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Wafa M’Sallem, Assistante en Marketing, l’Institut des Hautes Etudes Commerciales de Sousse, et membre de l’unité
de recherche MaPReCoB - Université de Sousse
Résumé :
L’implication est une variable essentielle en marketing. Elle est toutefois caractérisée par la
multiplicité et la divergence de ses définitions et applications, ce qui pose problème pour son
opérationnalisation. Une confusion est relevée quant à la définition du concept ; les
chercheurs confondent ses différents types et objets. L’implication est aussi souvent reliée au
prix, ce qui n’est pas toujours vrai. Une autre confusion réside au niveau de l’implication
individuelle versus envers la catégorie de produit. Ce travail vise à lever ces ambiguïtés à
travers la clarification de la notion d’implication.
C’est un concept caractérisé par la richesse et divergence de ses définitions, sa nature, ses
dimensions et sa mesure (Arts, 1999). Ceci rend difficile son application en Marketing
(Michaelidou et Dibb, 2008). Certains le qualifient de concept pot-pourri (Kiesler et al. 1969 ;
Finn, 1983 ; Ben Miled, 2001). Bien que très étudiée, l’implication demeure un concept
insaisissable (Mitchell, 1979), flou et ambigu (Roser in Ben Miled, 2001), qui entraine une
confusion due à l’utilisation du terme en référence à des choses différentes (Batra et Ray,
1983 ; Arts, 1999). D’autant plus que l’implication est associée à des concepts voisins tels que
le risque perçu, la recherche d’information, l’engagement envers la marque, la fidélité, le
leadership d’opinion, la motivation, l’intérêt, ou encore le besoin. (Arts, 1999 ; Chaudhuri,
2000 ; Coulter et al. 2003 ; Dholakia, 1997, 2001 ; Greenwald et Leavitt, 1984 ; Hoyer et
Ridgway, 1984 ; Kinley et al. 1999 ; Lockshin et al. 1997 ; Muncy, 1990 ; Petty et Cacioppo,
1981 ; Quester et Lim, 2003 ; Venkatraman, 1988 ; Worrington et Shim, 2000 ; Zaichkowsky,
1994 ; Vaughn, 1986; Michaelidou et Dibb, 2008).
Malgré cette kyrielle de définitions, un consensus semble être formé autour de la définition
proposée par Rothschild (1984) : « L’implication est un état non observable de motivation,
d’excitation ou d’intérêt. Elle est créée par des variables externes (la situation, le produit, la
communication) et internes (le moi, les valeurs). Elle entraine des comportements, certaines
formes de recherche de produit, de traitement de l’information et de prise de décision »
(Zaichowsky, 1985 ; Laurent et Kapferer, 1986 ; Kapferer et Laurent, 1985, 1993 ; Valette-
Florence, 1989 ; Mitchell, 1979 ; Bloch, 1981 ; Cohen, 1983).
L’implication peut porter sur plusieurs objets. Elle peut avoir lieu envers la classe de produit
(Kapferer et Laurent, 1985 ; Kapferer et Laurent, 1993 ; Michaelidou et Dibb, 2006 ; Rahtz et
Moore, 1989 ; Zaichkowsky, 1985, 1994), envers la décision d’achat (Mittal, 1989 ; Slama et
Tachian, 1985 ; Smith et Bristor, 1994), envers une activité/exercice/évènement (Flynn et
Goldsmith, 1993 ; Goldmith et Emmert, 1991 ; Mittal et Lee, 1987, 1989 ; Neelamegham et
Jain, 1999 ; Speed et Thompson, 2000 ; Tybjee, 1979), envers un service (Keaveney et
Parthasarathy, 2001), ou encore dans le traitement d’une publicité ou d’un message
(Andrews et al. 1990 ; Laczniak et Muehling, 1989 ; Mitchell, 1981 ; Petty et Cacioppo,
1981 ; Vaughn, 1986 ; Zaichkowsky, 1994 ; Greenwald et Leavitt, 1984) (Michaelidou et
Dibb, 2008).
L’implication avec des objets différents entraine des réponses différentes. Par exemple,
l’implication envers la publicité entraine une plus grande contre-argumentation de l’annonce
(Wright, 1974). L’implication envers le produit entraine la perception d’une plus grande
importance du produit, et un engagement plus important dans le choix de la marque (Howard
et Sheth, 1969). L’implication envers la décision d‘achat entraine la recherche de plus
d’information et la dépense de plus de temps de recherche afin d’effectuer la bonne sélection
(Zaichkowsky, 1985).
Les types d’implication :
D’autres recherches classent les définitions de l’implication suivant qu’elle soit durable
versus situationnelle. D’autres rajoutent à cette classification l’implication de réponse.
D’autres classent les définitions selon qu’il s’agisse d’un trait, d’un état ou encore d’un
processus (Ben Miled, 2001). Or ces deux classifications peuvent en réalité être regroupées
sous une seule :
L’implication situationnelle est définie comme « une variable d’état interne indiquant le
degré d’éveil, d’excitation et d’intérêt suscité par un stimulus ou situation précise » (Mitchell,
1979 ; Derbaix et Pecheux, 1997), « l’aptitude de la situation à générer un certain niveau
d’implication de la personne » (Arts, 1999), ou encore comme « le niveau d’importance
personnelle perçue ou d’intérêt suscité par le stimulus dans une situation particulière »
(Antil, 1984). Elle permet de comparer les produits, tandis que l’implication durable permet
plutôt de comparer les individus (Derbaix et Pecheux, 1997).
L’implication durable affecte l’implication situationnelle, alors que l’inverse est peu probable
(Kapferer et Laurent, 1986 ; Valette-Florence, 1988). « Un évènement particulier peut
rarement affecter une orientation individuelle stable et continue » (Valette-Florence, 1989).
Pour mesurer le degré d’implication, plusieurs chercheurs ne séparent pas le concept de ses
causes et ses conséquences (Cohen, 1983), parce que l’implication est un concept théorique
qui ne peut être mesuré directement, mais seulement être déduit par la présence ou absence de
ses causes ou conséquences supposées (Laurent et Kapferer, 1986).
Les conséquences de l’implication concernent son influence sur le comportement. Elle a des
conséquences théoriques et des conséquences pratiques. L’implication a un effet direct sur les
éléments constitutifs du processus de décision d’achat (recherche, acquisition et évaluation de
l’information), et sur les orientations comportementales durables (leadership d’opinion,
recherche de nouveautés…) (Valette-Florence, 1989). Pour mesurer l’implication, plusieurs
chercheurs se servent de ses conséquences (temps passé à rechercher le produit, efforts
consacrés, nombre de marques comparées, caractère approfondi du processus d’achat (Engel
et Blackwell, 1982), ou encore par l’attachement à la marque (Robertson, 1976 ; Laurent et
Kapferer, 1986).
L’implication envers la publicité a un rôle médiateur qui affecte les processus de persuasion.
Elle résulte des caractéristiques individuelles et du type de publicité, et est définie comme
« l’état d’intérêt ou d’excitation interne vis-à-vis d’une publicité » (Falcy, 1993).
Tableau : Prallèle entre les consommateurs à faible implication et les consommateurs à forte
implication
L’identification de ces deux groupes est utile dans la segmentation des marchés (Laurent et
Kapferer 1986 ; Valette-Florence, 1989), et peut affecter les principales composantes du plan
marketing :
• positionnement du produit ; prix (Le conso impliqué est peu sensible aux réductions,
échantillon gratuit…etc.) ; la politique de distribution ; la stratégie publicitaire
(l’implication détermine l’intérêt porté à l’information pub et aux réactions à l’égard
de l’information (Krugman 1965 ; Wright 1974 ; Assaêl 1987). Par exemple, la
répétition (Krugman, 1965) et les messages courts (Rothschild, 1979) sont plus
efficaces pour les produits à faible implication. En cas de forte implication la publicité
doit être plutôt informative et faire connaitre les caractéristiques du produit et
convaincre pour entrainer l’achat (Muheling et alii 1993).
Plusieurs études se sont intéressées à la classification des produits selon leur niveau
d’implication. L’implication est considérée comme un continuum sur lequel un même produit
peut être faiblement ou fortement impliquant selon les caractéristiques individuelles et
contextuelles. « Il n’y a pas de produit exclusivement à forte ou à faible implication,
l’implication est un continuum » (Ben Miled, 2001).
Les chercheurs s’accordent sur le fait que l’implication soit un phénomène relié à une
catégorie spécifique de produit. Des produits différents entrainent des niveaux d’implication
différents (Bloch, 1981 ; Michaelidouet Dibb, 2006).
Les variations du niveau d’implication s’expliquent parfois par la nature du produit plutôt que
par les différences individuelles (Vernette et Giannelloni, 1997). La catégorie de produit
interagit avec des facteurs opératoires (executional factores) et sociaux pour affecter l’impact
publicitaire (Weinberger et al. 1995, 1997).
Les produits chers, à valeur d’égo élevée, à valeur sociale élevée, nouveaux et à risque élevé,
demandent plus d’intérêt et d’attention et sont plus impliquant (Vaughn, 1980). La situation
peut aussi affecter le niveau d’implication. Un même consommateur peut être selon le
contexte à implication minimale ou maximale (achat pour soi/achat pour offrir) (Ben Miled,
2001). Certains chercheurs classent les produit selon qu’ils soient essentiellement utilitaires
ou essentiellement hédoniques (Chaudhuri et Holbrook, 2002).
A partir des années 80, plusieurs études proposent des typologies de produits (Vaughn, 1980,
1986 ; Rossiter, Percy et Donovan, 1991 ; Weinberger et al. 1994). Chaque étude classe les
produits sur une matrice présentant un continuum allant de l’implication faible à l’implication
forte. La classification selon ces matrices, capturent d’importants aspects de la décision du
consommateur (Weinberger et al. 1995). La matrice FCB et la matrice PCM sont les plus
utilisées.
Matrice FCB :
Vaughn (1980, 1986) a développé la matrice FCB (Foot Cone and Belding). Suite à
l’introduction de la matrice FCB, d’autres typologies de produit ont été proposées pour tenir
compte des soubassements théoriques de l’implication forte/faible, et de quelques aspects de
faible/forte valeur hédonique (Rossiter, Percy et Donovan, 1991 ; Weinberger et al. 1995 ;
Spotts et al. 1997). L’implication est utilisée dans la stratégie publicitaire de l’agence FCB qui
classe les produits selon deux dimensions : le degré d’implication (élevé/faible), et le mobile
d’achat (affectif/cognitif) (Ben Miled, 2001). La matrice FCB (Foot Cone and Belding
Agency) permet de positionner le produit selon le degré d’implication, le degré de
rationalité/sentimentalité [matrix (think/feel)* (high involvement/low involvement]. L’échelle
FCB permet de définir différents niveaux « d’implication-enjeu des classes de produits (Arts,
1999).
Mobiles d’achat
1 2
Assurance Voitures de
Elevé Voiture sport
économiques Parfums
Cartes de crédit
Anlagésiques
Niveau
3
4
d’Implication Faibe Crèmes solaires Pizza
Eau de javel Boisson
Rasoirs gazeuse
Papier toilette
Source : Ben Miled (2001)
Bien que les définitions opérationnelles de faible et forte implication, de risque, ou de valeur
hédonique varient, les types de produits classés dans les cases de la matrice sont consistants.
La validité de cette matrice est confirmée par les travaux de Zaichowsky (1987) et Ratchford
(1987), et son utilisation a donné des résultats pertinents dans le domaine de l’impact
publicitaire (Weinberger et Campbell, 1991 ; Weinberger et Spotts, 1989, 1993; Spotts et al.
1997). La réponse communicationnelle est différente pour les produits peu versus très
impliquants, et ceux nécessitant un traitement de l’information dominé par la réflexion (côté
gauche du cerveau), ou par les sentiments (côté droit du cerveau). La grille FCB décrit quatre
stratégies de planning publicitaire : stratégie informative, stratégie affective, stratégie
habituelle, et stratégie de satisfaction (Vaughn , 1986).
Matrice PCM :
La matrice PCM ressemble à la matrice FCB (Weinberger et al. 1994). Elle met en évidence
les différences entre les produits qui doivent être considérées lors du développement de la
publicité.
Tableau : Matrice PCM de Weinberger, Campbell et Brody (1994)
Objectif
Outils Jouets
Risque
PRODUITS BLEUS PRODUITS JAUNES
Cellule 1 : Produits Blancs : Ce sont les produits à risque élevé dont l’achat est souvent basé
sur le prix. Le produit blanc est un « grand outil » qui répond à un besoin fonctionnel
(Weinberger et al. 1995 ; Spotts et al. 1997). Ce sont des produits durables, chers, nécessitant
que le consommateur visite plusieurs magasins afin de comparer, à cause du risque inhérent
au choix. Les appareils électroménagers, les produits d’assurance, certaines voitures, sont des
exemples de produits blancs. D’un point de vue traitement de l’information, les produits
blancs entrainent le niveau le plus élevé de motivation à traiter l’information, d’attention
envers l’annonce, et de mémorisation. Le traitement est systématique et les exécutions sont
plutôt rationnelles puisqu’il y a peu de bénéfices émotionnels (Weinberger et al. 1995).
Cellule 2 : Produits Rouges : Le rouge est expressif et symbolise la flamboyance. Les sports,
les voitures, les motos, les vêtements de luxe, les bijoux, et autres produits tape-à-l’œil et à
risque élevé, appartiennent à cette cellule. Les produits blancs et rouges ont comme
caractéristique commune le risque important. Mais pour les produits blancs le risque élevé est
dominé par l’aspect financier, alors que pour les produits rouges le risque élevé est dominé
par à la fois l’aspect social et financier. Les produits blancs sont de grands « outils » et
satisfont un besoin fonctionnel, alors que les produits rouges sont de « grands jouets » et
satisfont un besoin plus voyant et flamboyant. Pour les produits rouges, les bénéfices sont
rationnels et émotionnels (Weinberger et al. 1995 ; Spotts et al. 1997).
Cellule 4 : Produits Jaunes : Ce sont les « petits jouets », ou encore les petits « plaisirs » qui
sont les petites récompenses de tous les jours que s’offre le consommateur. Barres
chocolatées, chips, chewing-gums, confiseries, boissons, cigarettes, sont des produits jaunes.
Ce sont des produits d’achat routinier, à faible risque, et qui permettent à l’individu de se
sentir mieux à travers la satisfaction de désirs et d’expressivité. Les produits Jaunes
ressemblent aux produits rouges, mais ils ne sont pas aussi risqués. Le modèle ELM classe ces
produits dans la catégorie de faible motivation à traiter à cause du faible risque et de la nature
routinière de la décision d’achat (Weinberger et al. 1995). Ce genre de produits est caractérisé
par une décision de faible à très faible motivation à traiter, une attention divisée, et faible
travail mémoriel (MacInnis et Jaworski, 1989).
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