Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ? Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ? Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement Dans la même prison le même mouvement. Accroupis sous les dents d'une machine sombre, Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre, Innocents dans un bagne, anges dans un enfer, Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer. Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue. Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue. Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las. Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas ! Ils semblent dire à Dieu : - Petits comme nous sommes, Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! Ô servitude infâme imposée à l'enfant ! Rachitisme ! Travail dont le souffle étouffant Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, oeuvre insensée, La beauté sur les fronts, dans les coeurs la pensée, Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! - D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin ! Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre, Qui produit la richesse en créant la misère, Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil ! Progrès dont on demande : Où va-t-il ? Que veut-il ? Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme, Une âme à la machine et la retire à l'homme ! Que ce travail, haï des mères, soit maudit ! Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit, Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème ! Ô Dieu !Qu’il soit maudit au nom du travail même, Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux, Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux ! Victor Hugo Tout d’abord, l’auteur veut nous faire prendre conscience de la durée des journées de travail que les enfants ont à faire. Avec les marqueurs de temps, Victor Hugo insiste dessus au vers 4 « quinze heures sous des meules », mais aussi avec les adverbes répétitifs et monotones vers 5 « éternellement dans la même prison le même mouvement », qui confirme la difficulté physique et psychologique. L’antithèse au vers 5 « de l’aube au soir » montre bien le fait que les enfants ne sortent jamais de leur travail, donc ne voit jamais la lumière du jour, mais également au vers 11 avec la répétition de l’adverbe jamais, « Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue » insiste sur le fait que ces enfants n’ont pas de vie d’enfants de leur âge puisqu’ils sont toujours au travail et ils ne jouent pas alors que le fait de jouer est l’activité normale d’un enfant. Donc on peut dire qu’ils sont privés de leur enfance. Ensuite l’auteur fait une description de la vie dans l’usine lorsqu’il emploie les mots « sombre » et « ombre » au vers 7 et 8. Puis quand il y a une personnification des machines avec des animaux dangereux, féroces au vers 7 « sous les dents d’une machine ». Et il y a une insistance sur la peur des enfants, face à d’horribles machines, grâce à la métaphore au vers 8 « monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre ». Egalement, la gradation « prison », « bagne », « enfer » augmente le fait de la peur des enfants et du malaise du lecteur. ». On reconnaît un endroit sale avec au vers 12 « la cendre est sur leur joue ». Enfin, nous remarquons au vers 11, un vers à double sens « tout est d’airain, tout est de fer » puisqu’il s’agit dans un premier temps des matériaux que l’on trouve dans une usine puis dans un second temps la difficulté du travail. Enfin, l’auteur essaye de montrer la souffrance physique et morale que les enfants peuvent endurer. Grâce au champ lexical de la maladie et de la fatigue « fièvre maigrit », « pâleur », « déjà bien las ». Avec le lieu peu propre où les enfants sont tout au long de la journée, on imagine bien qu’il y a toutes sortes de maladies qu’ils peuvent attrapés, ce qui accentue la souffrance physique. Malgré la saleté, l’auteur nous montre que les enfants ont la peau blanche au vers 12 avec l’exclamation « aussi qu’elle pâleur ! ». On remarque de la tristesse et de la solitude au vers 1 et 3 « dont pas un seul ne rie » et « qu’on voit cheminer seuls », ce qui fait un parallèle avec la vie d’un enfant qui d’habitude est toujours entrain de rire et jamais tout seul. On voit bien que ces enfants vivent un cauchemar avec des conditions de travail désastreuses et des tâches dures à faire pour leur âge. L’auteur amplifie cette situation avec différentes allitérations telles que « r, « s » et « t » tout au long du poème.. Enfin, les rimes plates permettent au lecteur une meilleure compréhension du texte dès la première lecture, donc la une facilité de comprendre le message que veut faire passer Victor Hugo sur le travail des enfants dans les usines. Malgré la description des conditions de travail des enfants, donc de vie puisqu’ils passent tout leur temps dans cette usine, Victor Hugo nous montre son indignation à ce sujet. Il montre le fait que les enfants appellent à l’aide au vers 15, qui est une phrase de désespoir « Petits comme nous sommes, Notre Père, voyez ce que nous font les hommes ». Puisque personne n’écoute ces cris de détresse et ferme les yeux face à cet esclavage des enfants, ils sont obligés d’appeler la dernière personne qui pourrait les aider, Dieu. On peut aussi dire, que l’auteur accuse l’évolution, le progrès lorsqu’il dit « le progrès dont on demande : Où va-t-il ? Que veut-il ? ». Il utilise d’une comparaison assez forte pour montrer que les adultes se servent des enfants pour leur propre travail « qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil ». L’auteur insiste sur le fait que les enfants et leur jeunesse sont utilisés comme des machines « une âme a la machine et la retire à l’homme ». Victor Hugo dénonce en grande partie dans ce poème l’injustice sociale. L’auteur est pour un travail fait par les adultes et non par les enfants « au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux, qui fait le peuple et qui rend l’homme heureux ! ». Par son réalisme, Victor Hugo illustre les conditions désastreuses des enfants dans le monde du travail et plus particulièrement, celui des ouvrier. Dans ce poème, il critique le fait de l’esclavage sur ces jeunes gens. Mélancholia dénonce donc l’injustice sociale.