SOLUTIONS DE CERTAINS MECANISMES AU FOYER DANS LA PARTIE CENTRALE DE M ADAGASCAR

BARIMALALA Rondrotiana, RAMBOLAMANANA Gerard.

(Institut et Observatoire de Géophysique d’Antananarivo)

Résumé
A partir des données sismiques Malagasy, nous avons étudié les mécanismes au foyer dans la partie centrale de
Madagascar. Pour ce faire, nous avons utilisé les événements sismiques dont la magnitude est supérieure ou
er
égale à 3. Ils sont au nombre de 445 depuis 01 Janvier 1989 jusqu’au 05 Janvier 2006. Selon l’appartenance ou
non au réseau sismique de la région étudiée, nouys avons utilisé le logiciel AZMTAK/PMAN, ou la méthode de
probabilité.
La partie centrale de Madagascar est marquée par deux directions tectoniques prédominantes. Elles sont toutes
les deux des failles normales, de direction N50°W à N20°W et N15°E à N30°E. Ces résultats sont en accord avec
ceux des études antérieures.
Mots Clés : mécanisme au foyer, faille, tectonique, onde P.

proposée par D.R.Brillinger et al. (1980) [1], puis

Introduction
La position de Madagascar dans la plaque africaine, qui
se trouve à plus de 2.000km de la dorsale Médio-
océanique et à plus de 1.000km du rift Est africain,
indique sa stabilité en terme sismologique. Madagascar
est tout de même un siège d’activités micro-séismiques
(magnitude < 6) dont les sources sont liées soient à des
failles laissées par les volcans, soient à des failles
tectoniques provoquées par la séparation de
Madagascar avec le Gondwana, soient à l’orogenèse
Pan Africaine.
Les événements sismiques étudiés ici, qu’ils soient
proches (distance épicentrale < 1000km) ou lointains
(distance épicentrale >1000km), ont été enregistrés par
le réseau sismique Malagasy sous forme numérique
depuis Juillet 1988. Cet ensemble de données a permis
de faire différentes études, y compris le mécanisme au
foyer de Madagascar, notre objectif principal.
La présente étude consiste à déterminer les
caractéristiques des failles actives : le type (faille
normale, faille inverse, faille de décrochement), la
direction, le pendage, les origines responsables des
microséismes à Madagascar ainsi que le modèle
tectonique dans le cas où la faille n’apparaît pas en
surface. Les paramètres à la source de séisme qui
nous permettent d’avoir ces caractéristiques sont : la
première impulsion de l’onde P, les coordonnées
géographiques, la profondeur.
Les données utilisées ici sont limitées aux séismes
proches enregistrés par le Centre National des
Données (CND) sismiques et infrasoniques de l’Institut
et Observatoire de Géophysique d’Antananarivo
(IOGA).
C’est la polarité de la première impulsion des ondes P
qui est la plus utilisée pour déterminer le plan de la
faille ou le mécanisme au foyer. C’est le cas pour le
logiciel AZMTAK/PMAN. En raison de l’insuffisance des
stations sismiques Malagasy, nous ne pouvons utiliser
ces logiciels que pour les régions de l’Ankaratra, l’Itasy,
l’Itremo, le Famoizankova et l’Ankay, c'est-à-dire des
régions à l’intérieur ou proches du réseau sismique.
Pour étendre notre zone d’étude, c'est-à-dire pour
inclure les zones sismiques régionales, une méthode
programmée par Rambolamanana [2] est utilisée.
Elle consiste à déterminer un mécanisme au foyer
régional avec une fonction de probabilité pour une
zone sismique où il y a peu de stations
d’enregistrement et où il existe une accumulation de
sources sismiques dans une zone restreinte. Les
régions mentionnées ci-dessus ainsi que les régions
de l’Alaotra, l’Anjafy sont étudiées avec cette
méthode.
Résultats antérieurs
Tectonique de Madagascar
Deux directions tectoniques prédominantes ont
affecté le socle ancien et la couverture sédimentaire
de Madagascar :
• La direction N40°W, d’azimut 320°, dite du
Bongolava-Ranotsara, qui est un grand
escarpement dans les roches du socle et que l’on
suit sur au moins 400 Km entre Morafenobe et
Malaimbandy.
Elle est caractérisée par les failles de Ranotsara, de
Bekopaka, la falaise de Bongolava et la fracture de
Toliary.
• La direction N20°E, d’azimut 200°, dite de
l’Alaotra-Mangoro, qui affecte le versant oriental de
Madagascar, y compris le rift vallée de l’Alaotra et
diverses autres failles affectant la couverture
sédimentaire du Sud-Ouest.
En plus de ces deux directions tectoniques, on peut
rajouter la direction N8°W caractérisée par
l’alignement des roches magmatiques de
l’Ankaratra et de l’Itasy [2], [3], ainsi que la direction
N8°W que Kutina (1972) [4] a considéré comme un
axe de réactivation magmatique.
Modèle de vitesses de la partie centrale de
Madagascar
Le calcul de la probabilité nécessite un modèle de
vitesses des ondes sismiques de la région à étudier.
Nous avons utilisé celui de Rambolamanana et al.
(1997) [2] (Tableau I).
 Solutions de certains mécanismes au foyer dans la partie centrale de Madagascar

Numéro de la couche Vitesse des ondes P Epaisseur de la

(km s-1) couche (km)

1 5.9 10

2 6.1 10

3 6.7 22

4 8.1 26

Tableau I. Modèle de vitesses de la partie centrale de Madagascar d’après Rambolamanana et al. (1997) [3]

Zones sismiques Latitude Latitude Longitude Longitude Distance moyenne

minimale maximale minimale maximale par rapport au
réseau sismique
(en °) (en °) (en °) (en °) (Km)

Ankaratra -19.61 -19.17 46.41 47.14 67

Itasy -19.17 -18.57 46.54 47.03 58

Itremo -21.22 -19.61 45.83 47.87 100

Famoizankova -19.09 -17.37 45.08 46.54 117

Ankay -18.64 -18.10 47.96 48.92 150

Alaotra -17.71 -16.74 48.30 48.89 167

Anjafy -18.08 -17.50 47.81 48.28 233

Tableau II : Délimitation des zones d’étude

Zone Nombre de séismes de magnitude ≥ 3

Ankaratra 184
Itasy 94
Itremo 58
Famoizankova 48
Ankay 24
Alaotra 20
Anjafy 7
Nombre total de séismes 445
er
Tableau III. Nombre de séismes utilisés par zone du1 Janvier 1989 au 05 Janvier 2006.

Choix des données utilisées
Les zones d’étude
L’étude d’un mécanisme au foyer ne peut se faire qu’en
présence d’une ou plusieurs stations autour de la zone
à étudier. Ainsi, nous n’étudions que les zones
sismiques des hauts plateaux c’est à dire : Ankaratra,
Itasy, Itremo, Famoizankova, Ankay, Alaotra, Anjafy
(Tableau II).
Les données sismiques
Les données dont nous nous sommes servis pour
les études de mécanisme au foyer sont celles du
er
CND sismique de l’IOGA du 1 Janvier 1989 au 05
Janvier 2006. Seuls les séismes de magnitude
supérieure ou égale à 3, dont la première impulsion
est visible, sont traités
Nous avons utilisé 445 séismes dont la répartition
par zone est donnée dans le tableau III.

Mada-Géo 12 3 Septembre 2008

 Solutions de certains mécanismes au foyer dans la partie centrale de Madagascar

NOM DE LA STATION CODE LATITUDE LONGITUDE ALTITUDE

( °) ( °) ( Km)
Ambohimiarambe ABM -19.7827 47.3646 1.894
Angavokely AVY -18.9279 47.7376 1.807
Fihaonana OPO -18.5706 47.1879 1.463
Vatovaky VTY -19.0772 47.5385 1.453
Mandiavato MDSM -19.0883 47.0275 1.524
Firavahana FIRM -18.7002 46.8786 1.748
Ambohiby ATG -18.8782 46.1871 1.541

Tableau IV. Réseau sismique Malagasy

IV -MATERIELS ET METHODES
IV.1. LES MATERIELS
Le réseau sismique Malagasy comporte 7 stations.
Elles sont réparties sur la partie centrale de
Madagascar dont les coordonnées géographiques sont
données dans le tableau IV
Chaque station sismique, sauf OPO, est dotée d’un
sismomètre courte période à composante verticale. La
station OPO est équipée de 3 sismomètres courte
période et 3 sismomètres longs périodes à
composantes verticales, N-S et E-W. Cette station,
nommée AS61 depuis 1996, est une station auxiliaire
de la CTBTO (Comprehensive nuclear Test Ban
Treaty).
Les signaux sont transmis au Centre National de
Données (CND) sismiques et infra soniques à l’IOGA
par onde radio. Ce dernier assure l’acquisition et le
traitement des données venant des stations.
IV.2. METHODOLOGIE
Les paramètres à la source d’un séisme nous
permettent d’avoir des informations concernant la faille
responsable si celle-ci n’apparaît pas à la surface.
Dans cette étude, nous utilisons la polarité du premier
mouvement enregistré, c'est-à-dire le sens de la
première impulsion de l’onde P. Notons ce premier
sens avec +1 s’il est vers le haut (compression), et -1
dans le sens contraire (dilatation).
Il suffit alors de lire le sens de la première impulsion de
l’onde P pour chaque séisme. Selon la zone à étudier,
nous utilisons de plus :
- le traitement avec l’AZMTAK/PMAN pour les
données,
- le modèle de probabilité pour un mécanisme
au foyer régional.
a) - Logiciels AZMTAK/PMAN
L’AZMTAK est un fichier exécutable, écrit en
FORTRAN 77, qui permet de calculer la distance
épicentrale et l’azimut pour chaque station ainsi que
l’angle d’incidence qui correspond à cette distance
épicentrale et au foyer.
Le fichier de données doit alors contenir les
paramètres au foyer (latitude, longitude,
profondeur), le nombre de stations sismiques
utilisées, le code de chaque station et la polarité du
premier mouvement pour chaque station.
Après l’exécution de l’AZMTAK, nous obtenons la
liste des azimuts et des angles d’incidence.
Concernant le PMAN, c’est un programme écrit
également en FORTRAN 77 ; il permet de
représenter les données de polarité sur le
diagramme du mécanisme au foyer, d’après les
résultats fournis par l’AZMTAK, ainsi que les axes
nodaux dans la sphère représentative d’un
mécanisme au foyer. Les résultats précisent les
caractéristiques de la faille responsable :
- l’azimut θ de la faille,
- le signe du paramètre de glissement λ :
• Si λ > 0 : on a une faille inverse,
• si λ < 0 : on a une faille normale,
• si λ = 0 : on a une faille de décrochement.
- le pendage δ,
- les orientations des axes de tension et de
pression, nécessaires à l’application de la méthode
de probabilité.
b) - Méthode de probabilité
La méthode de probabilité est appliquée
pour des régions à l’intérieur ou proches du réseau
sismique.
Le principe est de déterminer le
mécanisme au foyer d’une région où il y a peu de
stations mais plusieurs séismes concentrés sur une
zone restreinte.
La polarité du premier mouvement est encore
utilisée mais cette fois ci, l’orientation des axes de
tension et de pression sont à estimer en faisant
référence à la sismicité du milieu et sa tectonique.
De plus, la méthode nécessite les valeurs des
vitesses des ondes P de la région, l’azimut de
chaque station et la distance épicentrale.

Mada-Géo 12 4 Septembre 2008

 Solutions de certains mécanismes au foyer dans la partie centrale de Madagascar

b.1) Calcul de l’azimut et l’angle d’inclinaison à Le modèle général donne la probabilité

partir de l’Observatoire d’Antananarivo d’avoir une compression (Y ij = 1) de l’onde P pour
Si A représente l’Observatoire d’Antananarivo et B l’évènement i à la station j soit :

Pr ob {Y ij = 1} = γ i + (1 − 2 γ i )φ (ρ i A ij )
l’épicentre d’un séisme donné, de latitudes respectives
λA et λB et de longitudes ϕA et ϕB, l’azimut de l’épicentre
par rapport à l’Observatoire est donné par :
γ ρ
 (cos λ B sin d ϕ ) 
et sont les paramètres de précision.
Az = arcsin   φ le normal cumulé.
 sin s 
Cette probabilité dépend de Aij (θ) qui est
avec l’amplitude théorique de l’onde P sur l’axe de
s = arccos (sin λA sin λB + cos λA cos λB cos dϕ): tension et de pression.
distance épicentrale Dans cette étude la fonction de probabilité utilisée
où est :

∑ {(1 + Yij )log π ij + (1 − Yij ) log (1 − π ij )

dϕ = ϕB - ϕA 1 I ,J
L= }
Si nous posons dz la variation élémentaire de la 2 i, j
profondeur, l’angle d’inclinaison est donné par :

 dz  π ij est
ψ = arccos   Où la probabilité d’avoir une compression
 ds  c'est-à-dire Yij=1.
b.2) Utilisation de la fonction de probabilité Le traitement s’achève après avoir obtenu une
probabilité supérieure ou égale à 0.75.
Ce modèle de probabilité nécessite des
données venant de I séismes et de J observations pour
une même région.
V -RESULTATS

V.1. RESULTATS AVEC AZMTAK/PMAN

Les résultats obtenus avec AZMTAK/PMAN sont représentés dans le tableau V
.
Zone Signe du paramètre Type de la faille θ)
Azimut de la faille (θ
de glissement λ
Ankaratra Négatif Normal 315 ± 20°
Itasy Négatif Normal 310 ± 30°
Famoizankova Négatif Normal 325 ± 30°
Itremo Négatif Normal 301 ± 20°
Ankay Négatif Normal 320 ± 25°
er
Tableau V. Résultats obtenus avec AZMTAK/PMAN pour la période du 1 Janvier 1989 au
5 janvier 2006
V.2. RESULTATS AVEC LA METHODE DE PROBABILITE
Les résultats obtenus avec ce modèle sont donnés sur le tableau IV.

Zone Signe du paramètre de Type de la faille θ)

Azimut de la faille (θ
glissement λ
Ankaratra Négatif Normal 321 ± 3°
Itasy Négatif Normal 326 ± 3°
Famoizankova Négatif Normal 328 ± 1°
Itremo Négatif Normal 301 ± 1°
Ankay Négatif Normal 316 ± 25°
Anjafy Négatif Normal 195 ± 3°
Alaotra Négatif Normal 219 ± 3°

Tableau VI. Résultats obtenus avec le modèle de probabilité pour la période du

er
1 Janvier 1989 au 5 janvier 2006
Mada-Géo 12 5 Septembre 2008
 Solutions de certains mécanismes au foyer dans la partie centrale de Madagascar
VI -INTERPRETATIONS
En parlant des méthodes utilisées, les logiciels
AZMTAK/PMAN permettent d’étudier les zones à
l’intérieur ou proches du réseau sismique. Comme les
résultats correspondants sont des valeurs « à priori »
pour la méthode de probabilité, l’amélioration des
précisions pour les azimuts des failles s’explique
(Tableau V et VI) sauf pour la région d’Ankay.
La valeur élevée de ±25° pour la region d’Ankay vient
du fait que cette zone est éloignée des stations
sismiques même si elle est encore à l’intérieur du
réseau ; de plus, une dispersion des foyers de séismes
se présente dans cette zone. Par conséquent, le calcul
par la méthode de probabilité n’arrive pas à diminuer
l’erreur. Notons tout de même l’égalité de l’azimut de la
faille correspondante avec celui de la direction de la
faille Bongolava-Ranotsara.
Les régions de l’Itasy et de l’Ankaratra étant des zones
volcaniques inactives, les séismes de ces zones
pourraient provenir d’une réactivation magmatique.
Pour un volcan actif, le magma qui est au milieu monte
vers l’extérieur et le séisme correspondant traduit une
faille inverse. Par contre, pour une réactivation, le
magma qui a monté redescend et la faille
correspondante est une faille normale. Ce qui explique
que les failles des zones de l’Ankaratra et de l’Itasy
soient normales.
[4]
Les résultats confirment ceux du KUTINA (1972) :
séismes dus à une réactivation magmatique. Les
séismes des régions de l’Ankaratra, de l’Itasy, du
Famoizankova proviennent d’une faille normale.
La faille du Bongolava-Ranotsara est une faille
normale, celle de la région de l’Itremo, qui est au nord
de la faille précédente l’est également ; elles sont
toutes les deux dues à la séparation de Madagascar
avec le Gondwana.
Mada-Géo 12
Concernant les directions des failles de
l’Ankaratra, de l’Itasy, de Famoizankova et de
l’Ankay, elles sont pratiquement parallèles à celle
de la faille du Bongolava-Ranotsara.
Pour la partie orientale de Madagascar, c'est-à-dire
l’Alaotra et l’Anjafy, elle est affectée par une faille
normale d’azimut d’environ 200°. C’est la direction
tectonique de la faille d’Alaotra-Mangoro.
Les directions et les types des failles obtenues avec
cette étude sont bien en accord avec les failles
mises en évidence par les études antérieures.
Nous pouvons encore étendre la zone d’étude à
partir d’un modèle de vitesse de toutes les parties
de l’île mais ceci ne peut être fait qu’en présence de
stations sismiques réparties dans toutes les zones
sismiques de Madagascar c'est-à-dire dans la
province de Tuléar, Diego, Majunga et
Fianarantsoa.
Références
[1] Brillinger D.R., Udias A., Bolt B.A., 1980, A
probability model for regional focal mechanism
solutions. In: Bulletin of Seismological Society of
America, Vol. 70, No1, p 149-170.
[2] Rambolamanana G. et al., 1997, Simultaneous
inversion of hypocentral parameters and structure
velocity of the Central Region of Madagascar as a
premise for the mitigation of seismic hazard in
Antananarivo
[3] Rakotondrainibe, 1977, Contribution à l’étude
de la sismicité de Madagascar. Thèse d’Etat,
Faculté des Sciences Université d’Antananarivo.
[4] Kutina, 1972, La tectonique de Madagascar et
son rôle dans la métallogénie et l’exploration
minérale.
6 Septembre 2008