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Les Cahiers de Framespa

Nouveaux champs de l’histoire sociale 


21 | 2016
Inscriptions urbaines américaines : rapports
d’autorités

Appropriation scripturale et subversive de l'espace


urbain à São Paulo
Writing and Subversion within the Appropriation of São Paulo Urban Space
Escritura y subversión en la apropiación del espacio urbano en São Paulo

Timothée Engasser

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/framespa/3822
DOI : 10.4000/framespa.3822
ISSN : 1760-4761

Éditeur
UMR 5136 – FRAMESPA

Ce document vous est offert par Université Paris Nanterre

Référence électronique
Timothée Engasser, « Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo », Les
Cahiers de Framespa [En ligne], 21 | 2016, mis en ligne le 15 mai 2016, consulté le 19 novembre 2019.
URL : http://journals.openedition.org/framespa/3822  ; DOI : 10.4000/framespa.3822

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Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 1

Appropriation scripturale et
subversive de l'espace urbain à
São Paulo
Writing and Subversion within the Appropriation of São Paulo Urban Space
Escritura y subversión en la apropiación del espacio urbano en São Paulo

Timothée Engasser

1 Invasion scripturale presque totale, dotée d'une typographie anguleuse singulière, la


pixação, écriture monochrome s'invitant sur les lignes des plus hauts bâtiments de
São Paulo, repose sur un réseau des milliers de pratiquants parcourant la jungle urbaine
pauliste. Cette pixação fait figure de mouvement unique dans le monde, autant dans sa
forme que dans ses pratiques. Cet article s'est construit grâce à deux terrains de
recherche successifs en 2014 et 2015 à São Paulo, au cours desquels une vingtaine
d'entretiens ont été réalisés, mais aussi avec l'apport d'une observation participante
illustrée par un court-métrage documentaire1
2 Une contextualisation du phénomène, suivie d'une ébauche de description de ses
manifestations, permettra d'évoquer ensuite les différents rapports d'autorités et de
conflictualités que cette pratique d'inscriptions urbaines sous-tend. Ainsi tenterons-nous
de montrer en quoi une pratique scripturale peut mettre en lumière une série de
problématiques sociales et politiques mais aussi spatiales. Pour cela, il sera nécessaire
d'appréhender cette écriture dans son lieu même d'expression, la ville de São Paulo, de
mesurer le rapport au risque de ceux qui la pratiquent, puis de tenter de comprendre les
rouages internes de ce phénomène, afin de mieux percevoir les différentes imbrications
politiques et artistiques mises en jeu. Précisons que notre propos n'est pas de légitimer
une pratique urbaine en tant qu’expression artistique, mais bien de déconstruire les
différents mécanismes inhérents à sa production.

Les Cahiers de Framespa, 21 | 2016


Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 2

1. Contextualisation d'une réappropriation de l'espace


urbain
3 Tout d'abord, le terme « pichação » renvoie à l'usage du goudron comme matière formant
l'inscription murale – utilisé pendant la dictature (1964-1985), notamment sous
João Baptista de Oliveira Figueiredo)2. Le terme « pixação » (avec un » x ») regroupe aussi
depuis 1989 un mouvement créé depuis lors et qui revendique aujourd'hui plus de trois
décennies d'existence dans la mégalopole brésilienne et des milliers de pratiquants
toujours actifs. Les pixadores reprennent et réinventent à leur manière un style
calligraphique emprunté à différents alphabets3 (rune, étrusque, typographie de groupes
de métal des années 1980). C'est un mouvement qui fait partie intégrante de l’identité
visuelle de la ville de São Paulo, sans doute à cause de la rapidité d'exécution du tag, du
nombre important de pratiquants et des comportements à risques qu'adoptent les
pixadores pour éviter de voir leurs écrits effacés.

Aperçu

Grands axe routier de São Paulo, 2015.


© Timothée Engasser

4 Cette invasion visuelle est aussi renforcée par le fait que la ville a banni depuis 2007 les
enseignes publicitaires, autre forme d'invasion. À l'instar de la pratique du graffiti, ce qui
est recherché dans cette pratique est la visibilité du nom : « Quem no é visto, não é lembrado
»4 est un adage partagé par l'ensemble de la communauté.
5 En outre, il s'agit de laisser sa marque dans le plus d'endroits possibles pour acquérir le
plus de notoriété dans le milieu et, dans le cas de la pixação, cela se fait si possible sur les
plus hauts édifices de la ville.

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 3

L.N.X

Avenida Paulista, 2015.


© Timothée Engasser

Hauteur 1

Centre de São Paulo, 2015.


© Timothée Engasser

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 4

6 Cependant, cette compétition visuelle et perpétuelle est précaire puisque la durée d'un
pixo n'est que très limitée. Les différentes campagnes d'effacement, le risque d'être
recouvert par un autre et l'effacement par le temps sont les multiples causes de la
précarité de l'inscription dans l'espace urbain. Malgré ces limitations, la pixação à
São Paulo reste extrêmement présente visuellement, ce qui peut créer un sentiment
d'oppression dans la ville : les sigles sont partout et visibles à tout instant. Ce phénomène
est d'ailleurs considéré comme une plaie par la majorité de la population, contrairement
à la pratique du graffiti qui est progressivement en voie d'acceptation.

Saturation

Centre de São Paulo, 2015.


© Timothée Engasser

7 La forme de cette expression est en elle-même subversive, puisqu’il est très difficile de
déchiffrer ces inscriptions et l'on peut ainsi parler de refus de partager certains codes
avec la société. Bien que les habitants de São Paulo vivent dans cet univers rempli de
pixações, la grande majorité n'est pas capable de déchiffrer ces écritures à l'alphabet si
singulier. Inventer son propre langage revient à répondre par la négative à la société qui
rejette parfois des pans entiers de sa population ; c’est aussi renvoyer à la société la
violence symbolique qu'elle-même exerce, et ce, à travers une communication bien
particulière. Par ailleurs, écrire d'une telle manière dans la ville permet d'être reconnu
par ses pairs et accepté en tant qu’individu dans cette tribu urbaine. Se différencier est,
en soi, quelque chose de politique, puisqu’il s'agit de refuser les paradigmes traditionnels
de la politique où le discours se veut structuré, clair et compréhensible pour tous. Si
l'action de taguer est intrinsèquement illégale et donc politique, il n'y a cependant pas de
volonté de participer de manière normative au changement, comme le ferait un
mouvement politique ou social accepté. L’action de pixar, en tant que telle, est conçue par
ses acteurs comme une « agression visuelle », comme une réponse à une société elle-
même violente.

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 5

8 Intéressons-nous maintenant à la pratique des acteurs et à leurs discours, notamment


vis-à-vis de l'autorité publique, de la société brésilienne mais aussi face au domaine
artistique. La radicalité du mouvement s'illustre dans ses inscriptions anguleuses et
monochromes et prend aussi la forme de différentes interventions vandales. Bien qu'il
existe autant de visions sur le mouvement qu'il existe de pratiquants, on peut entrevoir
quelques similitudes dans l'interprétation de leur pratique. Si, pour certains, il s'agit
essentiellement de se retrouver entre amis, tous font cependant référence à l'adrénaline
que procure la prise de risque quand il s'agit de taguer dans l'espace urbain5. Cette prise
de risque permet ainsi de s'élever dans la hiérarchie du pixo et de grandir dans l'estime de
ses pairs. Pour d'autres, elle peut être le moyen d'une lutte permanente, une manière
d'investir le champ urbain face à une marginalisation spatiale toujours croissante. C'est
justement en réponse à cette appropriation par les classes les plus aisées que les pixadores
investissent la rue afin d’en bouleverser les frontières, en transformant les
catégorisations et les valeurs associées à ce processus. Le retournement de cette
domination symbolique devient un enjeu mais aussi une ressource dans ce genre de
rapports sociaux et les pixações deviennent alors un moyen de contrer cette domination
de l'espace. Les marques dans la rue portent en elles, et ce quel que soit le point de vue du
pixador, une réaction face à cet ordre établi dans l'espace urbain en s'appropriant des
bâtiments ou des lieux à valeur symbolique forte. On peut ainsi donner l'exemple du
Conjunto Nacional, situé sur l'Avenida Paulista, la tour Banesp, symbole de la ville de
São Paulo ou encore l'Edificio Italia, qui compte parmi l'une des plus grandes tours de la
ville, comme espace où la portée symbolique est la plus grande. Ce sont justement des
lieux comme ceux-là que les pixadores recherchent pour détourner, voire inverser, cette
domination symbolique ; en y laissant leur trace ils se placent métaphoriquement au-
dessus de ce rapport hégémonique de l'espace.
9 Au-delà d'une réappropriation symbolique de l'espace urbain, les pixadores revendiquent,
par le biais de l'illégalité, une forme de contestation politique avouée ou non. Certains
peuvent marquer des messages à portée politique à côté de leur nom : « a corrupção chega
»6 « no pais da corrupção quem tem moral para criticar a pixação »7. Des messages anti-
corruption en côtoient d'autres qui réclament plus de santé et d'éducation gratuite. On
peut aussi concevoir que le geste même de faire un pixo est en soi quelque chose d'illégal
et défie en quelque sorte l'autorité incarnée par la Policia Militar. Cette PM, connue pour
être extrêmement violente, peut s'en prendre aux pixadores pris en flagrant délit : cela va
des coups à la peinture sur le visage, et jusqu'à la mort, avec différents cas de pixadores
abattus alors qu'ils étaient en train de peindre8.

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 6

Queremos Justiça

Manifestation de pixadores pour la reconnaissance de l'assassinat de deux pixadores par la Police


Militaire, 2014.
© Gui Santana

2. Des liens complexes tissés entre quartiers


périphériques
10 Ce rapport de conflictualité permanente peut aussi s'expliquer par le fait que la majorité
des pixadores sont originaires des quartiers périphériques de la ville de São Paulo, zones
qui sont le plus souvent délaissées par les pouvoirs publics (éducation, transports, santé…
). Dans leur grande majorité, les acteurs partagent les mêmes difficultés sociales. Comme
l'affirme Albert Cohen9, il se forme à l'intérieur de cette « subculture » une série de
mécanismes propres : ainsi une solidarité interne se met-elle à l'œuvre à travers des
formes de coopérations et d'échanges entre les individus du groupe. Albert Cohen
explique que ces dynamiques de groupe se structurent grâce à des attitudes de
« provocation protectrice » générant des réactions hostiles de la part du groupe externe.
L'appropriation des murs de la ville par des marques seulement compréhensible de cette
« subculture » provoque, d'un côté, des réflexes sécuritaires et répressifs de la part des
pouvoirs publics et, de l'autre, des réactions négatives et réprobatrices de la part des
habitants de São Paulo. Albert Cohen signale, par ailleurs, le fait que les individus doivent
assumer un coût de participation symbolique, puisque les pratiques de cette
« subculture » sont particulièrement mal vues dans la société.

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 7

Mur du centre

Centre de São Paulo, 2015.


© Timothée Engasser

11 Dès lors qu’un pixador s'identifie à son quartier d'origine et le représente, il peut apposer
les initiales de sa zone périphérique à l'extrémité de son pixo. C'est ainsi que certaines
inscriptions représentent la zone Sud, Nord, Ouest et Est. Elles peuvent être aussi
accompagnées du quartier plus précis d'où vient le pixador, comme le fait remarquer Djan
« é uma maneira de representar a sua quebrada, que ela existe »10. Face à une stigmatisation
incessante des quartiers périphériques et des favelas en général, il s'agit de prendre le
contre-pied du discours médiatique généralisé où ceux-ci sont le plus souvent vus comme
des zones de délinquance et de crime.

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 8

Signature Locuras

Bruno, Zone Ouest (ZO), São Paulo, 2015.


© Timothée Engasser

Signature Rituais

Juninho + Erica, Zone Est (ZL), São Paulo, 2015.


© Timothée Engasser

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 9

12 Un autre élément essentiel de la pixação à São Paulo est le réseau que tissent les pixadores
à travers la ville et notamment via des lieux de rencontres hebdomadaires dans
l'ensemble du grand São Paulo. Le plus important est le rendez-vous hebdomadaire situé
dans l'hyper-centre de la ville et qui rassemble plusieurs centaines de participants. Les
pixadores entretiennent alors d'étroites relations entre eux, ils se structurent d'ailleurs en
différentes familles accueillant elles-mêmes divers sous-groupes.

Liste familles de la pixação

Liste non exhaustive des familles de la pixação de São Paulo, 2015.


© Timothée Engasser

13 C'est en se constituant en communautés spécifiques, en intégrant des sous-groupes avec


ses rituels de socialisation et d'acceptations, leurs codes particuliers, que les pixadores
s'approprient l'espace urbain en tant que groupe. Ce « point » (prononcer à l’anglaise) est
l'occasion de communiquer sur de nombreuses actions, d'organiser d'autres rendez-vous,
de prendre contact avec d'autres pixadores pour partir faire un « rolê11 » dans la ville, ou
pour appeler à une mobilisation ou une intervention.
14 Malgré le caractère précaire et temporaire de la pixação, la mémoire collective est aussi
retranscrite à la faveur de ces nombreux points de rencontres et, plus concrètement, sur
les feuilles de signatures, que les pixadores s'échangent pour ensuite former des dossiers
entiers regroupant jusqu'à plusieurs dizaines d'années d'histoire de la pixação. C'est
justement pour garder une trace de ces écritures et des personnes qu'un échange de
signatures sur des feuilles s'est mis en place.

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 10

Empilement

Feuille remplie lors d'une fête d'un groupe de pixadores : Os Registrados no Codigo Penal, 2015.
© Timothée Engasser

15 Une feuille peut ainsi être marquée par un pixo ou par plusieurs de façon horizontale ; les
pixadores vont alors se succéder pour écrire chacun leur pixo sur plusieurs lignes. Sur la
grande majorité de ces feuilles, on trouve d'abord le pixo et les initiales ou le nom complet
de celui qui l'a écrit. La composition des feuilles de signatures varie souvent selon les
personnes à qui elles vont être données, un message particulier peut alors être apposé à
l'intention du destinataire. On peut, toutefois, remarquer une certaine constance dans les
informations : l'année d'écriture est particulièrement importante pour dater la signature,
la valeur symbolique augmentant considérablement avec l’ancienneté. L'importance de
cette mémoire est telle que ces feuilles ont un prix dans le milieu de la pixação et il peut
arriver qu'un pixador ou la famille d'un pixador vende la collection des feuilles à d'autres
personnes. Les prix sont particulièrement élevés ; ainsi le prix d'une feuille du pixador
#DI# (disparu en 1997) peut atteindre le prix de 300 reais (environ 100 euros).

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 11

Feuille de signature du pixador DI

Signature datant de 1996, une des feuilles parmi les plus recherchées au sein du mouvement.
© Timothée Engasser

16 On peut d'ailleurs faire un parallèle avec les black books des graffeurs new yorkais qui
commencent à attirer le milieu de l'art contemporain, ces cahiers étant effectivement
très riches en anecdotes, rencontres et autres messages. Au-delà de la valeur marchande,
ces cahiers représentent incontestablement une histoire écrite et illustrée de
l'environnement graphique de São Paulo. En outre, on pourrait grâce à eux établir une
liste précise de tous les groupes de pixação de São Paulo, avec leur année de naissance,
leurs différents lettrages, les influences de tel ou tel groupe dans la création de nouvelles
lettres. Ces dossiers représentent un véritable trésor pour tout membre de la
communauté puisque, mis à part la mémoire individuelle du pixador, c'est par l'écrit que
se conserve cette mémoire collective.

3. Un mouvement en rupture avec les schémas


artistiques classiques
17 Différentes actions du mouvement ont eu pour but de discuter la place du pixo dans le
monde de l'art. La première intervention s'est déroulée en 2008, quand Rafael Pixobomb,
alors élève de dernière année à l'École des Beaux Arts de São Paulo12, a décidé de réaliser
une vidéo de pixadores envahissant l'exposition de sa promotion. Ce pixador a, dès lors,
impulsé une nouvelle ère dans la pixação. De l’intérieur d’une institution du monde de
l'art, il a pu réfléchir et discuter du pixo en tant qu'art à part entière. Cette initiative a
ouvert une nouvelle perspective pour les pixadores qui ont pu alors s'appuyer sur cette
transgression pour questionner la subjectivité de l'art tel qu'on le perçoit aujourd'hui :
Na realidade o que a gente fez foi dar um grito existencial do pixo dentro do
circuito artístico, e a existência do pixo dentro desse campo era negligenciada por
esse circuito. E depois disso começou a ser ouvido, passou a ser incluído a

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 12

exposições, debates, hoje o pixo já tem essa abertura de ser discutido como forma
de expressão artística mesmo que política, é realmente tem essa importância, e eu
acho que foi muito importante esse momento dessa transição porque a gente abriu
novos horizontes. A gente começou a descobrir a importância artística do pixo e
representar isso sem intermédios, e a partir disso a gente começou a produzir
nossos vídeos, nosso próprio material, nossos fotógrafos, nossos editores de vídeos 13
.
18 C'est donc grâce à son caractère transgressif que la pixação a pu attirer l'attention du
monde de l'art contemporain. Et c'est exactement le mécanisme qu'utilise la pixação dans
l'environnement urbain : attirer l'œil par son caractère totalitaire et vandale. Attirer
l'attention sur une pratique en envahissant une école qui forme des artistes reconnus en
tant que tels par les « entrepreneurs de morale14 » revient à heurter frontalement les
stéréotypes d'une pratique largement criminalisée. Dans cette première intervention,
l'intention aurait été de déconstruire justement ce processus de criminalisation, en
utilisant la transgression pour faire passer un message, car les préjugés sur la pratique
n'ont pas pour autant disparu, mais elle a, dès lors, acquis une certaine légitimité dans le
monde de l'art. On pourrait ainsi affirmer que cette initiative fait partie d'une
performance artistique comme pour tout autre pixador qui irait peindre illégalement dans
l'espace urbain.
As pessoas estão acostumadas a associar arte apenas com decoração e a arte vai
muito além disso, a arte é instrumento de revolução, de liberdade. […] Eu costumo
dizer que o pixo é a arte de vandalizar15.
19 Il est intéressant d'étudier une pratique qui se légitime à la fois par le refus de normes
sociétales et par sa forme d'expression artistique transgressive. Il est, en effet, rare
d'observer une pratique artistique à part entière qui serait illégale (à part le graffiti) dans
notre société actuelle, car nous sommes dans un système où une pratique artistique doit
être certifiée et reconnue en tant que telle par les institutions du monde de l'art : ceci est
de l'art, ceci n'en est pas. C'est ce qu'ont conceptualisé Nathalie Einich et Roberta Shapiro
en tant que processus « d'artification » qui désigne la « transformation du non-art en art,
résultat d’un travail complexe qui engendre un changement de définition et de statut des
personnes, des objets, et des activités16 ». Ce processus peut avoir différentes phases selon
la pratique que recouvre ce concept. Dans le cas de la pixação, ce serait une « artialisation
à demi-stabilisée » puisque la population en sa grande majorité ne voit pas cette pratique
comme artistique mais plutôt comme de la saleté qui devra être effacée. En effet, ce qu'on
pourrait reprocher à ce concept, c'est de ne s'intéresser à l'art que s'il est accepté comme
tel par des instances dirigeantes ayant le pouvoir d'objectiver une pratique en tant qu'art.
Cependant, dans la grande majorité des cas, pour qu'une pratique puisse être acceptée
dans le circuit artistique, il est nécessaire d’avoir recours d'une manière ou d'une autre à
une marchandisation, ce qui peut dénaturer cette pratique. Marisa Lhiebaut17 explique
ainsi que le graffiti est passé d'une pratique dite « ludique » à une pratique artistique,
mais c'est justement en passant par les circuits de l'art que le geste, initialement illégal,
va perdre totalement son contenu en étant accepté par des intermédiaires. En outre, ce
sont des intermédiaires spécialisés qui vont être acteurs de l'introduction sur le marché
de l'art contemporain d'un artiste ou d'une pratique artistique. Howard Becker signale
ainsi trois types d'intermédiaires qui entrent dans ce processus : l'intermédiaire
marchand, l'intermédiaire financier et l'intermédiaire de qualité18. Le premier, dit
« marchand », va mettre en relation l'offre et la demande, le second finance l'artiste pour
qu'il produise un certain nombre d’œuvres. Le dernier cas d'intermédiaire a une
particulière incidence sur notre corpus brésilien, puisque c'est lui qui juge de la qualité de

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 13

la production. Qu'il soit institutionnel ou marchand, l’intermédiaire va pouvoir donner


une valeur objective au « produit », sans même s'y référer intrinsèquement.
20 Comme on a pu le voir auparavant, l'esthétisme est une construction sociologique et c'est
notamment à partir du capital culturel que l'on réfléchit et « juge » une œuvre selon
différents critères. Ainsi, une reconnaissance plus forte va-t-elle être accordée à un
artiste ayant fait l'objet d'un article dans une revue d'art à la renommée importante ou
encore mis en valeur par un grand événement, tel qu'une Biennale. C'est cependant en
entrant dans ce circuit que l'artiste ne produit plus la même chose qu'auparavant, si l'on
en croit Becker. En outre le mode de présentation dans ce milieu va conditionner la
production de la création. Dans le cas de la pixação, il est impossible de vendre une
performance illégale dans la rue puisque, comme on l'a vu, l'aspect graphique n'est
qu'une partie de la pratique, les supports et les endroits variant autant que le support
urbain évolue.
21 Avec l'invasion de l'exposition de l'École des Beaux-Arts, puis de la Biennale de
São Paulo, ces interventions très récentes ont des répercussions aujourd'hui dans l'art
contemporain : des commissaires d'expositions, des chercheurs, des réalisateurs se sont
alors intéressés à la pratique de la pixação en la prenant comme objet mêlant l'art et la
politique. C'est alors une nébuleuse d'intermédiaires extérieurs qui vont travailler pour
l'acceptation de cette pratique en tant qu'expression artistique.

Invasion de la Biennale d'art Contemporain par des pixadores

Attaque de la Biennale d'Art Contemporain de São Paulo en 2008 par une coalition de pixadores pour
dénoncer la subjectivité du concept d'art.
© Ciro Miguel

22 Certains pixadores empruntent d'ailleurs à Hakim Bey l'expression de « terrorisme


poétique19 ». L'intervention scripturale se ferait donc nécessairement contre l'État, le fait

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 14

même de ne pas être reconnu par les pouvoirs publics serait la condition pour être
pleinement un artiste. Ces multiples actions quotidiennes ne peuvent être dévoilées au
grand jour puisqu'elles se renouvellent sans cesse avec des milliers de
pratiquants (difficilement quantifiables, on estime à 20 000 le nombre de pixadores) à
São Paulo, toujours plus jeunes et motivés aux quatre coins de la mégalopole. Ce
mouvement n'a pas de chef, ni de doctrine ; chaque personne en est une part et c'est à
l'intérieur des différents groupes et unions de groupes que se forment différentes
affinités qui s'illustrent par des rolês dans la ville entière. Chaque pixador, qu'il soit en
groupe ou seul, peut s'approprier l'espace sans en référer à une quelconque instance
dirigeante, bien qu'il fasse partie d'un groupe. Il est le seul garant de son autonomie, de sa
manière de s'organiser, de planifier et de créer son pixo dans n'importe quel endroit de la
ville, l'unique règle à respecter étant de ne pas recouvrir le pixo d'un autre (règle qui peut
aussi s'appliquer aux graffitis dans certains cas) : « A maioria das pessoas, elas simplesmente
se enquadram ao sistema, para ela é casa, trabalho, trabalho, casa, lazer shopping, e não tem
conhecimento da sua cidade20 ».
23 Certains pixadores m'ont exprimé l'envie de sortir dans la rue pour ne pas rester
enfermés dans un quotidien monotone où le travail serait l'essentiel de leur activité. En
passant du consommateur passif à l'individu actif, les pixadores remettent en cause le
paradigme ; il s'agit de se libérer des lignes définies par l'État ou tout autre institution
pour s'épanouir dans une activité. La considérer comme une pratique mauvaise, violente
et destructive est un moyen pour l'État d'éviter une propagation potentiellement
subversive. La théorie de la « vitre cassée »21 tente de contrer ce processus : « If the
windows are not repaired, the tendency is for vandals to break a few more windows 22 ». En effet,
c'est en effaçant toute trace de l'activité délictuelle d'un individu qu'il sera moins enclin à
recommencer. Cette théorie a progressivement été assimilée par une partie de la
population, moyen par lequel l'État a pour objectif d'anéantir un phénomène subversif
dès le départ et sur lequel il n'a aucune emprise. Or, de nombreux pixadores m'ont même
indiqué que la pixação pouvait être une alternative à l'engrenage du crime ; cette pratique
aura été pour certains une chance de ne pas tomber dans un système criminel.

4. Une certaine forme d'intervention politique


24 Le fait d'être présent dans la ville, d'occuper l'espace, est une forme d'action puisqu'elle
donne une alternative dans la vie des citoyens et leur permet d'éviter de rester dans un
système qui voudrait les cantonner au travail et au divertissement dans des endroits
prévus pour cela, ou restreindrait leur liberté puisque, pour les pixadores, le pixo est » um
grito de liberdade23 ». Comme on l'a vu, la pixação, dans sa forme ancienne, a commencé
comme mouvement de contestation au pouvoir dictatorial en place. Elle a perdu
cependant cette portée contestataire jusqu'à réinvestir ce champ à partir d'une certaine
forme de théorisation dans les années 2000, créatrice d'une nouvelle contestation
politique.

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 15

Action politique

« Le Brésil n'accepte pas le révolutionnaire pauvre, dehors Alckmin » (paroles du groupe de rap Facção
Central). Manifestation pour la démission du gouverneur de São Paulo, 2014.
© Fabio Vieira

25 On pourrait rapprocher cette pratique du courant situationniste qui prônait une alliance
entre politique et art24. Cette approche peut être particulièrement éclairante sur l'usage
d'une pratique se revendiquant à la fois comme subversive, artistique et politique. D'une
manière générale, c'est dans un souci d'efficacité que les situationnistes préconisaient de
lier le contenu à la forme ; le message ayant alors plus de force s'il est esthétiquement
puissant. Quand on l'applique à la pixação, le contenu politique est, en effet, d'autant plus
fort que la typographie et le support graphique utilisés sont révélateurs d'une position
politique assumée et revendiquée. En outre, la pixação investit de plus en plus le plan
politique médiatique avec la participation à des débats télévisés, des conférences dans des
universités et différents manifestes écrits par Djan Ivson. A posteriori, on peut recenser les
multiples formes d'action politique auxquelles la pixação a pris part, notamment durant
les manifestations, en juin 2013, contre la hausse des coûts du transport urbain, ou contre
l'organisation de la coupe du monde.

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 16

Mouvements sociaux

Manifestation de 2013 contre la hausse des coûts du transport à São Paulo.


© Fabio Vieira

26 Il existe par ailleurs des groupes de pixação qui ne se retrouvent que dans le cadre de
manifestations politiques, comme Além do Bem e o do Mal, Pixo Manifesto Escrito (MAPU). Si
l'on considère l’ensemble des pixações de São Paulo, très peu construisent un message
politique compréhensible à part les quelques exemples cités auparavant. Dans un
entretien effectué l'année dernière, un pixador du groupe Autopsia explique que c’est en
faisant ses pixações qu’il revendique son appartenance à la société et répond à la violence
que celle-ci lui renvoie.
La pixação c’est comme une révolte contre toutes les oppressions qu’on nous fait
subir dans cette ville. […] Tu te rends compte qu’il n’y a pas de moyens dans la
santé, dans l’éducation. Donc, oui, on fait de la pixação pour protester contre tout
ça, c’est une autre vérité qui ne passe pas à la télévision, à la radio 25.
27 Dans cette citation, il souligne l'existence d'une contre-culture qui se veut en
contradiction avec une » société du spectacle26 ». Comme on l'a vu dans le domaine
artistique, ce mouvement n'a que très peu de relais et, dans les médias, le thème est en
grande majorité abordé sous l'angle de la délinquance et de la violence.
28 Aujourd'hui, les codes esthétiques des pixadores ne rentrent pas dans la règle
artistique (puisqu’ils ne sont pas encore légitimés par différents intermédiaires27). Il y a,
en effet, d'un côté la législation qui interdit explicitement la « pixação », considérée
comme du vandalisme, comme une atteinte à la propriété d'autrui et un crime28
environnemental alors que, d'un autre côté, la municipalité de São Paulo promeut
le » street art », version édulcorée du graffiti29. Debord explique, dans ce sens, qu'il faut
lutter contre « l'idéologie dominante qui organise la banalisation des découvertes
subversives, et les diffuse largement après stérilisation30 » et, d'une certaine manière,
c'est ce même mécanisme qui est à l'œuvre avec, d'un côté, le graffiti31 à São Paulo et, de
l'autre, la pratique du grapixo (une combinaison entre le lettrage de la pixação et le

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 17

graffiti). La « stérilisation » correspondrait, au Brésil, à l'édulcoration du discours


politique mais aussi à la pratique subversive elle-même. Nées dans l'illégalité, ces
différentes expressions aboutiraient à une institutionnalisation et une possible
légalisation, vidées de leurs sens originels. Quand Rafael et Djan parlent de la liberté
comme faisant partie fondamentale de l’artiste, ils cherchent justement à garder cette
autonomie menacée par une interconnexion entre l’art et la politique.
29 Il existe aujourd'hui une carte touristique de São Paulo consacrée exclusivement à la
pratique du graffiti, sur le modèle du » musée à ciel ouvert » qui promeut les œuvres, les
seules légales, des graffeurs brésiliens dans la ville. Ce circuit urbain permet de voir les
œuvres des artistes reconnus comme tels par l'entité publique. Ainsi, la ville s'appuie sur
son statut de capitale brésilienne de l'art de rue pour promouvoir le tourisme dans la
ville ; la pixação quant à elle est reléguée au statut d'activité illégale, alors que cette
expression est unique dans le monde. On observe cependant un revirement puisque
malgré la criminalisation et la répression que subit la pixação, il a été organisé un circuit
touristique de la pixação dans la ville, cette initiative a d'ailleurs dû être annulée
officiellement sous la pression de pixadores. On perçoit bien dans ces différentes
initiatives la volonté d'absorption et de récupération d'une pratique pour, peu à peu,
l'institutionnaliser et la vider de son sens politique, autant dans la forme que dans le
geste.
30 Face aux édifices toujours plus denses de la troisième mégapole mondiale, les pixadores
revendiquent une certaine liberté puisqu'il n'y a pas de concertation avant la
construction d'une barre d'immeuble ou d'un gratte-ciel. L'occupation par le signe
devient une façon de s'exprimer contre une forme d'urbanisation anarchique, mais aussi
contre une forme de ségrégation spatiale à l’œuvre dans la ville où certains quartiers sont
entièrement sécurisés. Comme on l'a fait remarquer, la grande majorité des pixadores
viennent de quartiers fortement éloignés du centre de la ville, ils revendiquent ainsi
l'espace de la rue comme étant celle du peuple et, en l'occurrence, leur espace « a rua é
nossa32 », reprenant, d'une certaine manière, une tradition politique héritée de la
résistance à la dictature. Cette relation permanente entre centre et périphérie est un des
enjeux des pixadores pour le contrôle visuel : les plus motivés mettent un point d'honneur
à aller taguer dans le centre ville puisque c'est à cet endroit que l'on est le plus vu, à la
fois à l'intérieur du groupe, mais aussi par l'ensemble de la population.
31 Pour en revenir aux rapports d'autorité qui nous intéressent ici, on peut affirmer que ce
mouvement s'inscrit dans une relation de conflictualité à de multiples égards.
Conflictualité non seulement vis-à-vis de l'autorité publique qui s'illustre dans la pratique
elle-même, par son illégalité et le non-respect de la propriété privée, mais aussi en
s’organisant ponctuellement en manifestations politiques ou artistiques. Les pixadores
agissent ainsi contre une pensée artistique qui ne les considère pas comme un
mouvement artistique à part entière ; le fait qu'ils ne soient pas payés pour exercer leur
art les dessert probablement dans cette catégorisation. Le statut d'artiste suppose
souvent d'être reconnu par de nombreux intermédiaires et par le fait de vendre des
œuvres. D'un autre point de vue, ce rapport de conflictualité s'exerce aussi sur la
population à travers une graphie incompréhensible par des novices ou simples lecteurs.
32 « A humanidade e a sociedade são orientadas por signos. Hoje em dia, a gente trabalha
com esses signos, que sejam bons ou ruins, eles conseguem transcender essas fronteiras 33
». Cette citation de Rafael permet de proposer un début de réponse quant à la portée de

ces signes dans la ville et dans la société entière. On a constaté que la pixação est bien plus

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 18

qu'une simple pratique hors-la-loi, lorsque non seulement elle remet en cause des
frontières physiques par l'inscription sur le mur, véritable outil de ségrégation, mais aussi
lorsqu'elle combat frontalement les limites du champ de l'art contemporain. Ce dernier
point porte aujourd'hui à confusion puisque diverses initiatives de pixadores tentent de
produire des représentations de l'esthétique de la pixação dans le champ qu'ils
combattaient auparavant. Peut-être le temps est-il venu d'une nouvelle phase dans la
pixação São Paulo qui, après avoir remis en cause les cases normées de l'art contemporain,
embrasserait petit à petit ses codes et son système économique. Mais il est essentiel de
rappeler que la grande majorité des pixadores ne se reconnaît pas forcément dans ce genre
de représentation, qui est le seul fait de quelques personnes ayant une certaine notoriété,
certes, mais qui ne pouvant représenter l'ensemble de ces acteurs si divers et varié.
33 Face au street art institutionnalisé, la pratique de la pixação se pose véritablement comme
phénomène unique et, justement, en contradiction avec cette nouvelle vague qui vise à
apporter du « beau », essentiellement décoratif, dans les rues des villes. Cette forme
d'expression nous rappelle qu'elle est une pratique (comme le graffiti) née dans la rue,
par nature libertaire, qui remet en question les ambiguïtés d'une société de plus en plus
inégalitaire. En renouant avec son aspect politique et notamment avec d'autres
organisations en lutte, elle peut être considérée comme un nouveau contrepoids politique
qui n'est pas seulement vu sous l'angle délictuel. Derrière cette pratique, il existe une
multiplicité d'individus avec leur histoire, leur expérience propre et leur point de vue
distinct. Cependant, tous se réunissent autour de la passion d'inscrire qui les mène à
écrire leur nom dans les endroits les plus improbables, en escaladant des immeubles pour
montrer qu'ils existent, qu'ils sont là, présents dans cette immense jungle urbaine.

Escalade urbaine

Centre de São Paulo, 2015.


© Timothée Engasser

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NOTES
1. Timothée Engasser, « Occupation visuelle », 2015, 16', disponible sur https://
www.youtube.com/watch?v=b-JdFJzVkaA (consulté le 8 mars 2016).
2. Pour aller plus loin dans l'analyse historique, voir Thiago Nunes Soares, « Escritas da cidade: as
pichações no combate à ditadura civil-militar », Historia, Dissertação de mestrado de Pós-
Graduação, Recife, UFPE, 2012.
3. Pour ce qui concerne l'analyse typographique, voir François Chastanet, Pixação: São Paulo
Signature, Toulouse, XGpress, 2007, p. 246.
4. « Celui qui n'est pas vu est oublié » (toutes les citations traduites le sont par nous).
5. Il est intéressant de recouper cette pratique avec le livre de David Le Breton, Passion du risque,
Paris, Métaillé, 1991, p. 17. Il explique ainsi les mécanismes de signification sociale et
anthropologique qui permettent à certains individus de tester leurs propres limites à travers
différentes prises de risques (drogue, délinquance, suicide, etc.).
6. « La corruption arrive ».
7. « Qui peut critiquer la pixação dans le pays de la corruption ? ».
8. Pour plus de précisions, consulter : http://www.vice.com/pt_br/read/a-policia-militar-matou-
dois-pixadores-no-alto-de-um-predio-em-sao-paulo
9. Albert K. Cohen, Delinquent Boys: The Culture of the Gang, Glencoe, IL : Free Press, 1955.
10. « C'est une manière de représenter son quartier, que celui-ci existe ».
11. Action de partir graffer dans la ville.
12. Scène présente dans le documentaire (51') : Pixo, de João Weiner, Roberto Oliveira (réal.),
Paris, Fondation Cartier pour l’Art Contemporain (61'), 2010.
13. « En réalité, ce qu'on a fait, c'est qu'on a lancé un cri existentiel du pixo dans le circuit
artistique, et l'existence du pixo à l'intérieur de ce champ était niée jusqu'à présent. C'est après
qu'il a pu être entendu, il a été inclus dans des expositions, des débats, et aujourd'hui le pixo a
désormais la possibilité d'être jugé comme une forme d'expression artistique et politique en
même temps. Et c'est justement son importance, je crois que ce moment a été très important
dans cette transition parce qu'on a ouvert de nouveaux horizons. On a commencé à découvrir
l'importance artistique du pixo et à le représenter sans intermédiaires, et à partir de ça, on a
commencé à produire nos propres vidéos, notre propre matériel, nos photographes, nos
monteurs de vidéos ». Entretien réalisé avec Djan Ivson Cripta, réalisé le 05/05/15 à São Paulo.
14. Voir : Howard Becker, Les mondes de l’art, Paris, Flammarion, 2006, 380 p.
15. « Les gens sont habitués à associer l'art avec de la décoration mais l'art va beaucoup plus loin
que ça, c'est un instrument de révolution, de liberté. […] J'ai l'habitude de dire que le pixo c'est
l'art de vandaliser ». Entretien réalisé avec Djan Ivson Cripta, réalisé le 05/05/15 à São Paulo.
16. Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dirs.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris,
Éditions de l'EHESS, coll. « Cas de figure », 2012, p. 20.
17. Ibid., p. 152.
18. Howard Becker, Les mondes de l'art, Paris, Flammarion, 2006, p. 150.
19. Hakim Bey, Temporary Autonomus Zone, Brooklyn, Ontological Anarchy, Poetic Terrorism,
Autonomedia, 1997.
20. « La majorité des personnes s'intègrent simplement dans le système, pour elles c'est maison,
travail, travail maison, loisir et shopping, et ils n'ont pas de connaissance de leurs ville. »
Entretien réalisé le 05/05/15 avec Djan Ivson Cripta, Circulo Forte.

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21. James Q. Wilson, et George L. Kelling, Broken windows. The police and neighborhood safety :
Atlantic Magazine mars 1982, p. 29.
22. « Si les fenêtres ne sont pas réparées, les vandales auront plus tendance à casser d'autres
vitres », ibid.
23. « Un cri de liberté ».
24. Voir : Internationale situationniste, numéro 1, juin 1958, 32 p.
25. Entretien personnel avec Autopsia (Os RGS, OS+F), réalisé le 12/03/2014, São Paulo.
26. Sur le rapport de domination qui en découle, voir Guy Debord, La société du spectacle, Paris, Éd.
Buchet/Chastel, 1967, p. 67.
27. Howard Becker, Les mondes de l’art, Paris, Flammarion, 2006.
28. Article 65 de la loi 9.605/98, disponible sur http://www.camara.gov.br/sileg/
integras/597807.pdf (consulté le 15/04/14).
29. Roteiro Arte Urbana, Cidade de São Paulo, disponible sur http://imprensa.spturis.com.br/wp-
content/uploads/downloads/2013/03/Roteiro-Arte-Urbana.pdf (consulté le 04/06/14).
30. Guy Debord, « Rapport sur la construction des situations et sur les conditions de
l'organisation et de l'action de la tendance situationniste internationale », Inter : art actuel, n° 44,
1989, p. 1.
31. Nous parlons ici de la progressive dépénalisation du graffiti à São Paulo et de son utilisation à
des fins touristiques par la municipalité. Voir, ainsi, http://www.turismo.gov.br/ultimas-
noticias/5189-turismo-fatura-com-roteiros-de-arte-urbana.html, (consulté le 15/07/15).
32. « La rue nous appartient ».
33. « L'humanité et la société ont toujours été orienté par des signes. Aujourd'hui, on travaille
avec ces signes et, qu'ils soient bons ou mauvais, ils arrivent à transcender ces frontières ».
Entretien avec Rafael / Opus 666, réalisé le 15/04/15, à Osasco, État de São Paulo.

RÉSUMÉS
Cet article porte sur un mouvement de tag, originaire de São Paulo, la pixação, pratiquement
cantonné à cette seule ville. L'originalité de la forme écrite et les pratiques des pixadores sont
uniques, et c'est notamment ce qui va nous intéresser pour comprendre quels sont les enjeux
d'une telle pratique dans la ville de São Paulo et identifier les paradigmes qu'elle remet en cause.
Ainsi, nous allons tâcher de rendre compte d'une pratique par le discours des acteurs, à travers
différents entretiens. La remise en cause de la propriété privée, une certaine forme de
contestation face à une ségrégation spatiale toujours plus importante, ainsi que la violence de la
société brésilienne d'aujourd'hui sont autant de thèmes qui recoupent la pratique de la pixação
pauliste. Nous nous interrogeons ici sur l'évolution d'une pratique qui, au départ illégale et
subversive, entre peu à peu dans un processus d' » artialisation ».

This article explores, from a sociological point of view, a tag movement from São Paulo, the
pixação, almost restricted to the only Big São Paulo. Written form's originality and the habits of
pixadores are very unique, and this will be very interesting to understand what this movement
put at stake in this town, and identify which paradigms are involved within this controversial
practice. To do so, we will try to illustrate a movement from actor's points of views, with the help
of several interviews. Questioning private property, a certain form of resistance against the
increase of social segregation and also the violence of today's Brazil, these are so many themes

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Appropriation scripturale et subversive de l'espace urbain à São Paulo 21

that are matching up with the pixação of São Paulo. In its originally illegal and subversive form,
we are going to question the evolutions of a movement that is entering, little by little, in a
process of artification.

El artículo explora, desde un punto de vista sociológico, un movimiento de tag de São Paulo, la
pixação, casi delimitada en el Grande São Paulo. La originalidad de la forma de esta escritura y las
prácticas de los pixadores son únicas, y es lo que nos va a interesar para entender cuáles son las
apuestas de una práctica tan especial de la ciudad de São Paulo y también identificar los
paradigmas que está cuestionando. Vamos a estudiar esta expresión a través de los discursos de
los actores, mediante varios testimonios. Cuestionar el concepto de la propiedad privada, cierta
forma de contestación contra la segregación espacial cada vez más importante y la violencia de la
sociedad brasileña son otros tantos temas que atraviesan la pixação paulista. Al principio de
forma ilegal y subversiva, vamos a ver cómo la práctica, en sus varias evoluciones, entra en un
proceso de artialización.

INDEX
Keywords : pixação, street art, urban tribe, tag, struggle
Palabras claves : pixação, arte urbano, tribu urbana, rayado, lucha
Mots-clés : pixação, art urbain, tribu urbaine, tag, lutte
Index géographique : Brésil, São Paulo

AUTEUR
TIMOTHÉE ENGASSER
Timothée Engasser, titulaire du Master Recherche de l’Institut Pluridisciplinaire pour les Études
sur les Amériques à Toulouse, à l’Université Toulouse-Jean Jaurès, étudie actuellement dans le
Master Recherche et Expérimentation à l’École Supérieure d’Audiovisuel de Toulouse.
t.engasser@hotmail.fr

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