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L'ordre philosophique
LOGIQUE ET RELIGION
CHRETIENNE DANS
LA PHILOSOPHIE
DE HEGEL
LIVRES-DISQ ES
eufs et d'Occasion
PAPETERIE
GIBERT 13 JOSEPH
~ UVRES-DlSQUES'
~ '(Co<r4>acl. _ . 33 tours on parlait 6tal'
LOGIQQE ET RELIGION
CHRETIENNE DANS
LA PHILOSOPHIE
DE HEGEL
EDITIONS DU SEUIL
27, rue Jacob, Paris VIe.
Tous droits de reproduction, d'adaptation
et de traduction reserves pour tous pays.
© 1964, by Editions du Seuil.
AVANT-PROPOS
~l
La diversite des interpretations fournies ar les commentateurs
tence humaine?
n .
Pour cette comprehension requise, suivre la genese de la pensee, ~.~ 1".,1;
' dans son unite achevee et terminale que nous pouvons esperer
9
LOGlQ.UE ET RELIGION CHRETlENNE
)~
th~m~ princiRaux de cette hiloso hie reli&ieuse po~r devoilfr
l:unite du logigue et du theologigue qui constltue, nous esperons
le montrer, l'originalite et la fecondite de la pensee de Hegel.
I. Dne seule exception: la reference a Foi et Savoir nous est apparue indis
pensable pour l'examen de la dialectique du protestantisme.
2. NoilS utiliserons pour cet ensemble de textes l'edition Lasson plus
complete que ceDe de GIQckner. Lasson ajoute au manuscrit de tregel des
notes de cours prises par des etudiants. On pourrait, en raison de ce carac
tere composite mettre en doute la legitimite de l'exploitation des Vorlesungen.
I Mais nous ne faisons pas ceuvre d'exegese positive. Seule la criti~ Iogique
\ interne est jcj decisive. Nous consi~ ODS es comme fai.sant~tie
gu corpus he~ien chaque fois qu'aucune contradiction n'apparaitra entre le
manuscrit - publie par Lasson en gros caracteres - eLkLcliff~!:ents
a~~~~~.p.!~tent. . -"
10
PREMIERE PARTIE
DU CHRISTIANISME
CHAPITRE I
L'ABSOLU REVELE ET
LE CERCLE DE LA REFLEXION
reconnalt~eJ.Ie-·~on
eUe n'etait, en verite, a religion revelee,J Si en elIe l'Absolu est
( revele, il faut .absolue, le visage de
Dieu etant manifeste, en pleme umiere 1. Ta-est, pour Hegel,
le message simple et clair du christianisme. Au regard de ~his
.( toire des religionti il aE.par~t deci:;if, hors serie. Le christianisme
est cela ou rlen, .. ieu qui se devoile en...E.~~nne/ou la presomp
tion delirante de notre conscience malheureuse, devoree de soif
d'Absolu, mais rencontrant un imposteur, adorant un tombeau
vide. J
Cependant la theologie chretienne s'est averee incapable
d'expri~~~cette r.evelation. Le savoir n'est pas encore conforme
a la foi. Bien plus, la connaissance speculative, la formulation
scientifique, sont abandonnees par les theologkps eux-memes.
Ils ne croient gl!;.ls sincerement que Dieu s'est reeUement mani
feste, qu'on pUlsse formuler un langage vrai sur sa nature, sur
son etre. L'Incarnation est traitee comme un evenement contin
gent, arbitraire, no~comme « le decret eternel de Dieu 2 ll. Si
Ia foi est reelle, si la revelation est prise au serieux comme parole
1. Vorlesungen iiber die Philosophie fUr &ligion. BegrijJder &ligion. hsgg. Lasson,
Bd. XII, Verlag von Meiner, Leipzig, 1825, p. 74. (Nous ecrirons B. der &l.)
2. VAsun en iiber diePhilosophie fkr &ligio~ IJjg Qbsolute &ligion. hsgg. Lasson,
Bd. XIV, Verlag von einer, LeipZIg, 1829, p. 32. (Nou~rirons DUs.
!$si.)
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRETIENNE
~
Pour que Dieu se revele, apparaisse tel gu'il est, il faut gue
son etre SOlf determine, gue son essence ne soit pas une abstrac
tiOn vide. Telle est la these hegelienne proposee comme implica
tion premiere et indispensable de la religion revelee. L' Absolu est
fI-:
t
I tl:·,f)~·
r&
r lJ....,.:.
1.-' c- J _
~ J
d~ne, le message chretien apporte HUe counaissance complete
. de Dieu en revelant en totalite sa determination. Mais cette
I • .1,,(
(f• ...c
J
'~I 'I{
0(."
~ t4'~
f" 1/ k 9 "~l~.
Hegel admirait leur entreprise scientifique et voulait la restaurer. Cf.
O~-,;~~-
(~<LJ
DANS LA PHILOSOPIUE DE HEGEL
~
mination de l'Absolu, in'W..WI~par couse uent une ';;;;;;ZZe
logi.gue -e~cf~ant par ses princip;a deduction simple qui vide
et formalise ce nom divin.\ Contre l'attribution exterieure de
~
determinations contradictoires, elle devra '-p;~~i~-;-r-origrne
I interne des differences en Dieu tout e,n etablissant leur concilia
tion qui preserve l'unite de l'Absolu.
Le message chretien apporte a a question « qu'est-ce que Dieu
manifeste? cette reponse generale qui precise la tache theolo
J)
I6
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEt
\
~da.ns l'unite effec' ui es!-~edem tion et~!:!!:.-noUEs
1.:w;U IQ. a 1 rence en 1eu es sa1S1e es que a 1 erence avec
Dieu, toute conservee comme alterite, est niee par Dieu meme
l'a ' solue r' lite. ~! l.. r~~u ~ 0.1.... ', It., ,~...... . • to-- ~ (J..' ./A ..-to
C ~ , . ./1 ' . k 1-4-...... vt.-"'-. • .~ l' .
ette negatIOn sera1t pourtant mcompnse, en son sens re zguux,
si le chretien ne reconnaissait qu'elle est accomplie en soi 11,
eternellement, en Dieu meme. Car Dieu se revele eTaccomplit "
a~gard ce qu'iCaccomplit en lui-meme, pour lui-meme. ... '~Ir'
Nous demeurerions autrement etrangers a la vie divine,~t . 9 J rY
des hommes ne ourrait etre leur insertion en Dieu. Il fa~n.l~~Y U!'
insIster sur ce pomt. egel compren a rev ation comme un ~" r?'
acte de Dieu pour nous, qui ne pourrait ctre simultanement lamanifesta- u(\tA" :
J.f'I.
tion de sa vie, de sa nature propre, s'il n'hait confi.orme a l;.acte ,tmul !, _ Y.J-,JI'
la LQg1que a~solue. « So~s _s?- forme pure, contmue l'auteur, ceCl,... I'" V, J
e
Cette ident1 peut tourmr l'occasion de conjectures diverses. \
[I/' vl-N./,... conforme au verbe divin, « la verite teIIe gu'elle existe en so' et
Ir . ~ our soi, sans masque ni enveloppe. Aussi peut-on dire que ce
~1.'.(..?\"'" contenu est unepresentation de~ tel qu'il est ~on
.< v essence eternel!e~ avant la creation de la nature et un esprit
1) ~ fini 1 a. » On comprend ainsi que cette these d l'Absolu determine
tfI;~ \.-. soit, pour notre auteur, une reponse definitive a mterrogatIOn
V "" philosophique traditionnelle, en meme temps qu'une transcrip
1>~ tion fideIe de la revelation de Dieu sur lui-meme. Nous allons
suivre cette analyse de la categOrIe d'Absolu. Apartir d'une cri
tique rigoureuse de la doctrine spinoziste, elIe nous conduira a
t~J~ ~.) la theorie de t' essence, centre de la logique, racine du concept uni
versel et organiquement developpe qui designera l'acte pur du
sujet absolu, inconditionne et se deter . am] ·-meme.
Quand l'Absolu, en philosophIe, s nonce forme I entique et
universalite indeterminee, c'est qu'il a pour fonction de justifier
l'etre et le sens de tout phenomene particulier. Par lui-meme,
celui-ci est donc pure apparition contingente, sans fondement
propre. L'Absolu substantiel, au contraire, n'est par lui-meme
rien de precis et demeure la realite identique, permanente, rete
nant l'etre veritable et commun a toutes les particularites qui
s'abiment en lui comme dans leur source unique. La philosophie
classique de l'Absolu, representee par le spinozisme, deceIe cette
realite-fondement a travers les apparences qui ne sont rien par
elles-memes, immediatement indeterminees dans leur Cause
immanente. Mais Spinoza devait ajouter reciproquement, sous
peine de nier la cause en niant l'effet, que cette disparition dans
le fond substantiel du particulier determine (zugrunde gehen) le
,I retablit simultanement, c'est-a-dire qu'il contient l'Absolu en tui
! meme 14. Sinon, toute determination serait consequence sans pre
misse, implication sans principe, le rapport du fondant au fonde
determine demeurant lui-meme indetermine et disparaissant par
18
DANS LA PH1LOSOPHIE DE HEGEL
17. B. tier Rel., p. 199. - 18. Ibid., p. 191. - 19. Ibid., p. 194.
20. Ibid., p. 204.
20
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
manifeste alors dans sa vie intime. L'etre n'est celui de Dieu, n'est
posee par l'essence elle-meme; elle n'est pas libre mais a seule
ment rapport al'unite; la negativite de l'essence est la reflexion
,et les determinations sont refIechies, posees par l'essence elle
.
~~1 meme, Y residant tout en etant su£primees 23 ». Qu'est-ce a
dire? .
L'etant est l'etre qualitatif immediat, apprehende de l'exte
rieur. Par contre le determin~, ar et dans l'essence, est l'etre
pose (Gesetzsein), s;TI est saisi mediatem 0 resultant d'un acte
T
qui lui confere sens et positivit . Alors, etre determine est un
etre devenu (Gewesen). Mais, consequemment, ce resultat n'est
",b..'et.- pas « libre n, c'est-a-dire indepeJ?.rt~!!!L soustrait a l'essence
I actuelle,~E il s'aneantIr~,~itM~6desa-source-;OUbien
dltll, / ) !~ s'instituerait comme suffisance a soi, nouvel absolu indiscernable
de celui qui le pose. Et l'abolition de l'etre-pose serait celle de
l'essence, essence de rien, annulation de l'acte positionnel, neant
d'essence: la seule reflexion exterieure serait possible, mais
reduite a constater le neant fondamental, l'irrationalite de l'etre,
Lt:u- sa pure contingence.
Tb. If Il est clair que ce bilan negatif conduirait a l'ab,and0!J- de
1)· t.Q.ute connaissance positive d~ Dieu, recusant la religion instituee
h. (' __ par la.;ey~]atiQp de l' Absolu. Si, au contraire, les particularites
~ ~J. se manifestent dans l'e~ absolu, si Dieu est quelque chose de
precis, de dicible, c'est que l'etre-pose - son alterite resultante,
l s~ positiyite precisee par une limite - est re _ris par J'ac.!~ qui
J'1Ie.EQ~e.
Abstraction faite de son effet immediat, cet acte est pure inde
termination, neant de l'identite sans difference. En realite, il est
inseparable de ce qu'il pose, mouvement createur: de l'et,re Eose.
~ Mais, en revanche, et dans la continuite du meme mouvement,
, l'acte originel preserve la determination qu'il pose d'une inde-
I; • f pendance neantisante, la conservant dans sa terre natale. ~r
~ ,ins.tantane qUI maintient la precision sans l'exteriorite. D'ou la
1l9lfS proposition: « Le enir, dans l'essence, son moment de
reflexion, est le mouvement du neant au neant et par consequent
son ret~)Ur a soi 24. » Sans doute I'Hre-pose depourvu de substan
tIa 1 separee, d'autonomie, n'est qu'apparence, puisquc a la
r
l'e~nce qui transparait dans sa propre appa!:,.ence. Le ,Pr-emier
propos de Hegel semble bien different. Si Dieu se manifeste telAJ' ,,,'., '.....:t>
qu'il est, c'est qu'il nous revele du meme coup qu'it ne peut etre , t,.. ~ ~
autrement, sa liberte toute-puissante et inconditionnee colnci.fr ,.,llJVV
dant, comme acte determine, avec le statut qu'il se donne.. r ,j,;JI" t1
Autrement, le devoilement religieux serait incomplet, Dieu nous {Ye. \ 1
reve~ant ~e qu'i! est enfai~, sans no~s dire ~e qU:il pourrait etr~. ,tY v.,~
La hberte de Dleu resteralt masquee, non epmsee dans sa mam- ~ """ ~ ~oy
festation. Elle serait donc ineffable, reservant l'Absolu dans sonL. l)J/ ~
obscurite et son silence. Il est clair, par ailleurs, que cette liberte, "t ~ ~,.
etrangement distincte de son exercice, cette puissance distincte O~, 'rr' . . .
de l'acte n'aurait qu'une signification anthropomorphique, irreli- ~I;,
gieuse. Hegel ne lance pas un defi rationaliste, mais affirme en ;;. J. / .
toute confiance la verite d'une revelation complete. Nous pou_l'J ,(.y
vons remarquer, a ce propos, que les consequences de ce principe
de reflexion circulaire ne font qu'appliquer l'inconditionalite
de l'Acte divin fondamental :
Transcrit de la vie divine unique, l'expose de la negativite
absolue n'expliquerait qu'un etre-pose, aussitot ressaisi en Dieu,
sans pouvoir rendre compte d'aucune diversite : la jonction de
l'essence avec son phenomene en nie la piuralite. Alors, notre
monde humain et naturel serait definitivement soustrait de cette
25
LOGlQ.UE ET RELIGION CHRETIENNE
31. Logik, 11, p. 33. - 32. Cf. Ibid. II, p. 63· - 33· Ibid., p. 64.
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
27
LOG1QUE ET RELIGION CHRETIENNE
28
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
INFINITE DIVINE ET
REPRESENTATION RELIGIEUSE
33
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRETIENNE
34
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
35
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRETIEl\TNE
37
LOGIQ.UE ET REUGlON CHRETIENNE
21. Logik, Il, p. 262. - 22. Cf. Ibid., p. 263. - 23. Ibid., p. 224.
DANS LA PlflLOSOPHIE DE HEGEL
39
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRETIENNE
25. Phinomlnologie, Il, p. 213. - 26. Cf. B. der Rel., p. 73. - 27. PM
nomenologie, Il, p. 288-289. - 28. B. der Rel., p. 75. - 29. Cf. Ibid., p. 153.
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
30. Encyclopldie, § 450. - 31. Ibid., § 451. - 32. B. de, Rei., p. 115.
LOGIQ.UE ET RELiGION CHRETIENNE
37. Die abs. ReI., p. 67. - 38. Cf. B. der Rei., p. 33. - 39. Cf. Ibid., p. 66
a 76. - 40. Ibid., p. 29. - 41. Ibid., p. 30 s.
43
42. Logik, n, p. 223. - 43. Ibid., p. 224- - 44. B. der Rel., p. 171.
45. Ibid., p. 33.
44
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
L'ORGANISATION
47
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRETiENNE
2. Nous reviendrons sur ce !lens. Rappdons ici que les preuves c1assiques,
« naturelles", doivent selon Hege1 recevoir une nouvelle formulation cOriforme
a la logique absolue. Cf. Die abs. Rei., p. 41-42.
3. Die abs. Rei., p. 7.
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
49
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRETIENNE
50
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
13. Logik, 11, p. 306. - 14. Ibid., p. 302. - 15. Ibid., p. 305. - 16. Ibid.,
P·305·
53
-
54
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
55
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRETIENNE
22. Cf. Logik, Il, p. 350 : « Le milieu, pose comme totalite du concept,
contient lui-meme et ses deux extremes en leur etat complet. ))
23. Ibid., p. 350 : « Les extremes, a la difference du milieu, ne sont plus
qu'un etre-pose. »
24. Lorsque nous etudierons l'Incarnation, nous reviendrons sur ce croi
sement de l'historique et du logique.
57
LOGrQ,UE ET RELIGION CHRETIENNE
59
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRETIENNE
27. EncycIopCdie, § 566 a 571. Cf. egalement Die abs. ReI., p. 28 a 31.
60
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
THEOLOGIE SPECULATIVE
CHAPITRE r
LA TRINITE COMME IDEE
LA DIFFICULTE SPECULATIVE
66
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
68
DANS LA PHlLOSOPHIE DE HEGEL
6. Phinomlmlogie, n, p. 273.
69
LOGIQ.UE ET REUGION CHRÉTIENNE
7 Encyclopédie, § 567.
0
70
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
71
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.A .1_ • LOGIQUE ET RELIGION CHRETIENNE
72
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
Pas plus que l'existence n'est déduite d'une essence qui serait
un produit de notre réflexion, l'objectivité n'est conclue d'un
concept élaboré par notre entendement. L'être objectif résulte
du concept, parce que celui-ci le pose, étant le Soi absolu qui
se crée en réalisant son essence et cette essence n'est rien d'autre
que l'acte pur et spontané de son autodétermination. L'immédia
teté propre aux catégories de l'être-là, de l'existence, de la réa
lité, de la substantialité, se purifie peu à peu de l'extériorité et
de l'abstraction où notre considération les maintient, à mesure
de cette progression vers le concept qui fait apparaître leur
envers de mouvement, de médiation, d'acte, les ralliant à cette
unité vivante du sujet absolu qui leur confère une plénitude de
détermination. Ainsi, toutes ces catégories {( découlent de la
nécessité du concept. » L'objectivité désignera sa totalité conci
liée, son {( immédiateté due à la suppression de son abstraction
et de sa médiatisation 9 ». Sans elle le concept demeure formel,
abstrait parce que dissocié selon ses trois moments. Malgré tout,
ce formalisme ne peut éliminer ou même dissimuler l'être,
puisque la singularité séparée désigne encore cette négativité
absolue qui le constitue. « Le concept, même lorsqu'il est formel,
contient l'être sous une forme plus vraie et plus riche (que l'être
immédiat et abstrait), lorsque, en tant que négativité se rappor
tant à elle-même, il est singularité 10. »
L'exposition analytique de la théorie du concept se trouve
donc contrainte de reconnaître l'ordre ontologique selon lequel
le comp~t p.!~e ~t ,tr~par~Jt invinciblement au _t~.!}le de la
conciliation syllogistique. L'objectivité du concept se manifeste
quand l'unité se rétablit par le remembrement de sa totalité. Pro
gressivement la liaison des aspects séparés se fait moins artifi
cielle, moins extérieure, moins contingente, puisque c1J.Jtque
extrême doit se faire milieu,_être reliant pour être relié. Dam
lesy1fogii~ initial, tout immédiat et ormel, le particulier ne
retient l~ singulier et l'universel que par une faible et fragile
emprise. Médiation qui n'était ni de l'un ni de l'autre, ni dans
l'un ni dans l'autre, chacun d'eux reposant sur lui-même, ne
s'opposant pas seulement à l'autre, mais aussi à cet intermé
73
74
13. Logik, II, p. 352. 14. Cf. Ibid., p. 359. - 15. Ibid., p. 405·
16. Ibid., p. 41 I.
75
LOGIQ.UE ET RELIGiON CHRÉTIENNE
17. Logik, II, p. 407. - 18_ Ibid., p. 412. - 19. Ibid., p. 484'
20. Ibid., p. 484.
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
77
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
I
~ auteur distingue l'Idée de l'Esp'rit, coiÏiÏlÎe le pur logique de la
1réalité effective. Sans doute, l'Es rit est bien présupposé dans la
Trinité, ce qui est conf~IJ1.et3::Ja structure syllogistique, mais
c'est le Saint E..!prit qui fqit (Ju;stionC:;car il (~e~ (pas Jsi l'on en reste
à ces syllogismes de la religion révélée, l'Es rit absolu de la der-
nière figure.
Pour souligner cette difficulté cardinale, il convient de pré-
ciser une première foi~ çe ter d'Espr,it Dans la Phénoménologie,
c'est la conscience e l'effectiv~t!'qui le désignent en ses apparitions
successives. D'une part, « dans sa vérité simple, l'Esprit est cons- - .A
cience 25 )J. Il ne se manifeste pas avant son éveil, nr dans la
79
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-1\. f'J- -J r~ :j.}- h 3.
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LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE;
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DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL ", OA--..- - ' '....... '
CHAPITRE II
DE VIDÉE ABSOLUE
diate, son rapport négatif avec lui-même est également un rapport avec un
existant ». Il y a ainsi répulsion de soi à la faveur de cette négation fragmen
tant un même être lorsqu'elle ne renvoie plus à un autre, les éléments obtenus
étant aussitôt vidés et égalisés par l'indétermination nivelante. Fragmenta
tion qui se poursuit indéfiniment en réintroduisant la dialectique du pseudo
infini qu'on croyait avoir surmontée. « L'Un est un devenir aboutissant à des
Uns multiples. » Cette dialectique a po~effet de situer l'être dans la quan
tité : le nombre surgit, constitué de la multiplicité des Uns identiques et par
l'opération totalisante, inverse de la division indéfinie, mais réglée par le
même principe d'identification.
On a souvent identifié la méthode hégélienne à un rythme ternaire
passe-partout, selon le schème fichtéen de synthèse des contradictoires. Abor
dant sa méthode dans une réflexion terminale de la Logique, Hcp·el rek!!e
une fois de plus cette intrusion du nombre. Il ajoute que, si l'on tient à cÔÏÏ1pter,
J la forme abstraiië' de la méthoëfeeSt quadruple et non triple. Eneffêi;8elon le
mouvemënt de la réflexion circulaire, le moment n gatif est double, altérité
1 et retour à soi. Il faut donc distinguer : position, négation, négation de la négation
\ et résultat, quoique le quatrième puisse être identifié au nouveau point de
dé!>îrt. -De même, au niveau du concept, la médiation nie la division d~jugè
ment pour restituer la totalité objective. On voit qu'il n'est pas possible
d'interpréter la théologie trinitaire hégélienne à l'aide du schéma triadique
simple et grossier. Nulle part Hegel n'a présenté le Fils comme « antithèse»
du Père et l'Esprit comme leur « synthèse ».
3. Die abs. Rel., p. 63.
...... •
-
1 "
86
DANS LA PHILOSOPHiE DE HEGEL
87
[il [ ov-- r;-- 'Y-- f'r" --, " t1 '~ ... "
-<- r-.- 1-. ~. "'/J ~ ~.
r { I~, ..A-_ -:f'__ Î C;; ....... I::::'
LOGIQ.UE ET REUGION CHRÉTIENNE
10. Die abs. Rel., p. 62. - 1 I. B. der Rel., p. 174. - 12. Ibid., p. 175.
13. Die abs. Rel., p. 65.
88
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
14. Die abs. &1., p. 76. - 15. Ibid., p. 60. - 16. Logik, II, p. 504.
89
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
17. PMnominologie, Il, p. 272. - 18. Die abs. Rel., p. 6x. - 19. Logik, II,
p. 220. - 20. Ibid., p. 502.
go
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
gI
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
sur soi dans la différence 25 », elle est sujet solitaire fermé sur
lui-même dans sa singularité exclusive. Mais alors, force est bien
de remarquer qu'un tel être limité, fini, circonscrit dans sa
sphère propre, contredit l'infinité divine. Conséquemment c'est la
ruine de la liberté inconditionnée du s.lljet divin, « la perte de la
subjectivité 26 » et finalement de la personne, réduite à l'objet sin
gulier fini privé d'unj!J~lité. Il faut donc affirmer au contraire et
en toute cohérence: « La personnalité est liberté dans son être
pour-soi ~ni, elle est vraiment dans son concept, ayant ainsi
la détermination de l'identité avec soi, l'universalité 27. » Phrase
qui contient la solution hégélienne: ------.-
Un sujet ne possède une singularité l'instituant personne
unique que si sa liberté, loin d'être l'indétermination et la pure
indifférence, est un être-en-acte déterminé, comme pourvu d'une
nature incomparable. Il faudrait donc dire, en un premier temps,
qu'il est un être-posé, dont la personnalité est un don distinct du
donateur universel qui est indéterminé mais déterminant et qui seul
peut être inconditionné. Mais alors cette personne n'ayant pas de
liberté absolue, inconditionnée, ne peut être divine. Particulière,
elle ne retrouve l'universalité et l'infinité qu'en se replongeant
dans le mouvement continu e 1 autocréation qu'en se redon
nant à son auteur, en s'intériorisant en lui, lui offrant sa nature,
sa détermination, renonçant ainsi à la conserver pour soi dans un
isolement qui en ferait un être séparé, fini, abstrait, perdu hors
de Dieu. Ici s'articulent étroitement les doctrines de la réflexion
autodéterminante et de l'infinité inclusive du fini avec celle de
la personne divine. Une personne divmene détlent l'acte infini
constitutif de son autonomie qu'en se donnant; elle ne peut être
seule et n'est pour soi qu'en étant pour l'a.!;!!re; elle doit renoncer
à soi pour être soi, faire éclater sa limite pour être siDgU ière
sans sortir de ce circuit infini de don et de reprise, d'indépen
dance et d'abandon, sans cesser d'être Die!:!-en Dieu. La per
sonne absolue est donc un jeu de don réciproque e personne à
personne, un (c mouvement éternel » de distinction dans la fusion
de l'amour créateur et du sacrifice. Elle est un extrême dans
l'exacte mesure où elle est cc le renoncement à soi poussé à
25. Die abs. Rel., p. 60. - 26. Ibid., p. 72. - 27. Ibid., p. 61.
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
28. Die abs. &l., p. 61. - 29. Ibid., p. 71. - 30. Ibid., p. 69.
31. Cf. Ilia.-;-p. 61. - 32. Ibid., p. 72.
93
,l
retour en soi de la forme phénoménale, a smgularité absolue. »
Ce syllogisme, qui peut être nommé par son premier terme
(
extrême, syllogisme du Père, est ici présenté dans son aspect tout
logique et formel, comme s'il s'agissait d'une structure générale
de la divinité. De plus, c'est du Père qu'il y a particularisation,
c'est-à-dire de l'universalité pure ou négativité simple, qui n'est
rien en soi sans cette détermination posée. Et c'est au Père que
cet Autre constitué retourne en se singularisant dans l'Esprit.
l Telle est ({ l'histoire éternelle » de la personnalisation, pourrait-on
dire, de Dieu le Père. En d'autres termes Dieu est Père, au moyen
de sa particularisation ou phénoménalisation, par le détour de
cette détermination qui l'exprime, de cette Expression qui appa
raîtrait comme son Autre hors de lui, si elle ne s'intériorisait
94
!:)
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DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
95
96
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
97
7
~
LOGJQUE ET RELIGION \ClIRÉTIENNE
soi Il. Alors les extrêmes se montrent insérés dans le moyen terme
qui n'est lui-même que leur transition ou moment négatif, les
distinguant, mais s'effaçant pour les lier: « La Nature qui se
trouve entre l'Esprit et son essence ne les sépare pas, à vrai dire,
en deux extrêmes abstraits et finis, ni ne se distingue d'eux
comme un terme indépendant qui, différent, unirait simplement
des termes différents, car le syllogisme est dans l'Idée; quant à
la Nature, elle se définit essentiellement comme liëli de passage
et moment négatif, elle est elle-même l'Idée 38. »
Aucun doute possible. Abstraction faite u successif de l'expo
sition, de l'ordre encyclopédique qui ne traduit pas la réalité, dif
férenciée mais une, sans la décomposer, nous sommes bien en pré
sence du syllogisme du Père et « des trois sphères en lesquelles
on doit considérer l'Idée divine 39 », selon l'exposé des Vorlesun
gen. Comment dès lorsne pas pressentir quëles deux autres syl
lôgismes qui, en cette dernière page de l'Encyclopédie, forment
avec le premier la structure complète de l'!..dée~lle,
concernent également la Trinité?
Reprenons la difficulté spéculative. D'un point de vue pure
ment formel, logique, il s'avérait impossible de passer du concept
à la réalité complète de l'Idée sans le système des trois syllo
gismes, alors que la première figure seulement était explicitement
réservée à la Trinité. Autant il est clair maintenant que les trois
syllogismes de la religion révélée ne concernent quernotrê'connais
~ LI
sance progressive de Dieu, autant l'examen du prëffiier syllo
gisme, explicitement trinitaire, en requiert deux autres, non de
l'Idée pour nous mais de l'Idée en et pour soi. Comment cette der
nière serait-elle « tout entière dans chacune » de ses trois sphères, si
chacun de ces moments ne constituait un tout où les trois sont chaque fois
présents? De plus, comment les trois personnes auraient-elles cette singu
larité universelle de la personnalité si, comme il a été montré pour le Père,
les moments du singulier et de l'universel ne jouaient dans la constitution
de chacune des deux autres?
Pour une première confirmation dé Cette hypothèse, deux
remarques s'imposent maintenant.
1) Ce rapport médiatisé du s-ingulier à l'universel dans l'Idée
98
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
40. ~git II, p. 502. - 41. B. d#r RBI., p. 203. - 42. Encyclopédie, § 575.
43· Ibid., § 574·
99
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
J
purifiant qui recueille en transfigurant, fait une apparence in
terne de l'Idée, une altérité dans le même, une différence
101
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
102
DANS LA PH1LOSOPH1E DE HEGEL
10 3
/
bien extériorisé, mais d'une façon telle que son extériorité dis
paraît, aussitôt aperçue 55. »
Assurément, la parole humaine ne parvient pas à s'hypostasier
pour se constituer personne. Néanmoins, pour nous aussi, point
de conscience de soi sans constitution du moi grâce à la mémoire
que porte et forme notre langage. Son prodige - d'introduire en
nous un être plein de sens, doué d'autonomie parce qu'il peut
être compris de tous, parce qu'il est pourvu d'une dimension
d'universalité et de nécessité rationnelle qui règle tous les juge
ments particuliers - renvoie à ce miracle éternel de l'Esprit qui
confère au Fils la personnalité divine en le conformant au Père,
à l'Idée universelle.
Dans le syllogisme du Père, le Fils médiatise la relation Père
Esprit. Mais le double rapport à ces deux extrêmes demeure sans
lien intelligible, sans nécessité. A lui seul, ce premier syllogisme
resterait une expression de la foi insatisfaisante pour la raison,
incapable de traduire complètement l'Absolu révélé. Avec le syl
logisme de réflexion se découvre le jeu médiateur de l'Esprit
grâce auquel le Fils, Verbe de Dieu, est éternellement engendré
seconde personne. Reste à comprendre le rapport de la Nature
de Dieu, du Fils, à l'Esprit. Ici vient se placer le troisième syllo
gisme - nous l'appellerons syllogisme de l'Esprit - , qui boucle le
système, le saturant de raison.
Esprit Logique Nature
Singulier Universel Particulier
Esprit Père Fils
Ici encore, la forme coïncide exactement avec la figure corres
pondante de la Logique 56. Syllogisme parfait de nécessité qui
réunit les deux premiers dans les deux rapports de son moyen
terme aux extrêmes. Syllogisme disjonctif exprimant la différen
1°4
106
t';,J?
,./i~'~,' /i. J .,,0_
. ,
DANS LA PlllLOSOPHIE DE HEGEL J..-' I~
1°7
59. Nous avons vu que la Logique est le Verbe de Dieu, son exposé complet
retraçant le second syllogisme :
/ttre - Réflexion - Idée
Mais son contenu essentiel est le Père, manifesté par le Fils, comme Idée
absolue récapitulant et totalisant toute la Logique qui en vérité, la pré
suppose dès le commencement :
Idée - /ttre - Réflexion
Il faut ajouter qu'on y retrouve le syllogisme de l'Esprit dont elle prend
la place centrale :
Réflexion - Idée - Idée objective
Ainsi retrouve-t-on la Trinité dans la Logique même, dans la mesure où
les trois personnes sont présentes au Père.
60. B. der Rel., p. 174.
108
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
. 61. B. der Rel., p. 175. = 62. Ibid., p. 176. - 63. Ibid., p. 174.
lOg
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
110
1..\
65. B. tUT Rel., p. 173. - 66. Ibid., p. 168. -67 Ibid., p. 169.
1 Il
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
LOGIQUE ET HISTOIRE
•
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
115
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
pour soi lJ. Ainsi, notre histoire ne prend une signification que si
Dieu nous la révèle en se révélant à nous, en croisant sa vie avec
la nôtre, nous apprenant que « ce qui rend nécessaire cette his
toire, c'est d'abord l'Idée divine, à savoir que Dieu comme
Esprit est ce processus 4 ».
- La théologie de l'Incarnation et de la Rédemption qui expli
quera cette association de notre histoire à la vie de Di~u exploi
tera la doctrine trinitaire. Elle est constituée de ces quatre argu
ments qu'il nous faut bien distinguer:
C.r. La vie de Dieu réalise éminemment en elle-même l'~~é "
de la nature divine et de la nature humaine.
.-2. L'homme, dans l'histoi~e qui precééfe la venue du Christ,
dispose sa nature et son esprit conformément à la logique de cette
unité, sans pouvoir la réaliser de lui-même. --
3. L'identité de l'acte par lequel Dieu se crée lui-même et
crée les êtres finis lie son propre sort au nôtre, fait ~ ~unité
indispensable une ré~lité in~vitable.
4. Cette Incarnation exige la mort et la résurrection du Christ,
conformément à la logique trinitaire.
Nous expliquerons successivement ces quatre thèses. Dieu ne
serait pas l'être absolu et déterminé, s'il restait opposé à sa propre
nature, comme une conscience finie séparée de son objet. La
réflexion absolue de l'acte autoconstituant replace le fini dans
l'infini, mais sans l'annuler, afin de retenir la détermination de
la nature divine. Nous sommes familiarisés avec cette double
doctrine de la réflexion et de l'infinité. Son application présente
est simple affaire de définition: (( en appelant nature divine le
concept absolu lJ, c'est-à-dire l'acte autonome infini de Dieu se
déterminant, en en distinguant la conscience du Fils qui serait
un être fini hors de Dieu sans cette réflexion de l'Esprit, « la
conscience de soi finie ou ce qui se nomme la nat~maine 5 lJ,
on peut dire que « l'Idée de l'Esprit est d'être l'unité de la nature --
divine et de ~?- nature hYP1-!l!!1e 5 lJ. Cettëë'ipression, (( Idée de
l'Esprit lJ, nous renvoie au troisième syllogisme de l'Idée absolue
en fournissant une précision nouvelle. Les deux extrêmes de
cette Idée étaient k!1ls et l'Esprit. L'un comme Nature, l'être
1I6
DANS LA PH!LOSOPHIE DE HEGEL
II7
LOGIQUE ET RELXGI0N CHRÉTIENNE
lIB
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
11. Die abs. Rel., p. 97. - 12. Phénoménologie, II, p. 277. - 13. Die abs.
Rél., p. 112. - 14. Ibid., p. 109. - 15. Cf. 1 re Partie, ch. III, p. 60. -~ Phé-
noménologie, II, p. 280. - .
IIg
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
:;; se fait chair pour réconcilier l'homme avec son Créateur. Mais
120
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
122
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
12 3
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
12 4
DANS LA PHILOSOPHiE DE HEGEL
12 5
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
126
[ 1.-e .... ' '7 ~? ~ t-~ v-t--.J-
c.
PHILOSOPHIE DE HEGEL
.'i/:~f ]
dissimulation du soi, que dans la mesure où l'Esprit de Dieu se
soustrait à sa tâche conciliatrice de relayer l'esprit humain impuis
sant, de ramener la nature au Père, de lui conférer l'universalité
comme il le fait dans la personnalisation trinitaire du Fils. C'est
là le seul salut possible. C'est la seule manière possible de réconci
lier l'homme et la nature, d'introduire simultanément la nature
humaine dans la nature divine. En d'autres termes, le Christ
ne peu~..être hom~e et Dieu, Fils de l'homme et Fils de Dieu,
que si a médiation' e l'Esprit universalise et divinise le corps
et le mon e, e corps du Christ et le monde n~el où il~te
inséré, supprimant l'impuissance de l'esprit humain, pour que
transparaisse dans ce corps naturel un esprit personnel et divi
nisé, universalisé. Ceci suppo~e le même Fils de Dieu se mani
feste dans ce corps mortel, puisque l'office de l'Esprit est identique,
en Dieu et pour nous: Dieu présent par l'Esprit, par son œuvre
divinisante, sumaturalisante, est le Fils de Dieu incarné. Alors
cette Incarnation révèle que cette essence universelle, autrefois
inaccessible, est en vérité non une Chose immuable et figée,
mais un acte de r~flexion, une œuvre éternelle de l'Esprit vivant
qui fait retourner toute déterminatIOn, toUt etre, dans sa dlvmlté,
en son Idée universelle. « C'est seulement comme réfléchie en
soi-même que l'essence est Esprit 30. » Telle est la nouveauté
merveilleuse de la religion chrétienne. Elle nous apprend que
l'être de Dieu esfu~vi~~oire~el'Esprit su~ la Nature:une réu ?
nion de toute division, que la simplicité de DieITest pas iden
tité morte, que son unité est une reconnaissance de soi dans
l'autre. Ainsi, il est réel, effectif: « L'Esprit énoncé dans l'élé
ment de la pure pensée est lui-même essentieHement ceci: il
n'est pas seulement en lui mais il est Esprit effectif car dans son
concept se trouve l'être-autre 31. )) Intériorisation, universalisation,
personnification de la Nature. Et dans le corps du Christ, le soi
singulier humain se t~uve ~avi par ce même Esprit qui se substi
tue à lui pour diviniser la p.~re, mais se retire dans la discrétion
de son amour pour constituer dans le Christ la seconde personne
divine qu'il constitue éternellement dans la vie trinitaire. Alors
3 1 • Ibid., p. 275.
12 7
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
128
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
12 9
9
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
37. Die abs. Rel., p. 166. - 38. Ibid., p. 158-159. - 39. Ibid., p. 159·
40. Selon Hegel, qui rejoint ici des thèses libérales, l'apparition du Christ
ressuscité « n'existe que pour la foi », car le corps est totalement ~fig!!Eé
p~prit. Mais Hegel affirme clairement (Die abs. Rel., p. 167) que cette
résurrection fait partie intégrante de la foi. - 41. Die abs. Rel., p. 173.
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
CHAPITRE l '
[~b -:~l.,
LES PRINCIPES
DE L'ÉGLISE CHRÉTIENNE
135
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
si nous sommes, comme esprits, r!E!liLdans l'Esprit saint et, comme corps,
dans le Corps du Christ. La dispersion des hommes dans l'espace
et le temps, le caractère particulier de l'Incarnation du Fils en
un homme, en un temps, en un lieu, rendent a!Qrs nécessaire le
développement de la réconciliation comme réalisation 'une
communauté une et umVërSelle des hommes, l'!1glts§. çhrétle@e.
-Cette nécessité, inïp lqU e Clans celle de nncarnation rédemp
trice, se réduit donc à celle de l'application du troisième syllo
gisme trinitaire à l'humanité, application qui nous conformera
parfaitement à la vie même de Dieu quand - et seulement ~and
- l'Ég~iverselle sera un Lait, quand son d~velopp~nt
sera achevé, quan sera close l'histoire de nos divisions, de nos
oppositIOns. Alors le Royaume de Dieu sera, pour nous, l'universel
concret, singulier, l'umté réëlle_ de tous. Il n'est donc p~
nant que, pour Hegel, la connaissance du troisième syllogisme
trinitaire, et donc celle des de~aUtrëS dans leur unité, soit assi
gnée à la « Rhiloso hie» qui réalise la religion révélée par l'intl
niité avëc Dieu tout en tous. Ce qui est étonnant, c'est que,
avec sans doute que que liésitation 1, il ait cru, lui, pouvoir la
posséder, ne doutant pas que cette histoire soit close, - à
quelques péripéties près. Ainsi, pour bien comprendre la théo
logie trinitaire, son double énoncé, partiel puis complet, que
nous avons tenté d'unifier, il nous faut explorer maintenant
l'ecclésiologie et expliquer, en fonction de ses principes, la sur
prenante lecture hégéliem~~...~J~stoire de l'Église chrétienne.
La disparition du Christ, cette annulation de la présence sen
sible de Dieu au jour de l'Ascension, marque la fin du « Règne
du Fils» en notre monde. Que nous reste-t-il? Nous connaissons
le Père, mais il demeure en sa majesté lointaine; la Parole de
Dieu a cessé de se faire entendre et se réduit au souvenir et au
témoignage des disciples. Les hommes escomptaient la présence
à leur Esprit de l'Idée universelfe et VOici qu'un seul homme en
est comblé au moment où il riOus échappe. L'œuvre de l'Esprit
s'est accomplie pour lui m~is non pour nous: le cÏÜTst-ëst passé
dePêtre-immédiat à l'Idée par a réfleXIOn de l'Esprit, mais ce
retour. . - ~---- -
à la divinité, cette assom tion de notre finitude dans la
VIe innilie est tout entière à faire pour nous. Sans doute on peut
dire que tout est accompli dans le Christ mais en soi seulement,
et à cette certitude acquise de la réconciliation doit se joindre
la vérité, pour nous, par une participation indispensable à la
mort et à la résurrection· du Fils de Dieu. « Le sujet humain,
l'homme - en qui est révélé ce qui, grâce à l'Esprit, donne la
certitude de la réconciliation - a été défini comme un individu,
séparé et différent des autres hommes. Par suite, l'exposition de
l'histoire divine est objective pour les autres sujets et ils doivent
parëOürir roor eux-mêmes cette histoire, ce processus. Mais pour
ce a, If doitêtrëprésupposé d'abord que cette réconciliation est
possible, exactement que cette réconciliation est faite en soi et
pour soi et qu'elle est certaine 2. » Or, cette actualisation 20ur
tous les hommes implique la présence de l~s rit, ~p_ermanê'iiëe
en notre histoire, la continuation de son œuvre médiatnce et
réflexive dans la communauté des hommes. En termes spéculatifs,
le second sy ogisme tnnitaire doit se perpétuer dans l'humanité
totale pour qu'elle soit rendue au Père comme le Christ l'a été.
Ainsi la disparition du Christ est l'ayènement de l'Esprit dans
notre monde. Hegel s'efforce de le démontrer en-liantétroite
ment le thème de l'amour divin - à l'œuvre dans la passion et
le retour en gloire- du lJlirist - à la doctrine trinitaire de
l'Esprit médiateur; en identifiant cet amour réconciliateur
avec le lien qui réunit les premiers chrétiens en une commu
na1!!,é fraternelle. A la différence des liens habituelsde l'amitié,
qui rapprochent indirectement par des principes communs, des
études, une science, un projet ou un passé, l'inçl~a9<2!L!!e
l'amour chr~tien n'est liée à rien de particulier et de contingent
dès que 'attachement au Maître présent est métamorphosé en
communion spirituêlle. «Cette unité en cet amour infini issu de
l'iriffiiIedou eur n'est donc pas une connexionSënsible, tempo
relle, celle d'une particularité, d'une naturalité encore valable
et qui demeure encore, mais une unité qui est dans l'Esprit uni
quement. Cette unité, douleur infinie, est précisément le concept
137
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
----
3. Die abs. Rel., p.
.
180•
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
139
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
la. Phéncménclogie, II, p. 233 et 259. .:-. II. B. der Rel., p. 227.
12. Ibid., p. 229. - 13. Die abs. Rel., p. 202. - 14. Ibid., p. 208.
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
15(Die abs. Rel., p. 209. - 16. Ibid., p. 191. - 17. Ibid., p. 21.
143
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
145
10
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
./-I-P.. J ,._
rJ~ ~ ';"-:,
ET CONSCIENCE MALHEUREUSE
DU,..PROTESTANT
147
LOGrQ,UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
~
: Cette corruption est d-'un diagnostic simple: -priVllege acCordé
au seul ~ppareil extérie~r, perte. du sacré dans la ~ie séculière
du clerge, attachement a ce qu'Il y a de plus contmgent dans
l'Église, à l'être immédiat qui est mort à l'Esprit. Par suite,
(( l'Église du Moyen Age se présente à nous comme une multiple
i contradiction interne 3 ll. Contradiction entre le langage chré
i tien qui subsiste, le caractère divin de la communauté qui reste
\ affirmé et dés formes d'existence incompatibles avec la religion
de l'Esprit. Trois formes de cette contradiction sont soulignées 4.
1 En premier lieu, le culte se dégrade en pratiques, privées d'inten
tionalité religieuse. On attendait la transfiguration de la nature
en Idée, du geste en signification divine, et-VOici que l'esprit
humain lui-même se trouve asservi au sensible et à l'apparat
extérieur des cérémonies. D'autr~ part, l'Église, devenue société
close, détient jalousement la vertu de la réconciliation. Au point
148
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
149
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
155
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
157
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
24· Cf. Phénoménologie, I, p. 185. ~ 25. Cf. Ibid., p. 186. - 26. Ibid., p. 187.
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
159
CIlAP]TRE ]11
PHILOSOPHIE DE L'ÉTAT,
]61
n
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
universelle des hommes. Tel est, tel doit être, selon Hegel, l'État
réâîisant a relIglOllëhrétienne. Il p'r~nd le relais de l'Église pour
clore-l'histoire de sa perversion êt coiistit~r 1 ra
aumeeffectlf
de l'Esprit. « L'État est la volonté dMrïëëomme Esprit présent
et actuel qui se développe dans l'organisation du monde. »
Cette philosophie présente l'État comme l'unité de la subs
tance sociale de la cité grecque et de la liberté chrétienne.
La cité grecque, l'ethos, actualise la raison, c'est-à-dire l'unité
des consciences de soi, dans la parfaite réciprocité. Mais cette
unité est immédiate et indifférenciée, étouffant les consciences
singulières 3. C'est pourquoi les individus seront réduits fina
lement à la plate identité des atomes indifférents. C'est le
monde du Droit romain, de la personnalité juridique. Au
contraire, le christianisme affirme la libération de tous, engendre
l'émergence des Individus à partir de -èettesubSfance éthique.
Mais, comme le montre la Réforme, la liberté chrétienne se
retire dans la pure intériorité, méprise le monde et ~~y_'!Jorise
les œuvres. Alors le chrétien a perdu le sens de l'universalité
dIvine en abandonnantla cité réelle des hommês: règne ae la
vertu inefficiente qui se croit immédiatement universelle dans le
refuge de son âme et récuse le « cours du monde »; règne de la
personnalité morale que la raison pratique de Kant établit en
sa forme achevée. Droit abstrait et moralité subjective consti
tuent les préalables de la philosophie de l'État exposée dans la
Philosophie du Droit et qui s'offre, à partir de la moralité objective,
1 comme l'unité spéculative et effective de l'universel et du singulier 4.
162
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
6. Encyclopédie, § 552.
7. Institution de la religion chrétienne, IV, 20, I.
8. Cf. Ibid., III, 19, 7. - 9. Ibid., IV, 20, 3.
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
cipe concret de la famille 18. Dans les deux cas, on obtient une
unité des hommes au moyen de l'unité de l'homme avec la nature,
qui définit le travail et l'économique comme le rapport de pro
création. Or, cette unité n'est possible et réelle que par l'unité
politiq1!-e, celle des volontés, celle des consciences de soi, la seule
qui nous apparente vraiment à l'Esprit singulier et universef Cie
Dieu. Alors on peut affirmer: « L'État est la substance sociâle
consciente d'elle-même 13. }) Jamais cependant, cette unité ne
saurait être obtenue par la somme des consciences individuelles,
car elle implique l'omniprésence d'une conscience de soi, trans
I cendante à toutes et immanente à chacune. D'où la théorie du
( Prince qui a pour fonction de présenter, de rendre présent,
) l'Esprit-Un divin à la conscience humaine. Loin d'être tyran
'\ nique, son autorité permettra à la liberté de chacun de s'accom
) plir sans se réduire au formalisme inefficace ou à l'arbitraire
individuel, mais en se conformant aux lois rationnelles, à l'ordre
\ réel, réalisé grâce au concours d'une administration hiérarchis,ie.
! « Il en résulte que ni l'universel ne vaut et n'est accompli sans
1l'intérêt particulier, la conscience et la volonté, ni les individus
1ne vivent comme des personnes privées, orientées uniquement
vers leur intérêt, sans vouloir universel 14. }) La liberté effective
des hommes conduits par le Prince, unis par les lois communes,
telle est pour Hegel la marque indispensable de ce r~yaume sécu
\ lier de l'Eiprit incarné. Plus de liberté intérieure juxt~osée-à
~nie exférieure, sur le mode calviniste. A la nécessité
contrainte de la grâce individuelle se substitue l'imposition d'un
ordre universel, de la raison qui sécularise en{cet Esprit objectif de 1
l'Éio.tza-logiquedivinC17aquelle la religion révélée doit nous conduire.
La monarchie constitutionnelle qui unifie et protège cette raison
politique n'estclonc pas une constitution parmi d'autres pos
. sibles. Elle seule peut conférer à l'universalité sociale la singula
) rité qui la fait concrète. HegeCesf-forme sur cepoint. Pour-lùi,
. cette sou~erainetè du_monarque, dont la personne s'impose à
tout pouvoir particulier,-peut seule traduire la toute-puissance
du Dietipersonnel. Il n'hésite pas à affirmer qu'elle réalise poli
166
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
Nul ne peut affirmer que, dans l'esprit de Hegel, cet État uni
versel réalisant l'Ég~~e ait été accompli à son épà~ai1a
suprématie du royaume prussien. Il est clair, cependant, que sa
lecture de l'histoire de l'Église le conduisait logiquement à cette
certitude de l'avènement d'une cité définitivement constituée
comme Esprit objectIf. L'éclÏêëChJ. catholicisme, l'échec de a
Re orme, rendent inévitable cette reprise d'une divinisation
effective de l'humanité, que l'Esprit ~e peut abandonner après
l'avoir amorcée dans l'Incarnation rédemptrice. Mais il est clair
également que cette constitution d'une cité universelle en ce
monde ne saurait nous priver u royaume de Dieu nal, dont
elle n'est que l'étape dernière sur cette terre, préparant l'huma
nité à la pénétration en Dieu de l'eschatologie véritable. Lors
qu'il notait la réfraction du syllogisme du Père dans le temps et
l'histoire, Hegel précisait que cette actualité de l~ mmunauté
chrétienne effective impliquait l'étape ultérieure, l'avenir de la
perfection du royaume de Dieu. « Ce présent, toutefois, doit être
le troisième terme; la communauté, en effet s'élève également
au ciel. Elle est donc aussi un présent qui doit s'élever, réconcilié
essentiellement, achevant son universalité par la négation de son
immédiateté. Toutefois, cette perfectIon n'est pas encore, c'est
un maintenant présent qui a l'avenir devant soi 17. » Il reste que
cette étape politique est la dernière forme de la communauté
historique, séparée encore de Dieu, mais capable d'être élevée
et introduite en sa vie propre.
L'État est parfait en son ordre. Comme Esprit objectif il
forme une totalité complète et unifiée qui traduit, aussi fidèle
ment que possible dans la société des hommes encore distante
de Dieu, l'organisation conceptuelle de la vie trinitaire. C'est
pourquoi Hegel offre cet État universel comme modèle de la
triple médiation syllogistiqueetsigne, par conséquent, d'une
œuvre effective de l'Esprit. On peut dire que c'est la seule réussite
complète de la logique en ce monde, le triple syllogisme de la religion
révélée ne s'achevant que par l'insertion escha~ologique de toute
la Société en la vie même de Dieu. « L'Etat est un systeme pra
tIque de trois syllogismes' L'-Le singulier (La personne) s'unit
168
b' t.7 ~ ~ -.:t. ,lA-<
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DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL l
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par sa particularité (les besoins physiques et moraux, qui~~
développant forment la société) à l'universalité (la société, le
droit, la loi, le gouvernement) ( t> La volonté des individus est
le moyen terme qui satisfait aux besoins sociaux, à la loi, etc., et
par quoi la société, le droit, etc., s'accomplissent et se réalisent.
3. Cependant, l'universel (État, gouvernement, droit) est le
moyen terme où les individus et la satisfaction des individus
trouvent et conservent leur réalité accomplie, leur médiation et
leur consistanœ:- Chaque détermination, puisque la médiation
l'unit avec l'autre extrême, unit également à elle-même, se pro-
duit elle-même, et cette production est sa propre conserva-
tion 18. »
Nous avons cité intégralement ce texte afin de bien montrer
cette précision et cette perfection spéculative qui fait de l'État
une totalité complète. Mais c'est une totaljté objective, manifêsta.- (-(.
tion parfaite de l'Esprit dans le monde humain, de 'E~~bjec-
-!.if. Il est significatif que Hegel énonce' ce triple syllogIsmeoe
l'État dans la section de l'Encyclopédie qui traite de l'objet, de
l'Idée objective, afin de fournir l'exemple de toute unité concrète
s'offrant à ra- conscience. On ne saurait conclure, en effct:"de
cette réussite de l'État, qu'il est sans au-delà, de même que l'Idée
logique -objective 'ne saurait clore le développement conceptuel
qui ne s'achève que dans l'unité définitive de l'Idée absolue.
L'ÉJflt ~ise, pour nous, en nous, lJ~~sprit ~bsolu qui est, en
vérité, comme Dieu trinitaire, le fondement de l'Esprit obj~f, ~
de même que l'Idée logique absolue est le véritable fondement
de l'Idée absolue. La thèse de Hegel, à propos de l'État univer-
sel, est simplement que rien ne conduit à Dieu qui ne lui soit coiiforme,
lë royaume de Dieu ne pouvant être préparé par une succession
d'étapes dialectiques qui ne disposerait pas la société, en l'absence
de conversion spéculative, à la logique trinitaire. Qette réalÏ!a-
tion de l'État est donc indispensable pour nous procurer l'uni-
versaiitéconcrète de l'Esprit dont il est l'ultime préfiguration sur
terre.-:r:;'- tat;cëpënaant,entretient encore les déficiences d'une
nature hors de Dieu, des esprits séparés de sa vie infinie, de la
raison impuissante à éliminer ce formalisme qui distingue le
16 9
..
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r. . LOGIQ.UE ET RELIGIO;N'. C!l,RÉTlENNE
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1
concept logique de l'acte personnel. Le passage à l'Esprit absolu
peut s'opérer, certes, quand l'État universel est réalisé. Mais ce
sont ces imperfections de l'Esprit 2.bjectif qui constituent l'exi
gence de cet avènement. ({ L'Esprit qui pense l'histoire du monde,
après s'être dégagé de ces bornes déS ësprits nationauxp-articu
liers et de l'emprise du monde qui lui est propre, appréhende
son universalité concrète et s'élève à la connaissance de l'Esprit
ibsolu, la vérité éternellement réêlleen laquelle a raison qui
sait est libre pour SOI, tanais que la nécessité, la nature et l'his
toire ne sont que des instruments de la révélation de l'Esprit et
les vases d'élection de sa gloire 19. » Cet Esprit qui appréhende
la connaissance de l'Esprit absolu, accédant à la révélation
c~plète d-e-la raisonparfaiteët autonom-e - qUI nous ren
voie au moyën terme du troisième syllogisme de l'Idée absolue - ,
au terme de l'histoire dont le sen~est_alors-f...o]11pris, ne désigne
rien d'autre que ce savoir absolu, qui s'offre avec tant de mystère
à la fin de la Phéno;;;[M[;;g[ide l'l1sprit t~nt- qu'on n'a pas saisiSOn
!.-app-ort avec la religion~~~oly.~_~tl'État u~versel.
Le chapitre consacré à la religion réVèlée dans la Phénoméno
logie de l'Esprit ne saurait conclure cette histoire des manifesta
tions de l'Esprit à notre conscience, car il met en lumière un
déficit de notre connaissance. Faute d'avoir dépassé le régime
de la représentation, le chIétien a bien reconnu la réconcilia
tion de l'homme avec Dieu dans le-Christ, mais ne l'a pas
obtenue pour lui-même. Inversement, la distance qui persiste
e'iitrë cette réconciliation effective en soi et son extension en et
pQ.ur les chrétien~, intcrdità'"accéder au savoir adéquat de l'es
sence d-ivine~ C'est pourquoi, situé entre l'Incarnation et l'escha
tologie, l'homme ne peut trouver cet apaisement qui dissiperait
le malheur de la conscience. ({ Sa propre réconciliation entre
comme quelque chose de lointain dans sa conscience, comme
quelque chose de lointain dans l'avenir, de même que la réconci
liation que l'autre Soi accomplissait se manifeste comme quelque
chose de lointain dans le passé 20. » Il subsiste une différence entre
la conscienœ et fa conscience de soi, entre ce qui est connu de
l'extérieur comme un autre étranger et ce qui est saisi comme
17°
r-e- .
17 2
DANS LA pmLOSOPHIE DE HEGEL
173
174
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
29· Phérwminologie, II, p. 304· - 30. Ibid., p. 305· - 31. Ibid., p. 303.
175
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
32. Phénuménologie, II, p. 305. (Le langage de Hegel reprend ici la tenni
nologie Kantienne pour désigner, à sa manière, le rapport de l'intuition au
concept.)
DANS LA PHILOSOPHIE DE HEGEL
177
la
LOGIQUE ET RELIGION CHRÉTIENNE
l un
comme délire rationaliste; la connaissance humaine, capible
de recueillir cette parole de Dieu, ne saurait être identique à la
connaissance parfaite que Dieu a de lui-même.
Pour bien saisir cette rupture avec la tradition théologique et
cett~récusation par la foi chrétienne,s il faut remarquer que la
distinctIon entre philosophIe naturelle et théologie de la révéla
tion est éliminée par cette imbrication, que nous avons essayé
d'éclaircir, de la logique et du discours trinitairè:'" On p'ense, clas
siquement/que la révélation ne fournit pas les conSSf!!s ~t""ks
. 181-\
["" }w~d-S~.'J-_
LOGIQ.UE ET RELIGION CHRÉTIENNE
~
VangéliqUe. la philosophie que le théologien exp1icite, toute la
EJ1ilosophie, reléguant dans l'erreur dialectique les systèm~n.
h~s. A cet égard, si la philosophie hégélienne s'adresse ~J.l) N'3
~fl
SCience enc clo édi ue hiloso hique capable de transcrire fidè
lement et intégralement la Trinité, .parc.e qu'elle se constiJLte_au
It:r~~ d'une . ire ui rocl.!Lej!,::~o.!l,:~.~e~r une proxiI}lit~.g,ri
1VIle lée r ra ort à cette urruère l i Viendra saturer notre
@ n 'ssance lors e avenement d!!i2Y-aume de leu. Incontes
tablement, cette ass-urance e _~e ren compteae sa prétention
qufheurte la fOlêhréti'enne:Malst, si l'on convient que l~ropos de
Hegel ~st. ici commandé par une lecture abusive de l'hiStC>ireâ"ej
l'Égli~e,~duite a oppOSitIon fan~astigue de d~ux confes~ons - '
catholiqueet réfornlée - qui s'e~luent de aJéconciliation
_opérée par l'E~rit, on pourrait dessertir la tentative ege lenne
e cette monture dogmatique qui la présente achévée, définitive
et close. Comment ne pas reconnaître que tout n'était pas clair] ~(
pour Hegel lui-même, ~e les hésitatjqns ~t les Aé~?:!:.~h.~~J~bo
r~s de sa philosophie religieuse tra~uisent JE.l: effort de p.sné- (0,.. 1
tration et d'explic~tion, et non le repos du succès qui annule tout
désir de connaître? C'est cQ...,m.2!!.Lune ensée forte et vivant~e
'P-'jJ nous ourrions recueillir les fruits de cetê- ort pour es re lacer,
fwd~S- ave~ tout eur éclat et leu!, f~condité, dans le trésor ouvert qu'a '
men~e la recherche commune de la v nt ans une histoire ui
\ contmue.
NOlis pouvons dire enfin, reprenant les derniers mots de Karl
~h, dans le petit livre qu'il consacrait à Hegel: « Nous devons
'f'YIt'jJ nous content~r de le considérer tel qu'il était en ~ea lte: une
Il gran e uestlOn, uI1~an e eSI USlon et eut-etre quand
~~ même, une grande promesse 1. »)
j
~~~,~
1. 0 UVRAGES DE HEGEL
TEXTES ALLEMANDS
l
..
'i? '1
Avan~propos . 7
3e PARTIE : ECCLÉSIOLOGIE
ET SAVOIR ABSOLU
'8
IMP. MAME A TOURS. D. L. 1er TR. 1964, NO 1546. (1294)
Logique et religion chretienne
dans la philosophie de Hegel
Cette etude veut prouver que Hegel, avec son
genie propre, ne fait qu'exposer la manifestation de
l'Absolu dans le Christ et tirer les consequences de
la revelation du Dieu trinitaire. La logique n' est
pas un palais d'idees abstraites mais s'inscrit dans
une theologie chretienne. L'auteur n'y traite que de
Dieu.
Mais on doit ajouter aussitot qu'il n'y a pas de
pensee scellee pour l'incroyant, pas de theologie
separee. C'est aux philosophes que s'adresse Hegel,
I pour leur montrer que le seul discours logi<)ue reussi,
l~
sans croyance prealable, est celui qui s'etablit en
transcrivant dans le langage k plus rigoureux la
religIOn chretlenne. L'Idee absolue ne deslgneque
la TriniteCleS personnes divines, mais elle n'est pas
distincte du deploiement du concept se10n une par
tfaite organisation. La verite est une et en pleine
Iumiere.
Aucune realite, aucune pensee, aucune volonte,
[n'ont de sens hors de cette 10g!.9.ue, .hors de cette
} revelation. La politique y souscrit et doit eliminer
toute communaute separee, toute religion particu
liere, Rour etre I'organisation parfaite de la SOciete)'l
yniverselle, conforme it lallogique, conforme au J
royaum~e Dieu, ce qUI, pour HegeI, est tout un.
Claude Bruaire
Claude Bruaire est ne en 1932. Agrege de philoso
phie en 1960, il a fait des etudes de theologie cl l'Institut
catholique de Paris.
A publie en meme temps que cette these principale
« L'Affirmation de Dieu", une these complementaire
"Logique et religion chritienne dans la philosophie de
liegel".
Projets de travaux sur l' Union de l'ame et du corpsj
la Liberte politique (essai sur le rapport du politique
au religieux) j Christianisme et philosophie indienne.
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