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Bouddhisme et Psychanalyse - Jean-Pierre Schnetzler

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Médecin psychiatre et psychanalyste, écrivain et pratiquant bouddhiste, Jean-Pierre


Schnetzler (1929-2009) a eu l'occasion de fréquenter plusieurs des principaux
représentants boudhistes asiatiques séjournant en France, de toutes les traditions : les
Vénérables Dhammarama et Walpola Rahula du Theravāda, Maître Deshimaru du Zen
japonais, Kalou Rimpoché et Lama Teunsang de l'école Kagyü du bouddhisme tibétain.
Tout particulièrement engagé auprès de Lama Teunsang, au centre de Montchardon, à
Izeron en Isère, il y a enseigné et dirigé des retraites jusqu'en 2006. Dans cette
conférence, donnée en prologue des activités de l'IEB, Il fait bénéficier le public de sa
double formation, bouddhiste et occidentale, et de ses dons de pédagogue...

Conférence donnée le 28 février 1996


Je suis très honoré d’ouvrir ce cycle de conférences de l’Institut d’Études Bouddhiques [à
l’époque « Université Bouddhique de Paris »] par un sujet interdisciplinaire où je vais
représenter toutes les disciplines en même temps, dans une question vaste et complexe
que je ne traiterai, bien sûr, que très partiellement mais, je l’espère impartialement.

Je parlerai de la méditation bouddhique, la seule que je connaisse un peu, qui est partie
intégrante d’une voie spirituelle de complète libération de la douleur; et je parlerai un
peu aussi de psychanalyse, méthode d’investigation et de traitement, basée sur
l’hypothèse de phénomènes inconscients, sur une relation transférentielle établie entre
l’analysant et l’analyste, et bien entendu sur une certaine conception du psychisme
primitivement élaborée par Sigmund Freud et quelque peu modifiée par ses
successeurs. Les problèmes qu’elle pose ne sont pas fondamentalement différents de
ceux que pose la majorité des psychothérapies individuelles ; aussi je traiterai des
psychothérapies individuelles et pas seulement de la psychanalyse au sens strict.

Les difficultés présentées par la comparaison entre la méditation et la psychanalyse


tiennent évidemment à des conceptions de l’homme et du monde qui sont différentes
dans les deux cas. Il s’agit, dans le premier, d’une voie traditionnelle, et dans le second
d’une méthode d’investigation scientifique moderne. Il y a toutefois une analogie
profonde entre ces deux démarches. Le Bouddha décrit le bouddhisme comme une
méthode de guérison de la souffrance, ce qui lui a valu, d’ailleurs dans le bouddhisme, le
titre canonique de Grand médecin, bhaiṣajya-guru. Personnellement je préférerai
l’appeler le Maître psychiatre, car la maladie dont il guérit est avant tout mentale. Cette
idée de thérapie est en effet commune aux deux démarches que nous allons traiter ce
soir. Et je pense, pour ma part, qu’elles sont capables de se féconder réciproquement. Il
nous faudra toutefois délimiter les domaines et les modes d’action ; les difficultés tenant
aux différences de concepts, de doctrines, et de but car ils sont, nous le verrons,

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analogues mais pas identiques. Bien entendu je me tiendrai à l’essentiel, et en dehors
des querelles de chapelle qui, vous le savez, existent partout dès qu’il y a plus de trois
hommes ensemble !

Je mettrai surtout l’accent sur la méditation parce qu’elle est sans doute un peu moins
connue que la psychanalyse qui fait partie du patrimoine culturel commun de nos jours.

Nous allons commencer par voir quelle est la structure du monde auquel se réfère le
bouddhisme, par rapport à celle qui est explicite dans la psychanalyse.

Pour la psychanalyse, l’évolution de l’homme culmine dans un état de maturité


psychologique chez un être humain capable de jouir, de supporter une dose raisonnable
de contrariétés, de travailler, d’élever sa progéniture. Après quoi il décline et il disparaît
définitivement, au travers de la sénilité, puisque, bien entendu, il n’y a rien après la mort.
Les idées de la psychologie classique et de la psychanalyse sont évidemment celles du
rationalisme et du matérialisme de leur temps. Mais la psychologie contemporaine, en
particulier aux Etats-Unis, et à la suite, en France, dans le mouvement transpersonnel,
est née sur la côte californienne, sous les influences conjuguées de Carl Gustav Jung et
des doctrines orientales. La psychologie transpersonnelle a étudié la maturation du moi
de l’adulte jusqu’à un niveau qui n’est pas celui auquel je me référais auparavant. Il
intègre des expériences et des modes de fonctionnement psychologique qui sont ceux
des mystiques, de toutes les religions d’ailleurs, mais aussi, de façon beaucoup plus rare,
de certains non-religieux. Ces expériences ont été décrites sous le nom « d’expériences
de sommet » par Abraham Maslow et, d’une façon générale, par des observateurs qui ne
se sont pas crus obligés de se limiter à la description du citoyen ordinaire mais ont tenu
compte des phénomènes peut-être relativement rares mais tout de même bien attestés,
qui font partie d’une évolution naturelle et nullement pathologique de l’être humain ;
phénomènes qui relèvent de ce que, de façon abusive, on appelle, avec une légère
condescendance méprisante, les phénomènes mystiques.

Dans cette optique, la psychologie transpersonnelle reconnaît, de façon schématique,


qu’il existe d’abord des stades pré-personnels de développement qui sont bien connus
de la psychologie génétique et de la psychanalyse. Je vais vous rappeler simplement que
le nourrisson commence à prendre conscience de son environnement sensori-moteur,
puis des émotions qu’il éprouve et de quelques fantasmes, pour ensuite accéder à un
niveau de pensée que Piaget appelle pré-opératoire et qui constitue un élément normal
mais, évidemment, temporaire de l’évolution. Après quoi, le stade personnel est atteint,
lorsque sur le plan intellectuel l’enfant est capable de faire des opérations concrètes
mais raisonnables où il comprend les rôles et les règles. Il acquiert ensuite une pensée
formelle où il est capable de penser le monde et lui-même, suivant les règles de la
logique. Il appréhende des relations conceptuelles et, finalement, il est capable
d’opérations synthétiques et intégrantes, créatives, où il est possible d’intégrer tous les
processus formels et réflexifs d’une façon personnelle. Lorsque l’adulte est arrivé à ce
stade, il a terminé son évolution.

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Ce n’est pas exact, disent les psychologues du transpersonnel. L’être humain est encore
capable, si son évolution continue, d’atteindre un stade transpersonnel du
fonctionnement psychique, qui est ce que je décrirai tout à 1’heure comme le début des
processus de la méditation, de la concentration, au seuil du premier dhyâna. Il est aussi
capable d’atteindre un stade, dit « subtil » par Ken Wilber - un des psychologues
transpersonnels dont je suis en train de résumer les positions - qui correspond à ce que
le bouddhisme appelle la forme pure : le rūpa-loka, et qui correspond aussi aux
archétypes et aux idées platoniciennes, aux visualisations des yidam dans le
bouddhisme tantrique et aux stades des dhyāna de la forme pure ; nous y reviendrons
tout à l’heure. Enfin le neuvième stade, qui est le stade causal pour Ken Wilber, est
l’expérience du vide, du sans forme, ou de l’universel, ce qui constitue la fin des
phénomènes psychiques. Au delà, c’est un état ultime, que l’hindouisme appelle le
quatrième état : turīya, ou ce qui constitue le svabhavikakāya du bouddhisme, nous
allons aussi y revenir. Je vous cite simplement ces neuf ou dix stades de Ken Wilber parce
qu’ils sont représentatifs de la position contemporaine de la psychologie
transpersonnelle qui montre qu’au-delà des stades du moi, connus de la psychologie
classique, on peut décrire, suivant des critères formels basés sur des constatations
d’expériences, des types de fonctionnement mental qui ne relevaient pas, ordinairement,
de ce que l’on enseignait à la faculté.

Nous sommes donc là au-delà du moi ordinaire. Est-ce de cela dont il s’agit quand la
mystique chrétienne parle de la mort du moi ? Est-ce de cela dont il s’agit quand le
bouddhisme parle de l’illusion du moi, ou de l’inexistence du moi, ce qui est une façon de
traduire le pāli anātman ou le sanskrit anātman et qui constitue, vous le savez,
l’enseignement essentiel, fondamental du bouddhisme ?

Cet enseignement de l’anātman, de l’inexistence réelle et ultime du moi, est un


enseignement difficile à comprendre dit le Bouddha. Il avait sûrement raison car dans
l’expérience que peuvent en avoir des pratiquants du bouddhisme, on s’aperçoit qu’il y a
souvent des erreurs de compréhension. J’en cite quelques-unes tout à fait classiques. Il y
en a une qui consiste à dire que la libération survient en rejetant tout dans un acte
romantique ou anarchiste de liberté sans frein. On a connu cela sur les chemins de
Kathmandou, et également chez ceux qui recherchent une fusion extatique, de type non
pas transpersonnelle mais en réalité de type pré-personnelle, une expérience de fusion
avec le sein maternel ou avec la puissance protectrice, comme on voudra. C’est d’ailleurs
ce qui motive les critiques de Sigmund Freud sur ce point précis. D’autres voient une
libération du moi dans le fait de se soumettre complètement à un autre : le maître
spirituel, ressenti comme un autre que moi, en essayant ainsi de supprimer
désespérément les limites interpersonnelles. D’autres enfin pensent qu’il faut tuer le moi
pour passer outre et se livrent à des processus d’assassinat de l’individu à la suite de
guerres civiles douloureuses qui relèvent à mon sens du sado-masochisme, mais
certainement pas d’une voie spirituelle. Le Bouddha était, vous le savez, non violent et
n’a jamais recommandé d’assassiner personne, pas même soi-même. En fait, avant de

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devenir personne, d’accepter de n’être rien, il faut déjà être quelqu’un ; il faut avoir un
moi avant d’accepter de le perdre. Il faut que celui-ci fonctionne avant qu’il puisse
s’effacer.

La réalité relative du moi est précieuse et tous les psychiatres savent la gravité des
troubles chez ceux dont le moi s’est mal structuré. Ce complexe fonctionnel qu’est le moi
doit donc exister ; et exister normalement et correctement. L’anātman, encore une fois,
ne consiste pas à tuer un moi réel. Cette vérité consiste à reconnaître que le moi est une
illusion, à percevoir qu’il n’a jamais été réel et que ce qui n’a jamais été réel disparaît au
moment même où l’on découvre l’illusion. Le moi n’est pas quelque chose de réel et
d’authentique qu’il faille faire disparaître. On ne fait disparaître qu’une illusion, l’illusion
qu’on a été identifié à ce moi. Lorsque le bouddhisme dit que le moi est une illusion, ou
qu’il est irréel, n’oubliez pas que pour lui la seule chose qui est réelle c’est le nirvāṇa ;
tout le reste est illusoire. Il faut donc comprendre que ce qu’il y a à supprimer, c’est
l’attachement passionnel à une identification illusoire ; c’est la fixation à un mode
d’opérer, à un mode de fonctionner qui existe sous le primat de l’identification : « Je suis
cela ». Ce dont il y a lieu de se libérer, c’est donc de cette identification, en reconnaissant :
« Je ne suis pas cela, ceci ne m’appartient pas, ceci n’est pas mon moi ». C’est-à-dire qu’il
faut se libérer de la relation d’identification : « Je suis cela », ou de la relation
d’appropriation : « Ceci est à moi ». Il faut donc se désapproprier et se désidentifier. Mais
il n’y a évidemment pas à supprimer de force quoi que ce soit de façon artificielle ; bien
au contraire les consignes de la méditation nous demandent de ne rien rejeter, de ne
rien supprimer, de tout voir comme c’est réellement. Alors que d’habitude nous voyons
les choses comme nous désirons qu’elles soient, ou comme nous avons peur qu’elles
soient, ou comme nous imaginons qu’elles sont. Ce sont donc les puissances de
l’attachement au désir, les puissances de l’attachement à la répulsion et les puissances
de l’identification engendrée par le voile de l’ignorance qui doivent être abandonnées. Si
ces trois-là sont abandonnées, le moi disparaît, puisqu’il n’a jamais existé.

En fait on pourrait dire, en reprenant la formule de Lavoisier, qu’il n’y a rien qui se crée,
rien qui disparaît, mais tout qui se transforme. Et on pourrait reprendre cette formule
chimique au sens alchimique... Il y a de grandes parentés spirituelles entre l’alchimie et le
bouddhisme tantrique en particulier, puisque la spécialité, pourrait-on dire, du
bouddhisme tantrique, c’est justement de ne rien supprimer, de ne rien détruire, mais de
tout transformer, exactement au sens alchimique du terme. On va donc laisser se
dissoudre, naturellement, avec sagesse et compassion, ce qui est impermanent de par
sa nature et qui donc, de toute façon, se dissoudra.

Nous en arrivons donc à la méditation ; ou plutôt, aux méditations, au pluriel, car il y a


des centaines de techniques dans le bouddhisme. Mais, pour faire bref, je décrirai très
simplement les deux grandes familles de technique de méditation qui existent. La
première est la famille de la concentration : samādhi, qu’on appelle aussi la voie du
calme : samatha-yāna, chiné (Zignas thegpa) en tibétain. Cette voie de la concentration
aboutit à une série de huit extases ou enstases (on peut traduire de deux façons le pāli
jhāna ou le sanskrit dhyāna). Voilà pour la première famille. La deuxième famille est la
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famille dite de la « vision pénétrante » ou « vision supérieure », ou « vision transcendante
» qui traduit le pāli vipassanā ou le sanskrit vipaśyanā ou le tibétain lag thong. Cette
deuxième famille de technique est la seule, dit le Bouddha, qui permet d’atteindre le
nirvāṇa ; et c’est donc elle qui est caractéristique de la méditation bouddhique
proprement dite, la voie de la concentration lui étant parfaitement commune avec le
Rāja-Yoga hindou, et avec l’hindouisme tantrique bien évidemment, en ce qui concerne
les formules tantriques. La famille de la vision pénétrante consiste à voir, de façon lucide
et sage, tous les phénomènes quels qu’ils soient, qu’ils appartiennent au monde matériel
ou au monde mental de nos sensations, de nos sentiments, de nos émotions, de notre
conscience et de nos objets mentaux.

Le tantrisme, qui constitue la troisième grande école du bouddhisme, utilise pour sa part
les mêmes techniques de méditation que celles de la Voie des Anciens (Theravāda :
doctrine des anciens) ou du Grand Véhicule (Mahāyāna), dont je viens de parler, et il
ajoute en fait seulement deux caractéristiques qui lui sont propres. La première consiste
en certaines techniques de yoga physique et, je dirais, subtil, qui consiste à maîtriser
certains phénomènes physiologiques du corps humain et certaines fonctions mentales
qui lui sont correspondantes. La deuxième consiste en l’utilisation de visualisations
symboliques comme des maṇḍala... Je crois que tout le monde, maintenant, a vu des
maṇḍala en Occident, peintures ou dessins représentant des déités, des divinités de
méditation qu’on appelle yi-dam en tibétain (yi-dam [la], skt. : iṣṭadevatā, divinité ou déité
d’élection) et qui sont des représentations symboliques d’aspect de la sagesse ou de la
compassion des Buddha, que le méditant est invité à visualiser, auxquels, dans un
deuxième temps, il s’identifie, et qu’il dissout, enfin, dans la vacuité. Voilà donc pour les
spécificités du tantrisme qui font appel, vous voyez, d’une part à des yoga physiques et
d’autre part au mode symbolique de fonctionnement du mental dont nous allons un peu
reparler par la suite.

Le but des pratiques méditatives est de se dégager de ce qu’on appelle les saṃskāra, en
sanskrit, qui sont des formations mentales, formées et formantes, ou des dynamismes
formateurs, à la fois inconscients et conscients, bâtis par le désir et la répulsion, et
verrouillés par l’ignorance. Ils constituent la base des contraintes mentales qui nous
ligotent. Ces saṃskāra viennent, bien sûr, de l’enfance, et là-dessus, tous les
psychologues et tous les psychanalystes seront d’accord ; ils viennent aussi, disent
l’hindouisme et le bouddhisme, des vies antérieures, ce qui est déclaré parfaitement
impossible par la science contemporaine, dans sa majorité, et parfaitement possible
pour les quelques équipes scientifiques universitaires, existant à l’heure actuelle - il y en
a au moins quatre à ma connaissance - qui ont vérifié la réalité de l’existence des
souvenirs de vies antérieures chez certains enfants, de tout jeune âge, (entre deux et
cinq ans), qui se souviennent spontanément de leurs vies antérieures et qui les
racontent. Ceci a été, non seulement enregistré, mais vérifié par une étude des
témoignages et des faits, par un de mes collègues pionnier de cette recherche, le
professeur Stevenson, qui est professeur de psychiatrie à l’Université de Virginie aux
Etats-Unis. A l’heure actuelle, il a réuni environ plus de deux mille cinq cents cas vérifiés
de cette question. Ce qui n’avait été étudié jusqu’ici, il faut bien le dire, que par
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Stevenson, a été vérifié et publié dans les journaux scientifiques depuis deux à trois ans
par trois autres équipes universitaires indépendantes. C’est la raison pour laquelle, j’ai
moi-même écrit un livre sur la question, résumant les constatations de Stevenson, et les
miennes propres car j’ai aussi observé un petit nombre de cas. Voilà donc pour
l’existence des saṃskāra, qui constituent entre autres l’inconscient. Cet inconscient est
personnel, au sens freudien, collectif, au sens jungien, ou transpersonnel, s’il vient aussi
d’individualités nous ayant précédés et nous ayant légué un héritage dont nous ne
sommes pas toujours conscients mais dont il faut que nous payions les droits.

Quels sont alors les moyens pour se débarrasser de ces saṃskāra ? C’est d’abord, et
avant tout, la sagesse : prajñā, qui permet de voir justement les choses comme elles
sont, associée à des règles de comportement : l’éthique, la moralité, śīla, qui évite que
nous nous fassions du mal, à nous-mêmes ou à autrui, et que, par conséquent, nous
développions une série de causes qui trouble notre mental, charge notre inconscient et
nous empêche de développer comme il convient la lucidité de l’esprit et la tranquillité
intérieure, indispensables pour que nous puissions pratiquer la méditation de façon
fructueuse et, de ce fait, nous libérer.

Qu’est-ce que disent, de leur côté, la psychanalyse et les psychothérapies individuelles


d’inspiration analytique ?

Auparavant, peut-être, on pourrait faire remarquer qu’un certain nombre de


constatations théoriques qui motivent des psychothérapies non analytiques se
retrouvent également dans la méditation bouddhique. En particulier, tout ce qui
concerne l’étude des conditionnements du comportement, soit sous forme du
conditionnement d’évitement, soit sous forme du conditionnement opérant. C’est un peu
du jargon de la neurophysiologie, je ne vais pas vous ennuyer avec cela. Vous avez
entendu parler de Pavlov et des réflexes conditionnés. Tout ce qui conditionne
positivement ou négativement le comportement de l’homme, et donc détermine son
comportement ultérieur, était connu du Bouddha et il l’a utilisé dans certaines des
techniques de méditation, qui ne sont pas les principales dont je vous ai parlé. Mais l’on
peut effectivement diminuer le désir, par exemple, ou la répulsion, en se concentrant sur
certains sujets de méditation qui influencent directement le désir ou la répulsion. On
peut également renforcer ce qui existe en nous de façon systématique en se concentrant
sur l’amour, par exemple. Certaines techniques de méditation développent l’amour, c’est
vrai, tout à fait expérimental. Il y a donc là un moyen technique de développer ce qui
autrement resterait à l’état embryonnaire. D’autres techniques sont en fait des
méthodes d’apprentissage et d’exercices. Je n’insiste pas parce que cela se comprend
tout seul, et qu’il n’est pas possible de faire une étude complète.

Les psychanalyses, freudienne, post freudienne ou jungienne, en reprenant ce qu’elles


ont de commun, nous disent toutes qu’il est nécessaire d’intégrer l’inconscient et ses
contenus infantiles, au travers d’une compréhension des régularités de notre
comportement et des défenses par lesquelles nous nous empêchons de prendre
conscience de certaines choses. Ceci est mené dans le cadre d’une relation

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transférentielle entre l’analysant et l’analyste, ce qui permet à l’analysant de voir,
précisément et avec justesse, comment se sont constitués ses désirs, ses répulsions, ses
peurs, etc. au fil de son enfance, ce qui lui permet de comprendre le présent en
reconstituant le passé. A cet égard, il faut dire que la psychologie génétique, en général,
et la psychanalyse ont beaucoup apporté au bouddhisme dans le détail de la façon dont
se constitue la personne, dont les modes de fonctionnement de l’intelligence croissent
en complexité, etc. Tout cela n’a pas été étudié, dans le détail, par le Bouddha qui n’avait
pas les moyens que nous possédons à l’heure actuelle et n’était pas non plus très
intéressé par la connaissance minutieuse des mécanismes subtils puisqu’il lui suffisait de
s’en débarrasser, en bloc. Pour ce qu’il recherchait, c’était largement suffisant.

De même la psychologie jungienne nous apporte des connaissances fort intéressantes


par tout ce qu’elle a mis en évidence sur le rôle du symbolisme, rôle capital, car c’est un
mode naturel et spontané, un mode premier, comme dit Mircéa Eliade, fonctionnement
de notre mental. C’est le mode de fonctionnement nocturne de notre mental et notre
façon de parler par images, et poétiquement, qui est, vous le savez, le premier langage
de l’humanité. Celui-ci a un gros avantage car il véhicule, en même temps, des
informations intellectuelles et affectives. Il permet donc la circulation du sens et sa
compréhension ; mais, en même temps, il évoque des émotions et nous permet de faire
circuler nos affections positives et négatives - ce que le langage purement intellectuel ne
fait pas. Le langage abstrait, on le sait, n’a jamais fait bouger personne, ce que savent
tous les orateurs politiques. L’intérêt du langage symbolique, c’est donc qu’il fait l’unité
de l’être, dans ses dimensions intellectuelles et affectives. Et c’est la raison d’ailleurs pour
laquelle les méthodes de méditation tibétaine sont particulièrement actives et efficaces
parce qu’elles intéressent la totalité du fonctionnement mental et pas seulement une
partie de celui-ci. D’autre part, le mode logique dans lequel fonctionne le rêve n’est pas le
mode aristotélicien ordinaire, Dieu merci - ou « Bouddha merci », comme vous voudrez...
En effet, la limitation de la logique classique est qu’elle ne s’adresse pas à tout ce qui
dépasse le domaine des objets quantifiables et des idées claires et distinctes, comme
disait Monsieur Descartes. Tout ce qui est au-delà ne fonctionne pas correctement avec
la logique du tiers-exclu. Je n’insiste pas sur ce point parce que le problème est
compliqué. J’y ai consacré un chapitre dans mon ouvrage sur les souvenirs de vies
antérieures, parce qu’il y a là un problème de compréhension du symbole qui est
extrêmement important. Il se trouve que la logique bouddhique du tétralemne, que l’on
rencontre aussi chez Platon, n’est pas la logique ordinaire aristotélicienne, puisqu’elle
comporte quatre propositions dont la troisième régit le symbolisme. Elle dit qu’un objet
est à la fois ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. Dans le rêve, une chose peut être une chose
et autre chose en même temps. Et ce n’est pas scandaleux pour le rêve. Ce n’est pas
scandaleux pour le bouddhisme non plus. On trouve ainsi des argumentations
bouddhiques qui obéissent à la logique du tétralemne et ont fait grincer les dents d’un
certain nombre de logiciens classiques. Plus maintenant d’ailleurs, depuis quelques
années, parce que la logique moderne s’est assouplie et n’est plus aussi strictement
corsetée que la logique d’Aristote. Nous trouvons donc là dans le canon bouddhique et

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dans les méthodes de méditation, comme dans le rêve, un mode de pensée qui va plus
loin que la logique classique des objets quantifiables. On pourra y revenir si vous voulez
tout à l’heure, mais je ne vais pas insister parce que ça nous entraînerait trop loin.

Nous en arrivons maintenant au maître spirituel, comparé au thérapeute. Ils ont des
fonctions thérapeutiques analogues, visent tous les deux à une certaine libération, mais
pas au même niveau. Voilà en gros l’argument de ce paragraphe. Le maître spirituel,
quand il est complet, authentique, réalisé, est capable de transmettre sans paroles,
silencieusement, directement, de coeur à coeur, ou d’esprit à esprit, l’influx spirituel de
sagesse et d’amour, de sagesse ou d’amour ou les deux en même temps, qui éveille
l’esprit de son disciple, lequel était déjà présent mais plutôt endormi.

Une autre caractéristique du maître spirituel est qu’il se réfère à une lignée spirituelle
traditionnelle et n’est pas comme l’analyste, qui ne s’autorise que de lui-¬même. Le
maître dépend de la lignée spirituelle dont il transmet la pratique et les formes qui
remontent au Bouddha lui-même, par une lignée ininterrompue, même si le coeur de la
pratique va au-delà des rites, des paroles et de toutes les formes, d’ailleurs. Le coeur est
au-delà des formes, mais il se sert des formes. Je vous parle avec des formes et des
mots, même si l’essentiel est au-delà de ce que je peux formuler. Le rôle fondamental du
maître est d’introduire son disciple à la véritable nature de son esprit qui est
transcendante, nature de l’esprit que le bouddhisme appelle aussi la « nature de
Bouddha » et qui est le véritable maître intérieur du disciple. Le maître extérieur ne sert
qu’à révéler le maître intérieur. C’est un des paradoxes de la relation maître/disciple.

D’ailleurs vous savez, c’est le disciple qui fait le maître, car s’il n’y avait pas de disciple, il
n’y aurait pas de maître, qui n’aurait pas besoin d’enseigner. Et suivant une formule
classique, « quand le disciple est prêt, le maître apparaît », ce qui peut s’entendre de bien
des façons. En tous cas cela suppose la qualification du disciple ; et en particulier de ses
motivations, le but d’un véritable disciple n’étant évidemment pas la simple cure de traits
névrotiques. C’est pourquoi le disciple demande et accepte l’influence spirituelle de la
lignée du maître, et s’il s’ouvre sagement et amoureusement à ce qui le dépasse, alors le
maître donnera ce qui lui est demandé. Il donnera, bien sûr, gratuitement. A la différence
de l’analyse, on n’est pas obligé de payer à chaque séance ; mais en fait le maître
demande beaucoup plus. Ce qu’il demande a un prix incalculable, car il demande tout :
la peau, la chair, les os et le mental et il faut que l’on donne tout, ce qui est d’ailleurs rien,
bien sûr, car tout ce que l’on donne n’a pas d’existence réelle, donc ne vaut rien. Il le
donne en tout temps, en tout lieu. Parfois on ne peut le voir qu’une seule fois dans sa
vie, ou deux ou trois fois. Il est tout de même toujours présent. Mais si on est auprès de
lui, la relation peut être quotidienne, intime et physique. On peut lui laver les pieds, ou
lui donner à manger ; ce qui, évidemment, est très différent aussi de la façon dont on se
comporte avec l’analyste...

Il peut arriver parfois que le maître spirituel assume une fonction thérapeutique à
l’égard de certains de ses disciples ; une fonction à la fois paternelle et maternelle, pour
des disciples dont l’état exige cette préparation. Mais il faut d’abord que le maître

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ressente s’il en a la capacité ; ce n’est pas évident qu’il en ait la disponibilité non plus. Et
s’il sent que le disciple n’est pas prêt, il l’enverra ailleurs pour cette entreprise. De nos
jours, en Occident, cette dimension de transfert et de thérapeutique, au sens médical du
terme, est souvent constatée en ce qui concerne des candidats disciples occidentaux, qui
sont immatures. Ce qui n’a rien d’étonnant parce que, comme vous le savez, la
production industrielle la plus réussie de l’Occident n’est pas celle de l’automobile, mais
celle des névrosés.

Il y a là, bien évidemment, une grande difficulté pratique et parfois des obstacles
majeurs. Ces obstacles, en principe, c’est le travail de l’analyste. Vous savez qu’il est à la
fois présent et absent, si effacé dans sa dimension individuelle et concrète, que le peu
qu’on en voit exister est très circonscrit. C’est un miroir qui parle, qui parle peu d’ailleurs,
qui vend de son temps, assez cher, et de sa compréhension quelquefois mais, tout de
même, qui donne discrètement de son amour. Je pense, pour ma part, que c’est ce qu’il y
a de meilleur dans ce qu’il est capable de faire. C’est de là que dépend bien souvent
l’efficacité thérapeutique. En tout cas son silence et sa discrétion permettent à l’analysant
d’user de sa parole et de libérer son verbe. Après tout, c’est ce qu’il est venu chercher.
Faut-il dire que les motivations de l’analysant sont de niveau très variable, on s’en doute,
et qu’elles sont loin d’être toujours spirituelles, de même que tous les analystes ne sont
pas prêts à pouvoir entendre de telles demandes... Ce qui peut parfois rendre
conflictuels des rapports entre le maître spirituel et l’analyste, lorsqu’ils entrent en
compétition auprès du même client. Ceci, dans le cas, bien entendu, où ils ne font pas
correctement leur travail.

Quels sont les modes d’action que l’on peut constater ? Ils sont multiples et complexes.
La première réflexion à faire, c’est que, entre l’analyse et la méditation, c’est la méditation
qui est très largement la plus incarnée. Le maître spirituel est, des deux, le plus incarné,
car les méthodes qu’il utilise concernent la totalité de l’être : charnel, mental et spirituel,
alors que la psychothérapie ou la psychanalyse se tient uniquement à l’étage moyen du
mental. Nous n’allons pas parler des effets biologiques de la méditation tout de suite ;
j’en dirai un mot tout à l’heure, pour essayer de comprendre quels sont les moyens
qu’elle utilise.

Voyons d’abord la famille de la concentration. Vous savez qu’il s’agit d’une focalisation
mentale soutenue pendant des heures, parfois des jours, sur un seul point. Nous savons
tous ce qu’est la concentration, si nous avons essayé de résoudre un problème
mathématique difficile, mais nous ne l’avons jamais soutenue, longtemps, sur un seul
point. Cette concentration, par elle-même, et à elle seule, détermine un certain nombre
de conséquences psychologiques. La première c’est qu’elle ralentit la pensée, mais cela
nous allons y revenir. Ce qui apparaît d’abord, c’est le calme et la paix. La concentration
est, naturellement, facteur de calme, de paix et de bonheur expérimentés. Ils
apparaissent spontanément. Il n’y a pas lieu de les chercher. La deuxième conséquence,
c’est l’exaltation de ce que le bouddhisme appelle les demeures de Brahma, les brahma-

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vihāra, qui sont les sentiments nobles que l’on nomme : amour, compassion, joie
altruiste et sérénité. Ces sentiments sont spontanément exaltés mais ils peuvent aussi
faire l’objet d’une culture ou d’un développement systématique recherché.

Le phénomène suivant, c’est bien entendu, le ralentissement, d’abord de la pensée


verbale conceptuelle dialectique, celle avec laquelle je vous parle et vous me comprenez,
j’espère et qui à un moment donné s’espace, s’affaiblit et finit par disparaître pour être
remplacé par un mode de conscience purement immédiat et intuitif, non verbal donc, et,
de ce fait, ineffable. On ne peut évidemment pas en rendre compte avec des mots. C’est
ce que disent les mystiques de toutes les traditions. Ce caractère ineffable est
régulièrement rencontré dans la description des expériences extatiques dans toutes les
religions. Le phénomène suivant (je ne les dis pas dans l’ordre dans lequel ils
apparaissent), c’est la suppression non seulement de la pensée, mais aussi des
sensations. Il y a une suppression de la perception du monde extérieur soit par la vue,
soit par l’oreille, par le nez, etc., par tous les sens, et également la suppression de la
perception du corps propre qui finit par disparaître (la douleur aussi, bien évidemment).
Et lorsque l’état d’extase est complet, l’apparence est la conservation d’un état
cataleptique chez quelqu’un qui ne perçoit absolument plus rien de ce qui se passe
autour de lui ni en lui, cet état pouvant durer quelques minutes, quelques heures ou
quelques jours.

Parallèlement à cette expérience de dhyâna, d’extase ou d’enstase, se développent un


certain nombre de phénomènes bien connus des parapsychologues et de ceux qui lisent
la vie de saints. Les premiers sont ce qu’on appelle les pouvoirs miraculeux sur la
matière : la lévitation, la guérison, etc. Relisez la vie des saints. Les miracles sont
identiques dans toutes les religions et ils n’ont aucune espèce de particularités spéciales
dans le bouddhisme. On trouve la même chose chez les saints chrétiens. Les pouvoirs
mentaux, la télépathie, la clairvoyance, la clairaudience, les prémonitions, sont
également tout à fait classiques dans toutes les traditions. On les rencontre d’ailleurs
aussi, de façon plus rare, chez des gens tout à fait ordinaires comme vous et moi, mais à
titre très discret, passager et non maîtrisé. Les statistiques les plus récentes aux Etats-
Unis montrent qu’environ cinquante à soixante pour cent de la population a présenté au
moins un phénomène de ce genre une fois dans sa vie. Donc, dans cet amphithéâtre, il y
a une centaine de personnes à qui c’est arrivé au moins une fois. Au-delà de quatre fois
le pourcentage tombe à environ dix pour cent. Les souvenirs des vies antérieures font
partie de ces pouvoirs dits supranormaux ; ils sont également très exceptionnels comme
je vous l’ai dit.

Mais tout cela n’a aucun intérêt. La seule chose qui est importante, pour le bouddhisme,
c’est la vision juste de ce qui est, et la capacité de se libérer de la souffrance. Cela, c’est le
travail de la vision pénétrante, qui peut constituer l’essence de la pratique du premier
jour au dernier jour, en particulier dans le Zen. La voie Zen est une voie typique de la
vision pénétrante, pure et dure où il s’agit simplement, de la première seconde du
premier zazen jusqu’au dernier zazen, cinquante ans plus tard, de voir ce qui apparaît
comme cela apparaît. Les pratiquants de la Voie des Anciens et du bouddhisme tantrique
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y ajoutent qu’il vaut mieux d’abord commencer à pratiquer la concentration au moins
jusqu’au niveau de l’entrée dans la première extase et ensuite pratiquer la vision
pénétrante avec ce niveau de concentration. Ils pensent que c’est plus rapidement
efficace. Quoi qu’il en soit, que l’on fasse d’une façon ou de l’autre, le résultat est le
même : il s’agit de percer à jour les identifications, les attachements, de retirer nos
projections, de soulever, si possible définitivement, le voile de l’ignorance, ce qui nous
permettra, une fois que nous aurons complètement purifié nos saṃskāra, d’atteindre le
nirvāṇa.

Quels sont les effets de ces pratiques ? Je ne voudrais pas insister sur les effets
biologiques, on pourra y revenir si vous le voulez. Ils sont actuellement largement
vérifiés en laboratoire, puisqu’il y a eu des centaines de publications, en particulier dans
le monde anglo-saxon. En France, il y en a très peu, hélas. Vous savez que
malheureusement, l’Université française est restée en général strictement rationaliste
jusqu’à maintenant… Revenons à la pratique méditative. Elle provoque un état de calme,
de paix, de relaxation, une diminution de la consommation d’énergie qui peut être
extrêmement importante. Elle régularise les fonctions biologiques, de façon spontanée
et automatique. Il n’y a pas lieu d’ailleurs de le chercher. En particulier, elle diminue très
fortement toutes les réactions de l’organisme dues au stress, quel qu’il soit, et elle
diminue ou fait disparaître l’anxiété, ce qui intéresse bien les psychiatres. Voilà pour les
effets biologiques directs ; je ne parle pas des pouvoirs dits miraculeux qui sont tout de
même très rares en ce qui concerne leur degré extraordinaire. En ce qui concerne les
petits phénomènes, ils sont assez fréquents. Mais, encore une fois, ils n’ont qu’un seul
intérêt, au cas où le pratiquant serait encore un peu matérialiste, c’est de lui démontrer
la nécessité de réviser ses conceptions. Pour le reste il ne faut ni s’y intéresser ni, surtout,
s’y attacher. Car l’ego est prompt à s’emparer de ce qui peut passer à sa portée pour s’en
faire une décoration.

Au point de vue psychique, la méditation développe la paix intérieure et le bonheur. Les


bonnes choses sont bonnes et il est quand même préférable que la pratique méditative
soit assez souvent agréable ; sans cela elle ne satisferait que les masochistes, ce qui
serait dommage. Mais ce qui est important, c’est surtout le changement du processus
même de la pensée. Dans la solitude et le silence s’opère l’observation paisible de ce qui
se passe en nous, avec sagesse et compassion ou amour à notre propre égard, car nous
sommes la première personne à l’égard de laquelle il est absolument indispensable que
nous développions des sentiments d’amour et de compassion, si nous voulons être
ensuite capable de les témoigner à autrui. Si ces conditions-là sont progressivement
réunies et développées, à quoi assiste-t-on ? On assiste à ce fait que les processus qui
nous semblaient automatiques se désautomatisent, que ce qui nous semblait
programmé, très progressivement se déprogramme, ce à quoi nous étions fortement
identifié très paisiblement et très progressivement se désidentifie. Il y a ainsi une mise
en route par la méditation d’un processus normal et spontané d’évolution, de
maturation, de changement, appelez cela comme vous voudrez, d’évolution vers le

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nirvāṇa, si vous voulez, dont vous n’avez qu’à observer le déroulement sous l’effet de la
vision sage qui, ne l’oublions pas, est présente dès la première seconde de notre
première méditation.

La nature de Bouddha est déjà là, en chacun de nous. Il est complètement inutile d’aller
l’acheter au marché. Tout cela doit être observé d’une façon paisible, objective, mais pas
simplifiante, parce que les choses sont complexes et que la vision des rapports entre les
choses, nous dit le Bouddha, est celle de la complexité et de l’interdépendance. C’est la
théorie fondamentale du bouddhisme : l’interdépendance des phénomènes. Celle-ci est
d’ailleurs remise en valeur, de nos jours, depuis qu’on abandonne les modèles linéaires
de la causalité dans toutes les sciences. On fait plutôt appel maintenant à des modèles
complexes et souvent circulaires. C’est le cas aussi en sociologie ou en philosophie
comme, en particulier, le décrit Edgard Morin. Toutefois, si nous essayons pour le bien
de la pédagogie de voir, simplement sans que ce soit simpliste, quelle est l’essence de la
vision pénétrante, on pourrait dire qu’il faut laisser advenir la production mentale.
Laissez-là être, exactement telle qu’elle est. N’intervenez pas, simplement voyez-la juste
comme elle est. C’est d’une simplicité enfantine, mais vous savez que seuls les enfants
pourront pénétrer dans le royaume des cieux. Cela suppose un minimum de confiance
en soi, de confiance dans celui qui vous a enseigné la méthode, et de confiance dans la
méthode elle-même. C’est, non pas une foi aveugle, mais une confiance à vérifier par la
pratique.
Il faut maintenir une attention lucide, aussi continue que possible, pour ne pas tomber
dans des trous de somnolence, ce qui suppose un minimum de vigilance, de calme
intérieur et de tranquillité. Enfin, il convient d’accepter paisiblement la confrontation avec
soi-même. En principe on ne peut pas faire autre chose : on est assis, on ne doit pas
bouger, on ne doit pas parler, on ne doit pas s’en aller... mais on peut s’en aller et fuir à
l’intérieur, dans des productions imaginaires diverses. L’idéal est de laisser les
phénomènes apparaître quand ils apparaissent, disparaître quand ils disparaissent (et
de toutes façons ils finissent par disparaître) ou se modifier comme ils se modifient,
spontanément. Ce qui suppose, tout de même, un minimum d’autonomie de la
conscience.

Quand on observe tout cela, on s’aperçoit que le changement du processus de la pensée,


ainsi opéré, qui consiste à ne rien faire, va changer aussi le contenu, finalement. Mais
ceci se fera petit à petit, progressivement, tout doucement ; rien de spectaculaire, il faut
être patient. Les émotions qui sont montées à la surface vont petit à petit, comme on dit
en analyse, s’abréagir, s’exprimer si vous voulez, finir par s’atténuer, s’épuiser de façon
progressive. Progressivement, s’opèrent des prises de conscience qui intègrent de plus
en plus largement ce qui se passe. Apparaissent aussi des visions intuitives et justes,
vérifiables dans les faits. On progresse ainsi vers des points de vue de plus en plus
généraux, de plus en plus intégrants jusqu’à ce qu’un jour, nous disent les sages, on
prenne conscience de l’esprit pur, lumineux, vide, infini, qui permet l’évasion définitive,
hors de ce qui est né, devenu, conditionné, composé, comme dit le Bouddha dans un
sutta de l’Udāna. Pour résumer, voici la définition de la méditation telle qu’elle était faite

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par un maître contemporain de Sri Lanka à qui on avait demandé : « Qu’est-ce que la
méditation ? » Il était parti d’un grand éclat de rire en disant : « No self ; no problem. », «
Pas de soi, pas de problème »…

Quels sont, maintenant, pour terminer, les rapports entre la pratique de la méditation et
celle de la psychanalyse ou de la psychothérapie ? Pour résumer ma position, je dirai
que, dans l’idéal, il s’agit d’une complémentarité et pas d’une concurrence. Mais, bien
entendu, dans les faits, vous le savez, les hommes étant ce qu’ils sont, il y a souvent des
erreurs et des dérapages. Il en est ainsi parce que leurs niveaux d’action ne sont pas les
mêmes. Nous dirons que la méditation, en droit, inclut dans sa généralité les techniques
thérapeutiques. Mais dans les faits, il arrive que certains prêchent pour leur paroisse de
façon exclusive. Alors il y a des maîtres spirituels qui prêchent le tout spirituel de façon
intransigeante, et des psychanalystes qui prétendent que : hors du divan point de salut.
Si on ne s’adresse pas aux impérialistes en tout genre, je crois qu’on peut dire que les
deux peuvent rendre des services mutuels, et nous allons voir comment. Nous verrons
aussi les dérapages.

La méditation est parfois utilisée comme une thérapie ce qui est, d’ailleurs, partiellement
efficace, mais souvent incomplètement, car elle laisse subsister des problèmes non
résolus ou, pire, des problèmes ignorés. C’est surtout le cas lorsque la méditation est
utilisée comme un substitut d’une thérapie nécessaire, parfois même conseillée par un
médecin, mais refusée, car ressentie comme dangereuse en raison, chez le sujet, je dirai
d’un angélisme coupable qui lui fait peut-être accepter les anges mais lui fait refuser ce
qui est vulgairement matériel ou psychologique.

Il arrive aussi que la psychothérapie soit nécessaire après la pratique d’une méditation,
même poursuivie pendant de nombreuses années. Un psychanalyste contemporain, Jack
Kornfield, aux Etats-Unis, qui a été moine bouddhique pendant longtemps, instructeur
de méditation, a publié un certain nombre d’observations intéressantes sur ce qu’il
appelle les vieilles blessures des méditants. Car il arrive que des méditants chevronnés,
après de nombreuses années de pratique continuent à avoir de vieux saṃskāra qui n’ont
pas été résolus par la méditation. Ce qui n’a d’ailleurs rien d’extraordinaire car les
saṃskāra ne sont véritablement, définitivement résolus ou éradiqués ou transformés
que lorsqu’on arrive au nirvāṇa. Ces méditants n’étaient pas « nirvānés », il leur restait
des problèmes. Et les blessures graves, qui remontent souvent à la petite enfance,
nécessitent une intervention thérapeutique avec l’aide de quelqu’un ; car souvent
l’angoisse relative aux souvenirs ainsi refoulés est trop importante pour que le sujet
puisse y faire face tout seul ; la présence du thérapeute est donc souvent nécessaire. Il
en va de même d’ailleurs lorsqu’il s’agit de blessures (au sens psychique du terme, pas
obligatoirement physiques) qui remontent à des vies antérieures et sont
particulièrement traumatiques. Il faut pourtant régler les comptes avant la libération et
un passage thérapeutique peut s’avérer, parfois, nécessaire.

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Une autre séquence est plus habituelle, celle où la psychothérapie est utilisée comme
préliminaire à la pratique de la méditation. La séquence est plus facilement
compréhensible. Cela peut se faire soit spontanément parce que l’intéressé a dit : « Je
vais d’abord me faire soigner puis je pratiquerai la méditation après », soit simplement
parce qu’à l’issu d’une thérapeutique entreprise pour un tout autre motif, les problèmes
spirituels se posent enfin et l’intéressé se dit qu’il va falloir aussi les résoudre. C’est ce
qu’un de mes patients m’a dit à la dernière séance de sa psychanalyse en me serrant la
main : « Au revoir docteur, merci beaucoup, maintenant il me reste à me confronter avec
Dieu ». J’étais assez fier.

Mais assez souvent, il y a un usage conjoint et fécond. Soit à l’aide d’une seule personne,
mais c’est rare qu’elle possède les compétences et le temps. Soit le plus souvent, grâce à
deux personnes différentes qui acceptent de collaborer, ce qui signifie que le
psychothérapeute accepte le maître spirituel et que le maître spirituel accepte le
psychothérapeute. Il faut qu’ils aient une connaissance réciproque de leurs domaines et
qu’ils acceptent leurs compétences. Il se trouve que j’ai eu l’expérience de ces rapports,
aussi bien comme analysant qui pratiquait la méditation que comme analyste dont
certains patients pratiquaient la méditation en même temps que leur analyse, que
comme enseignant de la méditation dont certains stagiaires sont en analyse en même
temps qu’ils apprennent à méditer. Ma conclusion est donc qu’il s’agit bien d’un usage
conjoint et fécond. Je connais aussi les dégâts produits par les exclusions mutuelles ; on
parle beaucoup de traiter les exclus aujourd’hui. Voilà un type d’exclusion regrettable.

Le cas simple est celui de la méditation employée comme méditation. Le domaine de la


méditation est celui de l’homme normal, ou encore, exprimé en d’autres termes, celui du
traitement de la maladie universelle, du traitement de l’aliénation ordinaire, la nôtre,
puisqu’on peut le dire : nous sommes tous fous. Seul le Bouddha est normal.

Je vous remercie de votre attention.

Questions / réponses
- Quel est votre rapport personnel avec la méditation ?
. Dans l’ensemble assez bon. Quelques fois cela me fait mal. J’ai encore très mal aux
genoux. Cela m’arrive, quand je médite un peu trop longtemps. Et quand je suis fatigué,
je m’endors. Cela m’arrive toujours aussi, pourtant ça fait vingt cinq ans que je médite, à
peu près. J’enseigne aussi la méditation dans un petit monastère bouddhiste situé dans
le Vercors. Voilà mon rapport professionnel, si j’ose dire, avec la méditation. Est-ce que
c’est cela que vous vouliez entendre ?

- Vous avez dit que vous évoqueriez les risques de dérapage, de confusion entre la
méditation et une psychothérapie. Quels sont ces risques ?
. J’en ai évoqué quelques-uns dans le dernier paragraphe. Le premier risque, c’est
lorsqu’on fait jouer à la méditation un rôle thérapeutique qu’elle est seulement capable
de remplir partiellement, parce que, dans certains cas, la présence physique d’un
thérapeute est nécessaire pour aider l’intéressé à aborder un certain nombre de
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problèmes qu’il ne peut pas aborder tout seul. C’est une question technique. Il yale
besoin d’être rassuré physiquement et mentalement, par la présence de quelqu’un,
d’une part ; et d’autre part, il faut être aidé pour la compréhension précise de certains
mécanismes d’évitement ou de refus qui font que l’intéressé bloque dans sa recherche
des problèmes qui subsistent.

- Est-ce que vous pensez que la méditation peut déclencher des troubles ?
. Ah ! Parfaitement. Il y a des cas d’aggravation indiscutable. Il y a parfois déclenchement
de décompensation psychologique. Uniquement quand il s’agit de pratique intensive ;
fort heureusement la pratique méditative courante, quelques heures de temps en temps
n’a jamais décompensé personne.

- Vous avez parlé du développement du moi chez l’enfant. Je voudrais savoir si ça existe
déjà dès la vie foetale.
. La réponse de la psychologie académique contemporaine, c’est qu’il y a une activité
psychique fretale. On l’a démontré pour l’audition, en particulier. Le fretus est capable
d’entendre la voix de ses parents, de la reconnaître, de la préférer. Après la naissance, le
jeune bébé préfère la voix de sa mère. Il arrive même à reconnaître certaines autres voix
aussi, la voix de son père par exemple. On a pris des photos de fretus suçant le pouce in
utero ; et manifestement, aimant sucer le pouce. Donc il y a des manifestations affectives
déjà in utero et il y a des discriminations sensorielles in utero. C’est une certitude, et les
compétences précoces du nourrisson telles qu’on les établit à la naissance, sont déjà
importantes. On pense donc qu’elles remontent déjà à quelques semaines, ou quelques
mois, avant la naissance. En ce qui concerne l’existence des phénomènes psychiques
différenciés, du type souvenir, trait de caractère, ou connaissance intellectuelle, cela n’est
pas admis par l’ensemble de la communauté scientifique aujourd’hui. Cependant un
certain nombre de gens l’admettent tout à fait, puisque des universités tout à fait
sérieuses, aux Etats Unis, en Islande, en Inde et en Birmanie travaillent sur la question à
l’heure actuelle. En fait la conclusion de Stevenson et de son équipe, est que le moi, en
tant que système psychique d’identification, préexiste à la naissance et vient d’une vie
antérieure. C’est la conclusion à laquelle j’arrive moi¬même dans le livre queje viens de
publier.

- Est-ce que la consultation simultanée avec un analyste ne suppose pas que ce soit un
analyste ouvert également aux phénomènes spirituels et transpersonnels. En fait, il y a
beaucoup de psychanalystes qui sont très réticents.
. Oui, votre mot très réticent est juste. Il est même, je dirai, un peu euphémique. Je pense
que si on veut avoir une pratique spirituelle, en même temps qu’une analyse, il est tout à
fait nécessaire que l’analyste soit ouvert à ce genre de chose, sinon il risque de bloquer le
processus lui-même et ça peut être dommageable pour l’intéressé... il faut savoir où on
met les pieds.

- Je voudrais savoir. Est-ce qu’il n’y a pas des méthodes de rêve éveillé, par exemple, qui
permettraient de faire une restructuration symbolique beaucoup plus directe que
d’aller... (inaudible)

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. Il se trouve que j’ai été moi -même un élève de Robert Desoille et que j’ai pratiqué le
rêve éveillé pendant vingt ans, parallèlement à l’analyse. Donc ma réponse, fondée sur
l’expérience, est oui. La pratique du rêve éveillé est excellente. Je n’en ai pas parlé, parce
qu’on ne peut pas parler de tout.

- Si vous dites que vous possédez la nature de Bouddha, est-ce que ça ne risque pas de
développer de façon excessive un idéal du moi qui soit, lui-même, excessif ; et qui
devienne un obstacle à la réalisation. Et j’ai une deuxième question au sujet du moi
toujours. Si vous pouvez dire deux mots au sujet du développement du moi des tulkus
et… (inaudible)
. Votre première question est excellente. Le danger est tout à fait réel. Bien sûr on peut
se saisir de cet idéal pour en faire un mauvais usage qui soit celui de nourrir et de gonfler
le moi : « Je suis Bouddha ! ». Néanmoins, à moins d’être déjà un peu paranoïaque et
d’avoir des tendances au délire de grandeur, je pense que le danger n’est pas trop grand
parce que dès qu’on met le nez dans la pratique de la méditation, il va y avoir
suffisamment de coups d’épingle pour dégonfler le ballon. On s’aperçoit que si la nature
de Bouddha est certainement existante, c’est cela qui nous permet de nous affronter à
une pratique austère, difficile, qui ne donne pas des résultats gratifiants, rapides et
durant laquelle il faut se battre avec la frustration, pendant longtemps... Et d’autre part,
on se rend compte que pour se prendre dans les faits pour le Bouddha, il faut être
complètement fou. Je ne dis pas que cela n’arrive pas puisque, personnellement, j’ai
rencontré deux fois le Bouddha Maitreya. C’était hélas un psychotique dans les deux cas.
Le délire de grandeur de celui qui se prend pour le Bouddha est d’ailleurs tout à fait
classique en milieu bouddhiste. Un garde-fou relativement efficace est la pratique
méditative elle-même.

Je ne crois pas que je vais vraiment pouvoir répondre à la deuxième question, car c’est
un très vaste sujet et fort complexe. La question était : " Qu’en est-il du développement
des tulkus tibétains ? ", c’est-à-dire des réincarnations des maîtres spirituels revenus sur
terre de façon sacrificielle, pour continuer la mission qu’ils avaient commencée. Ils sont
reconnus par leurs disciples, élevés comme tels dès la petite enfance, pour reprendre
leur poste de supérieur du monastère, par exemple, quand ils ont l’âge convenable.
L’éducation spéciale qui leur est donnée est hors classe. Il n’y a aucun enfant dans le
monde qui soit aussi bien adapté au travail qu’il doit fournir que les tulku tibétains.
Evidemment, cela ferait hurler la ligue des droits de l’homme ou la défense de la liberté
religieuse des enfants. « On lui impose d’être un moine, c’est affreux ! » Le bouddhiste
pense qu’il l’a bien voulu, il l’a cherché, donc il ne peut pas se plaindre ! Il y a un danger
qui est effectivement qu’il se prenne pour un tulku. Il parait que parfois certains font un
mauvais usage de cette éducation parce que cela peut solliciter l’orgueil et déclencher
une inflation du moi. Je crois qu’il en existe quelques exemples dans l’histoire du Tibet.
Mais le fait est que dans la majeure partie des cas, ça donne d’excellents résultats. J’ai
assisté à l’éducation d’un tulku européen, moitié américain, moitié anglais, au monastère
de Montchardon. Il est reparti en Inde où il est maintenant supérieur de son monastère
(il avait six ans quand il est arrivé). Le premier jour où il est arrivé, il venait de chez ses

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parents, on l’a mis sur un coussin, on a fait une pûjâ qui a duré trois heures. L’enfant est
resté assis, en méditation, trois heures pendant la pûjâ. Je n’ai jamais vu un enfant de six
ans faire ça, jamais.

- Est-ce que le fait de s’asseoir pour méditer ne correspond pas à un désir archaïque de
vouloir arrêter, de vouloir cesser tout mouvement, pensées ou gestes et jusqu’à même
souhaiter que les tensions disparaissent ?
. Oui, un désir archaïque, un désir de remonter à l’archée, au principe ultime de toute
chose : oui, certainement. Mais avant d’arriver à l’arche, Seigneur, qu’est-ce qu’on en
bave. Parce qu’essayer de rester assis, tranquille sur un coussin, sans bouger poil ni patte
pendant simplement une demi-heure, c’est abominable les premiers temps. Je crois que
ce qui est caractéristique de l’être humain vivant, c’est de bouger. S’asseoir, immobile,
pour regarder ce qui change, c’est vraiment contre nature... enfin, contre la nature
ordinaire. C’est peut-être conforme à la nature profonde.

- Je voudrais vous demander, pour revenir à la comparaison entre méditation et


psychanalyse, quand vous avez parlé du caractère illusoire du moi, et là, je voudrais
savoir s’il n y apas (inaudible) ... quelque part entre psychanalyse et bouddhisme, entre
méditation et psychanalyse; c’est-à-dire, quelque part dans la psychanalyse arriver à un
(établissement ?) du soi, vraiment dans un sens de (prendre le dualisme ?) tandis que
dans le bouddhisme, la méditation, ce serait plus (inaudible)... du soi.
. Oui, bien entendu cela dépendrait de la théorie métapsychologique qui serait celle du
psychanalyste lui-même ou de l’école à laquelle il appartient. Elle pourrait formuler un
certain nombre de dogmes comme quoi la méthode psychanalytique serait incompatible
avec le bouddhisme. Ça peut être le cas d’un certain nombre d’analystes freudiens en
particulier, un analyste germano-américain assez connu, Alexander, a écrit que le
Bouddha était un schizophrène, parce que s’asseoir ainsi, sans bouger, sans parler,
c’était une culture de la catatonie ; c’est un peu excessif. Tout ce qui est excessif est
insignifiant. Je ne pense pas personnellement qu’il y ait incompatibilité entre la méthode
psychanalitique et le bouddhisme. Il peut y avoir incompatibilité avec la théorie de
certains psychanalystes. Beaucoup de psychanalystes n’ont pas de dogmes absolument
établis sur ce que l être humain doit devenir ultimement.

- Pour continuer sur cette question, je trouve quand même qu’il y a des façons de
procéder qui sont différentes. La psychanalyse, c’est une investigation dans le passé,
alors que la méditation, c’est observer ce qui est, et il n’y a pas d’investigation dans le
passé. C’est ce qui est qui est important, c’est la situation vécue qui importe, et je trouve
qu’à ce niveau là, quand même, ce n’est pas la même démarche, même en regard de ce
que vous avez pu dire par rapport au moi, etc. Je trouve qu ïl y a une séparation à ce
niveau-Ià.
. Vous avez tout à fait raison, ce n’est pas exactement la même démarche, j’en conviens
avec vous. Il y a des différences que j’ai notées, de techniques, de visée à long terme. Il y
a une visée à long terme très spéciale dans le bouddhisme qui est celle de la libération
ultime et définitive ; celle-ci n’est pas présente dans la psychanalyse. Mais même au
niveau de la technique banale, il y a une ressemblance importante qui se situe au niveau
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du problème que vous avez soulevé. Dans les deux cas, vous constatez ce qui se passe
aujourd’hui, ici, maintenant sur le coussin, ici, maintenant, dans la relation à l’analyste ;
ça se passe maintenant et ça se réfère aussi à des choses qui se sont passées avant.
Dans les deux cas, vous avez à un moment ou à un autre besoin d’éclaircir le problème,
de comprendre la relation et de liquider la question ; et à cet égard cela n’est pas très
différent.

- Mais, je veux dire, la psychanalyse, à ce niveau-là justement, il me semble qu’elle


alimente le processus, c’est-à-dire que bon... on va chercher (inaudible)... qui sont dans le
passé au lieu de simplement observer, mais ce qui est présent, c’est autre chose.
. Tout à fait, la différence, vous avez raison, est là. C’est que la psychanalyse induit
spécifiquement une recherche des liens avec le passé, alors que la méditation peut se
contenter d’abandonner les choses dans « l’ici et le maintenant » sans essayer de
reconstituer les chaînes causales qui relient le passé au présent.

Merci.

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