientation exclusive de la doctrine vers des considérations
d'ordre axiologique i ntroduit encore une distinction contestable
entre les états affectifs « positifs » et « négatifs », les p remiers étant
seuls capables de déterminer une « orientation du vouloir vers la
réalisation de valeurs p ositives et relativement su p érieures » ( i ) .
Ce qui fait l'ambiguïté d'une telle distinction, c'est qu 'elle n'est pas
établies partir de la considération des états affectifs tels q u'ils se
présentent d'eux-mêmes dans l'effectivité de leur contenu phénomé-
nologique chaque fois déterminé , dans la réalité de leur affectivité,
mais de manière indirecte , d'ap res la relation que ces états entre-
tiennent ou n'entretiennent p as avec des valeurs p ositives. La rela-
tion extrinsèque de l'affectivité à ces valeurs , sa p retendue transcen-
dance, ce que Scheler appelle la perception affective , se substitue
à nouveau, comme source de l'action, à l'affectivité elle-même consi -
dérée dans son immanence, à l' « état affectif la détermination immé-
»,
diate de la première p ar la seconde s'efface derrière la sim p le déter-
minati on médiate de l'action à partir des contenus axiologi q ues
visés dans la perception.
Cette i mpuissance â saisir l'affectivité comme source immanente
(I) F, 355.
L'AFFECTIVITÉ
807
(I) F, 358•
(2) Zà-dessus, cf. ID., 357-359.
8o8 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
( I) F, 357.
L'AFFECTIVITÉ
813
comme son but, que le bonheur par exemple constitue, dans un grand
nombre de sociétés en tout cas, la fin dernière de toutes les formes
d'activité individuelle ou collective ? La. problématique elle-même
ne doit-elle pas reconnaître, comme une possibilité pure,
. la relation
d'un vouloir au sentiment comme à son « objet » ? Pour autant qu'un
sentiment se trouve visé dans le vouloir, toutefois, il est irréel : loin que celui-ci
puisse le poser ou l'action le produire, toute relation intentionnelle au senti-
ment suffit à le rendre impossible, ce qu'elle donne n'est pas le sentiment lui-
même, sa réalité, mais seulement le concept de cette réalité, c'est-à-dire sa
négation. « Il y a des choses, remarque justement Scheler, qui préci-
sément ne s'obtiennent pas quand elles sont devenues le but conscient
de l'activité (i). » Ainsi en est-il du bonheur et de la souffrance, du
sentiment en général. Si celui-ci est lié à un acte, ce n'est jamais comme
son corrélat mais comme sa réalité. Faire au contraire du sentiment,
quel qu'il soit, le corrélat de cet acte, le but d'un vouloir, c'est le
manquer. La fusion affective par exemple, l'émotion voluptueuse qui
monte d'elle ne sauraient être visées, elles font précisément défaut,
comme le note encore Scheler, « là où la volupté étant recherchée
intentionnellement et pour elle-même, le partenaire est considéré
comme un simple moyen de jouissance auto-érotique ». La raison
de cette disparition de la volupté dans le cas d'une intention dirigée
sur elle ne réside pas toutefois dans une simple loi psychologique,
dans le fait- que la « concentration de l'attention exerce sur les mou-
vements d'expression automatiques... une influence inhibitrice» (z),
ou plutôt, c'est à l'origine de cette loi qu'il convient de remonter,
à l'incapacité prmcipielle du sentiment de se développer sous le
regard de l'attention, de s'exhiber, d'une manière générale, dans le.
milieu de l'être transcendant, incapacité qui est celle du mouvement
lui-même comme subjectif, comme originellement afectif, . des mouvements
(I) F, 344.
8zz L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
être modifiés par lui, cette dernière impossib ilité étant insurmontable
dans le cas du désespoir ou de la béatitude . Que l'imp ossibilité
d'agir sur le sentiment résulte de son appartenance intérieure au moi
et de sa profondeur, que, bien plus, elle soit proportionnelle à celle-ci
cela veut dire, de toute évidence, elle résulte de son immanence, de
l'immanence de l'affectivité et lui est identique . Scheler, toutefois, ne
découvre ce caractère du sentiment, --- encore ne le fait -il que d'une
façon purement psychologique comme un caractère du sentiment
,
précisément, non comme son essence -- qu'à propos des sentiments
spirituels, « les plus profonds », et cela parce que, comme la problé-
matique l'a montré, ce sont les seuls qu'il considère dans leur réalité,
tandis qu'il confond toujours plus ou moins les autres avec leur être-
constitué. Quant à l'action qu'il envisage sur ces derniers, sur les
sentiments sensoriels, vitaux et même « de l'âme », il est remarquable
qu'il la présente comme indirecte, comme s'accomplissant par la
médiation d'une cause ou d'un excitant , c'est-à-dire en réalité par
la médiation d'un objet susceptible de nous affecter.
Une action indirecte de cette sorte sur le sentiment, par la médiation
d'un objet, par la médiation de l'affection, n'est-elle pas possible , il est vrai,
et cela en ce qui concerne non pas certains sentiments sensoriels ou vitaux
par exemple , mais tous les sentiments en général ? Ne s'accomplit-elle
pas en fait lorsqu' un comportement individuel ou collectif ménage
une situation telle que l'existence qui se trouve placée en elle éprouve
inévitablement, très probablement en tout cas, des tonalités déter-
minées, positives ou négatives , agréables ou désagréables ? Certaines
dispositions affectives , du moins, ne sont- elles pas dépendantes
à l'égard des conditions où précisément elles se produisent ? La
possibilité d'une action indirecte sur le sentiment par la médiation
de l'objet n'est rien d' autre cependant que la possib ilité d'une déter-
mination de l'affectivité par l'affection elle-même, détermination
dont la problématique a montré que son sens devait j ustement être
inversé, qu' elle devait être comprise comme une détermination de
L'AFFECTI VITÉ
8.23
(z) a Every thing which exists is particular. n Three Dialogues between Hylas
and Philonous, Berkeley's complete works, Fraser, Oxford, I, 403.
L'AFFECTIVITÉ
827
(i) « Ce serait en tout premier lieu la pensée qui donnerait la douleur aux.
mortels ^, disait HEIDEGGER dans son commentaire de Hülderlin , cf. Essais et
Conférences, op. cit., i 6z.
L'AFFECTIVITÉ 8 29
est inclure et se réalise, outre ce qui la fonde et à partir de quoi elle est possible,
à savoir la souffrance comme tonalité ontologique fondamentale, comme
souffrance de l'être, la joie consubstantielle à celle - ci et qui lui est identique.
La souffrance de l'existence , dès lors, se décline et se modalise, elle
entre dans l'histoire et l'histoire se produit . L'histoire originelle est
le devenir immanent des tonalités subjectives de l'existence, comme
telle, comme immanente et s'accomplissant dans une sphère d'imma-
nence radicale elle ignore le temps de l'opposition, toute forme de
,
compréhension possible par conséquent, et n'est pas dialectique.
Étrangère à celle-ci, à la dialectique de l'opposition et de la compré-
hension, l'histoire pour autant n'est pas irrationnelle, les détermina-
tions qualitatives ne surgissent pas dans le « saut » et ne se produisent
pas â partir de lui , ne se produisent pas à partir du néant et n 'en résul-
tent pas non plus. Car ce qui arrive est possible à partir de ce qui est,
n'est rien d'autre à vrai dire que ce qui est et était, est la venue de l'être
et sa modalisation. S'éprouvant soi-même dans la souffrance et dans
la jouissance de soi, la souffrance de l'existence devient ce qu'elle est,
cette souffrance de l'être et sa jouissance , la jouissance de soi de l'être
absolu et sa joie. « On se sent au moins et on se possède soi-même
jusque dans le sentiment de la douleur, dit Fichte, et cela seul déjà
donne une inexprimable félicité (i). »
Le devenir de la souffrance, sa transformation intérieure en ce
qu'elle est, en la joie de l'absolu , c'est là ce' qu'exprime toute parole
essentielle concernant l'être de la souffrance , toute aperception asser-
torique ou apodictique de l'aeuvre dans et par laquelle elle advient
et s'historialise comme ce qu'elle est, comme un sentiment et comme
la souffrance, « C'est seulement ici-bas , dit Kafka , que la souffrance
est la souffrance. Non pas que ceux qui souffrent ici dussent être
élevés ailleurs, en raison de nette souffrance ; mais parce que ce qui
se nomme souffrance en ce monde -ci se retrouve inchangé et libéré de
valeur d'être source d'un acte qui nous rend conscients de la présence
d'une couche existentielle plus profonde en nous-mêmes et qui,
p our ainsi p arler, nous ramène vers cette couche (i). N L'extériorité
de la souffrance et de l'absolu, la détermination de celle-ci comme située sur
la couche la plus périphérique de l'existence, de celui-là comme appartenant
au contraire à sa couche la plus profonde, l'extériorité des niveaux affectifs
et de leurs tonalités respectives vient corroborer celle qu'institue la relation
intentionnelle , comprise comme le seul mode possible de manifestation, entre
la connaissance et le connu , l'extériorité de la transcendance, elle en est
le corrélat sur le plan ontologique et en résulte.
La souffrance, dès dors, ne se transforme plus intérieurement,
dialectiquement , dans la joie, elle lui est contemporaine , de telle
manière que cette contemporanéité n'exprime aucune relation posi-
tive véritable, nécessaire n'est qu'une relation contingente de simul-
,
tanéité , exprimant le fait que deux phénomènes se déroulant sur des
plans d'existence différents, étrangers l'un à l'autre, peuvent préci-
sément être simultanés (z). La contingence de la relation de la souf-
france et de la joie ainsi distribuées sur deux plans d'existence, à deux
niveaux différents , n'est plus tem pérée que p ar l'affirmation selon
laquelle la première nous aide à concevoir cette autre région ou
règne la seconde, affirmation toutefois qui reste elle-même contin-
gente et gratuite aussi longtemps que la souffrance n'est pas saisie
comme constituant dans son essence même, dans son affectivité,
cette révélation de l'absolu identique à la béatitude . Qu'elle ne le soit
pas et se propose ainsi dans une extériorité radicale par rapport à la
béatitude de l'absolu, que la propriété qu'elle a de conduire à celle-ci,
de révéler en l'homme la couche la plus profonde de son être , demeure
une simple affirmation sans fondement , c'est là ce qui apparaît avec
(I) F, 354•
(2) C'est pour rendre compte de la simultanéité possible en nous de deux senti-
ments différents que Scheler justement avait construit l'invraisemblable théorie
des niveaux affectifs.
L'AFFECTIVITÉ
g49
évidence : « Ce que nous trouvons par expérience vécue a ce cuveau
de profondeur, par exemple la béatitude... n'est en aucune façon
conditionné ou déterminé par la souffrance et la douleur de la couche
périphérique . La douleur ne rend aucun homme
bienheureux, elle.
se contente de le faire « rentrer en lui-même »
, de l'aider à concevoir
cette couche profonde de son être et à en prendre conscience (t). »
Ainsi la souffrance ne porte-t-elle lus en elle inscrite dans son
essence comme une possibilité pure et dé j à effective, l a béatitude,
l'idée que le fait même de souffrir rapproche de Dieu n'est, selon
Scheler, qu'une déformation de l'enseignement et '
du contenu vers-
tables du christianisme , une conception « infiniment plus hellénique
et néo-platonicienne » que seule l ' église grecque orient
ale, expri-
mant en cela le besoin de souffririntégré
ro re à l'âme russe a
dans son christianisme (z). La relation de la souffrance et de la joie
n'est pas une relation intérieure , nécessaire de telle maniéré que la
première se propose comme la condition de la seconde et l'unique
moyen de parvenir à elle, elle n ' est ce moyen que '
si 1 amour l'exige,
dans le cas, particulier , du sacrifice. Alors il est
.. vrai, souffrance et
joie vont ensemble mals le rapport qui les unit dans ce cas demeure
synthétique , la souffrance se produisant sur un plan,
. , n, le bonheur
sur un autre, la liaison de ces plans, le passage de la souffrance au
bonheur ne pouvant être saisi à l'intérieur de la souffrance elle-meure
ni procéder de son essence mais seul eurent « de la vision sereine d 'un
ordre de choses supérieur » (}
3 , deextérieure
la considération 4 'une..
hiérarchie objective entre les divers degrés de l'être, hiérarchie telle
qu' elle oblige a renoncer à ce qui a une valeur inférieure pour ce qua
a une valeur supérieure, à sacrifier la partie pour le tout . La souffrance
est justement, selon Scheler, l'expérience de ce sacrifice
(d.), elle
(T) F, 355
(z) SS, 66.
(3) ID.y 64.
(4) ID., 9.
850 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(I) Ici doit être rejetée catégoriquement l'affirmation de Heidegger selon laquelle
Kierkegaard n'aurait saisi le problème de l'existence que comme un problème
existentiel, selon laquelle « la problématique existentiale lui est si étrangère que
du point de vue ontologique il se tient entièrement sous la domination de Hegel
et de la philosophie antique aperçue à travers celui-ci », en sorte que sur le
plan philosophique il y aurait « plus à apprendre de ses écrits édifiants que de
ses écrits théoriques » (SZ, 235, n. a). Parce que la détermination des tonalités
affectives fondamentales de l'existence, c'est-à-dire de l'existence elle-même,
s'élabore en fait chez KIERKEGAARD, dans le Traité du Désespoir notamment
,
c'est-à-dire précisément dans un écrit théorique, à partir de la structure interne
de l'immanence et en elle, elle ne revêt pas seulement une signification ontologique,.
« existentiale » manifeste mais présuppose encore une conception de l'ontologie
radicalement différente de celle des Grecs et de Hegel comme de Heidegger lui-
même. C'est pourquoi encore la thèse selon laquelle celui-ci aurait donné à certains
développements existentiels de KIERKEGAARD, à ceux du Concept d'A ngoisse
notamment, une assise ontologique qui leur faisait défaut, doit elle aussi être rejetée.
(2) D, 73.
(3) ID., 138, note.
(4) ID., 123-124.
852 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
sphère d'immanence radicale qu'on ne se représente jamais, en lui, dans son moi.
Le moi, dit Kierkegaard, est le rapport à soi... posé par un autre (i),
il est la relation à soi en tant qu'il n'a pas posé lui-même cette relation,
qu'il ne s'est pas pose lui-même, il est l'auto-affection comme trouvant son
essence dans la passivité ontologique originelle de l'être à l'égard de soi,
passivité qui est précisément l'ipséité comme telle. Dans la passivité
ontologique originelle de l'être à l'égard de soi, dans son souffrir,
réside sa souffrance . Dans l'impossibilité de surmonter cette passivité,
dans l'impossibilité pour le moi de rompre le lien qui l'attache à lui-même,
la relation à soi, d'échapper à sa souffrance , réside son désespoir. C'est de
cette façon que le désespoir se rapporte, au moi, ontologiquement
d'abord, en tant qu'il prend naissance en lui, dans la souffrance de son
souffrir, dans la structure interne de l'ipséité comme telle, c'est -a -dire aussi
bien de l'immanence, comme un mode de réalisation de cette structure et
comme son actualisation phénoménologique. Il est impossible de désespérer,
dit Kierkegaard, sans avoir conscience d'avoir un moi (2).
Pourtant, ajoute-t-il, c'est de cela qu'on désespère . Le désespoir,
en effet, qui procède de la souffrance du moi ne lui est pas identique :
en elle, dans cette souffrance et dans la structure de son souffrir,
surgit et se développe un vouloir, celui de briser cette structure,
de rompre le lien qui attache le moi à lui-même, le vouloir se défaire
de soi. C'est de cette façon maintenant que le désespoir se rapporte
au moi, existentiellement, en tant que celui-ci, ontologiquement lié
à lui-même dans sa passivité originelle à l'égard de soi, dans la rela-
tion à soi qui le constitue , refuse cette passivité, décide de rompre
cette relation. Désespérer, désespérer de soi, désespérer quant à
soi, veut dire « vouloir se débarrasser de son moi ne pas vouloir
,
être soi -même » {3), Se débarrasser de son moi, rompre le lien qui
(i) D, 6z-62.
(2) Cf. ID., 1 39.
(3) ID., 62-63.
L'AFFECTIVITÉ 853
(I) D, 71.
L'14 FFEGTI VITÉ 855
(I) D, 75.
856 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
en est-il encore dans le jeu par lequel le moi prétend « jouer » sa vie,
joue à être ceci ou cela, garçon de café ou pédéraste . Car le moi
assurément ne peut être la détermination transcendante 'qu'il feint
de prendre pour son être propre de maniere à ne pas l'être, à ne pas
être ce qu'il est, de man ere à se défaire de soi dans la separation
.
d'avec soi . Quelque chose , toutefois, n'entre pas dans le jeu et c'est
la proprement ce que Kierkegaard appelle le sérieux l'être du vouloir
ne pas être soi, du vouloir se défaire de soi, en tant que cet être, donné
à lui-même dans l'unité absolue de son immanence radicale éternel-
lement donné à lui-même dans l'ipséité de son être - soi, ne peut préci-
sement se defaire de soi, ni cesser d'être ce Soi qu'il est.
Kierkegaard a donné une autre définition du désespoir : « Vouloir
être soi » (i ). « Vouloir être soi », toutefois , c'est là, comme Kierke-
gaard le reconnaît , « le contraire même du déses poir » (2). Vouloir
être soi, quand il s'agit du désespoir , veut dire en réalité, non pas
vouloir être soi-même , mais vouloir être un autre moi que celui
qu'on est , un moi qu'on n 'est pas. Ainsi en est-il de l'esperance chez
les jeunes, du souvenir chez les vieux (s), de tous les modes de vie
imaginaires dans lesquels le moi substitue au sien un autre moi avec
lequel il s'identifie, de toutes les expériences, que devait décrire
Scheler, de participation et de contagion affective par lesquelles. le
moi vise à se fondre dans un autre , à n'unir à lui de manière à
devenir précisément cet autre moi qu'il n'est pas. Un même projet
se retrouve en réalité lorsque le moi, voulant rejeter au contraire
comme illusoire toute forme de vie imaginaire ou affective toute
attitude « féminine », prétend se choisir ou encore se faire lui-même,
« construire lui-même son moi » (4) Dans tous ces cas et dans d'autres
semblables, le vouloir être soi du moi au sens de vouloir être un moi
qui n'est pas ou pas encore, présuppose son vouloir ne pas être
le moi qu'il est véritablement, se ramène par conséquent à la forme
de désespoir précédemment examinée et se heurte au même échec
a la même impossibilité, à l'impossibilité pour le moi de se défaire.
de soi. La passivité ontologique originelle de l'être à l'égard de s os dans son.
unité immanente avec soi est la condition une et universelle du désespoir, la
structure ors il s'enracine en tant qu'il prend naissrnce en elle, dans la ,pou -
f
f rance du souffrir, en tant qu'il trouve en elle la condition de ce qu'il est
une tonalité, plus généralement encore une expérience, en tans que lié et
livré a lui-même sur le fond en lui de cette structure etformant le projet de
rompre ce lien, de se défaire de soi, il ne peut le faire et se heurte à une contra-
diction insurmontable, en tant que cette contradiction est sa torture, porte sa
souffrance à son paroxysme, met le feu en lui, dans le moi à quelque chose
d'indestructible et qui br ale éternellement.
En tant que le désespoir trouve sa condition dans 1 a structure
interne de l'immanence et rend naissance en elle dans la souffrance
du souffrir, dans la souffrance et dans la jouissance de soi de l'être
absolu, il se dialectise, entre dans l'histoire et devient son contraire.
Plus grande est la détresse dans laquelle désespérant de soi et voulant
se défaire de soi, il mesure son impuissance à se détruire lui-même ,.
plus violente aussi et plus forte l'expérience de son être rivé à soi
livré et lié à soi pour être ce qu'il est, d'expérience de son être-
donné-à.-soi-même et de l'essence de la vie en lui. Le fond du désespoir est Dieu
lui-même, l'être pour soi de l'être absolu le rassemblement et la
profusion de la Parousie. Le fond du désespoir, ce d'où il émane ,
se decouvre a lui dans sa transparence, comme ce q u'il est et devient
comme cette transparence et comme son éternité. Parce qu'il est
éternel, le désespoir est passager, il est le passage, et ce qui conduit
à l'absolu, Voilà pourquoi « le désespoir est la maladie que le pire
des malheurs est den avoir pas eue » (i). Il est la maladie l 'extrême
(I) D, 83,
M. EENRY
85 8 L'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
(X) D, I7I.
L'AFFECTIVITÉ
gS9
à lui-même en tous 1 -
es points de son être et c'est ustement
un sentin1ent, en cela au ^ en cela qu'il est
• sa transparence
aussi que réside . La transparence du
sentiment n'est pas le milieu fluide
de la lumière,. aucun élé
immatériel , incolore, évanescent ment
néant _ elle est ^^ rien 'irréel non plus comme. 1
l'être donné à sôi en e
être plongé en soi tous les points de s son^:être s
^ a réalité, -et nedans faisant
on
Le sentiment se d qu'un avec elle.
°nne tout entier, d'un seul cou
L'être du sentiment se p^ comme un absolu.
donne tout entier en lui. même,
non point
simplement parce qu'il ne s'annonce pas, a la façon de
matérielle, série dans une 'la chose
d Abschattungen, comme u
toujours incompl n d°nrie intuitif
et et toujours dépassé, mais parce
un donné intuitif , • qu'fl n'est jamais
rien qui soit peau ni senti. C'est pourquoi
encore l'idée qu'un sentiment
pourrait être connu peu â eu
que l'absolu se révélerait p ' l'idée
progre ssivement est absurde recou
impossibilité de pr i ncipe Un sent , vre une
i nrent se donne tout entier
du tout. L' absolu qui se ré • ou pas
vèle originairement et dont 1
originaire rend p ossible t a révélation
out ce qui se révèle et tout ce
révèle nécessairement dans 1 qui , est, se
a totalité de son absoluit'
disait Eckhart,
ne eut donner peu ; ou bien il doit tou
la fors- ou rien .., son t donner a.
don est simple et parfait.
nté z . » Le tout dâns 1'eter
En tant que la révélation de l'absolu réside
se trouve constituée dans l affectivité et
par elle, c'est la réalité de c -
l'absolu lui-mê eluici, la réalité de
me . qui se révèle et se réalise en elle
de l'être absolu n'est . pas separee de- • La révélation
lui, n 'est rien d 'extérieur -a lus, rien
d'irréel, n ' estpas
une image de "lire mais résid
et lui est identique,
que, est en lui, dans sa réalité
l'être lui-même. Ici seerencon
ne sur it tre, parce que l'absolu
g pas hors de lui, dans le milieu vide ' -
parce qqu'il enselui révèle et sans vie de l'irréalité,
- même, dans la
,i réalité de son affectivité
1 insurmo ntable limite de 1 déalisme '
,son incapacité de principe
*
**
La détermination ontologique structurelle et fondamentale de
l'essence originaire de la révélation comme immanence et comme
affectivité rend seule possible le développement cohérent et assuré
MISE EN LUMIÈRE
DE L'ESSENCE ORIGINAIRE
DE LA RÉVÉLATION
PAR OPPOSITION
AU CONCEPT HÉGÉLIEN
DE MANIFESTATION (EKSCHEINUNG)
71. LE PROBLÉME DE L'ESSENCE DE LA
MANIFESTATION ET LE DÉCHIREMENT
L'affirmation centrale
de la philosophie hégélienne, c'est que le réel est E •
Ce qui est avancé partaon' une telle affirma ' spot,
ce n'est
raison, un idéalisme absolu. Seule une i pas l'idéalisme ni, à plus forte
la pensée de He nterprétation superficielle qui fait déchoir
gel du plan ontologique ou elle se meut
dérations d'ordre, ontique, peut , ^ un ensemble de consi-
prétendre contraindre la philoso hie et celle
Hegel en particulier, à poser la uestion p de
1'etre, ou bien q de savoir ce qui est premier, du réel et de
de l'esprit. Le problème d'une déduction '
-exemple, d partir de !'esprit ne se ose ontique du réel, p
as
l'esprit, il ne p p . En vérité, le réel n'est point déduit de
l' procède pas de lui, il est Esprit. Dire maintenant que l
est dire qu'il est essentiellement Acte de se re e réel est Esprit,
réel est phénomriu..u La grande ruse, dit Regel veler et de se manifc,rter, c'est dire que le ,
elles sont ... il y a simplement(i), c'est
à lesque les
choses soient comme
l'essence est de prendre dans leur phénoménalité... L'essence de
se manifester. » Que l'essence de l'essence soit
cela comporte cette conséq uence, a de se manifester,
apparemment décisive, de fonder
pour l'homme
d'une connaissance absolue. y pas lieu, Il n'y alapossibilité
en effet, de mettre
(r) Note - personnelle , citée par J. HYPPOL
minologie d^ l'Esprit de Hegel
op . , I22. cit.
864 L 'ESSENCE DE LA MANIFESTATION
d'un côté la connaissance humaine et, de l'autre, l'essence que cette connaissance
cherche à appréhender, ni de poser par suite le problème critique d'une déformation
possible, voire nécessaire, de l'essence par une . connaissance qui ne peut la toucher
qu'en la modifiant, si le fait d'être connu n'est pas un prédicat qui se surajoute de
l'extérieur au réel mais constitue , au contraire, son essence même . Car l'essence
n'est point modifiée ou altérée mais achevée et constituée par sa manifestation si la
manifestation est l'essence de l'essence.
La détermination du réel comme Esprit nous `montre que le problème de la
révélation est essentiel pour Hegel, Mais une telle détermination ne fait précisé-
ment que poser le problème . Si' l'essence de l'essence est de se manifester , il faut
dire en quoi consiste cet acte de se manifester , quelle est l'essence de cette essence
de l'essence, quelle est l'essence de la manifestation telle que la comprend Hegel?
L'essence de la manifestation est comprise par Hegel.d'une façon traditionnelle
(depuis Descartes) à partir du phénomène de la conscience. L'essence de la
conscience, à son tour, est interprétée par lui d'une manière qui est directement
commandée par la philosophie des grands postkantiens, et notamment par la
première philosophie de Schelling. Il n'y a heu, en aucune façon, de parler ici
d'une opposition entre Fichte et Schelling ni, par suite, d'une synthèse que Hegel
aurait eu réaliser entre les deux philosophes. II n3' a point d'opposition non plus,
sur ce point essentiel, entre Scbelling et Hegel. En réalité, sur l'essence de la conscience,
tout le monde est d'accord : il y a conscience là ou il 5 a division. Si Schelling soutient
une philosophie de l'identité, c'est qu'il a accepté l'idée d'abandonner l'Absolu
à l'inconscience. De la même façon, et cela dès ses premiers travaux, Hegel pose
l'équivalence, qui traversera toute son oeuvre, de l'identité et de la nuit. La
condition de la conscience, l'essence du phénomène et de toute manifestaüon, c'est la
scission qui s'introduit dans l'être un et opaque, c'est le de'doublemenf de cet être qui,
ainsi divisé d'avec soi, peut prendre position en face de lui-même et, dès lors,
exister pour soi, c'est la réflexion en soi-même par laquelle l'être prend conscience
de soi en s'élevant au-dessus de soi-même , en se rejetant par suite hors de soi et
en s'apercevant ainsi soi-même comme autre, dans l'élément de la difference. La
manifestation de l'être implique ainsi le moment essentiel de l'opposition et
présuppose que soit institué, à la place du règne de l'identité, un dualisme qui est
comme celui de l'être et de sa propre image. Or , la manifestation de l'être n'est
rien d'autre que l'Esprit. A celui-ci doivent donc appartenir, à titre d'essence, la
différence et le dualisme, Hegel le dit explicitement « Le principe du dualisme
appartient au concept de l'esprit qui, comme concret , a la différence pour
essence (i). » I
(1) L, 163.
LE CONCEPT HÉGÉLIEN 86 f
parce qu'il est différent de l'être de Dieu qu'il peut lui être égal . La différence est.
l'événement ontologique d'où jaillit la lumière par laquelle le Logos éclaire l'être
divin. Elle est ce qui déploie le milieu où s'institue la connaissance divine, la connais-
sance exacte de l'être divin, une connaissance qui lui est rigoureusement égale. La
lumière résulte de la différence qui permet l'établissement de l'égalité, c'est-à-dire
la connaissance. C'est ce que dit encore le jeune . Hegel dans un texte remarquable,
très proebe de l'analyse fichiéenne du début de l'.Évangile jobannique et qui obéit aux
mêmes présupposés ontologiques : K seule une conscience égale à la vie, et telle que
toutes deux ne diffèrent qu'en ce que la vie est l'être , tandis que la conscience est
cet être comme réfléchi, est pwç » (t).
L'intervention de la réflexion dans la première philosophie hégélienne „de la .
vie, ta ainsi une signification ontologique qui n'est pas sur k même planque la
simple ' orientation intellectualiste d'une pensée . Elle prépare la compréhension
thématique de l'essence du phénomène et appartient déjà à la définition structurale
des conditions qui. fondent celui-ci dans sa possibilité . La critique de l'intuition
a, dès les travaux de jeunesse, et aura dans l'oeuvre ultérieure une signification
identique. Il ne s'agit nullement , ici encore, d'une préférence accordée par Hegel
à ce que nous appellerions aujourd 'hui la réflexion par opposition à la pensée
intuitive. On n'a pas le choix entre deux modes de pensée, mais entre la pensée et
la non-pensée, c'est-à-dire l'inconscience. L'intuition en question est, ne l'oublions'
pas, celle de Schelling, à laquelle pense par exemple Hegel lorsqu'il parle des
enfants et des anges qui vivent dans un état où « l'opposition de l'intuitionnant et
de l'intuitionnë, comme d'un sujet et d'un objet , disparaît dans l'intuition elle-
même » ( 2). Au moment même, cependant où l'opposition disparaît, la conscience
,
s'évanouit aussi:. L'inconscience :est la Asuppresaionrde tôïtt ditinctintr(( )S1'
l'animal est Dieu, c'est au plus profond de sa nuit. Aussi bien ce Dieu est-il irréel
puisqu'il ne porte pas en lui le Logos. Ce n'est pas, encore une fois, le philosophe
intellectualiste qui dit que la réflexion est intérieure à l'Absolu, c'est celui qui
s'incline devant la prétention de l'Absolu d'être un phénomène. En d'autres termes,
la réflexion ne désigne pas un mode particulier de la vie de la conscience, elle en`
constitue bien plutôt l'essence, et cela non point parce que la conscience serait
conçue à partir de l'expérience privilégiée de la réflexion, mais parce que la
scission et la division (le terme de réflexion ne désigne ici rien d'autre) sont pensées
comme la condition de la possibilité d'une présence, comme l'essence même du
phénomène interprétée à partir de l'idée de lumière (p&).
it j CD, 82.
(a) In., 172.
(3) ID., 144.
LE CONCEPT HÉGÉLIEN
867
(I) H, 169-I70.
LE CONCEPT HÉGÉLIEN 869
détermination. Celle-ci n'est autre que la structure même de l'être en tant qu'il
est rendu manifeste par l'opération de la négativité. La négativité détermine l'être
en tant qu' elle le situe dans l'espace transcendantal q u'elle a déployé ur
pour lui
permettre de s'y manifester. L'entité qui apparaît dans ce champ ontologique
primitif ne peut lJamais tel s'égaler
champ la dépasse à lui. Un bienplutôt
plut8t de
toutes parts. Ce dépassement est si radical qu'il n'est autre que la suppression
dialectique de l'entité. C'est, toutefois, dans l'acte même de cette suppression en
vertu de laquelle elle apparaît essentiellement déterminée et finie, ue l'entité
q
trouve le moyen yen d'êtreprés
là et de sede
tenir nous,. dans la présence.
L'essence de la négativité n'est rien d'autre que l'essence de la présence. La
négativité qui nie l'entité particulière n'est par diffrante d'elle elle la }ait exister'
Elle est son essence même , en tant^ •
que celle enfile -, Elle^
est présente est l'etre de l'être-là
en tant qu'il
L'entité transcendante est.
n'est, dans sa là.
présence, rien d'autre ,
que la négativité elle-même ; elle est l'acte de se supprimer dialecti uement
q
soi-même. La négativité est une catégorie conftitullve de la détermination lransindante,
elle est l'élément de cette détermination.
Ce n'est pas sans une restricti3n, à vrai dire décisive, que la négativité peut être
appelée une essence ontologique. Sans doute y a-t-il entre la négativité et l'être.
pur et simple qu'elle nie une différence qu'on doit tout d'abord qualifier d'onto..
logique. La négativité n'est , à vrai dire, rien d' autre dans son essence 'une telle
différence. Mais la différence n'est pas étrangère à l'identité. Elle est bien plutôt
l'essence même de l'identité en tant que celle-ci prétend à l'être . La manifestation
de l'être identique n'est possible que sur le fond de la différence en lui. Cette
différence est si peu extérieure à son essence que c'est d'elle et d'elle
l'êt , , • feule, que
re identique reçoit le privilège d' exister dans son identité même . La différence
est le fondement de l'identité; sur un tel fondement, l'être identique se développe
avec, en lui, la caractéristique essentielle d'être la détermination. L'être de celle-ci
est l'essence négative. Négativité et Identité sont si peu séparées ue l'acte
q
lequel l'identité
parvient, s détermination, à ladansvie concerte, la par
n'est rien d'autre
que l'acte même dans lequel s'exprime l'essence de la négativité . « La vie concrète
de la déterminabilité, dit explicitement Hegel, est elle-mime l'oP^tion de se
dissoudre (i). »
I.'étre n'est réel qu'en tant qu' il est là. Le processus par lequel l'être devient
réel a son origine dans l'essence de la négativité. Ce n'est pas dé l'extérieur,
cependant, que la négativité confère à l'être la réalité dans l'être-là. L'être-là
inclut en lui-mime le négatif, La négativité est l'essence, la réalité et la vie de l'être
qui; est là. L'être-là n'est pas séparé de la négativité ou, si l'on préfère du concept.
«. L'être-là, dit Hegel, est dans son concept ( i). » La négativité est l'essence de
l'être , En tant que l'être trouve son essence dans la négativité , il nous est
donné dans la présence , il est là.
L'immanence essentielle de la négativité à l'être (l'extériorité de l'être n'est
qu'une conséquence de.l'immanence en lui de la négativité) constitue le motif ontologique
et, par suite, le sens profond de la critique dirigée par Hegel contre le formalisme.
L'essence de la pensée est, pour Hegel, la négativité. Par suite, cette pensée ne
saurait être considérée comme extérieure au contenu qu'elle pense. On ne peut
appliquer de l'extérieur le formalisme au contenu . concret, si la forme est, en
réalité, l'essence du contenu. La pensée n'est pas et l'activité qui manipule le contenu
comme üne chose étrangère ». Étrangère, la pensée l'est si peu par rapport au
contenu que son acte n'est en réalité rien d' autre que l'acte même du contenu
en tant qu'il se supprime lui-même dialectiquement . L'activité du savoir, dit encore
Hegel, est immergée dans ce contenu (2). La Préface de la Pbénoménologie de l'Esprit
où Hegel domine son propre système , veut à l'aide des thèses fondamentales qui
seront celles de la Logique, écarter la conception, que pourrait faire naître une
lecture superficielle du texte même de la Pbénoménologie, d'une opposition en
quelque sorte extérieure du sujet et de l'objet. En fait, c'est à la lumière de l'inter-
prétation ontologique de la. dialectique qu'il convient de comprendre l'identité
d'essence du.. sujet et de l'objet ou, comme le dit souvent Hegel, l'immanence du
Soi dans le contenu. .
La dialectique nous apprend que seul est réel l'ensemble du processus dialec-
tique lui-même, c'est-à-dire . la Totalité ., Par Totalité, il convient d'entendre le
Réel, c'est-à-dire l'Être lui-même dans sa présence. Par rapport à cette Totalité
qui: seule est concrète , l'identité et la négativité ne sont que deux termes abstraits.
La restriction précédemment apportée à la désignation de la négativité sous le
titre d' K essence ontologique » trouve ici sa justification : la négativité n'est paf
l'essence, elle n'a qu 'une pseudo-originalité ontolog que Loin d'ouvrir par son être propre
une sphère . ontologique nouvelle et autonome , elle n'est, en réalité, qu'un moment de la seule .
sphère ontologique . qui existe et qui est celle de l'être. La négativité n'est pas une essence,
c'est une catégorie. .
Ce qui doit être ici mis en cause, c'est le prétendu dualisme hégélien , La scission
de l'être, condition de sa promotion au rang de phénomène , ne signifie pas une
division du réel en deux essences qu'on pourrait opposer extérieurement. Cette
division n'a pas pour conséquence la position des deux sortes d'êtres fondamenta-
lement différents, par exemple l'être naturel et l'être humain. La division est la
condition de l'être,. mais ce; qui est posé par une telle division , c'est un seul et
même être, celui qui est dénommé dans le cadre de ces recherches
« l'être trans-
cendant ». L'essence, qui inclut en elle la négativité ,
est la position de cet titre. Cette
position n'est pas extérieure à l'êtré, ` elle n 'est pas différente de lui et ne
saurait
lui être opposée qu'arbitrairement, u n'y a pas, d 'un côté, la substance et de
l'autre, le Sujet. C'est la substance elle-même, « en elle -même »,
dit Regel i qui
es/ Suj et. J n' aLe
pas d'être propre Sujet
, il est 1 ,titre de la substance. O'
Dire que le réel
est Esprit, ce n'est pas soutenir un idéalisme absolu
, c'est dire au contraire, que
l'Esprit, ou du moins le Sujet, n'a point par lui-même de réalilépro . .
On a souvent reproché à Hegel d 'avoir étendu sa dialectique à la sphère de la
nature et de l'être naturel. La dialectique de la force et celle de la vie préfigurent,
d'une façon assez étrange , dans la Phénoménologie, la dialectique des consciences.
Elles ont de ce fait, signification '
spirituelle qui semble incompatible avec la
nature des domaines qu'elles prétendent expliquer . Afin de réduire les prétentions
dece « monisme » hégélien, il conviendrait delui opposer un « dualisme
» qui réser-
verait l'essence dialectique à l'interprétation de l'être humain et a la cornpréhen-
sion de ses rapports avec le monde (2). Les analyses qui précèdent permettent de
comprendre ur uoi une telle criti que -passe à côté de la pensée de Hegel,. Il n'y
a pas deux régions d 'être, dont l 'une aurait une structure incompatible avec
l'essence dialectique . L'être pur et simple échappe . si peu à l'em
prise de cette
essence que c'est en elle, au contraire,qu'il trouve son fondement . L'identité est la
différence . Elle ne laisse pas en dehors d'elle la né ativité comme
g si celle-ci devait
seulement concerner un autre secteur de l'être . A quelle région d'être la né atlvité
pourrait-elle bien s'appliquer si ce n'est à celle de l'être identique ? La sphère g de l'être
transcendant constitue la seule région ontologique que connaisse l'hégélianism e,
et la négativité est si peu étrangère ` à une telle région 'qu'elle en constitue, au
contraire, l'essence et le fondement , La négativité répétons-le, n'a oint d'être
propre. C'est commettre un contresens complet sur, la signification de l'ontologie
hégélienne que de prétendre interpréter l'être de la réalité humaine à partir de
la négativité comprise comme une esseic e. La négativité n'est pas une : essence,
mais une catégorie de l'être . A ce titre, elle concerne, il est vrai , l'être de la réalité
humaine. Mais le fait d'être fondé sur la négativité ne confère en réalité à l'être
humain aucun privilège . L'homme n'a pas dame l'be élianisme d'être propre
g . Pour
Hegel, comme plus tard ` pour Heidegger, et jour les mêmes ultimes
raisons, il faut
dire que « pas plus que les autres êtres, nous ne sommes chers au fondement de
l'être en nous ». Ce que nous sommes , Hegel le dit, il est vrai :. « nous sommes le
néant ». Mais la nature aussi est le N.. éant « les ténèbres sont néant, l'espace et le
temps ne sont pas, ... tout est néant» (I).
La négativité n'est pas l'essence , elle, est seulement un moment de l'essence qui,
comme Totalité, es t seule concrète. L'essence est l'essence de la manifestation.
Elle est le « phénomène ». La négativité est une condition de la manifestation, elle
est ce qui permet à l'être de se manifester . Ce qui advient par l'opération de la
négativité, c'est l 'être dans sa condition d'être . manifeste. Ce qui se manifeste, c'est
1'lire, ce n'est point la négativité elle-même. La négativité est une structure du phénomène,
mais elle. n'est point elle-même un phénomène. .
La négativité est si peu l 'essence phénoménale que, livrée à elle-même, elle
signifie bien plutôt la disparition et la nuit . Elle est l'acte de la suppression dialec-
tique qui s'enfonce dans les profondeurs inconscientes de . l'abime . « Moi dit
Hegel, est la nuit de la disparition (z). » Encore faut-il bien comprendre que cette
nuit• n'est pas, aux yeux de Hegel, . quelque chose qui pourrait subsister par soi-
même. Il n'y a pas comme une dimension ontologique de la nuit qui poursuivrait
quelque part une existence autonome . Si la disparition est quelque chose dont nous
pouvons du moins parler, c'est uniquement en tant qu 'elle participe à l'essence
accomplie de la manifestation, c'est-à-dire au surgissement de l'être dans la lumiere.
Ce qui s'accomplit à la faveur du mouvement de cette disparition, c'est en effet
nous le savons, l'essence même de la présence . L'acte de disparaître est un avec
l'avènement de l'être, « La manifestation , dit Hegel, est le mouvement de naître
et de; périr (;), » Or, d'une part, l'essence ou plutôt le moment de la dis arition
p
n'est rien d'autre que celui de la naissance, en sorte qu'il nous est im ssible de
.. po
pennr la négabvrté à l'état séparé, que celle-ci n'est rien par elle-même, mais s'épuise tout
misère dans l'acte migra par lequell'ître surgit dans la lumière de la transcendance , d'autre
part, es qui surgit aigri, grâce à l'am're en lut de la négativité, a précisément, uant a son
q
être, tais structure rigoureusement déterminée . Le monisme ontologique de Hegel s'exprime
dans ces deux affirmations fondamentales et intimement liées, selon lesquelles
t° u n'existe qu'une seule essence . Conformément à cette essence, qui est la sienne,
l'être ne s'historiala'se que grâce à l'opération de la négativité . Cdlle'ci le fonde dans
subjective de la négativité lui éebappe aussi parce qu'une telle essence appartient à la
structure marne de la réalité dont il se, ,d$tourne. Ce qui subsiste n'est strictement
rien : ce n'est pas même le néant de la ne àf
ivité. Si nous pouvons,
du moins, parler de
ce « rien » sur lequel le christianisme tente d'asseoir un nouveau royaume
,. c'est en
fait
Si grâce la
à un recours
end à cette essence
se de l'obdétourner,
j ectivité dont on prét
réalité nouvelle dont il fait profession n'est pas absolument « rien », c'est que
le christianisme , en fait, se la représente, c'est qu'il la projette dans le champ
primitif où règne la lumière , Le. Ciel qui est le terme imaginaire 'auquel aboutit
finalement le christianisme , a cependant le degré de réalité phénoménologique qui
appartient à toute représentation transcendante comme telle . Cette réalité pbéno-
menologrque, il la doit évidemment à l'essence de la manifestation ,
c'est-à•dire à
l'essence de l'objectivité , On sait, d'autre part, que dans le christianisme l'amour
divin s' est présenté à l'homme sous la forme d'une figure concrète
, d'abord
effectivement donnée , et conservée ensuite dans le souvenir . La réalité chrétienne
ne peut se manifester qu'en intervenant dans le monde, « Pour que le divin a
misse, dit Hegel, l'esprit doit etre uniinvisible pl?a-
à du visible (t), » L'être divin
lui-même ne peut vouloir être près de l'homme et méconnaître :en même temps
l'essence de toute Les miracles
présence le
s prophéties ,, les sacrements mêmes,
le culte sous toutes ses formes, l'élément historique qui se synthétise partout avec
un amour qui sans lui serait sans vie, sont là pour dire que le christianisme n'a pu
se passer de ce qu'il condamne.
Il n'y a chez Hegel aucune ontologie de la subjectivité, Celle-ci ne fait lamais.
chez lui l'objet d 'une véritable problématique . Il faut bien voir, maintenant que
cette lacune essentielle ne caractérise en aucune façon sa pensée . L'hégélianisme.
s'oppose r, peu aux prétendue : ph losopbies de la subjectivité gui l 'auraient écéde' 'il se
situe bien plutoi, en fait, dans l'exact prolongement de celles-ci, De même que
cb Kant
l'être de la subjectivité n'est pensé que dans sa t^erence d la. structure de 1'objectivié dont
il est seulement la condition , de même cbe Hegel la prise en considération de l'aspect
sub ecti
jf
de l'Esprit n 'est qu'un moment dans !'élucidation de son essence, essence i n'est autre
cella e ljobJ
ectivité
que,, Et selondeKant même , la catégorie ne ^sauraitque
avoir qu'un
usage empirique , de même la négativité n^est pas , chez Hegel,
dissociable de
l'être objectif qu'elle s 'épuise à fonder. Le seul apport positif de He g et au problème
^
central qui constitue le thème de ces recherches consiste dans l'interprétation de
l'être de la catégorie à partir de l'idée de négativité . Qu'un tel apport ait eu au
point de vue historique, des conséquences décisives qu'il commande directement
la prise de position de la philosophie moderne à.l'égard du problème de la subj'ec-
tivité, ne change rien au fait que cette subjectivité demeure dans l'hé ' e
C'est le mouvement par lequel advient l'être objectif, c 'est l'essence même de
l'objectivité en tant qu'elle n'est pas une essence statique mais une production,
en tant qu' elle est le processus par lequel se produit l'être objectif dans son objec-
tivité. L'objectivité ne peut se comprendre que comme objectivation,
L'objectivation est l'essence. Elle est ce qui nous introduit dans le royaume
de la présence effective . Ce qui est effectivement présent, « la réalité effective »,
c'est la • réalité objective, c'est ce qui résulte de l'objectivation . L'objectivation
est le mouvement par lequel quelque chose devient présent dans la lumière en
tant qu'objet. Que l'Esprit doive s'objectiver pour être réel, cela signifie qu'il est
quelque chose d'antérieur à la détermination objective . Cela ne signifie pas qu'il
soit antérieur à l'objectivation elle-même . En fait, l'Esprit est lui-même le pro-
cessas de l'objectivation en tant que tel. Il est le mouvement par lequel l'être
devient réel, c'est-à-dire devient un phénomène. Ce mouvement, qui est à la fois
le déploiement du milieu phénoménologique transcendant et le surgissement` de
la détermination dans ce 'eu, c'est l'objectivation.
La critique hégélienne consiste , dans ses principaux thèmes, à montrer que la
subjectivité est quelque chose d 'abstrait et d'irréel, qu'elle n'est pas une mani-
festation suffisante de l'Esprit qu'elle n' est pas, a vrai dire, par elle-même une manifes-
,
iation. La manifestation ne se produit que dans et par l'objectivation . Que l'objec-
tivation soit l'essence, l'Esprit, c'est ce que mettent en lumière les parties positives
du système. Celles-ci consistent dans la description des diverses formes fonda-
mentales de l'objectivation dans et par laquelle le réel se réalise . Ainsi s'explique,
notamment, le rôle décisif dévolu par l'hégélianisme aux grands phénomènes de
l'action, du langage . Ce qui se trouve pensé sous ces termes , ce n'est, chaque fois,
rien d'autre que l'essence.
La nécessité de l'action est souvent affirmée par Hegel, notamment lorsqu'il
s'agit de mettre en lumière l 'insuffisance de la morale traditionnelle, c'est-à-dire
de la moralité subjective . Mais le recours à l'action n' a pas pour but de définir
un mode de vie authentiquement moral par opposition à un autre qui ne serait
qu'hypocrisie. Le débat ne se situe pas du tout , malgré l'apparence, sur le plan
moral. Les impératifs éthiques de l'hégélianisme trouvent leur fondement dans
l'ontologie. Si la nécessité du recours à l'action revient comme un leitmotiv,
c'est que l'action est la condition de la réalité . « Il y a action, dit Hegel , parce que
le fait d' opérer est en soi et pour soi-même l'essence de la réalité effective (i). »
Par réalité effective, il convient d'entendre la détermination objective qui résulte
de l'action , non pas toutefois, dans sa singularité, mail dans son objectivité. Il convient,
plus précisément,, et comme le montre avec éclat le contexte , d'entendre cette
.
(t) PhE, I, 334.
LE CONCEPT HÉGÉLIEN
88 1
La détermination inclut le négatif en soi-même , l'être-là, a-t-on vu, est dans son
concept;t • mais le Concept qui contient l'être-là n'est pas lui-même une effectivité
présente, il est bien . plutôt la fuite hors de toute effectivité et de toute présence, non pas
l'être mais le néant. Ce. n'est pas seulement le christianisme , c'est aussi , à vrai dire,
le Concept hégélien qui est en soi l'acte de repousser le monde et ses déterminations
objectives, la fuite hors de l 'effectivité . L'immanence de l'infini dans la determi-
nation ne peut recevoir une signification positiveque si elle se réfère à une présence
phénoménologique du Concept. Mais, dans le. monisme hégélien , seul l'être trans-
cendant est véritablement là. Le Concept ne possède pas un mode de révélation propre
au sein duquel il se livrerait tel qu'il est en lui-même. Il doit bien plutôt, pour s'offrir
dans la p résence, pour être véritablement là, se soumettre à ce qui est compris
par Hegel comme la condition générale de toute présence , c'est-à-dire à l'horizon
de l'objectivité . Le Concept pourtant ne se plie pas à un tel mode de manifestation,
cette présence qu'on lui offre sous la forme d'une détermination objective, il la
refuse et la fuit . Il est la disparition . Il est ce qui échappe perpétuellement à l'être-là,
bien qu'il soit aussi ce qui permet à cet être d 'être précisément là. Il est cet échap-
pement qui est une permission . Cet échappement hors de l' être-là, ce mouvement
par lequel le concept se refuse à la détermination , c'est le Temps. Le Temps est
un évanouissement, il est ce qui fuit et ce qui échappe. Le Temps n'est-ii pas
précisément le mode de présence phénoménologique du Concept?
qu'il est temporel et fini. La temporalité n'est rien d'autre que la négativité. Elle
est la suppression sur le fond de laquelle toute détermination se donne à nous en
tant que finie.- Que le temps puisse être défini comme l'abstraction du consumer,
cela ne signifie pas qu'il faille le réduire une entité métaphysique , cela signifie
que c'est l'abstraction qui consume, que le Concept est Temps . Cependant , le temps
qui vient d'être reconnu comme l'essence du Concept ne peut en aucune façon lûi servir de
« phénomène ». Pas plus que le Concept, il ne se manifeste lui-même à titre de donné. Il est
l'acte de la suppression dialectique qui s'enfonce dans l'abîme , la nuit de la
disparition.
Hegel n'a pas méconnu l'essence originaire du temps, il a osé, le premier,
interpréter le temps comme l'essence de l'esprit . Après avoir montré comment,
dans la Logique, l'affinité du temps et du concept repose sur l'identité de leur
structure formelle, Heidegger ajoute dans Sein und Zeit « Mais comme le temps
est aussi saisi [par Hegel] comme un temps du monde purement et simplement
nivelé et qu'ainsi son origine demeure complètement cachée , il se tient simplement
en face de l'esprit comme une réalité donnée . C'est pourquoi l'esprit doit d'abord
tomber « dans le temps ». Ce que signifient cette « chute » et cette « réalisation »
de l'esprit qui est le maître du temps et qui existe proprement à l'extérieur de lui,
demeure obscur (i). » Pourquoi le temps qui s'identifie dans l'origine au Concept
est-il « aussi saisi» comme « un temps du monde purement et simplement nivelé»?
Comment faut-il exactement comprendre cette juxtaposition, au sein de l'hégé-
lianisme, d'une temporalité authentique et d'un temps déchu ? Quelle est l'origine
de cette « chute » en vertu de laquelle l'esprit s'enfonce dans un temps historique
vorbanden lorsqu'il veut se « réaliser » ? A quoi tient l' « obscurité » où baigne l'ori-
gine d'une telle « chute » ? Non pas, ici encore, à une quelconque insuffisance de
l'analyse. Cette obscurité appartient en propre à l'essence . La chute de l'esprit a,
comme le reconnaîttlui-même Heidegger, la signification d'être la propre « reali-
sation » de cet esprit. Se réaliser signifie, pour celui-ci, devenir conscient, passer
de l'en-soi au pour-soi. Le temps est justement le devenir conscient de l'esprit.
De quel temps est-il question , toutefois, lorsque l'être de celui-ci est interprété
comme le devenir conscient de l'esprit ? II ne - s'agit alors, en réalité, ni de la
temporalité authentique ni du temps déchu , mais du mouvement même par
lequel le temps originaire se transforme en un temps vorbanden et devient ainsi une
réalité donnée. Le temps est le devenir conscient de l'esprit sous la forme d'une
chute, il est l'essence même de l 'objectivation.
1 est à la fois vrai et faux de dire qu'il n'y a chez Hegel aucune philosophie de
la temporalité originaire. Sans doute le temps authentique n'est -il pas saisi par
alors l' Esprit peut être là, il est présent comme un Esprit réel, comme une figure
concrète de l'esprit.
Si la « chute » de l'esprit dans le temps vorbanden a la signification positive d'être
la u réalisation » de l'Esprit sous la forme de son propre devenir conscient, cette
réalisation cependant est tout aussi immédiatement comprise comme une « chute».
Le temps vorbanden est un temps déchu . Dans la succession objective des phéno-
mènes qu'il nous présente , quelque chose n' a pas trouvé place qui touche pourtant
à l'essence. Ce quelque chose d'essentiel , c'est le temps originaire lui-même, c'est
le fait de disparaître qui ne s'insère jamais â titre d 'élément réel dans la chaîne
constituée par la succession des data concrets . C'est le Concept qui n 'est pas en et
par lui-même un donné pbinoménologique et qui appelle le temps afin que celui-ci lui
confère la présence et l'être -là, mais le temps qui est l'être-la du Concept n'est qu'un
temps vorbanden où le temps pur s'est perdu et, avec lui, le Concept. La réalisation,
sur le fond du temps, du Concept dans l'être -là est en fait la disparition du Concept,
la perte et l'oubli de sa nature originaire , son aliénation dans la forme de la manifes-
tation objective. L'aeuvre du Temps est contradictoire.
qui ouvre l'horizon de l'objectivité , bien qu'il ne soit pas en lui-même quelque
chose d'objectif.. L'inégalité entre un tel processus interprété comme le Concept
et toute réalité effective objectivement présente réapparaît. Cela signifie que
quelque chose qui ne peut cependant être tenu pour une fiction est en fait incapable de a
manifester. Et il est vain de croire que la réalité objective serait susceptible, â
force de se transformer et de s'enrichir, de contenir finalement en elle et d'exhiber
ce qui se refuse ar principe à un tel mode de manifestation. La critique que Hegel
avait feint de diriger contre le langage a , en fait, une signification ontologique
décisive : elle frappe au caur l'essence de l'objectivité comme telle. Ce qu'elle pose d'irré-
cusable, c'est que ce qui en soi n'est pas objectif se trouve en fait incapable de le devenir
jamais. On peut prétendre qu'if y a entre une détermination objective, d'une
part, et,- de l'autre, un élément non objectif, une correspondance, que la première
joue par rapport au second le rôle d'un signe ou d'un symbole, mais le fait même
qu'on doive reconnaître aussitôt qu'un tel signe est absolument contingent suffit
à faire pressentir qu'on se trouve, en fait, devant une hétérogénéité irréductible
et insurmontable, parce que d'ordre éidétique. L'effectivité présente dans la
sphère de l'être transcendant peut bien avoir la signification de représenter ce qui,
par principe, n'appartient pas à une telle région de l'être , elle demeure une effec-
tivité transcendante et rien d'autre . La Concept` n'a pu, par la médiation de l'action
ou par celle du langage, percer jusqu 'à la lumière et s'objectiver dans l 'être qu'à
la condition de s'aliéner, et cela d'une façon si radicale que nous ne savons pas, en
réalité, ce qui nous. permet de dire, en présence d'une telle effectivité, qu'elle est
précisément l'être-là dans lequel le. Concept ,c'est aliéné.
Il est vrai que, pour Hegel, le Concept n'est rien d'autre que le fait même de
s'aliéner, le processus de l'aliénation en tant que tel. Il est le mouvement même de
devenir autre, l'instauration d'une distance à travers laquelle le Soi se manifeste
comme autre que Soi. Se manifester signifie nécessairement se manifester comme.
autre. Le devenir-autre de l'aliénation est la condition de toute manifestation
possible, l'élément constitutif de celle-ci. Le fait de se manifester étant l'essence.
même de la réalité , l'aliénation a la signification d'être la réalisation en tant que
telle. L'être-aliéné de ce qui se manifeste appartient, par suite, à l'entité réelle
comme un caractère phénoménologique de celle-ci, plus précisément, il est la
réalité même de cette entité, non pas un de ses caractères phénoménologiques
parmi d'autres, mais son être-manifeste, il est l'entité réelle en tant que telle.
L'être-aliéné est identique au fait de se manifester, au phénomène comme tel.
Le fait de se manifester trouve son fondement dans l'oeuvre du Concept. Le
fait d' être aliéné est justement ce qui atteste dans le fait de se manifester l'oeuvre du
Concept. L'être-aliéné qui appartient en propre à la détermination objective est ce
qui indique en elle son origine. L'aliénation de la manifestation est la manifestation du
LE CONCEPT HÉGÉLIEN
891
de son expérience, elle n'est rien d'autre elle-même que ce champ d'expérience avec
son `contenu concret, elle est la présence effective de ces déterminations , la lumière
dans laquelle celles-ci se manifestent. La conscience est cette lumière qui n'est pas
dissociable de ce qui se manifeste en elle. La totalité constituée par la manifestation
de ce qui `se manifeste définit l'Esprit lui-même en tant qu'Esprit réel, elle est la
détermination objective en ° tant que telle. Qu'en une telle totalité l'Absolu soit
cependant encore loin de s'être intégralement exprimé, cela résulte du fait qu'il
s'est bientôt plutôt aliéné en elle, en tant que le processus même qui a ouvert
l'horizon ou l'être est là dans la lumière, ne se manifeste pas lui-même en soi et
pour soi. La détermination objective est justement une détermination finie. La
totalité concrète constituée par la manifestation de ce qui se manifeste a seulement
la signification d'être un « maintenant ceci est présent ». La succession objective
des maintenant concrets exprime immédiatement l'insuffisance de chaque main'
tenant sans pouvoir, en aucune façon, la surmonter. Elle marque bien plutôt
l'obstination et l'entêtement de la conscience qui demeure dans l'être-là et qui
n'est rien d'autre, précisément, que cette succession d'apparences dans laquelle
les différentes déterminations objectives émergent tour à tour dans la lumière
comme autant de masses concrètes.
La finitude de la détermination objective ne fait que réapparaître avec chaque
nouvelle. détermination. La suppression de la détermination objective, la mort,
ne peut -avoir la signification génerale d etre le refus de la finitude inhérente à
toute détermination en tant que telle que si elle est autre chose ` que le simple
remplacement d'une totalité concrète, d'une « expérience », par une autre. Le
moment d'une mort définitive et décisive qui met explicitement en cause la
prelention de la mamfeslation objective de pouvoir révéler intégralement l'Absolu, est
présent dans le christianisme, sous` la forme de la mort du Christ. Tandis que le
dieu grec demeure dans le phénoménal, l'apparition n'est dans le christianisme.
qu' « un moment du divin » (i), et qu'un tel moment doive précisément être
supprimé, que la forme finie de l'apparition `du Christ doive disparaître, cela .
signifie que' la manifestation objective est dans son essence inadéquate, impropre
à accueillir en elle l'être de l'Absolu tel qu'il est en soi, Mais lorsqu'a été reconnue
l'inadéquation foncière de la forme de l'apparition, une fois «mise de côté l'objec.
tivité de l'etre » (2), que reste-t-il ? L'Absolu n'est rien s'il ne se manifeste, c'est-à-
dire s'il ne revêt précisément cette forme finie de l'apparition dont l'inadéquation
vient pourtant d'être proclamée. De même que le divin n'a pu continuer à se
manifester à la première communauté chrétienne qu'à la condition de conserver
(1) L , 226.
(z) ID., 291.
LE CONCEPT H.ÉGÉLIEN
893
sa forme finie , de même le Concept hégélien
l'être-) sept hegélien ne peut, en réalité ,, se retirer de
à de la détermination finie que si ce mouvement de ^ retour en soi n
fait rien d'autre que l'acte d 'aller à l'extérieur de 'est en
soi et de semanifester : àso-même
dans la lumière de l'extériorité . La su cession
en tant que celle -ci se montre pp de la détermination objective
tivité . Celle-ci, cependant , inégale à l'essence absolue, est l'oeuvre de la né a-
n'est rien d'autre u'une g
constitutive de la détermination ob'ecti q catégorie de l'être . Elle est
l ve elle-même dans son objectivité,
dire dans sa finitude . La négation doit détruire ce c'est-à-
que la négation a fait.. Cela
n'est point contradictoire puisque la négation '"
position meure de celui- • de l'être fini est, en réalité, la
ci. Mais cela signifie aussi que le Concept ne eut écha
à la finitude qui est son oeuvre et en dehors p pler
de laquelle il n'a aucune . réalité. Le destin
du christianisme , tel que !e comprend Hegel,
celui de ne pouvoir se passer de !a de
objective, n'est justement rien d 'autre que 'termination
le destin même 1de ''
hegelsanrsme.
En tant qu'elle est l '
acte du Concept de rentrer en soi - même la su
de la détermination objective n'a, par elle -même au ppression
sauce de la nuit , le mouvement ^ aucune réalité . Elle est la puis-
nt dialectique par lequel cette puissance se Supp rime
elle-même en posant comme seule effective la
qui est l' Esprit réel . Le Conce p uissance inverse u
pt n'est rien d'autre que le processus par lequel
l'objectivité se produit .,
Si l'on peut affirmer que la réalité trouve son fondement
dans la subjectivité ,
c'est dans la mesure ou celle-ci se cconfond dans son être avec
l'essence même de l'ob j ectivité .
l C'est de cette façon qu'il convient d'entendre
textes qui posent que l'effectivité n'est conférée a les
du Concept ou du Soi , ou encore, ce qui revientlaausubstance m"
que parla médiation
dualité . Une telle médiation qui
seule confère l'effectivité ne signifie en aucune
façon un passage de l'entité transcendante dans une région
pourvue d'un mode de révélation proprement subjective,
effet, l 'individualité conf n autonome et propre . De quelle manière, en
ère-telle l'être a la substance ? C'est, dit Re el , ar son
action . C'est l'individualité agissante qui fait de lage p
spirituelle,
si e, c'est -à-dire réell substance
objective
une substance
. La médiation active de 1' individualité
gnifie si peu l 'entrée dans la sphère d
'une subj ectivité
l'engloutissement dans la nuit, authentique ou même
qu'elle est bien plutôt cc le devenir de l'essence
universelle oblestive c'est-à-dire le devenir du monde effectif
». u Ce ui se
manifeste ici, dit encore Hegel, comme la force de l'indivi q
tombe la substance devenant ainsi supprimée ,
que l 'actualisation de cette substance; car la for est précisément la même chose
fait qu ' ce de l
'individu consiste dans le
il se rend adéquat à la substance, c'est-à-dire
re aliène
aliène son Soi et se pose
donc lui-même comme la substance objective dan l'
qui s 'accomplit dans objective dans élément de l'être. » Ce
• l'acti on de l'individu, c'est l'essence elle
qu'elle n ' - même en tant
est rien d'autre que le processus d'ob'ectivatio '
l n qui confère à l'être la
894 L'ESSENCE DE LA M4NIFEST4 TION
de cette essence . En quoi consiste , il est vrai, cette libération de l'essence, hbé-
ration dans laquelle s'accomplit le devenir-pour-nous de l'Absolu, c'est-à-dire
l'Absolu lui-même ? La venue à elle-même de l'essence dans le devenir -pour-soi
de l'Absolu s 'identifie avec l'acte d ' aller hors de soi dans lequel l 'essence se sé pare
de soi-même et ainsi seulement se trouve etre près de soi. La libération qui rend
l'essence à elle-même n'est autre que la propre aliénation de cette essence.
« L'essence, dit Hegel, se contemple donc seulement soi-même dans son être-
pour-soi elle est dans cette aliénation seulement près de soi-même. L'être-pour-
soi qui s'exclut de l'essence est le savoir de soi-même . de l'essence (t). » L'aliéna-
tion de . l'essence est ainsi le processus même par lequel l'essence se réalise et
comme tel, l'historiai de l'Esprit. Dans l'acte par lequel elle s'en va hors de soi,
l'essence se dirige vers elle-même et, dans l'accomplissement de cet acte, elle
demeure près de soi. L'aliénation est ainsi la venue au-devant de soi de l'essence et,
dans cette venue au-devant de soi, l'essence de la manifestation est enfin présente
à elle-même , le savoir absolu s'est accompli.
L'aliénation ne signifie donc pas pour l'essence. la perte de soi-même elle
est l'autodéploiement au sein dûquel l'essence constitue son être propre, se pose
soi-même telle qu'elle est et ainsi se retrouve dans son égalité avec soi-même. Si,
comme le dit Hegel, l'essence « est le mouvement de retenir dans son être-autre
l'égalité avec soi-même » (2), il faut bien comprendre que ce n'est pas en dépit
de cet acte de . devenir autre que l'égalité se maintient, c'est dans et par l'aliénation
que cette égalité se produit. L'aliénation comprise comme l'élément formel du savoir
n'est pas l'autosuppression de l'Absolu, mais. le devenir de celui-ci tel qu'il est en
soi. A l'élément ontologigiie formel qui fait de lui un savoir et qui signifie . le
devenir-pour-soi de l'Absolu tel qu'il est en soi, le savoir absolu emprunte donc aussi
bien son contenu: C'est ainsi que le contenu . du savoir absolu est identique à sa
forme. « Moyennant ce contenu, la dégradation de l'objet à la pure objectivité, à
la forme de négativité de la conscience de soi, disparaît (i). » L'objet du savoir
absolu est ce . savoir. lui-même. Dans la production de l'objectivité, le savoir se
produit lui-même. Il se produit à la fois dans son être propre et dans ce qui permet
à cet être d'être présent: Le Savoir absolu est l'absolu lui-même en tant que réel,
c'est-à-dire en tant que présent à lui-même. C'est parce que l'acte d'aller hors de soi
est constitutif de l'essence même de la présence que l'aliénation de l'Absolu est le
propre devenir-réer de celui-ci . L'aliénation de l'essence est ainsi , comme le
remarque Heidegger dans ' son commentaire , le rassemblement et la réunion de
(I) PhE, II, 309. - Dans la Philosophie de l'Histoire H x dit de même que
I ce n'est que grâce à son hétérogénéité interne qu'il (l'esprit) acquiert la force
d'exister comme esprit » (L, zo6).
LE CONCEPT HÉGÉLIEN 903
présence de l'objet comme telle n'est rien d'autre à ses yeux (et c'est en cela, on l'a
vu, que la philosophie moderne n'est que le prolongement de l'ontologie antique) .
que l'essence même de la conscience. L'essence de l'objectivité constitue l'unique
fondement, elle est le milieu universel où s'accomplit tout ce qui se manifeste.
En tant. qu'elle se manifeste en et. pour soi comme conscience de sois la conscience
accepte elle aussi le mode de l'existerncë objective. C'est dans l'élément universel de
l'être que le savoir absolu, qui se représente justement cet élément dans . son
universalité, s'accomplit lui aussi. Ainsi l'essence devient-elle présente à elle-
même à l'intérieur d'elle-même, c'est-à-dire dans l'élément de l'objectivité.
« L'esprit, dit Hegel, se manifestant à la conscience dans cet élément, ou, ce qui
est la même chose, produit par elle dan: ras tel clément, est la Science (i). »
L'essence est le devenir-pour-soi de la substance, le mouvement par lequel
l'en-soi Se fait Esprit. Le savoir absolu est le devenir-pour-soi de ce devenir-
pour-soi, il est le savoir de soi de l'essence. En tant, cependant, que :le processus
par lequel la substance devient une substance réelle se dissimule dans le surgisse-
ment même de cette substance dans la lumière de l'esprit, quelque chose d'obscur
demeure dans l'essence. C'est justement parce que l'essence est quelque chose
d'obscur que le problème du savoir de soi. de l'essence se pose avec urgence. Le
savoir absolu vise précisément à rendre présent à la conscience ce qui se dissimule
constamment dans l'acte ordinaire par lequel cette conscience connaît les choses.
En vertu de cette dissimulation, la connaissance de la conscience est toujours une
connaissance finie. Le savoir de soi de l'essence s'accomplit toutefois par la
médiation de celle-ci. Dans l'acte par lequel l'essence vient au jour dans le savoir
de soi de l'essence, quelque chose se dissimule donc encore, qui affecte aussi bien
la forme que le contenu de ce savoir. Le paradoxe de l'hégélianisme est de prétendre
surmonter la finitude inhérente à l'essence de l'objectivité en demeurant à l'inté-
rieur de celle-ci. Le savoir qui se représente l'essence se représente aussi bien,
cependant, ce. qui se dissimule au sein même du processus de l'objectivation que
ce qui advient dans la lumière à la faveur d'un tel processus. Que la finitude :oit
décrite, cela. n'implique-t-il pas que le savoir absolu est possible en dépit sle cette
finitude ? Lorsque le devenir-pour-soi, qui est l'Esprit, se réfléchit en soi-même, il
se comprend, dans cette réflexion en soi-même, tel qu'il est en soi, et l'élément de
ce devenir-pour-soi qui, dans le devenir-pour-soi de la substance, ne devient pas
pour soi, est cependant compris parle savoir absolu comme un élément de l'essence.
C'est de cette façon-là seulement que le contenu du savoir absolu peut titre égal
à sa forme.
Le contenu du savoir absolu demeure équivoque aux yeux de la pensée philo..
sophique. Cette équivoque trouve son origine dans l'essence de l'objectivité qui
constitue précisément un tel contenu . Sous le titre de cette essence, on peut
entendre soit le champ de lumière qui renferme en lui tout ce qui se manifeste
en tant qu'etre objectif soit l'ouverture même de ce champ, en tant qu'elle se
,
réfère à un processus qui se dissimule essentiellement . C'est encore un problème
que celui de savoir si la forme de l'objectivité comprise comme l 'essence même
de la lumière peut être saisie en elle-même , indépendamment de ce qui se manifeste
en elle , si l'apparaître n'est pas toujours l'apparaître de ce qui apparaît. Lorsque
Hegel déclare que « la science contient en elle-même cette nécessité d'aliéner de soi
la forme du pur concept et contient le passage du concept dans la conscience » (i),
l'intervention ici réclamée de la conscience extérieure au sein du savoir absolu a
pour mission à la fois de rappeler que l'essence du concept est la conscience
elle-même comprise comme le milieu ontologique de l'extériorité , avec sa signifi-
cation phénoménologique ambiguë , et, d'autre part, de laisser entendre qu'un tel
milieu n'est peut-être pas dissociable du contenu , et d'abord du contenu sensible,
qui se manifeste en lui.
L'aliénation a la signification positive d'être la réalisation . Elle comporte
aussi une signification négative qui, a vrai dire, n 'est pas différente de la première,
mais se réfère au mode selon lequel cette réalisation se produit et au résultat
dans lequel elle trouve son accomplissement . Cette signification négative est
double : elle indique que l'origine se dissimule dans le 'eu de l'objectivité et,
d'autre part, qu'un tel milieu appartient en propre à la détermination dont il
constitue l'élément . C'est ainsi que le contenu du savoir absolu semble s'identifier,
non plus avec l'esprit envisagé comme la forme pure du concept , mais avec
l'ensemble des figures concrètes dans lesquelles l'esprit s 'est réalisé en s'aliénant au
cours de l'histoire . Sans doute cet etre-al éné du Concept doit-il s'aliéner à son
tour et le concept rentrer en soi-même , mais ce retour en soi est si peu l'abandon
des déterminations et des figures concrètes de l'esprit qu 'il n'est rien d'autre,
en fait, que le lien qui unit ces figures . C'est dans la compréhension de ce lien que
consiste finalement le savoir absolu . De cette appartenance ultime du Concept à la
détermination , le contenu de la Logique, qui est justement le contenu du savoir
absolu, témoigne lui aussi. C'est en effet par l'ensemble de toutes les détermina-
tions possibles qu'un tel contenu est constitué et le concept n'est rien d'autre que le
processus` par lequel ces déterminations passent les unes dans les autres.
Ce qui met en cause , en tout cas, la possibilité, au sein de l'hégélianisme et de
toute philosophie moniste en général , d'un savoir véritablement absolu, c'est que
l'essence qu'un tel savoir est censé se représenter et par la médiation de laquelle