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Dominique Poulot

Bilan et perspectives pour une histoire culturelle des musées


In: Publics et Musées. N°2, 1992. pp. 125-148.

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Poulot Dominique. Bilan et perspectives pour une histoire culturelle des musées. In: Publics et Musées. N°2, 1992. pp. 125-148.

doi : 10.3406/pumus.1992.1018

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pumus_1164-5385_1992_num_2_1_1018
Abstract
At the moment when a cultural history of modem Europe appears through different ways and varions
purposes, the question of the place of museums in this analysis is not yet resolved. The author
suggests a general review of the social sciences perspectives on this new topic. First the history of
museums is part of a social history of things (which includes commodities, symbols, etc.) as well as of
history of collective memory, places and objects. Second, the modem museum is the representation
ofthe cultural heritage with alil the consequences from the national or ethnic point of view. Eventually,
the social meaning of museums depends upon the environment they provide, and the reception, by an
audience, of their values and messages.

Resumen
A pesar de varias tentativas recientes, es opinion ampliamente compartida que al proyeeto de una
historia cultural de los museos le faltan todavía los cimientos. Proponemos aquí un panorama de las
perspectivas of recidas en este campo por les ciencias sociales. Los museos aparecen así como
verdaderos acontecimientos en el marco de una historia social de las cosas, de su empleo y de su
interpretación. Esto se relaciona tanto con la aparición de una sociedad de consumo en el siglo XVIII
como con la memoria colectiva, con sus lugares y sus objetos. Después, el museo es una institución de
representación del patrimonio, de carácter político y generalmente, nacional. Finalmente, su
significación social résulta de la apropriación del sentido y de los valores que permite gracias a las
estructuras y a los recursos que proporciona.

Résumé
De l'avis général, et malgré diverses tentatives récentes, le projet d'une histoire culturelle des musées
demeure à fonder. On propose ici le panorama des perspectives offertes par les sciences sociales à ce
sujet. Les musées s'inscrivent comme autant d'événements au sein d'une histoire sociale des choses,
de leur emploi et de leur interprétation. Ceci touche aussi bien à l'apparition d'une société de
consommation au XVIIIe siècle qu'à la mémoire collective, à ses lieux et ses objets. Ensuite, le musée
est une institution de représentation du patrimoine, de caractère politique et généralement national.
Enfin, sa signification sociale tient à l'appropriation du sens et des valeurs qu'il permet, grâce aux
cadres et aux ressources qu'il fournit.
Dominique poulot

BILAN ET PERSPECTIVES
POUR UNE HISTOIRE
CULTURELLE
DES MUSÉES

Lie statut des musées a


sans doute été davantage
bouleversé durant ces der
nières décennies qu'il ne
l'avait été des Lumières au
seuil de ce siècle. L'accu
mulation des traces et des
restes mis au jour, conser
vés et appropriés selon di
fférentes pratiques - qui
semble répondre au flot de
la production contempor
aine d'artefacts —, comme
P« envie de musée » multi
forme qui anime les collec
tivités, suscitent autant
d'interrogations nouvelles.
Les musées apparaissent dès lors pour ce qu'ils sont : des figures
historiquement déterminées de procédures de patrimonialisation, justi
fiées par la mise en ordre légitime de leurs collections et l'efficacité
publique de leur exposition. Reste que le propos historien est
aujourd'hui encore surtout convoqué afin de conforter la conscience que
ces établissements ont d'eux-mêmes, et de renforcer ainsi leur cohérence
- en particulier dans un contexte commémoratif, à l'occasion des anni
versaires de fondation, etc. Il n'est pas jusqu'aux écomusées des villes
nouvelles qui ne se plaisent désormais à évoquer le souvenir de leur
fondation, voire leurs vicissitudes immédiates, afin de se projeter dans
l'avenir, à tout le moins de se donner un nouvel élan. Cependant, la fon
dation récente d'un Comité d'Histoire des Musées de France, comme la
préparation de colloques spécialisés ou d'expositions d'histoire des
musées, jettent les bases de la reconnaissance institutionnelle d'un nou
veau territoire de l'historien.
La problématisation du fait muséal dans l'histoire devrait alors le
situer à son niveau de validité et de pertinence civique, celui d'une «gran
deur», d'une valeur qui justifie l'existence de mécanismes (règles,
normes, conventions) assurant la conservation de collections, et permett
ant leur exposition. On cherchera dans cette perspective à clarifier et à
développer ici l'appareil conceptuel généralement utilisé et à en appro-

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Bilan et perspectives
publics & musées n
fondir les implications, notamment en vue d'un dialogue entre la pers
pective historienne et celle des autres sciences sociales.
Il s'agit de dresser le bilan de la réflexion sur le musée dans trois
domaines : celui de sa spécificité par rapport à la notion anthropologique
de collection, en tant qu'événement historique au sein de la destinée
générale des objets, celui ensuite de la place de l'institution dans la
sphère publique, en tant que lieu spécifique de représentation d'un patr
imoine, enfin celui de la signification de l'établissement, en tant qu'il se
légitime comme exercice d'herméneutique appliquée. Mais auparavant, il
convient de faire le point sur l'état sur l'histoire des musées.

LA SITUATION DE LA
RÉFLEXION FRANÇAISE
EN MATIÈRE D'HISTOIRE
DES MUSÉES

Eisquisser, en l'instant, un bilan des recherches


menées en France sur l'histoire des musées conduit à un tableau plutôt
morose des insuffisances de ces entreprises, incertaines jusque dans la
définition de leur objet1. Les sources (archives d'expositions et d'accro
chages) sont souvent mal conservées, voire pas du tout, même pour la
période contemporaine (Lawless, 1988) ; cette carence pour le moins
paradoxale, et le caractère « professionnel » de la mémoire des musées
aboutissent, trop souvent, à une administration jalouse, semi-privative,
qui rend de facto les informations inaccessibles au chercheur. Par-dessus
tout, le genre historique, privé de reconnaissance et de soutien, fût-il seu
lement financier, demeure largement dépourvu d'ambition intellectuelle,
prisonnier qu'il est de conventions étroites : parfois pont aux ânes des
concours de recrutement de conservateurs, toujours en marge des tâches
nobles de classement des fonds, d'exégèse des œuvres et de publication
de catalogues. Bref, cette histoire est à la recherche de sa démarche et de
ses enjeux.
Ce constat surprendra peut-être. Car, après tout, l'histoire des
musées existe, au moins sous la forme d'une recension des legs et achats,
c'est-à-dire d'une chronologie de l'accroissement des collections. Tout se
passe comme s'il s'agissait de donner un sens à la «récolte» des morceaux
et, au-delà, de reconnaître le mouvement des arts à travers ses membra
disjecta (Poulot, 1987). Cette téléologie d'une histoire des fonds identifiée
à la formation nécessaire de nos musées participe de la besogne d'invent
aire, à laquelle satisfait l'administration en de périodiques mises à jour.
Pareille démarche est, au fond, la forme moderne et « scientifique » de la
célébration traditionnelle des œuvres ou des objets, dans les différentes
étapes de leurs trajectoires (Howe, 1974).
Lorsqu'elle n'est pas ainsi rabattue sur la littérature artistique tradi
tionnelle (Taylor, 1948; Impey et Macgreggor, 1985), l'histoire des musées
s'en tient souvent au récit de la socialisation des collections. On a pu
identifier de ce point de vue quatre figures de fondations : traditionnelle

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(l'institution, du trésor à l'église, du palais à l'académie, abrite une collec
tioncontinûment ouverte au public), révolutionnaire (la création de
musées à partir d'oeuvres nationalisées, dans un espace fondé ex nihilo
par un Etat centralisateur moderniste), évergète (le versement de legs ou
dons privés, en complément des grands musées nationaux ou pour fon
der des établissements d'intérêt local), commerciale enfin (l'achat en bloc
de fonds) (Pomian, 1987). Au-delà de cette typologie des espaces publics
de thésaurisation et d'exposition, la recherche historique sur les origines
s'est souvent confondue, dans le cas français, avec les débats idéologico-
politiques sur la Révolution. De la dispute sur la responsabilité monar
chique ou républicaine de l'entreprise muséale, et, concurremment, sur
l'étendue des destructions vandales, on est passé à l'affrontement des
thèses étatiques (le musée résultat de la sollicitude jacobine) et libérales
(le musée fruit des intérêts de la société civile) - ce qui ne rend qu'impar
faitement compte des vicissitudes de l'institution. C'est que, même dans
les recherches les plus notables, l'étude du spectacle offert et de son
ordonnance — le classement des œuvres, la généalogie des artefacts, la
répartition des espèces... - est négligée (Plageman, 1967 ; Miller, 1973 ;
Macgreggor, 1983 ; Waterfield, 1991). Nous sommes aussi dans l'igno
rance à peu près complète de l'histoire et de la sociologie des conserva
teurs qui ont conçu, organisé, à tout le moins géré, les musées. On
pourrait pourtant croire assez aisé de reconstituer les itinéraires particul
iers et les comportements collectifs au sein d'un milieu resté très étroit,
même s'il s'est peu à peu professionnalisé2.
L'histoire traditionnelle des musées n'a pas bénéficié, enfin, du
renouveau historien des dernières décennies. Car la visite au musée, par
exemple, est demeurée longtemps l'apanage exclusif de la « petite » his
toire, en tant que chapitre - mineur - de l'histoire des mœurs. Son éli-
tisme supposé ou affiché la rendait insignifiante pour la nouvelle histoire
sociale des années soixante-dix, qui entendait rompre avec le culte
intemporel des chefs-d'œuvre, la communion des élites dans leur jouis
sance, bref le discours convenu de la haute culture, et promouvoir à
l'inverse son contraire, le banal, un quotidien des images et des objets
jugé plus significatif d'une culture au sens anthropologique (Altick, 1978).
Le microcosme des amateurs et même le monde des visiteurs partici
paient de ces minuscules élites dont l'étude trop exclusive et trop anec-
dotique avait marqué la vieille histoire. Ainsi, c'est à l'Exposition
Universelle, non au musée, que l'on a récemment cherché la dix-neuviè-
mité conquérante (Rebérioux, 1990). Au bilan, les historiens de l'architec
ture s'avèrent les seuls à fournir un panorama d'ensemble des musées,
sous forme du récit de l'évolution des bâtiments - en général monument
aux - et de leurs dispositifs intérieurs (Crook, 1972 ; Pevsner, 1976 ;
Physick, 1982).
Ces traits généraux de toutes les études muséales, comme on le voit
par mes références, sont néanmoins particulièrement accusés dans le cas
français, sans doute en raison des circonstances de la formation des
grands musées : un voile a longtemps été jeté sur les origines révolution
naires des collections publiques (Gould, 1965). La réticence française

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devant l'histoire des sciences et, plus largement, celle des disciplines
intellectuelles, entre aussi en ligne de compte. Enfin, l'intérêt porté à la
culture matérielle - aux images, en particulier - par l'histoire a été, dans
notre pays, plus tardif qu'ailleurs, peut-être en raison d'une faible tradi
tion nationale d'histoire de l'art. Ce faible développement de l'historiogra
phie, caractérisé par un vieux legs érudit (Bonnafé, 1873) récemment
revisité (Schnapper, 1988) et l'absence d'un cadre de réflexion sur lequel
faire fond, expliquent le caractère descriptif que revêtent nombre
d'études. C'est que, terra incognita, l'histoire des musées veut accumuler
d'abord des matériaux et prouver le mouvement en marchant. Elle a
besoin d'outils de travail, de publications de sources, de bibliographies
(Poulot, 1993), de monographies et d'enquêtes collectives, de revues, de
colloques, d'expertises..., bref de tout l'appareil constitutif d'un champ
scientifique.
Pourtant, c'est bien l'approche renouvelée des usages et des pra
tiques qui peut fournir à l'histoire des musées une nouvelle intrigue, à
l'exemple de la mutation récente de l'histoire des bibliothèques.
Longtemps confinée elle aussi à une histoire législative et administrative,
à celle des bâtiments et des projets architecturaux ou à celle de la biblio-
théconomie, elle connaît un nouvel essor grâce au renouvellement de
l'histoire du livre (Chartier, 1991 ; Varry, 1991 ; Poulain, 1992). C'est de la
même manière, semble-t-il, que pourra se jouer le passage d'une auto
célébration des musées à une histoire critique : par la prise en considéra
tion des publics — et ce au sein d'un champ disciplinaire consacré à la
«culture» qui est devenu aujourd'hui à la fois très ouvert et très complexe,
avec notamment le concept anglo-saxon d'études culturelles.
Reste que son propos devra sans doute être distingué de la muséolog
ie, théorie générale que certains professionnels appellent de leurs vœux,
et qu'une définition récente décrit comme «l'étude de l'histoire et du
contexte des musées, de leur rôle dans la société, des systèmes spécifiques
de recherche, de conservation, d'éducation et d'organisation de la relation
avec l'environnement physique et de la classification des différentes sortes
de musées »(Van Mensch, 1990). En effet, s'il n'est pas sans intérêt que les
recherches sur les établissements soient informées par la double perspect
ive de l'historien et du muséologue, il n'est pas pour autant souhaitable
que l'histoire des musées soit directement liée à une discipline professionn
elle. C'est alors qu'elle risquerait de se confondre définitivement avec la
mémoire d'institution ou l'orthodoxie d'une pratique.

LE MUSEE : UN EVENE-
MENT DANS LA VIE
SOCIALE DES OBJETS

L musée est le lieu par excellence où une cul


ture matérielle est élaborée, mise en forme, communiquée et interprétée.
Il relève d'un « projet culturel » spécifique, mais fait preuve aussi de procé-

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dures et de conventions générales quant au traitement, à l'identification, à
l'exposition, etc. des artefacts ou des spécimens naturels. Celles-ci parta
gent, en effet, des traits communs avec celles mobilisées par le travail
savant de l'identification des indices, le spectacle urbain, voire la spécula
tion commerciale... (Lawrence, 1991, p. 27; Ginzburg, 1979). En ce sens,
les différents « systèmes » muséals^ qui se sont succédés dans l'histoire4
requièrent aussi bien une réflexion sur l'économie des « collectibles » au
sein de la vie sociale des objets 5 que des analyses en termes politiques,
idéologiques, organisationnels.
L'établissement doit ainsi se comprendre au sein d'une anthropolog
ie de la culture matérielle dans les sociétés modernes (Pearce, 1989).
Son histoire, conçue de la sorte, envisage non seulement ce dont il est
fait, mais aussi les débris, détritus, et autres restes qu'il exclut (Thompson,
1979). H convient dès lors de repérer la logique de réception, voire les
principes de tri, de tel ou tel objet par rapport à la masse de ceux qui sont
négligés ou détruits, en montrant quels intérêts, organisés en autant de
réseaux sociaux, en sont responsables. L'histoire des collections muséales
est liée aux transformations de l'économie des biens symboliques sous
l'effet des ruptures des représentations de l'héritage légitime, des poli
tiques patrimoniales, des vicissitudes du goût et des aléas du marché. Son
interprète aura pour ambition de marquer des scansions, reconnaître des
enjeux et des conflits entre paradigmes de collectes, d'expositions, de
classifications, de jouissances (Jordanova, 1989).
Dans la généralité des cas, le statut de pièce de musée est une phase
terminale de la biographie des choses, l'alternative à l'élimination ;
s'opère alors une diversion des chemins de la marchandise ou de la desti
nation fonctionnelle, qui la maintient «temporairement ou définitivement
hors du circuit d'activités économiques, soumis à une protection spéciale
dans un lieu clos aménagé à cet effet et exposé au regard» (Pomian, 1987,
p. 295 ; Haskell, 1992). Il s'agit de ce que Kopytoff appelle, en termes
anthropologiques, une « singularisation » des choses (Appadurai, 1986).
Détournant ce qu'écrivait Michel Foucault, on dira donc que « l'histoire
effective » des musées est celle d'« une myriade d'événements perdus », ces
incidents ou « épiphanies » que constitue chaque mise au musée (de col
lections déjà réunies, d'objets d'usage, de monuments...).
Si « l'ouverture humaine » à la sublimation commence sans doute
par l'acte pèlerin (Dupront, 1973 ; Turner, 1978 ), «dialogue avec l'image
le plus souvent individuel et furtif «pour aller ensuite, du populaire au
cultivé et du local au général, d'images en images et de lieux en lieux
(Bromberger, 1986), jusqu'aux mobilisations de masse autour de
quelques symboles visibles de la mère patrie (Mason, 1987), elle passe,
depuis deux siècles, surtout pour les images « élevées », par l'espace
muséal (Marin, 1975). À l'évidence, on manque de ce point de vue
d'une analyse du rapport complexe entretenu par les musées aux att
itudes d'admiration, de vénération (Freedberg, 1985 ; 1989), mais aussi
aux manifestations d'horreur ou de dégoût (Corbin, 1990 ; Dias, 1992),
voire aux pratiques iconoclastes (Alsop, 1982; Poulot, 1992; Gombrich,
1992).

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publics & musées n
Au moins peut-on repérer en première approche trois figures
anthropologiques de la constitution muséale : celle du « souvenir », celle
du «fétiche», celle du «sytème» (Stewart, 1984; Pearce, 1991). La première
évoque les memorabilia et personalia liés à une personne ou à un
groupe. Aujourd'hui, ces « objets de famille » peuvent devenir autant
d'enjeux de la mémoire collective et de la sensibilité publique, au sein
d'un fonds ethnographique, ou de « centres du souvenir » et autres dispos
itifs ad hoc d'interprétation historique (Merriman, 1991). L'histoire
longue des sensibilités modernes à la mort et à la mémoire (Vovelle,
1983), depuis le culte de la postérité du héros, du grand homme, les
« politiques de la mort » (Kelly, 1986), jusqu'à l'admiration « vulgaire »
(Heinich, 1992) organise ces transferts de signification (Burke, 1990).
Le second mode, souvent dénoncé, du musée serait le fétichisme. Et
d'abord celui de Vhabitus du conservateur, cette «rapacité désintéressée»
(Bourdieu et Darbel, 1969), qui transfigure les collections dont il a la
charge en autant de quasi-trophées personnels et que manifeste la
réserve, où dorment l'écrasante majorité des pièces. C'est évidemment la
qualité « générique » de ce fétichisme - c'est-à-dire sa capacité « plastique »
à accueillir, entretenir, stimuler, les imaginaires sociaux, variables selon
les temps et les lieux - qui permet au musée de satisfaire les demandes
implicites de groupes et d'individus, en s'adaptant à leurs possibilités en
termes de motivation, d'appropriation, voire d'apprentissage, ou d'accul
turation, bref de s'intégrer dans leur univers d'habitudes, de référents, de
valeurs, et d'apparaître légitime. Ce fétichisme, dans la tradition occident
ale moderne, est surtout celui de « l'art du passé », qu'il soit ou non conçu
en termes proprement hégéliens (Patocka, 1990). Les débats allemands
sur les premiers musées d'art ou d'histoire de l'art en témoignent, qui ont
fait l'objet de diverses interprétations, philosophiques ou érudites (Crimp,
1985).
La dernière figure, enfin, est celle d'une systématique, le ressort des
fonds tenant cette fois à la nécessité de faire nombre, de remplir les
blancs, de compléter des séries. La rhétorique de l'abondance, de la cor-
nucopia (Olmi, 1983) a servi de structure au cabinet des merveilles de la
culture de la curiosité (Macgreggor, 1983). À l'époque classique, le mode
épidictique, à travers la galerie peinte ou le décor des grands apparte
ments,a souvent constitué le seul régime des objets, exaltant la gloire du
Prince, de son pays et de ses peuples (MacClellan, 1988 ; Springer, 1987).
L'espace du musée obéit ultérieurement à une discipline d'exposition
telle que le système des objets fasse démonstration, preuve ou argument
(d'un processus, d'un savoir, d'un corps, etc.). L'histoire du musée est
intimement liée, alors, à l'usage privilégié de certaines figures rhétoriques
dans l'écriture de l'histoire (Bann, 1984), à l'invention de paradigmes
scientifiques (Dias, 1989), comme à la sociabilité savante qui s'y nourrit
(Richard, 1991).
Ainsi le musée incarne-t-il l'espace de prédation, d'échange, de cita
tion, de réécriture,... où les objets s'inscrivent d'un contexte à l'autre, et
changent, le cas échéant, de dénomination, en se coupant des rapports
familiers entretenus par l'usage ou la propriété (Rogan, 1990). Par là

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s'opère une dissémination des «textes» de collections différentes, insérés,
repris, juxtaposés de multiples manières. Même s'il illustre une hégémon
ie culturelle - et ce n'est pas toujours celle, canonique, de la haute cul
ture légitime (Jackson Lears, 1985) -, le spectacle du musée témoigne en
cela des traces laissées par d'autres collections - précédentes ou concur
rentes- , d'autres traditions de mise en scène ou d'appropriation d'objets,
d'autres espaces, privés ceux-là, - ou publics, mais où résonnaient autre
ment les objets (Labrot, 1992 ; Pearce, 1989).
Comme le montrent toutes les études anthropologiques sur la cul
ture matérielle, c'est dans l'écart entre les lieux et milieux de «production»
et ceux de « réception » que se construisent des idéologies de l'objet
(Appadurai, 1986 ; Marin, 1988). Dans ce que Judith Schlanger qualifie de
« distance signifiante » se situe en effet l'enjeu du rapport, crucial pour
toute culture, entre les œuvres et leur mémoire (Schlanger, 1991). C'est
pourquoi l'analyse de l'institution ne peut se réduire à une anthropologie
de l'objet. Sa spécificité tient à une modalité particulière de la représentat
ion, apparue dans les sociétés occidentales des XVIIIe-XIXe siècles.

LE MUSEE OU L'ELABORA-
TION D'UN LIEU DE
REPRÉSENTATION

L lecture la plus familière aux historiens, à cet


égard, est sans doute celle qui évoque la constitution d'un espace public
de la communication (Habermas, 1986). Elle fournit en effet une interpré
tation des liens entre modèles politiques et modèles sémiotiques, du
Moyen-Age à nos jours. Au XVIIIe siècle, entre une sphère privée qui se
développe et une sphère d'Etat dont la forme moderne devient peu à peu
l'administration, la Cour est l'ultime lieu de la représentation. Mais l'acti
vité communicationnelle débouche sur une critique de la domination, et
aboutit à la création d'une sphère publique où viennent s'insérer de
manière inédite les productions culturelles. Elles cessent alors d'être des
outils de représentation, c'est-à-dire le moyen de manifester une autorité
transcendante qui fonde et légitime le pouvoir, et acquièrent le statut
d'« œuvres » au sens contemporain, prétextes à commentaires et discus
sionsde la part d'individus, le cas échéant réunis au sein de clubs, de
salons, de cafés, et influencés par la parole de critiques spécialisés 6.
Cette approche renouvelée de la naissance du musée, liée à l'appari
tion d'un marché et à la définition d'un public7, a inspiré des lectures
diverses. Pour certains, le musée est une technologie disciplinaire, qui
instrumentalise l'exigence de visibilité, régit et normalise un espace social
en même temps que des collections8 (Hooper-Greenhill, 1989). L'histoire
du musée, telle qu'elle est esquissée par un Thomas Crow au nom de la
critique de la vulgarité moderne léguée par Adorno, est ainsi celle d'une
dialectique entre affirmation d'un grand art grâce à la discipline acadé
mique et à son monopole d'exposition d'une part, et apparition d'un
espace public de la peinture gouverné par le marché de l'autre : évolution

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constitutive de la modernité mais qui rend impossible à terme la survie de
la qualité artistique (Crow, 1985). Au contraire, une autre interprétation,
plus positive, lit le musée en termes de média avant la lettre, qui participe
de la progressive auto-institution de la société (Davallon, 1990, 1992). À
l'image d'autres actions cérémonielles, le musée y fait figure de « système
ouvert et combinatoire de célébration », fondé sur des relations comp
lexes entre des objets, un style de comportement, plus ou moins «ritua
lisé », et des contextes (Boureau, 1991 ; Davallon, 1986). L'une et l'autre
thèses placent, en tout cas, le public au centre de leurs perspectives en
voulant analyser les conduites qui s'y élaborent, les stratégies qui s'y
essaient, la culture publique qui s'y forme.

LES MUSEES, FIGURES


DE L'INNOVATION
CULTURELLE

L musée, qui met en rapport des formes géné


riques de choix intellectuel et des catégories de publics, à travers les
manières dont il se visite et s'interprète, fournit un excellent exemple de
pratique culturelle en acte et de culture institutionnalisée, dans ses liens
aux sociétés savantes et aux pouvoirs. La légitimation de la haute culture
par les musées, dans un pays, les Etats-Unis, qui en ignorait la formule
(Dimaggio, 1982), ou encore la création d'un espace touristique muséal à
travers l'Europe du siècle dernier, ont déjà fait l'objet d'études pionnières
(Cohen, 1984; Adler, 1989; Lenman, 1990). Reste à identifier «ces usages
culturellement différenciés de matériaux communs » qui se jouent au
musée comme dans la lecture (Chartier, 1983, 1991 ; Pudal, 1992)9.
L'historien ne peut en effet tenir les récits de visites pour autant de
descriptions du fonctionnement des musées : il s'agit de constructions
que les acteurs élaborent afin de conférer quelque signification aux situa
tions dans lesquelles ils se trouvent (Lawrence, 1991, p. 20). Ces écrits
témoignent au premier chef de la constitution d'une disposition à la visite
volontaire et individuelle, assimilable à une bonne volonté culturelle
(Poulot, 1985). Visiter un musée, c'est manifester une certaine conscience
de soi, qui renvoie, le cas échéant, à ce que J-C. Passeron appelle volonté
de jouir de l'art, en détournant le Kunstwollen de Riegl (Passeron, 1990).
L'histoire du musée devient ainsi celle d'une institution qui produit, dans
un certain cadre, le rapport à des objets spécifiques comme expérience
du monde et instrument de connaissance, mais aussi activité sociale « de
valeur».
L'œuvre de Maurice Agulhon a montré combien la dynamique de la
sociabilité, en ses diverses instances, assumait d'autres fonctions que les
siennes déclarées. Ainsi, l'inscription sociale du musée requiert-elle plu
sieurs lectures, loin de se confondre, suivant d'anciennes polémiques,
avec le seul constat des ouvertures et des fréquentations, ou un pla
idoyer « consumériste » à la manière de K. Hudson. Instance de product
ion de la légitimité culturelle parmi d'autres, le musée est en effet le

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publics & musées n
théâtre d'une élaboration de principes, de savoirs et de pratiques de la
part de ses usagers.
Ainsi, l'idée que la mise au musée d'objets conçus à d'autres usages
et d'autres fins, et spécialement d'ceuvres d'art destinées à des lieux spé
cifiques, modifie de manière décisive leur perception, apparaît de
manière éclatante en Europe avec la Révolution française. La décennie
constitue une sorte de laboratoire des représentations contrastées qui
s'opposeront ensuite quant aux désagréments ou aux bienfaits de la fon
dation de musées. Cette polémique est depuis longtemps un des thèmes
favoris de l'historiographie artistique ou culturelle. Mais seul le contenu
des différentes pétitions de principe est généralement examiné, non les
enjeux et les ressorts des oppositions de sensibilités ou de valeurs. Car les
interprètes adoptent les présupposés de l'un ou l'autre camp ; en particul
ier, ils prennent la « défense » des œuvres contre le musée - sans perce
voirles interactions et les déterminations réciproques - à la manière dont
les historiens d'art prennent communément fait et cause pour les artistes
contre les critiques10.
Ces partis contradictoires mais également figés n'envisagent ni l'eff
icacité des dispositions adoptées (le classement, l'éclairage, le parcours...),
à travers ce qu'on peut connaître de la réception des musées par leurs
visiteurs, ni le rapport de ces travaux d'exposition, des expertises et des
tâches inédites qui leur sont liées, aux campagnes d'opinion sur le bien-
fondé des musées. Ainsi l'analyse est-elle victime d'une singulière dicho
tomie : elle traite de manière « philosophique » la question « de fond » de
l'intérêt et de l'influence des musées sur le mouvement des arts et des
idées, et de manière mineure, puisque pratique, celle du savoir-faire du
musée, du cadre et de la distribution qu'il fournit aux objets. Ce faisant,
elle méconnaît les liens très concrets que le débat quant à l'esthétique et à
la philosophie de l'histoire entretient avec celui ouvert dans le domaine
étroit des « spécialistes » quant à la muséographie stricto sensu. L'ouverture
de ces nouvelles institutions correspond en effet à l'apparition de nouv
elles responsabilités sociales, à l'invention d'une nouvelle position, celle
du conservateur, ni artiste, ni marchand, ni critique ou homme de lettres
au sens traditionnel de ces termes. Ne considérer que les contenus de la
polémique sur l'intérêt des musées, au nom, de surcroît, de nos valeurs
historicistes contemporaines, c'est s'interdire de comprendre que de tels
énoncés sont eux-mêmes les effets de la « productivité » culturelle des
musées. Car la formalisation d'une herméneutique de traces et d'indices,
entreprise dans des champs disciplinaires variés, et objet, le cas échéant,
de controverses au sein d'un espace de discussion inédit, n'a de raison
d'être qu'avec l'apparition de tels établissements.
Une histoire des opinions sur les musées, des considérations succes
siveset contradictoires sur leurs avantages et inconvénients - qui
demeure à écrire - serait donc insuffisante si elle négligeait l'élaboration,
à chaque époque, du consensus quant à la nature et aux implications de
l'exposition - à la manière dont on a étudié l'émergence de disciplines au
sein de la culture occidentale (Van Krieken, 1990). On sait que des
modèles d'évolution de la civilisation, chez Elias, notamment, évoquent

Bilan et 133
perspectives
publics & musées n
un détachement croissant des corpus culturels, en liaison avec les carac
téristiques de groupes sociaux qui acquièrent « a greater self-distanciation
and greater civilisatory self-control ». Ce savoir s'affirme progressivement
autonome, et « implique » ou « engage » d'autant plus fortement qu'il a
valeur plus générale11. Ceci renvoie à ce que Michel Foucault nommait,
dans la dernière partie de son œuvre, « la corrélation, dans une culture,
entre domaines de savoir, types de normativité et formes de subjectiv
ité12».

LA «VALEUR» DES MUSEES

T,rois approches ont successivement marqué, de


ce point de vue, l'historiographie, chacune appelant une lecture spéci
fique de l'articulation d'une société à l'interprétation et à l'institution de sa
culture.
Le modèle largement dominant suppose que le caractère des collec
tions publiques correspond à celui des structures sociales qui leur ont
donné naissance. En théorie, deux types de démarches intellectuelles
peuvent le prouver : d'une part des comparaisons entre musées de socié
tés différentes, de l'autre la saisie de divers moments-clés de l'évolution
des musées à l'intérieur d'une même société. Le plus souvent, cette
démonstration d'une adéquation d'un type de société et d'un musée est
au service d'un paradigme « libéral », en ce qu'elle associe le musée
moderne à l'affirmation de sociétés « libérales », « bourgeoises » ou « démoc
ratiques ». Cette lecture participe plus largement d'une forme d'histori-
cisme qui lie le progrès de l'institution à l'évolution « naturelle » des
sociétés, en vue de la diffusion toujours plus large de la science, de l'art,
de la conscience morale (Bazin, 1967). Elle postule généralement un
« public » indifférencié, sur lequel les objets exposés s'avéreraient d'une
efficacité immédiate et univoque (Ettema, 1986).
Une élève de Karl Mannheim, Aima S. Wittlin, a ainsi soutenu, dans
la perspective de combat contre les totalitarismes de l'immédiat après-
guerre, que le musée moderne était le reflet des institutions occidentales
et l'instrument d'un progrès continu de la diffusion des jouissances
(Wittlin, 1949). Mais c'est sans doute la Social History of Muséums de
Kenneth Hudson, dont le plan oppose terme à terme l'époque où la visite
de collections faisait figure de « privilège » et celle où elle devient un «
droit», qui constitue l'expression achevée de cette tradition (Hudson,
1975). Son sous-titre quelque peu naïvement militant - What the Visitors
Thought- en révèle un trait essentiel, la volonté d'envisager l'analyse des
organisations muséales dans le rapport à leurs usagers, voire du point de
vue de ces derniers (Hooper-Greenhill, 1988).
Cette résolution sous-tend la notion d'évaluation, apparue dans la
décennie 1920-1930, au carrefour des préoccupations d'éducation ou de
formation des visiteurs, des soucis du milieu professionnel et des ambit
ions des sciences sociales. Les procédures d'évaluation (Gottesdiener,
1987 ; Uzzell, 1992) n'acquièrent toutefois de véritable reconnaissance

134
Bilan et perspectives
publics & musées n
intellectuelle qu'à partir des années I960, où elles se fondent sur le «posi
tivisme » de la psychologie behavioriste. Une attente normative gouverne
largement leur propos, au service de la gestion des établissements, et a
partie liée avec la professionnalisation du champ muséal (Goodman,
1990).
Dans ce premier paradigme de l'histoire des musées, les établiss
ements diffusent des connaissances par l'exposition d'objets dont l'aspect
enseigne par lui-même, les différents contextes mis en jeu par cette orga
nisation étant plus ou moins négligés. S'y oppose une vue critique qui
tient les musées pour autant de témoignages significatifs et de dispositifs
signifiants de valeurs et d'idéologies. Cette seconde perspective regarde
l'institution comme une figure et un outil des conflits d'intérêts, de
classes, de cultures, de sexes, etc. propres à toute société (Horne, 1984).
Un tel tournant de l'interprétation date, essentiellement, de l'Ecole de
Francfort, pour qui les relations sociales s'insèrent dans une organisation
symbolique, laquelle fournit des structures ou des codes d'échange, de
transmission, de comparaison, etc.13. Toute sociologie se veut alors entre
prise de libération des conditionnements et combat «moral».
On doit donc considérer le musée d'après sa pertinence sociale au
lieu de se préoccuper, de manière toute « positive », des ressources didac
tiques ou des vertus initiatrices de ses expôts (Peterson, 1979). Ainsi,
l'analyse du M.O.M.A., qui s'attache à montrer l'équivalence de son par
cours labyrinthique et de la métaphore de l'accès aux valeurs spirituelles
(Duncan et Wallach, 1978), ou celle du Louvre du XIXe siècle comme
spectacle propre à inspirer à ses visiteurs la révérence envers les valeurs
et les normes sociales (Duncan et Wallach, 1980), reposent sur la mise en
évidence, derrière la transparence supposée, d'une construction délibéré
ment marquée par des biais sociaux, idéologiques, etc.
Pareil déchiffrement (parfois menacé d'arbitraire) du musée comme
significatif'des cadres et des conventions d'une société s'accompagne
trop souvent du postulat que cette signification est, automatiquement,
communiquée aux usagers, et du déni de leur liberté d'en forger des
interprétations multiples et contradictoires (Hooper-Greenhill, 1991). Les
musées constitueraient alors autant d'instruments destinés à imprimer des
attitudes, voire à manipuler l'opinion en vue de perpétuer un mode de
domination. Ce paralogisme n'est pas sans évoquer la critique menée par
Georges Mounin, au nom d'une sémiologie de la communication, contre
une sémiologie de la signification (représentée notamment par Roland
BarthesXMounin, 1970). Un exemple quasi caricatural est fourni par la
récente polémique à propos du Musée national de l'air et de l'espace des
Etats-Unis (Batzli, 1990 ; Williams, 1990). Tandis que le critique s'interroge
sur l'entreprise de commémoration nationale qui s'y dessine, et spéci
fiquement sur ce qu'illustre le projet de muséifier le bombardier
d'Hiroshima, son censeur, spécialiste de l'aviation, affirme que « c'est une
mode récente, chez les critiques d'expositions, que de juger tous les
musées d'après leur pertinence sociale, (au lieu de) se préoccuper des
propriétés et des usages des artefacts qui y sont exposés ». De fait, il est
clair que la perspective de la psychologie cognitive, ou celle des évalua-

135
Bilan et perspectives
publics & musées n
tions traditionnelles du musée comme outil de démocratisation des
savoirs (Lawrence, 1991), sont inconciliables avec cette position critique.
C'est aussi le cas avec le point de vue «durkheimien», attaché à prou
verque la configuration du champ social rend compte de la fréquentation
des musées. Les applications historiennes de la sociologie de Pierre
Bourdieu tiennent ainsi que les conventions organisent les réflexions
individuelles, naturalisées au sein des relations sociales, et intériorisées
sous la forme d'babitus, par exemple celui du «sens de la réalité»
(Parmentier, 1989). De même que l'analyse de la consommation de mar
chandises débouche, dans cette perspective, sur un classement des
consommateurs, celle des musées aboutit à une catégorisation des visi
teurs (Douglas et Isherwood, 1979 ; Bourdieu, 1979). La pratique de la
visite définit alors un statut au sein des rapports à la culture légitime, et
son histoire s'avère le reflet de celle de la stratification sociale (D.J.
Sherman, 1989; Gusfield et Michalowicz, 1984).
On a ainsi attribué au musée d'art la diffusion et la consolidation
d'une hégémonie culturelle de classe (Bourdieu et Darbel, 1969) en y
dénonçant l'illusion d'un établissement ouvert à tous, alors qu'il serait,
dans les faits, réservé à quelques-uns, et perpétuerait un «Ancien Régime»
culturel14. Loin que le musée concrétise les espoirs placés dans la public
ité des arts et des savoirs au sein d'une société en progrès, il légitimerait
plutôt la confiscation des biens symboliques par les détenteurs du capital
culturel. La conclusion des sociologues contemporains est que le musée
libéral «oppose l'autorité culturelle à l'exclusivité culturelle, la conservat
ion des œuvres à leur valeur commerciale, et s'adresse aux individus
dotés d'un certain goût bien qu'il dépende de subventions de tous les
contribuables » (Zolberg 1989, p. 89). Bref, dans cette perspective, « le
musée d'art et la démocratie ne font pas nécessairement bon ménage ».
Mais le spectacle du musée n'est pas seulement un répertoire
d'images définies une fois pour toutes, disponibles pour une jouissance
de plus en plus élargie avec les progrès de la socialisation, ou au
contraire reconduisant les structures d'un champ, par delà des investiss
ements variables sur la distinction : c'est une rhétorique des valeurs, offrant
à ses visiteurs, au cours de leur déambulation et au sein de la négociation
d'échanges interpersonnels (Fine, 1989), l'opportunité d'appropriations
multiples.
Cette lecture est notamment le fruit des recherches liées à l'ethnomé-
thodologie, ou à l'interactionnisme symbolique forgé à l'Université de
Chicago, comme, à un autre niveau, à la phénoménologie (Ortner, 1984 ;
Depraz, 1993). Au détriment de l'idée d'une transmission de « leçons » ou
de corpus de savoirs, l'importance du contexte, du cadre de l'expérience
(Goffman) s'avère alors déterminante (Fabre-Vassas et Fabre, 1986). Dans
le domaine des musées, à l'image d'autres champs de travail, «les modes
d'énonciation, les discours, les textes et les rituels deviennent, dans des
proportions variables, les matériaux de l'analyse, et les questions de la
communication, du travail de production, de l'agencement, de la dissémi
nation, de la compétition et de la collaboration, apparaissent
primordiales » (Wuthnow et Witten, 1988, p. 53)15. Bref, « la compréhen-

136
Bilan et perspectives
publics & musées n
sion des phénomènes requiert (ici) des procédures exégétiques appro
priées afin d'isoler le sens que tout acteur donne à la situation dans
laquelle il se trouve », contre, notamment, un fonctionnalisme qui « s'enra
cinedans une métaphysique réaliste de principes a priori et de déduct
ionslogiques» (Brown, 1989).
L'évolution récente des analyses de l'institution peut donc se lire
comme une complexification progressive de son inscription sociale, qui
rend difficile sa caractérisation comme objet d'étude. En effet, de la notion
simple d'un musée comme ensemble cohérent de collections, clairement
délimitées et hiérarchisées, agencées et régies par une seule rationalité,
elle-même formalisée dans des buts clairs et univoques, on passe à une
image à la fois plus floue et plus sophistiquée, où se déploient — s'entr
echoquent - une multiplicité de stratégies et de comportements, au service
d'intérêts divergents, sinon contradictoires. Le musée risque de perdre peu
à peu sa singularité, qui permettait de le distinguer clairement de telle ou
telle autre forme d'exposition ou d'institution.

LE SENS DES MUSÉES :


L'INTENTION ET LE
CONTEXTE

D,e là, sans doute, le récent «retour» aux collec


tions, qui n'est pas repli sur des positions plus sûres, mais rappel et
approfondissement de la spécificité des musées par rapport aux média
contemporains, ou aux différents produits de l'ingénierie culturelle. Sous
ce rapport, l'originalité essentielle de la position critique contemporaine
est d'avoir affirmé que les musées montrent moins l'art, l'histoire ou la
science que des spécimens, des illustrations, des objets d'exposition éla
borés au cours de la constitution progressive de chacune de ces humanit
és.
Northrop Frye disait que dans les cours de littérature « on n'apprend
pas la littérature, mais l'histoire de la critique littéraire16. » D'une manière
plus générale, le musée expose moins des objets en vue d'effectuer une
tâche, de remplir une fonction, que parce que ceux-ci ont joué un rôle
dans la réflexion sociale, ou fourni des éléments de reconnaissance,
d'interprétation et de compréhension, bref parce qu'ils se sont avérés non
seulement «bons à penser», mais encore de nature à justifier le «monde
des musées » lui-même, sinon le projet d'une communauté17.
La tâche historienne pourrait être alors non de déconstruire la forme
muséale au titre d'une critique de la culture occidentale, non plus que de
dénoncer la fonction d'aveuglement qu'elle remplirait au sein du corps
social, mais d'expliciter les correspondances entre le musée et l'élaboration
de légitimités intellectuelles, le prononcé de tels ou tels jugements quant à
l'importance de certains héritages pour la culture publique. Elle s'attacher
ait ainsi, à l'image de toute l'histoire intellectuelle contemporaine, à lire le
« muséal » comme la construction de ce qui a fait figure de culture significa
tive aux yeux d'un milieu et d'une époque (Bouwsma, 1981).

137
Bilan et perspectives
publics & musées n
Au rebours de l'idée d'une institution réglée par des fins de stabilité
sociale, sur le mode fonctionnaliste, comme de celle d'une manipulation
machiavélienne, le musée doit être conçu, avant tout, comme une valeur
de référence, une «grandeur», ou, pour mieux dire18, une «forme de génér
alité ». L'histoire de la patrimonialisation au sein d'une société n'est-elle
pas celle de l'élaboration d'un cadre ou d'un instrument qui met l'accent
sur les formes impersonnelles de conservation et de transmission de pro
priétés jadis personnelles, au nom de références juridiques, bref où se
traitent à la fois « le rapport général/particulier et la question de
l'équité19 » ?

D. P.
Institut Universitaire de France
Université Pierre Mendès France, Grenoble

138
Bilan et perspectives
publics & musées n
NOTES xixe siècle, sous l'impact de la
Révolution française, des guerres
1. À l'étranger, le panorama est plus napoléoniennes et de la diffusion des
contrasté : le Royaume-Uni connaît par valeurs libérales. Autour de 1840 appar
exemple, simultanément, un renou aîtune économie de la circulation. Si
veau spectaculaire des études sur le la première époque était celle de l'ima
collectionnisme et le connoisseurship ginaire de la città-servizi, qui conduit à
et le démarrage d'études et de l'idée du musée-équipement, la
recherches universitaires en muséolog seconde est celle du système des
ie. Cf. Journal of History of Envois de l'Etat, reposant sur un
Collections ; Impey & Macgreggor maillage de dépôts provinciaux,
1985 ; la collection Muséum Studies contrôlés par des Inspecteurs à partir
aux Leicester UP. De même aux USA de la IIIe République. D'autres réseaux
avec la série éditée par Stocking (dont s'ébauchent, moins concurrents que
1985) ; en Allemagne ou en Italie la complémentaires, en principe, mais
volonté rétrospective apparaît à travers symboliquement dominés par l'hég
des initiatives de musées et de conser émonie de fait des Beaux-arts : tel celui,
vateurs. Seul le Musée de l'Homme a mû par une volonté de démocratisat
en France un laboratoire consacré à ion, des musées cantonaux, sortes
l'histoire du musée et de la discipline d'expositions universelles démultip
(avec la revue Gradhivd). liées en leçons de choses pour accé
2. Au reste l'entreprise a été tentée pour lérer les effets bénéfiques du
une autre profession patrimoniale, le patriotisme et de la connaissance à tra
corps des architectes en chef des vers l'ensemble du corps social. À part
monuments historiques : Le Concours ir de la décennie 1880 les
des monuments historiques de 1893 à établissements municipaux sont peu à
1979, catalogue d'exposition, Paris, peu appropriés par les villes, qui bâtis
1981. sent pour eux de somptueux palais des
3. « Muséal » donne normalement arts et prétendent ainsi à la légitimité
« museaux » au masculin pluriel. Mais que confère en France la reconnais
une tendance déjà nettement affirmée sance culturelle. Jusqu'à 1914, on
recherche une consonance terminale assiste à la montée du nombre des
plus euphonique, ainsi le choix de musées, à leur diversification et à leur
« sacrais » par Alphonse Dupront (Du modernisation.
Sacré. Paris : Gallimard, 1987) La crise muséale française de l'entre-
4. Au sein des villes des xvne et xvme deux-guerres voit en revanche les
siècles il n'y a pas, ou presque, de financements s'effondrer et le niveau
catégories bien définies, collections des équipements stagner, voire
versus musées : les statuts respectifs du décroître, en termes d'emplois,
public et du privé n'ont pas encore d'investissements, alors même que se
revêtu leur physionomie moderne. Le fait jour une prise de conscience de la
mode d'exposition « privé » répond en nécessaire adaptation des musées aux
fait à des critères publics de maintien publics et aux enjeux politico-intellec
du statut ou, comme l'écrivait N. Elias, tuels de l'heure.
de « réussite sociale ». Autour des De 1945 au début des années 1970 les
années 1770 (première phase d'ouver musées connaissent, après une crise
ture de bibliothèques publiques et de qui menace la survie de nombre d'ét
lieux public d'expositions) prime l'idée ablissements secondaires, une remise
d'une économie de la consommation en état, la modernisation et la crois
dans la représentation des villes, qui se sance. À partir de 1950, la théorie des
traduit par une énumération d'équipe « lieux centraux » domine la réflexion
ments. de l'aménagement volontariste du ter
Les collections traditionnelles sont di ritoire, qui incite par exemple à déve
spersées et recomposées au seuil du lopper les huit métropoles

139
Bilan et perspectives
publics & musées n
« d'équilibre ». Un réaménagement fourni comme l'archétype quasi carica
complet apparaît à la suite de cette turalde cette lecture, écrivant que « la
nouvelle orientation, qui pose à neuf réclusion, le parcage des œuvres d'art
la question, face au « désert français » plastiques (qui va de pair avec une
(J.F. Gravier), des rayonnements res valorisation marchande sans mesure)
pectifs des musées en régions. C'est fait songer en cette fin du xxe siècle
aussi dans cette perspective d'aména plus d'une fois au grand renfermement
gementglobal du territoire, et de défi dont a parlé en une autre occasion
nition nouvelle d'espaces « naturels » Michel Foucault » (Autour des sept col
destinés au loisir citadin, que s'inau lines, Paris, 1988, p.27).
gurela réflexion française sur les parcs 9. « Le monde comme représentation »,
naturels, auxquels est d'abord liée Annales E.S.C., novembrel989, p.
l'idée d'écomusées. 1505-1520.
Les deux dernières décennies voient 10. Ceci pour aller au plus évident,
l'émergence de nouvelles formes de d'après D. Gamboni « Odilon Redon et
musées, certaines très flexibles, ses critiques. Une lutte pour la produc
d'autres volontiers « archaïques » dans tionde la valeur », Actes de la
la valorisation ou la re-création de col Recherche en Sciences Sociales,. N° 67-
lections « particulières », de « cabinets 68, Mars 1987, p. 25-34.
curieux ». Parallèlement, la notion de 11. Elias 1971 et 1991. Une autre version
patrimoine apparue dans la décennie sociologique est de mettre en évidence
quatre-vingt et, spécifiquement, celle l'apparition de généralisations au sein
de patrimoine ethnologique, s'accorde d'une pensée systémique, à la Talcott
mal à l'imaginaire muséal. Parsons : voir Niklas Luhmann : Amour
5. On citera à titre de référence méthodol comme passion. De la codification de
ogiqueJ. Hoock et Lepetit (B.) : Les l'intimité, Paris, 1990. Le rapport de
Villes et l'innovation, Paris, 1986, qui l'historien contemporain peut alors
renferme une excellente analyse du s'avérer complexe, approbateur à la
cas hollandais, à travers l'analyse de la fois des conduites cultivées (présentes)
diffusion des musées, zoos, parcs de dont il participe, et des formes (pas
loisir, théâtres, depuis la fin du XVIIIe sées) de préjugés vulgaires ou d'igno
siècle. Depuis, les géographes ont éga rance que les premières ont peu à peu
lement étudié ces aspects : F. Debié, réduites et acculturées (Strauss 1990).
Jardins de capitales. Une géographie 12. Histoire de la sexualité, II, L'usage des
des parcs et jardins publics de Paris, plaisirs, Paris, 1984, p. 10-12.
Londres, Vienne et Berlin, Paris, 1992, 13. À noter que mon propos, volontair
remonte à la fin du xviiie siècle. ement général, veut rendre compte
6. Habermas distingue en effet trois types d'une tendance et non de la richesse
de sphères publiques : celle structurée d'interprétation que l'on peut trouver,
par la représentation, la « sphère par exemple, dans le texte d'Adorno
publique bourgeoise », et enfin la consacré à « Valéry, Proust, Musée »,
« sphère sociale repolitisée ». Prismes, Paris, 1988.
7. K.M. Baker a récemment réinterprété, 14. Malgré le paradoxe d'une propagande
contre l'idée de la succession obligée destinée à ne convaincre a priori que
des modes de publicité dessinée par les convaincus (Merriman, 1991)-
Habermas, et ses implications détermi 15. Si le caractère proprement expressif
nistespour l'histoire des institutions d'une institution, par définition polys
culturelles pré-révolutionnaires, la fo émique, équivoque (Gusfield et
rmation de cet espace public autour de Michalowicz 1984), est heureusement
l'imaginaire d'opinion publique mis en valeur dans beaucoup de ces
(Dooley 1990 ; Poulot 1991). travaux, osera-t-on dire néanmoins
8. Ceci a été illustré par toute une tradi que certaines descriptions des att
tion d'avant-garde artistique, Dubuffet itudes, des parcours, des gestes de vis
notamment ; Julien Gracq a récemment iteurs, font penser à la formule de

140
Bilan et perspectives
publics & musées n
Bruno Latour selon laquelle « les socié Bann (S.). 1984. « Poetics of the Muséum :
tésde singes réalisent la conception Lenoir and Du Sommerard », p. 77-92,
que l'ethnométhodologie se fait des in The Clothing of Clio. Cambridge,
sociétés humaines » ? London : Cambridge University Press.
16. Cité par Brown 1989 p. 307. Voir aussi Batzli (S. A.). 1990. « From Heroes to
Bal (M.) et Bryson (N.) 1991. Hiroshima : the National Air and Space
« Semiotics and Art History », Art Muséum Adjusts its Point of View »,
Bulletin, vol. LXXIII-2., p. 174-208. Technology and Culture, 31 (4), p.
17. De là, par exemple, les protestations 830-838.
ou les actes iconoclastes lors d'exposi Bazin (G.). 1967. L'Age des musées.
tions d'oeuvres ou d'objets tenus pour Bruxelles : Desoer.
indignes d'être mis au musée : il s'agit Bonnafé (E). 1873. Les Collectionneurs de
moins de s'en prendre à telles ou telles l'ancienne France. Paris.
pièces que de défendre une image de Bourdieu (P.), Darbel (A.). 1969. L'Amour
l'institution. C'est du moins ainsi que de l'art. Les musées européens et leurs
j'interprète l'étude de Dario Gamboni, publics. Paris : Editions de Minuit.
Un iconoclasme moderne. Bourdieu (P.). 1979. La Distinction. Paris :
18. On peut rappeler la mise en garde Editions de Minuit.
adressée naguère par Marc Bloch aux Boureau (A.). 1991. «Les cérémonies
durkheimiens en substituant « patr royales françaises entre performance
imoine » à « mémoire collective »: « libre juridique et compétence liturgique »,
à nous, écrivait-il dans son compte Annales ESC, 6, p. 1253-1264.
rendu de l'ouvrage fameux de Maurice Bouwsma (W.J.). 1981. «From History of
Halbwachs, de prononcer le mot, (....) Ideas to History of Meaning », Journal
mais il convient de ne pas oublier of Interdisciplinary History, XII, p.
qu'une partie au moins des phéno 279-291.
mènes que nous désignons ainsi sont Bromberger (C). 1986. « Du grand au
tout simplement des faits de communic petit : variations des échelles et des
ation entre individus ». On trouvera objets d'analyse dans l'histoire récente
des éléments récents de cette critique de l'ethnologie de la France », in
de la sociologie durkeimienne dans Ethnologie en Miroirs /sous la dir. de
l'usage historien de la sociologie pro I. Chiva et U. Jeggle. Paris : Maison des
posé par Gérard Noiriel dans divers Sciences de l'Homme.
articles des Annales ESC et de Genèses. Brown (R.). 1977. A Poetic for Sociology :
19. Voir Luc Boltanski et Laurent Towards a Logic Discovery for Human
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Bilan et perspectives
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RESUMES

D.e l'avis général, et malgré diverses tentatives


récentes, le projet d'une histoire culturelle des musées demeure à fonder.
On propose ici le panorama des perspectives offertes par les sciences
sociales à ce sujet. Les musées s'inscrivent comme autant d'événements
au sein d'une histoire sociale des choses, de leur emploi et de leur inter
prétation. Ceci touche aussi bien à l'apparition d'une société de consom
mation au XVIIIe siècle qu'à la mémoire collective, à ses lieux et ses
objets. Ensuite, le musée est une institution de représentation du patr
imoine, de caractère politique et généralement national. Enfin, sa signif
ication sociale tient à l'appropriation du sens et des valeurs qu'il permet,
grâce aux cadres et aux ressources qu'il fournit.

A t the moment when a cultural history of


modem Europe appears through différent ways and varions purposes,
the question of the place of muséums in this analysis is not yet resolved.
The author suggests a gênerai review ofthe social sciences perspectives on
this new topic. First the history of muséums is part of a social history of
things (which includes commodities, symbols, etc.) as well as of history of
collective memory, places and objects. Second, the modem muséum is the
représentation ofthe cultural héritage with ail the conséquences from the
national or ethnie point of view. Eventually, the social meaning of
muséums dépends upon the environment they provide, and the récept
ion, by an audience, oftheir values and messages.

A pesar de varias tentativas recientes, es opi


nion ampliamente compartida que al proyeeto de una historia cultural de
los museos le faltan todavïa los cimientos. Proponemos aquï un pano
rama de las perspectivas ofrecidas en este campo por les ciencias
sociales. Los museos aparecen asï como verdaderos acontecimientos en
el marco de una historia social de las cosas, de su empleo y de su inter-
pretaciôn. Esto se relaciona tanto con la apariciôn de una sociedad de
consumo en el siglo XVIII como con la memoria colectiva, con sus
lugares y sus objetos. Después, el museo es una instituciôn de represen-
taciôn del patrimonio, de carâcter polïtico y generalmente, nacional.
Finalmente, su significaciôn social résulta de la apropriaciôn del sentido y
de los valores que permite gracias a las estructuras y a los recursos que
proporciona.

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Bilan et perspectives
publics & musées n
Illustration non autorisée à la diffusion

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