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MÉMOIRE DE MASTER
MENTION : LITTÉRATURES ET CIVILISATIONS
LA FICTIONNALISATION DE LA CRISE
DE
MILITARO-SOCIO-POLITIQUE IVOIRIENNE
DANS LE REBELLE ET LE CAMARADE
PRESIDENT ET L’ÉTAT Z’HÉROS OU LA
GUERRE DES GAOUS
I
REMERCIMENTS
L’entreprise de recherche est délicate. De même, toute quête de la
Connaissance est véritable gageure, voire une parturition. Aussi insatisfaisante que
cela paraisse toujours, il ressort, au terme de cette quête, du bonheur et de la joie. Ce
bonheur est lié au concours apporté par nombre de personnes pour lesquelles notre
reconnaissance, à leur endroit ne saurait suffir. Toutefois, puissent notre hommage,
notre reconnaissance et notre gratitude être à la hauteur de leur contribution.
-Notre mère Konan Djue Odette, notre oncle Kouakou Omer, notre oncle Amani
Jérôme, notre tante N’guessan Claudine et toute notre Famille qui nous ont soutenu,
assisté et encouragé dans la voie que nous avons choisie.
-Nos amies Gbogou pascale, N’goran Andréa, Amany Lydie et bien d’autres que nous
ne pouvons pas citer. Á Gbogou Pascale particulièrement, nous savons infiniment gré
pour son assistance, son amour et ses conseils.
II
SOMMAIRE
INTRODUCTION……………………………………………………………………1
CONCLUSION……………………………………………………………………...78
BIBLIOGRAPHIE....………………………………………………………………..83
III
INTRODUCTION
1
Le discours romanesque ne constitue certes pas un modèle de précision ni de
complexité, mais pour peu qu’on s’y attarde, il porte toujours une question ou plutôt
une idée qui, de quelque manière, présente des aspects référentiels de la société. Ce
discours est, en général, jalonné de grands thèmes qui coïncident avec l’espace dans
lequel il évolue. Bien entendu, toute littérature se calque sous le modèle social de son
époque. La littérature ivoirienne, particulièrement le roman, ne déroge pas à ce
principe. Le roman ivoirien contemporain, en effet, s’inspirant de l’histoire récente de
la Côte d’Ivoire, examine, actualise, réactualise et fait le procès des évènements qui
ont marqué l’évolution de la société ivoirienne. Le fait le plus marquant de ces deux
dernières décennies est la crise politico-militaire qui a plongé le pays dans une longue
période d’instabilité.
Cette crise, en effet, tire ses origines dans les années 90, avec le premier coup
d’ÉTAT de 1999 jusqu’à son explosion en 2002 : début de la rébellion et des conflits
armés en Côte d’Ivoire. L’écrivain, témoin de son époque, oriente son œuvre vers le
tragique perçu comme le moment où la société ivoirienne élabore elle-même le rituel
de sa propre représentation. La visée de ces écrivains est de déchiffrer les différentes
forces qui traversent et agitent la société comme les indices d’un malaise qui est, en
définitive, négation de la vie. Leurs écrits sont et représentent le lieu de recensement
des maux d’une nation en déliquescence progressive.
Ainsi, afin de ressortir les effets de cette crise dans le roman ivoirien, nous
avons décidé de réfléchir sur le sujet suivant : «La fictionnalisation de la crise
militaro-socio-politique ivoirienne dans Le Rebelle et le camarade président1 et
L’ÉTAT Z’HÉROS ou la guerre des gaous de Maurice Bandaman2 ».
1
Venance KONAN, Le Rebelle et le camarade Président, Abidjan, Frat Mat, 2012.
2
Maurice BANDAMAN, L’ÉTAT Z’HÉROS ou la guerre des gaous, Abijan, Frat Mat, 2016.
2
Tels que présentés, les termes clés du sujet méritent quelques explications.
D’abord, le terme de « fictionnalisation » découle du mot « fiction », défini comme
étant la création, l’imagination ou ce qui concerne l’imaginaire. Elle est, selon Michel
Guillou et Marc Moingeon, « tout ce qui relève de l’imaginaire, œuvre, genre littéraire
dans lesquels l’imagination a une place prépondérante3 ». Il en résulte que l’acception
la plus répandue est l’admission de la fiction comme affirmation douteuse ou fausse.
Cette vision péjorative est courante dans l’usage populaire et pose la fiction comme un
paradigme à des notions comme contre-vérité, abstraction, littérature et récit. Elle est
aussi, selon l’idée de Jean Marie Schaeffer « une séquence narrative ou représentative
traitant d’évènements non réellement survenus, mais sans nécessairement afficher son
caractère de feinte »4. Dans l’usage commun, le terme recouvre l’ensemble de la
littérature imaginative, en opposition aux textes à prétention véridique (telles les
chroniques historiques, les biographies et l’autobiographie). Il y a ensuite le terme
« crise », renvoyant en quelque sorte, à un évènement social qui se caractérise par un
paroxysme des souffrances, des contradictions ou des incertitudes, pouvant produire
des explosions de violence et de révolte. Elle peut désigner aussi une rupture
d’équilibre.
3
Michel GUILLOU, Marc MOINGEON, Dictionnaire Universel, Paris, Seuil, p.593.
4
Jean Marie SCHAEFFER, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999, p.60.
3
De ce fait, les « romans de crise », c’est-à-dire roman ivoirien produit en
période de crise, révélerait que les auteurs de cette période ne parviennent pas à
dissocier le « moi créateur » du « moi social ». Ainsi, nous constatons le manque
d’autonomie du sujet de l’écriture au profit de son champ politique d’appartenance.
Les œuvres étudiées seront ainsi considérées, dans cette perspective, comme le
lieu d’interactions profondes entre trois « instances » indissociables : d’abord en tant
que texte littéraire, ensuite en tant que monde représenté et univers fictionnel
occupant « l’espace imaginaire », et enfin, en tant que « jugement moral ».
4
certification faite par le représentant des NU en Côte d’Ivoire par l’une des parties
adverses, l’ONU, selon Mahougnou Emmanuel Odilon Koukoubou, aurait « brillé de
par passivité » et serait « contentée de critiquer et de dénoncer les différentes exactions
et atteintes aux droits humains sans toutefois mener des actions concrètes en vue d’y
mettre un terme »5.
5
Mahougnou Emmanuel Odilon KOUKOUBOU, «L’organisation des Nations Unies et l’Union
Africaine dans la gestion des crises Politiques en Afrique : cas des crises Libyenne et Ivoirienne »,
Université d’Abomey, Bénin, 2006, p.40.
6
Idem, p.41.
7
Florence Aboua KOUASSI, « Historicisation et fictionnalisation du coup d’état ivoirien 1999 dans le
roman éponyme COUP D’ÉTAT de Régina yaou », in interFrancophonie n°74-76, 2003.
5
Michel LUNTUMBUE, de son coté, avec son analyse « Comprendre la
dynamique des conflits, une lecture synthétique des facteurs de conflits en Afrique de
l’Ouest », sous un angle plus critique, essaie d’identifier les éléments qui justifient la
présence et la perpétuation des relations conflictuelles en Afrique. Il souligne que la
plupart des crises et conflits en Afrique sont abordés dans bon nombre d’entités
médiatiques sous l’explication de la confrontation « ethnique » ou de l’avidité et des
luttes du pouvoir d’état entre les dirigeants politiques locaux ; une telle lecture est
plutôt « réductrice », selon lui, parce qu’émanant d’une approche déterministe des
réalités africaines, qui tend à surévaluer les causes économiques et identitaires. Son
analyse va plus loin dans le décryptage des causes des conflits contemporains en
Afrique. Elle se propose, en effet, de présenter une approche plurielle de ces facteurs
des conflictualités inhérentes à l’Afrique, permettant ainsi une mise en perspective
scripturale plus dynamique des conflits africains.
8
Tzevetan TODOROV, Poétique de la prose, Paris, Seuil, 1971. p.35.
9
Josias SEMUJANGA, « La littérature africaine des années quatre-vingt : les tendances nouvelles du
roman », in Présence francophone, n°41, 1992, pp.41-86.
6
romanesque. Comme l’affirme Claude Duchet : « Le dedans de l’œuvre et le dedans
du langage : la sociocritique interroge l’implicite, le non-dit ou l’impensé, le silence
des formules, l’hypothèse de l’inconscient du social du texte »10
En tant que texte littéraire, le roman se compose avant tout de mots, donc de
signes. La tâche de l’analyse est dès lors d’interroger en priorité ces signes. Cela
justifie le recours à la narratologie. Considérée comme science de la narration, la
narratologie est une discipline fondée essentiellement sur l’étude des textes narratifs.
Sa spécificité est qu’elle envisage l’analyse du « contenu » du texte, non du point de
vue de la thématique et de l’idéologie, mais surtout et avant tout du point de vue de la
narrativité. La définition qu’en donne Gérard GENGEMBRE semble assez explicite.
Selon lui :
10
Claude DUCHET, Sociocritique, Paris, Éditions Fernand Nathan, 1979, p.4.
11
Gérard GENGEMBRE, Les grands courants de la critique littéraire, Paris, Seuil, 1996, p.37.
7
Cette méthode, dite critique textuelle, est une approche structuraliste du texte
littéraire. C’est la logique du récit que l’analyse structurale considère comme
essentielle. Elle permet d’étudier, de façon minutieuse, le fonctionnement du narratif.
Ainsi, la spécificité de cette recherche est qu’elle est basée essentiellement sur
la méthode fondamentale qui concerne l’analyse d’un corpus écrit, d’un corpus
littéraire.
8
décrypter les espaces romanesques et références historiques dans le corpus. Il s’agira,
en d’autres termes, de retrouver les villes référentielles notoirement citées dans les
intrigues romanesques de Venance Konan et de Maurice Bandaman. En plus des
espaces romanesques et références historiques, nous aurons à analyser les temps
romanesques dans le dispositif narratif et les temps historiques que présente le corpus.
Á cet effet, nous nous attèlerons sur les voix narratives et les niveaux de narrations.
9
PREMIḖRE PARTIE :
LA FICTIONNALISATION DES FAITS
HISTORIQUES DE LA CRISE
MILITARO-SOCIO-POLITIQUE
IVOIRIENNE
10
Le roman est la reproduction ou la re-présentation de la réalité. C’est un
amalgame de réalité et fiction ; et l’univers imaginé et l’environnement de réel sont
étroitement associés l’un à l’autre. Conformément à la définition de Bernard Valette,
le roman admet « la présence d’un récit d’évènements réels ou fictifs 12». Et, il n’est
toujours pas facile de distinguer la réalité de la fiction dans un roman puisque la
frontière entre ces deux est floue. De la sorte, l’œuvre romanesque émane de
l’imagination humaine. Elle est une adresse de l’homme à l’homme (elle parle de
l’homme à l’homme). Il importe donc de mieux la comprendre afin d’élucider son
intentionnalité.
12
Bernard VALLETTE, Le Roman, Initiation aux méthodes et aux techniques modernes d’analyse
littéraire, Paris, Nathan, 1992, p.15.
11
CHAPITRE I : LA SUCCESSION DES ÉVḖNEMENTS ET LES
PROCÉDÉS STYLISIQUES DE FICTIONNALISATION DE LA
CRISE IVOIRIENE
En effet, Venance Konan nous narre l’histoire d’un pays situé en Afrique de
l’Ouest, qui est secoué par un conflit socio-politique qui engendre la partition du
territoire national en deux zones, dont « le Nord » et « le Sud ».
12
simplification, appelés « les gens du sud » et « les gens du
Nord.13
13
Venance KONAN, Op, cit, p.50.
14
Venance KONAN, Op, Cit, pp53-63.
13
Quant à Maurice Bandaman, à travers un récit fabuleux et extraordinaire qui
confère à l’intrigue qui s’y déploie une dimension de conte, de mythe et épopée, il
raconte le règne et les humeurs d’un président sanguinaire, dans un pays imaginaire
nommé Boubounie. L’on aperçoit, cependant, une société dominée par la mésentente,
le manque de cohésion sociale, manque d’hospitalité et remplie de querelle, une société
où sévit l’injustice.
1- Ce n’est pas pour voler des cabris que nous avons pris les
armes !
2- Ce n’est pas pour sauter les petites villageoises que nous avons
coupé le pays en quatre avec les forces loyalistes côté sud, les
forces impartiales à l’ouest et au centre, les mercenaires et les
milices à l’ouest, et enfin, nous, au nord ! (…) Ils disent avoir
pris les armes pour réclamer des cartes d’identité, leur
appartenance pleine et entière au territoire, à la patrie, et pour
hâter la démocratie.15
15
Maurice BANDAMAN, Op, cit, pp.140-167.
14
n’est pas authentique, que je l’ai usurpée ou falsifiée, que je suis
un étranger.16
Cet extrait permet de relever la discrimination qui se fait entre les citoyens du
pays avant la guerre. Il admet une connotation identitaire et permet d’illustrer
l’injustice entre les différents groupes ethniques qui emmènent les uns à ne pas
reconnaitre les autres comme des citoyens authentiques. L’intervention du vieux
Abdoulaye corrobore ce fait. L’on y perçoit également le tort que certaines populations
Boubouniennes ont eu d’être à proximité des frontières avec des pays voisins, ce qui
leur a valu d’être traitées d’étrangers pourtant citoyens Boubouniens. Ce fait pourrait
être assimilé à l’histoire de la crise ivoirienne et comprendre la prépondérance du fait
identitaire dans la naissance et la perpétuation de cette crise, fait se singularisant par
la non acceptation d’une certaine catégorie ethnique ivoirienne assimilée aux étrangers
tel est le cas du vieux Abdoulaye.
Le corpus d’étude présente une société dominée par l’injustice, une société
dominée par la marginalisation. Dominés et marginalisés, les « gens du Nord »
décident, cependant, de se faire justice en affrontant les « gens du Sud » par des armes.
Nous en voulons pour preuve l’extrait suivant :
16
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.195.
15
n’y eut pas de nouvelle élection, et le christ de vava demeura
président.17
Cet extrait met en évidence les affrontements qui ont lieu dans le pays fictif de
Venance Konan. Cet évènement pourrait s’assimiler à l’un des faits inhérents de la
crise ivoirienne. Ce fait inhérent est la victoire contestée de Laurent Gbagbo par le
général Robert Guéï qui s’était déjà proclamé vainqueur avant l’annonce des résultats,
chose qui a entrainé de véritables secousses dans la capitale et plusieurs affrontements
ayant fait plusieurs morts. Sur cette ligné, nous soulignons l’extrait suivant :
Puis une nuit, des coups de feu, des armes lourdes, des coups de
mortier couvrirent la ville. Au petit matin, on apprit la mort de
plusieurs autorités politiques et militaires. Mais l’armée
républicaine, vaillante et brave avait réussi à protéger les
institutions et le régime de Kanégnon. Elle procédait à un large
ratissage quand on annonça que les assaillants s’étaient repliés
plus au nord et demandèrent la démission du Président.19
17
Venance KONAN, Op, cit, pp.23-24.
18
Idem. p.149.
19
Maurice BANDAMAN, Op, cit. p.218.
16
pour se faire place dans la société Boubounienne, combat d’arrache-pied le pouvoir en
place avec à sa tête des dirigeants sudistes. Leur objectif est de lutter contre la dictature
des dirigeants sudistes et la mauvaise gouvernance de ceux-ci. Ce fragment pourrait
être aussi la peinture de l’opposition entre le peuple nordiste ivoirien et le peuple
sudiste ivoirien.
L’analyse des différentes trames de ces œuvres permet de voir les nombreuses
coïncidences qu’elles ont avec la réalité, les similitudes qu’elles entretiennent avec
fictionnalisation quand on les met en rapport avec les faits socio-politiques réels.
Pour l’étude qui nous concerne, nous travaillerons sur un procédé, à savoir les
figures de style. Tout texte devient très intéressant dans la mesure où il est animé de
tournures littéraires techniquement appelées « figures de style ». Est figure de style :
20
Georges DOUTREPONT, Littérature française, Namur, wesmael-Charlier, 1944, p.27.
17
En d’autre terme, la figure de style est un procédé qui consiste à rendre ce que
l’on veut dire plus expressif, plus impressionnant, plus convaincant, plus
séduisant…Elle est utilisée en littérature, dans les beaux discours mais aussi dans le
langage courant. Autrement dit, une figure de style permet de créer un effet sur le
destinataire d’un texte (écrit ou parlé).
II-1- L’hyperbole
L’hyperbole est une figure de style qui consiste à mettre en relief une idée au
moyen d’une expression qui la dépasse. Elle consiste en l’exagération des faits
présentés ou décrits. Pierre Fontanier en précise le rôle en ces termes :
Il faut dire que l’hyperbole repose souvent sur une métaphore. Et la volonté
d’exprimer le concret incite, en effet, le narrateur à grossir les éléments de son récit.
Dans le corpus a étude, cette technique d’exagération, de grossissement et
d’amplification est courante.
21
Pierre FONTANIER, Les Figures du discours, Paris, Flamarion,Champ Classique, 1821, p.123.
18
de ne pas lui enlever ce pouvoir avant qu’il n’ait dépassé les plus
grands d’État n’ayant jamais existé.22
En effet, l’on remarque une hyperbole dans cet extrait à travers la phrase : « Il
lui dit qu’ règnerait encore plus longtemps que tous ces hommes, parce que son
pouvoir venait directement de Dieu, savait que Dieu pourrait le lui enlever. ». Cette
figure admet une exagération en ce sens qu’aucun pouvoir politique ne peut parvenir
de « Dieu ». Car nous savons que « Dieu » est être invisible, surnaturel, on ne peut
donc le voir, le toucher. Par ailleurs, cette phrase exprime l’égocentrisme,
l’outrecuidance du Camarade président. Il voudrait s’accaparer du pouvoir, faire du
pouvoir sa propriété, montrant ainsi sa dictature. De même, la phrase : « (…) le
prophète Dago 1er qui dialoguait tous les jours avec Dieu, savait que Dieu avait décidé
de ne pas lui enlever ce pouvoir avant qu’il n’ait dépassé les plus grands d’État
n’ayant jamais existé. » admet également une hyperbole. Sachant que « Dieu » est un
être surnaturel et invisible, il ne peut donc dialoguer avec un être humain vivant et de
surcroît naturel. Car un dialogue demande la présence de deux êtres vivant de même
nature. Maurice Bandaman ne reste pas en marge dans cette utilisation de l’hyperbole.
Dans œuvre, il est écrit :
Dans cet extrait, l’on aperçoit l’hyperbole à travers la phrase : « Nanan Zeu le
président de la République, notre dieu sur Terre au pouvoir depuis sept cent soixante-
sept ans, prit la menace très au sérieux. ». L’on remarque, en effet, une exagération
en ce qui concerne la durée du pouvoir de Nanan Zeu. Par ailleurs, l’on pourrait dire
22
KONAN Venance, Op, cit, p.27.
23
Maurice BANDAMAN, Op, cit, p.36.
19
que le narrateur, à travers cette allégation, fait la critique du règne des dirigeants
africains, en particulier des dirigeants ivoiriens.
II-2- La métaphore
L’on remarque que l’auteur fait une comparaison implicite des guerres. Cela
s’aperçoit à travers la phrase suivante « Or la guerre qui a été imposée à Kanégnon
est un sale guerre». Ici « sale guerre » voudrait dire une grande guerre, une
dangereuse, tout devrait donc se faire avec précaution et attention pour pouvoir vaincre
le camp adverse (les rebelles).
24
Georges DOUTREPONT, Op, Cit, 1944.p.34.
25
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.130.
26
Venance KONAN, Op. Cit, p.148.
20
comparaison sous-entendue en ce sens que le narrateur qualifie « les combats » de
rudes c’est-à-dire difficiles. Cet extrait met en relief, les affrontements entre les
soldats « loyalistes » et les soldats « rebelles » lors de la contestation du pouvoir du
Camarade Président.
L’on pourrait dire que, ce fait témoigne du combat (échanges de tirs) qui a eu
lieu entre les rebelles et les forces de l’ordre, lors de la libération des différentes villes
assiégées par les rebelles.
II-3- La Comparaison
La comparaison est une figure qui opère une confrontation entre deux objets
ou réalités plus ou moins apparentes. Elle sert de référence pour mieux expliquer une
réalité quelconque. Dans ce cas, on rapproche deux objets dont le premier terme doit
être mieux connu pour pouvoir concrétiser le sens premier. En d’autres termes, la
comparaison établit un parallèle entre un premier terme (le comparé) et un deuxième
terme (le comparant), par l’intermédiaire d’une marque grammaticale. Cette marque
peut être un verbe (paraître, ressembler) ; un adjectif (pareil, semblable) ; un adverbe
(comme, ainsi que) ; une locution comparative (faire l’effet de, donner l’impression
de). Il importe de signaler que ce corpus contient des comparaisons.
27
Venance KONAN, Op, Cit, p.141.
21
au sème « boucs » qui sont des animaux. Cet extrait met en exergue, tous les
fétichismes auxquels les rebelles ont eu recours pendant la guerre. Ils prenaient des
bains dans des forêts sacrées, ils portaient des talismans, et avaient des interdits. Tous
ceux-ci dans la mesure assurer leur protection.
Maurice Bandaman de son côté écrit : « Eh oui ! Je vous le dis, la guerre, c’est
comme les corps brulant des jeunes vierges mineures de douze, treize ans que le
Président, les ministres et chefs de guerre dépucellent. »28 Ici cette comparaison met
en relief le plaisir que Kanégnon prend à faire la guerre. Sa soif du pouvoir, son
outrecuidance, et son plaisir le poussent à mépriser les vies humaines au point de les
conduire à la mort. Cette figure témoigne du comportement des dirigeants africains en
général, et particulier des dirigeants ivoiriens. Animés par la soif du pouvoir, et dans
le but de protéger leurs propres intérêts, ces dirigeants se donnent tous les moyens
possibles pour combattre tous ceux qui désirent s’opposer à leurs quêtes.
En somme, il faudrait retenir que tous ces procédés se tiennent dans leur
fonctionnalité par rapport à la fictionnalisation de la crise ivoirienne.
28
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.170.
22
CHAPITRE II : PERSONNAGES FICTIFS ET ACTEURS
HISTORIQUES POUR UNE DIALECTIQUE ACTANTS/ACTEURS,
PERSONNES DE PAPIER/PERSONNES DE CHAIR
23
protagonistes politiques ivoiriens ayant joués un rôle important et déterminant dans le
déroulement de la crise politique ivoirienne.
29
Venance KONAN, Op, Cit, p.22.
30
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.30.
24
et la vie privée un peu désordonnée que le peuple de la Cote d’Ivoire reconnaissait à
l’ancien président ivoirien :
Ces personnages, en plus, comme l’ancien président Laurent Gbagbo, sont les
premiers opposants dans les différentes fictions dans lesquelles ils agissent. Ils
combattent pour la liberté, créent un parti politique d’opposition, accèdent à la
magistrature politique après un trouble politique à la suite des élections présidentielles
et voient leurs règnent déchirés par un coup d’État manqué et une rébellion armée
occupant et contrôlant une moitié du pays. Cette fictionnalisation de la vie
professionnelle et politique de Laurent Gbagbo est une mise en lumière par les pages
suivantes :
25
demeura le président…sous bonne escorte militaire pendant que
les affrontements se poursuivaient dans les rues de la Capitale. 31
31
Venance KONAN, Op, Cit, pp.21-24.
32
Maurice BANDAMAN, Op, Cit, p.35.
26
Dès le deuxième chapitre de la première partie de son œuvre, Venance Konan
présente l’ancienne première dame sous le couvert du personnage la femme du
Camarade Président comme une infirmière, une femme laide qui manque de
raffinement et de beauté qu’il n’hésite pas à nommer Gargamel, comme lui-même le
dit si bien, « à cause de sa ressemblance avec le personnage de la bande dessinée de
péyo ».
33
Venance KONAN, Op, Cit, p.22.
34
Idem, p.25.
27
réaliste car elle porte un jugement négatif sur Simone Ehivet Gbagbo. Ceci dit, le
roman de Venance Konan, même s’il fait allusion au soutien politique de Simone
Gbagbo à l’endroit de son époux, ne permet pas de mesurer la forte implication
politique de celle-ci dans l’histoire de la crise ivoirienne. Le roman de Maurice
Bandaman, par contre, offre une vision plus large sur la forte implication politique et
sur la posture profondément religieuse de Simone Gbagbo.
35
Maurice BANDAMAN, Op, cit. p.71.
28
Maurice Bandaman, par l’entremise du personnage de Gbagla Dodo, veut
montrer le manque d’innocence de Simone Gbagbo dans le déroulement de la crise
ivoirienne. Il profère ainsi une accusation implicite vis-à-vis de celle-ci : il l’accuse
d’avoir mal conseillé son mari et de l’avoir conduit à des actions avant dégradé au plus
mal la situation ivoirienne.
Charles Blé Goudé, l’une des figures déterminantes dans la crise politique
ivoirienne, ayant milité pour la cause du président Gbagbo est dépeint dans les œuvres
de Venance Konan et de Maurice Bandaman.
29
pour s’installer finalement en France avant l’arrivée du Camarade président. Après son
retour en Côte-D’ivoire, Allana profite des faveurs et avantages du président et crée à
la faveur de la crise politique qui secoue le pays fictif « l’Alliance des jeunes
volontaires pour la patrie » pour soutenir le Camarade président, qui n’est autre que
l’un de ses cousins.
Allana correspond en tous points à Charles Blé Goudé. D’abord, elle est de la
même tribu que le Camarade président ; une relation qui ressemble trait pour trait à
celle qui liait l’ex-président Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Elle était étudiante
en Anglais et syndicaliste, elle connaissait donc Lasso ; un fait diégétique
correspondant à la réalité estudiantine et sociale de Charles Blé Goudé ayant eu un
parcours universitaire en anglais qui connaissait également Guillaume Soro avant la
crise puisqu’ayant tous les deux dans les syndicats estudiantins.
Comme lui qui crée l’alliance des jeunes patriotes dont il devient le général au
service de la cause de Laurent Gbagbo, Allana crée l’alliance des jeunes volontaires
pour la patrie dont elle devient la générale pour combattre pour la cause du camarade
président qu’elle trouve noble et juste. On remarque donc que Venance Konan se sert
du personnage d’Allana pour décrire Charles Blé Goudé dont il signifie les réelles
motivations dans les extraits suivants :
Allana en conclut que Lasso était jaloux que ce soit leur clan, à
elle et au camarade président, qui soit au pouvoir, et non un clan
du Nord. « Les autres ont mangé pendant quarante ans, se dit
Allana. Nous, on vient à peine d’arriver, on n’a même pas encore
commencé à manger et ces gens du Nord veulent nous en
empêcher. On ne peut pas accepter une telle injustice. » 36
Á la lumière de ce passage, nous retenons que Venance Konan voit Charles Blé
Goudé comme étant une personne qui n’avait que pour soucis son ventre. S’il a
combattu pour la cause du président Laurent Gbagbo, ce n’était que, selon Venance
Konan, pour garder les nombreux avantages dont il profitait et la position importante
qu’il occupait. Cela nous permet de voir l’antipathie non dissimulée de l’auteur à
36
Venance KONAN, Op, cit, p.163.
30
l’égard de cette personnalité politique qu’il décrit comme sanguinaire, cruel (à cause
des atrocités commis à l’égard de certains étudiants qualifiés de rebelles, de certaines
manifestations à caractère violent et répressif) et soucieux de son ventre en raison de
ce qu’il gagnait personnellement en termes d’avantages économiques, matériel et
politique, qui serait la raison principale de son combat.
Comme Venance Konan, Maurice Bandaman présente Charles Blé Goudé par
le canal d’un de ses personnages qu’il nomme « le Général » à la tête des forces
scolaires et universitaires. Un personnage dont les émissaires n’hésitent pas à tuer et
pourchasser les étudiants et ressortissants étrangers ou d’autres provenances ethniques.
L’histoire de l’étudiant calciné pris pour rebelle en provenance du Nord par Akédèwa
et ses acolytes aux pages 110, 111,122 au chapitre 13 et celle de cette étudiante
courtisée par le Général ayant reçu la coquette somme de 200.000 frcs lors de sa
première rencontre forcée avec celui-ci permettent de voir tout le bénéfice que ce
personnage tirait de la crise politique en Bourbounie, de la scission du pays en deux.
Blé Goudé Charles est ainsi peint comme un étudiant syndicaliste acquis à la
cause de Laurent Gbagbo, pas pour le souci de la patrie, mais plutôt pour avoir le
bénéfice des largesses matérielles et financières pour mener une vie de débauche, une
vie et parfois légère pour se satisfaire.
Le général Robert Guéï pourrait faire partie des personnalités politiques auxquelles il
est fait allusion dans les œuvres de Venance Konan et de Maurice Bandaman. Il peut
correspond au général Noël dans l’intrigue de Venance Konan et au chef de l’armée
dans la diégèse conçue par Maurice Bandaman.
31
Si Maurice Bandaman se contente de mentionner le personnage « chef de
l’armée » renvoyant au général Robert Guéï à titre référentiel sans trop le faire agir,
Venance Konan, lui, propose une histoire qui fat voir plusieurs détails concernant le
général Robert Guéï que les Ivoiriens ont nommé Papa Noël, qu’il fictionnalise par le
personnage du général Noël. Voici quelques passages que nous nous sommes proposé
d’examiner :
L’examen de ces passages révèle qu’ils sont seuls importés des réalités de la
crise ivoirienne témoignant du général Guéï Robert. Par ces passages, on s’aperçoit
que derrière le personnage du général Noël se cache une volonté de Venance Konan
à décrire ou peindre le général Robert Guéï. Une peinture plutôt péjorative cat il
souligne au chapitre huit de la première partie le désordre et les exactions de l’armée
qui auraient été victimes eu lieu sous son règne mais aussi l’injustice et la répression
dont auraient été victimes les gens du Nord et les ressortissants des pays voisins :
37
Venance KONAN, Op, Cit, p.23.99
38
Idem, p.99.
32
une volonté de l’auteur d’inclure parmi les responsables des affres de la crise
ivoirienne la personnalité politique à laquelle il correspond vraisemblablement à savoir
le général Robert Guéï.
Guillaume Soro est le chef officiel de la rébellion qui est née en Côte D’Ivoire
à partir de Septembre 2002. Devenu ministre d’État et premier ministre dans les
gouvernements d’union pour la bonne marche du processus de sortie de crise, il était
auparavant étudiant syndicaliste. L’espace romanesque de Venance Konan et de
Maurice Bandaman intègre une fictionnalisation de cette entité politique.
Venance Konan, dans son œuvre soumise à analyse, donne plusieurs éléments
qui montrent que l’un de ses personnages fait référence à Guillaume Soro. Le
personnage de Lasso qu’il met en scène, en effet, dès l’incipit de son ouvrage est un
individu téméraire qui vient du Nord, qui figure aux rangs des rebelles et qui devient
par la suite leur chef. Il se trouve dans les gouvernements d’union imposés au
Camarade Président. Mais bien avant il œuvrait au sein du syndicat des étudiants.
Cette vue panoramique de la vie fictive de Lasso, qui est le personnage qui se
cache derrière l’expression « Le rebelle » incluse dans le titre de l’ouvrage étudié,
laisse croire à un réalisme débordant de la part de Venance Konan qui aurait pour but
de laisser entrevoir Guillaume Soro. Voici l’extrait qui fait le portrait de Lasso, lequel
portrait correspond vraisemblablement à celui de Guillaume Soro :
33
que la délégation serait finalement dirigée par Lasso. C’était
Lasso qui dirigeait la délégation de la rébellion 39
39
Venance KONAN, Op, cit, p.98.
40
Venance KONAN, Op, cit, p.189.
34
L’ÉTAT Z’HÉROS qu’il met en scène « le patron des forces terribles » devenu ministre
d’État auquel on refuse l’accès à la salle du conseil de ministres. L’échange entre celui-
ci et Kanégnon le président de la république de Boubounie permet à Maurice
Bandaman de peindre Guillaume Soro comme un homme enraciné dans le fétichisme
et le mysticisme. Le champ lexical de l’occultisme présent depuis le début du chapitre
corrobore un tel état de fait :
Cet échange permet également de voir que ce personnage est le chef dans
l’autre moitié du pays contrôlée par les forces rebelles. Il est tout à fait logique qu’il
soit déduit qu’il s’agit d’une allusion à Guillaume Soro, chef de la rébellion devenu
maintenant président de l’Assemblée Nationale.
41
Venance KONAN, Op, cit, p.53.
35
d’accuser Blaise Compaoré l’ex président du Burkina Faso d’avoir cautionné et abrité
dans son pays la naissance et la préparation de la rébellion armée de Septembre 2002.
42
Venance KONAN, Op, Cit, pp.149-205.
36
Alassane Ouattara accusé d’être un Burkinabé ou de nationalité voltaïque qui n’a guère
pu se présenter aux élections d’Octobre 2000 pour nationalité douteuse.
En somme, nous pouvons dire que cette première partie nous a permis de
comprendre la situation ivoirienne au prisme des œuvres supports qui en font une
fictionnalisation. Elle nous a permis de percevoir également les différents évènements
et les personnages acteurs de la crise ivoirienne. Ainsi, retenons que l’analyse du
corpus laisse entrevoir l’espace romanesque comme étant le lieu de la fictionnalisation
de la crise ivoirienne.
37
DEUXIEME PARTIE :
38
La lecture des œuvres supports Le Rebelle et le Camarade Président de
Venance Konan et L’ÉTAT Z’HÉROS ou la guerre des gaous de Maurice Bandaman
permet d’entrevoir l’espace romanesque comme étant le lieu de la fictionnalisation de
la crise ivoirienne. Pour mieux cerner l’’étude de l’espace et temps romanesque dans
cette fictionnalisation de crise ivoirienne, nous proposons, en effet, deux chapitres :
-Le premier chapitre portant sur les espaces romanesques et les références
historiques, s’attachera à mettre en relief la Côte-d’Ivoire en toile de fond dans le
corpus à étude et les villes référentielles citées par les auteurs.
39
CHAPITRE I : ESPACES ROMANESQUES ET RÉFÉRENCES
HISTORIQUES
Dans le corpus d’étude, les espaces que les auteurs présentent et décrivent sont
des espaces fortement inspirés de la réalité extra-diégétique. Les romanciers
s’inspirent donc du hors-texte pour créer leurs espaces fictionnels, leur monde affiche
de facto des caractéristiques propres aux espaces référentiels dont ils émanent.
L’hyper-textualité, à l’œuvre dans la relation qu’on établit entre les espaces créés du
romancier et les espaces historiquement identifiables et géographiquement
localisables, révèle le rapport primordial entre l’Histoire et le roman que Venance
Konan et Maurice Bandaman suscitent dans leur création fictionnelle.
Au demeurant, même si les espaces figurés dans les œuvres de Venance Konan
et de Maurice Bandaman ne se localisent pas dans des termes proprement
géographiques du répertoire des latitudes, des longitudes, des parallèles, des méridiens
et de l’équateur, ils sont tout de même identifiables à travers les indices historiques
que les auteurs leur affectent. On pourrait par conséquent les appréhender comme
romans-historiques au sens où l’entend Pierre Morère :
43
Pierre MORḖRE : « Historique et récit dans Redgauntlet de Walter SCOTT », in : CALIBAN (Le
roman historique), 1991, Toulouse : Presses Universitaire du Mirail, pp.29-30.
40
Il apparaît donc très clairement que les espaces romanesques du corpus ne
révèlent pas de la topographie44 au sens géographique du terme auquel cas ils seraient
une production servile d’espaces déjà existants. C’est ce à quoi renvoie cette double
définition. En cartographie, la topographie désigne :
En géographie :
Mais ils sont plus issus du topos désignation du lieu et qui est plutôt création d’espace.
Il se développe alors une « toposémie inductive » ; dans la mesure où à travers la
désignation des différents espaces référentiels historiques, « la mimésis » qui découle
du rapport entre espaces- romanesques et fictionnels d’une part, d’autre part sociaux-
et historiques est le coefficient sociolectal qui existe entre l’Histoire et la fiction dans
les romans de Venance Konan et de Maurice Bandaman. C’est pourquoi les villes et
pays limitrophes sont respectivement des désignations périphrastiques et mimétiques
qui mettent en relief la Côte-d’Ivoire et ses pays limitrophes.
44
Pierre George, Dictionnaire de la Géographie, Paris : PUF,1970 ,p.460.
45
Idem, p.460.
46
Ibidem, p.460.
41
ivoirienne et auxquels les romanciers font allusion dans leurs écrits. Quant à la
référence aux espaces ‘’réels’’, elle s’intéresse aux villes ou localités que les
romanciers créent en référence à la Côte-d’Ivoire ou qu’ils lui empruntent tout
simplement.
Dans la dialectique de la société, la crise nait d’un conflit. C’est donc une forme
d’antagonisme parce que :
47
Parfait DIANDUE BI, « La dialectique de l’espace identitaire dans Allah n’est pas obligé d’Ahmadou
Kourouma » in Enquête N°15, Abidjan, EDUCI,2006. p.10.
48
Bernard Zadi ZAOUROU, « Littérature et Dialectique : Application de la dialectique matérialiste à
l’étude de la prose littéraire », in Revue du CAMES, Ouagadougou, Série B. Vol. 03, N°002, 2001.
49
-Idem, p.8
42
dislocation des ramifications sociologiques du pouvoir, c’est-à-dire les Appareils
Idéologiques d’État (AIE) que sont : la famille, la presse, surtout l’école et la justice.
Les Appareils d’État (AE) et les Appareils Idéologiques d’État (AIE) étant aux
mains des sudistes, les Appareils Répressifs d’État (ARE) sont en alerte maximale
pour maintenir ‘’la norme ‘’. Ici, la norme est « le résultat d’une réconciliation obtenue
par la force, parfois celles des armes » : « La normalisation est le fait de se soumettre,
contre sa volonté ou sous l’emprise d’une idéologie autoritaire, à une norme ou un
paradigme donné. Il y a des victimes consentantes et des victimes sanctionnées sans
avoir forcément tort. »51 Cette pratique d’embrigadement des libertés fondamentales
entraine des révolutions de palais : les coups d’État du général Noël et du général Béou
et la rébellion du Mouvement Patriotique pour la Libération de l’Afrique (MPLA)
dirigé par le sergent-chef Issé :
Le Nord adhère au combat des rebelles. Il devient très tôt leur bastion.
Fakinasso (pays frontalier au Nord) fait partie de l’espace de guerre. Car c’est dans cet
50
Venance KONAN, Op, cit, p.53.
51
Bailly SERY, « L’art et la politique entre normalisation et liberté » in Revue de Littérature et
d’esthétique négro-africaines N°11, Actes du colloque avec table ronde sur : Esthétique et politique : de
la laideur à la beauté, Abidjan, EDUCI, 2009. p.33.
52
Venance KONAN, Op, cit, p.127.
43
espace-pays que se conçoit, s’organise et prend forme cette rébellion armée. En effet,
c’est à Gaoual (espace-ville que le recrutement de soldats mercenaires constitués de
déserteurs de l’armée se fait. Ces soldats exilés adhèrent doc au projet de
déstabilisation du régime du Camarade Président. Il en découle que l’espace participe
de l’action révolutionnaire. Il ne sert pas uniquement à ancrer le récit dans un cadre
référentiel. Il participe aussi de la signification du récit : la lutte pour la liberté.
53
Venance KONAN, Op, cit, p.246.
54
Maurice BANDAMAN, Op, cit, p.232.
44
à celui de Maurice Bandaman, le système centralisateur de la trame évènementielle de
Venance Konan est un espace-pays africain anonyme doté de trois espaces-pays
frontaliers : le Mandeso et le Fakinasso au Nord, et le Freeland à l’Est. En d’autres
termes, la médiatisation des relations interpersonnelles est soutenue par l’organisation
spatiale.
Mais cela n’a pas suffi pas à leur bonheur. Alors, ils ont
commencé à baiser nos femmes pour que nous sachions que ce
sont eux les maitres. Ça nous a fait mal, mais on a fini par s’y
faire(…). Quand ils ont vu que ça ne nous faisait plus mal, ils se
sont mis à baiser nos filles de quatorze et treize ans. Quand ils
ont vu que ça ne nous faisait plus mal, ils se sont mis à baiser nos
55
Venance KONAN, Op, cit, p.51.
56
Idem, p.52.
45
garçons. Eh ! Mes frères. En ce moment même au pays, on ne
sait plus qui est garçon, qui est fille.57
57
Ibidem, p51.
58
Venance KONAN, Op, cit, p.100.
59
Idem, p.103.
60
Henri MITTERAND, « Les titres des romans de Guy des Cars », in Sociocritique (Sous la Direction
de Claude DUCHETt), Paris, Fernand Nathan, 1979, p.90.
46
Hoek permet d’en faire une analyse efficiente. Ce dernier « distingue (…) entre deux
sortes de titres : le ‘’titre subjectal’’, qui désigne le sujet du texte, exemple Amour de
ma vie, et ‘’le titre objectal’’, qui désigne le texte en tant qu’objet, c’est-à-dire en tant
qu’appartement à une classe donnée de récits, exemples Aventure de…, Révélations
sur…, Histoire de…, etc. »61 De cette classification, l’on retient que Le Rebelle et le
Camarade Président est un titre Subjectal.
61
Henri MIITERAND, Op, Cit, p.91.
47
guerre et que l’armée nationale s’est lancée vainement à la
reconquête de la ville. La radio et la télévision annoncèrent
pourtant que la ville avait été libérée.62
62
Maurice BANDAMAN, Op, cit, pp.186-196.
63
Venance KONAN, Op, cit, p.97.
48
Fakinasso, il demanda à son ministre de La Défense de chercher
à savoir ce qu’il en retournait. 64
64
Idem p.113.
49
CHAPITREII : TEMPS ROMANESQUES DANS LE DISPOSITIF
NARRATIF ET TEMPS HISTORIQUES
Le système narratif dans le corpus d’étude est assez varié. Remarquons que
d’un roman à l’autre, une structure narrative pourrait s’adapter à la structure sociale
qui gouverne l’intentionnalité de création des romanciers ; en d’autres termes, chaque
roman dans son organisation narrative corrobore la période historique d’écriture par le
narrateur. Il y a donc une intime corrélation entre la forme et le fond qui renvoie à la
fois au sens immédiat de l’histoire narrée, de la diégèse et à l’interprétation qui peut
en découler, notamment l’histoire de la société de l’auteur et tous ses corollaires. Il en
ressort que les systèmes narratifs et les mobiles ou sujets d’intérêt de l’auteur se
donnent mutuellement sens. Il s’établit et se développe ainsi un réseau de
communication qui gère difficilement la distinction entre les couples en présence dans
la relation narrateur/narrataire et auteur/lecteur. Cette vision des faits nous amène à
constater que l’organisation formelle du discours de l’instance narrative dans les
romans de Venance Konan et de Maurice Bandaman est caractéristique de l’Histoire
des sociétés humaines racontées par les auteurs. Cette relation d’inter-généricité
témoigne du rapport entre Histoire et fiction. Le fond est ici mis en valeur par la forme.
65
Yves REUTER, L’Analyse du récit, Paris : Nathan, Col.Lit.128, 2000, p.60.
66
Idem, p.61.
50
est raconté dans la narration »67, « L’ordre désigne le rapport
entre la succession des évènements dans la fiction et l’ordre dans
lequel l’histoire est racontée dans la narration68.
La question des voix narratives (qui parle et comment ?) renvoie aux relations
entre le narrateur et l’histoire qu’il raconte. Elle permet de distinguer,
tendanciellement, deux façons de narrer fort différentes. Gérard Genette expose cela
très précisément dans les lignes suivantes :
Par extension, les voix narratives concernent les différents types de narrateur
contenus dans un récit. Et en ce qui concerne notre étude, nous disposons un narrateur
dit hétérodiégétique chez Venance Konan et un narrateur homodiégétique chez
Maurice Bandaman.
67
Idem, p 62.
68
Idem, p.63.
69
Gérard GENETTE, Figures III, Le Seuil, 1978.p.117.
51
I-1-Narrateur hétérodiégétique chez Venance KONAN
Par définition, il est le narrateur qui n’appartient pas à l’histoire qu’il narre. Il
parle des personnages, des relations qui les lient, de leur faire et de leur être. Sa passion
est, par conséquent, une position omnisciente d’autant plus qu’il sait tout. Il se
matérialise par le pronom personnel « il » et ses dérivés (eux, son, sa, lui, ceux, elle,
etc..). La position en hauteur qu’il occupe par rapport au récit lui permet de jeter un
regard synoptique sur l’enchainement de la diégèse. Il est à la fois très proche et très
loin des personnages. Il est omniscient et détient les clés du récit. Le narrateur
hétédiégétique dans Le rebelle et Camarade président à travers la fonction référentielle
du langage fait le bilan de la crise socio-politique ivoirienne. Son discours est la
référence du narrataire. Francis Berthelot dans l’approche qu’il a du narrateur
hétérodiégétique écrit que :
70
Francis BERTHELOT, Parole et dialogue dans le roman » Paris : Nathan, 2001, p.117.
52
caché dans une hutte au milieu de la forêt. Après des journées
d’émeutes, quelques soldats de la tribu du Christ de Vava se
retrouvèrent contre le général Noël et ils furent rejoints par les
soldats originaires du nord du pays. Ils allèrent chercher le Christ
de Vava tout tremblant dans sa cachette et l’installèrent tout
hébété au pouvoir. Le général prit la fuite. Quelques jours plus
tard, son corps criblé de balles fut découvert au bord d’une route
qui longeait une lagune. On raconta qu’il avait été tué par sa
garde rapprochée qui s’était aussitôt ralliée au Christ de Vava. 71
Cet extrait témoigne que le narrateur est un narrateur hors texte, dont un
narrateur hétérodiégétique. Les éléments qui le démontrent sont les pronoms
personnels « il et ils », à la troisième personne du singulier et du pluriel suivi de ses
dérivés « sa » qui sont les marques de l’hétérodiégétique.
71
Venance KONAN, Op, cit, p.23.
72
Venance KONAN, Op, cit, p.127.
53
Les combats furent rudes au début. Les rebelles avaient un bon
armement et l’appui des chasseurs traditionnels dont la seule vue
faisait fuir les soldats loyalistes, mais ils manquaient cruellement
d’hommes bien formés aux choses de la guerre et ils ne savaient
pas traduire le mot discipline dans leur langue. Tous les avions
de guerre du pays se trouvaient sous le contrôle de la rébellion,
mais ils n’avaient pas de pilotes et aucun des chasseurs
traditionnels ne réussit à faire voler un avion malgré leur science
grande science et le sang de tous les moutons qu’ils égorgèrent
et dont ils aspergèrent les avions.73
73
Venance KONAN, Op, Cit, p.148.
54
I-2-Narrateur homodiégétique chez Maurice Bandaman
C’est dans cette optique qu’Akèdèwa l’espion prend la porale pour contester
les dires de la Blanche (française) qui est venue mener ses investigations sur la crise
que vit la république de Boubounie. Il affirme :
Je sais tout. Mais la France ne pourra rien faire contre moi ! Ses
chars ne pourront pas atteindre le portail de ma résidence. Une
chose est sure maintenant : la guerre est ouverte, tout est clair, je
sais qui est qui, et qui est où. La France veut la guerre, elle aura
la guerre ! Rentrez dans vos appartements, là où nous sommes
maintenant, c’est moi et les jeunes qui allons montrer au
74
Maurice BANDAMAN, Op, cit, p.153.
55
créneau ! Quand la guerre est intéressante et claire comme c’est
le cas avec la France, ce n’est plus une affaire de militaire :75
II-NIVEAUX DE NARRATION
75
Idem. p.234.
56
Á ce niveau, nous convoquons l’œuvre de Maurice Bandaman dans laquelle, il
est écrit :
On distingue par le terme de mise en abyme le fait qu’un passage textuel, soit
reflète plus ou moins fidèlement la composition de l’ensemble de l’histoire, soit mette
au jour, plus ou moins explicitement, les procédés utilisés pour construire et raconter
76
Maurice BANDAMAN. Op .cit .pp 169-172.
57
l’histoire. En d’autres termes, la mise en abyme désigne l’enchâssement d’un récit dans
un autre récit, d’une scène de théâtre dans une autre scène de théâtre.
Dans le second cas de figure, on peut penser à nombre de romans de Perec qui
mettent en scène, de manière implicite, le procédé qui a présidé à leur composition.
Ainsi, dans La disparition de Perec, roman où ne figure aucun mot comprenant la
lettre « e », certains passages présentent des personnages à la recherche d’un livre
disparu qui est, comme par hasard, le cinquième d’une série de vingt-six…
Pour le cas qui nous concerne, l’on travaillera avec la première figure. Dans Le
Rebelle et le Camarade président, il est écrit :
Tu sais aussi que ces bâtards à qui nous avons donné l’hospitalité
dans nos villages et qui ont pris nos forêts.
Le Camarade président disait exactement ceci dans sa lettre
au premier camarade : 1. Tu n’es qu’un pauvre con. 2. Mon pays
est infiniment plus grand et plus riche que le tien. Ton misérable
pays ne vit que de ce que tes compatriotes émigrés dans mes
plantations lui envoient. Je n’ai qu’à fermer ce robinet et tu seras
à genoux. 3. Mes avions de guerre basés dans le nord de mon
pays peuvent balayer ta capitale et même tout ton pays si je le
veux…4. J’ai déjà infiltré ton armée et je sais exactement ce que
tu prépares contre moi. 77
77
Venance KONAN, Op, cit, p117.
58
voisin. En outre, l’étude du temps s’est fait à travers les différentes voix narratives
principales et les niveaux de narration.
59
TROISIEME PARTIE :
LES ENJEUX DE LA FICTIONNALISATION
DE LA CRISE IVOIRIENNE
60
Dans la mesure de comprendre cette dernière partie de notre travail, nous
proposons également deux chapitres.
-Le second chapitre titré la littérature comme prétexte pour un véhicule d’une
idéologie politique, s’intéressera au roman ivoirien contemporain, un roman à
caractère politique et les particularités du discours politique.
61
CHAPITRE I : LA RÉÉCRITURE DE LA CRISE COMME
MOYEN D’ESPRESSION D’UNE PRISE DE CONSCIENCE
Ce sont toutes ces questions – ces autant de questions devrions-nous dire –qui
tenterons d’être répondues dans cette partie de notre travail.
62
expérience, n'est-ce pas l'unique solution permettant de l'assumer pleinement et de
trouver, enfin, l'apaisement ?
63
politique de la Côte d’ivoire auraient certes pu être. Mais outre que ce programme de
recherche nécessiterait encore des années d’enquête, il risquerait de confiner à
l’illusion de l’exhaustivité monographique. Or il y aurait bien d’autres façons de
raconter cette histoire.
Véronique Tadjo utilise la fiction (le roman) pour penser l’Histoire. Elle fait de
la fiction l’"arme miraculeuse" permettant de réagir contre l’oubli. L’écrivaine prouve
qu’un événement tragique (crise) comme le génocide rwandais offre un champ
exploratoire infini : chacun des éléments le composant ouvre une quantité de
78
Véronique TADJO, L’Ombre d’Imana, Paris, Actes Sud, 2000.
64
connexités, de questionnements, de sous-questions et de contradictions internes.
Certes, son discours sur la violence met en évidence la complexité, la polymorphie et
l’ambivalence de cette notion, mais se refuse à se ranger du côté de la littérature de
violence. Profondément humain et poignant, à la fois incisif et pudique, son texte tente
de porter un regard humain sur l’une des pires inhumanités de l’Histoire. Le faisant,
elle propose une relecture du référent intertextuel qu’est le génocide des Tutsis
Rwandais puis ouvre la voie, avec les autres participants du projet de souvenir « écrire
par devoir de mémoire », à la littérature africaine francophone de génocide.
II-L’EXHORTATION Á LA STABILITE
II-1-Promouvoir la réconciliation
En nous présentant, en effet, un pays déchiré et meurtri par la guerre, les auteurs
veulent mettre l’accent sur le constat désastreux qu’un conflit peut engendrer dans la
bonne marche d’un pays. Ils montrent les nombreux inconvénients d’un pays en
65
conflit, à savoir la violence, la division sociale, les atrocités, les assassinats pour mettre
en lumière l’importance de la paix et de la fraternité.
Ainsi , l’amour retrouvé entre Allana et Lasso et le fait qu’ils se soient mises
ensemble pour aider le nouveau président, le général Béou sont porteur de beaucoup
de leçons ou sujets à plusieurs interprétations :
-La première, c’est le pardon. Il faut pardonner à l’autre tout ce qu’il a bien pu
faire, un pardon mutuel et réciproque comme celui entre Lasso et Allana. Il faut aussi
s’aimer et accepter l’autre tel qu’il est. Le roman de Venance amène donc à avoir une
bonne conception de l’altérité ; laquelle conception est censée mener ce pays à la
véritable cohésion, les gens du Nord et les gens du Sud à s’accepter mutuellement, se
comprendre et s’aider afin que parviennent la véritable fraternité et une paix durable.
II-2-Promouvoir la démocratie
66
démocratie à la dictature, à la prise maladroite et la confiscation à vie du pouvoir. Ils
exhortent ainsi les dirigeants et l’ensemble des populations ivoiriennes et africaines à
préférer la démocratie, la véritable démocratie, afin d’éviter des conflits des guerres et
des crises politiques comme celle déjà connues.
67
CHAPITRE II : LA LITTÉRATURE COMME PRÉTEXTE POUR
UN VÉHICULE D’UNE IDÉOLOGIE POLITIQUE
Dans l’analyse qui suivra, nous essaieront de présenter quelques éléments, qui
permettent de percevoir la littérature comme prétexte pour le véhicule d’une idéologie
politique.
Il est bon de signifier, que nous pouvons percevoir la littérature comme prétexte
pour un véhicule d’une idéologie politique à deux niveaux à savoir : le roman ivoirien
contemporain, un roman à caractère politique et, les particularités du discours politique
de Venance Konan et Maurice Bandaman.
D’un point de vue plus objectif, l’on peut affirmer que les détails avec la
parution des œuvres objet d’étude témoignent implicitement d’une partialité politique.
Nous pouvons souligner par exemple que les dates de parution des œuvres supports se
situent essentiellement après la chute de Laurent Gbagbo et pendant le règne
d’Alassane Ouattara, l’un des protagonistes majeures et un acteur non des moindres
de la crise ivoirienne. La parution de ces livres dans un pays d’Afrique subsaharienne
68
où la liberté d’expression n’est pas chose exhaustivement appliquée avec des censures
à propos des livres et articles contredisant les régimes fait croire à un manque de
neutralité et partialité politique des auteurs pour la cause d’Alassane Ouattara.
Le général Noël qui était du sud fit très vite comprendre qu’il
avait pris le pouvoir pour le conserver…ses militaires se mirent
à violer les femmes du Nord, à piller à exécuter des gens du Nord
dans les rues en les qualifiants de bandits et aux grands boubous
pouilleux…les choses se gâtèrent entre les militaires eux-mêmes,
qui venaient du Nord furent pourchassés. Certains furent tués et
d’autres se réfugièrent dans les pays voisins. Pour boucler la
boucle, le général Noël avait fait adopter une constitution qui
proclamait qu’il fallait être un autochtone pour être président de
la république…les nordistes furent déclarés allogènes…79
79
Venance KONAN, Op, cit, p.23.
69
gens du Nord en particulier. Il assimile ainsi le règne du général Robert Guéï à « la
pire des dictatures ».
80
Venance KONAN, Op, Cit, p.125.
70
et des finances…et tous les parents, membres du parti du
Camarade président, ainsi que tous ses anciens amis de Pétanque,
de bar, de PMU, et d’école furent tous nommés ministres,
conseillers spéciaux, ambassadeurs ou directeurs des sociétés et
autres structures de L’État. 81
Ces extraits permettent de comprendre l’attribution des postes qui aurait été
faite du temps de Laurent Gbagbo, pas en fonction des compétences mais plutôt en
fonction des liens familiaux, régionaux ou autres liens divers d’affinité.
Par ailleurs la suite du roman de Venance Konan nous permet de voir l’obstacle
à la paix et la réconciliation nationale qu’aurait été Laurent Gbagbo pour la Côte-
d’Ivoire. Venance Konan remet en scène les différents accords signés cependant non
respectés par Laurent Gbagbo afin de l’accuser d’avoir œuvré à la perpétration de a
crise politique en Côte d’Ivoire. Il le présente comme un bourreau, un dictateur qui ne
veut pas laisser le pouvoir, encore moins le partager. C’est ce qui justifie l’hostilité
entre le personnage qui l’incarne, le camarade président, et Lasso, celui qui fait
référence au chef des rebelles au chapitre trois de la troisième partie.
Il met également l’accent sur le groupe des jeunes patriotes fictionnalisé par
l’Alliance des Jeunes volontaires, qui avait su semer le chaos et le désordre en Côte
d’Ivoire en toute impunité parce qu’étant rattaché à la cause du président Laurent
Gbagbo. Les actes de scélératesse, de barbarie qui sont peints dans l’œuvre à leur actif,
nous permettent de comprendre la dimension sadique que Venance Konan attribue à
Laurent Gbagbo par l’entremise de son personnage le camarade président.
81
KONAN Venance, Op,cit, p.72.
71
En clair, on peut dire que Venance Konan désapprouve le règne de Laurent
Gbagbo et le présente comme l’unique responsable de la crise ivoirienne, de la scission
du pays et du désordre qui y règne jusqu’à en 2011.
82
Venance KONAN, Op.cit. p.53.
72
ivoirienne aux gens du Sud qu’il accuse de ne pas reconnaître les gens du nord comme
citoyens authentiques du pays.
83
BANDAMAN Maurice, Op, cit, pp.195-197.
73
II-1-La peinture péjorative de Laurent Gbagbo
La peinture qui est faite de lui dans ces deux œuvres ne peut en aucun cas
émaner d’une logique neutre et objective quand on se réfère à l’histoire factuelle
concernant la crise politique ivoirienne. Il est présenté comme président xénophobe et
sanguinaire ayant conduit la Cote d’Ivoire dans le gouffre dans lequel elle est tombée
depuis 2002 jusqu’à 2010. Les personnages Le Camarade président et Kanégnon sous
couvert desquels les auteurs l’abordent sont des êtres parvenus au pouvoir après
plusieurs tueries et atrocités, des dictateurs aimant beaucoup le plaisir sexuel, le grand
luxe, et employant que des gens de leurs régions, de leur entourage ou de leur parti
dans l’administration de autres fonctions publiques. Ce sont des présidents qui refusent
de respecter les différents accords pour une meilleure sortie de crise et qui ne
s’investissent pas réellement dans le retour de la paix, la cohésion et la fraternité
nationale :
74
guerre. Il avait dit qu’il négocierait que lorsque le dernier rebelle
serait mort (…) Le camarade président l’avait fait discrètement
venir au pays et ils avaient monté le plan de détruire la rébellion
de l’intérieur. C’était la raison pour laquelle le Camarade
président trainait des pieds pour appliquer l’accord de paix. 84
Ces extraits sont le moyen pour les auteurs étudiés de forger une image de
Laurent Gbagbo chez l’ensemble des lecteurs. Il y a comme une volonté de le
diaboliser. Cette peinture péjorative du président Laurent Gbagbo qui est faite par ces
auteurs à propos de la condition des gens du Nord, des différentes exactions commises
par l’alliance des jeunes patriotes, on peut le dire, a pour unique responsable de toute
la crise politique ivoirienne. Cette logique expose les œuvres supports et leurs auteurs
à un risque d’instrumentalisation car l’image qu’elle donne du président Gbagbo est
celle voulue par le gouvernement en place, et celle vendue par les protagonistes
principaux parvenus au pouvoir à savoir les hommes et partisans du RHDP.
84
Venance KONAN, Op, cit, p.21
85
Maurice BANDAMAN, Op, cit, p.46.
75
Les militaires qui sont venus ici n’ont qu’une seule envie, qui est
de rentrer au pays par tous les moyens. Pour eux il n’y a plus rien
à attendre de qui que ce soit. La seule façon pour les Nordistes
d’être en sécurité et de ne plus être chassés, c’est d’être dirigés
par un nordiste. Alors ils se préparent. Je suis avec eux. Nous
sommes fatigués d’être les laissés-pour-compte du
développement de notre pays, fatigués d’être traités d’étrangers
dans notre propre pays. Notre région est la plus arriérée du pays
et nous sommes totalement exclus du développement. Combien
de cadres du Nord as-tu vu à des postes importants dans le pays,
depuis qu’il est indépendant ? (…) Simplice emmena Lasso voir
d’autres ressortissants du Nord du pays qui avaient eux aussi fui
au Fakinasso. Tous, ils firent comprendre à Lasso que leur région
était depuis longtemps exclu du développement du pays et ils lui
citèrent de nombreux exemples pour qu’il en soit convaincu (…)
Chacun expliqua à Lasso combien leur région avait été exclue par
les différents dirigeants du pays depuis l’indépendance. 86
On voit que Venance Konan est en train de présenter les réelles motivations de
la rébellion comme pour émouvoir le lecteur afin de l’emmener à adhérer à sa cause.
On assiste à une sorte de justification de la rébellion, on veut la présenter comme la
seule alternative qui ait été possible pour régler la situation des gens du Nord.
Aussi l’on décèle également entre les lignes de Venance Konan et Maurice
Bandaman la volonté de ne pas s’attarder sur les exactions commises par les rebelles.
On sent que les atrocités commises par les jeunes gens partisans de Laurent Gbagbo
sont plus mises en avant, sont plus mises en relief que celles commises par les rebelles.
Même si par moment les auteurs présentent quelques viols et autres faits de
scélératesse commis par les soldats et chefs de la rébellion, on ne perçoit pas vraiment
dans leurs narrations la gravité de ces agissements par rapport à celle conféré aux actes
des forces armées nationales dirigées par le gouvernement de Laurent Gbagbo.
Aussi, en analysant les regrets éprouvés par Lasso le Rebelle dans l’ouvrage de
Venance Konan, après le viol de la petite fille métisse noir et l’adresse du vieil homme
qui lui a été faite :
Songe à ce pour quoi vous aviez pris les armes, et à ce pour quoi
nous vous avions soutenus. Vous aviez pris les armes pour
combattre l’injustice et l’exclusion. L’injustice et l’exclusion ne
86
Venance KONAN, Op, cit. pp.101-102.
76
sont pas plus tolérables lorsqu’elle vienne des siens. Il n’y a pas
de raison que le peuple accepte de vous ce qu’il a refusé de subir
sous le général Noël et sous le camarade président. Le silence du
peuple ne signifie pas forcément son approbation.87
Ce qu’on peut donc retenir de cette partie, c’est que la légitimation implicite de
la rébellion et le regard compréhensif porté vers la rébellion qui est adopté témoignent
d’une volonté politique des autorités ivoiriennes actuelles qui est de déconstruire
l’image que les ivoiriens se sont faite pendant longtemps des soldats rebelles et des
gens du Nord. Ainsi, en tenant un tel discours politique, les auteurs entrent dans la
même logique que le gouvernement actuel avec à sa tête Alassane Dramane Ouattara
président de la république depuis 2011.
87
Venance KONAN, Op, cit, p.186.
77
CONCLUSION
78
Le Rebelle et le Camarade président de Venance Konan et L’ÉTAT Z’HÉROS
ou la guerre des gaous de Maurice Bandaman sont des romans historiques, selon la
définition de Bordas, c’est-à-dire :
Dans l’histoire littéraire africaine, ces œuvres pourraient faire partie de celles
qui marquent la conscience nationale après l’expérience du multipartisme des années
1990, en écrivant ce qu’un peuple a vécu ou éprouvé à un moment donné de son
histoire. Au premier plan, les auteurs mettent en exergue des déroulements de faits
historiques dans des espaces non vraisemblables, mais qui s’assimilent aux espaces
réels. Puis en arrière- plan, ils présentent des êtres fictifs attestés de la mémoire de la
Côte-d’Ivoire.
88
Éric BORDAS, « De l’historicisation des discours romanesques », Revue d’histoire du XIXe siècle(En
ligne), mis en ligne le 29 juin 2005, p.2.
89
Jean Marie SCHAEFFER, Pourquoi la fiction ?, Paris, 1999, p.41.
79
traces flagrantes de l’Histoire, perceptibles dans l’œuvre romanesque, sont les marques
de la référentialité qui accordent à certaines œuvres un crédit de dénotation. Il y a donc
interaction et interagissement entre ces deux disciplines et, par conséquent, l’action de
la fiction n’est pas que dénaturation. L’ambiguïté relationnelle qui en découle a
certainement motivé l’embarras de Paul Ricoeur dans la désignation des rapports entre
Histoire et fiction. Il parle invariablement et inversement de « fictionnalisation de
l’histoire »90 et d’ « historicisation de la fiction »91.
90
Paul RICOEUR, Temps et récit, Tome III, Paris, Seuil, 1985, p.331
91
Idem, p. 342.
80
auteurs ont voulu faire comprendre aux lecteurs l’importance de la paix et de la
fraternité dans un pays afin d’améliorer le cadre socio-politique ivoirien qui se faisait
de plus en plus délétère. Cette promotion de la paix et la stabilité permet d’envisager
Venance Konan et Maurice Bandaman, et par extension l’ensemble des écrivains
ivoiriens, comme des acteurs considérables de la réconciliation nationale et du retour
de la cohésion sociale.
Par ailleurs, par les positions sociales et les discours politiques partiaux des
différents auteurs étudiés, l’on s’est rendu compte que la littérature en générale, et le
genre romanesque en particulier, parait comme un prétexte pour un véhicule d’une
idéologie politique. Car même si les trames des œuvres étudiées recèlent d’évènements
fictifs émanant de la souveraineté des auteurs, on peut dire qu’elles ont
vraisemblablement recours à des faits réels vécus constituant les temps forts de la crise
ivoirienne de 1999 à 2011.
L’on pourrait dire que cette étude trouve son sens car elle permet de se plonger
dans le débat littéraire fait à propos de la crise ; elle permet également de cerner les
avis politiques de certains écrivains ivoiriens. On a pu saisir toute la portée politique
que peut avoir une œuvre littéraire cruciale des écrivains dans le processus de sortie
de crise ivoirienne, un rôle qui s’articule essentiellement autour de la promotion de la
paix et de la stabilité politique en Côte d’Ivoire. Venance Konan et Maurice Bandaman
ne se sont dérobés à ce principe. Car même si on peut leur reprocher la partialité dont
leurs écrits sont l’objet et l’antipathie non dissimulée qu’ils éprouvent pour l’ancien
régime dirigé par Laurent Gbagbo, on se rend compte qu’ils se sont érigés en hérauts
de la paix, du pardon, de la réconciliation pour une Côte-d’Ivoire meilleure. Ainsi cette
étude aura permis de montrer que les écrivains ivoiriens marchent dans le sillage de la
promotion du pardon, de la réconciliation. Et de la sensibilisation au retour de la
stabilité.
Par ailleurs, il conviendrait de relever que cette étude aura également permis
de déceler le manque de neutralité politique et le défaut d’objectivité des auteurs dans
le jugement critique des faits et dans la peinture des préjudices causés par cette
situation socio-politique trouble qu’a connue la Côte-d’Ivoire. L’exemple de Venance
81
Konan et Maurice Bandaman nous ont permis de comprendre que les écrivains
ivoiriens s’inscrivent dans une logique partisane et militante que ce soit pour le régime
en place comme pour le régime précédent.
Ces occurrences permettent de comprendre un fait majeur en rapport avec les
écrivains ivoiriens dans leur participation dans la crise ivoirienne : leur manque de
neutralité et leur militantisme politique parfois dissimulés derrière la promotion des
idéaux de paix et de stabilité. On comprend aussi que la plupart de leurs œuvres aient
eu une connotation politique. Car comme le laisse entendre Xavier Garnier: « La
littérature est un outil privilégié pour l’analyse politique ».92
Ce propos révèle toute la prépondérance que peut occuper un pont de vue ou
une analyse politique dans la littérature. On déduit donc que l’essence de la littérature
associe l’aspect politique. C’est en cela que Kossi Wonouvo Gnagnon a pu dire :
Toute écriture est foncièrement politique, c’est-à-dire
naturellement lié à la société, reflétant la réalité organique même
de cette dernière, un peu comme son esprit ; d’ailleurs, il est
facile de lire l’histoire de la société dans l’histoire des Signes de
la Littérature.93
Nous comprenons ainsi que toute œuvre littéraire est, soit d’une inspiration
politique, soit au service d’un objectif politique précis ou à la solde du point de vue
politique de l’auteur pouvant être le fruit de son engagement et de son militantisme
politique. Cela ne dénie pas, cependant, à la littérature et eux écrivains tout leur
importance et leur place non négligeable dans la société puisqu’étant nécessaire à la
construction d’une nation, à la consolidation du tissu social et national par le biais du
réalisme dans les œuvres romanesques.
En Outre, nous pouvons penser que la littérature ivoirienne n’est pas en marges
des réalités ivoiriennes. Cette étude a permis de voir la littérature ivoirienne, en
général et le roman en particulier se hisser au diapason des réalités ivoiriennes
actuelles. L’on pourrait dire que le genre romanesque contemporain est en crise, car il
témoigne de la partialité du sujet écrivant.
92
Xavier GARNIER, Les formes « dures » du récit : enjeux et combats, in Notre Librairie, Revue des
littératures du Sud, « Penser la violence », n◦148, Juillet-septembre 2002, p.54.
93
Koffi Wonouvo GNAGNON, Écriture et politique dans En attendant le vote des bêtes sauvages de
Ahmadou Kourouma, Université de Lomé Togo-Maitrise en lettres 2009.p.20.
82
BIBLIOGRAPHIE
83
I-CORPUS
GRÉBÉ Bro Généviève, Mon combat pour la patrie, Abidjan, PUCI, 2004.
84
BARBERIS Pierre, Lecture du réel, Paris, Editions Sociales, 1973.
RICOEUR Paul, Temps et récit, Tome II. (La configuration dans le récit de fiction),
Paris, 1984.
RUSS Jacqueline, Les théories du pouvoir, Paris, Librairie générale française, 1994.
85
SCHAEFFER Jean-Marie, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999.
V-OUVRAGES GÉNÉRAUX
86
ANSART Pierre, La gestion des passions politiques, Paris, PUF, 1974.
87
électoraux en Afrique : cas de la Côte-d’Ivoire », Université de Lyon 3, Master
201.
88
TABLES DES MATIḖRES
89
DEDICACE .............................................................................................................................. I
REMERCIMENTS .................................................................................................................. II
INTRODUCTION ................................................................................................................... 1
II-2-« Lasso » et « le patron des forces Terrible », prototypes de Guillaume Soro ............... 33
90
II-4-« Le leader charismatique du Nord », double de Alassane Ouattara .............................. 36
II-NIVEAUX DE NARRATION........................................................................................... 56
II-2-Promouvoir la démocratie............................................................................................... 66
91
I-ROMAN IVOIRIEN CONTEMPORAIN, UN ROMAN Á CARACTḖRE POLITIQUE . 68
CONCLUSION ...................................................................................................................... 78
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 83
92