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UNIVERSITÉ ALASSANE OUATTARA

UFR -Communication, Milieu et Société


Département de lettres modernes

MÉMOIRE DE MASTER
MENTION : LITTÉRATURES ET CIVILISATIONS

Spécialité : Roman Africain


Sujet :

LA FICTIONNALISATION DE LA CRISE
DE
MILITARO-SOCIO-POLITIQUE IVOIRIENNE
DANS LE REBELLE ET LE CAMARADE
PRESIDENT ET L’ÉTAT Z’HÉROS OU LA
GUERRE DES GAOUS

Présenté par : Sous la Direction :


Mlle. KONAN AHOU AUDREY M. EHORA EFFOH CLEMENT
MARIE LORRAINE Maître de conférences
Licenciée ès lettres

ANNÉE ACADÉMIQUE : 2017-2018


DEDICACE

Ma grande mère, Kouassi N’guessan à qui je dois la vie.

I
REMERCIMENTS
L’entreprise de recherche est délicate. De même, toute quête de la
Connaissance est véritable gageure, voire une parturition. Aussi insatisfaisante que
cela paraisse toujours, il ressort, au terme de cette quête, du bonheur et de la joie. Ce
bonheur est lié au concours apporté par nombre de personnes pour lesquelles notre
reconnaissance, à leur endroit ne saurait suffir. Toutefois, puissent notre hommage,
notre reconnaissance et notre gratitude être à la hauteur de leur contribution.

Qu’il nous soit donc permis de remercier publiquement :

-Monsieur EHORA Effoh Clément, Maitre de Conférences à l’Université Alassane


Ouattara qui, notre initiateur et premier guide dans l’univers de la recherche.
Nonobstant ses lourdes charges, il a assuré la direction de ce mémoire. Nous avons
bénéficié de sa disponibilité, de ses encouragements, de ses conseils avisés et ses
suggestions. Il a été pour nous un modèle de rigueur et d’assiduité. C’est le lieu de lui
réitérer notre infinie gratitude.

-Les enseignants du Département des Lettres Modernes de l’Université Alassane


Ouattara, qui ont contribué à l’amélioration de mon niveau.

-Notre mère Konan Djue Odette, notre oncle Kouakou Omer, notre oncle Amani
Jérôme, notre tante N’guessan Claudine et toute notre Famille qui nous ont soutenu,
assisté et encouragé dans la voie que nous avons choisie.

-Nos amies Gbogou pascale, N’goran Andréa, Amany Lydie et bien d’autres que nous
ne pouvons pas citer. Á Gbogou Pascale particulièrement, nous savons infiniment gré
pour son assistance, son amour et ses conseils.

Que tous trouvent ici l’expression de notre sincère et profonde gratitude.

II
SOMMAIRE
INTRODUCTION……………………………………………………………………1

PREMIḖRE PARTIE : FICTIONNALISATION DES FAITS HISTORIQUES


DE LA CRISE MILITARO-SOCIO-POLITIQUE IVOIRIENNE…………….10

CHAPITRE I : LA SUCCESSION DES ÉVḖNEMENTS ET LES PROCÉDÉS


STYLISTIQUES DE LA FICTIONNALISATION………………………………...12

CHAPITRE II : PERSONNAGES FICTIFS ET ACTEURS HISTORIQUES POUR


UNE DIALECTIQUE ACTANTS/ACTEURS, HOMMES DE PAPIER/HOMMES
DE CHAIR…………………………………………………………………………..23

DEUXIḖME PARTIE : ESPACES ET TEMPS ROMANESQUES DANS LA


FICTIONNALISATION DE LA CRISE IVOIRIENNE………………………..38

CHAPITRE I: ESPACES ROMANESQUES ET RÉFÉRENCES


HISTORIQUES……………………………………………………………………..40

CHAPITRE II : TEMPS ROMANESQUES DANS LE DISPOSITIF NARRATIF ET


TEMPS HISTORIQUES……………………………………………………………50

TROSIḖME PARTIE : LES ENJEUX DE LA FICTIONNALISATION DE LA


CRISE IVOIRIENNE……………………………………………………………..60

CHAPITRE I : LA REÉCRITURE DE LA CRISE COMME MOYEN


D’EXPRESSION D’UNE PRISE DE CONSCIENCE……………………………..62

CHAPITRE II : LA LITTÉRATURE COMME PRÉTEXTE POUR UN VÉHICULE


D’UNE IDÉOLOGIE POLITIQUE…………………………………………………68

CONCLUSION……………………………………………………………………...78

BIBLIOGRAPHIE....………………………………………………………………..83

TABLE DES MATIḖRES…………………………………………………………..89

III
INTRODUCTION

1
Le discours romanesque ne constitue certes pas un modèle de précision ni de
complexité, mais pour peu qu’on s’y attarde, il porte toujours une question ou plutôt
une idée qui, de quelque manière, présente des aspects référentiels de la société. Ce
discours est, en général, jalonné de grands thèmes qui coïncident avec l’espace dans
lequel il évolue. Bien entendu, toute littérature se calque sous le modèle social de son
époque. La littérature ivoirienne, particulièrement le roman, ne déroge pas à ce
principe. Le roman ivoirien contemporain, en effet, s’inspirant de l’histoire récente de
la Côte d’Ivoire, examine, actualise, réactualise et fait le procès des évènements qui
ont marqué l’évolution de la société ivoirienne. Le fait le plus marquant de ces deux
dernières décennies est la crise politico-militaire qui a plongé le pays dans une longue
période d’instabilité.

Cette crise, en effet, tire ses origines dans les années 90, avec le premier coup
d’ÉTAT de 1999 jusqu’à son explosion en 2002 : début de la rébellion et des conflits
armés en Côte d’Ivoire. L’écrivain, témoin de son époque, oriente son œuvre vers le
tragique perçu comme le moment où la société ivoirienne élabore elle-même le rituel
de sa propre représentation. La visée de ces écrivains est de déchiffrer les différentes
forces qui traversent et agitent la société comme les indices d’un malaise qui est, en
définitive, négation de la vie. Leurs écrits sont et représentent le lieu de recensement
des maux d’une nation en déliquescence progressive.

En de telles circonstances, il serait judicieux de s’interroger sur les différents


modes ou principes littéraires qui facilitent l’intégration de ces bribes d’histoire de la
société ivoirienne dans la littérature. Cette mise en œuvre des réalités sociopolitiques
pourrait être sujette à l’entame d’une recherche pragmatique et minutieuse.

Ainsi, afin de ressortir les effets de cette crise dans le roman ivoirien, nous
avons décidé de réfléchir sur le sujet suivant : «La fictionnalisation de la crise
militaro-socio-politique ivoirienne dans Le Rebelle et le camarade président1 et
L’ÉTAT Z’HÉROS ou la guerre des gaous de Maurice Bandaman2 ».

1
Venance KONAN, Le Rebelle et le camarade Président, Abidjan, Frat Mat, 2012.
2
Maurice BANDAMAN, L’ÉTAT Z’HÉROS ou la guerre des gaous, Abijan, Frat Mat, 2016.

2
Tels que présentés, les termes clés du sujet méritent quelques explications.
D’abord, le terme de « fictionnalisation » découle du mot « fiction », défini comme
étant la création, l’imagination ou ce qui concerne l’imaginaire. Elle est, selon Michel
Guillou et Marc Moingeon, « tout ce qui relève de l’imaginaire, œuvre, genre littéraire
dans lesquels l’imagination a une place prépondérante3 ». Il en résulte que l’acception
la plus répandue est l’admission de la fiction comme affirmation douteuse ou fausse.
Cette vision péjorative est courante dans l’usage populaire et pose la fiction comme un
paradigme à des notions comme contre-vérité, abstraction, littérature et récit. Elle est
aussi, selon l’idée de Jean Marie Schaeffer « une séquence narrative ou représentative
traitant d’évènements non réellement survenus, mais sans nécessairement afficher son
caractère de feinte »4. Dans l’usage commun, le terme recouvre l’ensemble de la
littérature imaginative, en opposition aux textes à prétention véridique (telles les
chroniques historiques, les biographies et l’autobiographie). Il y a ensuite le terme
« crise », renvoyant en quelque sorte, à un évènement social qui se caractérise par un
paroxysme des souffrances, des contradictions ou des incertitudes, pouvant produire
des explosions de violence et de révolte. Elle peut désigner aussi une rupture
d’équilibre.

De ce point de vue, nous pouvons énoncer que l’écriture romanesque africaine,


en particulier, le roman ivoirien, est conçue par essence comme une œuvre d’esprit,
une création fictive mais n’en demeure pas moins l’expression des préoccupations
d’une société (la société ivoirienne). Ainsi, le sujet d’analyse entend revisiter la crise
politico-militaire qui a débuté depuis les années 90.

La présente étude ambitionne de rendre compte de la mise en récit de la crise


ivoirienne et aussi son influence sur l’écriture en particulier, l’écriture romanesque. En
réalité, la mise en récit de la crise militaro-socio-politique qu’a connue la Côte-d’Ivoire
a eu un impact considérable sur le champ littéraire ivoirien au point de « mettre en
crise » la littérature ivoirienne, le roman en particulier.

3
Michel GUILLOU, Marc MOINGEON, Dictionnaire Universel, Paris, Seuil, p.593.
4
Jean Marie SCHAEFFER, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999, p.60.

3
De ce fait, les « romans de crise », c’est-à-dire roman ivoirien produit en
période de crise, révélerait que les auteurs de cette période ne parviennent pas à
dissocier le « moi créateur » du « moi social ». Ainsi, nous constatons le manque
d’autonomie du sujet de l’écriture au profit de son champ politique d’appartenance.

Cela dit, le développement du travail se fera autour des préoccupations que


voici : de quelles manières, les romanciers interrogés fictionnalisent-ils la crise
politico-sociale qu’a connue la Côte d’Ivoire depuis 2002 ? La mise en récit de cette
crise ne révèle-t-elle pas la posture politique des écrivains interrogés? Quels sont les
enjeux de la mise en récit de cette crise ?

L’objet de cette étude est de discerner la particularité de l’œuvre romanesque


ivoirienne dans sa capacité à créer une représentation d’un univers, en tant que fiction
littéraire qui consiste, à déployer un espace imaginaire pour des expériences de pensée
où le jugement moral s’exerce sur un mode hypothétique.

Les œuvres étudiées seront ainsi considérées, dans cette perspective, comme le
lieu d’interactions profondes entre trois « instances » indissociables : d’abord en tant
que texte littéraire, ensuite en tant que monde représenté et univers fictionnel
occupant « l’espace imaginaire », et enfin, en tant que « jugement moral ».

La question de la crise ivoirienne a été abordée sous plusieurs angles, en partant de


l’apport de certaines entités nationales, sociétales et internationales, à son impact
considérable sur le pays en question, sur l’Afrique et sur le reste du monde. C’est le
cas Mahougnou Emmanuel Odilon Koukoubou, qui son travail de recherche intitulé
l’Organisation des nations unies et l’Union africaine dans la gestion des crises
politiques en Afrique : cas des crises libyenne et ivoirienne, aborde la place de l’ONU
dans la crise ivoirienne. Il y signale le rôle déterminant de l’ONU dans la résolution
de la crise en Côte d’Ivoire. D’abord, il avance que l’organisation des nations unies
était en amont de cette crise par sa certification de l’élection présidentielle du 28
Novembre 2010. En effet, c’était pour répondre aux exigences des différents
protagonistes de la crise ivoirienne, que le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1765
du 16 Juillet 2007, a donné pouvoir au Représentant spécial du SG des NU en Côte
d’Ivoire pour certifier les dites élections. Cependant, étant donné le refus de la

4
certification faite par le représentant des NU en Côte d’Ivoire par l’une des parties
adverses, l’ONU, selon Mahougnou Emmanuel Odilon Koukoubou, aurait « brillé de
par passivité » et serait « contentée de critiquer et de dénoncer les différentes exactions
et atteintes aux droits humains sans toutefois mener des actions concrètes en vue d’y
mettre un terme »5.

L’une des manifestations de la participation de l’ONU dans la crise ivoirienne


a été le vote d’une résolution autorisant une intervention militaire « afin de mettre fin
aux souffrances des populations civiles »6 pour éviter le risque d’une guerre civile,
pour la protection des civiles et le retrait du pouvoir de Laurent Gbagbo.

En outre, Florence Aboua Kouassi, dans son article « Historicisation et


fictionnalisation de coup d’état ivoirien de 1999 dans le roman Eponyme de Régina
Yaou titré COUP D’ÉTAT »7, expose sur la fictionnalisation du coup d’état ivoirien
dans ce roman tout en mettant l’accent sur les faits historiques qui, sont d’ailleurs
vérifiables. Elle traite de la question tout en spécifiant la réalité de l’espace, ainsi que
les datations et la chronologie pour aboutir aux caractéristiques ou circonstances du
coup d’état de Décembre 1999 en Côte d’Ivoire. Ensuite, elle s’attarde sur la part de
fiction, l’amour et la spiritualité que présente ce roman. Relativement à la fiction
contenue dans cette œuvre, elle énonce que Régina Yaou oppose l’émotion, à côté de
l’histoire collective d’une nation, dans laquelle chaque ivoirien pourrait peut-être se
reconnaitre. Elle évoque aussi que celle-ci intègre des éléments subjectifs et une
esthétique sans lesquels le roman se réduisait à un mémoire ou à un récit historique.
Concernant l’amour et la spiritualité, elle soutient qu’évoquer l’amour dans le conteste
de la violence militaire peut être perçue comme un moyen d’exorciser le traumatisme
de la guerre par cet autre changement brutal, opposant la force des armes, celle de
l’amour et de la foi dans l’œuvre de Régina Yaou.

5
Mahougnou Emmanuel Odilon KOUKOUBOU, «L’organisation des Nations Unies et l’Union
Africaine dans la gestion des crises Politiques en Afrique : cas des crises Libyenne et Ivoirienne »,
Université d’Abomey, Bénin, 2006, p.40.
6
Idem, p.41.
7
Florence Aboua KOUASSI, « Historicisation et fictionnalisation du coup d’état ivoirien 1999 dans le
roman éponyme COUP D’ÉTAT de Régina yaou », in interFrancophonie n°74-76, 2003.

5
Michel LUNTUMBUE, de son coté, avec son analyse « Comprendre la
dynamique des conflits, une lecture synthétique des facteurs de conflits en Afrique de
l’Ouest », sous un angle plus critique, essaie d’identifier les éléments qui justifient la
présence et la perpétuation des relations conflictuelles en Afrique. Il souligne que la
plupart des crises et conflits en Afrique sont abordés dans bon nombre d’entités
médiatiques sous l’explication de la confrontation « ethnique » ou de l’avidité et des
luttes du pouvoir d’état entre les dirigeants politiques locaux ; une telle lecture est
plutôt « réductrice », selon lui, parce qu’émanant d’une approche déterministe des
réalités africaines, qui tend à surévaluer les causes économiques et identitaires. Son
analyse va plus loin dans le décryptage des causes des conflits contemporains en
Afrique. Elle se propose, en effet, de présenter une approche plurielle de ces facteurs
des conflictualités inhérentes à l’Afrique, permettant ainsi une mise en perspective
scripturale plus dynamique des conflits africains.

Toute recherche à effectuer détermine une méthodologie qui sert d’instrument


privilégié pour résoudre le problème identifié au départ. Ainsi, pour analyser la mise
en récit de la crise ivoirienne dans le corpus, nous aurons successivement recours à la
sociocritique, la narratologie et la stylistique qui paraissent être les méthodes les mieux
indiquées. Selon Tzevetan Todorov, « ce qui existe, d'abord c'est le texte, rien que lui,
ce n'est qu'en le soumettant à un type particulier de lecture que nous construisons, à
partir de lui, un univers imaginaire [....], le roman n'imite pas la réalité, il la
crée »8. Josias Semujanga, de son côté, affirme que « l'écriture romanesque se nourrit
de l'histoire en adoptant le mélange des genres artistiques dont certains attributs sont
rentabilisés et recyclés par l'énonciation romanesque »9. C’est pourquoi, étant donné
la nature du sujet, l’on fait recours à la sociocritique.

L'étude sociocritique garde une place prépondérante dans des recherches


littéraires qui s'effectuent aujourd'hui. C'est une critique qui étudie les relations
existant entre une œuvre littéraire et la société. Elle fait une réflexion sur les manières
de penser et de se comporter des hommes de cette même société mais dans la fiction

8
Tzevetan TODOROV, Poétique de la prose, Paris, Seuil, 1971. p.35.
9
Josias SEMUJANGA, « La littérature africaine des années quatre-vingt : les tendances nouvelles du
roman », in Présence francophone, n°41, 1992, pp.41-86.

6
romanesque. Comme l’affirme Claude Duchet : « Le dedans de l’œuvre et le dedans
du langage : la sociocritique interroge l’implicite, le non-dit ou l’impensé, le silence
des formules, l’hypothèse de l’inconscient du social du texte »10

Par extension, la sociocritique est l’étude critique de la société et de ses réalités.


Ainsi, comme nous le remarquons, la sociocritique consiste en une étude mettant en
évidence la véritable place à accorder au groupe social dans la création littéraire. Ceci
veut dire que tout au long de cette analyse, il s'agira de déterminer les rapports existant
entre une œuvre qui se présente comme un produit social et la société humaine avec
laquelle elle entre en jeu. La sociocritique permettra ainsi, pour ce qui est de cette
étude, de saisir les faits historiques dans le corpus.

En plus de la sociocritique, nous convoquons les méthodes structuralistes telles


que la narratologie et la stylistique.

En tant que texte littéraire, le roman se compose avant tout de mots, donc de
signes. La tâche de l’analyse est dès lors d’interroger en priorité ces signes. Cela
justifie le recours à la narratologie. Considérée comme science de la narration, la
narratologie est une discipline fondée essentiellement sur l’étude des textes narratifs.
Sa spécificité est qu’elle envisage l’analyse du « contenu » du texte, non du point de
vue de la thématique et de l’idéologie, mais surtout et avant tout du point de vue de la
narrativité. La définition qu’en donne Gérard GENGEMBRE semble assez explicite.
Selon lui :

« La narratologie se définit comme l’analyse des composantes et


des mécanismes du récit, qui présente une histoire, une transmise
par l’acte narratif, la narration. (…) [Elle] s’intéresse au récit
comme mode de représentation verbale de l’histoire. Elle répond
à la question : qui raconte quoi et comment ? »11

10
Claude DUCHET, Sociocritique, Paris, Éditions Fernand Nathan, 1979, p.4.
11
Gérard GENGEMBRE, Les grands courants de la critique littéraire, Paris, Seuil, 1996, p.37.

7
Cette méthode, dite critique textuelle, est une approche structuraliste du texte
littéraire. C’est la logique du récit que l’analyse structurale considère comme
essentielle. Elle permet d’étudier, de façon minutieuse, le fonctionnement du narratif.

Ainsi, avec la narratologie, nous examinerons les différentes composantes des


récits. Cette méthode s’intéressera particulièrement aux techniques narratives, c’est-à-
dire, aux personnages et à l’espace et temps narratifs.

En ce qui concerne la stylistique, elle peut se définir comme l’étude des


particularités d’écriture d’un texte. Renvoyant en effet à la notion de « style », elle est
l’étude des particularités d’écriture d’un texte. Il s’agit d’une discipline issue de la
rhétorique et de la linguistique. L’emploi de cette méthode nous emmènera à analyser
les procédés formels des textes supports pour, toujours comme pour la première
méthode, cerner des éléments nécessaires à notre étude qui se résument, concernant
les œuvres littéraires supports, en des interprétations capitales concernant l’apport et
la fictionnalisation de la crise ivoirienne.

Ainsi, la spécificité de cette recherche est qu’elle est basée essentiellement sur
la méthode fondamentale qui concerne l’analyse d’un corpus écrit, d’un corpus
littéraire.

La méthode fondamentale admettant la sociocritique, la narratologie et la


stylistique qui sera appliquée à notre corpus permettront de scinder le travail en trois
parties.

La première partie s’intéressera à la fictionnalisation des faits historiques de la


crise ivoirienne dans le corpus d’étude. Cette partie, avec ses deux chapitres,
permettront d’en savoir davantage sur la succession des évènements et les procédés
stylistiques de la fictionnalisation de la crise ainsi que les personnages fictifs et acteurs
historiques du corpus.

La deuxième partie s’intéressera aux espaces et temps romanesques dans la


fictionnalisation de la crise ivoirienne. Ce pan de notre analyse nous poussera à

8
décrypter les espaces romanesques et références historiques dans le corpus. Il s’agira,
en d’autres termes, de retrouver les villes référentielles notoirement citées dans les
intrigues romanesques de Venance Konan et de Maurice Bandaman. En plus des
espaces romanesques et références historiques, nous aurons à analyser les temps
romanesques dans le dispositif narratif et les temps historiques que présente le corpus.
Á cet effet, nous nous attèlerons sur les voix narratives et les niveaux de narrations.

La troisième partie, enfin, aura pour titre « les enjeux de la fictionnalisation de


la crise ivoirienne ». Cette partie comporte en effet deux chapitres. Le premier chapitre
intitulé « la réécriture de la crise comme moyen d’expression d’une prise de
conscience », mettra en évidence l’écriture de la crise ivoirienne comme un moyen
pour la conjurer, et à l’exhortation à la stabilité. Le deuxième chapitre intitulé « la
littérature comme prétexte pour le véhicule d’une idéologie politique » sera le lieu de
montrer l’impact de la crise ivoirienne sur l’écriture romanesque africaine. Á ce
niveau nous aurons deux sous-titres à savoir, le roman ivoirien contemporain, un
roman à caractère politique et les particularités du discours politique de Venance
Konan et de Maurice Bandaman.

9
PREMIḖRE PARTIE :
LA FICTIONNALISATION DES FAITS
HISTORIQUES DE LA CRISE
MILITARO-SOCIO-POLITIQUE
IVOIRIENNE

10
Le roman est la reproduction ou la re-présentation de la réalité. C’est un
amalgame de réalité et fiction ; et l’univers imaginé et l’environnement de réel sont
étroitement associés l’un à l’autre. Conformément à la définition de Bernard Valette,
le roman admet « la présence d’un récit d’évènements réels ou fictifs 12». Et, il n’est
toujours pas facile de distinguer la réalité de la fiction dans un roman puisque la
frontière entre ces deux est floue. De la sorte, l’œuvre romanesque émane de
l’imagination humaine. Elle est une adresse de l’homme à l’homme (elle parle de
l’homme à l’homme). Il importe donc de mieux la comprendre afin d’élucider son
intentionnalité.

Ainsi, pour mieux comprendre l’étude de la fictionnalisation de la crise


ivoirienne, il est intéressant de mentionner quelques aspects, non des moindres,
nécessaires à une meilleure compréhension de notre analyse. Le premier qui se dégage
automatiquement est la fictionnalisation des faits historiques de la crise ivoirienne.
L’étude de cette première parait utile pour mieux cerner la quintessence de notre
travail. Á ce sujet, elle dégage deux chapitres :

Le premier s’attèlera sur la succession des évènements et les procédés


stylistiques de la fictionnalisation de la crise ivoirienne. Il s’agira là, de nous intéresser
à la succession des évènements que sont : l’injustice faite aux « gens du Nord » et la
confrontation entre le Nord et le Sud. En plus de ces évènements, l’on verra les
procédés stylistiques de la fictionnalisation de crise ivoirienne, lesquels permettront
de boucler le premier chapitre avant d’entamer le second.

Le second chapitre, enfin, s’intéressera aux personnages fictifs et acteurs


historiques. Á ce niveau nous verrons, les personnages fictifs et acteurs de la crise
ivoirienne du parti au pouvoir et leurs correspondants, et les personnages fictifs et
acteurs de l’opposition et leurs correspondants.

12
Bernard VALLETTE, Le Roman, Initiation aux méthodes et aux techniques modernes d’analyse
littéraire, Paris, Nathan, 1992, p.15.

11
CHAPITRE I : LA SUCCESSION DES ÉVḖNEMENTS ET LES
PROCÉDÉS STYLISIQUES DE FICTIONNALISATION DE LA
CRISE IVOIRIENE

La lecture des œuvres du corpus Le rebelle et le Camarade Président de


Venance Konan et l’État Z’Héros ou la guerre des gaous de Maurice Bandaman,
permet d’entrevoir le discours romanesque comme étant le lieu de la fictionnalisation
des faits historiques de la crise ivoirienne. Cette fictionnalisation s’aperçoit à travers
la succession des évènements et les procédés stylistiques de fictionnalisation.

I-LA SUCCESSION DES ÉVḖNEMENTS

Pour mieux cerner la question de la succession des évènements, il faut prendre


en compte l’injustice faite aux « gens du Nord » et la confrontation entre le Nord et le
Sud qui se laissent entrevoir dans le corpus.

I-1-L’injustice faite aux « gens du Nord »

Á travers un jeu d’anagramme, Venance Konan et Maurice Bandaman, tous


deux, mettent en scène des évènements qui s’apparentent aux faits qui ont engendrés
la crise ivoirienne.

En effet, Venance Konan nous narre l’histoire d’un pays situé en Afrique de
l’Ouest, qui est secoué par un conflit socio-politique qui engendre la partition du
territoire national en deux zones, dont « le Nord » et « le Sud ».

L’on constate, en effet que dans la première partie intitulée « Quand on


cherche la guerre », Venance Konan met en scène un pays qui manque de cohésion
sociale dont les deux grandes ethnies ne s’aiment pas :

Le pays était de plus en plus divisé et ses deux principales ethnies


commençaient à se regarder en chiens de faïence. Le pays était
composé de deux grands ethniques que l’on avait, par souci de

12
simplification, appelés « les gens du sud » et « les gens du
Nord.13

Ce passage du Rebelle et le Camarade Président témoigne du manque de


cohésion sociale, d’union nationale au sein de ce pays et la non acceptation mutuelle
des principales ethnies. Ce constat entre gens du Nord et gens du Sud pourrait faire
référence à l’une des causes de l’histoire de la crise ivoirienne. En effet, l’une des
causes de la crise ivoirienne aurait été le manque d’amour, et de cohésion sociale
entre les différents groupes ethniques. Le pays a été scindé en deux; les gens du Nord
et les gens du Sud. De plus, les sudistes étaient en majeur partie avantageux, puisque
les forêts où se pratiquait l’agriculture qui était le pilier de l’économie du pays étaient
toutes au Sud, et même les différentes infrastructures. Ce qui a causé un déplacement
massif des nordistes vers le sud. Nous en voulons pour exemple à l’extrait suivant :

Les nordistes furent déclarés allogènes, puisqu’ils étaient presque


tous installés au sud, sur les terres ancestrales des gens du sud, et
ceux qui étaient restés au nord étaient pour la plupart accusés de
venir en réalités des pays voisins du Nord. Ils furent donc tous
écartés d’une éventuelle candidature à la présidence de la
République (…) Et puis le général Noel a fait de nous les
Nordistes ses ennemis sans que l’on ne sache pourquoi. Nous
étions tous devenus des bandits que l’on devrait abattre dans les
rues. Il a commencé par nous renvoyer de la fonction publique,
parce que nous étions devenus brusquement incompétents. Et
puis, il s’est mis à s’attaquer aux ressortissants des pays voisins.14

Á travers cet extrait, nous apercevons les notions d’autochtonie et


d’allochtonie qui prennent une importance capitale dans le pays fictif de Venance
Konan. Considérés comme des personnes étrangères, les « gens du Nord » sont traités
de toute sorte, traités comme des êtres inférieurs. Ils sont percutés et certains sont
même chassés de l’administration, tel est le cas du juge Sala. Ces notions en effet,
pourraient être l’illustration de la situation qu’a connue la Côte-d’Ivoire. Cette
situation qui a fait sacquer les deux grands groupes ethniques ivoiriens et qui a produit
la détérioration du climat social dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.

13
Venance KONAN, Op, cit, p.50.
14
Venance KONAN, Op, Cit, pp53-63.

13
Quant à Maurice Bandaman, à travers un récit fabuleux et extraordinaire qui
confère à l’intrigue qui s’y déploie une dimension de conte, de mythe et épopée, il
raconte le règne et les humeurs d’un président sanguinaire, dans un pays imaginaire
nommé Boubounie. L’on aperçoit, cependant, une société dominée par la mésentente,
le manque de cohésion sociale, manque d’hospitalité et remplie de querelle, une société
où sévit l’injustice.

Les passages sous-mentionnés permettent de comprendre éléments majeurs


concernant la justice faite aux « gens du Nord » :

1- Ce n’est pas pour voler des cabris que nous avons pris les
armes !
2- Ce n’est pas pour sauter les petites villageoises que nous avons
coupé le pays en quatre avec les forces loyalistes côté sud, les
forces impartiales à l’ouest et au centre, les mercenaires et les
milices à l’ouest, et enfin, nous, au nord ! (…) Ils disent avoir
pris les armes pour réclamer des cartes d’identité, leur
appartenance pleine et entière au territoire, à la patrie, et pour
hâter la démocratie.15

Comme on le voit, cet extrait de l’œuvre de Maurice Bandaman laisse entrevoir


les réalités que vit la société Boubounienne. L’on perçoit évidemment une société sans
démocratie, une société divisée, une société où règne-le manque de cohésion sociale,
d’union nationale et une société où règnent l’outrecuidance et le complexe de
supériorité entre peuple. L’on pourrait cependant assimiler cette société fictive de
Maurice Bandaman à la société ivoirienne, société où a sévi l’injustice, de
discrimination le complexe de supériorité entre les grands groupes ethniques ; les
Nordistes et les Sudistes. Nous avons de même l’extrait suivant :

Et moi, Abdoulaye, je fus acquis à leur cause, surtout qu’ils


disaient se battre pour que j’aie des papiers, pour que, désormais,
à la mairie, à la sous-préfecture, à la police et à la justice, on ne
me demande plus, pour obtenir une pièce d’identité, que je
fournisse celle de ma mère ou de mon père, morts depuis plus de
trente ans, leurs papiers délivrés par les Blancs ayant été rongés
par des termites centenaire, dans leur case. Surtout, je ne serai
plus extrait des cars par des policiers ou gendarmes, chaque fois
que je voyageais, pour m’entendre dire que ma pièce d’identité

15
Maurice BANDAMAN, Op, cit, pp.140-167.

14
n’est pas authentique, que je l’ai usurpée ou falsifiée, que je suis
un étranger.16

Cet extrait permet de relever la discrimination qui se fait entre les citoyens du
pays avant la guerre. Il admet une connotation identitaire et permet d’illustrer
l’injustice entre les différents groupes ethniques qui emmènent les uns à ne pas
reconnaitre les autres comme des citoyens authentiques. L’intervention du vieux
Abdoulaye corrobore ce fait. L’on y perçoit également le tort que certaines populations
Boubouniennes ont eu d’être à proximité des frontières avec des pays voisins, ce qui
leur a valu d’être traitées d’étrangers pourtant citoyens Boubouniens. Ce fait pourrait
être assimilé à l’histoire de la crise ivoirienne et comprendre la prépondérance du fait
identitaire dans la naissance et la perpétuation de cette crise, fait se singularisant par
la non acceptation d’une certaine catégorie ethnique ivoirienne assimilée aux étrangers
tel est le cas du vieux Abdoulaye.

On perçoit l’ensemble des exactions commises à l’endroit des gens du Nord,


l’injustice et bien d’autre mise en œuvre contre eux. Ainsi soulignons que, cette
injustice causée par les « gens du Sud » envers les « gens du Nord» sera en partie
majeure la cause de leur confrontation.

I-2- La Confrontation entre le Nord et le Sud

Le corpus d’étude présente une société dominée par l’injustice, une société
dominée par la marginalisation. Dominés et marginalisés, les « gens du Nord »
décident, cependant, de se faire justice en affrontant les « gens du Sud » par des armes.
Nous en voulons pour preuve l’extrait suivant :

Le général Noel…se proclama vainqueur, avant même la fin du


dépouillement des votes…la population était prête à tout pour ne
plus être dirigée par un militaire… elle descendit dans les
rues…les soldats tirèrent et il y eut des dizaines de morts…les
partisans des autres leaders politiques descendirent dans les rues
et se heurtèrent aux soldats. Il y eut à nouveau des morts mais il

16
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.195.

15
n’y eut pas de nouvelle élection, et le christ de vava demeura
président.17

Cet extrait met en évidence les affrontements qui ont lieu dans le pays fictif de
Venance Konan. Cet évènement pourrait s’assimiler à l’un des faits inhérents de la
crise ivoirienne. Ce fait inhérent est la victoire contestée de Laurent Gbagbo par le
général Robert Guéï qui s’était déjà proclamé vainqueur avant l’annonce des résultats,
chose qui a entrainé de véritables secousses dans la capitale et plusieurs affrontements
ayant fait plusieurs morts. Sur cette ligné, nous soulignons l’extrait suivant :

Les rebelles et les gens…se mirent à saccager et à piller les


maisons des sudistes et à violer leurs femmes et leurs filles…les
rebelles volèrent aussi (…) Pendant ce temps, au sud, les
escadrons de la mort avaient commencé à sévir contre les
nordistes et les étrangers.18

Cet extrait témoigne également de la confrontation que met exergue l’œuvre


de Venance Konan. Il pourrait peindre l’éclatement de la rébellion armée du 19
Septembre en provenance de certains pays voisins du nord ivoirien, demeure un fait
crucial dans l’histoire socio-politique ivoirienne. Les affrontements militaires qu’elle
a engendrés, les assassinats, les atrocités commises et la partition du pays qui lui a été
subséquente sont dans l’actualité dans la fiction de Venance Konan.

Dans L’ÉTAT Z’HÉROS ou la guerre des Gaous de Maurice Bandaman, cette


confrontation se laisse entrevoir à travers l’extrait suivant :

Puis une nuit, des coups de feu, des armes lourdes, des coups de
mortier couvrirent la ville. Au petit matin, on apprit la mort de
plusieurs autorités politiques et militaires. Mais l’armée
républicaine, vaillante et brave avait réussi à protéger les
institutions et le régime de Kanégnon. Elle procédait à un large
ratissage quand on annonça que les assaillants s’étaient repliés
plus au nord et demandèrent la démission du Président.19

Ce passage atteste de la confrontation entre les différents peuples de la


république de « Boubounie ». Le peuple du nord rebellé, appelé donc ‘’les rebelles’’,

17
Venance KONAN, Op, cit, pp.23-24.
18
Idem. p.149.
19
Maurice BANDAMAN, Op, cit. p.218.

16
pour se faire place dans la société Boubounienne, combat d’arrache-pied le pouvoir en
place avec à sa tête des dirigeants sudistes. Leur objectif est de lutter contre la dictature
des dirigeants sudistes et la mauvaise gouvernance de ceux-ci. Ce fragment pourrait
être aussi la peinture de l’opposition entre le peuple nordiste ivoirien et le peuple
sudiste ivoirien.

L’analyse des différentes trames de ces œuvres permet de voir les nombreuses

coïncidences qu’elles ont avec la réalité, les similitudes qu’elles entretiennent avec

l’histoire l’histoire socio-politique ivoirienne. De là se dégage alors une

fictionnalisation quand on les met en rapport avec les faits socio-politiques réels.

Notons que, cette fictionnalisation de la succession des évènements a pu s’opérer

grâces aux procédés stylistiques employés par les auteurs du corpus.

II-LES PROCÉDḖS STYLISTIQUES DE LA


FICTIONNALISATION DE LA CRISE IVOIRIENNE

Par procédés stylistiques, il faut entendre les méthodes ou techniques


employées par un écrivain pour élaborer son texte et pour produire un effet quelconque
sur son lecteur. Les procédés sont donc nombreux et variés et on ne saurait les limiter
aux figures de style. Leur analyse est fondamentalement liée au texte dans lequel ils
sont employés.

Pour l’étude qui nous concerne, nous travaillerons sur un procédé, à savoir les
figures de style. Tout texte devient très intéressant dans la mesure où il est animé de
tournures littéraires techniquement appelées « figures de style ». Est figure de style :

L’expression d’une idée dans un état d’âme déterminé. La figure


nous présente non par l’idée isolée, mais dans son milieu
d’éclosion, c’est-à-dire qu’elle révèle, en même temps l’idée,
l’état d’imagination ou de sensibilité qui l’a fait ce qu’elle est.20

20
Georges DOUTREPONT, Littérature française, Namur, wesmael-Charlier, 1944, p.27.

17
En d’autre terme, la figure de style est un procédé qui consiste à rendre ce que
l’on veut dire plus expressif, plus impressionnant, plus convaincant, plus
séduisant…Elle est utilisée en littérature, dans les beaux discours mais aussi dans le
langage courant. Autrement dit, une figure de style permet de créer un effet sur le
destinataire d’un texte (écrit ou parlé).

Ainsi, le corpus d’étude s’est foncièrement appuyée sur de nombreux effets du


langage et une variété de style pour mieux exposer la fictionnalisation des faits
historiques de la crise ivoirienne. Il a fallu aux écrivains de témoigner des différentes
situations vécues en les présentant avec les figures de style telles que : l’hyperbole, la
métaphore et la comparaison.

II-1- L’hyperbole

L’hyperbole est une figure de style qui consiste à mettre en relief une idée au
moyen d’une expression qui la dépasse. Elle consiste en l’exagération des faits
présentés ou décrits. Pierre Fontanier en précise le rôle en ces termes :

L’hyperbole augmente ou diminue les choses avec excès, et les


présente bien au-dessus ou en-dessous de ce quelles sont, dans le
but, non de tromper, mais d’amener à la vérité même, et de fixer,
par ce qu’elle dit incroyable, ce qu’il faut réellement croire21

Il faut dire que l’hyperbole repose souvent sur une métaphore. Et la volonté
d’exprimer le concret incite, en effet, le narrateur à grossir les éléments de son récit.
Dans le corpus a étude, cette technique d’exagération, de grossissement et
d’amplification est courante.

Dans Le Rebelle et le Camarade Président de Venance Konan, elle se présente en ces


termes :
Il lui dit qu’il règnerait encore plus longtemps que tous ces
hommes, parce que son pouvoir venait directement de Dieu, et
seul Dieu pourrait le lui enlever. Et lui, le prophète Dago 1er qui
dialoguait tous les jours avec Dieu, savait que Dieu avait décidé

21
Pierre FONTANIER, Les Figures du discours, Paris, Flamarion,Champ Classique, 1821, p.123.

18
de ne pas lui enlever ce pouvoir avant qu’il n’ait dépassé les plus
grands d’État n’ayant jamais existé.22

En effet, l’on remarque une hyperbole dans cet extrait à travers la phrase : « Il
lui dit qu’ règnerait encore plus longtemps que tous ces hommes, parce que son
pouvoir venait directement de Dieu, savait que Dieu pourrait le lui enlever. ». Cette
figure admet une exagération en ce sens qu’aucun pouvoir politique ne peut parvenir
de « Dieu ». Car nous savons que « Dieu » est être invisible, surnaturel, on ne peut
donc le voir, le toucher. Par ailleurs, cette phrase exprime l’égocentrisme,
l’outrecuidance du Camarade président. Il voudrait s’accaparer du pouvoir, faire du
pouvoir sa propriété, montrant ainsi sa dictature. De même, la phrase : « (…) le
prophète Dago 1er qui dialoguait tous les jours avec Dieu, savait que Dieu avait décidé
de ne pas lui enlever ce pouvoir avant qu’il n’ait dépassé les plus grands d’État
n’ayant jamais existé. » admet également une hyperbole. Sachant que « Dieu » est un
être surnaturel et invisible, il ne peut donc dialoguer avec un être humain vivant et de
surcroît naturel. Car un dialogue demande la présence de deux êtres vivant de même
nature. Maurice Bandaman ne reste pas en marge dans cette utilisation de l’hyperbole.
Dans œuvre, il est écrit :

Kanégnon, l’enfant guerrier, amoureux de démocratie et de


liberté, qui voulait accéder au pouvoir par les urnes et dans la
paix, informa le président de la République des tracasseries dont
son parti faisait l’objet et, malgré son sens élevé de la paix, il
menaça de mettre le feu aux rivières, aux fleuves et aux lagunes,
et de faire tarir l’océan. Nanan Zeu, le président de la République,
notre dieu sur Terre, au pouvoir depuis sept cent soixante-sept
ans, prit la menace très au sérieux.23

Dans cet extrait, l’on aperçoit l’hyperbole à travers la phrase : « Nanan Zeu le
président de la République, notre dieu sur Terre au pouvoir depuis sept cent soixante-
sept ans, prit la menace très au sérieux. ». L’on remarque, en effet, une exagération
en ce qui concerne la durée du pouvoir de Nanan Zeu. Par ailleurs, l’on pourrait dire

22
KONAN Venance, Op, cit, p.27.
23
Maurice BANDAMAN, Op, cit, p.36.

19
que le narrateur, à travers cette allégation, fait la critique du règne des dirigeants
africains, en particulier des dirigeants ivoiriens.

Le règne de Nanan Zeu s’assimile, à cet effet, au règne du premier président


ivoirien qui a durée au pouvoir pendant des années et c’est seulement la mort qui mit
fin à son règne.

II-2- La métaphore

Selon Georges DOUTREPONT, la métaphore « consiste à transporter un mot


de sa signification propre et physique à une autre signification d’ordre intellectuel ou
moral en vertu d’une comparaison implicite et sous-entendue. La métaphore est une
comparaison abrégée »24. En d’autres termes, la métaphore est une figure qui consiste
à désigner un objet ou une idée par un mot qui convient pour un autre objet ou une
autre idée liés aux précédents par une analogie.

Dans le corpus à étude précisément dans L’ÉTAT Z’HÉROS, il est écrit :

Une nuit, très tard, je fus convié à la réunion de stratégie militaire,


au premier conseil de guerre. Je recommandai qu’on ne laissât
pas la gestion de la guerre aux seuls militaires car ils sont si
attachés à la morale, aux règles et aux conventions
internationales qu’ils hésitent toujours à frapper. Or la guerre qui
a été imposée à Kanégnon est une sale guerre.25

L’on remarque que l’auteur fait une comparaison implicite des guerres. Cela
s’aperçoit à travers la phrase suivante « Or la guerre qui a été imposée à Kanégnon
est un sale guerre». Ici « sale guerre » voudrait dire une grande guerre, une
dangereuse, tout devrait donc se faire avec précaution et attention pour pouvoir vaincre
le camp adverse (les rebelles).

De son côté, Venance Konan ne manque pas d’utiliser la métaphore. Il écrit en


ces termes : « Les combats furent rudes au début. »26 L’on remarque l’emploie d’une

24
Georges DOUTREPONT, Op, Cit, 1944.p.34.
25
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.130.
26
Venance KONAN, Op. Cit, p.148.

20
comparaison sous-entendue en ce sens que le narrateur qualifie « les combats » de
rudes c’est-à-dire difficiles. Cet extrait met en relief, les affrontements entre les
soldats « loyalistes » et les soldats « rebelles » lors de la contestation du pouvoir du
Camarade Président.

L’on pourrait dire que, ce fait témoigne du combat (échanges de tirs) qui a eu
lieu entre les rebelles et les forces de l’ordre, lors de la libération des différentes villes
assiégées par les rebelles.

II-3- La Comparaison

La comparaison est une figure qui opère une confrontation entre deux objets
ou réalités plus ou moins apparentes. Elle sert de référence pour mieux expliquer une
réalité quelconque. Dans ce cas, on rapproche deux objets dont le premier terme doit
être mieux connu pour pouvoir concrétiser le sens premier. En d’autres termes, la
comparaison établit un parallèle entre un premier terme (le comparé) et un deuxième
terme (le comparant), par l’intermédiaire d’une marque grammaticale. Cette marque
peut être un verbe (paraître, ressembler) ; un adjectif (pareil, semblable) ; un adverbe
(comme, ainsi que) ; une locution comparative (faire l’effet de, donner l’impression
de). Il importe de signaler que ce corpus contient des comparaisons.

Dans Le rebelle et le Camarade président, nous avons l’exemple suivant :


« Mon grand-père s’est battu comme un lion lorsque les colons tentaient de prendre
possession de ce pays. »27. Cet extrait met en évidence le courage, la détermination, la
férocité qu’avait le grand-père du Camarade président lors de la bataille entre les
colonisateurs (considérés comme étant les détracteurs du continent africain) et les
africains. Á travers l’adverbe « comme » qui est un outil de comparaison et le terme
« lion », le Camarade président compare son grand-père à un lion qui est un est animal
féroce. De même, nous avons l’extrait suivant : « Lasso et ses compagnons puaient
franchement comme des boucs. Mais c’était le prix à payer pour rester en vie ». L’on
remarque les sèmes « Lasso et ses compagnons » qui sont des êtres humains, comparés

27
Venance KONAN, Op, Cit, p.141.

21
au sème « boucs » qui sont des animaux. Cet extrait met en exergue, tous les
fétichismes auxquels les rebelles ont eu recours pendant la guerre. Ils prenaient des
bains dans des forêts sacrées, ils portaient des talismans, et avaient des interdits. Tous
ceux-ci dans la mesure assurer leur protection.

Maurice Bandaman de son côté écrit : « Eh oui ! Je vous le dis, la guerre, c’est
comme les corps brulant des jeunes vierges mineures de douze, treize ans que le
Président, les ministres et chefs de guerre dépucellent. »28 Ici cette comparaison met
en relief le plaisir que Kanégnon prend à faire la guerre. Sa soif du pouvoir, son
outrecuidance, et son plaisir le poussent à mépriser les vies humaines au point de les
conduire à la mort. Cette figure témoigne du comportement des dirigeants africains en
général, et particulier des dirigeants ivoiriens. Animés par la soif du pouvoir, et dans
le but de protéger leurs propres intérêts, ces dirigeants se donnent tous les moyens
possibles pour combattre tous ceux qui désirent s’opposer à leurs quêtes.

En somme, il faudrait retenir que tous ces procédés se tiennent dans leur
fonctionnalité par rapport à la fictionnalisation de la crise ivoirienne.

28
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.170.

22
CHAPITRE II : PERSONNAGES FICTIFS ET ACTEURS
HISTORIQUES POUR UNE DIALECTIQUE ACTANTS/ACTEURS,
PERSONNES DE PAPIER/PERSONNES DE CHAIR

Comme « personne », le mot dérive du latin persona, le « masque » -lui-même


est rattaché selon les étymologies à per-sonare (« résonner à travers ») ou au grec
prosopon, « visage ». Quelle que soit la fiabilité de ces étymologies, elles reflètent une
double caractéristique : le masque (le personnage est énigmatique : est-ce l’image
d’une personne réelle ?) et une sorte de coquille où bruissent des mots. Le mot
« personnage » a d’abord désigné un haut dignitaire ecclésiastique ; puis, assez
vite, « un rôle » que joue en société n’importe qui. On retiendra de ces remarques
l’étroite imbrication, dans la notion, des sèmes de l’individualité, de l’identité, et de
l’apparence.

Aristote l’appelle éthos, c’est-à-dire « caractère », essence douée de liberté de


décision et d’action. Pour lui, le personnage ˗ au théâtre comme dans l’épopée ˗ est
secondaire par rapport à l’action, à laquelle il est entièrement soumis.

Mais la relation du romancier comme celle du lecteur au personnage a varié


avec le temps ; elle dépend du regard que posent sur l’homme une société, une époque,
une génération. Dresser des listes de traits, de fonctions, etc., permet surtout de
comparer entre elles les œuvres d’un corpus étendu dans le cadre d’une recherche
structuraliste ; au niveau qui nous occupe, la lecture doit plutôt s’attacher à replacer le
personnage dans le système de signes de l’œuvre entière : il est lié à l’espace et au
temps romanesques, à la voix narrative, à ses propres paroles, éventuellement
parasitées, au moment historique de sa production, etc. c’est seulement par rapport à
cet ensemble que prennent ses les aspects spécifiques de l’écriture du personnages.

La lecture des ouvrages romanesque soumis à notre étude permet de déceler la


fictionnalisation des personnalités politiques ivoiriennes qui s’y trouve. Les
personnages politiques, en effet, qui agissent dans les différentes intrigues constituent
des descriptions qui dépassent la limite du réaliste pour peindre vraisemblablement les

23
protagonistes politiques ivoiriens ayant joués un rôle important et déterminant dans le
déroulement de la crise politique ivoirienne.

I-PERSONNAGES FICTIFS DU PARTI AU POUVOIR ET LEURS


CORRESPONDANTS

Á travers un jeu d’anagramme et de paradigmes lexicaux des noms des


personnages, Venance Konan et Maurice Bandaman mettent en scène les acteurs qui
incarnent la crise ivoirienne. La lecture du corpus fait chuchoter les nombreux coups
fourrés et foirés par les acteurs.

I-1-« Le Camarade président » et « Kanégnon », prototypes de


Laurent Gbagbo

Laurent Gbagbo, l’ancien président ivoirien de 2000 à 2010, pourrait être la


personnalité politique dont la peinture s’étale tout au long des différentes intrigues
étudiées. Il est l’allusion explicite, on peut le dire, des personnages « le camarade
président » chez Venance Konan et « Kanégnon » chez Maurice Bandaman.

D’abord, les deux romanciers attribuent des traits physiques relevant de


l’ancien président Laurent Gbagbo à leurs êtres fictifs que sont « le camarade
président » et « Kanégnon » :

Le christ de vava était grand, corpulent et portait des


rouflaquettes. Il transpirait beaucoup et de ce fait il portait
toujours au cou une serviette pour s’éponger.29

Un physique imposant…inondé de sueur…30

En plus d’attributs physiques, la description morale et peu éthique


d’ailleurs dont sont l’objet les différents personnages de Venance Konan et Maurice
Bandaman est celle qui permet d’identifier le Président Gbagbo. Les deux auteurs
tournent en dérision les pratiques très peu déconseillées, les manières campagnardes

29
Venance KONAN, Op, Cit, p.22.
30
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.30.

24
et la vie privée un peu désordonnée que le peuple de la Cote d’Ivoire reconnaissait à
l’ancien président ivoirien :

Mais, contrairement au Christ de Nazareth, celui de Vava aimait


beaucoup les femmes. Il avait des maîtresses partout dans le pays
car il disait qu’un bon chef africain devait avoir au moins une
femme dans chaque tribu (RCP : P)

elle trouvait le futur président fruste…puis, il consacra le reste


du temps à plonger son sexe assoiffé entre les cuisses de ces
femmes, mariées, divorcées, veuves ou vieilles filles…il goûta à
toutes ces femmes, fraîches ou asséchées par l’âge (LZ : P)

Aussi, le parcours intellectuel, la profession, le charisme politique et quelques


faits de l’histoire politique ivoirienne relevant de Laurent Gbagbo sont utilisés dans
l’élaboration des personnages le Camarade président et Kanégnon. Par exemple, le
Camarade président, dans l’ouvrage de Venance Konan était professeur de Géographie
et Kanégnon avait fait trois doctorats en parmi lesquels celui d’histoire ; des constats
illustrant parfaitement la vie estudiantine et professionnelle de Laurent Gbagbo.

Ces personnages, en plus, comme l’ancien président Laurent Gbagbo, sont les
premiers opposants dans les différentes fictions dans lesquelles ils agissent. Ils
combattent pour la liberté, créent un parti politique d’opposition, accèdent à la
magistrature politique après un trouble politique à la suite des élections présidentielles
et voient leurs règnent déchirés par un coup d’État manqué et une rébellion armée
occupant et contrôlant une moitié du pays. Cette fictionnalisation de la vie
professionnelle et politique de Laurent Gbagbo est une mise en lumière par les pages
suivantes :

Le camarade président était arrivé au pouvoir à la suite d’un de


ces revirements de l’histoire dont seul l’Afrique a le secret. Le
camarade président qui était professeur de Géographie à
l’université avait été le premier opposant du pays…Il y a
quelques années, on l’appelait le Christ de Vava, parce que,
lorsqu’il créa son parti politique, ses partisans le présentèrent
comme une sorte de d’incarnation de Jésus…Le Christ de Vava

25
demeura le président…sous bonne escorte militaire pendant que
les affrontements se poursuivaient dans les rues de la Capitale. 31

Diplômé en philosophie, en économie et en histoire, Kanégnon


créa son parti politique. Et comme les partis d’opposition
n’étaient pas autorisés, il entra aussitôt en clandestinité où il
conçut sa tactique de prise de pouvoir par les urnes…Kanégnon,
l’enfant parvint enfin au pourvoir. L’élection qui le consacra se
tint sous une pluie de larmes, et Kanégnon, élu par les colonnes
de cadavres claudiquant…fut transporté au palais présidentiel par
une marée torrentielle de sang.32

L’examen de ces quelques passages permet de comprendre l’angle péjoratif


sous lequel est présenté l’ancien président Laurent Gbagbo. Il est perçu, en effet,
comme un dictateur, aimant beaucoup le plaisir sexuel, et ne se souciant pas
aucunement des vies ôtées lors de son accession au pouvoir et pendant le déroulement
de tout son règne. Maurice Bandaman et Venance Konan ont une volonté commune
de peindre péjorativement Laurent Gbagbo afin de le responsabiliser de l’ensemble de
la crise ivoirienne, de tout le mal que la Cote d’Ivoire a pu connaître car les deux
personnages qui permettent d’identifier l’ancien président ivoirien sont des êtres sans
cœur, aimant le pouvoir, le plaisir et méprisant les vies humaines au point de conduire
plusieurs à des morts qui auraient pu être évitées.

I-2- « Gargamel » et « Gbagla-dodo », prototype de Simone Ehivet


Gbagbo

Simone Ehivet Gbagbo est la femme de Laurent Gbagbo qui l’accompagna


depuis son apparition sur la scène politique jusqu’à son déclin en 2011. Elle fut l’une
des figures majeures dans la crise ivoirienne et fut un soutien indéfectible pour son
époux, l’ancien président ivoirien. Les romans de Venance Konan et de Maurice
Bandaman pourraient proposer une fictionnalisation de l’ancienne première dame
ivoirienne avec une connotation également péjorative comme celle attribuée à la
peinture de Laurent Gbagbo son époux.

31
Venance KONAN, Op, Cit, pp.21-24.
32
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.35.

26
Dès le deuxième chapitre de la première partie de son œuvre, Venance Konan
présente l’ancienne première dame sous le couvert du personnage la femme du
Camarade Président comme une infirmière, une femme laide qui manque de
raffinement et de beauté qu’il n’hésite pas à nommer Gargamel, comme lui-même le
dit si bien, « à cause de sa ressemblance avec le personnage de la bande dessinée de
péyo ».

Le portrait physique de l’ancienne première dame Simone Ehivet Gbagbo,


ainsi amorcé, recèle du comique à la limite du satirique car il n’hésite pas à tourner en
dérision son apparence pour lui reprocher son manque de finesse et de raffinement en
tant que première dame en son temps :

Gargamel était rayonnante. Fagocitée comme une vendeuse de


bananes, elle souriait à tout le monde et tout le monde la félicitait
en lui donnant du « madame la première dame » tout en se disant
qu’elle aurait pu faire un petit effort pour mieux s’habiller en ce
jour particulier. Mais certaines personnes disaient qu’elle avait
fait justement des efforts, parce qu’habituellement, elle
s’habillait comme une poissonnière33

Venance Konan met l’accent également sur l’implication politique de Simone


Ehivet et la tendance qu’elle avait à côtoyer les hommes religieux, les pasteurs en
l’occurrence pour garantir le maintien de son mari à la tête de l’État en faisant de
Gargamel, la femme du Camarade président , la vice-présidente du parti de son mari
et l’une des fidèles avérés du prophète Dago 1er :

Il créa un parti dont sa femme (…) était la vice-


présidente…Lorsque le Christ de Vava se lançait dans sa
compagne présidentielle, Gargamel, sa femme, qui s’était
réfugiée dans la région…lui avait conseillé d’aller se faire bénir
par le prophète Dago 1er. Dago 1er devint plus tard le conseiller
spirituel de Gargamel.34

Le personnage de Gargamel apparait comme l’incarnation fictive de l’ancienne


première dame chez Venance Konan car il lui correspond en tout point, que ce soit
physiquement comme moralement. Cette description apparait comme satirique et

33
Venance KONAN, Op, Cit, p.22.
34
Idem, p.25.

27
réaliste car elle porte un jugement négatif sur Simone Ehivet Gbagbo. Ceci dit, le
roman de Venance Konan, même s’il fait allusion au soutien politique de Simone
Gbagbo à l’endroit de son époux, ne permet pas de mesurer la forte implication
politique de celle-ci dans l’histoire de la crise ivoirienne. Le roman de Maurice
Bandaman, par contre, offre une vision plus large sur la forte implication politique et
sur la posture profondément religieuse de Simone Gbagbo.

Dans son roman, L’ÉTAT Z’HÉROS ou la guerre des gaous, Maurice


Bandaman fait de Gbagla dodo, la femme de Kanégnon. Cette jeune fille belle et
plantureuse qui n’était qu’une simple hôtesse soufflant le premier opposant de la
république de Bourbounie lors de son déjeuner après un meeting à Sossou au chapitre
04, femme qu’il viole d’ailleurs, devient par on ne sait quelle vertu, la femme de celui-
ci devenu président de la république au chapitre 05. Même si son physique semble
s’opposer à celui que Venance Konan donne à Gargamel, la femme du Camarade
président, le portrait moral de Gbagbla Dodo la rapproche de Gargamel et semble
justifier son assimilation avec l’ex première dame ivoirienne qu’on a faite. Maurice
Bandaman, à partir du Chapitre 08, la présente comme « une guerrière intraitable »,
« un sacré stratège » à cause des conseils fort impressionnants qu’elle donne à son mari
afin d’avoir le dessus lors de la crise qui secoue la république de Boubounie :

Si Gbagla Dodo s’est comportée jusqu’ici en première dame


soucieuse de sa toilette, la guerre déclenchée par les assaillants
d’une nuit allait relever une guerrière intraitable. C’est elle qui
suggéra à son mari, abattu par la mollesse de son armée, de
reculer pour bien sauter. Cette nuit-là, il découvrit que sa femme
était un sacré stratège 35

Gbagla Dodo est l’illustration de ce que avaient constaté les ivoiriens et


l’ensemble de la communauté internationale chez l’ex couple présidentiel : cette
tendance qu’avait l’ancienne première dame à s’impliquer un peu trop dans la politique
territoriale relative à la sortie de crise.

35
Maurice BANDAMAN, Op, cit. p.71.

28
Maurice Bandaman, par l’entremise du personnage de Gbagla Dodo, veut
montrer le manque d’innocence de Simone Gbagbo dans le déroulement de la crise
ivoirienne. Il profère ainsi une accusation implicite vis-à-vis de celle-ci : il l’accuse
d’avoir mal conseillé son mari et de l’avoir conduit à des actions avant dégradé au plus
mal la situation ivoirienne.

Gbagla Dodo est également l’expression de l’ancienne première dame


ivoirienne profondément ancrée dans la sphère religieuse. Maurice Bandaman fait, en
effet, du personnage renvoyant à celle-ci, Gbagla Dodo, une personne mystique et
consciente de la transcendance de certains êtres pour lesquels elle n’hésite pas à tuer
et à se réfugier dans la religion pour parvenir et se maintenir au pouvoir auprès de son
époux. L’enterrement d’une femme enceinte presqu’à terme et vivante dès les
premières lignes du chapitre 06 et le fait qu’elle soit « entourée de tous les maîtres
sorciers, prêtres vaudous, prêtres catholiques, de pasteurs charismatiques, des voyants,
de marabouts et des féticheurs les plus réputés » pendant qu’elle s’adresse à Akèdèwa
au chapitre 26 permettent à Maurice Bandaman de conférer une dimension sadique à
l’ex première dame en laissant ses lecteurs comprendre le but intéressé de Simone
Gbagbo en prenant la religion pour appui.

I-3-« Allana » et « le Général », prototypes de Charles Blé Goudé

Charles Blé Goudé, l’une des figures déterminantes dans la crise politique
ivoirienne, ayant milité pour la cause du président Gbagbo est dépeint dans les œuvres
de Venance Konan et de Maurice Bandaman.

Venance Konan présente Charles Blé Goudé sous le couvert du personnage


d’Allana qui apparait brièvement au chapitre trois et quatre de la première partie et qui
devient le centre d’attention au chapitre six de la deuxième partie. Même si le
personnage de Venance Konan est une femme, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle
est l’allusion vraisemblable de Charles Blé Goudé.

D’abord, l’auteur la présente comme une étudiante ayant milité au sein du


syndicat des étudiants ayant une fausse licence en Anglais partie en Grande Bretagne

29
pour s’installer finalement en France avant l’arrivée du Camarade président. Après son
retour en Côte-D’ivoire, Allana profite des faveurs et avantages du président et crée à
la faveur de la crise politique qui secoue le pays fictif « l’Alliance des jeunes
volontaires pour la patrie » pour soutenir le Camarade président, qui n’est autre que
l’un de ses cousins.

Allana correspond en tous points à Charles Blé Goudé. D’abord, elle est de la
même tribu que le Camarade président ; une relation qui ressemble trait pour trait à
celle qui liait l’ex-président Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Elle était étudiante
en Anglais et syndicaliste, elle connaissait donc Lasso ; un fait diégétique
correspondant à la réalité estudiantine et sociale de Charles Blé Goudé ayant eu un
parcours universitaire en anglais qui connaissait également Guillaume Soro avant la
crise puisqu’ayant tous les deux dans les syndicats estudiantins.

Comme lui qui crée l’alliance des jeunes patriotes dont il devient le général au
service de la cause de Laurent Gbagbo, Allana crée l’alliance des jeunes volontaires
pour la patrie dont elle devient la générale pour combattre pour la cause du camarade
président qu’elle trouve noble et juste. On remarque donc que Venance Konan se sert
du personnage d’Allana pour décrire Charles Blé Goudé dont il signifie les réelles
motivations dans les extraits suivants :

Allana en conclut que Lasso était jaloux que ce soit leur clan, à
elle et au camarade président, qui soit au pouvoir, et non un clan
du Nord. « Les autres ont mangé pendant quarante ans, se dit
Allana. Nous, on vient à peine d’arriver, on n’a même pas encore
commencé à manger et ces gens du Nord veulent nous en
empêcher. On ne peut pas accepter une telle injustice. » 36

Á la lumière de ce passage, nous retenons que Venance Konan voit Charles Blé
Goudé comme étant une personne qui n’avait que pour soucis son ventre. S’il a
combattu pour la cause du président Laurent Gbagbo, ce n’était que, selon Venance
Konan, pour garder les nombreux avantages dont il profitait et la position importante
qu’il occupait. Cela nous permet de voir l’antipathie non dissimulée de l’auteur à

36
Venance KONAN, Op, cit, p.163.

30
l’égard de cette personnalité politique qu’il décrit comme sanguinaire, cruel (à cause
des atrocités commis à l’égard de certains étudiants qualifiés de rebelles, de certaines
manifestations à caractère violent et répressif) et soucieux de son ventre en raison de
ce qu’il gagnait personnellement en termes d’avantages économiques, matériel et
politique, qui serait la raison principale de son combat.

Comme Venance Konan, Maurice Bandaman présente Charles Blé Goudé par
le canal d’un de ses personnages qu’il nomme « le Général » à la tête des forces
scolaires et universitaires. Un personnage dont les émissaires n’hésitent pas à tuer et
pourchasser les étudiants et ressortissants étrangers ou d’autres provenances ethniques.
L’histoire de l’étudiant calciné pris pour rebelle en provenance du Nord par Akédèwa
et ses acolytes aux pages 110, 111,122 au chapitre 13 et celle de cette étudiante
courtisée par le Général ayant reçu la coquette somme de 200.000 frcs lors de sa
première rencontre forcée avec celui-ci permettent de voir tout le bénéfice que ce
personnage tirait de la crise politique en Bourbounie, de la scission du pays en deux.
Blé Goudé Charles est ainsi peint comme un étudiant syndicaliste acquis à la
cause de Laurent Gbagbo, pas pour le souci de la patrie, mais plutôt pour avoir le
bénéfice des largesses matérielles et financières pour mener une vie de débauche, une
vie et parfois légère pour se satisfaire.

II-PERSONNAGES FICTIFS DE L’OPPOSITION ET LEURS


CORRESPONDANTS

L’étude du corpus met en évidence les personnages fictifs de l’opposition et


leurs correspondants sont :

II-1- Le général Robert Guéï en arrière-plan de « Le général Noël »


et du « chef de l’armée »

Le général Robert Guéï pourrait faire partie des personnalités politiques auxquelles il
est fait allusion dans les œuvres de Venance Konan et de Maurice Bandaman. Il peut
correspond au général Noël dans l’intrigue de Venance Konan et au chef de l’armée
dans la diégèse conçue par Maurice Bandaman.

31
Si Maurice Bandaman se contente de mentionner le personnage « chef de
l’armée » renvoyant au général Robert Guéï à titre référentiel sans trop le faire agir,
Venance Konan, lui, propose une histoire qui fat voir plusieurs détails concernant le
général Robert Guéï que les Ivoiriens ont nommé Papa Noël, qu’il fictionnalise par le
personnage du général Noël. Voici quelques passages que nous nous sommes proposé
d’examiner :

Le général fit son coup d’Etat et tua de ses propres mains le


président d’alors…le général contraint d’organiser l’élection
présidentielle à laquelle il se porta candidat (…) Le général Noël,
furieux comme un bambara à qui l’on refusait le droit de prendre
une nouvelle femme, se proclama vainqueur (…) le général prit
la fuite. Quelques jours plus tard, son corps criblé de balles fut
découvert au bord d’une route qui longeait une lagune. 37

L’examen de ces passages révèle qu’ils sont seuls importés des réalités de la
crise ivoirienne témoignant du général Guéï Robert. Par ces passages, on s’aperçoit
que derrière le personnage du général Noël se cache une volonté de Venance Konan
à décrire ou peindre le général Robert Guéï. Une peinture plutôt péjorative cat il
souligne au chapitre huit de la première partie le désordre et les exactions de l’armée
qui auraient été victimes eu lieu sous son règne mais aussi l’injustice et la répression
dont auraient été victimes les gens du Nord et les ressortissants des pays voisins :

Quand le général Noël est arrivé…on a très vite compris qu’on


avait affaire à la pire des dictatures. Les soldats faisaient ce qu’ils
voulaient dans le pays…ils ont mis en place ce qu’ils ont appelé
un Poste de Commandement d’Urgence et qu’on a appelé
Pécu…quiconque arrivait à ce Pécu n’en revenait pas (…) Et
puis, le général Noël a fait de nous, les Nordistes, ses ennemis
sans que l’on ne sache pourquoi…et puis il s’est attaqué aux
ressortissants des pays voisins.38

Ce passage tirés de l’œuvre de Venance Konan suffisent à l’auteur pour mettre


en relief le désastre qu’aurait « été l’accession au pouvoir du général Guéï pour le
peuple ivoirien et le rôle que celui-ci aurait joué dans la dégradation du climat socio-
politique ivoirien. On voit également que la mention de ce personnage politique voile

37
Venance KONAN, Op, Cit, p.23.99
38
Idem, p.99.

32
une volonté de l’auteur d’inclure parmi les responsables des affres de la crise
ivoirienne la personnalité politique à laquelle il correspond vraisemblablement à savoir
le général Robert Guéï.

II-2-« Lasso » et « le patron des forces Terrible », prototypes de


Guillaume Soro

Guillaume Soro est le chef officiel de la rébellion qui est née en Côte D’Ivoire
à partir de Septembre 2002. Devenu ministre d’État et premier ministre dans les
gouvernements d’union pour la bonne marche du processus de sortie de crise, il était
auparavant étudiant syndicaliste. L’espace romanesque de Venance Konan et de
Maurice Bandaman intègre une fictionnalisation de cette entité politique.

Venance Konan, dans son œuvre soumise à analyse, donne plusieurs éléments
qui montrent que l’un de ses personnages fait référence à Guillaume Soro. Le
personnage de Lasso qu’il met en scène, en effet, dès l’incipit de son ouvrage est un
individu téméraire qui vient du Nord, qui figure aux rangs des rebelles et qui devient
par la suite leur chef. Il se trouve dans les gouvernements d’union imposés au
Camarade Président. Mais bien avant il œuvrait au sein du syndicat des étudiants.

Cette vue panoramique de la vie fictive de Lasso, qui est le personnage qui se
cache derrière l’expression « Le rebelle » incluse dans le titre de l’ouvrage étudié,
laisse croire à un réalisme débordant de la part de Venance Konan qui aurait pour but
de laisser entrevoir Guillaume Soro. Voici l’extrait qui fait le portrait de Lasso, lequel
portrait correspond vraisemblablement à celui de Guillaume Soro :

Lasso se revoyait avec Simplice dans la prison de la capitale de


son pays, là-bas, au sud, il y a quelques années de cela. Il était
alors l’un des leaders du syndicat des étudiants du pays. Ils
avaient été arrêtés à la suite d’une grève qu’ils avaient organisée
et qui avait débouché sur des affrontements entre étudiants et des
incendies de voitures. Lasso avait passé trois mois en prison (…)
Le premier camarade, son conseiller, les blancs qui étaient autour
d’eux, et des membres du parti des gens du Nord avaient décidé

33
que la délégation serait finalement dirigée par Lasso. C’était
Lasso qui dirigeait la délégation de la rébellion 39

Même si la peinture de Lasso associe des atrocités et exactions à l’endroit de


la vie humaine comme les meurtres et les viols des sudistes commis dans le Nord au
chapitre trois de la deuxième partie, les spoliations de populations dans la zone sous
contrôle des forces rebelles, le viol de la petite de la petite fille métisse aux yeux noirs
au chapitre huit aussi dans la deuxième partie, on remarque de la part de l’auteur le
soucis d’emmener ses lecteurs à comprendre ledit personnage. Bien qu’il soit devenu
la figure de proue de ceux qui ont pris les armes, Lasso est perçu tout au long de
l’histoire comme un homme du Nord qui n’a pas eu d’autre choix que de prendre les
armes afin de lutter contre « l’exclusion et l’injustice » dont étaient victime les gens
du Nord comme lui. Les regrets qui font surface en lui, après le viol de la petite métisse
aux cheveux noirs et l’adresse que lui a un fait un vieil homme, sont pour l’auteur le
moyen pour l’auteur de faire voir la dimension humaine de Lasso :

Songe à ce pour quoi aviez pris les armes, et à ce pour quoi


nous avions soutenus. Vous aviez pris les armes pour
combattre l’injustice et l’exclusion. L’injustice et
l’exclusion ne sont plus tolérables lorsqu’elle vienne des
siens. Il n’y a pas de raison que le peuple accepte de vous
ce qu’il a refusé de subir sous le général Noël et sous le
camarade président. Le silence du peuple ne signifie pas
forcément son approbation.40

Ce qui demande ou suggère qu’on comprenne ce personnage et par conséquent


l’entité politique de la réalité qu’il incarne à savoir Guillaume Soro le chef de la
rébellion. On comprend ainsi les actes de Guillaume Soro rendus légitimes et
compréhensibles par Venance Konan. Il ne le responsabilise pas de la crise ivoirienne,
il fait de lui une victime qui n’a su quoi faire d’autre pour se défendre.

Maurice Bandaman aussi, dans l’élaboration de ses personnages, fait voir un


réalisme impressionnant qui même à croire qu’il rend fictif Guillaume Soro, le chef de
la rébellion en Côte d’Ivoire. C’est au chapitre 14 de son ouvrage soumis à analyse

39
Venance KONAN, Op, cit, p.98.
40
Venance KONAN, Op, cit, p.189.

34
L’ÉTAT Z’HÉROS qu’il met en scène « le patron des forces terribles » devenu ministre
d’État auquel on refuse l’accès à la salle du conseil de ministres. L’échange entre celui-
ci et Kanégnon le président de la république de Boubounie permet à Maurice
Bandaman de peindre Guillaume Soro comme un homme enraciné dans le fétichisme
et le mysticisme. Le champ lexical de l’occultisme présent depuis le début du chapitre
corrobore un tel état de fait :

« Gris-gris (mentionné plus de huit fois), Nansidji ».

Cet échange permet également de voir que ce personnage est le chef dans
l’autre moitié du pays contrôlée par les forces rebelles. Il est tout à fait logique qu’il
soit déduit qu’il s’agit d’une allusion à Guillaume Soro, chef de la rébellion devenu
maintenant président de l’Assemblée Nationale.

II-3- « Le premier camarade », prototype de Blaise Compaoré


Le « premier camarade », président du Fakinasso dont la capitale se trouve être
Gaoual, est un personnage de la fiction de Venance Konan dont celui-ci, use pour
parler de Blaise Compaoré, président du Burkina Faso au temps de la crise ivoirienne.
Les extraits suivants :

Le président du Fakinasso était un général et s’appelait le Premier


Camarade, parce ce que lui aussi dirigeait une révolution
socialiste chez lui…il avait vu ses compatriotes rentrer du pays
du Camarade président…des soldats déserteurs de ce pays
s’entraineraient chez lui en vue d’aller renverser le pouvoir chez
eux …il les laissa continuer de s’entrainer …il les laissa faire.
(…)Il décida d’aider les soldats déserteurs qui voulaient
renverser le camarade président et les installa dans le Camp
militaire où ils eurent tout ce qu’il leur fallait pour s’entrainer.41

Nous permettent de comprendre la part considérable du président Blaise


Compaoré dans la crise ivoirienne. Ils permettent de situer l’ancien président
Burkinabé au rang des mentors des forces rebelles. Venance Konan est donc en train

41
Venance KONAN, Op, cit, p.53.

35
d’accuser Blaise Compaoré l’ex président du Burkina Faso d’avoir cautionné et abrité
dans son pays la naissance et la préparation de la rébellion armée de Septembre 2002.

II-4-« Le leader charismatique du Nord », double de Alassane


Ouattara
L’analyse du corps littéraire permet de remarquer que les deux œuvres étudiées,
celle de Venance Konan propose un personnage qui semble faire allusion à Alassane
Ouattara, l’ex premier ministre devenu un des leaders de l’opposition en Côte d’Ivoire
accusé d’avoir le mentor ou le grand patron de la rébellion. Voici quelques passages
mentionnant ce personnage que nous nous sommes proposé d’analyser afin de prouver
qu’il correspond à Alassane Ouattara :

Mais depuis quelques années, les Nordistes réclamaient de


pouvoir à leur diriger aussi le pays. Ils avaient créé un parti dont
les membres étaient tous du Nord et ils s’étaient trouvés un leader
charismatique qui aspirait à être président et qui était l’objet
d’une grande vénération de la part des Nordistes. Mais on
reprochait au leader charismatique du Nord de ne pas être un
citoyen authentique, c’est-à-dire un autochtone (…).Les
nordistes furent déclarés allogènes…ils furent donc tous écartés
d’une éventuelle candidature à la présidence. Et c’est ainsi que le
leader charismatique du Nord vit sa candidature à la présidence
rejetée. (…) A vrai dire, peu de personnes au sein de la rébellion
savaient qui les dirigeaient vraiment…lorsque Lasso le sut, il
pensa comme beaucoup d’autres, que le vrai chef était le leader
charismatique du Nord.42

Ces extraits permettent de comprendre que le leader charismatique du Nord est


un être fictif conçu pour être référence à Alassane Ouattara. Si nous pouvons à une
telle déduction, c’est en raison des nombreuses coïncidences qui permettent de
rapprocher ces deux personnages, coïncidences perçues dans les passages
susmentionnés.

D’abord On remarque que le leader charismatique du Nord, comme le souligne


l’expression qui permet de le désigner, provient du Nord comme Alassane Ouattara. Il
est accusé d’être un étranger et voit sa candidature rejetée à la présidence comme

42
Venance KONAN, Op, Cit, pp.149-205.

36
Alassane Ouattara accusé d’être un Burkinabé ou de nationalité voltaïque qui n’a guère
pu se présenter aux élections d’Octobre 2000 pour nationalité douteuse.

Aussi, le leader charismatique du Nord est perçu comme le vrai chef de la


rébellion comme Alassane Ouattara accusé d’avoir été le chef des rebelles.

Toutes ces occurrences textuelles correspondant aux données factuelles


relevant de l’histoire politique du pays permettent de comprendre la fictionnalisation
d’Alassane Ouattara par l’entremise du personnage du leader charismatique du Nord
qui est faite dans l’œuvre de Venance Konan. Celui-ci le présente comme une victime
de l’injustice et de l’exclusion dont aurait été l’objet les gens du Nord. En clair, on
perçoit la volonté de Venance Konan de présenter méliorativement Alassane Ouattara
et de le « déresponsabiliser » de toute la crise politique ivoirienne.

En somme, nous pouvons dire que cette première partie nous a permis de
comprendre la situation ivoirienne au prisme des œuvres supports qui en font une
fictionnalisation. Elle nous a permis de percevoir également les différents évènements
et les personnages acteurs de la crise ivoirienne. Ainsi, retenons que l’analyse du
corpus laisse entrevoir l’espace romanesque comme étant le lieu de la fictionnalisation
de la crise ivoirienne.

37
DEUXIEME PARTIE :

ESPACES ET TEMPS ROMANESQUES


DANS LA FICTIONNALISATION DE LA
CRISE IVOIRIENNE

38
La lecture des œuvres supports Le Rebelle et le Camarade Président de
Venance Konan et L’ÉTAT Z’HÉROS ou la guerre des gaous de Maurice Bandaman
permet d’entrevoir l’espace romanesque comme étant le lieu de la fictionnalisation de
la crise ivoirienne. Pour mieux cerner l’’étude de l’espace et temps romanesque dans
cette fictionnalisation de crise ivoirienne, nous proposons, en effet, deux chapitres :

-Le premier chapitre portant sur les espaces romanesques et les références
historiques, s’attachera à mettre en relief la Côte-d’Ivoire en toile de fond dans le
corpus à étude et les villes référentielles citées par les auteurs.

-Le deuxième chapitre sera consacré aux temps romanesques et temps


historiques dans le dispositif narratif, s’attèlera sur les voix narratives principales et
les niveaux de narration que révèle le corpus.

39
CHAPITRE I : ESPACES ROMANESQUES ET RÉFÉRENCES
HISTORIQUES

Dans le corpus d’étude, les espaces que les auteurs présentent et décrivent sont
des espaces fortement inspirés de la réalité extra-diégétique. Les romanciers
s’inspirent donc du hors-texte pour créer leurs espaces fictionnels, leur monde affiche
de facto des caractéristiques propres aux espaces référentiels dont ils émanent.
L’hyper-textualité, à l’œuvre dans la relation qu’on établit entre les espaces créés du
romancier et les espaces historiquement identifiables et géographiquement
localisables, révèle le rapport primordial entre l’Histoire et le roman que Venance
Konan et Maurice Bandaman suscitent dans leur création fictionnelle.

Au demeurant, même si les espaces figurés dans les œuvres de Venance Konan
et de Maurice Bandaman ne se localisent pas dans des termes proprement
géographiques du répertoire des latitudes, des longitudes, des parallèles, des méridiens
et de l’équateur, ils sont tout de même identifiables à travers les indices historiques
que les auteurs leur affectent. On pourrait par conséquent les appréhender comme
romans-historiques au sens où l’entend Pierre Morère :

(…) Le récit refait l’Histoire dans l’espace du texte et y crée des


actions potentiellement envisageables dans le domaine concerné.
Le paradoxe du roman historique est donc qu’il fait surgir le
potentiel de l’irréel du passé. Puisque le roman historique raconte
une action prétendument passée, il opère un transfert de sens
quasi métaphorique par rapport à l’Histoire. Mais ce n’est pas
dans l’écart entre invention et vérité que s’origine la métaphore,
mais dans l’imitation devenue recréation du monde du texte. On
retrouve ici le lien qu’établit Aristote entre la fonction mimétique
et la structure mythique du récit. Á l’image de la tragédie qui
transcende le contingent pour se faire plus vraie que le réel, le
roman historique devient une version littéraire, voire mythique,
de la philosophie de l’Histoire43.

Ou mieux des romans aux aspects historiques.

43
Pierre MORḖRE : « Historique et récit dans Redgauntlet de Walter SCOTT », in : CALIBAN (Le
roman historique), 1991, Toulouse : Presses Universitaire du Mirail, pp.29-30.

40
Il apparaît donc très clairement que les espaces romanesques du corpus ne
révèlent pas de la topographie44 au sens géographique du terme auquel cas ils seraient
une production servile d’espaces déjà existants. C’est ce à quoi renvoie cette double
définition. En cartographie, la topographie désigne :

Technique ayant pour objet l’exécution et l’exploitation des


observations concernant la position (planimétrique et
altimétrique, la forme, les dimensions et l’identification des
éléments concrets fines et durables existant à la surface du sol à
un moment donné. 45

En géographie :

Description des lieux, c’est-à-dire d’une portion d’espace


terrestre, y compris ce qui est du à l’activité humaine
(constructions, champs, etc…) Ce terme est souvent à tort dans
un sens restrictif et confondu avec celui d’orographie ou
description du relief46

Mais ils sont plus issus du topos désignation du lieu et qui est plutôt création d’espace.
Il se développe alors une « toposémie inductive » ; dans la mesure où à travers la
désignation des différents espaces référentiels historiques, « la mimésis » qui découle
du rapport entre espaces- romanesques et fictionnels d’une part, d’autre part sociaux-
et historiques est le coefficient sociolectal qui existe entre l’Histoire et la fiction dans
les romans de Venance Konan et de Maurice Bandaman. C’est pourquoi les villes et
pays limitrophes sont respectivement des désignations périphrastiques et mimétiques
qui mettent en relief la Côte-d’Ivoire et ses pays limitrophes.

I-LA CÔTE D’IVOIRE EN TOILE DE FOND DANS LE CORPUS

L’identification de la Côte-d’Ivoire s’opère essentiellement à travers deux


points que sont l’Histoire des hommes et la référence aux espaces ‘’réels ‘’. Il est
important de retenir que l’Histoire des hommes fait référence aux peuples énumérés
et aux individus en tant que personnes historiques qui ont marqué l’Histoire de la crise

44
Pierre George, Dictionnaire de la Géographie, Paris : PUF,1970 ,p.460.
45
Idem, p.460.
46
Ibidem, p.460.

41
ivoirienne et auxquels les romanciers font allusion dans leurs écrits. Quant à la
référence aux espaces ‘’réels’’, elle s’intéresse aux villes ou localités que les
romanciers créent en référence à la Côte-d’Ivoire ou qu’ils lui empruntent tout
simplement.

I-1-Un espace crisogène

Selon Diandué Bi Kacou Parfait, «Espace crisogène : espace portant


consubstantiellement la crise. Espace comportant dans les strates profondes les
germes d’une crise. Espace générateur de crise. »47

Dans la dialectique de la société, la crise nait d’un conflit. C’est donc une forme
d’antagonisme parce que :

Il y a antagonisme lorsque dans les conditions déterminés, une


concentration évolue et atteint un degré tel que ses deux termes
ne peuvent plus cohabiter à l’intérieur de cette unité
dialectique »48. Zadi Zaourou précise : « Dans un texte littéraire,
tout comme du reste dans la vie réelle, toute guerre, tout
assassinat ou toute tentative de meurtre etc. constitue sans nulle
doute le signe de la manifestation phénoménologique d’une
contradiction antagonique qu’il reviendra bien sûr au critique
d’identifier, de formuler et d’analyser correctement 49

Les espaces romanesque de Venance Konan et de Maurice Bandaman donnent


l’image d’une société balafrée, meurtrie par des manifestations phénoménologiques de
la lutte des contraintes : les agressions, le banditisme, les assassinats. En conséquence,
le front social est en ébullition. L’écriture s’investit dans la représentation de cet espace
de guerre. En effet, la société du roman dévoile un univers concentrationnaire qui
amplifie la criminalisation et la destruction de l’État. La fracture politique entraine
une fragmentation de la nation. Car cette gestion calamiteuse a pour conséquences la

47
Parfait DIANDUE BI, « La dialectique de l’espace identitaire dans Allah n’est pas obligé d’Ahmadou
Kourouma » in Enquête N°15, Abidjan, EDUCI,2006. p.10.
48
Bernard Zadi ZAOUROU, « Littérature et Dialectique : Application de la dialectique matérialiste à
l’étude de la prose littéraire », in Revue du CAMES, Ouagadougou, Série B. Vol. 03, N°002, 2001.
49
-Idem, p.8

42
dislocation des ramifications sociologiques du pouvoir, c’est-à-dire les Appareils
Idéologiques d’État (AIE) que sont : la famille, la presse, surtout l’école et la justice.

L’instance Narrative décrit le processus, d’accumulation quantitative qui en résulte :

Les gens du Nord n’apprécièrent pas cette confiscation du


pouvoir et à l’appel de leur leader charismatique qui s’était
réfugié à l’étranger, ils furent les premiers à manifester leur
opposition au Général. Celui-ci réprima leurs
manifestations dans le rang. Ses militaires se mirent à violer
les femmes du Nord, à piller et à exécuter des du Nord dans
les rues en les qualifiant de bandits aux grands boubous
pouilleux.50

Les Appareils d’État (AE) et les Appareils Idéologiques d’État (AIE) étant aux
mains des sudistes, les Appareils Répressifs d’État (ARE) sont en alerte maximale
pour maintenir ‘’la norme ‘’. Ici, la norme est « le résultat d’une réconciliation obtenue
par la force, parfois celles des armes » : « La normalisation est le fait de se soumettre,
contre sa volonté ou sous l’emprise d’une idéologie autoritaire, à une norme ou un
paradigme donné. Il y a des victimes consentantes et des victimes sanctionnées sans
avoir forcément tort. »51 Cette pratique d’embrigadement des libertés fondamentales
entraine des révolutions de palais : les coups d’État du général Noël et du général Béou
et la rébellion du Mouvement Patriotique pour la Libération de l’Afrique (MPLA)
dirigé par le sergent-chef Issé :

(…) un groupe de rebelles, en provenance du Fakinasso, avait


attaqué la capitale durant la nuit(…). Une heure plus tard, le
ministre rappela pour annoncer que d’autres groupes de rebelles
avaient occupé les deux principales villes du Nord du pays, là où
étaient entreposés les avions de guerre et où il venait de faire
transférer l’armement lourd.52

Le Nord adhère au combat des rebelles. Il devient très tôt leur bastion.
Fakinasso (pays frontalier au Nord) fait partie de l’espace de guerre. Car c’est dans cet

50
Venance KONAN, Op, cit, p.53.
51
Bailly SERY, « L’art et la politique entre normalisation et liberté » in Revue de Littérature et
d’esthétique négro-africaines N°11, Actes du colloque avec table ronde sur : Esthétique et politique : de
la laideur à la beauté, Abidjan, EDUCI, 2009. p.33.
52
Venance KONAN, Op, cit, p.127.

43
espace-pays que se conçoit, s’organise et prend forme cette rébellion armée. En effet,
c’est à Gaoual (espace-ville que le recrutement de soldats mercenaires constitués de
déserteurs de l’armée se fait. Ces soldats exilés adhèrent doc au projet de
déstabilisation du régime du Camarade Président. Il en découle que l’espace participe
de l’action révolutionnaire. Il ne sert pas uniquement à ancrer le récit dans un cadre
référentiel. Il participe aussi de la signification du récit : la lutte pour la liberté.

La guerre oppose ainsi le Nord (espace-région) au Sud (espace-région). C’est


dire qu’il y a une guerre des espaces. Mais le récit de la guerre se focalise sur le sud,
la capitale et les principales villes de la zone au nord. L’affrontement dans la capitale
se fait également sur la base d’une occupation rationnelle des espaces-quartiers. Les
bas-quartiers et les bidonvilles (espaces-prolétaires) sont privilégiés par les rebelles.
Ils ceinturent les quartiers huppés (espaces-bourgeois) contigus au camp militaire.
L’antagoniste installe le chaos :

C’était le chaos total dans la capitale et il avait gagné les autres


villes de la zone dite loyaliste. Tout le monde attaquait tout le
monde et les forces dites impartiales, au milieu, ne savaient plus
protéger, qui séparer.53

Le Sukhoi survola une deuxième fois le centre, cette fois-ci à une


altitude plus basse (...) L’avion survola une troisième fois
l’établissement et frappa…trois fois encore, le Sukhoi largua
plusieurs autres bombes… Le centre est totalement détruit.54

En somme, la socialité du corpus d’étude est construite sur des espaces


tragiques et dysphoriques qui médiatisent la banalisation de la violence sous toutes ses
formes.

I-2-Une cité, deux mondes

La société textuelle de Venance Konan et de Maurice Bandaman regorge d’une


multiplicité d’espaces. Le système centralisateur de la trame évènementielle de
Maurice Bandaman est un espace-pays africain nommé « Boubounie ». Contrairement

53
Venance KONAN, Op, cit, p.246.
54
Maurice BANDAMAN, Op, cit, p.232.

44
à celui de Maurice Bandaman, le système centralisateur de la trame évènementielle de
Venance Konan est un espace-pays africain anonyme doté de trois espaces-pays
frontaliers : le Mandeso et le Fakinasso au Nord, et le Freeland à l’Est. En d’autres
termes, la médiatisation des relations interpersonnelles est soutenue par l’organisation
spatiale.

Ces espaces-pays se singularisent par une fracture socio-économique et


politique. Ce processus d’aliénation est avant tout la résultante d’une succession de
pouvoirs arbitraires. Excepté celui du « Père de la Nation / Nanan Zeu», ceux de
l’héritier, du « général Noël/ le chef de l’armée » et du « Christ de Vava/ Kanégnon »
se fondent sur le népotisme, le détournement de derniers publics et une mauvaise
répartition des richesses. Ainsi, l’agent social qui part à Paris fait l’état des lieux à
Lasso et kodja, en ces termes :

Mes frères, commença-t-il, le pays est gâté. D’abord, ils ont


fini de voler tout l’argent du pays. Il n’y a plus rien dans les
caisses de l’État. Ils ont tout volé pour se construire des
palais dans la capitale, dans les villages de leurs pères et de
leurs mères. Ils ont tout volé pour s’acheter des quatre-
quatre.55

Cela a pour conséquence l’extrême paupérisation de la masse qui entraine la


dépravation des mœurs : la prostitution, le détournement des mineurs,
l’homosexualité, la pédophilie, la chute des garants moraux de la société : « les prêtres
au pays se baisent entre eux et baisent les enfants »56. La déconstruction sociale
résultante du cynisme des hommes politiques est décrite par cet autre agent social
anonyme avec humour :

Mais cela n’a pas suffi pas à leur bonheur. Alors, ils ont
commencé à baiser nos femmes pour que nous sachions que ce
sont eux les maitres. Ça nous a fait mal, mais on a fini par s’y
faire(…). Quand ils ont vu que ça ne nous faisait plus mal, ils se
sont mis à baiser nos filles de quatorze et treize ans. Quand ils
ont vu que ça ne nous faisait plus mal, ils se sont mis à baiser nos

55
Venance KONAN, Op, cit, p.51.
56
Idem, p.52.

45
garçons. Eh ! Mes frères. En ce moment même au pays, on ne
sait plus qui est garçon, qui est fille.57

C’est dire que l’espace-pays se caractérise par l’affaiblissement du capital


humain. L’écriture de Venance Konan se focalise sur sa scission pour amplifier l’idée
de décomposition du corps social. Ainsi, les lexèmes Nord et Sud sont abondamment
usités. Cette toponymie rigide participe de l’idéologie ségrégationniste qui fait des
nordistes des allogènes et des sudistes des autochtones. En d’autres termes, les rapports
entre le Nord, Sud fait progressivement place à des désignateurs signifiants : Nordistes,
Sudistes ou aux présentatifs emphatiques « gens du Nord », « gens du sud ». Ainsi, la
bipolarisation spatiale dévoile non seulement des catégories sociales mais surtout des
identités. Ce qui précède autorise à dire qu’il y a une fragmentation de l’identité
nationale en identités nordiste et sudiste.

L’authenticité de la citoyenneté est fonction de l’espace occupé, mieux de


l’espace dont on est originaire :

Les nordistes furent déclarés allogènes, puisqu’ils étaient


presque tous installés au Sud, sur les terres ancestrales des
gens du Sud, et ceux qui étaient restés au Nord étaient pour
la plupart accusés de venir en réalité des pays voisins du
Nord. (RCP : P.53) Puis, ils « sont déclarés incompétents
et chassés de la fonction publique.58

En somme, la topographie de la société textuelle de Venance Konan dispose


les espaces en espace du pouvoir (économique et politique) et en espace populaire. Le
Sud, espace du pouvoir (le centre), est un espace de grands intérêts. Ils éveillent des
convoitises, parce qu’ils concentrent toutes les richesses. Le Nord, espace populaire
(la périphérie), a un taux de paupérisation très élevé : « Les paysans du Nord étaient
plus pauvres que ceux du Sud ».59
Le cotexte, particulièrement le titre, le confirme. Car comme le dit Henri
Mitterand, « le titre désigne l’ensemble du texte qui le suit. »60La classification de Leo

57
Ibidem, p51.
58
Venance KONAN, Op, cit, p.100.
59
Idem, p.103.
60
Henri MITTERAND, « Les titres des romans de Guy des Cars », in Sociocritique (Sous la Direction
de Claude DUCHETt), Paris, Fernand Nathan, 1979, p.90.

46
Hoek permet d’en faire une analyse efficiente. Ce dernier « distingue (…) entre deux
sortes de titres : le ‘’titre subjectal’’, qui désigne le sujet du texte, exemple Amour de
ma vie, et ‘’le titre objectal’’, qui désigne le texte en tant qu’objet, c’est-à-dire en tant
qu’appartement à une classe donnée de récits, exemples Aventure de…, Révélations
sur…, Histoire de…, etc. »61 De cette classification, l’on retient que Le Rebelle et le
Camarade Président est un titre Subjectal.

L’espace est, par conséquent, le nœud de l’action dramatique. Il ne sert pas


uniquement à ancrer le récit dans un cadre référentiel. Il participe aussi à la
signification du récit qui a pour sociogramme générateur la lutte contre la gestion
calamiteuse du pouvoir qui repose sur un discours identitaire. En somme, le socio-
texte est soutenu par une structure spatiale construite comme un réseau de relations
d’opposition, d’antagonisme entre un pôle dominant (le Sud) et un pôle secondaire
dominé (le Nord).

II-LES VILLES RÉFÉRENTIELLES CITÉES PAR LES


ROMANCIERS

Les narrateurs du corpus dans la reconstruction du déroulement des


faits évoquent certaines villes qui, en même temps qu’elles sont des espaces de la
fiction, sont des indices historiques et sociaux déterminants.

II-1-« Wèwèklo », prototype de Bouaké

L’histoire de « wèwèklo » est à certain égard semblable à celle de la ville de


Bouaké, ville située au centre de la Côte-d’Ivoire. C’est d’ailleurs pour cette raison
que ces deux sont identifiables l’un à l’autre. Le narrateur de L’ÉTAT Z’HÉROS dans
la reconstruction du déroulement des faits, s’appesantit surtout sur l’espace. Nous
avons par exemple l’extrait:

Pendant que nous allions au camp des miliciens, je me demandais


comment de Wèwèklo, au centre du pays, (…) Tout s’est
détérioré quand le gouvernement a déclaré notre région zone de

61
Henri MIITERAND, Op, Cit, p.91.

47
guerre et que l’armée nationale s’est lancée vainement à la
reconquête de la ville. La radio et la télévision annoncèrent
pourtant que la ville avait été libérée.62

L’œuvre de Maurice Bandaman, laisse entrevoir « Wèwèklo », centre


de « Boubounie » comme une zone assiégée par les rebelles. Cet espace s’assimile à
la ville de Bouaké, située au centre de la Côte-d’Ivoire.
En réalité, la ville de Bouaké a été le lieu des affrontements entre « les
rebelles » et les forces de l’ordre pendant la crise ivoirienne. Maurice Bandaman, en
fait la peinture à travers la description, et l’atmosphère de « wèwèklo ».
Il met en évidence, une ville déclarée « zone de guerre » à cause des
nombreuses atrocités et les nombreux affrontements qui ont eu lieu.

II-2- Ouagadougou en arrière-plan de « Gaoual »

La similitude entre « Gaoual » et Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso,


se définit autour de la version fictionnelle et aussi autour du recoupage de certains
points de la crise ivoirienne. Venance Konan écrit en ces termes :

De Gaoul, la capitale du Fakinasso (…) Il y avait trop de


poussière, trop de chaleur, trop de bicyclettes et de motocyclettes,
trop de mendiants, trop de pauvreté. Les Fakinassolais étaient
ceux qui faisaient les plus sales boulots au pays. C’étaient eux
que l’on trouvait dans les plantations du sud…63

Cet extrait fait la description du « Fakinasso », pays fictif et de ses réalités. Il


fait, cependant, la peinture d’une société assez pauvre, dont ses ressortissants
ressentent l’obligation de migrer vers le pays voisin, pour subvenir à leur
besoin : « C’étaient eux que l’on trouvait dans les plantions du sud ». Notons aussi
que, ce pays a été le lieu de préparation de la rébellion des gens du Nord :

Lorsque le Camarade Président alias Le Balayeur apprit par son


ambassadeur que des déserteurs de son armée s’entrainaient au

62
Maurice BANDAMAN, Op, cit, pp.186-196.
63
Venance KONAN, Op, cit, p.97.

48
Fakinasso, il demanda à son ministre de La Défense de chercher
à savoir ce qu’il en retournait. 64

Ce passage témoigne de la préparation de la rébellion au Fakinasso. Ainsi, l’on


pourrait dire que cette peinture de la société du « Fakinasso », laisse entrevoir en
arrière-plan le Burkina Faso, pays situé au nord de la Côte-d’Ivoire. Par ailleurs, l’on
pourrait dire que Venance Konan à travers ces extraits, témoigne de l’implication du
Burkina Faso dans la crise ivoirienne.

64
Idem p.113.

49
CHAPITREII : TEMPS ROMANESQUES DANS LE DISPOSITIF
NARRATIF ET TEMPS HISTORIQUES

Le système narratif dans le corpus d’étude est assez varié. Remarquons que
d’un roman à l’autre, une structure narrative pourrait s’adapter à la structure sociale
qui gouverne l’intentionnalité de création des romanciers ; en d’autres termes, chaque
roman dans son organisation narrative corrobore la période historique d’écriture par le
narrateur. Il y a donc une intime corrélation entre la forme et le fond qui renvoie à la
fois au sens immédiat de l’histoire narrée, de la diégèse et à l’interprétation qui peut
en découler, notamment l’histoire de la société de l’auteur et tous ses corollaires. Il en
ressort que les systèmes narratifs et les mobiles ou sujets d’intérêt de l’auteur se
donnent mutuellement sens. Il s’établit et se développe ainsi un réseau de
communication qui gère difficilement la distinction entre les couples en présence dans
la relation narrateur/narrataire et auteur/lecteur. Cette vision des faits nous amène à
constater que l’organisation formelle du discours de l’instance narrative dans les
romans de Venance Konan et de Maurice Bandaman est caractéristique de l’Histoire
des sociétés humaines racontées par les auteurs. Cette relation d’inter-généricité
témoigne du rapport entre Histoire et fiction. Le fond est ici mis en valeur par la forme.

Il s’agit, dans ce chapitre, d’établir une homologie ou un rapport d’équivalence


entre le temps historique et le temps romanesque. Il convient de préciser que le temps
de la narration que nous voulons étudier n’est pas celui est constitué par le moment, la
vitesse, la fréquence et l’ordre de la narration qui sont tous des catégories du temps de
la narration que Yves Reuter définit tour à tour comme :

Le moment de la narration renvoie au moment où est racontée


l’histoire par rapport au moment où elle est censée s’être
déroulée65, « La vitesse désigne le rapport entre la durée de
l’histoire (calculée en année, mois jours, heures.) et la durée de
la narration (ou plus exactement, de la mise en texte, exprimée
en nombres de pages ou de lignes »66, « La fréquence désigne
l’égalité ou l’absence d’égalité entre le nombre de fois où un
évènement s’est produit dans la fiction et le nombre de fois où il

65
Yves REUTER, L’Analyse du récit, Paris : Nathan, Col.Lit.128, 2000, p.60.
66
Idem, p.61.

50
est raconté dans la narration »67, « L’ordre désigne le rapport
entre la succession des évènements dans la fiction et l’ordre dans
lequel l’histoire est racontée dans la narration68.

Il s’agit pour nous de nous rapprocher la structure narrative de la diégèse du


temps historique extra- diégétique. Nous devons percevoir comment certaines
périodes historico-sociales de l’auteur donnent sens au système narratif des romans.

I-LES VOIX NARRATIVES PRINCIPALES

La question des voix narratives (qui parle et comment ?) renvoie aux relations
entre le narrateur et l’histoire qu’il raconte. Elle permet de distinguer,
tendanciellement, deux façons de narrer fort différentes. Gérard Genette expose cela
très précisément dans les lignes suivantes :

Le choix du romancier n’est pas entre deux formes


grammaticales, mais entre deux attitudes narratives (dont les
formes grammaticales ne sont qu’une conséquence mécanique) :
faire raconter l’histoire par l’un de « ses personnages », ou par
un narrateur étranger à cette histoire. (…) On distinguera ici deux
types de récits : l’un à un narrateur absent de l’histoire qu’il
raconte (exemple : Homère dans l’Iliade, ou Flaubert dans
L’Education sentimentale), l’autre à narrateur présent comme
personnage dans l’histoire qu’il raconte (exemple : Gil Blas, ou
Wutherieng Heights). Je nomme le premier type (…),
hétérodiégétique, et le second homodiégétique. 69

Par extension, les voix narratives concernent les différents types de narrateur
contenus dans un récit. Et en ce qui concerne notre étude, nous disposons un narrateur
dit hétérodiégétique chez Venance Konan et un narrateur homodiégétique chez
Maurice Bandaman.

67
Idem, p 62.
68
Idem, p.63.
69
Gérard GENETTE, Figures III, Le Seuil, 1978.p.117.

51
I-1-Narrateur hétérodiégétique chez Venance KONAN

Par définition, il est le narrateur qui n’appartient pas à l’histoire qu’il narre. Il
parle des personnages, des relations qui les lient, de leur faire et de leur être. Sa passion
est, par conséquent, une position omnisciente d’autant plus qu’il sait tout. Il se
matérialise par le pronom personnel « il » et ses dérivés (eux, son, sa, lui, ceux, elle,
etc..). La position en hauteur qu’il occupe par rapport au récit lui permet de jeter un
regard synoptique sur l’enchainement de la diégèse. Il est à la fois très proche et très
loin des personnages. Il est omniscient et détient les clés du récit. Le narrateur
hétédiégétique dans Le rebelle et Camarade président à travers la fonction référentielle
du langage fait le bilan de la crise socio-politique ivoirienne. Son discours est la
référence du narrataire. Francis Berthelot dans l’approche qu’il a du narrateur
hétérodiégétique écrit que :

La situation la plus simple est celle où le narrateur n’apparait pas


comme un personnage caractérisé, mais comme l’invincible
énonciateur d’une parole écrite, à savoir le texte romanesque lui-
même. Sa parole devient alors, à l’intérieur du roman, le niveau
de référence du discours70

Notons ici que le narrateur assure la cadence du récit. Dans l’œuvre de


Venance Konan, il montre les nombreux coups fourrés et foirés des acteurs de la scène
politique ivoirienne. Des tractions, des salons feutrés des capitales africaines, autres
revirements politiques, et autres soulèvements des populations manipulées à souhait
en passant se laissent découvrir :

Tout le monde s’attendait à une victoire écrasante du général


Noël car on était sûr qu’il tricherait. Mais à la surprise générale,
les premiers résultats furent extrêmement serrés, et le général
Noël, furieux (…) se proclama se proclama vainqueur, avant
même la fin du dépouillement des votes. Mais il ignorait que
pendant les six mois de son règne, ses soldats avaient commis
tant de crimes et d’exactions que la population était prête à tout
pour ne plus être dirigée par un militaire. Elle descendit dans les
rues des principales villes du pays. Les soldats tirèrent et il y eut
des dizaines de morts. Mais ces morts décuplèrent la volonté de
la population de se débarrasser du général Noël. Pendant ce
temps, le Christ de Vava s’était réfugié dans son village et vivait

70
Francis BERTHELOT, Parole et dialogue dans le roman » Paris : Nathan, 2001, p.117.

52
caché dans une hutte au milieu de la forêt. Après des journées
d’émeutes, quelques soldats de la tribu du Christ de Vava se
retrouvèrent contre le général Noël et ils furent rejoints par les
soldats originaires du nord du pays. Ils allèrent chercher le Christ
de Vava tout tremblant dans sa cachette et l’installèrent tout
hébété au pouvoir. Le général prit la fuite. Quelques jours plus
tard, son corps criblé de balles fut découvert au bord d’une route
qui longeait une lagune. On raconta qu’il avait été tué par sa
garde rapprochée qui s’était aussitôt ralliée au Christ de Vava. 71

Cet extrait témoigne que le narrateur est un narrateur hors texte, dont un
narrateur hétérodiégétique. Les éléments qui le démontrent sont les pronoms
personnels « il et ils », à la troisième personne du singulier et du pluriel suivi de ses
dérivés « sa » qui sont les marques de l’hétérodiégétique.

La lecture de cet extrait met en évidence un narrateur omniscient. Il paraît


comme un dieu, il sait tous des personnages, il sait ce que pensent les personnages et
connaît même leurs émotions. Il les décrit en ces termes: « tricherait », « furieux »,
« se proclama vainqueur », « il ignorait », « tremblant dans sa cachette », « fut
découvert au bord d’une route qui longeait une longueur ». Á travers ces termes, l’on
perçoit les agissements des leaders politiques et les inconvénients de ceux-ci. De
même, l’on souligne l’extrait suivant :

(…) un groupe de rebelles, en provenance du Fakinasso, avait


attaqué la capitale durant la nuit (…). Une heure plus tard, le
ministre rappela pour annoncer que d’autres groupes de rebelles
avaient occupé les deux principales villes du Nord du pays, là où
étaient entreposés les avions de guerre et où il venait de faire
transférer l’armement lourd.72

Dans ce passage, les termes « rebelles », « attaqué », « avions de guerre »,


« armement lourd » développent le champ lexical de la guerre. Ici, le narrateur
hétérodiégétique à travers ces termes, met en évidence une société dominée par la
violence et la barbarie. Ainsi, il fait la peinture des sociétés africaines en générale et
en particulier la société dominées par les guerres. De plus, nous soulignons l’extrait
suivant:

71
Venance KONAN, Op, cit, p.23.
72
Venance KONAN, Op, cit, p.127.

53
Les combats furent rudes au début. Les rebelles avaient un bon
armement et l’appui des chasseurs traditionnels dont la seule vue
faisait fuir les soldats loyalistes, mais ils manquaient cruellement
d’hommes bien formés aux choses de la guerre et ils ne savaient
pas traduire le mot discipline dans leur langue. Tous les avions
de guerre du pays se trouvaient sous le contrôle de la rébellion,
mais ils n’avaient pas de pilotes et aucun des chasseurs
traditionnels ne réussit à faire voler un avion malgré leur science
grande science et le sang de tous les moutons qu’ils égorgèrent
et dont ils aspergèrent les avions.73

Ce passage présente un narrateur hétérodiégétique, qui met en relief les travers


de la mauvaise gouvernance des leaders politiques africains, en particulier ceux de la
Côte-d’Ivoire.

Le Rebelle et le Camarade président par le caractère hyperbolique de la


représentation, l’ironie qui conduit à la dérision dans son écrit, élaborent une esthétique
du pathétique vécu par le peuple ivoirien au cours de ces dernières années. La structure
de ce discours indique clairement que le narrateur hétérodiégétique se fait le maitre de
la relation du récit.

En substance, le narrateur hétérodiégétique est une instance narrative


n’appartenant pas à l’histoire racontée, à la diégèse. La narration prise en compte par
cette instance met une distance entre le personnage de la diégèse et le narrateur. Ici
celui qui voit et raconte le récit n’est pas dans l’histoire qu’il raconte. Le récit raconté
par narrateur le hétérodiégétique est donc un récit à la troisième personne. Il privilégie
la fonction du langage telle que définie par Roman Jakobson. C’est à juste titre que les
pronoms personnels sujets « il/elle », « ils/elles » sont très présents dans ce type de
narration. Dans le Rebelle et le Camarade Président, le récit à la troisième personne
incombe au narrateur statuaire. En effet, le narrateur statuaire est celui qui prend la
forme de la troisième personne, il se présente comme un éclairage ininterrompu. C’est
lui qui coordonne toutes les autres formes de narration dans le récit.

73
Venance KONAN, Op, Cit, p.148.

54
I-2-Narrateur homodiégétique chez Maurice Bandaman

Le narrateur homodiégétique est un personnage qui prend en compte la relation


(narration) du récit. Á la différence du narrateur autodiégétique, il est un personnage
secondaire qui prend en compte la relation du récit. Sa présence se note à travers
l’emploi des pronoms personnels sujets « je », « nous » ; des pronoms personnels
compléments « moi », « me » ; des pronoms et adjectifs possessifs « ma », « notre »,
« le mien », « le nôtre », « les miennes », etc.

C’est dans cette optique qu’Akèdèwa l’espion prend la porale pour contester
les dires de la Blanche (française) qui est venue mener ses investigations sur la crise
que vit la république de Boubounie. Il affirme :

Je viens, (…). D’abord, je me présente. Je vis dans ce pays


depuis que la crise a éclaté chez nous. Dès le début de la guerre,
à l’ouest de mon pays, ma région natale, les rebelles firent
irruption. J’y étais allé en vacances avec ma femme et nos trois
enfants (…). J’entendis des voix de compassion s’élever dans la
salle, des pleurs, des gémissements. Je lassai le silence planer,
pour faire davantage d’effet. Regardant la salle comme un acteur
qui veut jauger l’impact de son jeu, je lâchai : Et si je vous
confessais que tout ce que je viens de vous raconter n’est que
pure fiction ? 74

Ces propos d’Akédèwa tenus à cette conférence de presse visent à contester le


livre de cette journaliste française. Son livre paraît comme un témoignage authentique
des erreurs et crimes contre l’humanité commis par ceux-ci (Akédèwa et ses siens).
Perçu comme le bras droit de son président Kanégnon, il paraît par moment comme un
espion. De plus l’extrait suivant :

Je sais tout. Mais la France ne pourra rien faire contre moi ! Ses
chars ne pourront pas atteindre le portail de ma résidence. Une
chose est sure maintenant : la guerre est ouverte, tout est clair, je
sais qui est qui, et qui est où. La France veut la guerre, elle aura
la guerre ! Rentrez dans vos appartements, là où nous sommes
maintenant, c’est moi et les jeunes qui allons montrer au

74
Maurice BANDAMAN, Op, cit, p.153.

55
créneau ! Quand la guerre est intéressante et claire comme c’est
le cas avec la France, ce n’est plus une affaire de militaire :75

Ce passage atteste de la présence du narrateur dans le récit. Cet extrait met


également en évidence Kanégnon, qui se rend compte qu’il combat en réalité contre
l’une des grandes puissances mondiales (la France). Il s’aperçoit que c’est la France
qui incite les « gens du Nord » à combattre contre son régime. Par ailleurs, l’on
pourrait dire que ce passage met également en évidence, la participation de la France
à la crise ivoirienne. L’auteur, en effet, accuse les grandes puissances d’être coupables
des différentes crises en Afrique en générale, et en particulier celle la Côte-d’Ivoire.

II-NIVEAUX DE NARRATION

Le dispositif narration-perspective que nous venons d’étudier peut encore se


voir enrichi d’un moyen supplémentaire pour provoquer de nouveaux effets : celui du
jeu sur les niveaux.

En réalité, derrière ce terme se manifestent au moins trois problème distincts,


mais en ce qui concerne notre étude, nous étudierons deux à savoir : celui de récits
intégrant en leur sein un ou plusieurs autres récits, et celui d’un fragment qui reflète
ou dévoile de manière plus ou moins explicite l’ensemble de l’histoire ou ses principes
de composition.

II-1-Le récit emboîté


Certains récits peuvent comprendre un ou plusieurs autres récits emboîtés : au
sein d’une intrigue englobant, un ou plusieurs personnages deviennent narrateur d’une
ou plusieurs histoires qu’ils écrivent, racontent ou rêvent.

En narration, le récit-cadre ou enchâssant est un récit dans lequel sont emboîtés


un ou plusieurs autres récits, dits « enchâssés » ou « récits encadrés ».

75
Idem. p.234.

56
Á ce niveau, nous convoquons l’œuvre de Maurice Bandaman dans laquelle, il
est écrit :

Tout au long de mon trajet silencieux, alors que je traversais


villes et villages, méditatif et songeur, je fus secoué par des
sentiments confus.

Dans la solitude et la méditation, l’humain qui s’agitait en


moi refit surface, et me poussa à cette réflexion :

Moi, Akèdèwa, je confesse que je n’ai jamais vu au monde de


guerre juteuse, surtout pour les protagonistes. Séparées par une
ligne infranchissable contrôlée par des Blancs, les Forces
impartiales et l’Onu, chacune des forces belligérantes peut se
prélasser dans sa zone, peinarde, racketter et piller, voler et
violer, dans une entière et paradisiaque impunité, sous le regard
heureux et complice de l’Onu, et de la France, qui, pour se donner
bonne conscience, de temps à autre, agitent quelques résolutions,
déclarations ou menaces qui ne peuvent même pas faire bouger
les cils d’un enfant …Alors, les mauvaises langues, les
jaloux…je mange76

Ce passage permet d’exprimer que l’œuvre de Maurice BANDAMAN comprend un


récit emboîté. Et cela s’aperçoit à travers cet extrait souligné. Cet extrait met en
évidence l’introspection du narrateur-personnage Akèdèwa. Cette introspection
permet d’entrevoir la vision des protagonistes africains au sujet de la guerre. Ils tirent
profit en torpillant leurs peuples. Par ailleurs, cet extrait met également en relief, la
mainmise des grandes puissances mondiales dans les conflits africains. Ils se
présentent comme des médiateurs. Or en réalité, ils sont à la base des différents
conflits en Afrique.

II-2- La mise en abyme

On distingue par le terme de mise en abyme le fait qu’un passage textuel, soit
reflète plus ou moins fidèlement la composition de l’ensemble de l’histoire, soit mette
au jour, plus ou moins explicitement, les procédés utilisés pour construire et raconter

76
Maurice BANDAMAN. Op .cit .pp 169-172.

57
l’histoire. En d’autres termes, la mise en abyme désigne l’enchâssement d’un récit dans
un autre récit, d’une scène de théâtre dans une autre scène de théâtre.

Pour le premier cas de figure, on peut penser certaines scènes où se lit, de


manière concentrée et symbolique, la totalité de l’intrigue (ce qui peut, parfois, se
réaliser sous forme d’un récit emboité : un personnage assiste à la projection d’un film
qui raconte, de façon détournée, son histoire.

Dans le second cas de figure, on peut penser à nombre de romans de Perec qui
mettent en scène, de manière implicite, le procédé qui a présidé à leur composition.
Ainsi, dans La disparition de Perec, roman où ne figure aucun mot comprenant la
lettre « e », certains passages présentent des personnages à la recherche d’un livre
disparu qui est, comme par hasard, le cinquième d’une série de vingt-six…
Pour le cas qui nous concerne, l’on travaillera avec la première figure. Dans Le
Rebelle et le Camarade président, il est écrit :
Tu sais aussi que ces bâtards à qui nous avons donné l’hospitalité
dans nos villages et qui ont pris nos forêts.
Le Camarade président disait exactement ceci dans sa lettre
au premier camarade : 1. Tu n’es qu’un pauvre con. 2. Mon pays
est infiniment plus grand et plus riche que le tien. Ton misérable
pays ne vit que de ce que tes compatriotes émigrés dans mes
plantations lui envoient. Je n’ai qu’à fermer ce robinet et tu seras
à genoux. 3. Mes avions de guerre basés dans le nord de mon
pays peuvent balayer ta capitale et même tout ton pays si je le
veux…4. J’ai déjà infiltré ton armée et je sais exactement ce que
tu prépares contre moi. 77

Cet extrait témoigne de la mise en abyme. Il met en évidence l’outrecuidance


et le complexe de supériorité qui animent le Camarade président à l’égard du premier
Camarade, président du Fakinasso, que l’on pourrait aisément interpréter et assimiler
à l’ex dirigeant du Burkina Faso.

Au total, notons que l’étude des espaces et temps romanesques dans la


fictionnalisation de la crise a permis de déceler, la Côte-d’Ivoire en toile de fond dans
le corpus. Et les villes faisant références aux espaces de la Côte-d’Ivoire et des Pays

77
Venance KONAN, Op, cit, p117.

58
voisin. En outre, l’étude du temps s’est fait à travers les différentes voix narratives
principales et les niveaux de narration.

59
TROISIEME PARTIE :
LES ENJEUX DE LA FICTIONNALISATION
DE LA CRISE IVOIRIENNE

60
Dans la mesure de comprendre cette dernière partie de notre travail, nous
proposons également deux chapitres.

-Le premier chapitre ’intitulé la réécriture de la crise comme moyen


d’expression d’une prise de conscience, permettra de comprendre l’écriture de la crise
ivoirienne pour la conjurer et l’exhortation à la stabilité.

-Le second chapitre titré la littérature comme prétexte pour un véhicule d’une
idéologie politique, s’intéressera au roman ivoirien contemporain, un roman à
caractère politique et les particularités du discours politique.

61
CHAPITRE I : LA RÉÉCRITURE DE LA CRISE COMME
MOYEN D’ESPRESSION D’UNE PRISE DE CONSCIENCE

L’analyse des romans de Venance Konan et de Maurice Bandaman, Le Rebelle


et le Camarade président et L’ÉTAT Z’HÉROS ou la guerre des gaous, permet de
comprendre les enjeux de la fictionnalisation de la crise ivoirienne. On se rend compte
que les auteurs se prononcent à propos de la crise ivoirienne et de tout ce qu’elle a pu
engendrer et comprendre. La Création romanesque apparaît donc comme le moyen
d’expression de la prise de conscience ; car chaque auteur derrière la peinture satirique
de la guerre ivoirienne dans les différents romans, laisse entrevoir une conjuration de
la crise et l’exhortation à la stabilité.

I-GUÉRIR LES MAUX DE LA CRISE PAR LES MOTS.

Est-il possible de penser la crise ivoirienne pour panser les traumatismes? Ou


encore, est-il possible de penser la crise ivoirienne pour conjurer les crises ? Et puis,
dans le fond, où se trouve logé ce mal qui lui fait si mal, qui le déchire depuis presque
toujours, ce mal finalement si récurrent donc, si chronique en vérité et peut-être, si l’on
est fataliste, qui nous semble si irrésoluble voire tragique ? Car, c’est un mal qui
pourrait l’empêcher à coup sûr d’espérer un jour devenir la Nation pourtant promise et
célébrée par son hymne.

Ce sont toutes ces questions – ces autant de questions devrions-nous dire –qui
tenterons d’être répondues dans cette partie de notre travail.

I-1- Penser la crise ivoirienne pour panser les traumatismes

Sursauts, angoisses, souvenirs obsédants, visions hallucinées, cauchemars,


repli sur soi : tels sont les principaux symptômes dont souffrent tous ceux qui ont vécu
l'enfer de la crise ivoirienne. Pour les combattants comme pour les civils, se posent
alors la question : peut-on oublier ? Peut-on panser des traumatismes de la crise en
pensant cette crise ? Et comment ? Parvenir à parler authentiquement de cette indicible

62
expérience, n'est-ce pas l'unique solution permettant de l'assumer pleinement et de
trouver, enfin, l'apaisement ?

A partir de la présentation « brute » des œuvres objet d’étude, et afin de


comprendre le plus finement possible ce qu’elles disent de la réalité sociale passée et
présente , ces pièces collectés lors des enquête doivent un grand nombre de sources
qui retrace les parcours historiques dans l’espace et le temps de la crise en question :
documents administratifs, écrits missionnaires, cartes et photographies, publications
ethnologiques, tableaux généalogiques, récits recueillis et événements observés
pendant l’enquête ethnographique, etc. Avec un souci constant du détail qui confronte
les matériaux, croise les dates, évalue la succession des générations et recoupe les
toponymes et les patronymes – un travail pour lequel une compétence linguistique se
révèle indispensable.

Dans le processus même de l’écriture, il est important de mettre en œuvre un


principe systématique d’exposition, de contextualisation et de critique des documents
produits : sans cesser de se poser « la question de ce qui est visible des rapports sociaux
dans les sources dont nous disposons, des formes de projection du réel sur les espaces
documentaires (scripturaires ou interactionnels) auxquels l’enquête empirique,
ethnographique et historiographique, permet d’accéder ». Ce dispositif narratif permet
au lecteur de suivre pas à pas, avec clarté et transparence, la façon dont l’écrivain
élabore progressivement ses hypothèses interprétatives, des plus vraisemblables aux
plus conjecturales. Cet effort continu d’explicitation des conditions de production de
l’analyse n’est pas seulement un gage de rigueur scientifique ; c’est aussi un
formidable aiguillon de lecture.

Bien d’autres aspects novateurs mériteraient de plus amples commentaires,


notamment la démonstration des faits tels que vécus et expliqués. On pense aussi au
lien clairement établi entre les formes de gouvernement politique et leurs processus de
subjectivation dans les corps et les affects, qui permet de penser la violence dans un
continuum allant des émotions intimes à la crise dans son essence même, en passant
par toute la gamme des violences interethniques. Certains pans de la réalité sociale et

63
politique de la Côte d’ivoire auraient certes pu être. Mais outre que ce programme de
recherche nécessiterait encore des années d’enquête, il risquerait de confiner à
l’illusion de l’exhaustivité monographique. Or il y aurait bien d’autres façons de
raconter cette histoire.

I-2- Écrire la crise pour la conjurer

La crise et la conflictualité sociale ont de tout temps inspiré l’écriture


romanesque, au point de servir de toile de fond diégétique à certains chefs-d’œuvre.
En effet, interpellée par des conflits et crises récents, la littérature contemporaine, les
œuvres supports en particulier, n’hésitent pas à revisiter et à interroger
fictionnellement les crises puis à porter un regard critique et distancé, marqué par le
souci du travail narratif sur les événements tragiques et les conflits qui ont marqué
l’Histoire moderne ou plus récente. Or, l’Afrique est le « continent des crises » par
excellence ; la guerre y apparaissant comme la « forme moderne de la tragédie ». Aussi,
la représentation de la guerre, pour penser et dire la violence dans toute son
expressivité, apparaît-elle comme un sujet préoccupant des littératures africaines.
Largement informé par son contexte de production, le roman africain contemporain se
fait ainsi l’écho des crises en Afrique.

Ainsi, à l’image de Venance Konan et de Maurice Bandaman, qui ont réécrit


la crise ivoirienne pour conjurer les crises, il existe plusieurs auteurs qui ont
fictionnalisé des crises. Nous avons par exemple Véronique Tadjo qui a fictionnalisé,
à travers son œuvre L’Ombre d’Imana78, le génocide du Rwanda qui s’est déroulé sur
fond de guerre civile, en 1994. Réputé le plus rapide et le plus meurtrier (près d’un
million de morts en trois mois), ce génocide a suscité une abondante littérature.

Véronique Tadjo utilise la fiction (le roman) pour penser l’Histoire. Elle fait de
la fiction l’"arme miraculeuse" permettant de réagir contre l’oubli. L’écrivaine prouve
qu’un événement tragique (crise) comme le génocide rwandais offre un champ
exploratoire infini : chacun des éléments le composant ouvre une quantité de

78
Véronique TADJO, L’Ombre d’Imana, Paris, Actes Sud, 2000.

64
connexités, de questionnements, de sous-questions et de contradictions internes.
Certes, son discours sur la violence met en évidence la complexité, la polymorphie et
l’ambivalence de cette notion, mais se refuse à se ranger du côté de la littérature de
violence. Profondément humain et poignant, à la fois incisif et pudique, son texte tente
de porter un regard humain sur l’une des pires inhumanités de l’Histoire. Le faisant,
elle propose une relecture du référent intertextuel qu’est le génocide des Tutsis
Rwandais puis ouvre la voie, avec les autres participants du projet de souvenir « écrire
par devoir de mémoire », à la littérature africaine francophone de génocide.

Du point de vue littéraire, L’Ombre d’Imana est une révolution narratologique,


scripturale et thématique. Le discours de la violence refuse en effet de céder au
conformisme. L’écrivaine inaugure un nouveau style d’écriture : l’écriture
fragmentaire et le feuilleton-récit. Elle prend la guerre et lui donne une forme écrite :
la désagrégation et la déconstruction du récit sont à l’image des débris laissés par la
violence des guerres. L’écriture discontinue correspond au monde que cherche à cerner
l’écrivaine. Le faisant, elle renouvelle aussi bien les canons esthétiques et stylistiques
du roman africain que la forme et l’écriture romanesques de la violence. Tout en
remettant en cause les notions de totalité et de causalité, son œuvre montre que la
littérature est un palimpseste, morceaux sur morceaux, jusqu’à constituer un tout.

II-L’EXHORTATION Á LA STABILITE

L’une des préoccupations majeures de la fiction de Venance Konan et de


Maurice Bandaman, c’est d’œuvrer au retour de la paix et de la stabilité en Côte
d’Ivoire tout en promouvant la réconciliation et la démocratie.

II-1-Promouvoir la réconciliation

En nous présentant, en effet, un pays déchiré et meurtri par la guerre, les auteurs
veulent mettre l’accent sur le constat désastreux qu’un conflit peut engendrer dans la
bonne marche d’un pays. Ils montrent les nombreux inconvénients d’un pays en

65
conflit, à savoir la violence, la division sociale, les atrocités, les assassinats pour mettre
en lumière l’importance de la paix et de la fraternité.

Ainsi , l’amour retrouvé entre Allana et Lasso et le fait qu’ils se soient mises
ensemble pour aider le nouveau président, le général Béou sont porteur de beaucoup
de leçons ou sujets à plusieurs interprétations :

-La première, c’est le pardon. Il faut pardonner à l’autre tout ce qu’il a bien pu
faire, un pardon mutuel et réciproque comme celui entre Lasso et Allana. Il faut aussi
s’aimer et accepter l’autre tel qu’il est. Le roman de Venance amène donc à avoir une
bonne conception de l’altérité ; laquelle conception est censée mener ce pays à la
véritable cohésion, les gens du Nord et les gens du Sud à s’accepter mutuellement, se
comprendre et s’aider afin que parviennent la véritable fraternité et une paix durable.

- Le soutien d’Allana et de Lasso à l’endroit du nouveau président fait penser


à l’unité, l’union que souhaite Venance autour du président en place, à près la chute
du Camarade Président. Il veut montrer combien il est important combien il est
important que tous les ivoiriens, tous les bords politiques, religieux et spirituels
s’unissent véritablement et prêtent main forte au président actuel afin d’aider le pays
à revenir à la paix et à la fraternité. Cela peut donc nous emmener à dire que Venance
Konan sensibilise l’ensemble de son lectorat à prêter main forte au président Alassane
Ouattara pour la reconstruction nationale, quel que soit le bord politique de chacun.
Une telle interprétation pourrait laisser croire son approbation à l’endroit du président
ivoirien actuel et suggérer une logique plus partisane de son propos.

II-2-Promouvoir la démocratie

L’une des préoccupations majeures de la fiction de Venance Konan et de


Maurice Bandaman, c’est d’œuvrer au respect et à la pratique de la démocratie.

Ainsi, la fin que Venance Konan et Maurice Bandaman donnent à leurs


différents personnages ‘’Le Camarade Président’’ et ‘’Kanégnon ‘’est un
avertissement pour tout dictateur. Les auteurs voudraient montrer qu’il faut préférer la

66
démocratie à la dictature, à la prise maladroite et la confiscation à vie du pouvoir. Ils
exhortent ainsi les dirigeants et l’ensemble des populations ivoiriennes et africaines à
préférer la démocratie, la véritable démocratie, afin d’éviter des conflits des guerres et
des crises politiques comme celle déjà connues.

67
CHAPITRE II : LA LITTÉRATURE COMME PRÉTEXTE POUR
UN VÉHICULE D’UNE IDÉOLOGIE POLITIQUE

Ce stade de notre analyse permet d’aborder les œuvres littéraires composant


notre corpus d’un point de vue plus critique et plus objectif. La question à laquelle ce
chapitre nous invite à répondre est celle de savoir comment la littérature paraît comme
un véhicule d’une idéologie politique. Comment cette littérature peut-elle participer à
l’expression des points de vue subjectifs et partiaux ?

Dans l’analyse qui suivra, nous essaieront de présenter quelques éléments, qui
permettent de percevoir la littérature comme prétexte pour le véhicule d’une idéologie
politique.

Il est bon de signifier, que nous pouvons percevoir la littérature comme prétexte
pour un véhicule d’une idéologie politique à deux niveaux à savoir : le roman ivoirien
contemporain, un roman à caractère politique et, les particularités du discours politique
de Venance Konan et Maurice Bandaman.

I-ROMAN IVOIRIEN CONTEMPORAIN, UN ROMAN Á


CARACTḖRE POLITIQUE

Lorsque nous analysons les différents ouvrages de Venance Konan et de


Maurice Bandaman, l’on se rend compte d’une partialité du sujet écrivant dans le texte
et de la prééminence du « moi » social et politique sur « le moi » artistique.

I-1-La partialité du sujet écrivant dans le texte

D’un point de vue plus objectif, l’on peut affirmer que les détails avec la
parution des œuvres objet d’étude témoignent implicitement d’une partialité politique.
Nous pouvons souligner par exemple que les dates de parution des œuvres supports se
situent essentiellement après la chute de Laurent Gbagbo et pendant le règne
d’Alassane Ouattara, l’un des protagonistes majeures et un acteur non des moindres
de la crise ivoirienne. La parution de ces livres dans un pays d’Afrique subsaharienne

68
où la liberté d’expression n’est pas chose exhaustivement appliquée avec des censures
à propos des livres et articles contredisant les régimes fait croire à un manque de
neutralité et partialité politique des auteurs pour la cause d’Alassane Ouattara.

Les romans Le Rebelle et le Camarade Président et L’ÉTAT Z’HÉROS ou la


guerre des gaous sont des ouvrages qui permettent à leurs auteurs, Venance Konan et
Maurice Bandaman, de se prononcer sur le règne de Robert Guéï et de Laurent
Gbagbo, qu’ils dépeignent sous le couvert des personnages « le général Noël /le chef
de l’armée » et « le camarade président/Kanégnon ».

En premier lieu, il y a lieu de signifier le regard réprobatif que Venance Konan


porte sur la durée au pouvoir de Robert Guéï et Laurent Gbagbo. Il les présente
péjorativement dans son œuvre en les accusant d’être les responsables des exactions
commises à l’endroit des gens du Nord et du manque de volonté quant à la tenue du
pays pour aboutir aux efforts de paix. Plusieurs passages du texte de Venance Konan
permettent d’avoir une vue détaillée du règne et de Laurent Gbagbo et de justifier la
dimension péjorative que celui-ci leur attribue. Dans le passage relatif au général Noël
que voici :

Le général Noël qui était du sud fit très vite comprendre qu’il
avait pris le pouvoir pour le conserver…ses militaires se mirent
à violer les femmes du Nord, à piller à exécuter des gens du Nord
dans les rues en les qualifiants de bandits et aux grands boubous
pouilleux…les choses se gâtèrent entre les militaires eux-mêmes,
qui venaient du Nord furent pourchassés. Certains furent tués et
d’autres se réfugièrent dans les pays voisins. Pour boucler la
boucle, le général Noël avait fait adopter une constitution qui
proclamait qu’il fallait être un autochtone pour être président de
la république…les nordistes furent déclarés allogènes…79

On perçoit l’ensemble des exactions commises à l’endroit des gens du Nord,


l’injustice et l’écart de la présidence mis en œuvre par Robert Guéï. Il souligne le
désordre qui aurait régné en son temps sans toutefois manquer de spécifier les abus de
l’armée ivoirienne à l’égard de l’ensemble des ivoiriens d’une façon générale et des

79
Venance KONAN, Op, cit, p.23.

69
gens du Nord en particulier. Il assimile ainsi le règne du général Robert Guéï à « la
pire des dictatures ».

Venance Konan accuse également Laurent Gbagbo d’avoir été un mauvais


président en ce sens qu’il aurait été la continuité du phénomène de l’ivoirité et de la
répression des gens du Nord et des étrangers comme le général Robert Guéï. La preuve
est que dans son ouvrage, il fait dire les gens du Nord que le Camarade président « a
chaussé des bottes du général Noël », un prétexte adéquat pour suggérer la volonté de
Laurent Gbagbo de continuer l’antipathie quant aux gens du Nord, de pérenniser « le
fossé qui se creusait de plus en plus entre les eux ethnies ». Venance Konan accuse
ainsi Laurent Gbagbo de ne pas avoir œuvre véritablement à la réunification du pays,
au retour de la paix et de la cohésion sociale à cause d’abord de son élection contestée
qui a fait plusieurs milliers de morts et de la rébellion qui éclatée sous son règne :

Il y eut à nouveau des morts mais il n’y eut pas de nouvelle


élection, et Christ de Vava demeura président.
Un matin, pendant que le camarade président disputait
une partie de dames, son jeu intellectuel favori, son neveu
ministre de la Défense l’appela de toute urgence pour l’informer
qu’un groupe de rebelles, en provenance du Fakinasso, avait
attaqué la capitale durant la nuit, mais avait été repoussé.80

Aussi, la dimension péjorative inhérente au personnage du Camarade président


telle que présentée nous emmène à comprendre que Venance Konan fait de Laurent
Gbagbo le premier responsable de la crise ivoirienne. Il perçoit son règne comme étant
une illustration de l’injustice en ce sens que les membres du gouvernement et de
l’administration auraient été soit de son parti, soit de sa région, soit au nombre de ses
amis et connaissances :

Le camarade président avait embauché ceux de ses parents qu’il


avait pu à la présidence…tout le personnel présidentiel fut de la
famille élargie du camarade président
Il nomma l’une de ses maîtresses…et les autres…furent
nommées ambassadrices. Le camarade président un de ses
cousins…un autre des nombreux cousins du camarade
président…fut nommé directeur du protocole d’État…Un autre
neveu du Camarade président fut nommé ministre de l’économie

80
Venance KONAN, Op, Cit, p.125.

70
et des finances…et tous les parents, membres du parti du
Camarade président, ainsi que tous ses anciens amis de Pétanque,
de bar, de PMU, et d’école furent tous nommés ministres,
conseillers spéciaux, ambassadeurs ou directeurs des sociétés et
autres structures de L’État. 81

Ces extraits permettent de comprendre l’attribution des postes qui aurait été
faite du temps de Laurent Gbagbo, pas en fonction des compétences mais plutôt en
fonction des liens familiaux, régionaux ou autres liens divers d’affinité.

L’expression « harem » est plusieurs fois mentionnée aux passages du chapitre


six et se rapporte au Camarade président et à ses différents collaborateurs et autorités
exerçant sous son règne. Cette occurrence nus permet de comprendre le manque
d’éthique du président Laurent Gbagbo et son entourage, l’un des éléments majeurs,
aux dits de Venance Konan qui aurait conduit le pays à la rébellion armée.

Par ailleurs la suite du roman de Venance Konan nous permet de voir l’obstacle
à la paix et la réconciliation nationale qu’aurait été Laurent Gbagbo pour la Côte-
d’Ivoire. Venance Konan remet en scène les différents accords signés cependant non
respectés par Laurent Gbagbo afin de l’accuser d’avoir œuvré à la perpétration de a
crise politique en Côte d’Ivoire. Il le présente comme un bourreau, un dictateur qui ne
veut pas laisser le pouvoir, encore moins le partager. C’est ce qui justifie l’hostilité
entre le personnage qui l’incarne, le camarade président, et Lasso, celui qui fait
référence au chef des rebelles au chapitre trois de la troisième partie.

Il met également l’accent sur le groupe des jeunes patriotes fictionnalisé par
l’Alliance des Jeunes volontaires, qui avait su semer le chaos et le désordre en Côte
d’Ivoire en toute impunité parce qu’étant rattaché à la cause du président Laurent
Gbagbo. Les actes de scélératesse, de barbarie qui sont peints dans l’œuvre à leur actif,
nous permettent de comprendre la dimension sadique que Venance Konan attribue à
Laurent Gbagbo par l’entremise de son personnage le camarade président.

81
KONAN Venance, Op,cit, p.72.

71
En clair, on peut dire que Venance Konan désapprouve le règne de Laurent
Gbagbo et le présente comme l’unique responsable de la crise ivoirienne, de la scission
du pays et du désordre qui y règne jusqu’à en 2011.

I-2-La prééminence du « moi » social et politique sur le « moi »


artistique
Dans le Corps soumis à étude, nous percevons une supériorité du « moi » social
et politique sur le « moi » artistique. L’on remarque, à travers le corpus, une forte
implication des auteurs dans la réécriture de la crise ivoirienne. Ainsi, l’on pourrait
dire que, cette nouvelle forme d’écriture des romanciers ivoiriens, témoigne de leur
partialité politique. Ce qui confère au nouveau roman ivoirien, un roman à caractère
politique. Dans l’œuvre de Venance Konan il est écrit :

Les nordistes furent déclarés allogènes…ceux qui étaient restés


au nord étaient pour la plupart accusés de venir en réalité des pays
voisins du nord. Ils furent donc tous écartés d’une éventuelle
candidature à la présidence de la République. Et c’est ainsi que
le leader charismatique du Nord vit sa candidature à la
présidence. 82

Cet extrait témoigne de la prééminence du « moi » social sur le « moi »


artistique dans l’œuvre de Venance Konan. Car cette attitude des gens du Sud à l’égard
des gens du Nord s’expliquerait selon Venance Konan, par l’assimilation des gens du
Nord aux étrangers faite par les gens du Sud, une assimilation qui ne serait autre qu’une
manifestation de l’ivoirité. Venance Konan situe le problème relatif à l’identité comme
l’aspect génésiaque de la crise socio-politique ivoirienne. Son œuvre apparait comme
un espace où il dénonce l’ethnocentrisme des gens du Sud et l’injustice faite aux gens
du nord. Elle apparait aussi comme un sévère réquisitoire à l’endroit des
gouvernements des leaders politiques ivoiriens, pour leur manque de réactions pour
mettre fin à cette crise qui ne faisait que diviser le pays parce qu’étant tous
majoritairement du Sud. Il attribue, l’on peut le dire, la responsabilité de la crise

82
Venance KONAN, Op.cit. p.53.

72
ivoirienne aux gens du Sud qu’il accuse de ne pas reconnaître les gens du nord comme
citoyens authentiques du pays.

De son côté l’œuvre de Maurice Bandaman souligne :

Ils soutenaient ne pas avoir affaire à nous, les dirigée


essentiellement contre le régime pour l’avènement d’une société
nouvelle où il n’y aurait plus d’injustice, d’abus de
discrimination entre les citoyens de notre pays car ils voulaient
mettre fin à l’arbitraire, à la dictature et au tribalisme (…)
Chaque âge, chaque génération, doit savoir entendre les cris de
sa colère, lire sa haine, identifier son combat et choisir ses armes
en conséquence. Je n’aime pas celles choisies par les assaillants,
même si j’approuve leur cause. 83

Ce passage permet de relever le tribalisme et la discrimination qui se faisait entre les


citoyens du pays avant la guerre. Il admet une connotation identitaire et permet
d’illustrer la crise entre les différents groupes ethniques qui emmenaient les uns à ne
pas reconnaitre les autres comme citoyens authentiques ivoiriens. Cependant, il
témoigne de la prééminence du « moi » social et politique sur le moi « artistique ».

II-LES PARTICULARITḖS DU DISCOURS POLITIQUE DE


VENANCE KONAN ET MAURICE BANDAMAN

Lorsque nous analysons les différents ouvrages de Venance Konan et de


Maurice Bandaman, on se rend compte, en effet, qu’ils tiennent un discours politique
qui détient plusieurs caractéristiques qui les démarquent de ceux des autres auteurs.
Venance Konan et Maurice Bandaman tiennent un discours politique pouvant être le
résultat d’une instrumentalisation par le régime en place. Ce qu’il convient de préciser,
c’est que les quelques caractéristiques illustrant leurs discours politiques constituent
de bonnes occurrences pouvant justifier une instrumentalisation politique. Voici
quelques éléments que figure le discours politique de Venance Konan et Maurice
Bandaman pouvant suggérer une instrumentalisation de l’œuvre romanesque et une
logique partisante desdits auteurs :

83
BANDAMAN Maurice, Op, cit, pp.195-197.

73
II-1-La peinture péjorative de Laurent Gbagbo

Les œuvres supports, Le rebelle et le Camarade président de Venance Konan


et L’État Z’Héros ou la guerre des gaous de Maurice Bandaman constituent des
discours politiques qui soulignent le règne de Laurent Gbagbo comme une dictature.
En effet, quand on lit ces œuvres, on se rend compte que les auteurs peignent
péjorativement le règne de Laurent Gbagbo. On voit les atrocités commises par son
armée et les exactions de la jeunesse gagnée à sa cause sont mises en avant comme
pour montrer que les mauvais côtés du règne de l’ancien président.

La lecture de ces œuvres permet de mettre en lumière l’entière responsabilité


de toute la crise politique ivoirienne depuis 1999 que Venance Konan et Maurice
Bandaman veulent assigner au président Gbagbo. On saisit alors l’antipathie non
dissimilée que ces deux écrivains éprouvent à l’endroit de l’ex président chef d’État
ivoirien.

La peinture qui est faite de lui dans ces deux œuvres ne peut en aucun cas
émaner d’une logique neutre et objective quand on se réfère à l’histoire factuelle
concernant la crise politique ivoirienne. Il est présenté comme président xénophobe et
sanguinaire ayant conduit la Cote d’Ivoire dans le gouffre dans lequel elle est tombée
depuis 2002 jusqu’à 2010. Les personnages Le Camarade président et Kanégnon sous
couvert desquels les auteurs l’abordent sont des êtres parvenus au pouvoir après
plusieurs tueries et atrocités, des dictateurs aimant beaucoup le plaisir sexuel, le grand
luxe, et employant que des gens de leurs régions, de leur entourage ou de leur parti
dans l’administration de autres fonctions publiques. Ce sont des présidents qui refusent
de respecter les différents accords pour une meilleure sortie de crise et qui ne
s’investissent pas réellement dans le retour de la paix, la cohésion et la fraternité
nationale :

Le camarade président était arrivé au pouvoir…Mais


contrairement au Christ Nazareth, celui de Vava aimait beaucoup
les femmes. Il avait des maîtresses partout dans le pays (…) Le
Camarade président a chaussé les bottes du général Noël et ce
qu’il fait est pire que ce que le général Noël faisait(…) Le
Camarade Président avait refusé toute médiation dans cette

74
guerre. Il avait dit qu’il négocierait que lorsque le dernier rebelle
serait mort (…) Le camarade président l’avait fait discrètement
venir au pays et ils avaient monté le plan de détruire la rébellion
de l’intérieur. C’était la raison pour laquelle le Camarade
président trainait des pieds pour appliquer l’accord de paix. 84

Puis il consacra le reste du temps à plonger son sexe assoiffé


entre les cuisses de ces femmes (…) le sang arrose le pouvoir de
Kanégnon comme la rosée les herbes le matin (…) des mauvaises
langues disent que le pouvoir de Kanégnon, né dans le sang ;
prospèrera dans le sang et finira dans le sang…85

Ces extraits sont le moyen pour les auteurs étudiés de forger une image de
Laurent Gbagbo chez l’ensemble des lecteurs. Il y a comme une volonté de le
diaboliser. Cette peinture péjorative du président Laurent Gbagbo qui est faite par ces
auteurs à propos de la condition des gens du Nord, des différentes exactions commises
par l’alliance des jeunes patriotes, on peut le dire, a pour unique responsable de toute
la crise politique ivoirienne. Cette logique expose les œuvres supports et leurs auteurs
à un risque d’instrumentalisation car l’image qu’elle donne du président Gbagbo est
celle voulue par le gouvernement en place, et celle vendue par les protagonistes
principaux parvenus au pouvoir à savoir les hommes et partisans du RHDP.

On peut donc dire que la présentation péjorative de l’ancien président Gbagbo


donne à voir ou suggère une logique plus partisane et un bord politique plus clair. Elle
est l’aboutissement d’une partialité dans l’analyse socio-politique faite par les
écrivains Venance Konan et Maurice Bandaman.

II-2-La légitimation de la rébellion


La peinture péjorative de l’ancien président Laurent Gbagbo qui constitue le
premier trait distinctif du discours politique des écrivains Venance Konan et Maurice
Bandaman permet de faire ressortir un autre aspect déterminant du discours et de
l’analyse politique de ces deux auteurs ivoiriens à savoir la légitimation de la rébellion.
Quand on s’intéresse de plus près aux passages suivants :

84
Venance KONAN, Op, cit, p.21
85
Maurice BANDAMAN, Op, cit, p.46.

75
Les militaires qui sont venus ici n’ont qu’une seule envie, qui est
de rentrer au pays par tous les moyens. Pour eux il n’y a plus rien
à attendre de qui que ce soit. La seule façon pour les Nordistes
d’être en sécurité et de ne plus être chassés, c’est d’être dirigés
par un nordiste. Alors ils se préparent. Je suis avec eux. Nous
sommes fatigués d’être les laissés-pour-compte du
développement de notre pays, fatigués d’être traités d’étrangers
dans notre propre pays. Notre région est la plus arriérée du pays
et nous sommes totalement exclus du développement. Combien
de cadres du Nord as-tu vu à des postes importants dans le pays,
depuis qu’il est indépendant ? (…) Simplice emmena Lasso voir
d’autres ressortissants du Nord du pays qui avaient eux aussi fui
au Fakinasso. Tous, ils firent comprendre à Lasso que leur région
était depuis longtemps exclu du développement du pays et ils lui
citèrent de nombreux exemples pour qu’il en soit convaincu (…)
Chacun expliqua à Lasso combien leur région avait été exclue par
les différents dirigeants du pays depuis l’indépendance. 86

On voit que Venance Konan est en train de présenter les réelles motivations de
la rébellion comme pour émouvoir le lecteur afin de l’emmener à adhérer à sa cause.
On assiste à une sorte de justification de la rébellion, on veut la présenter comme la
seule alternative qui ait été possible pour régler la situation des gens du Nord.

Aussi l’on décèle également entre les lignes de Venance Konan et Maurice
Bandaman la volonté de ne pas s’attarder sur les exactions commises par les rebelles.
On sent que les atrocités commises par les jeunes gens partisans de Laurent Gbagbo
sont plus mises en avant, sont plus mises en relief que celles commises par les rebelles.
Même si par moment les auteurs présentent quelques viols et autres faits de
scélératesse commis par les soldats et chefs de la rébellion, on ne perçoit pas vraiment
dans leurs narrations la gravité de ces agissements par rapport à celle conféré aux actes
des forces armées nationales dirigées par le gouvernement de Laurent Gbagbo.

Aussi, en analysant les regrets éprouvés par Lasso le Rebelle dans l’ouvrage de
Venance Konan, après le viol de la petite fille métisse noir et l’adresse du vieil homme
qui lui a été faite :

Songe à ce pour quoi vous aviez pris les armes, et à ce pour quoi
nous vous avions soutenus. Vous aviez pris les armes pour
combattre l’injustice et l’exclusion. L’injustice et l’exclusion ne

86
Venance KONAN, Op, cit. pp.101-102.

76
sont pas plus tolérables lorsqu’elle vienne des siens. Il n’y a pas
de raison que le peuple accepte de vous ce qu’il a refusé de subir
sous le général Noël et sous le camarade président. Le silence du
peuple ne signifie pas forcément son approbation.87

On se rend compte de la dimension humaine que Venance Konan attribuent à Lasso,


mais aussi à l’ensemble des rebelles en général. Les auteurs en plus de légitimer la
rébellion ont comme le souci de nous inviter à comprendre les forces rebelles et à
compatir. Ils veulent ainsi présenter les rebelles méliorativement en présentant leur
côté plus sensible et plus émotionnel afin d’emmener les lecteurs à fermer les yeux sur
les différentes atrocités commises par eux.

Par ailleurs, l’œuvre de Venance Konan, en figurant le leader charismatique du


nord, exprime ainsi le désir de l’auteur de déconstruire le stéréotype de la doxa à
propos d’Alassane Ouattara le présentant comme un rebelle venu détruire les
populations ivoiriennes. Venance Konan le qualifie de leader charismatique, une
manière de le valoriser et de bien vendre son image par rapport à Laurent Gbagbo qu’il
décrit dont il expose les défauts de vie personnelle et politique.

Ce qu’on peut donc retenir de cette partie, c’est que la légitimation implicite de
la rébellion et le regard compréhensif porté vers la rébellion qui est adopté témoignent
d’une volonté politique des autorités ivoiriennes actuelles qui est de déconstruire
l’image que les ivoiriens se sont faite pendant longtemps des soldats rebelles et des
gens du Nord. Ainsi, en tenant un tel discours politique, les auteurs entrent dans la
même logique que le gouvernement actuel avec à sa tête Alassane Dramane Ouattara
président de la république depuis 2011.

87
Venance KONAN, Op, cit, p.186.

77
CONCLUSION

78
Le Rebelle et le Camarade président de Venance Konan et L’ÉTAT Z’HÉROS
ou la guerre des gaous de Maurice Bandaman sont des romans historiques, selon la
définition de Bordas, c’est-à-dire :

[des récits] dont le cadre chronologique renvoie à des situations


et des faits bien connus de l’histoire politique des hommes,
proche ou ancienne, [des récits] dont plusieurs personnages,
principaux ou secondaires, sont des figures attestées et notoires
de la mémoire d’un pays. 88

Dans l’histoire littéraire africaine, ces œuvres pourraient faire partie de celles
qui marquent la conscience nationale après l’expérience du multipartisme des années
1990, en écrivant ce qu’un peuple a vécu ou éprouvé à un moment donné de son
histoire. Au premier plan, les auteurs mettent en exergue des déroulements de faits
historiques dans des espaces non vraisemblables, mais qui s’assimilent aux espaces
réels. Puis en arrière- plan, ils présentent des êtres fictifs attestés de la mémoire de la
Côte-d’Ivoire.

Le travail a consisté à prouver une double intention. Il s’agit, d’emblée, de


dégager l’influence de la crise ivoirienne sur l’écriture romanesque à travers
l’exploitation fictionnelle de l’histoire, cette double intentionnalité procède de deux
points névralgiques. Elle met d’abord en évidence l’utilisation consciente de l’histoire
comme substrat du roman entraînant, par ce fait, son exploitation pour aboutir à une
fiction. C’est d’ailleurs ce que Jean-Marie Schaeffer appelle « la contamination du
monde historique par le monde fictionnel »89. En réalité, c’est le monde imaginaire et
imaginable qui s’empare du monde historique pour créer le monde fictionnel. Tel que
posé, le monde fictionnel équivaut au monde imaginaire.

Dans cette idée qui figure la métaphore microbienne, à travers le mot


« contamination », on dégage la notion forte d’altérité. Il en ressort que la fiction
corrode l’Histoire, la dénature et la dévisage pour la soumettre aux exigences de
l’imagination. Là est tout le sens de l’exploitation et de l’esthétisation. Cependant, les

88
Éric BORDAS, « De l’historicisation des discours romanesques », Revue d’histoire du XIXe siècle(En
ligne), mis en ligne le 29 juin 2005, p.2.
89
Jean Marie SCHAEFFER, Pourquoi la fiction ?, Paris, 1999, p.41.

79
traces flagrantes de l’Histoire, perceptibles dans l’œuvre romanesque, sont les marques
de la référentialité qui accordent à certaines œuvres un crédit de dénotation. Il y a donc
interaction et interagissement entre ces deux disciplines et, par conséquent, l’action de
la fiction n’est pas que dénaturation. L’ambiguïté relationnelle qui en découle a
certainement motivé l’embarras de Paul Ricoeur dans la désignation des rapports entre
Histoire et fiction. Il parle invariablement et inversement de « fictionnalisation de
l’histoire »90 et d’ « historicisation de la fiction »91.

On a pu comprendre, en effet, par le moyen de cette étude, le réalisme dont ont


fait preuve les écrivains ivoiriens dans les différentes intrigues de leurs œuvres, un
réalisme qui puise son inspiration des faits historiques. Pour se prononcer sur la crise
ivoirienne, en effet, l’on a remarqué qu’ils ont eu recours à plusieurs références
factuelles qu’ils ont pris soin de fonctionnaliser. La fictionnalisation des éléments
inhérents au contexte socio-politique ivoirien se voit dans ces œuvres par la succession
des évènements articulée essentiellement autour de l’injustice faite aux gens du Nord
et la confrontation entre le Nord et le Sud qu’ont pu réaliser Venance Konan et Maurice
Bandaman dans leurs œuvres afin de faire référence aux causes de la crise ivoirienne.
Une chose assez capitale qui a été perceptible, c’est la peinture satirique faite à propos
des personnalités politiques. Cette peinture a été le viaduc pour exprimer la réprobation
de Laurent Gbagbo, de son règne et de ses partisans et la légitimation et la
compréhension de la rébellion armée. On a pu découvrir, en effet, comment Venance
Konan et Maurice Bandaman ont conféré à l’ex président ivoirien qu’ils ont dépeint
sous le couvert des personnages le Camarade Président et Kanégnon, une dimension
péjorative faisant de lui un bourreau ne pensant qu’à ses intérêts personnels et la
perpétuation de sa dictature, le rendant ainsi responsable de toute la crise politique
ivoirienne.
Á côté de ce discours politique associant la peinture péjorative de la réprobation
de l’ex président ivoirien, l’on a pu voir également une exhortation à la paix, la
réconciliation nationale, la stabilité faite. En effet par les différentes intrigues
déployées mettant en scène atrocités, conflits armés au sein d’une république, les

90
Paul RICOEUR, Temps et récit, Tome III, Paris, Seuil, 1985, p.331
91
Idem, p. 342.

80
auteurs ont voulu faire comprendre aux lecteurs l’importance de la paix et de la
fraternité dans un pays afin d’améliorer le cadre socio-politique ivoirien qui se faisait
de plus en plus délétère. Cette promotion de la paix et la stabilité permet d’envisager
Venance Konan et Maurice Bandaman, et par extension l’ensemble des écrivains
ivoiriens, comme des acteurs considérables de la réconciliation nationale et du retour
de la cohésion sociale.

Par ailleurs, par les positions sociales et les discours politiques partiaux des
différents auteurs étudiés, l’on s’est rendu compte que la littérature en générale, et le
genre romanesque en particulier, parait comme un prétexte pour un véhicule d’une
idéologie politique. Car même si les trames des œuvres étudiées recèlent d’évènements
fictifs émanant de la souveraineté des auteurs, on peut dire qu’elles ont
vraisemblablement recours à des faits réels vécus constituant les temps forts de la crise
ivoirienne de 1999 à 2011.

L’on pourrait dire que cette étude trouve son sens car elle permet de se plonger
dans le débat littéraire fait à propos de la crise ; elle permet également de cerner les
avis politiques de certains écrivains ivoiriens. On a pu saisir toute la portée politique
que peut avoir une œuvre littéraire cruciale des écrivains dans le processus de sortie
de crise ivoirienne, un rôle qui s’articule essentiellement autour de la promotion de la
paix et de la stabilité politique en Côte d’Ivoire. Venance Konan et Maurice Bandaman
ne se sont dérobés à ce principe. Car même si on peut leur reprocher la partialité dont
leurs écrits sont l’objet et l’antipathie non dissimulée qu’ils éprouvent pour l’ancien
régime dirigé par Laurent Gbagbo, on se rend compte qu’ils se sont érigés en hérauts
de la paix, du pardon, de la réconciliation pour une Côte-d’Ivoire meilleure. Ainsi cette
étude aura permis de montrer que les écrivains ivoiriens marchent dans le sillage de la
promotion du pardon, de la réconciliation. Et de la sensibilisation au retour de la
stabilité.
Par ailleurs, il conviendrait de relever que cette étude aura également permis
de déceler le manque de neutralité politique et le défaut d’objectivité des auteurs dans
le jugement critique des faits et dans la peinture des préjudices causés par cette
situation socio-politique trouble qu’a connue la Côte-d’Ivoire. L’exemple de Venance

81
Konan et Maurice Bandaman nous ont permis de comprendre que les écrivains
ivoiriens s’inscrivent dans une logique partisane et militante que ce soit pour le régime
en place comme pour le régime précédent.
Ces occurrences permettent de comprendre un fait majeur en rapport avec les
écrivains ivoiriens dans leur participation dans la crise ivoirienne : leur manque de
neutralité et leur militantisme politique parfois dissimulés derrière la promotion des
idéaux de paix et de stabilité. On comprend aussi que la plupart de leurs œuvres aient
eu une connotation politique. Car comme le laisse entendre Xavier Garnier: « La
littérature est un outil privilégié pour l’analyse politique ».92
Ce propos révèle toute la prépondérance que peut occuper un pont de vue ou
une analyse politique dans la littérature. On déduit donc que l’essence de la littérature
associe l’aspect politique. C’est en cela que Kossi Wonouvo Gnagnon a pu dire :
Toute écriture est foncièrement politique, c’est-à-dire
naturellement lié à la société, reflétant la réalité organique même
de cette dernière, un peu comme son esprit ; d’ailleurs, il est
facile de lire l’histoire de la société dans l’histoire des Signes de
la Littérature.93

Nous comprenons ainsi que toute œuvre littéraire est, soit d’une inspiration
politique, soit au service d’un objectif politique précis ou à la solde du point de vue
politique de l’auteur pouvant être le fruit de son engagement et de son militantisme
politique. Cela ne dénie pas, cependant, à la littérature et eux écrivains tout leur
importance et leur place non négligeable dans la société puisqu’étant nécessaire à la
construction d’une nation, à la consolidation du tissu social et national par le biais du
réalisme dans les œuvres romanesques.
En Outre, nous pouvons penser que la littérature ivoirienne n’est pas en marges
des réalités ivoiriennes. Cette étude a permis de voir la littérature ivoirienne, en
général et le roman en particulier se hisser au diapason des réalités ivoiriennes
actuelles. L’on pourrait dire que le genre romanesque contemporain est en crise, car il
témoigne de la partialité du sujet écrivant.

92
Xavier GARNIER, Les formes « dures » du récit : enjeux et combats, in Notre Librairie, Revue des
littératures du Sud, « Penser la violence », n◦148, Juillet-septembre 2002, p.54.
93
Koffi Wonouvo GNAGNON, Écriture et politique dans En attendant le vote des bêtes sauvages de
Ahmadou Kourouma, Université de Lomé Togo-Maitrise en lettres 2009.p.20.

82
BIBLIOGRAPHIE

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87
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PIERRE Georges, Dictionnaire de la Géographie, Paris, PUF, 1970.

88
TABLES DES MATIḖRES

89
DEDICACE .............................................................................................................................. I

REMERCIMENTS .................................................................................................................. II

SOMMAIRE .......................................................................................................................... III

INTRODUCTION ................................................................................................................... 1

PREMIḖRE PARTIE : LA FICTIONNALISATION DES FAITS HISTORIQUES DE LA


CRISE MILITARO-SOCIO-POLITIQUE IVOIRIENNE .................................................... 10

CHAPITRE I : LA SUCCESSION DES ÉVḖNEMENTS ET LES PROCÉDÉS


STYLISIQUES DE FICTIONNALISATION DE LA CRISE IVOIRIENE ......................... 12

I-LA SUCCESSION DES ÉVḖNEMENTS .......................................................................... 12

I-1-L’injustice faite aux « gens du Nord » ............................................................................. 12

I-2- La Confrontation entre le Nord et le Sud ........................................................................ 15

II-LES PROCÉDḖS STYLISTIQUES DE LA FICTIONNALISATION DE LA CRISE


IVOIRIENNE ........................................................................................................................ 17

II-1- L’hyperbole ................................................................................................................... 18

II-2- La métaphore ................................................................................................................. 20

II-3- La Comparaison ............................................................................................................. 21

CHAPITRE II : PERSONNAGES FICTIFS ET ACTEURS HISTORIQUES POUR UNE


DIALECTIQUE ACTANTS/ACTEURS, PERSONNES DE PAPIER/PERSONNES DE
CHAIR ................................................................................................................................... 23

I-PERSONNAGES FICTIFS DU PARTI AU POUVOIR ET LEURS CORRESPONDANTS


............................................................................................................................................... 24

I-1-« Le Camarade président » et « Kanégnon », prototypes de Laurent Gbagbo ................. 24

I-2- « Gargamel » et « Gbagla-dodo », prototype de Simone Ehivet Gbagbo ....................... 26

I-3-« Allana » et « le Général », prototypes de Charles Blé Goudé....................................... 29

II-PERSONNAGES FICTIFS DE L’OPPOSITION ET LEURS CORRESPONDANTS .... 31

II-1- Le général Robert Guéï en arrière-plan de « Le général Noël » et du « chef de l’armée »


............................................................................................................................................... 31

II-2-« Lasso » et « le patron des forces Terrible », prototypes de Guillaume Soro ............... 33

II-3- « Le premier camarade », prototype de Blaise Compaoré ............................................. 35

90
II-4-« Le leader charismatique du Nord », double de Alassane Ouattara .............................. 36

DEUXIEME PARTIE : ESPACES ET TEMPS ROMANESQUES DANS LA


FICTIONNALISATION DE LA CRISE IVOIRIENNE ....................................................... 38

CHAPITRE I : ESPACES ROMANESQUES ET RÉFÉRENCES HISTORIQUES............ 40

I-LA CÔTE D’IVOIRE EN TOILE DE FOND DANS LE CORPUS .................................. 41

I-1-Un espace crisogène ......................................................................................................... 42

I-2-Une cité, deux mondes ..................................................................................................... 44

II-LES VILLES RÉFÉRENTIELLES CITÉES PAR LES ROMANCIERS ......................... 47

II-2- Ouagadougou en arrière-plan de « Gaoual » ................................................................. 48

CHAPITREII : TEMPS ROMANESQUES DANS LE DISPOSITIF ................................... 50

I-LES VOIX NARRATIVES PRINCIPALES ...................................................................... 51

I-1-Narrateur hétérodiégétique chez Venance KONAN ........................................................ 52

I-2-Narrateur homodiégétique chez Maurice Bandaman ....................................................... 55

II-NIVEAUX DE NARRATION........................................................................................... 56

II-1-Le récit emboîté .............................................................................................................. 56

II-2- La mise en abyme .......................................................................................................... 57

TROISIEME PARTIE : LES ENJEUX DE LA FICTIONNALISATION DE LA CRISE


IVOIRIENNE ........................................................................................................................ 60

CHAPITRE I : LA RÉÉCRITURE DE LA CRISE COMME MOYEN D’ESPRESSION


D’UNE PRISE DE CONSCIENCE ....................................................................................... 62

I-GUÉRIR LES MAUX DE LA CRISE PAR LES MOTS. .................................................. 62

I-1- Penser la crise ivoirienne pour panser les traumatismes ................................................. 62

I-2- Écrire la crise pour la conjurer ........................................................................................ 64

II-L’EXHORTATION Á LA STABILITE ............................................................................ 65

II-1-Promouvoir la réconciliation .......................................................................................... 65

II-2-Promouvoir la démocratie............................................................................................... 66

CHAPITRE II : LA LITTÉRATURE COMME PRÉTEXTE POUR UN VÉHICULE


D’UNE IDÉOLOGIE POLITIQUE ....................................................................................... 68

91
I-ROMAN IVOIRIEN CONTEMPORAIN, UN ROMAN Á CARACTḖRE POLITIQUE . 68

I-1-La partialité du sujet écrivant dans le texte ...................................................................... 68

I-2-La prééminence du « moi » social et politique sur le « moi » artistique......................... 72

II-LES PARTICULARITḖS DU DISCOURS POLITIQUE DE VENANCE KONAN ET


MAURICE BANDAMAN..................................................................................................... 73

II-1-La peinture péjorative de Laurent Gbagbo ..................................................................... 74

II-2-La légitimation de la rébellion ........................................................................................ 75

CONCLUSION ...................................................................................................................... 78

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 83

92

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