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La guerre de Bizerte : le choc de deux


Stratégies complexes1

Noureddine DOUGUI

Soumettre l’affaire de Bizerte à l’analyse historique, trente trois ans après


son éclatement, peut paraître prématuré. Les rares sources disponibles sur la
question pèchent, en effet, par leur dispersion ou leur partialité. Mais, compte
tenu de l’inexistence d’une étude détaillée sur cette crise, nous estimons qu’il est
possible de proposer « une approche » de ce conflit complexe, en attendant
l’ouverture des archives de Vincennes et du Quai d’Orsay.

Trois catégories de sources ont fourni l’essentiel de la documentation de


base de ce travail : les archives du Centre de Documentation Nationale, un
témoignage livré par Bahi Ladgham, secrétaire d’Etat à la Présidence et à la
Défense nationale en juillet 1961 2 et les mémoires de deux protagonistes
essentiels : le général de Gaulle et l’amiral Maurice Amman, commandant de la
base de Bizerte au moment de la crise.

Episode rapide et brutal de l’histoire des relations tuniso-françaises, la


crise de Bizerte pose des questions difficiles à l’interprétation historique.
L’éclatement de cette affaire est tellement inattendu que l’historien reste
sceptique sur ses motivations profondes. La crise ne résulte pas, en effet, d’un
processus de dégradation décelable des relations franco-tunisiennes.

Certes, la France et la Tunisie ont hérité de la période du protectorat un


lourd contentieux politique et économique (statut des terres et des colons, zone
franc, traité de commerce), mais si les deux parties montrent un net désir de
conciliation sur les litiges économiques qui les opposent, les dossiers politiques

1
Actes du colloque sur « Les relations tuniso-françaises au miroir des élites », Faculté des lettres de la
Manouba, 2, 3 décembre 1994.
2 Le professeur Saïd Mestiri, chirurgien renommé, appelé à la veille des événements de Bizerte à
renforcer le corps médical de l’hôpital de la ville, a eu l’amabilité de nous confier un chapitre inédit de
seS mémoires.
2

restent en suspens. Aucun terrain d’entente n’est trouvé sur trois points :
l’évacuation des 22000 militaires français qui stationnent en Tunisie, le statut de
la base aéronavale de Bizerte et la sécurité des frontières avec l’Algérie.

Les rapports franco-tunisiens subissent les péripéties du conflit algérien.


La Tunisie a eu, en effet, la tâche malaisée de prôner les vertus d’une
coopération franche avec l’ancienne puissance colonisatrice et de soutenir, en
même temps, l’Algérie dans sa lutte pour l’indépendance.

Bourguiba s’évertue à expliquer à ses interlocuteurs français que la


Tunisie n’est pas neutre dans le conflit algérien, parce qu’elle a une solidarité de
sang à respecter, mais qu’elle n’est pas un Etat belligérant3. Quoi qu’il en soit, le
22 mai 1957, Guy mollet annonce : « La suspension de l’aide financière à la
Tunisie » en raison de sa position d’hostilité à l’égard de la France dans l’affaire
algérienne4. L’interruption de l’aide française ne met pas fin à la coopération :
les intérêts économiques français en Tunisie restent importants, 5 mais le
prolongement de la guerre d’Algérie aggrave le différend politique. La crise de
Sakiet Sidi Youssef entraîne le rappel des ambassadeurs, mais les relations
diplomatiques ne sont pas rompues, elles continuent à être assurées au niveau
des chargés d’affaires6.

L’évacuation devient une exigence impérieuse. Profitant des faiblesses


d’une IVème République vacillante, Bourguiba recourt à une tactique éprouvée :
Le harcèlement populaire. Le soutien international aidant, il exige l’évacuation
immédiate des troupes françaises, et en attendant l’ouverture des pourparlers, il
les consigne dans leurs casernes. Des barrages sont dressés sur les routes et à la
sortie des casernes pour faire respecter la mesure.

3
Georges Gorse, «La nuit de mai » in Revue des Deux Mondes, novembres 1984.
4
Victor Silvera, « en marge des événements de Bizerte : réflexions sur la crise des rapports franco-
tunisiens ». in Revue de Défense nationale, avril 1962, p. 618.
5
La suspension de l’aide française ne met fin à la coopération entre les deux pays. A la veille de la
crise de Bizerte, 60% du commerce extérieur tunisien continue à s’effectuer avec la France, les
groupes français contrôlent, de leur côté, en totalité les mines de fer, de plomb, de zinc et la moitié des
actions du complexe phosphatier de Sfax-Gafsa. Dans l’agriculture, 500 000 hectares de terres
agricoles sont entre les mains de sociétés ou de colons de nationalité française. Bien que peu
importante, l’activité industrielle est soumise à la tutelle de grandes entreprises françaises qui
détiennent un véritable monopole sur le secteur des transformations de métaux et des engrais. Leur
part dans la production de branches telles que la papeterie, la cartonnerie, la brasserie atteint 90%, et
50% dans la production des matériaux de construction. Dans la minoterie, leur chiffre d’affaires global
est de l’ordre de 130 millions de nouveaux francs.
6
La République délivrée de l’occupation étrangère (1959-1964), Textes réunis et commentés par
Mohamed Sayah, Tunis 1986, p. 169 et suivantes.
3

Le plan de Bourguiba comporte un risque calculé : faire pression sur la


France, en ménageant des issues de sortie pour sauver les chances de la
coopération future. Sa tactique de lutte pacifiste donne rapidement ses fruits.

L’arrivée du général de Gaulle au pouvoir permet de trouver une issue au


conflit 7 . Un accord intervient, en juin 1958, entre les deux gouvernements,
prévoyant une évacuation partielle 8 . Les Français acceptent de se retirer de
l’ensemble du territoire tunisien, mais ils se retranchent solidement à Bizerte,
pour laquelle on crée une nouvelle appellation : Bizerte la française9.

Cet attachement à Bizerte pose un problème. De 1956 à 1962, les français


ont toujours justifié leur présence dans ce port par les impératifs de la défense du
monde libre, quoique les états-majors de l’OTAN n’aient jamais demandé
l’intégration de la base au système défensif occidental10.

Il est vrai que Bizerte abrite la rade la plus large et la mieux défendue de
toute la Méditerranée. Couvrant une superficie de 300 km2, elle comporte un
complexe opérationnel composé d’un port de guerre, un aéroport, un arsenal, un
poste de commandement et de détection sous abri antiatomique et quelques
postes de défense isolés, séparés de quelques Kilomètres11.

Mais au-delà de son importance stratégique, la base de Bizerte est une


œuvre de prestige qui compte davantage dans la vie et l’orgueil des bâtisseurs de
l’Empire colonial que dans la sécurité de l’Occident 12 . Les conclusions d’un
rapport présenté au nom de la commission de la défense de l’Union française ne
laissent pas de doute sur ce point : « La base de Bizerte est véritablement une
création du génie français : son organisation, son installation, ses moyens
militaires accumulés à grands frais par nous sont propriété de la France »13.

Cela veut-il dire qu’on cherche à garder Bizerte comme un présides


espagnol ? La réponse doit être nuancée. La souveraineté tunisienne sur la ville

7
Le Monde du 20/6/1960.
8
Le Petit Matin du 3 février 1960.
9
L’Est Républicain du 22 février 1958 cf aussi le Journal du 21/3/1958.
10
Journal de Genève du 3/3/1958 voir aussi Le Monde diplomatique du 16/4/1960 « Bizerte
et l’Occident ».
11
Vice-amiral Barjot, « Bizerte port antiatomique et nouveau Gibraltar de la Méditerranée
centrale », Revue de Défense nationale, août-sept 1952, pp.147-160, voir aussi contre-animal
Lepotier, « Bizerte, Base stratégique », Revue de Défense nationale, avril 1958, p. 561.
12
France Observateur du 27 juillet 1961 cf aussi Le Courrier de la Colère du 27/3/1958.
13
Arch. CDN, affaire de Bizerte, avis présenté un nom de la commission de la défense de l’union
françaises à l’assemblée de l’union française, 13 juin 1956.
4

est reconnue, mais le périmètre militaire est considéré comme une préfecture
maritime française, comme Brest et Toulon ; et ce, en vertu de la convention
franco-tunisienne du 21 mars 1942 qui avait consenti aux installations militaires
de Bizerte le privilège d’extra-territorialité14. Les textes de 1942 sont abrogés au
lendemain de la crise de Sakiet, mais la France rechigne à changer le statu quo15.

La guerre d’Algérie ne laisse pas une grande marge de manœuvre au


général de Gaulle. Fidèle à sa tactique des compromis. Bourguiba propose
plusieurs systèmes pour résoudre le problème : la création d’une zone franche, la
conversion de l’arsenal ou l’intégration de la base dans le système de défense de
l’OTAN16. Mais ses demandes se heurtent à une fin de non-recevoir. Pour le
gouvernement français, le statut particulier de Bizerte ne saurait être réaménagé
tant que dure la tension Est-Ouest. Tout au plus accepte-t-il de louer la base « en
précisant qu’une part du loyer devait servir à indemniser les colons français
menacés d’expropriation »17. Le désaccord au sujet de Bizerte n’entraîne pas une
dégradation notable des relations entre les deux pays : le gouvernement tunisien
reste ferme sur le principe de l’évacuation, il continue à multiplier les démarches
diplomatiques, mais ne va pas jusqu’à déclencher une bataille pour récupérer
Bizerte. Un seul changement est perceptible sans sa position. Depuis 1959, la
question de Bizerte est souvent évoquée en corrélation avec le problème de la
délimitation des confins sahariens algéro-tunisiens.

A-t-on pensé à faire de la base de Bizerte un contrepoids à la


revendication des champs pétroliers d’Edjelé ?

Il est permis d’avancer que la tactique tunisienne dans cette affaire


correspond à une stratégie calculée18. Contrairement à son attitude en 1958, le
gouvernement tunisien a refusé d’entrer dans un conflit ouvert avec le régime du
général de Gaulle.

Sa temporisation sur Bizerte est selon toute vraisemblance une mesure


tactique qui vise à améliorer sa position dans une éventuelle négociation sur un
dossier brûlant : le Sahara.

14
Le Monde du 20 mars 1958 « Les textes accordant un statut particulier à Bizerte n’ont pas été
abrogées ».
15
Ibid.
16
Arch CDN, Affaire de Bizerte, discours du président Bourguiba du 25 janvier 1960.
17
Le Monde Diplomatique, op, cit.
18
Charles Debbasch, « La politique de Bizerte », Annuaire de l’Afrique du Nord. T.II, 1963, p. 205.
5

Le 17 février 1959, le président Bourguiba propose à la France un


marché : lui concéder définitivement la base de Bizerte, à condition qu’elle
mette fin à la guerre d’Algérie, l’offre est valable jusqu’au 17 juin 195919.

Mais, au-delà du règlement du problème algérien, il cherche à négocier la


rectification des frontières sahariennes de la Tunisie. Le 19 février 1959, il
menace de porter plainte devant la Cour internationale de Justice contre les
concessions pétrolières attribuées par la France sur les territoires sahariens
revendiqués par la Tunisie20.

La menace n’est pas suivie d’effet, mais en bon juriste, Bourguiba


s’attache à préparer soigneusement le dossier des revendications sahariennes. Il
réussir à faire venir de Turquie la convention franco-turque de 1910 qui fait
arrêter la frontière tuniso-libyenne à la borne 233 et non à la borne 220, c’est-à-
dire à Fort Saint, comme le soutient la France.

En même temps, il développe dans les notes diplomatiques et les discours


adressés à la Nation une idée originale : le Sahara, mer intérieure, commune aux
riverains21.

Lisons un passage du discours du 7 avril 1960 : « Il y a aussi notre espace


saharien. Pourquoi nous couper de ce prolongement naturel de la Tunisie qui est
de même nature que les eaux territoriales ? La découverte du pétrole à Edjelé ne
change rien à l’affaire. Nous n’avons nullement l’intention de jeter notre dévolu
sur le pétrole, ni de frustrer les gens des fruits de leur travail. Les
investissements et les forages doivent être respectés. La propriété est une chose,
la souveraineté politique en est une autre »22. L’idée du Sahara mer intérieure
séduit les milieux dirigeants français23, mais ils y ajoutent un correctif de taille :
détacher le Sahara de l’Algérie, au cas où cette dernière accède à
l’indépendance, pour la garder comme zone française, pour ses champs
pétrolifères et comme zone de dispersion de la force atomique.

Mais si aucune réponse positive n’est donnée au sujet du Sahara, quelques


aménagements de détails sont prévus pour Bizerte. De Gaulle accepte, en effet,
de remettre aux autorités tunisiennes, à partir du 31 octobre 1960, les casernes

19
Arch CDN, affaire de Bizerte, conférence de presse de Bourguiba du 17 février 1959.
20
Arch, CDN, affaire de Bizerte, discours de Bourguiba du 4 février 1959.
21
Arch CDN, affaire de Bizerte, conférence de presse de Bourguiba du 17 février 1959.
20
Arch, affaire de Bizerte, conférence de presse de Bourguiba du 17 février 1959.
22
Ibid
23
Finance de 27 Juillet 1961.
6

situées au centre de la ville et de regrouper les troupes françaises et leurs


équipements sur le centre de la base 24 . Sans doute s’agit-il d’un geste
d’apaisement à la veille de sa rencontre avec Bourguiba, mais l’essentiel n’est
pas tranché.

Les perspectives d’un règlement négocié du problème algérien précipitent


les choses. Le 27 février 1961, le président Bourguiba est reçu avec faste à
Rambouillet. La rencontre de Gaulle-Bourguiba est brève, mais elle constitue un
tournant dans les rapports des deux hommes. Mal préparée d’un côté comme
d’un autre, elle contribue, malgré le lyrisme du communiqué final, à épaissir les
malentendus. Nous disposons de peu d’informations sur la teneur des entretiens
des deux chefs d’Etat, mais une chose est établie : ce sommet est concomitant
des premiers contacts secrets franco-algériens visant à préparer l’ouverture de
négociations officielles à Evian, fixée au 7 avril. La France a sans doute
envisagé de mettre à profit le rôle modérateur de Bourguiba pour faire pression
sur le FLN, mais de Gaulle ne juge pas utile de l’informer de ses contacts avec
les Algériens 25 A-t-il pensé à lui demander de jouer les intermédiaires dans un
conflit qui n’en finit pas ? Nous l’ignorons. 26

On sait toutefois que trois sujets ont dominé les conversations des deux
chefs d’Etat : l’Algérie, Bizerte et Sahara.

A vrai dire, il n’y a eu ni négociation, ni échange de point de vue, mais un


long monologue de Bourguiba, entrecoupé de quelques mises en point de de
Gaulle qui révélera, dans sa conférence de presse du 5 septembre 1961, le
tenants de ses positions :

« Quand le président de République tunisienne est reçu par moi le 27


février dernier et que la question de Bizerte est venue dans nos entretiens, je lui
dis de la façon la plus nette que la situation étant ce qu’elle était, la France ne
pouvait pas quitter Bizerte et je dois dire qu’il m’a paru s’en accommoder » 27

24
Amiral Lepotier, Bizerte, Paris 1966, p. 396.
25 Habib Bourguiba junior, « Contribution au centenaire du général de Gaulle » in Espoir,
Revue de l’Institut Charles de Gaulle, Plon, juin 1992
26 Pour de Gaulle, la visite effectuée par Bourguiba à Paris a un seul objectif : négocier la
cession d’une partie du Sahara : « s’il a tenu à me faire visite, c’est assurément pour marquer
qu’il approuve mon action en vue d’une négociation algérienne et qu’il souhaite jouer un rôle
conciliateur au cours de la confrontation. Mais c’est aussi pour obtenir quelques avantages au
moment où l’Algérie va recevoir beaucoup. » Mémoires d’espoir, Paris 1969, p. 108.
27 Charles de Gaulle, conférence de presse du 5 septembre 1961, Le Monde du 7 septembre 1961.
7

Quelque soit l’interprétation que l’on veut donner à ce dialogue de sourds,


deux remarques s’imposent : Bourguiba n’obtient aucune concession à
Rambouillet. Non seulement il n’est pas associé au règlement du problème
algérien, mais il reçoit une fin de non-recevoir sur ses deux revendications
essentielles : Bizerte et le Sahara28.

La tactique bourguibienne, combinant manœuvre politique et harcèlement


diplomatique, qui a donné ses preuves sous le système parlementaire de la VIième
République, échoue face à la rigidité gaullienne29.

Le refus français de substituer un règlement définitif au statut provisoire


de la base de Bizerte s‘inscrit dans la logique gaullienne d’une décolonisation
conditionnelle. Aussi charismatique qu’il soit, le général de Gaulle s’est trouvé,
sans le vouloir, l’otage des militaires qui l’ont porté au pouvoir, et qui, eux,
n’entendent pas quitter l’Afrique du Nord.

La thèse de la sécurité de l’Occident qu’il invoque, pour justifier le


maintien français à Bizerte, ne résiste d’ailleurs pas à un examen minutieux. La
base a coûté très cher à la Marine française et la France rechigne à se faire
chasser d’un point aussi stratégique, tant que la guerre d’Algérie n’est pas finie.
Car, dans les négociations qui s’annoncent avec le FLN à Evian (mai 1961),
deux points essentiels sont à l’ordre du jour : le Sahara et le sort d’une autre base
navale : Mers el Kébir.

Bourguiba rejette en bloc, (lors de sa conférence de presse du 8 septembre) la version du général de


Gaulle : « Quand on présente mon attitude à la conférence de Rambouillet comme étant l’attitude de
quelqu’un qui a accepté de renvoyer l’affaire de Bizerte aux calendes grecques, évidemment on est en
droit de se demander comment il se fait que quelques mois après, je prenne l’initiative d’une agression
caractérisée. Or, tout ceci n’est pas vrai. Je ne peux laisser dire une chose pareille. Je n’ai jamais laissé
entendre au général de Gaulle que je pouvais accepter indéfiniment l’occupation de Bizerte ou toute
autre partie du territoire tunisien par les forces étrangères. Nous l’avons dit, dix fois, cent fois. » (Arch
CDN), affaire de Bizerte.
28 Arch. du CDN, affaire de Bizerte, conférence de presse du président Bourguiba du 8 septembre
1961.
29
Bernard Tricot, Mémoires, éditions Quai Voltaire, Paris, 1994. Bernard Tricot fait état des entretiens
de Rambouillet en ces termes : « l’entretien, auquel je n’ai assisté que partiellement, manqua de
chaleur. De gaulle était agacé par Bourguiba, quelques propos tenus par la suite devant moi laissaient
deviner, ce qui n’était pas malaisé, que le « combattant suprême » avait trop voulu se mettre au même
niveau que l’homme du 18 juin, ce que celui-ci n’avait pas apprécié. Quelques mois plus tard,
Bourguiba fit attaquer la base de Bizerte que nos accords avaient laissée plusieurs années au pouvoir
de la France. L’attaque échoua, beaucoup d’hommes moururent. A voir les choses froidement, l’intérêt
de la Tunisie à se lancer dans cette aventure était nul, je suppose que Bourguiba, qui avait libéré son
pays à peu près sans tirer un coup de feu, pensait avoir besoin d’un peu de gloire militaire à la fois
pour lui-même et son peuple ».
8

Les lendemains de Rambouillet sont amers pour Bourguiba. Il est, en


effet, le premier chef d’Etat africain à avoir contesté un principe devenu par la
suite intangible en Afrique : l’inviolabilité des frontières héritées de la
colonisation. Il a accepté de laisser construire sur le territoire tunisien, le pipe-
line Ejelé-la Skhira, et n’a pas hésité à entrer en conflit avec le FLN.30

Or, non seulement il n’est pas écouté en France qui entend imposer l’idée
d’une africanisation du désert sous contrôle 31 , mais il constate que le FLN
accentue sa position sur le Sahara. La France a réussi à diviser le maghrébins sur
un problème essentiel : l’exploitation du pétrole saharien. Résultat : le
rapprochement avec la France a affaibli la position de la Tunisie au Maghreb et
dans le monde arabe.
La concomitance de certains faits extérieurs circonscrits, combinés avec
les maladresses des autorités militaires de la base navale de Bizerte expliquant le
rebondissement inopiné des revendications tunisiennes sur Bizerte et l’ouverture
de la crise.
Les sources françaises tendent à accréditer la thèse d’une volte-face
tunisienne ou d’une simple fuite en avant32.
Malheureusement, l’état actuel des documents consultables et la fragilité
des indices disponibles sur le chevauchement des événements ne permettent pas
de tirer des conclusions définitives sur la responsabilité effective des différents
protagonistes dans l’évolution dramatique des événements.

30
El Moujahid du 19 juillet 1961.
Sous le titre « les revendications tunisiennes encouragent la France à se poser en arbitre entre
les Etats africains » El Moujahid écrit : s’adresser au gouvernement français pour demander le
règlement d’un tel problème ne saurait être ni juste, ni opportun. En effet, une telle procédure
implique nécessairement une reconnaissance de la souveraineté française sur le Sahara
algérien. »

31 Pour de Gaulle, la revendication tunisienne sur le Sahara risquait de provoquer une cascade
de revendications frontalières qui mettraient en cause toutes les constructions étatiques
fragiles de l’Afrique saharienne : « Quel prurit d’excitation, notait de Gaulle dans ses
mémoires, en recevrait les prétentions marocaines sur Colomb-Béchar et sur Tindouf, pour ne
point parler de ce que la Mauritanie, le Mali, ni le Niger, le Tchad, la Libye pourrait vouloir
revendiquer ! Or il est de notre intérêt de régler, le moment venu, l’exploitation rationnelle du
pétrole saharien d’un seul tenant (Mémoires d’espoir, Plon Paris, 1970, p. 110).
32 Le Parisien du 27/7/1961. « communiqué du gouvernement français », publié avant la
réunion du Conseil de sécurité
9

Retenons, toutefois, que le printemps de 1961 est marqué par un faisceau de


faits isolés dont la conjonction a sûrement pesé sur les réactions des milieux
politiques des deux pays. D’abord le putsch des généraux d’Algérie, déclenché
aux premières heures du 22 avril 1961, ensuite l’ouverture des négociations
franco-algériennes à Evian (20 mai 1961), et enfin la montée de la surenchère
youssefiste via Radio le Caire, et l’exclusion de la Tunisie de la Conférence des
pays non-alignés qui doit se tenir en septembre, en raison de « ses positions pro-
occidentales ».
Dans le chevauchement de ses événements, un fait troublant mérite d’être
relevé : c’est la concomitance du dénouement du putsch d’Alger avec le
démarrage des travaux d’agrandissement et de renforcement de la piste d’envol
de l’aéroport militaire de la base de Bizerte, point de départ de la crise franco-
tunisienne. Les archives ne permettent pas d’établir un lien de cause à effet entre
les déboires subis à Alger et les avantages consentis à la Marine à Bizerte. Mais,
il est permis de postuler que pour récompenser la Marine de son attitude loyale
pendant le putsch et s’assurer de sa fidélité future, de Gaulle a accepté de
renforcer l’une de ses œuvres les plus prestigieuses : la base de Bizerte. On peut
aussi admettre qu’au-delà de la Marine, de Gaulle a cherché à présenter un gage
à une armée hostile à la décolonisation de l’Algérie. 33
Quoiqu’il en soit, les négociations d’Evian échouent et sont suspendues le
13 juin 1961. 34 Motif : la persistance de la France à vouloir maintenir le Sahara
sous sa souveraineté. Le même jour, le premier incident de la crise est signalé
entre les Gardes nationaux tunisiens et les autorités militaires françaises de
Bizerte.
L’affaire du renforcement de la base permet aux autorités tunisiennes de
s’inscrire en faux, à travers un amalgame subtil, contre les prétentions françaises
sur Bizerte et le Sahara35. L’ampleur des travaux entrepris exclut aux yeux des
Tunisiens toute idée de départ.
L’argument a un poids juridique incontestable, mais il ne peut à lui seul
expliquer l’émotion qu’il a déclenchée et encore moins être admis comme un
mobile suffisant à une crise qui a débouché sur un conflit armé particulièrement
meurtrier.
Faute d’archives, il est permis d’avancer la thèse d’un pari hasardeux dont
l’objectif est de desserrer l’isolement diplomatique de la Tunisie, tout en

33Times du 21 juillet 1961


34Pierre le Goyet, La Guerre de l’Algérie, Perrin, Paris, 1989, p. 408
35 Bahi Ladhgam, « Deux entretiens avec le général de Gaulles » in revue Espoir n° 83, juin 1992.
10

accélérant la satisfaction, par la force si besoins est, de deux exigences du


nationalisme tunisien : Bizerte et le Sahara.
La relance de la bataille de l’évacuation est un thème rassembleur qui
permet de réaliser en un tour de main l’union sacrée. Et il n’est pas exclu que
Bourguiba ait pensé qu’il peut rééditer, avec les mêmes moyens, la victoire qu’il
a remportée sans effusion de sang en 1958, face au dernier gouvernement de la
VIème République.

Son offensive sur Bizerte reste fidèle, du moins au début, au principe du


compromis et aux moyens du pays, c’est-à-dire qu’elle se veut avant tout
politique et non militaire. La stratégie adoptée est celle de Sakiet, elle a consisté
à acheminer sur Bizerte, par les soins de Néo-Destour, plusieurs milliers de
volontaires et de jeunesses destouriennes pour bloquer, le cas échéant, avec
l’aide de l’armée, les communications entre les installations militaires
françaises. Cette action de masse, sans précédent dans l’histoire tunisienne,
s’inscrit dans une stratégie éprouvée qui combine l’agitation populaire et la
proposition de négocier36.
Le 6 juillet 1961, Bourguiba charge son directeur de cabinet, Abdallah
Farhat de remettre à de Gaulle une lettre personnelle37. Rédigé par Béchir Ben
Yahmed, ce message pose le problème de l’évocation en termes vigoureux et
adjure le président français de sauver les chances de coopération en admettent le
principe de négociation sur l’évacuation de Bizerte et des territoires du Sud 38
Pendant plus de dix jours le gouvernement tunisien a espéré une réponse
favorable, ou du moins une ouverture diplomatique qui permet de désamorcer la
crise sans coup férir. Mais de Gaulle refuse purement et simplement de répondre
au message de Bourguiba. Cherche-t-il à faire perdre la face au président
tunisien ou à le pousser vers la confrontation ? Quoiqu’il en soit la pression
populaire s’est développée à Bizerte.
En marge des grandes manifestations de rue, organisées à Bizerte, à
Menzel Bourguiba et à Médenine, des tranchées sont creusées à proximité des
installations françaises et des barrages de grosses pierres et de sacs de sable sont
dressés par les jeunesses destouriennes.

36 Le Monde du 17 juin 1961.


37 Afrique-Action du 17 juillet 1961. « Lettre de Bourguiba à de Gaulle ».
38 Sophie Bessis et Souhayr Belhassen, Bourguiba, T2, « Un si long règne » 1957-1989,
Paris, 1989, p. 31
11

Le 12 juillet, l’Amiral Amman commandant de la base rend compte à son


gouvernement de l’évolution de la situation en ces termes : « Etant donné la
surexcitation dans laquelle se trouve les jeunesses destouriennes qui affluent à
Bizerte, des opérations très sérieuses, comportant l’emploi des armes, me
paraissaient inévitables à bref délai, dans le cas où aucune négociation n’aurait
lieu ».39

La tension s’aggrave davantage avec l’entrée en lice de l’armée tunisienne


qui a été mise sur le pied de guerre à partir du 13 juillet, et dont quatre
bataillons40, formés pour la plupart de vétérans des guerres indochinoises, ont
pris position autour de la base.

L’engagement de l’armée dans un mouvement de masse d’une telle


ampleur relève-t-il de la simple intimidation ou d’une option militaire
sérieusement envisagée ? A cette question, Bahi Ladgham a répondu que le rôle
assigné aux militaires engagés dans cette action a consisté à encadrer les
volontaires et les jeunesses destouriennes, à servir de force d’appoint, en cas de
marches populaires sur les installations françaises de Bizerte et à neutraliser, le
cas échéant, les pistes d’atterrissage de l’aéroport de Sidi Ahmed.
Mais si le mécanisme de l’épreuve de force se met lentement en place, la
situation diplomatique reste bloquée. Ulcéré par le silence français, Bourguiba
publie, contrairement aux usages diplomatiques41, le message secret adressé à de
Gaulle.
Le 17 juillet, c’est-à-dire le jour même où on annonce la reprise des
négociations franco-algériennes, s’adressant à l’Assemblée nationale, Bourguiba
annonce que s’il n’a pas une réponse positive française, dès mercredi 19 juillet,
0 heure, le blocus total de Bizerte sera effectif et les volontaires partiront dans le
Sud, en direction de la Borne 23342.

L’action de masse qui s’est voulue, au départ, pacifiste et graduelle s’est


subitement muée en un moyen de pression violent. Pour les observateurs de
l’époque, il s’agit là « d’une reconversion du « bourguibisme », méthode de

39 Amiral Amman, Mémoires (1904-1988), Sans date, éditées vraisemblablement par l’auteur lui-
même, p. 202. L’exemplaire que nous avons consulté se trouve dans la bibliothèque du Service
Historique de la Marine à Vincennes.
40 Amiral Amman, A Bizerte de juillet à septembre 1961, sans date, p. 12
41 Arch CND, affaire de Bizerte, la documentation française, « Chronologie internationale », n° 14 ,
1961, du 16 au 31/7/1961.
42 Arch CDN, affaire de Bizerte, discours de Bourguiba du 17 juillet 1961.
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compromis et de décolonisation progressive, muée soudain en technique de


liquidation radicale des séquelles de colonialisme ».

Les délais fixés par Bourguiba précipitent les choses. Mardi 18, à midi
30’, la réponse de De Gaulle arrive par la voie diplomatique classique. Elle
rejette la demande présentée, sous prétexte « qu’une solution ne saurait être
recherchée dans une atmosphère de passion, ni sous la menace de manifestations
populaires »43.
La réponse française ne laisse aucune ouverture à Bourguiba trop
engagé. 44 L’encerclement de la base devient effectif, à partir de mercredi 19
juillet, 0 heure. En même temps, des volontaires entreprennent leur marche à
travers le désert, sous le commandement d’ Ahmed Tlili, vers la Borne 233. A
13 heures, le ministre français de l’Information déclare que : « les éléments
parachutistes destinés à compléter ceux qui sont actuellement dans la base ont
été ou vont être envoyés là-bas ». Au même moment, un Task groupe composé
de trois vaisseaux de guerre et du porte-avions « l’Arromanche » reçoit l’ordre
de se placer sous le commandement de l’amiral Amman et de croiser au large de
Bizerte. 45
A 13 heures 30’, Radio-Tunis annonce que « l’armée tunisienne a reçu
l’ordre de tirer sur tout avion violant l’espace aérien tunisien ». La violation de
cette interdiction par un hélicoptère français constitue le coup d’envoi de la
guerre. A 15 heures 13, les premiers coups de feu sont tirés par la Garde
nationale tunisienne. Pour les Tunisiens, il ne s’agit encore que de simples coups
de semonce, les installations de la base n’ayant pas été visées.
Leur plan de guerre ne prévoit d’ailleurs pas une confrontation
généralisée. Tout au plus s’attend-on à des accrochages limités entre des
garnisons terrées à l’intérieur de leurs enceintes et des volontaires solidement
encadrés par les militaires46. La tactique adoptée a par conséquent consisté à
combiner le harcèlement populaire avec une pression militaire plus au moins
graduée selon l’évaluation de la situation. Mais l’ampleur de la réaction
française va désorganiser complètement l’exécution du plan tunisien.

43 Le monde du 21 juillet 1961


44 L’express du 27 juillet 1961 : « Bizerte, une correction ».
45 Amiral Maurice Amman, Mémoires 1904-1988, op. cit. p. 20.
46 Témoignage de Bahi Ladhgam.
13

A 18 heures 10’, une première vague de 14 avions Nord Atlas (2500), en


provenance de Blida, largue sur le terrain de Sidi Ahmed les premières
compagnies de parachutistes du 25ème RPIMA. 47

Les armes automatiques tunisiennes entrent en action, les premières


victimes tombent à Sidi Ahmed du côté français. L’aviation française intervient
aussitôt, en attaquent aux roquettes et à la mitrailleuse les barrages gardés par les
volontaires civils ainsi que les positions de tirs de l’Armée tunisienne et la
Garde nationale.
A 19 heures 29’, l’ordre arrive de Paris prescrivant à l’amiral Amman de
faire sortir des troupes des enceintes et de livrer le combat sur le territoire sous
souveraineté tunisienne. Une opération combinant les forces de terre, de l’air et
de mer est rapidement mise en place. Tous les moyens de la guerre éclair sont
mis dans la balance : les avions, les blindés, l’artillerie lourde, les vaisseaux de
guerre et les commandos de choc venus d’Algérie et placés pour la circonstance
sous le commandement du colonel Lalande, un héros de la guerre du Vietnam. 48
En face, les attaques menées par les Tunisiens revêtent un aspect quelque
peu surréaliste. Certes, de vifs engagements se déroulement entre militaires,
mercredi 19 et jeudi 20, aux abords immédiats de la base. Mais, par- delà
l’offensive militaire qui ne peut, compte tenu de la disproportion des forces,
remporter la décision, les responsables tunisiens ont misé sur la pression
populaire pour forcer les fortifications françaises. En effet, au moment où les
avions mitraillent les concentrations de troupe, ordre est donné à des foules
nombreuses composées d’adolescents, de femmes, d’enfants et de cadres du
parti de marcher sur les installations françaises de Bizerte et de Menzel
Bourguiba. Mais la tactique des boucliers humains échoue lamentablement. La
riposte française ne fera pas de distinction entre civils et militaires. 49
La guerre populaire tourne court et l’Armée tunisienne est contrainte de
reconvertir sur le terrain ses plans de bataille. 50 Le gros des effectifs se replie

47
Arch CDN, affaire de Bizerte, dépêchés d’agences (spécial gouvernement).
48
Amiral Amman, op, cit.
49
Devant la multiplication des méthodes de harcèlement populaire, l’amiral Amman en réfère à Paris.
Il reçoit, le jeudi 20, du ministre de la Défense le télégramme suivant :
« Le procédé des Tunisiens qui consiste à mêler systématiquement des femmes et des enfants aux
éléments combattants pose un problème. Chaque fois que la chose sera possible, vous tenterez de la
résoudre en exigeant le retrait des non combattants, par des mises en demeure adressées aux autorités
civiles et aux chefs militaires.
Mais quelque soit le résultat de ces démarches, c’est en dernière analyse, l’exécution de votre mission
qui prime sur toute autre considération ».
50
Arch CDN, affaire de Bizerte, rapport sur le déroulement des opérations militaires.
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sur la ville et se prépare à résister rue par rue. Le vendredi 21, commence la
bataille de Bizerte. Elle durera deux jours et deux nuits pendant lesquels de
jeunes officiers tunisiens ( Ferchichi, Cheikh, Boujelabia, Taj et Makaddem..),
coupés souvent de leur hiérarchie, résistent, pied à pied, à la tête de soldats
sommairement armés à l’offensive de troupes d’élite appuyées par des chars et
précédées par des avions de chasse. La guerre est inégale mais la résistance est
acharnée. La ville tombe à 70%. Le dimanche 23, à 0 heure, un cessez-le-feu
intervient.51
Les pertes des tunisiens sont particulièrement lourdes. Officiellement, il y
a eu 670 morts et 1155 blessés tunisiens, 30 morts et 100 blessés du côté
français. En fait, il y aurait, selon différentes sources, entre 1300 et 2000 morts
dans les rangs des Tunisiens.
L’écrasante majorité des victimes appartient à la masse des volontaires
civils et des manifestants. Sur le terrain, les troupes françaises ont non seulement
dégagé les installations de la base, mais elles ont étendu leur zone d’occupation
à des territoires sur lesquels la souveraineté tunisienne est incontestée.
A ce désastre humain s’ajoutent toutes les conséquences politiques d’une
guerre mal préparée : les relations diplomatiques avec la France sont rompues,
les fonctionnaires et agents français détachés dans l’administration tunisienne
sont mis en congé52, des mesures conservatoires sont prises contre les positions
économiques françaises en Tunisie.
De cet épisode bref et tumultueux des relations franco-tunisiennes,
l’historien retient trois éléments essentiels :
Le premier est que la guerre de Bizerte a une portée politique qui dépasse
le cadre étroit des relations franco-tunisiennes. L’ampleur de la riposte française
ne se justifie nullement par les impératifs de la défense de la base. 53 De Gaulle a
réagi en fonction de la nervosité d’une armée frustrée de sa victoire à Suez et en
Algérie54.
51
Arch CDN, dépêches de presse.
52
La police a perquisitionné dans les domiciles de certains européens où on a trouvé des dépôts
d’armes et des postes de radio, 300 d’entre eux ont été enfermés dans deux camps d’internement.
53
Dès le premier jour de la guerre, les armes lourdes qui menacent la base sont neutralisées par
l’aviation française.
54
Selon de nombreux analystes militaires de l’époque, les Tunisiens ont fourni à l’armée française une
occasion inespérée d’une victoire facile et d’occuper une partie de Bizerte. Le bruit a couru quelques
heures que l’armée d’occupation de l’Algérie allait faire mouvement vers la Tunisie pour « liquider »
les 25000 hommes de l’ALN « l’affaire, disent certains officiers français, n’aurait guère fait plus de
bruit internationalement que le massacre de Bizerte et on peut toujours se replier ensuite ». Victoir
Silvera, « La Tunisie après la crise de Bizerte », Revue de Défense nationale, avril 1963, pp.. 633.650.
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Mais par- delà l’armée, on a sans doute voulu signifier au FLN, à travers
le massacre de Bizerte, que « l’heure des faiblesses françaises n’a pas encore
sonné ».
Le second est que de Gaulle a perdu en la personne de Bourguiba un allié
potentiel qui aurait pu jouer un rôle modérateur dans la solution du drame
algérien.
En ce qui concerne les relations franco-tunisiennes, si la guerre de Bizerte
n’a pas mis fin à toute forme de coopération entre deux pays, elle a entrainé le
recul de l’importance numérique et financière de la colonie française en Tunisie
(de 100.000 à 20.000 personnes) et la réorientation de la politique étrangère
tunisienne vers un neutralisme provisoire.

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