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ajoutant le Yémen, la configuration stratégique hostile


que pourraient affronter non seulement Israël, mais les
Même Netanyahou n’avait pas ordonné la
États-Unis et leurs autres alliés dans la région c’est-
mort de Soleimani à-dire l’Arabie saoudite et les monarchies sunnites du
PAR RENÉ BACKMANN
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 8 JANVIER 2020 Golfe, après la liquidation par un drone américain du
général iranien Qassam Soleimani et de son lieutenant
en Irak, Abou Mehdi al-Mouhandis. Personne ne sait,
évidemment, quelle forme prendront les représailles
de l’Iran après l’assassinat ciblé du chef de la force Al-
Qods.

9 septembre 2019. Durant la campagne pour les élections législatives, le Likoud affichait
l’alliance de Donald Trump et Benjamin Netanyahou. © Ronen Zvulun / Reuters
En ordonnant l’élimination par un tir de drone, à
Bagdad, du général iranien Soleimani, Trump s’est
comporté comme n’importe quel despote de la région.
Il a transformé les États-Unis en un pays du Moyen- Un manifestant porte une photo de Qassem Soleimani lors
Orient comme les autres… Et exposé les alliés locaux d'une manifestation à Téhéran le 3 janvier 2020. © REUTERS

de Washington au risque de représailles de Téhéran. Même si la première réplique de Téhéran a été, dans
En présentant, il y a un an, au président israélien son la nuit de mardi à mercredi, une salve de missiles
« Évaluation stratégique » pour 2019, le général Amos tirés ouvertement depuis l’Iran sur des bases militaires
Yadlin, directeur de l’Institut national pour les études irakiennes abritant des soldats américains, rien ne dit
de sécurité (INSS) et ancien chef des renseignements que cette frappe « proportionnée », selon le ministre
militaires (Aman), avait lancé un avertissement qui des affaires étrangères iranien, mettra un terme à
semble aujourd’hui presque prophétique. Alors que l’escalade des représailles réciproques. Et si suite
le premier ministre Benjamin Netanyahou et ses il y a, il est plus que probable, selon les experts,
conseillers semblaient convaincus que le risque majeur qu’il ne s’agira pas d’une offensive ouverte, à visage
pour la sécurité d’Israël était de voir l’Iran disposer découvert, mais d’une ou plusieurs opérations de
de l’arme atomique, au point de convaincre Trump « guerre asymétrique », dont l’Iran et ses alliés ont la
de quitter l’accord de 2015 sur la démilitarisation spécialité et l’expérience depuis des années. Et dont les
du nucléaire iranien, jugé insuffisant, le général avait cibles pourraient être les États-Unis et/ou n’importe
pointé un autre danger, à ses yeux beaucoup plus réel et lequel de leurs alliés.
inquiétant : le développement de la présence militaire « Israël, en 2019, est un pays fort, constatait
iranienne conventionnelle en Syrie, au Liban – via le Amos Yadlin. Notre armée est assez puissante pour
Hezbollah – et en Irak. dissuader nos ennemis. Le défi auquel nous devons
« La plus grave menace que nous devons affronter, faire face est de mobiliser cette puissance pour
avait-il prévenu, n’est pas une troisième guerre du renforcer la politique adéquate. » La « politique
Liban, ou une détérioration de la situation en Judée et adéquate » incluait apparemment une évaluation
Samarie [Cisjordanie, ndlr], mais la première guerre précise de la présence militaire iranienne en Syrie,
du nord, c’est-à-dire un conflit simultané avec le une stratégie active d’endiguement de la puissance du
Hezbollah, la Syrie, l’Irak et l’Iran, auquel le Hamas, Hezbollah et le développement de la protection des
au sud, pourrait se joindre. » Cette « guerre du nord », sites stratégiques vulnérables en Israël. Ce qui s’était
que redoutait le général Yadlin c’est, grosso modo en y traduit en 2017 et 2018 par plusieurs centaines de

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raids de bombardement de l’aviation israélienne sur de la Bekaa, non loin de la frontière syrienne. Trois
la Syrie. La plupart visaient des entrepôts d’armes autres ateliers installés à Beyrouth ont été fermés et
iraniennes, des installations militaires iraniennes ou sans doute transférés en des lieux plus discrets.
des convois de matériel militaire iranien destiné au « Du point de vue israélien, écrivait le général Herzog,
Hezbollah. « Au cours de la seule année 2018, confiait le “projet précision” est peut-être la composante la
au New York Times le général Gadi Eizenkot, alors plus redoutable du dessein iranien en Syrie et au
chef d’état-major, nous avons largué près de deux Liban. En dépit de sa puissance militaire, Israël est
mille bombes lors de ces frappes. » un petit pays vulnérable dont la majorité des centres
Pour les militaires israéliens, le général Soleimani de population et les infrastructures nationales et
avait joué un rôle clé à la fois dans la déstabilisation militaires majeures sont concentrés dans une zone de
de l’Irak – au bénéfice de Téhéran – après l’invasion 20 km de large et 80 à 100 km de long. Avec un nombre
américaine, dans le maintien au pouvoir de Bachar relativement faible de fusées de haute précision, le
al-Assad en Syrie – au prix de centaines de milliers Hezbollah pourrait nous faire payer très cher une
de morts – et dans la transformation du Hezbollah, nouvelle guerre en visant des sites majeurs pour la
milice de taille modeste en 2011, devenue au fil des ans sécurité nationale du pays et pour notre aptitude à
une véritable armée, structurée, équipée et entraînée, conduire la guerre. »
capable d’imposer son autorité dans le jeu politique Un mur de haines réciproques
libanais.
En décembre 2018, la milice libanaise affirmait
Dans une étude de juin 2019, le général de réserve dans une vidéo qu’elle disposait d’une « banque
Michael Herzog, officier de renseignement dans d’objectifs israéliens » contenant des bases aériennes,
l’armée israélienne pendant vingt ans, puis chef le réacteur nucléaire de Dimona, le ministère de la
du département de la planification stratégique et défense et l’état-major de l’armée, en plein centre
conseiller de quatre ministres de la défense, analysait de Tel-Aviv, l’aéroport international David-Ben-
en détail la stratégie de modernisation de l’armement Gourion, la raffinerie d’Haïfa, des installations de gaz
du Hezbollah lancée par son protecteur iranien en offshore, des usines de dessalement, des installations
2016, sous l’autorité du général Soleimani, pour faire pétrochimiques et les principales centrales électriques.
de la Syrie un « front renforcé » face à Israël.
Ses conclusions expliquaient l’alarmisme du général Tous ces objectifs pourraient être intégrés désormais à
Yadlin. la stratégie de représailles de l’Iran. Désigné comme
une cible majeure depuis quelques jours par les foules
Baptisée « Projet précision », la stratégie du général iraniennes qui réclament vengeance pour la mort
iranien avait pour objectif de transformer en armes de Soleimani, Israël ne semble pourtant pas être le
de précision une partie des missiles fournis par plus inquiet des ennemis de l’Iran. D’abord parce
Téhéran au Hezbollah. Les quelque 100 000 roquettes que sa capacité de dissuasion, qui va jusqu’à la
Katioucha ou Grad, à courte portée, n’étaient pas possibilité de riposte nucléaire, est réelle. Et crédible.
concernées par cette transformation. Mais au moins un Ensuite parce que, même face aux nouvelles menaces
millier d’engins de moyenne et longue portée devaient technologiques iraniennes, utilisées en septembre
être équipés de systèmes de guidage par GPS, de contre les installations pétrolières saoudiennes, le
fabrication russe ou de système de navigation inertielle commandement de la défense aérienne de l’armée
qui leur donnaient une précision de l’ordre de 10 israélienne dispose d’un ensemble de trois systèmes de
mètres. Les travaux de transformation étaient réalisés défense éprouvés contre les attaques venues du ciel.
au Liban et en Syrie dans des ateliers camouflés. Selon
l’armée israélienne, l’un de ces ateliers se trouverait Le « Dôme de fer » contre les obus, les roquettes et
près de la localité de Nabi Chit, dans la vallée libanaise les missiles à courte portée. La « Fronde de David »
contre les missiles de moyenne portée ou les missiles

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de croisière. Et « La Flèche » (Hetz) contre les ses yeux, Soleimani manifestait parfois, ces dernières
missiles balistiques. En outre, le Commandement de années un excès de confiance dangereux pour un
la défense aérienne dispose de plusieurs batteries de homme dans sa situation ; erreur qui pourrait bien lui
missiles antimissiles américains Patriot et d’au moins avoir coûté la vie, vendredi dernier, à l’aéroport de
une batterie de missiles antibalistiques américains Bagdad. Et il sous-estimait souvent la détermination
Thaad, accompagnée de son radar à très longue israélienne à contenir la progression de l’influence
portée, déployée en mars dernier, quelque part dans iranienne vers l’ouest.
le Néguev. Jusqu’à ce jour, ce dispositif a réussi à « Par exemple, avait expliqué Eizenkot, il avait
protéger relativement efficacement les agglomérations choisi comme position avancée la Syrie, où nous
et les sites stratégiques israéliens, y compris au nord disposions d’une supériorité indiscutable en matière
du pays, exposé aux tirs du Hezbollah et des batteries de renseignement et d’une supériorité aérienne totale
de missiles iraniennes déployées en Syrie. Même en grâce à notre technologie et à nos relations avec
mai 2018, lorsque le général Soleimani a ordonné le les Russes. En plus, c’était un terrain sur lequel
tir d’une salve de trente missiles sur Israël, aucun nous avions une forte capacité de dissuasion et où
n’a atteint sa cible. Et en représailles 80 objectifs nos actions étaient faciles à justifier en raison de
militaires syriens et iraniens ont été frappés par l'armée la proximité de nos frontières. Le résultat était que
israélienne. la force que nous avons eue face à nous, au cours
Alors que les relations entre Israël et l’Iran sont depuis des deux dernières années, était indiscutablement
des années ce qu’elles sont aujourd’hui – un mur déterminée, mais ses capacités au combat n’étaient
de haines réciproques – et que le général Soleimani pas très impressionnantes ».
a largement contribué à entretenir cette hostilité « En fait, ce qui faisait la force de Soleimani, malgré
en armant le Hezbollah libanais et en multipliant, le relatif échec de sa tentative d’implantation militaire
en Syrie, c’est-à-dire aux portes d’Israël, les bases en Syrie, explique un expert israélien familier du
militaires iraniennes, ni l’actuel chef d’état-major, dossier iranien, c’était à la fois son charisme, sa
le général Aviv Kochavi, ni son prédécesseur Gadi connaissance du terrain et des rapports de force,
Eizenkot, qui s’est efforcé, de 2015 à 2019, de grâce à vingt-deux ans à la tête d’Al-Qods et surtout sa
contenir la poussée de l’Iran vers l’ouest, n’ont jugé proximité avec le guide Ali Khamenei. Même lorsque
judicieux d’aller jusqu’à l’élimination physique du le peuple et les proches du président Hassan Rohani
stratège ennemi. Pourtant, ni les unités spéciales de lui reprochaient de dépenser l’argent de l’État en
l’armée israélienne, ni ses pilotes d’avion de combat exportant la Révolution islamique au lieu de l’investir
ou de drones, ni les exécuteurs du Mossad ne reculent dans le développement du pays, il gardait la confiance
devant les « opérations ciblées » contre les « ennemis du guide. Il était pieux, mais pas fanatique, et son
d’Israël », comme l’a montré le dernier demi-siècle. réseau de relations dans une demi-douzaine de pays
Et Benjamin Netanyahou répète depuis dix ans que faisait remonter jusqu’à lui une énorme quantité
le régime des mollahs a pour objectif majeur la d’informations sur la vie politique et notamment sur
destruction d’Israël. les mouvements djihadistes qu’il combattait.
Interrogé par quelques journalistes spécialisés peu Son absence au sein de la direction politique
avant la fin de son mandat, il y a un an, sur les iranienne, au sein de laquelle il apportait un réalisme
raisons pour lesquelles Soleimani était encore vivant, de soldat, forgé pendant la guerre contre l’Irak où
le général Eizenkot avait refusé de répondre. Comme l’Iran avait perdu près d’un million d’hommes, et
il avait refusé de répondre à celui qui lui demandait la colère provoquée par son assassinat, risque de
s’il avait conseillé au gouvernement d’éliminer le chef peser lourd sur les décisions politiques de Téhéran.
de la force Al-Qods. En revanche, il s’était montré Et son expérience de la guerre asymétrique et du
plus disert sur les « faiblesses » du général iranien. À

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recours aux milices et mouvements satellites risque de pour l’après-Soleimani et butent sur des explications
faire gravement défaut lorsqu’il s’agira de définir une trivialement électorales, dans lesquelles la stabilité et
stratégie de représailles qui n’entraînera pas le pays la sécurité du Moyen-Orient sont totalement absentes,
dans une escalade fatale. Sans son influence, Téhéran l’un des chroniqueurs politiques du quotidien Haaretz,
peut se méprendre sur sa capacité de réponse et se né aux États-Unis, avance une interprétation originale,
lancer dans une guerre incontrôlable. Mais une fois mais peu rassurante pour la première puissance de la
la colère de la foule retombée, on peut aussi imaginer planète et le reste du monde. En ordonnant, comme il
que l’Iran, sans Soleimani, commencera à contenir ses l’a fait, l’assassinat de son ennemi, écrit-il, Trump, qui
aspirations à la domination régionale. » n’a jamais été élu que par 62 millions d’électeurs sur
231, s’est comporté comme n’importe quel despote,
autocrate ou dictateur de la région et a transformé les
États-Unis en un pays du Moyen-Orient comme les
autres…

9 septembre 2019. Durant la campagne pour les élections législatives, le Likoud affichait
l’alliance de Donald Trump et Benjamin Netanyahou. © Ronen Zvulun / Reuters
Alors qu’en Israël comme ailleurs, les spécialistes
de la stratégie régionale cherchent en vain derrière
la décision incendiaire de Trump le moindre plan

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