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Mathématiques pour l’Ingénieur I

Radhia Bessi & Moncef Mahjoub

2018–2019
Table des matières

1 Intégrale de Lebesgue 1
1.1 Rappel topologique et notations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Rappel sur l’intégrale de Riemann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.3 Intégrales de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3.1 Ensemble mesurable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3.2 Fonction mesurable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.3.3 Intégrale au sens de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.4 Comparaison avec l’intégrale de Riemann et les intégrales généralisées . . . . 18

2 Techniques de calcul intégral 22


2.1 Théorèmes de convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.2 Intégrales dépendant d’un paramètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.3 Changement de variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.4 Théorèmes de Tonelli et de Fubini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

3 Espaces de fonctions Lebesgue intégrables et produit de convolution 31


3.1 Espace de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.2 Espace de Lebesgue L1 (Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
3.3 Espaces L2 (Ω) et L∞ (Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.4 Propriétés des espaces Lp (Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.5 Produit de convolution et densité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3.5.1 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

4 Transformée de Fourier et transformée de Laplace 48


4.1 Transformée de Fourier sur L1 (R). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
4.2 Transformée de Fourier sur L2 (R) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
4.3 Transformée de Fourier sur Rd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
4.4 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
4.4.1 Fonction de transfert et filtrage : Circruit RC . . . . . . . . . . . . . . . 58
4.4.2 Equation de la chaleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

i
TABLE DES MATIÈRES

4.5 Transformée de Laplace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

5 Espace de Hilbert 64
5.1 Espaces de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
5.2 Théorème de projection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
5.2.1 Projection sur un sous espace vectoriel fermé . . . . . . . . . . . . . . . 68
5.2.2 Théorèmes de représentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
5.3 Base Hilbertienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

ii
Table des figures

1.1 Intégrale au sens de Riemann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3


1.2 Intégrale au sens de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

3.1 Courbes de fn et fm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.2 Fonction échelon unité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.3 Fonction porte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.4 Fonction triangle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.5 Convolution d’un signal triangle avec un signal porte . . . . . . . . . . . . . . . . 46

4.1 Transformée de Fourier de la fonction porte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

5.1 Identité de parallélograme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66


5.2 Projection sur un convexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

iii
Chapitre 1

Intégrale de Lebesgue

Introduction
La notion d’intégrale a connu des progrès notables au 19ème sciècle grâce à Cauchy 1 ,
Riemann 2 et Darboux 3 . La théorie de l’intégrale au sens de Lebesgue 4 qui est basée sur la
notion de mesure, arrive au 20ème sciècle pour généraliser l’intégrale au sens de Riemann
déjà vue. Cette théorie s’applique à une classe de fonctions beaucoup plus grande qui est
celle de fonctions mesurables. Elle permet aussi d’établir des théorèmes de convergence plus
puissants.
Dans ce chapitre, on introduit d’abord la notion d’intégrale de Lebesgue en donnant
quelques-unes de ses propriétés. Ensuite, on établit le lien de l’intégrale de Lebesgue avec
les intégrales classiques.

1.1 Rappel topologique et notations

Pour d un entier naturel non nul, on considère dans ce cours l’espace vectoriel Rd de
vecteurs x = (x1 , x2 , ..., xd ).
Une application N : Rd → R+ définit une norme sur Rd si elle vérifie :
1. N(x) = 0 si et seulement si x = 0,
2. N(x + y) ≤ N(x) + N(y), ∀ x, y ∈ Rd ,
3. N(αx) = |α|N(x), ∀ α ∈ R, ∀ x ∈ Rd .
1. Augustin Louis. Cauchy, 1789-1857 : mathématicien Français.
2. Bernhard Riemann, 1826-1866 : mathématicien Allemand.
3. Gaston Darboux, 1841-1917 : mathématicien Français.
4. Henri-Léon Lebesgue, 1875-1941 : mathématicien Français.

1
1.2 Rappel sur l’intégrale de Riemann

Comme exemples, pour p ∈ [1, +∞[, on rappelle la norme dite de Holder d’indice p, notée Np
ou k.kp et définie en x = (x1 , ..., xd ) ∈ Rd par : Pour p = +∞, la norme infinie en x = (x1 , ..., xd ) ∈
Rd est donnée par : kxk∞ = max |xi |.
1≤i≤d
Toutes les normes sont équivalentes dans Rd , dans le sens où si N1 et N2 sont deux normes
de Rd , alors il existe α > 0 et β > 0 tels que

αN1 (x) ≤ N2 (x) ≤ βN1 (x), ∀ x ∈ Rd .

Si N est une norme sur Rd , alors, la boule ouverte de centre a ∈ Rd et de rayon r ≥ 0 est :

B(a, r) = {x ∈ Rd , N(x) < r}.

Un ensemble U ⊂ Rd est dit ouvert de Rd s’il est vide ou si, pour tout a ∈ Rd , il existe
r > 0, tel que la boule ouverte B(a, r) ⊂ U.
On appelle fermé F de Rd si son complémentaire Fc = Rd \F dans Rd est un ouvert de Rd .
Soit f une fonction de Rd à valeurs dans R. L’image réciproque d’une partie J ⊂ R est
f (J) = {x ∈ Rd tel que f (x) ∈ J}. Attention, on parle d’image réciproque de f sans que f
−1

soit forcément bijective.


L’application f : Rd → R est continue en a ∈ Rd si pour tout ε > 0, il existe η > 0 tel que
f −1 (] f (a) − ε, f (a) + ε[) ⊂ B(a, η). La continuité de f en a est vérifiée si et seulement si pour
toute suite (xn ) de Rd qui converge vers a, alors la suite ( f (xn )) converge vers f (a).
L’application f est continue sur Rd si elle est continue en tout point de Rd . Dans ce cas
l’image réciproque de tout ouvert de R est un ouvert de Rd .

1.2 Rappel sur l’intégrale de Riemann


Soit f une fonction bornée sur un intervalle borné [a, b]

Définitions 1.2.1
— On appelle subdivision S de [a, b] toute suite ordonnée et finie (xi )1≤i≤n de [a, b], a = x0 < x1 <
... < xn = b.
— Pour toute subdivision Sn = (xi )0≤i≤n de [a, b], on appelle somme de Riemann la somme finie
n−1
X
R( f, Sn , α) = f (αi )(xi+1 − xi ),
i=0

où αi ∈ [xi , xi+1 ], pour 0 ≤ i ≤ n − 1.

2
1.2 Rappel sur l’intégrale de Riemann

f (αi ) −

p p p p p
x0 = a xi αi xi+1 xn = b

Figure 1.1 – Intégrale au sens de Riemann

Définition 1.2.1
La fonction bornée f : [a, b] → R est dite Riemann intégrable sur [a, b], si la limite de R( f, Sn , α)
existe quand n tend vers +∞ et si cette limite est indépendante du choix de la subdivision Sn = (xi )1≤i≤n
Z b
et des points (αi )0≤i≤n−1 . Cette limite, si elle existe sera notée f (x)dx.
a

Remarques 1.2.1
1. Toute fonction bornée et continue par morceaux est Riemann-intégrable sur [a, b].
2. Si ( fn ) est une suite de fonctions Riemann-intégrable sur [a, b] qui converge uniformément
vers une fonction f sur [a, b], (i,e., sup | fn (x) − f (x)| → 0 ), alors f est Riemann-intégrable
x∈[a,b] n→+∞

sur [a, b] et on a Z b Z b
lim fn (x)dx = f (x)dx.
n→+∞ a a

3. Si une fonction bornée f est Riemann-intégrable sur [a, b], alors | f | est Riemann-intégrable
sur [a, b]. La réciproque n’est pas vraie en général comme le montre l’exemple (1.2.1) suivant :

Exemple 1.2.1 :
La fonction bornée f définie sur [0, 1] par
(
−1 si x ∈ [0, 1]\Q
f (x) =
1 si x ∈ [0, 1] ∩ Q

n’est pas Riemann intégrable sur [0, 1]. En effet, si on choisit xi = ni , alors, pour αi = xi , on a Sn = 1
tend vers 1 quand n tend vers +∞. Mais pour αi irrationnel dans ]xi , xi+1 [, Sn = −1 dont la limite est
-1 quand n tend vers +∞. Cependant, | f | = 1 sur [−1, 1] est continue, donc Riemann-intégrable sur
[0, 1].

3
1.3 Intégrales de Lebesgue

Exercice 1.2.1 Montrer que l’application f de l’exemple (1.2.1) est discontinue en tout point de [0, 1].

La suite de fonctions x 7→ xn converge simplement mais non uniformément vers la fonction


Z 1 Z 1
1
nulle sur l’intervalle [0, 1[, mais x dx =
n
→ 0 = 0.
0 n + 1 n→+∞ 0
La fonction discontinue de l’exemple (1.2.1), comme on le verra dans la suite, est intégrable
au sens de Lebesgue. Le champ de fonctions intégrables au sens de Lebesgue est donc
considérablement élargi. Les domaines sur les quels on peut intégrer contient plus que les
intervalles où le théorème d’interversion limite-intégrale d’une suite de fonctions pour cette
nouvelle notion d’intégrale pourra être appliqué sans exiger l’hypothèse de la convergence
uniforme.

1.3 Intégrales de Lebesgue


Pour commencer, on reprend le cas d’une fonction continue f sur un intervalle borné
[a, b] dont l’intervalle image est noté [m, M]. Au lieu de considérer une partition quelconque
de l’intervalle [a, b], on prend une subdivision (yi )0≤i≤n de l’ensemble image f ([a, b]) = [m, M],
m = y0 < y1 < ... < yn = M. Puis on considère les ensembles Ei = {x ∈ [a, b] tel que yi ≤ f (x) ≤
yi+1 }. On définit la somme de Lebesgue comme suit
n−1
X
L( f, Sn ) = mesure(Ei )(yi+1 − yi ),
i=0

où mesure(Ei ) désigne la ”mesure” de l’ensemble Ei qui est la somme des longueurs des
intervalles disjoints qui composent Ei dans ce cas.

4
1.3 Intégrales de Lebesgue

yn−
yi+1−
yi −

y0 −

p p p p pp p
aE3 E1i E2i b
i

Ei = E1i ∪ E2i ∪ E3i

Figure 1.2 – Intégrale au sens de Lebesgue

Définition 1.3.1 La fonction f : [a, b] → R est dite Lebesgue intégrable si la limite de L( f, Sn ) existe
quand n tend vers +∞ et si cette limite est indépendante du choix de la subdivision Sn = (yi )0≤i≤n .

La ”mesure” de l’ensemble f −1 (Ei ) est-elle toujours définie lorsque la fonction f est donnée
sur un ensemble quelconque de R ou si elle n’est pas continue ?
La notion d’intégrale de Lebesgue est basée sur la théorie de la mesure.

1.3.1 Ensemble mesurable


On rappelle que si E est un ensemble quelconque, P(E) désigne l’ensemble des parties de
E. Si A ∈ P(E) et B ∈ P(E), alors les opérations fondamentales ensemblistes sont, l’intersection
A ∩ B, l’union A ∪ B, le complémentaire de A dans E, Ac = E\A et le produit cartésien
A × B = {(a, b), a ∈ A, b ∈ B}.
La fonction indicatrice IA d’un ensemble A est donnée par
(
1 si x ∈ A,
IA (x) =
0 si x ∈ Ac

Un simple calcul permet de vérifier les propriétés suivantes :

IA∩B = IA .IB , IA∪B = IA + IB − IA .IB , IAc = 1 − IA .

Une application f d’un ensemble E vers un ensemble F est dite bijective si tout élément
y ∈ F, il existe x ∈ E unique tel que y = f (x).

5
1.3 Intégrales de Lebesgue

Définition 1.3.2 (Ensemble dénombrable)


Un ensemble E est dit énombrable s’il est fini ou si il est en bijection avec N, (i.e., tous les éléments
de E peuvent être listés sans répetition par des entiers naturels).
Comme exemples d’ensembles dénombrables et à titre d’exercice, montrer les résultats sui-
vants :
Exercice 1.3.1
1. L’ensemble des entiers relatifs Z est dénombrable.
(
2p si p ≥ 0
Indication : Il suffit de considérer la bijection φ : Z → N, p 7→
2(−p) − 1 si p < 0.
2. L’ensemble N2 est dénombrable.
Indication : L’application φ : N × N∗ → N, (n, m) 7→ 2n (2m + 1) est bijective.
3. En général, une réunion finie ou dénombrable d’ensembles dénombrables ou un produit
cartésien fini d’ensembles dénombrables est dénombrable. En particulier Q = Z × N∗ est
dénombrable.
On admet que R ou tout intervalle de R ainsi que R\Q, l’ensemble des irrationnels, ne sont
pas dénombrables.
Pour simplifier, toute partie dénombrable sera indexée par une partie N de N.
Les intervalles sont les seuls ensembles convexes de R. On peut les classifier comme suit :
1. Les intervalles ouverts de R qui sont de la forme :

∅, R, ] − ∞, a[, ]a, b[, ]b, +∞].

2. Les intervalles fermés de R qui sont de la forme :

∅, R, ] − ∞, a], [a, b], [b, +∞].

3. Mais aussi on trouve des intervalles qui ne sont ni fermés ni ouverts de R qui sont de
la forme [a, b[ et ]a, b]. (Ce sont les semi-fermés ou les semi-ouverts de R).
La notation (a, b) pour −∞ ≤ a ≤ b ≤ +∞ désigne un intervalle quelconque (fermé, ouvert ou
semi ouvert, borné ou non borné ) de R. L’ensemble R est pour désigner l’ensemble R∪{±∞}.
On considère B = BR la plus petite famille au sens de l’inclusion de P(R) contenant les
intervalles ouverts et vérifiant les trois propriétés suivantes :
i) L’ensemble vide appartient à B.
ii) B est stable par passage au complémentaire ; (i.e., si A ∈ BR , alors Ac ∈ BR ).
iii) B est stable par réunion dénombrable ; (i.e., si An ∈ BR , n ∈ N ⊂ N, alors ∪n∈N An ∈
BR ).

6
1.3 Intégrales de Lebesgue

Comme B vérifie ii), alors B contient aussi tous les intervalles fermés de R. De ii) et iii),
on tire que B est aussi stable par intersection dénombrable et par suite B contient aussi les
1
semi-ouverts, puisque [a, b[= ∩n∈N∗ ]a + , b[. Par conséquent B contient tous les intervalles
n
de R.
Cet ensemble B a la structure d’une tribu.

Définition 1.3.3 (Tribu)


Soit E un ensemble et B une famille de P(E). La famille B est dite tribu sur E si :
i) L’ensemble vide appartient à B.
ii) B est stable par passage au complémentaire.
iii) B est stable par réunion dénombrable.
Les éléments d’une tribu B s’appellent ensembles mesurables de E et l’espace (E, B) est appelé
espace mesurable .

La tribu B = BR , engendrée par les intervalles ouverts de R (la plus petite tribu au sens de
l’inclusion de P(R) contenant les intervalles ouverts), est appelée tribu Borélienne 5 sur R.

Remarque 1.3.1
Comme autres exemples de tribu, on cite :
1. Si E un ensemble quelconque, alors {∅, E} et P(E) sont des tribus appelées respectivement tribu
grossière et tribu discrète.
2. Si A ⊂ E, alors {∅, A, Ac , E} est une tribu dite tribu engendrée par l’ensemble A.
3. De même on définit la tribu Borélienne BRd , la tribu engendrée par les pavés ouverts de Rd
d
Y
de la forme Ii , pour Ii , i = 1, ..., d sont des intervalles ouverts de R. Les éléments de BRd
1
s’appellent aussi Boréliens.

Mesure de Lebesgue
La notion de mesure s’applique sur des ensembles mesurables donc sur une tribu. Celle
de Lebesgue correspond à la notion de longueur pour d = 1, la surface pour d = 2 et le
volume pour d = 3.

Définition 1.3.4 ( Mesure)


Une mesure sur une tribu B est une application µ : B → [0, +∞], vérifiant :
i) µ(∅) = 0.
5. Emile Borel, 1871-1956 : mathématicien Français.

7
1.3 Intégrales de Lebesgue

ii) Si (An )n∈N une suite dénombrable d’ensembles mesurables de B deux à deux disjoints, alors
X
µ(∪n∈N An ) = µ(An ).
n∈N

On laisse à titre d’exercice à montrer que toute mesure µ vérifie les propriétés suivantes :
Propriétés 1.3.1
1. µ(A ∪ B) + µ(A ∩ B) = µ(A) + µ(B), pour tout A et B mesurables.
2. Si A et B deux ensembles mesurables tels que A ⊂ B, alors µ(A) ≤ µ(B).
3. Si (An ) est une suite croissante (An ⊂ An+1 ), d’ensembles mesurables alors

µ(∪n An ) = lim µ(An ).


n→+∞

4. Si (An ) une suite décroissante d’ensembles mesurables d’intersection A, et si µ(A1 ) < ∞, alors
limn→+∞ µ(An ) = µ(A).

Exemple 1.3.1
1. Mesure de comptage : si B = P(E), et si A ∈ P(E) on considère µ(A) = card(A), le cardinal
de A, si A est fini, et +∞ sinon.
2. Mesure de Dirac : si a ∈ R, on définit la mesure de Dirac µa (A) = 1 si a ∈ A, µa (A) = 0 sinon.
d
Y d
Y
Pour un pavé A = ]ai , bi [ de Rd , on définit µ(A) = (bi − ai ). On admet alors le résultat
i=1 i=1
suivant :
Proposition 1.3.1 ( Mesure de Lebesgue)
d
Y
Il existe une unique mesure sur les boréliens de R telle que la mesure de tout pavé A =
d
]ai , bi [
i=1
d
Y
est égale à (bi − ai ).
i=1

Exercice 1.3.2 Montrer que Q est mesurable et calculer sa mesure de Lebesgue.

Définition 1.3.5 (Ensemble négligeable)


Un ensemble B de Rd est dit µ-négligeable s’il existe un ensemble mesurable A contenant B et de
mesure nulle, (i.e., B ⊂ A et µ(A) = 0).

Exemples 1.3.1

8
1.3 Intégrales de Lebesgue

— Les ensembles N, Z et Q sont négligeables dans R.


— L’ensemble R × {1} est négligeable dans R2 .

Définition 1.3.6 ( Notion ”presque partout”)


On dit qu’une propriété, dépendant d’un paramètre x ∈ Ω, est vraie presque partout (en abrégé
p.p) sur Ω, si elle est vraie pour tout x ∈ Ω\A, où A ⊂ Rd est un ensemble négligeable.

Exemples 1.3.2
— La suite de fonctions ( fn ) donnée par fn : x 7→ xn converge simplement presque partout sur
[0, 1] vers la fonction nulle.
— L’application x 7→ E(x), partie entière de x, est presque partout continue sur R.
— La fonction f = IQ est presque partout nulle, mais attention, elle n’est pas presque partout
continue.

1.3.2 Fonction mesurable


Dans ce qui précède on a introduit les ensembles sur lesquels on va pouvoir intégrer.
Quels sont maintenant alors les fonctions qu’on peut intégrer ? On rappelle que les fonctions
Riemann-intégrables sont les fonctions bornées ”presque partout” continues.
On rappelle aussi qu’une fonction f : Rd → R est continue si et seulement si l’image
réciproque de tout ouvert de R est un ouvert de Rd .
Dans toute la suite de ce cours, µ désigne la mesure de Lebesgue de Rd .

Définition 1.3.7
Soit f : Rd → R. La fonction f est dite mesurable si l’image réciproque de tout ouvert de R est
un ensemble mesurable de R. i.e.,

∀ V ouvert de R, f −1 (V) = {x ∈ Rd , f (x) ∈ V} ∈ BRd .

Une fonction complexe f : Rd → C est dite mesurable si les deux fonctions réelles représentant sa
partie réelle et sa partie imaginaire sont mesurables.

Exercice 1.3.3
Soit A ⊂ Rd . Montrer que la fonction IA est mesurable si et seulement si A est un ensemble
mesurable.

Propriétés 1.3.2
1. Toute fonction continue est mesurable puisque l’image réciproque d’un ouvert est un ouvert
donc mesurable. La réciproque n’est pas toujours vraie : la fonction indicatrice des rationnels,
f = IQ est mesurable mais non continue. L’ensemble des fonctions mesurables est beaucoup
plus large que celui des fonctions continues.

9
1.3 Intégrales de Lebesgue

2. Soient f, g : Rd → R deux fonctions mesurables et soit λ ∈ R. Alors les fonctions λ f, | f |, f +


g (si cette somme existe), f.g, sup( f, g) et inf( f, g) sont aussi mesurables.
3. La limite simple d’une suite de fonctions mesurables est une fonction mesurable. i.e., si ( fn )
une suite de fonctions mesurables telle que fn (x) → f (x) pour tout x ∈ Rd , alors f est aussi
n→+∞
mesurable.
4. Le sup et l’inf d’un ensemble dénombrable de fonctions mesurables sont aussi des mesurables.

On suppose dans la suite que toutes les fonctions dont il va être question sont mesurables.

1.3.3 Intégrale au sens de Lebesgue


Pour définir l’intégrale de Lebesgue, on procède par étapes en considérant d’abord les
fonctions étagées, puis les fonctions mesurables positives et enfin les fonctions mesurables
de signe quelconque ou complexes.
Définition 1.3.8 ( Fonction étagée)
Une fonction f : Rd → R mesurable est dite étagée (ou simple), si elle ne prend qu’un nombre
fini de valeurs. Elle peut s’écrire d’une façon unique sous la forme
n
X
f = ai IAi ,
i=1

où ai ∈ R sont des réels distincts et Ai = f −1 (ai ) sont des ensembles mesurables de Rd deux à deux
disjoints.

Intégrale de Lebesgue d’une fonction positive


Soit A un ensemble mesurable de Rd et f = IA la fonction indicatrice de A. On définit
l’intégrale de Lebesgue de f sur Rd par
Z
IA dµ = µ(A).
Rd

Plus généralement, pour une fonction mesurable positive étagée f : Rd → [0, +∞[, on définit
l’intégrale de Lebesgue de la façon suivante :
n
X
Définition 1.3.9 Si f = ai IAi , pour ai ∈ [0, +∞] et Ai mesurable de Rd , i = 1, ..., n deux à deux
i=1 Z
disjoints, alors l’intégrale de Lebesgue de f est le nombre positif (éventuellement +∞), noté f dµ
Rd

10
1.3 Intégrales de Lebesgue

Z
ou aussi f (x)dµ(x) et qui vaut
Rd

Z n
X
f dµ = ai µ(Ai ).
Rd i=1

Avec par convention, 0 × (+∞) = 0. Z


La fonction f est dite Lebesgue-intégrable ou sommable si f dµ est finie. Dans le cas où
Z Rd

f dµ = +∞, f est dite non intégrable ou non sommable au sens de Lebesgue.


Rd

Exemple 1.3.2 La fonction étagée

f (x) = IQ = 1 × IQ + 0 × IR\Q .

Donc Z
f dµ = µ(Q) + 0 × µ(R\Q) = 0.
R

La fonction f est donc Lesbegue intégrable.

On peut définir l’intégrale d’une fonction mesurable positive de deux manières dont la
première est la suivante :

Définition 1.3.10
- Soit f : Rd → [0, +∞] une fonction mesurable. Alors l’intégrale de Lebesgue de f est le nombre
positif (éventuellement +∞ ),
Z (Z )
f dµ = sup gdµ, g étagée, 0 ≤ g ≤ f ∈ [0, +∞].
Rd Rd
Z
f est dite Lebesgue intégrable si f dµ est finie.
Rd
- Si Ω un ensemble mesurable de Rd et si f : Ω → [0, +∞] une fonction mesurable positive, alors
l’intégrable de Lebesgue de f sur Ω est
Z Z
f dµ = fΩ dµ ,
Ω Rd

x∈Ω
(
f (x) si
où la fonction fΩ = f IΩ : Rd → R̄, x 7→ .
0 sinon

11
1.3 Intégrales de Lebesgue

On peut montrer les propriétés d’additivité, d’homogèneté et de monotonie suivantes :

Propriétés 1.3.3
Soit f et g deux fonctions mesurables positives sur un ensemble mesurable Ω et soit λ un réel
positif . Alors
Z Z Z
i) ( f + g)dµ = f dµ + gdµ.
Ω Ω Ω
Z Z
ii) (λ f )dµ = λ f dµ.
Ω Ω
Z Z
iii) Si f ≤ g, alors f dµ ≤ gdµ.
Ω Ω

La troisième propriété est évidente, puisque toute fonction étagée positive qui minore f ,
elle minore aussi g.
Pour les deux premières on montre d’abord qu’elles sont vérifiées pour toute fonction
étagée positive, puis de la définition de la borne sup, on déduit qu’elles s’étendent à une
fonction mesurable positive quelconque.

Exemple 1.3.3
La fonction f = IQ n’est Z
pas Riemann-intégrable
Z sur [0,
Z 1]. Son intégrale au sens de Lebesgue sur
[0, 1] est nulle puisque 0 ≤ f dµ = IQ∩[0,1] dµ ≤ IQ dµ = 0. Donc elle est Lebesgue mais
[0,1] R R
non Riemann intégrable.

La deuxième façon pour définir l’intégrale de Lebesgue d’une fonction positive découle
de résultat suivant :

Lemme 1.3.1
Toute fonction mesurable positive est limite simple d’une suite croissante de fonctions mesurables
positives et étagées.

Preuve. Si f est positive mesurable, on pose, pour x ∈ Rd ,

et k = 0, 1..., 2n n − 1
( k
si 2kn ≤ f (x) ≤ k+1
fn (x) = 2n 2n
n si f (x) > n.

Alors, fn est une fonction constante par morceaux.


Ce qui donne que ( fn ) est mesurable, de plus, pour tout réel x, la suite ( fn (x)) est croissante. En
effet si x tel que n+1 ≤ f (x), alors n ≤ f (x) et on a E(2n f (x)) ≤ 2n f (x), donc 2E(2n f (x)) ≤ 2n+1 f (x)
E(2n+1 f (x)) 2E(2n f (x))
et par conséquent 2E(2n f (x)) ≤ E(2n+1 f (x)). fn+1 (x) = 2n+1
≥ 2.2n
≥ fn (x). Dans le cas

12
1.3 Intégrales de Lebesgue

où n ≥ f (x), alors n + 1 ≥ f (x) et fn (x) = n ≤ fn+1 (x) = n + 1. Enfin si n ≤ f (x) ≤ n + 1, alors
E(2n f (x))
fn (x) = 2n ≤ f (x) ≤ n + 1 = fn+1 (x).
Il suffit de vérifier la convergence simple de la suite de fonctions ( fn ) vers f . Soit x ∈ Rd .
Si f (x) = +∞, alors fn (x) = n → +∞ = f (x). Sinon, pour n > f (x), et d’après la carctérisation
n→+∞
de la fonction partie entière, E(2n f (x)) ≤ 2n f (x) ≤ E(2n f (x)) + 1. Par conséquent, en divisant
par 21n , on obtient
1
f (x) ≤ fn (x) ≤ f (x) + n .
2
Ceci implique
1
0 ≤ fn (x) − f (x) ≤ n → 0 .
2 n→+∞
Ce qui achève la démontration.
De la définition (1.3.9) et des propriétés (1.3.3) découle le premier résultat d’interversion
entre limite et intégrale.

Théorème 1.3.1 de la convergence monotone ou de Beppo-Levi 6


Soit ( fn )n∈N une suite croissante de fonctions mesurables positives qui converge simplement
vers f sur un ensemble mesurable Ω de Rd . Alors f est mesurable positive et
Z Z
lim fn dµ = f dµ.
n→+∞ Ω Ω
Z
En particulier, si lim fn dµ < ∞, alors f est Lebesgue-intégrable sur Ω.
n→+∞ Ω

Preuve. On prend d’abord le cas Ω = Rd . Clairement, f est positive et mesurable, comme li-
mite simple d’une suite de fonctions mesurables positives. PourZtout x ∈ RdZ
, la suite croissante
( fn (x)) croit vers f (x) et elle vérifie fn (x) ≤ f (x), ∀n ∈ N. Donc fn dµ ≤ f dµ, ∀n ∈ N et
Z Z Rd Rd

par suite lim fn dµ ≤ f dµ.


n→+∞ Rd Rd
p
X
Pour montrer l’inégalité inverse, soit g = ai IAi une fonction positive étagée vérifiant
i=1
g ≤ f.
Pour 0 < ε < 1, on pose
n o
Bn = x ∈ Rd , fn (x) ≥ (1 − )g(x) .

6. Beppo Levi, 1875-1961 : mathématicien Italien.

13
1.3 Intégrales de Lebesgue

Alors, il est facile de vérifier que, pour tout entier naturel n, Bn ⊂ Bn+1 et que fn (x) ≤ fn+1 (x),
pour tout x ∈ Rd . De plus, Rd = ∪n∈N Bn .
En intégrant g sur Bn , on obtient
Z Z X p p
X
gdµ = ai IAi = ai µ(Ai ∩ Bn ).
Bn Bn i=1 i=1

Comme la suite d’ensembles (Ai ∩ Bn )n est une suite croissante et Rd = ∪n∈N An , alors
lim µ(Ai ∩ Bn ) = µ(Ai ).
n→+∞

Ce qui donne alors


Z p
X Z
lim gdµ = ai µ(Ai ) = gdµ.
n→+∞ Bn Rd
i=1
Z Z Z
De même, en passant à la limite dans l’inégalité, fn dµ ≥ fn ≥ (1 − ) g, on déduit
Rd An An
que Z Z
lim fn dµ ≥ (1 − ) gdµ.
n→+∞ Rd Rd
Enfin, on fait tendre  vers 0 pour conclure. Pour Ω quelconque, il suffit d’appliquer le
résultat pour f˜n = fn IΩ pour se ramener à Rd , où IΩ désigne la fonction indicatrice de Ω.
Z
Ainsi l’intégrale de Lebesgue f dµ d’une fonction mesurable positive f peut être donc
Rd Z
définie comme étant la limite de toute suite réelle d’intégrales ( fn dµ), pour ( fn ) une suite
Rd
croissante de fonctions positives étagée quelconque, convergeant simplement vers f sur Rd .
Le théorème d’interversion série-intégrale est une application directe du théorème de la
convergence monotone.
Théorème 1.3.2
Soit ( fn ) une suite de fonctions positives mesurables sur un ensemble mesurable Ω, alors
Z X XZ
fn dµ = fn dµ.
Ω n∈N n∈N Ω

Preuve. Il suffit d’appliquer le théorème de la convergence monotone pour la suite de fonc-


n
X X
tions (gn ), pour gn (x) = fk (x), somme partielle de la série fn (x).
k=0 n∈N
Z 1
log(x)
Exercice 1.3.4 Calculer dx.
0 1−x

14
1.3 Intégrales de Lebesgue

Intégrale d’une fonction mesurable de signe quelconque


L’intégrale d’une fonction mesurable de signe quelconque s’obtient en utilisant les deux
fonctions positives représentant les parties respectivement positive et négative de f qui sont
f+ = max( f, 0) et f− = max(− f, 0). Ces deux fonctions sont aussi mesurables et vérifient :

f = f+ − f− , et | f | = f+ + f− . (1.1)

Définition 1.3.11
1. Une fonction f : Rd → R est dite Lesbegue intégrable sur Rd si f+ et f− sont Lebesgue-
intégrables et on définit l’intégrale de Lesbegue de f par :
Z Z Z
f dµ = f+ dµ − f− dµ.
Rd Rd Rd

2. Si Ω est un ensemble mesurable de R( , une fonction f est dite Lebesgue intégrable sur Ω si la
d

f (x) si x∈Ω
fonction fΩ = f IΩ : Rd → R̄, x 7→ , est Lebesgue intégrable sur Rd .
0 sinon

On note L1 (Ω) l’ensemble de fonctions Lebesgue-intégrables sur l’ensemble mesurable


Ω.
On a alors les prorpiétés suivantes :

Propriétés 1.3.4
1. D’après (1.1), une fonction mesurable f est Lebesgue-intégrable si et seulement si | f | = f+ + f−
est Lebesgue intégrable et on a :
Z Z
| f dµ| ≤ | f |dµ.
Ω Ω

2. L’ensemble L1 (Ω), des fonctions Lebesgue-intégrables est un espace vectoriel.


3. Si Ω = Ω1 ∪ Ω2 est une union disjointe de deux ensembles mesurables Ω1 et Ω2 et f une
fonction Lebesgue intégrable alors, f est aussi Lebesgue intégrable sur Ω1 et Ω2 et on a :
Z Z Z
f dµ = f dµ + f dµ.
Ω Ω1 Ω2

Il suffit d’écrire que fΩ = fΩ1 + fΩ2 et de remarquer que | fΩi | ≤ | fΩ |, pour i = 1 ou 2.

15
1.3 Intégrales de Lebesgue

Définition 1.3.12 (Intégrale d’une fonction complexe)


Une fonction à valeurs complexes f : Ω → C est Lebesgue intégrable si sa partie réelle Réel( f )
et sa partie imaginaire Im( f ) sont Lebesgue intégrables sur l’ensemble mesurable Ω, de plus
Z Z Z
f dµ = Réel( f )dµ + i Im( f )dµ.
Ω Ω Ω

Exercice 1.3.5
Les fonctions suivantes sont -elles Lebesgues intégrables sur l’ensemble Ω ?
1. Une fonction constante sur Ω = Q.
2. La fonction x 7→ sin x
x
sur Ω =]0, 1[.

Remarque 1.3.2
L’intégrale de Lebesgue d’une fonction positive non identiquement nulle peut être nulle. Comme
exemple, on reprend la fonction f = IQ .

Proposition 1.3.2
Soit Ω un ensemble mesurable de Rd de mesure non nulle et soit f : Ω → [0, +∞] une fonction
mesurable positive.
Z
1. f dµ = 0, si et seulement si f = 0 presque partout sur Ω.

2. Si f est Lebesgue intégrable sur Ω, alors l’ensemble {x ∈ Ω tel que f (x) = +∞} est de mesure
nulle.

Preuve. Z
1. Si f dµ = 0, montrons que f = 0 presque partout sur Ω. Il suffit de montrer que,

pour tout entier n > 0, µ({x ∈ Ω, f (x) ≥ n1 }) = 0. En effet, comme f est positive, alors
Z Z Z
1
0= f dµ = f dµ + f dµ ≥ αµ({x ∈ Ω, f (x) ≥ }) ≥ 0.
Ω {x/ f (x)≥ n1 } {x/ f (x)< n1 } n

Donc µ({x ∈ Ω, f (x) ≥ n1 }) = 0 pour tout n > 0 et donc f ne peut être que nulle presque
partout sur Ω puisque { f , 0} = ∪n∈N∗ An où An = {x ∈ Ω tel que f (x) ≥ n1 }. La
suite (An ) étant croissante, par conséquent, et d’après la propriété (3) du lemme (1.3.1)
concernant la limite de la mesure de la réunion d’une suite croissante d’ensembles
mesurables,
1
µ({ f , 0}) = lim µ({x ∈ Ω tel que f (x) ≥ }) = 0
n→+∞ n
et donc f est presque partout nulle.

16
1.3 Intégrales de Lebesgue

Z
2. Si f dµ < ∞, on montre que, pour tout n ∈ N, µ({x ∈ Ω, f (x) ≥ n}) → 0 . Ceci étant
Ω n→+∞
car
Z Z Z Z
f dµ = f dµ + f dµ ≥ f dµ ≥ nµ({x ∈ Ω, f (x) ≥ n}).
Ω {x/ f (x)>n} {x/ f (x)≥n} {x/ f (x)≥n}

De plus, l’ensemble {x ∈ Ω, f (x) = +∞} = ∪n∈N


R Bn , pour Bn = {x ∈ Ω, f (x) ≥ n}, vérifiant
donc Bn+1 ⊂ Bn pour tout entier n et µ(B1 ) ≤ Ω f dµ < +∞. D’après la propriété (4) du
lemme (1.3.1), on a,

Z
1
µ({x ∈ Ω, f (x) = +∞}) = lim µ(Bn ) = lim µ({x ∈ Ω, f (x) ≥ n}) ≤ lim f dµ = 0.
n→+∞ n→+∞ n→+∞ n Ω

Ce qui achève la démonstration.

Pour résumer, on rappelle les remarques suivantes qui sont très utiles dans la théorie de
l’intégrale de Lebesgue.

Résumés
1. Si Ω est un ensemble mesurable négligeable (µ(Ω) = 0), alors pour toute fonction
mesurable f sur Ω, on a Z
f dµ = 0.

2. Vérifier qu’une fonction f est Lebesgue intégrable sur un ensemble mesurable Ω est
équivalent à montrer que son module | f | est Lebesgue intégrable sur Ω.
Z Xn Z
3. f dµ = f dµ, pour toute réunion disjointe finie d’ensembles mesurables Ω =
Ω i=1 Ωi
∪ni=1 Ωi .
Z
4. Si f et g sont deux fonctions mesurables presque partout égales sur Ω, alors f dµ =
Z Ω

gdµ.

Si f est une fonction mesurable positive sur un ensemble mesurable Ω de Rd , alors
5. Z
f dµ = 0 si et seulement si µ(Ω) = 0 ou f est presque partout nulle sur Ω.

6. Le critère de comparaison s’applique aussi pour l’intégrale de Lebesgue et on a si f
et g deux fonctions positives mesurables sur Ω vérifiant f ≤ g presque partout sur Ω,
alors si g ∈ L1 (Ω), alors f ∈ L1 (Ω) et si f < L1 (Ω), alors g < L1 (Ω).

17
1.4 Comparaison avec l’intégrale de Riemann et les intégrales généralisées

7. Si A ⊂Z Ω deux Zensembles mesurables de Rd , et si f une fonction positive mesurable,


alors f dµ ≤ f dµ. En particulier si f est Lebesgue intégrable sur Ω, alors elle est
A Ω
Lebesgue intégrable sur toute partie mesurable de Ω.
En général pour déterminer si une fonction mesurable est Lebesgue intégrable ou non sur
un ensemble mesurable, on peut se servir de ces dernières propriétes.
Dans plusieurs cas on se ramène à déterminer la nature d’une intégrale de type Riemann ou
une intégrale généralisée.

1.4 Comparaison avec l’intégrale de Riemann et les intégrales


généralisées
On considère dans cette partie le cas de fonction f : I → R, pour I un intervalle de R.

L’intégrale au sens de Riemann est définie sur les intervalles fermés bornés de R et
concerne seulement les fonctions bornées. Lebesgue a restreint l’intégrale de Riemann aux
fonctions presque partout continues :
Propriétés 1.4.1
Soit f : [a, b] → R une fonction bornée.
1. La fonction f est Riemann-intégrable sur [a, b] si et seulement si f est presque partout
continue sur [a, b] (son ensemble de points de discontinuité est négligeable).
2. Si f est Riemann intégrable sur [a, b], alors f est Lebesgue intégrable et les deux intégrales
sont égales.

Exercice 1.4.1 Soit la fonction f définie sur [0, 1] par


(
sin x si x ∈ ]0, 1]
f (x) = .
+∞ si x=0

1. La fonction f est-elle Riemann intégrable sur [0, 1] ?


2. La fonction f est-elle Lebesgue intégrable sur [0, 1] ?
3. Même questions pour la fonction g suivante :
(
sin x1 si x ∈ ]0, 1] ∩ Q
g(x) = .
0 si x ∈]0, 1] ∩ R/Q

Lorsque f est non bornée ou l’intervalle d’étude est non borné, on se trouve dans le cadre
d’une intégrale généralisée (ou impropre) dont on rappelle la définition

18
1.4 Comparaison avec l’intégrale de Riemann et les intégrales généralisées

Définition 1.4.1
1. Soit f : I = (a, b) → R, telle que au moins une de deux extremités de l’intervalle I est l’infini
ou f non bornée au voisinage de toute extremité finie.
On suppose que f est localement Riemann-intégrable sur I, (i.e., f est Riemann intégrable sur
tout intervalle borné [c, d] ⊂ (a, b)).
Z d
La fonction f admet une intégrale généralisée sur (a, b) si lim f (x)dx est finie. Cette limite
c→a c
d→b
Z b Z b
on la note f (x)dx et on dit que l’intégrale f (x)dx est convergente.
a a
Z b Z b
2. Une intégrale généralisée f (x)dx est dite absolument convergente si | f (x)|dx est
a a
convergente.

Remarques 1.4.1
On a vu qu’une fonction f est Lebesgue intégrable si et seulement si son module | f | est aussi
Lebesgue intégrable. Une intégrale généralisée absolument convergente est convergente, mais la
réciproque
Z n’est pas toujours vraie. Comme contre exemple, on considère l’intégrale généralisée
sin x
dx.
R x

Exemples 1.4.1 La définition, les critères de convergence ainsi que les exemples élémentaires P des
intégrales généralisées sont
R applicables par analogie aves les séries numériques où la somme est
remplacée par l’intégrale .
Voici quelques exemples élémentaires d’intégrales généralisées classiques dont la convergence était
étudiée par les mathématiciens portant leurs noms.
Z +∞
dx
a) Intégrale généralisée de ”Riemann” : L’intégrale généralisée (respectivement
1 xα
Z 1
dx
α
est convergente si et seulement si α > 1 (respectivement α < 1).
0 x
Z +∞ Z 1
dx dx
b) L’intégrlale de Bertrand 7 : L’intégrale généralisée α β
(respectivement α β
)
1 x log x 0 x | log x|
est convergente si et seulement si [α > 1 ou α = 1 et β > 1] (respectivement [α < 1 ou α = 1
et β > 1]).
Z +∞ √
2 π
8
c) Intégrale de Gauss : L’intégrale généralisée e−x dx est convergente et elle vaut 2 .
0

7. Joseph Louis Francois Bertrand, 1822-1900 : mathématicien, historien des sciences et économiste Français.
8. Carl Friedrich Gauss, 1777-1855 : mathématicien, astronome, et physicien Allemand

19
1.4 Comparaison avec l’intégrale de Riemann et les intégrales généralisées

Z +∞
9 sin x
d) Intégrale de Dirichlet : L’intégrale généralisée dx est convergente et elle vaut
0 x
π
2
.
Les intégrales précédentes sont souvent utilisées pour étudier la convergence d’autres intégrales.
Soient f et g deux fonctions positives localement intégrables sur [a, b[. On rappelle que pour
Z b Z b
étudier la convergence de l’intégrale généralisée f (x)dx , connaissant la nature de g(x)dx, on
a a
peut utiliser l’un des critères de convergence suivants :
Z b
1. Critère de comparaison : Si 0 ≤ f ≤ g sur ]a, b[, alors la convergence de g(x)dx entraine
Z b a

celle de f (x)dx.
a
2. Critère d’équivalence : Si f et g sont équivalentes au voisinage de b et continues sur [a, b[,
Z b Z b
alors, les deux intégrales f (x)dx et g(x)dx sont de même nature.
a a

Exercice 1.4.2
Déterminer la nature des intégrales généralisées suivantes :
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
1 x3 −x2
log x cos x
√ dx, dx, e cos xdx, dx.
0 x(1 + x) 1 log x + x 4
0 1 x2
3

Intégrales généralisées et intégrable au sens de Lebesgue


Une fonction f admettant une intégrale généralisée sur un intervalle d’extremités a et
Z b
b quelconques est aussi Lebesgue intégrable si et seulement si f (x)dx est absolument
a
convergente.

Exercice 1.4.3
ne−x
On pose, pour x ∈ R et pour n ≥ 1, fn (x) = √ .
1 + n2 x2
1. Montrer que fn est Lebesgue intégrable sur [0, +∞[.
Z
2. Calculer lim fn (x)dµ(x).
n→+∞ [0,+∞[
9. Johann Peter Gustav Lejeune Dirichlet, 1805-1859 : mathématicien Allemand.

20
1.4 Comparaison avec l’intégrale de Riemann et les intégrales généralisées

Pour conclure, l’intégrale au sens de Lebesgue est une extension stricte de l’intégrale au sens
de Riemann et l’intégrale généralisée absolument convergente.
Z Pour les notations et si une
fonction f est Riemann intégrable sur un itervalle I ou si f est absolument convergente,
I Z
elle est aussi Lebesgue intégrable sur I, on préfère en général la notation f (x)dx au lieu de
Z I

f (x)dµ(x).
I

21
Chapitre 2

Techniques de calcul intégral

Introduction
Dans le chapitre 1 on a introduit la notion ainsi que les propriétés de base de l’intégrale
au sens de Lebesgue qui n’est qu’une extension de l’intégrale de Riemann. Les résultats
d’intervertion limite et intégrale au sens de Riemann sont applicable seulement sous l’hy-
pothèse de la convergence uniforme. Le théorème de la convergence monotone abordé au
chapitre précédent montre que cette dernière hypothèse est remplacée seulement par une
convergence simple dans le cas d’une suite croissante de fonctions de signe constant ad-
mettant une intégrale au sens de Lebesgue. Dans la première partie de ce chapitre on met
l’accent aussi sur le théorème de la convergence dominée qui est l’un des plus utilisées en
intégration et qui s’applique à une suite de fonctions Lebesgues intégrables de signe quel-
quonque. D’autres techniques d’intégration de type changement de variables, intégrales
paramétriques et théorème de Fubini pour les intégrales multiples font l’objet du reste de
chapitre 2.
Dans tout ce chapitre µ désigne la mesure de Lebesgue pour le corps K = R ou K = C.

2.1 Théorèmes de convergence


On aborde maintenant d’autres résultats d’interversion limite et intégrale dont le plus
connu est celui de la convergence dominée. Pour se faire, on utilisera dans la démonstration
le lemme suivant dont le résultat est identiqué dans le théorème de la convergence monotone
mais appliqué à une suite décroissante de fonctions.

Lemme 2.1.1 (de la convergence décroissante)


Soit ( fn )n≥0 une suite décroissante de fonctions positives mesurables de Ω → [0, +∞[ qui
converge simplement vers une fonction f sur Ω. On suppose que f0 est Lebesgue intégrable sur Ω.

22
2.1 Théorèmes de convergence

Alors Z Z
lim fn dµ = f dµ.
n→+∞ Ω Ω

Preuve. La fonction f est mesurable comme limite simple d’une suite de fonctions mesurables.
Soit gn = ( f0 − fn )IΩ , alors la suite (gn )n≥0 est une suite croissante de fonctions positives, d’après
le théorème de la convergence monotone, on a
Z Z
lim gn dµ = lim gn dµ.
n→+∞ Rd Rd n→+∞

Soit donc Z Z Z Z
f0 dµ − lim fn dµ = f0 dµ − f dµ.
Ω n→+∞ Ω Ω Ω

D’où le résultat.
Pour simplifier la démonstration on commence par donner cette première version de
théorème de la convergence dominée :

Théorème 2.1.1
Soit ( fn ) une suite de fonctions mesurables de Ω → K vérifiant :
— la suite ( fn ) converge simplement vers une fonction f sur Ω.
— il existe une fonction intégrable positive g telle que | fn (x)| ≤ g(x), ∀ x ∈ Ω.
Alors, f est inégrable sur Ω et Z
lim | fn − f |dµ = 0.
n→+∞ Ω

En particulier Z Z
lim fn dµ = f dµ.
n→+∞ Ω Ω

Preuve. On procède par étapes, en considérant d’abord le cas d’une suite de fonctions posi-
tives qui converge simplement vers 0, puis le cas général d’une suite de fonctions de signe
quelconque.
- Si la suite ( fn ) est à termes positifs et f = 0, la fonction g est intégrable sur Ω, donc
l’ensemble A = {x ∈ Ω / g(x) < ∞} est de complémentaire de mesure nulle.
Soit, pour x ∈ Ω, gn (x) = sup fn (x)IA (x). Alors la suite (gn ) est une suite décroissante de
k≥n
fonctions positives, avec g0 est intégrable, puisqu’elle vérifie |g0 (x)| = sup fk (x) ≤ g(x).
k≥0
On vérifie alors que lim gn = f = 0. En effet, pour tout x dans Ω, il existe une suite
n→+∞
croissante φ(n) de N telle que gn (x) = fφ(n) (x)IA (x) dont la limite quand n tend vers
+∞ est f (x)IA (x) = 0.

23
2.1 Théorèmes de convergence

D’après le lemme précédent,


Z Z
lim gn dµ = f dµ = 0.
n→+∞ Ω Ω

- Si ( fn ) est de signe quelconque convergeant vers f , on applique le cas pécédent pour la


suite (| fn − f |)n qui est positive, dominée par 2g, puisque, pour tout x ∈ Ω, | fn (x)| ≤ g(x),
pour tout n. En passant à la limite lorsque n tend vers +∞, on déduit que | f (x)| ≤ g(x).
Ainsi Z
lim | fn − f |dµ = 0.
n→+∞ Ω

Comme Z Z Z
| fn dµ − f dµ| ≤ | fn − f |dµ,
Ω Ω Ω
on déduit que Z Z
lim fn dµ = f dµ.
n→+∞ Ω Ω

On admet que le théorème de la convergence dominée reste encore valable si la suite ( fn )


converge simplement presque partout vers la fonction f et si la suite ( fn ) est presque partout
dominée par g sur Ω. Dans ce cas la version plus générale est :

Théorème 2.1.2 (de la convergence dominée ou de Lebesgue)


Soit ( fn ) une suite de fonctions mesurables de Ω → K vérifiant :
— la suite ( fn ) converge simplement presque partout vers une fonction f sur Ω.
— il existe une fonction intégrable positive g telle que | fn (x)| ≤ g(x), presque pour tout x ∈ Ω.
Alors, f est inégrable sur Ω et Z
lim | fn − f |dµ = 0.
n→+∞ Ω
En particulier Z Z
lim fn dµ = f dµ.
n→+∞ Ω Ω

Exercice 2.1.1
Calculer les limites, lorsque n tend vers +∞ des intégrales suivantes :
1 + nx
Z Z Z Z
x n −x 1 n nx
dµ(x), (1 + ) e dµ(x), (cos( )) dµ(x), sin( )dµ(x).
[0,1] (1 + x )
2 n n x nx − 1
]0,n[ [0,1] [0,1]

Le théorème de la convergence dominée s’applique aux séries de fonctions et donne le


corollaire suivant :

24
2.1 Théorèmes de convergence

Corollaire 2.1.1
Soit ( fn )n une suite de fonctions Lebesgue -intégrables sur Ω. On suppose que
XZ
| fn |dµ < +∞.
n∈N Ω
X
Alors, la série fn (x) converge presque partout sur Ω vers une fonction Lebesgue intégrable f . De
n∈N
plus Z XZ
f (x)dµ(x) = fn (x)dµ(x).
Ω n∈N Ω

n
X X
Preuve. Soit Sn (x) = fk (x), pour x ∈ Ω, la somme partielle de la série fn (x). Le
k=0 n
n Z
X
théorème de la convergence monotone sur les séries de fonctions (1.3.2) donne | fk |dµ =
k=0 Ω
Z X X
| fn |dµ < +∞. Donc la fonction | fn (x)| est intégrable sur Ω, elle est donc presque
Ω n∈N n∈N
partout finie ou encore la suite de fonctions Sn est presqueX
partout absolument convergente
donc presque partout convergente sur Ω. Par conséquent fn (x) converge presque partout
n∈N
sur Ω vers une fonction qu’on note f . Cette suite de fonctions (Sn ) vérifie donc :
— (Sn ) converge simplement presque partout vers f sur Ω.
n
X X X
— |Sn (x)| ≤ | fk (x)| ≤ | fn (x)| et la fonction g(x) = | fn (x)| est Lebesgue intégrable
k=0 n∈N n∈N
sur Ω.
D’après le théorème de la convergence dominée, la fonction f est aussi Lebesgue intégrable
sur Ω et on a :
Z Z Z Xn Z XZ
f (x)dµ(x) = lim Sn (x) = lim Sn (x)dµ(x) = lim fk (x)dµ(x) = fn (x)dµ(x).
Ω Ω n→+∞ n→+∞ Ω n→+∞
k=0 Ω n∈N Ω

En conclusion, on a Z X XZ
fn (x)dµ(x) = fn (x)dµ(x).
Ω n n∈N Ω

Exercice 2.1.2
log(x)
Soit f (x) =
1 + x2

25
2.2 Intégrales dépendant d’un paramètre

1. Montrer que f est Lebesgue intégrable sur ]0, 1[.


Z
2. Calculer f (x)dµ(x) comme la somme d’une série.
]0,1[

2.2 Intégrales dépendant d’un paramètre


Comme application importante du théorème de la convergence dominée on montre dans
cette partie la continuité et la dérivabilité d’une fonction définie par une intégrale.
On se donne ici I un intervalle ouvert de R et Ω un ensemble mesurable de Rd de mesure
non nulle. Soit f : I ×ZΩ → K, telle que ∀ t ∈ I, la fonction partielle f (t, .) ∈ L1 (Ω). On définit
F : I → K, t 7→ F(t) = f (t, x)dµ(x). On cherche dans cette partie à étudier la continuité et la

dérivabilité de F sur I.
Théorème 2.2.1 (Continuité des intégrales paramétriques)
On suppose que
— Pour presque tout x ∈ Ω, la fonction, t 7→ f (t, x) est continue sur I.
— Il existe une fonction g : Ω → [0, +∞] dans L1 (Ω) telle que, pour presque pour tout x ∈ Ω,
| f (t, x)| ≤ g(x), ∀ t ∈ I.
Alors F est continue sur I.
Preuve. C’est une application du théorème
Z de la convergence dominée. Soit (tn ) une suite de
I qui converge vers t0 ∈ I. Alors F(tn ) = f (tn , x)dx vérifie les hypothèses du théorème de la

convergence dominée, donc
Z
lim F(tn ) = lim f (tn , x)dµ(x) = F(t0 ).
n→+∞ Ω n→+∞

Ce qui achève la démonstration.


Remarque 2.2.1 Ce dernier résultat concernant la continuité d’une intégrale paramétrique n’est
autre que la version continue du théorème de la convergence dominée.
Théorème 2.2.2 (Dérivation sous le signe intégrale)
On suppose que :
— Pour tout t ∈ I, la fonction x 7→ f (t, x) est lebesgue intégrable sur Ω.
— Pour presque tout x ∈ Ω, la fonction, t 7→ f (t, x) est dérivable sur I.
∂f
— Il existe une fonction g : Ω → [0, +∞] dans L1 (Ω) telle que | ∂t (t, x)| ≤ g(x), ∀ t ∈ I. Alors
F est dérivable sur I et on a
∂f
Z
F0 (t) = (t, x)dµ(x), ∀ t ∈ I.
Ω ∂t

26
2.3 Changement de variables

Preuve. Soit t0 ∈ I. Montrons que F est dérivalbe en t0 . Comme f est dérivable par rapport à
la variable t, on a :

∂f f (t0 + n1 , x) − f (t0 , x)
(t0 , x) = lim , presque pour tout x ∈ Ω.
∂t n→+∞ 1
n

D’après le théorème des accroissement finis, il existe cn ∈]t0 , t0 + n1 [ tel que

f (t0 + n1 , x) − f (t0 , x) ∂f
| |=| (cn , x)| ≤ g(x) presque pour tout x ∈ Ω..
1
n
∂t0

On applique enfin le théorème de convergence dominée pour conclure.


Exercice 2.2.1 Z
x
On pose F(t) = e− t dµ(x).
]0,1[
1. Montrer que F est de classe C∞ sur R+∗ .
e−t
2. Vérifier que, ∀ t ∈ R+∗ , F00 (t) = .
t
Exercice 2.2.2 Z
arctgx
Soit la fonction f définie sur R+ par f (t) = dµ(x).
]0,+∞[ x(1 + x2 )
1. Déterminer le domaine de définition de f .
2. Etudier la continuité puis la dérivabilité de f . La fonction F est-elle C1 ?
3. Calculer f 0 puis déduire f .
Z
arctgx 2
4. Calculer ( ) dµ(x).
]0,+∞[ x

2.3 Changement de variables


La formule connue de changement de variables appliquée à une intégrale au sens de
Riemann ou à une intégrale généralisée se résume de la façon suivante :
Soit Φ :]a, b[→ Φ(]a, b[) une application bijective de classe C1 . Alors pour toute fonction
continue et intégrable f sur l’intervalle Φ(]a, b[), on a
Z Z
f (y)dy = ( f oΦ)(x)|φ0 (x)|dx.
Φ(]a,b[) ]a,b[

En effet, si F est une primitive, alors, F ◦ φ est une primitive de f oφ.φ0 .


Cette formule s’étend aussi pour les intégrales au sens de Lebesgue sur un ouvert de Rd .

27
2.4 Théorèmes de Tonelli et de Fubini

Proposition 2.3.1 ( Formule de changement de variables)


Soit Ω un ouvert de Rd et soit Φ : Ω → Φ(Ω) une fonction bijective de classe C1 ainsi que sa
réciproque Φ−1 . Alors pour toute fonction intégrable f sur Φ(Ω), on a
Z Z
f (y)dµ(y) = ( f oΦ)(x)| det Jac(Φ)(x)|dµ(x),
Φ(Ω) Ω

où on désigne par Jac(Φ)(x) = ( ∂Φ i


∂x j
(x))1≤i, j≤d la matrice Jacobienne de Φ en x et par det le déterminant
d’une matrice.

Exemple 2.3.1 (Coordonnées polaire) Z


2 2
Pour calculer, par exemple, l’intégrale double e−x1 −x2 dµ(x), on considère l’application Φ :
R2
]0, +∞[×]0, 2π[→ R2 \(R+ ×{0}) , (r, θ) 7→ (r cos θ, r sin θ). Sa matrice Jacobienne est

cos θ −r sin θ
!
Jac(Φ)(x) =
sin θ r cos θ

dont le déterminant vaut r , 0 puisque r > 0. Donc Φ est inversible, de plus elle est de classe C1 .
Z Z Z
−x21 −x22 −x21 −x22
re−r drdθ = 2π[ 12 e−r ]+∞
2 2
e dµ(x) = e dx1 dx2 = 0 = π.
R2 R2 \R+ ×{0} ]0,+∞[×]0,2π[

Exemple 2.3.2 (Invariance par translation)


Une formule élémentaire de changement de variable fréquemment utilisée, affirme que, pour toute
fonction intégrable f sur Rd et pour tout a ∈ Rd , on a
Z Z
f (x)dµ(x) = f (x − a)dµ(x).
Rd Rd

Il suffit d’appliquer la formule de changement de variables pour la translation Φ : Rd → Rd , x 7→


x − a. Cette application Φ est bijective et vérifie Jac(Φ)(x) = Id , (la matrice identité de Rd ), dont le
déterminant est 1. La mesure de Lebesgue est donc invariante par translation.

2.4 Théorèmes de Tonelli et de Fubini


Si Ω1 ⊂ Rd1 et Ω2 ⊂ R d2
n deux ensembles mesurables, o pour d1 , d2 ∈ N, alors le produit
cartésien Ω = Ω1 × Ω2 = (x1 , x2 ), x1 ∈ Ω1 , x2 ∈ Ω2 est un ensemble mesurable de Rd1 × Rd2 .

28
2.4 Théorèmes de Tonelli et de Fubini

Z
Soit f : Ω → R, x = (x1 , x2 ) 7→ f (x) une fonction mesurable. Peut-on calculer f (x)dµ(x) =
Z Ω

f (x1 , x2 )dµ(x1 )dµ(x2 ) en utilisant les intégrales itérées de fonctions partielles par rap-
Ω1 ×Ω2
port à x1 et x2 ? La réponse à cette question sera dans les deux théorèmes suivants : le premier
concerne seulement les fonctions à valeurs positives, le deuxième est pour les fonctions
réelles ou complexes.

Théorème 2.4.1 (de Tonelli 1 )


Soit f : Ω1 × Ω2 7→ R une fonction mesurable positive. Alors, pour presque tout x1 ∈ Ω1 , la
fonction x2 7→ f (x1 , x2 ) est mesurable et pour presque tout x2 ∈ Ω2 , la fonction x1 7→ f (x1 , x2 ) est
mesurable et on a
Z Z Z Z Z
f (x)dµ(x) = ( f (x1 , x2 )dµ(x1 ))dµ(x2 ) = ( f (x1 , x2 )dµ(x2 ))dµ(x1 ).
Ω Ω2 Ω1 Ω1 Ω2

Si l’une de ces intégrales est finie, alors f ∈ L1 (Ω1 × Ω2 ).

Le théorème de Tonelli (parfois on l’appelle Fubini-Tonelli) s’applique


R lorsque f est me-
surable positive, même si elle n’est pas Lebesgue intégrable où Ω f dµ = +∞. Le deuxième
théorème n’exige aucune hypothèse sur le signe mais s’applique seulement pour des fonc-
tions f Lebesgue intégrables sur Ω = Ω1 × Ω2 .

Théorème 2.4.2 (de Fubini 2 )


On suppose que f ∈ L1 (Ω1 × Ω2 ). Alors,
Z
1. pour presque tout x1 ∈ Ω1 , les fonctions, x2 7→ f (x1 , x2 ) est dans L (Ω2 ), et x1 7→ 1
f (x1 , x2 )dµ(x2 )
Ω2
est dans L1 (Ω1 ).
Z
2. pour presque tout x2 ∈ Ω2 , la fonction x1 7→ f (x1 , x2 ) est dans L (Ω1 ) et x2 7→ 1
f (x1 , x2 )dµ(x1 )
Ω1
est dans L1 (Ω2 ).
3. de plus,
Z Z Z Z Z
f (x)dµ(x) = ( f (x1 , x2 )dµ(x1 ))dµ(x2 ) = ( f (x1 , x2 )dµ(x2 ))dµ(x1 ).
Ω Ω2 Ω1 Ω1 Ω2

Application :
1. Leonida Tonelli, 1885-1946 : mathématicien Italien.
2. Guido Fubini, 1879-1943 :mathématicien Italien.

29
2.4 Théorèmes de Tonelli et de Fubini

Z Z
−x2
e−(x1 +x2 ) dµ(x1 )dµ(x2 ). On considère
2 2
Pour calculer e dx on utilise l’intégrale double
R R2
−(x21 +x22 )
la fonction positive, f : R → x = (x1 , x2 ) 7→ e
2
, on a alors, d’après Tonelli
Z Z Z Z Z Z
−(x21 +x22 ) −x22 −x21 −x21 2
( e dµ(x1 ))dµ(x2 ) = e ( e dµ(x1 ))dµ(x2 ) = ( e dµ(x1 ))( e−x2 dµ(x2 )) < ∞.
R R R R R R

Donc, f est Lebesgue intégrable sur R2 et on a


Z Z Z
−(x21 +x22 ) 2
f (x)dµ(x) = e dµ(x1 )dµ(x2 ) = ( e−y dµ(y))2 .
R2 R2 R

Contrairement au théorème de Tonelli, il est indispensable de vérifier lors de théorème


de Fubini l’intégrabilité avant de clalculer les intégrales itérées.

Exercice 2.4.1 Calculer les deux intégrales


1 1 1 1
x2 − y2 x2 − y2
Z Z Z Z
A= ( dµ(y))dµ(x) et B = ( dµ(x))dµ(y).
0 0 (x2 + y2 )2 0 0 (x2 + y2 )2

Conclure.

30
Chapitre 3

Espaces de fonctions Lebesgue intégrables


et produit de convolution

Introduction
Dans ce chapitre, on définit les espaces fonctionnels Lebesgue intégrables Lp , pour p ∈
{1, 2, +∞} et quelques propriétés de ces espaces. On introduit aussi la notion de produit de
convolution dans ces espaces et on donne certaines de ses applications.

3.1 Espace de Banach


Dans tout ce chapitre on désigne par le corps K = R ou K = C. On rappelle qu’un
K-espace vectoriel normé E est un espace vectoriel sur K muni d’une norme qu’on notera
k.kE .
Exemples 3.1.1
1. L’espace E = Rd , muni d’une de trois normes classiques :
d d
X X 1
kxk1 = |xi |, kxk2 = ( |xi |2 ) 2 ou kxk∞ = max |xi | : ∀ x ∈ Rd ,
1≤i≤n
i=1 i=1

est un espace vectoriel normé.


2. Si E = C([0, 1]), l’espace des fonctions continues sur [0, 1] est un espace vectoriel normé
lorsqu’il est muni de l’une des trois normes suivantes, pour f ∈ E :
R1
- k f k1 = 0 | f |dµ ; (nome de la moyenne).
R1 1
- k f k2 = ( 0 | f |2 dµ) 2 ; (nome de la moyenne quadratique).
- k f k∞ = supx∈[0,1] | f (x)| ; (nome de la convergence uniforme).

31
3.1 Espace de Banach

Définition 3.1.1 (Suite convergente)


Soit (E, k.kE ) un espace vectoriel normé. Une suite d’éléments (xn ) de E est dite convergente vers
x ∈ E pour la norme k.kE , si kxn − xkE → 0 , i.e.,
n→+∞

∀ε > 0, ∃N > 0, tel que ∀ n > N, kxn − xkE ≤ ε.

Définition 3.1.2 ( Suite de Cauchy)


On dit qu’une suite (xn ) d’un espace vectoriel (E, k.kE ) est de Cauchy, si

∀ε > 0, ∃ N > 0, tel que ∀ n, m > N, kxn − xm kE ≤ ε.

((xn ) est de Cauchy dans (E, k.kE ) si lim kxn − xm kE = 0).


n,m→+∞

Remarque 3.1.1
— Toute suite convergente est de Cauchy. En effet si (xn ) une suite de E qui converge vers x ∈ E,
alors

∀  > 0, ∃ N, tel que si n ≥ N, alors kxn − xkE ≤ .
2
Ainsi, pour n, m ≥ N,
 
kxn − xm kE = kxn − x − (xm − x)kE ≤ kxn − xkE + kxm − xkE ≤ + = .
2 2
La suite (xn ) est bien de Cauchy.
— La réciproque n’est pas toujours
Z vraie. Comme contre exemple classique, soit E = C([0, 1], R)
muni de la norme k f k1 = | f (t)|dt. On considère la suite de fonctions ( fn ) de E définies
[0,1]
par :
0 < t < 12 ,


 0 si
fn (t) =  ≤ t ≤ 12 + n1 ,
 1 1
n(t − 2 ) si

2
+ n1 ≤ t ≤ 1.
 1
1 si


2

Soit n, m ∈ N, m < n, (voir fig (3.1))

32
3.1 Espace de Banach

y
1 −

x
p p p
1
2 + 1 1
n 2 + 1
m
1

Figure 3.1 – Courbes de fn et fm


R
Graphiquement k fn − fm k1 = [0,1] | fn (t) − fm (t)|dµ(t) représente l’aire du triangle de sommets
les points de coordonnées ( 12 , 0), ( 21 + m1 , 1) et ( 12 + n1 , 1), de hauteur 1 et de base m1 − n1 . Donc

1 1
k fn − fm k1 = 12 ( − ) →0 .
m n n,m→+∞
( fn ) est de Cauchy dans (C([0, 1]), k.k1 ).
0 si 0 ≤ t ≤ 21 ,
(
Or ( fn ) converge simplement vers la fonction f donnée par f (t) =1
2
si 12 < t ≤ 1.
De plus,
Z d’aprés le théorème de la convergence dominée, et comme | fn | ≤ 1 sur [0, 1], donc
lim | fn (x) − f (x)|dµ(x) = lim k fn − f k1 = 0.
n→+∞ [0,1] n→+∞
Supposons que la suite ( fn ) admet une limite g dans (E, k.k1 ), alors,

k f − gk1 ≤ k fn − f k1 + k fn − gk1 → 0 .
n→+∞

Donc f = g, contradiction car la fonction f n’est ni continue, ni prolongeable par continuité.


La suite ( fn ) converge pour la norme k.k1 vers la fonction f qui n’appartient pas à E.
On dit que E, l’ensemble des fonctions continues sur [0, 1], n’est pas complet pour la norme k.k1 .

Définition 3.1.3 ( Espace de Banach 1 )


On appelle espace de Banach tout esapce vectoriel normé complet, i.e, tout espace vectoriel normé
(E, k.kE ) dont toute suite de Cauchy de E converge dans E pour cette norme.

Exemples 3.1.2
1. Stefan Banach, 1892-1945 : mathématicien Polonais.

33
3.2 Espace de Lebesgue L1 (Ω)

1. Tout K- espace vectoriel, K = R ou C, de dimension finie est un espace de Banach pour toutes
ses normes.
2. (Q, |.|) est un Q espace vectoriel de dimension 1 qui n’est pas complet, car, par exemple, la suite
(xn ) définie par xn = (1 + n1 )n est une suite de Cauchy, mais non convergente dans Q.
3. C([0, 1], R) muni de la norme infinie, dite aussi norme de la convergence uniforme, f ∈ E 7→
k f k∞ = sup | f (t)|, est un espace de Banach. Ce même espace n’est pas complet pour la norme
t∈[0,1]
de la moyenne k.k1 (voir exemple de la remarque (3.1.1)).
Ainsi, un espace vectoriel de dimension infinie, peut être complet pour une norme, mais non
complet pour une autre.

Définition 3.1.4 ( Espace dense)


Soit (E, k.kE ) un espace vectoriel normé et soit F un sous espace vectoriel de E. On dit que F est
dense dans E, si tout élément de E et limite dans (E, k.kE ) d’une suite d’éléments de F.

Remarque 3.1.2
En topologie, un ensemble F est dense dans E si F̄ = E, où F̄ est le plus petit fermé de E contenant
F, on l’appelle aussi fermeture, ou adhérence de F dans E. F̄ est l’ensemble de toutes les limites de
suites de F convergentes dans E.

Exemple 3.1.1
D’après le théorème de Stone 2 - Weiestrass 3 , on sait que toute fonction continue est limite uniforme
d’une suite de polynômes. Donc l’ensemble de polynômes réels est dense dans (C([a, b]), k.k∞ ), pour
tout intervalle [a, b] de R.

3.2 Espace de Lebesgue L1(Ω)


Dans cette partie Ω désigne un ensemble mesurable de mesure non nulle de Rd , pour
d ∈ N∗ . On rappelle que l’espace
Z
L (Ω) = { f : Ω → K,
1
| f |dµ < ∞},

où, µ désigne dans tout ce chapitre, la mesure de ZLebesgue sur Rd .


On définit sur L1 (Ω), l’application k.k1 : f 7→ | f |dµ. Cette application vérifie alors ces

deux propriétés de la norme :
2. Marshall Harvey Stone, 1903-1989 : mathémathicien Américain.
3. Karl Weierstrass, 1815-1897 : mathémathicien Allemand.

34
3.3 Espaces L2 (Ω) et L∞ (Ω)

• kα f k1 = |α|k f k1 , ∀ α ∈ K, ∀ f ∈ L1 (Ω).
• k f + gk1 ≤ k f k1 + kgk1 , ∀ f, g ∈ L1 (Ω).
Alors que si k f k1 = 0 alors f = 0 presque partout sur Ω, donc f n’est pas forcément la
fonction identiquement nulle sur Ω. Comme exemple on reprend le cas de f = 1Q∩]0,1[ . En
conséquence, l’application k.k1 n’est pas une norme. On dit qu’elle est une semi-norme dans
L1 (Ω).
On a Rmontré dans la proposition (1.3.2), que si f est une fonction positive intégrable sur
Ω, alors Ω f dµ = 0, si et seulement si f est nulle presque partout sur Ω.
Afin de définir une norme sur l’espace des fonctions Lebesgue-intégrables, on définit la
relation d’équivalence sur L1 (Ω) par :

Si f, g ∈ L1 (Ω), f ∼ g si et seulement si f − g = 0 presque partout sur Ω.

On note f˜ la classe d’équivalence de f pour cette relation :


n o
f˜ = g ∈ L1 (Ω) / g = f p.p sur Ω .

Définition 3.2.1
L’espace L1 (Ω) est défini par :
n o
L1 (Ω) = f˜; f ∈ L1 (Ω) .

Proposition 3.2.1
L’espace L1 (Ω) est un espace vectoriel sur K et l’application f˜ →
7 k f k1 , qui est indépendante du
représentant de f , définit une norme sur L1 (Ω).

3.3 Espaces L2(Ω) et L∞(Ω)


De la même façon on définit l’espace vectoriel
Z
L (Ω) = { f : Ω → K /
2
| f |2 dµ < ∞}

qui est l’ensemble


Z des fonctions à carré intégrables. On munit cet espace de la sem- norme
1
k f k2 = ( | f |2 dµ) 2 .

35
3.3 Espaces L2 (Ω) et L∞ (Ω)

Définition 3.3.1
L’espace L2 (Ω) est défini par :
n o
L2 (Ω) = f˜ tel que f ∈ L2 (Ω) ,

où,
f˜ = {g ∈ L2 (Ω)/ f = g presque partout sur Ω}.
Alors L2 (Ω) est un espace vectoriel sur K et l’application f˜ 7→ k f k2 est indépendante du représentant
de f et elle définit une norme sur L2 (Ω).
Z
Remarque 3.3.1 Dans L2 (Ω), la norme k.k2 est celle associée au produit scalaire, ( f, g) = f. ḡdµ,

pour f, g ∈ L2 (Ω).
Ainsi, dans cet espace, l’inégalité de Cauchy Schwarz 4 s’écrit :
Z
| f gdµ| ≤ k f k2 kgk2 ∀ f, g ∈ L2 (Ω).

Pour les fonctions presque partout bornées, on définit l’espace L∞ (Ω).

Définition 3.3.2 (Borne supérieure essentielle)


Soit f : Ω → K une fonction définie presque partout sur Ω. On appelle supremum essentiel de f
ou la borne supérieure essentielle, le réel positif :

supess f = inf{c ∈ R+ / | f (x)| ≤ c, pour presque pour tout x Ω}.

On définit
L∞ (Ω) = { f, Ω → K/ supess( f ) < +∞}.
Alors L∞ (Ω) est un espace vectoriel et l’application k.k∞ : f 7→ supess(f) est une semi-norme
sur L∞ (Ω).

Définition 3.3.3
L’espace L∞ (Ω) est défini par

L∞ (Ω) = { f˜; f ∈ L∞ (Ω)},

où
f˜ = g ∈ L∞ (Ω)/ f = g presque partout sur Ω .


Alors l’espace (L∞ (Ω), k.k∞ ) est un espace vectoriel normé.


4. Hermann Amandus Schwarz, 1843-1921 : mathématicien Allemand

36
3.4 Propriétés des espaces Lp (Ω)

Remarques 3.3.1
1. En général, on identifie tout élément f˜ ∈ Lp (Ω), pour p = 1, 2 ou ∞, par son représentant f .
2. Si f ∈ L∞ (Ω), alors, pour presque tout x ∈ Ω, | f (x)| ≤ k f k∞ .
3. Pour une fonction continue, la norme infinie correspond à sa borne supérieure. Ceci n’est pas
toujours le cas comme le montrera l’exemple suivant : k1Q k∞ = 0, mais sup |1Q | = 1.
R

Exercice 3.3.1
1. Soit α ∈ R et on considère la fonction fα :]0, 1[→n R, xo 7→
1

. A quelles conditions sur α la
p
fonction fα appartient-elle à L (]0, 1[), pour p ∈ 1, 2, ∞ .
2. Montrer en général les inclusions suivantes :
L∞ (]0, 1[) ⊂ L2 (]0, 1[) ⊂ L1 (]0, 1[).

3. A t-on des inclusions réciproques ?


4. Soit α, β ∈ R+ et on considère la fonction gα,β :]0, +∞[→ R, x 7→ 1
Donner des
xα (1+xβ )
.
n o
conditions sur α et β pour que la fonction gα,β appartienne à Lp (]0, +∞[), pour p ∈ 1, 2 .
5. En déduire qu’il n’y a aucune inclusion entre L1 (]0, +∞[ et L2 (]0, +∞[).

3.4 Propriétés des espaces Lp(Ω)


Proposition 3.4.1
Les espaces (Lp (Ω), k.kp ), pour p ∈ {1, 2, ∞}, sont des espaces de Banach.

Preuve. On traitera d’abord le cas p = ∞ puis p = 1 ou p = 2.


Soit ( fn ) une suite de Cauchy dans Lp (Ω). Alors, pour ∀ > 0, il existe N(ε) tel que
∀ n, m ≥ N(ε), k fn − fm kp ≤ .
- Cas p = ∞
Pour  fixé, et pour n ≥ N() et m ≥ N() donnés, | fn (x) − fm (x)| ≤ k fn − fm k∞ ≤ ,
presque pour tout x ∈ Ω. Il existe alors, un ensemble négligeable A,n,m , qui dépend
de , n et m, tel que,
∀ x ∈ Ω\A,n,m , ∀ n, m ≥ N(ε), on a | fn (x) − fm (x)| ≤ .
La réunion dénombrable sur n et m des ensembles négligeables A,n,m donne un en-
semble A qui est aussi négligeable où on obtient,
∀ x ∈ Ω\A , ∀ n, m ≥ N(ε), on a | fn (x) − fm (x)| ≤ .

37
3.4 Propriétés des espaces Lp (Ω)

En conséquence, la suite ( fn (x)) est presque partout de Cauchy dans l’espace complet
K = R ou C, elle converge donc presque partout vers f (x). Comme
∀ m ≥ n ≥ N(ε), on a | fn (x) − fm (x)| ≤ ,
et si on tend m vers +∞, on obtient, pour n ≥ N() et pour presque tout x ∈ Ω,
| fn (x) − f (x)| ≤ . De cette dernière inégalité, on déduit que | f (x)| ≤ | fn (x)| +  presque
partout sur Ω, et donc f ∈ L∞ (Ω). Enfin, pour n ≥ N(), on a k fn − f k∞ ≤ ε, la suite ( fn )
converge bien vers f dans L∞ (Ω).
- Cas p = 1 ou p=2
k
X 1
Pour k ∈ N, on pose nk = N( i ), alors, nk ≤ nk+1 et par conséquent,
i=1
2

1
k fnk+1 − fnk kp ≤ .
2k
Pour simplifier, on notera gk = fnk , alors la sous suite (gk ) de ( fk ) vérifie
1
kgk+1 − gk kp ≤ , ∀ k ∈ N.
2k
+∞
X
Montrons que la série (gk+1 − gk ) est absolument convergente sur Ω. Pour x ∈ Ω,
k=1
n
X
soit Gn (x) = |gn+1 (x) − gn (x)|, alors,
k=1

n ∞
X X 1
kGn kp ≤ kgk+1 − gk kp ≤ < ∞. (3.1)
k=1 k=1
2k

Par conséquent Gn ∈ Lp (Ω).


La suite (Gn ) est la somme partielle d’une série à termes positifs qui converge vers
X+∞
G(x) = |gk+1 (x) − gk (x)|, d’après le théorème de la convergence dominée, et suite à
k=1
l’inégalité (3.1), on obtient
Z Z
lim |Gn | dµ =
p
|G|p dµ < +∞.
n→+∞ Ω Ω
+∞
X
p
La fonction G ∈ L (Ω) et la série (gk+1 (x) − gk (x)) est absolument, donc simplement
k=1
convergente sur Ω et en conséquence, la suite de fonctions (gn ) est aussi simplement

38
3.5 Produit de convolution et densité

convergente, puisque gn = f1 + n−1


P
k=1 (gn+1 − gn ). Soit f cette limite simple de (gn ) sur
Ω. La fonction f est mesurable et comme | f | ≤ G, donc f ∈ Lp (Ω). Enfin, on utilise le
théorème de la convergence dominée pour conclure que lim kgn − f kp = 0.
n→+∞
La suite de Cauchy (gn ) admet une sous suite qui converge vers f dans Lp (Ω), elle
aussi converge donc vers f dans Lp (Ω). Ce qui achève la démonstration.

Remarque 3.4.1
De la démonstration précédente, on déduit que si une suite ( fn ) converge dans Lp (Ω), vers f , alors,
on peut en extraire une sous suite presque partout convergente sur Ω.

En général, et comme on pourra le voir de l’exercice (3.3.1), il n’existe aucune relation


d’inclusion entre les trois espaces Lp (Ω), pour p=1, 2 ou ∞ sauf que si Ω est borné.
Proposition 3.4.2 ( Cas d’un domaine borné)
Si Ω est borné de Rd , on a les inclusions suivantes :

L∞ (Ω) ⊂ L2 (Ω) ⊂ L1 (Ω).

Preuve. Grâce à l’inégalité de Cauchy Schwarz on a : L2 (Ω) ⊂ L1 (Ω), puisque toute fonction
f ∈ L2 (Ω) vérifie :
Z Z Z
1 1 1
| f |dµ ≤ ( | f | dµ) 2 ( 12 dµ) 2 = k f k2 µ(Ω) 2 < ∞.
2

Ω Ω Ω

Si maintenant
R f ∈ L∞ (Ω), alors | f (x)| ≤ k f k∞ presque pour tout x ∈ Ω et par conséquent :
k f k1 = Ω | f (x)|dµ(x) ≤ µ(Ω)k f k∞ < ∞. Ainsi f ∈ L1 (Ω).

3.5 Produit de convolution et densité


Pour simplifier on introduit la convolution sur R ( d = 1 ) et on considère f et g deux
fonctions définies sur R.
Définition 3.5.1
On appelle produit de convolution de f et g la fonction f ∗ g définie sur R par
Z
f ∗ g(x) = f (x − t)g(t)dµ(t).
R

Avec le changement de variable, t 7→ x − t, on obtient f ∗ g = g ∗ f . De plus, et lorsqu’elle


est définie, l’application ( f, g) 7→ f ∗ g est une application bilinéaire. Comment faut-il alors
choisir f et g pour que f ∗ g soit bien définie ?

39
3.5 Produit de convolution et densité

Proposition 3.5.1 (Convolution dans L1 (R))


Si f, g ∈ L1 (R), alors f ∗ g ∈ L1 (R) et on a k f ∗ gk1 ≤ k f k1 kgk1 .

Preuve. On a
Z Z Z Z Z
| f ∗ g|(x)dµ(x) ≤ | f (x − t)||g(t)|dµ(t)dµ(x) = |g(t)|( | f (x − t)|dµ(x))dµ(t).
R R R R R

Ici on a utilisé le théorème de Tonelli pour itérer les intégrales.


Z Z
Par le changement de variable, y = x − t, on obtient | f (x − t)|dµ(x) = | f (y)|dµ(y). Par
R R
conséquent, Z Z Z
| f ∗ g|(x)dµ(x) ≤ |g(t)|dµ(t) | f (y)|dµ(y) < ∞.
R R R

Ainsi f ∗ g ∈ L1 (R) et
k f ∗ gk1 ≤ k f k1 kgk1 .

Proposition 3.5.2
Si f ∈ L1 (R) et si g ∈ Lp (R), pour p = 1, p = 2 ou ∞, alors f ∗ g ∈ Lp (R) et on a

k f ∗ gkp ≤ k f k1 kgkp .

Preuve.
1. Le cas p = 1 est déja traité. Si p = +∞, alors | f (x − t)g(t)| ≤ | f (x − t)|kgk∞ . Pour tout
x ∈ R.
Z Z
| f ∗ g(x)| ≤ kgk∞ | f (x − t)|dµ(t) = | f (z)|dµ(z)kgk∞ = k f k1 kgk∞ .
R R

Donc f ∗ g ∈ L∞ (R) et k f ∗ gk∞ ≤ k f k1 kgk∞ .


1 1
2. Si p = 2, pour tout x ∈ R, | f (x − t)g(t)| = (| f (x − t)| 2 |g(t)|)| f (x − t)| 2 .
D’après Cauchy Schwarz,
Z Z
2 2
| f ∗ g(x)| ≤ ( | f (x − t)||g(t)| dµ(t)) | f (x − t)|dµ(t)
R Z R

= (| f | ∗ |g|2 )(x) | f (y)|dµ(z)


R
= (| f | ∗ |g|2 )(x)k f k1

40
3.5 Produit de convolution et densité

Comme f ∈ L1 (R) et |g|2 ∈ L1 (R), donc (| f | ∗ |g|2 ) ∈ L1 (R) et on a


Z
k| f | ∗ |g| k1 =
2
| f | ∗ |g|2 (x)dµ(x) ≤ k f k1 k|g|2 k1 = k f k1 kgk22 .
R

Finalement
1
Z
1 1
k f ∗ gk2 = ( | f ∗ g|2 (x)dµ(x)) 2 ≤ (k| f | ∗ |g|2 k1 ) 2 k f k12 ≤ k f k1 kgk2 .
R

Proposition 3.5.3
Si f ∈ L1 (R) et si g une fonction de classe Cm de R telle que g(k) , pour k = 0, ..., m, sont bornées
sur R, alors f ∗ g est aussi de classe Cm sur R et on a
( f ∗ g)(k) = f ∗ g(k) , ∀ k = 0, ..., m .
Z
Preuve. Comme | f ∗ g(x)| ≤ f (t)g(x − t)dµ(t), en x ∈ R, donc, on utilise alors le théorème
R
de dérivation sous le signe intégrale pour montrer d’abord que f ∗ g est dérivable et que
( f ∗ g)0 = f ∗ g0 , puis par récurrence pour montrer que ( f ∗ g)(k) = f ∗ g(k) , pour k = 1, ..., p
quelconque.

La fonction f ∗ g qui est au moins continue est une régularisation de la fonction f .


Définition 3.5.2 ( Support d’une fonction)
Soit f : Ω → K, (K = R ou C) une fonction mesurable. Le support de f est l’ensemble noté
Supp( f ), est qui défini par
Supp( f ) = {x ∈ R, f (x) , 0}.
C’est le plus petit fermé contenant l’ensemble {x/ f (x) , 0} en dehors duquel f est nulle.
Proposition 3.5.4 (Convolution dans L2 (R))
Si f et g ∈ L2 (R), alors f ∗ g ∈ L∞ (R) et
k f ∗ gk∞ ≤ k f k2 kgk2 .
Si de plus f est continue à support compact, alors, f ∗ g est uniformément continue.
Preuve. Z
| f ∗ g(x)| ≤ | f (x − t)g(t)|dµ(t)
Z R Z
1 1
≤ ( | f (x − t)| dµ(t)) 2 ( |g|2 (t)dµ(t)) 2 ,
2

ZR Z R
1 1
= ( | f (y)|2 dµ(y)) 2 ( |g|2 (t)dµ(t)) 2 .
R R

41
3.5 Produit de convolution et densité

D‘où le premier résultat.


Si de plus f est continue à support compact K, elle est donc uniformémment continue.
Montrons que f ∗ g est aussi uniformémment continue. En effet, pour  > 0, il existe η > 0 tel
que si x, x0 ∈ R vérifiant |x − x0 | ≤ η, alors

| f (x) − f (x0 )| ≤ 0 = 1
.
(2µ(K)) 2 kgk2
Z Z
1
| f ∗g(x)− f ∗g(x )| = | ( f (x−y)− f (x −y))g(y)dµ(y)| ≤ ( | f (x−y)− f (x0 −y)|2 dµ(y)) 2 kgk2 ≤ 2µ(K)02 kgk2 = ,
0 0

R J

avec J = (x − K) ∪ (x0 − K). f ∗ g est donc uniformément continue sur R.

Remarque 3.5.1 La continuité uniforme de f ∗ g est aussi vérifiée si g est continue à support compact
et f ∈ L1 (R), puisque dans ce cas
Z Z
| f ∗ g(x)− f ∗ g(x )| = | ( f (x− y)− f (x − y))g(y)dµ(y)| ≤
0 0
| f (x− y)− f (x0 − y)|dµ(y)kgk∞ .
R (x−K)∪(x0 −K)

Les suites de fonctions dite unités approchées servent dans ce cours pour montrer un résultat
de densité des fonctions de classes C∞ à support compact dans les espaces Lp (R).

Définition 3.5.3 (Approximation de l’unité)


On appelle approximation de l’unité (ou unité approchée), toute suite de fonctions positives (ρn )
vérifiant : Z Z
ρn (x)dµ(x) = 1 et ∀η > 0, lim ρn (x)dµ(x) = 0.
R n→+∞ |x|>η

La dernière condition signifie que la masse de ρn se concentre autour de 0.

Exercice 3.5.1 Monrer que si ρ une fonction intégrable positive, alors la suite (ρn ) donnée par
ρn (x) = nρ(nx) est une approximation de l’unité.

Les trois lemmes qui suivent sont pour montrer que suivant des hypothèses sur les
fonctions ρn , les fonctions f ∗ ρn seront ”régulières” et convergent vers f suivant un sens
qu’on précisera.

Lemme 3.5.1
Soit f une fonction continue à support compact sur R. Alors, pour toute approximation de l’unité
(ρn )n , la suite de fonctions ( f ∗ ρn )n converge uniformément vers f sur R.

42
3.5 Produit de convolution et densité

Preuve. Soit  donné. La fonction ρn est d’intégrale 1, alors, pour tout x ∈ R


Z
f ∗ ρn (x) − f (x) = ( f (y − x) − f (x))ρn (x)dµ(y).
R

Comme f est continue à support compact, alors, elle est uniformément continue, il existe
donc η > 0 tel que si |y| ≤ η, alors | f (y − x) − f (x)| ≤ 2 . Ainsi


Z
| f (y − x) − f (x)|ρn (y)dµ(y) ≤ .
|y|≤η 2

Par ailleurs, Z Z
| f (y − x) − f (x)|ρn (y)dµ(x) ≤ 2k f k∞ ρn (x)dµ(y).
|y|≥η |y|≥η


Z Z
Comme lim ρn (x)dµ(y) = 0, il existe n0 > 0 tel que si n ≥ n0 , ρn (x)dµ(y) ≤ .
n→+∞ |y|≥η |y|≥η k f k∞
Les deux estimations précédentes donnent , pour n ≥ n0 , pour tout x ∈ R,
 
| f ∗ ρn (x) − f (x)| ≤ + = .
2 2
D’où la convergence uniforme de ( f ∗ ρn ) vers f sur R.

Lemme 3.5.2
Soit f une fonction continue à support compact sur R. Alors, pour toute approximation de l’unité
(ρn )n à support inclu dans un compact K indépendant de n, la suite de fonctions ( f ∗ ρn )n converge
vers f dans Lp (R) pour p = 1 ou p = 2.

Preuve. On sait déja, d’après ce qui précède, que f ∗ ρn est dans L1 (R) ∩ L2 (R) et que ( f ∗ ρn )n
converge uniformément vers f sur R, ( i.e, k f ∗ ρn − f k∞ → 0) . Sans perte de généralité,
n→+∞
on suppose que ρn est à support dans [−1, 1], pour tout entier n. Soit M > 0 tel que f est à
support dans [−M, M]. Par conséquent f ∗ ρn est à support dans [−M − 1, M + 1] et pour p = 1
ou 2, on a
Z
1 1
k f ∗ ρn − f kp ≤ ( I[−M−1,M+1] | f ∗ ρn − f kp dµ) p ≤ (2M + 2) p k f ∗ ρn − f k∞ → 0.
R n→+∞

Lemme 3.5.3 Soit f ∈ Lp (R), p = 1 ou 2. Alors pour toute approximation de l’unité (ρn )n , la suite
de fonctions ( f ∗ ρn )n converge vers f dans Lp (R).

43
3.5 Produit de convolution et densité

Preuve. Soit p = 1 ou p = 2. Si la suite (ρn ) est à support inclu dans [−1, 1] pour tout n, alors
pour toute fonction continue g sur R à support compact, on a

k f ∗ ρn − f kp ≤ k( f − g) ∗ ρn kp + kg ∗ ρn − gkp + kg − f kp .

Soit  > 0. De la densité de l’espace des fonctions continues sur R à supports compacts Cc (R)
dans Lp (R), il existe g dans Cc (R), tel que kg − f kp ≤ 3 . Pour cette fonction g, et d’après le
lemme précédent, on a kg ∗ ρn − gkp → 0 . Il existe n0 tel que pour n ≥ n0 , kg ∗ ρn − gkp ≤ 3 .
n→+∞
Puisque ρn ∈ L1 (R) et f, g ∈ Lp , d’après la proposition (3.5.2), on a

k( f − g) ∗ ρn kp ≤ kρn k1 k f − gkp ≤ .
3
En conclusion, pour tout  > 0, il existe n0 > 0, tel que si n ≥ n0 , alors k f ∗ ρn − f kp ≤ . La
suite ( f ∗ ρn ) converge donc uniformément vers f dans Lp (R).
Si les supports de ρn ne sont pas uniformément bornés, on considère dans ce cas la
suite ρ˜n = cn ρn φ, pour φ une fonction positve presque partout non nulle, de classe C∞ sur
R à support dans [−1, 1] et cn = R ρ1φdµ . On vérifie que lim cn = 1 et que (ρ̃n )n est une
R n n→+∞
approximation de l’unité. De plus, comme

f ∗ ρ̃n − f = cn ( f ∗ ρn − f ) − cn ρn (1 − φ) − (1 − cn ) f,

donc f ∗ ρn tend vers f dans Lp (R) puisque, la suite réelle (cn ) tend vers 1 et le membre de
gauche tend vers 0 dans Lp (R) d’après la première partie. Ce qui achève la démonstration.
On considère D(R), l’espace des fonctions de classe C∞ sur R à support compact. Alors,
D(R) est un K- espace vectoriel. Si on choisit la suite (ρn ) dans le dernier lemme dans D(R),
alors f ∗ ρn est aussi C∞ et à support compact qui converge vers f dans Lp (R).

Proposition 3.5.5
L’espace D(R) est dense dans Lp (R), p = 1 ou 2.

Attention D(R) n’est pas dense dans L∞ (R).

3.5.1 Applications
En genie électrique par exemple lorsqu’ on allume une source de tension d’un courant
continu (DC) à t = 0, on obtient
( un signal représenté par une fonction echelon appelée aussi
1 si t > 0
fonction de Heavside u(t) = .
0 si t < 0

44
3.5 Produit de convolution et densité

Figure 3.2 – Fonction échelon unité

Si on considère un échelon qu’ on allume à t = a puis un deuxième échelon négatif à


t = b qui permet d’éteindre le premier, on obtient le signal représenté par la fonction porte
suivante : Πa,b = I[a,b] . Cette fonction porte est utilisée en physique parfois pour désigner des
signaux de durée finie.

Figure 3.3 – Fonction porte

Cette fonction porte peut représenter la densité de charge d’une boule de diamètre D
centrée sur l’origine de densité uniforme ρ0 . Sa densité sur tout l’espace en coordonnés
sphériques est ρ(r) = ρ0 Π( Dr ).
La fonction triangle unité notée tri est définie par tri(t) = (1 − |t|)I[0,1] .

45
3.5 Produit de convolution et densité

Figure 3.4 – Fonction triangle

Filtrage des signaux à temps continue


Le filtrage d’un signal provenant de plusieurs sources consiste à séparer les composantes
de ce signal suivant leurs fréquences. A un signal d’entrée f on associe le signal filtré (ou
régularisé) f ∗ , en lui appliquant un produit de convolution R avec une fonction g appelée
réponse impulsionnelle du filtre, f (t) = f ∗ g(t) = R f (τ)g(t − τ)dt. En traitement de signal

on utilise le produit de convolution pour réduire le ”bruit”.


La convolution d’une fonction f par exemple par une fonction porte de largeur a et
d’intégrale 1, a parfois pour effet d’atténuer les fluctuations rapides de f . Si f est la fonction
tri, et g = Π−1,1 alors
|t| > 2

Z 1 Z 
 0 si
f ∗ g(t) = (1 − |τ|)g(t − τ)dτ = (1 − |τ|)dτ =  ( 2 (2 − |t|) si 1 < |t| ≤ 2 .

 1 2

−1 [−1,1]∩[t−1,t+1]  1 − 1 t2

si |t| ≤ 1
2

Figure 3.5 – Convolution d’un signal triangle avec un signal porte

46
3.5 Produit de convolution et densité

Corrélation des signaux


En théorie de signal, un signal s est dit d’energie finie si s ∈ L2 (R). La fonction d’inter-
corrélaion entre deux signaux réels s1 et s2
Z
Cs1 ,s2 (τ) = s1 (t)s2 (t − τ)dt = s1 ∗ s˜2 ,
R

où s˜2 : t 7→ s2 (−t). Lorsque s1 = s2 , on parle d’autocorrélation. La corrélation qui apparait


comme un produit de convolution du premier signal avec le conjugué du second signal
retourné à l’instant τ, est une mesure énergétique de la similitude de forme et de position
entre deux signaux décalés. En particulier la fonction d’autocorrélation sert à mesurer le
degré de ressemblance entre un signal et sa version décalée dans le temps. Contrairement
au produit de convolution, la fonction de corrélation n’est pas commutative.
On verra au chapitre suivant qu’on peut écrire les solutions de quelques équations
différentielles comme un produit de convolution. En probabilité, la somme de deux va-
riables aléatoires indépendantes de densités de probabilié f et g, est une variable aléatoire
de densité f ∗ g.

Exercice 3.5.2 Calculer f ∗ g lorsqu’elle est définie, pour les fonctions suivantes :
1. f = g = I[−1,1] .
2
2. f = g : x ∈ R 7→ e−x .

47
Chapitre 4

Transformée de Fourier et transformée de


Laplace

Introduction
On rappelle que toute fonction périodique continue par morceaux, se développe presque
partout sur R en une série de Fourier. On étudiera dans ce chapitre la représentation d’une
fonction non forcément périodique par une intégrale dite intégrale de Fourier. On commen-
cera par les fonctions Lebesgue intégrables de L1 (Rd ) puis les fonctions à carré Lebesgue
intégrables de L2 (Rd ).
Dans la deuxième partie de ce chapitre, on abordera la transformée de Laplace qui n’est
qu’une extension au plan complexe de la transformé de Fourier.
On désigne par µ la mesure de Lebesgue sur Rd .

4.1 Transformée de Fourier sur L1(R).


Pour simplifier, on introduit la transformée de Fourier 1 sur R au lieu de Rd , (on prend le
cas d = 1). On définit alors la transformée de Fourier d’une fonction d’une variable réelle à
valeurs complexes, f : R → C.
Définition 4.1.1
Soit f ∈ L1 (R). On appelle transformée de Fourier de f la fonction fb: R 7→ C, de variable réelle
et à valeurs complexes, définie par
Z
1
f (y) = √
b f (x)e−iyx dµ(x),
2π R
où i ici désigne le nombre complexe tel que i2 = −1.
1. Joseph Fourier, 1768-1830 : mathématicien et physicien Français.

48
4.1 Transformée de Fourier sur L1 (R).

L’application F : f 7→ fbest appelée application transformée ou transformation de Fourier.


Exemple 4.1.1 Fonction porte
La transformée de Fourier de la fonction porte Π = I[0,1] est
Z
1 1 2 sin y
Π(y) = √
b e−iyx dµ(x) = √ x=−1 = √
[e−iyx ]x=1 .
2π [−1,1] 2π(−iy) 2πy

Figure 4.1 – Transformée de Fourier de la fonction porte

Théorème 4.1.1
Soit f ∈ L1 (R), alors
a) La fonction fbest définie et continue sur R.
b) La fonction fb∈ L∞ (R) et on a k fbk∞ ≤ √1 k f k1 .

c) lim fb(y) = 0.
|y|→+∞

Preuve.
a) La fonction Ψ : R2 ; (x, y) 7→ f (x)e−iyx est continue par rapport à la variable y sur R et
vérifie |Ψ(x, y)| ≤ √12π | f (x)|, pour tout y ∈ R et avec f ∈ L1 (R). Donc fbest définie sur R
et d’après le théorème de continuité d’une intégrale dépendant d’un paramètre, fbest
alors continue sur R.

49
4.1 Transformée de Fourier sur L1 (R).

b) Comme pour tout y ∈ R, on a :


Z Z
1 1 1
| fb(y)| ≤ √ |Ψ(y)|dµ(y) ≤ √ | f (y)|dµ(y) = √ k f k1 ,
2π R 2π R 2π

donc fb∈ L∞ (R) et k fbk∞ ≤ √1 k f k1 .


c) On utilise la densité de D(R) dans L1 (R). En effet si f ∈ D(R), par intǵration par partie,

e−ixy i+∞ 1
Z h Z
f (x)e dµ(x) = f (x)
−ixy
+ f 0 (x)e−ixy dµ(x).
R −iy −∞ iy R
=0

En conséquence, fb(y) = 1 b0
iy
f (y)

1 b0 1
| fb(y)| ≤ k f k∞ ≤ √ k f 0 k1 → 0 .
|y| 2π|y| |y|→+∞

Si f ∈ L1 (R), alors f = lim fn dans L1 (R), pour fn ∈ D(R), (k fn − f k1 → 0 ). Soit ε > 0,


n→+∞ n→+∞
il existe n0 ∈ N, tel que si n ≥ n0 , k fn − f k1 ≤ 2ε . Or

1
| fb(y)| ≤ | fb(y) − fbn0 (y)| + | fbn0 (y)| ≤ √ k fn0 − f k1 + | fbn0 (y)|.

Comme lim | fbn0 (y)| = 0, il existe alors A > 0, tel que si |y| > A, on a : | fbn0 (y)| ≤ 2ε .
|y|→+∞
ε ε
Ainsi, pour |y| > A, | fb(y)| ≤ 2
+ 2
≤ ε.

La propriété c) de (4.1.1) est connue sous le nom de Lemme de Riemann-Lebesgue.

Exercice 4.1.1
Calculer la transformée de Fourier des fonctions suivantes :

f = I[−1,1] , g : x 7→ e−|x| , h : x 7→ xn e−x I]0,+∞[ (x).

Proposition 4.1.1 (Transformée de Fourier et dérivation)


Soit f ∈ L1 (R).
i) Si f est de classe C1 sur R et si f et f 0 ∈ L1 (R), alors, la tranformée de Fourier de la fonction
dérivée f 0 est donnée par :
fb0 (y) = iy fb(y), ∀y ∈ R.

50
4.1 Transformée de Fourier sur L1 (R).

ii) Si la fonction x 7→ x f (x) est L1 (R), alors fbest de classe C1 sur R et la dérivée de la transformée
de Fourier vérifie :
fb 0 (y) = (−ix
[f ) (y), ∀ y ∈ R.

Preuve.
i) Soit f ∈ C1 (R) ∩ L1 (R). On montre d’abord qu’il existe une suite de réels (cnn ) qui tend
vers +∞ telle que lim f (cn ) = 0. En effet, pour tout a ∈ R, l’ensemble x ∈ R, x >
n→+∞
o
a, tel que | f (x)| ≤ n1 est non vide, pour tout entier non nul n. Sinon, il existe a > 0 et
n0 ∈ N∗ , tels que | f (x)| > n10 , ∀ x > a. Ainsi
Z Z Z
I
+∞ = dµ ≤ | f |dµ ≤ | f |dµ < ∞.
]a,+∞[ n0 ]a,+∞[ R

Soit c0 = 1, on prend c1 > 1 tel que | f (c1 )| ≤ 1, et par récurrence, connaissant cn−1 ,
on choisit cn > max(cn−1 , n) vérifiant | f (cn )| ≤ n1 . Alors, clairement, la suite (cn ) croit
vers +∞ quand n tend vers +∞ et lim f (cn ) = 0. De même, on montre l’existence
n→+∞
d’une suite (dn ) qui tend vers −∞ telle que lim f (dn ) = 0. Grace au théorème de la
n→+∞
convergence dominée, on peut vérifier facilement que

Z Z
lim f (x)e dµ(x) = lim
−ixy
I]dn ,cn [ f (x)e−ixy dµ(x) = 2π fb(y).
n→+∞ ]dn ,cn [ n→+∞ R

Sachant que f est de classe C1 sur R, alors une intégration par partie donne
Z Z
1 1 1 1 1
√ f (x)e dµ(x) = − √
−ixy
[ f (x)e ]dn +
−ixy cn
√ f 0 (x)e−iyx dµ(x).
2π ]dn ,cn [ 2π iy iy 2π ]dn ,cn [

Il suffit de faire tendre n vers +∞ pour conclure la relation entre les fonctions fˆ et b
f 0.
ii) Pour montrer que fbest dérivable, il suffit d’appliquer le théorème de dérivation sous
le signe intégrale, en considérant la fonction Ψ : (x, y) 7→ f (x)e−iyx . Cette dernière est de
classe C1 par rapport à la variable y et elle vérifie, pour tout y ∈ R, ∂Ψ
∂y
(x, y) = −ixΨ(x, y),
1 1
donc |Ψ(x, y)| ≤ |x Zf (x)|. Comme x 7→ x f (x) est dans L (R), donc f est de classe C sur
b

R et fb0 (y) = √12π (−ix f (x))e−ixy dµ(x).


R

Pour les dérivées d’ordre supérieur et par récurrence, on montre que :

Proposition 4.1.2

51
4.1 Transformée de Fourier sur L1 (R).

i) Si f est de classe Cn sur R et si f, f 0 , ..., f (n) ∈ L1 (R), alors, ∀k ∈ {1, ..., n}

f (k) (y) = (iy)k fb(y), ∀ y ∈ R.


c

ii) Si x 7→ xk f est L1 (R) pour tout k ∈ {0, 1, ..., n}, alors fbest n− fois dérivable sur R et pour tout
k ∈ {1, ..., n},
fb(k) (y) = ((−ix)
[k f ) (y), ∀ y ∈ R.

Exemple 4.1.2 :
2 2
La fonction f : x 7→ e−α x appartient à L1 (R) si α , 0, et elle vérifie f 0 (x) = −2xα2 f (x), ∀ x ∈ R.
Donc, f 0 ∈ L1 (R) et elle vérifie

iy fb(y) = b
f 0 (y) = 2iα2 iy
d f 0 (y) = −2iα2 fb0 (y).

Donc fˆ est solution de l’équation différentielle, u0 (y) = − 2α1 2 yu(y) sur R, donc,
y2
u(y) = fˆ(y) = Ce− 4α2 ,

où Z √ Z
1 −α2 x2 2 2 1
C = fb(0) = √ e dµ(x) = √ e−x dµ(x) = √ .
2π R |α| π ]0,+∞[ 2|α|

Cette application vérifie facilement alors fb= f.


b

La tranformée de Fourier vérifie aussi les propriétés de parité, de translation, et d’ho-


mothétie ou de changement d’échelle suivantes :
Propriétés 4.1.1

1. fb(−y) = f (y), pour tout y ∈ R, où ici f¯ désigne la fonction conjuguée dans C de f : R → C.
b

2. Si f : R → R est paire (resp. impaire), alors fbest paire (resp. impaire).


3. Si g(x) = f (x − a), pour a ∈ R, alors g ∈ L1 (R) et b
g(y) = e−iya fb(y).
y
4. Si g(x) = f (αx), pour α > 0, alors b
g(y) = 1
α
fb( α ).
La transformée de Fourier transforme le produit de convolution en produit simple :

Proposition 4.1.3 (Transformée de Fourier et produit de convolution)


Soit f, g ∈ L1 (R. Alors

fd∗ g(y) = 2π fb(y).b
g(y), ∀ y ∈ R.

52
4.1 Transformée de Fourier sur L1 (R).

Preuve. Soient f et g deux fonctions de L1 (R). On sait déja que f ∗ g ∈ L1 (R), donc fd ∗ g est
bien définie et pour tout y ∈ R, en appliquant le théorème de Fubini, on obtient :
Z Z Z Z
1 1
f ∗ g(y) = √
d ( f (x − t)g(t)dµ(t))e dµ(x) = √
−ixy
( f (x − t)e−ixy dµ(x))g(t)dµ(t).
2π R R 2π R R
Avec le changement de variable z = x − t dans la première intégrale, on obtient

Z Z Z
1
f ∗ g(y) = √
d ( f (z)e dµ(z))e g(t)dµ(t) = f (y)
−izy −ity b e−ity g(t)dµ(t) = 2π fb(y)b
g(y).
2π R R R

Le lemme suivant sera fort utile pour la suite

Lemme 4.1.1 (de transfert)


Pour toutes fonctions f et g dans L1 (R), on a
Z Z
f gdµ =
b fb
gdµ.
R R

g sont dans L∞ (R), et par conséquent fb g et f b


Preuve. Si f et g sont dans L1 (R), alors fbet b g
sont dans L1 (R). Par le théorème de Fubini, on a
R R R
b(y)g(y)dµ(y) = √1
f ( f (x)e−ixy dµ(x))g(y)dµ(y)
R 2π RR RR
= √12π R ( R g(y)e−ixy dµ(y)) f (x)dµ(x)
R
= R
f (x)b
g(x)dµ(x).

La formule de transformation inverse donne f en fonction de fb.

Proposition 4.1.4 (Transformée de Fourier inverse)


Soit f ∈ L1 (R). Si fbest aussi dans L1 (R), alors
Z
1
f (x) = √ fb(y)eixy dµ(y) = fb(−x).
b
2π R
Preuve. On se limetera dans la démonstration à traiter le cas d’une fonction f continue sur
R.
Grace à la propriété de translation on pourra se ramener à x = 0. Quitte à remplacer f
2
par x 7→ f (x) − f (0)e−x et sans perte de généralité on suppose que f (0) = 0. Dans ce cas, pour
2 2
α , 0, la fonction x 7→ e−α x est dans L1 (R). D’après la formule de transfert,

53
4.1 Transformée de Fourier sur L1 (R).

R 2 2
R
R
fb(y)e−α y dµ(y) = R
f (y)e[
−α2 y2 dµ(y)
y2
= RR f (y) α1 e− α2 dµ(y) .
R
2
= R f (αy)e−y dµ(y)

D’après le théorème de la convergence dominée, et comme fb∈ L1 (R), l’intégrale de gauche,


tend vers fb(0) lorsque α tend vers 0.. L’intégrale de terme de droite s’écrit
b
Z Z Z
−y2 −y2 2
f (αy)e dµ(y) = f (αy)e dµ(y) + f (αy)e−y dµ(y).
R |y|≤ √1α |y|> √1α

Or Z Z
−y2 2
| f (αy)e dµ(y)| ≤ sup | f (u)| e−y dµ(y) → 0 .
|y|≤ √1α
√ α→0
|u|≤ α R

et
Z Z Z
−y2 − α1 − α1 1 1 1
| f (y)e dµ(y)| ≤ e | f (αy)|dµ(y) = e | f (y)|dµ(y) ≤ e− α k f k1 → 0 .
|y|> √1α |y|> √1α α |y|>α α α→0

En conséquence, Z
1
f (0) = 0 = √ fb(y)dµ(y) = fb(0).
b
2π R
2
Si f (0) , 0, on applique le résultat précédent pour h : x 7→ f (x) − f (0)e−x , alors h ∈ L1 (R)
et h(0) = 0, donc, utilisant la linéarité de l’application transformée de Fourier, et puisque
−x2 = e−x2 , on déduit que b
h(0) = h(0) = fb(0) − f (0) = f (0) − f (0) = 0.
d
ed
b b
Enfin, pour x ∈ R quelconque, soit la fonction g, y 7→ f (x + y). Alors
Z Z
1 1
√ f (y)e dy = √
b ixy
g(y)dµ(y) = g(0) = f (x).
b
2π R 2π R

Remarque 4.1.1 La formule de la transformée de Fourier inverse permet d’écrire une fonction f
comme une intégrale d’une fonction périodique y 7→ eixy dite composante harmonique avec un poids
qui est fb.
Corollaire 4.1.1
g sont aussi dans L1 (R). Alors
Soient f et g deux fonctions de L1 (R) telles que fbet b
1
f g = √ fb∗ b
c g.

54
4.2 Transformée de Fourier sur L2 (R)

R
Preuve. Si on note l’application F̃ : h ∈ L1 (R) 7→ F ˜(h) : x 7→ √12π R h(y)eixy dµ(y) = bh(−x).
h sont dans L1 (R), alors, d’après la formule de transformée de Fourier inverse,
Ainsi, si h et b
on a F̃ (F (h)) = h et F (F̃ (h)) = h.
√ De plus, on peut vérifier de la même façon que pour l’application F , que F̃ ( f ∗ g) =
2πF̃ ( f ) F̃ (g). En particulier,

g) = 2πF̃ ( fb) F̃ (b
F̃ ( fb∗ b g).

Comme fbet b g sont L1 (R), alors F̃ ( fb) = f et F̃ (b


g) = g.
D’autre coté, sachant que f ∈ L (R), alors f ∈ L∞ (R) et par conséquent, fb∗ b
1 b g ∈ L1 (R). De
√ b
g) = 2π fbb
plus, F ( fb∗ b g, avec fb(x) = f (−x), pour tout x ∈ R, par conséquent, fb∈ L1 (R), et
b b
b
g ∈ L∞ (R) comme transformée de Fourier d’une fonction de L1 (R). On conclut alors que fb∗ b
b
b g
est dans L1 (R) ainsi que sa transformée de Fourier.
En appliquant finalement F à f ∗ g, on obtient

g)) = fb∗ b
F 0 F̃ ( fb∗ b g = 2πF ( f g).

D’où le résultat.
Remarque 4.1.2
On pourra montrer que l’application F : L1 (R) → C(R) est continue, injective, mais non
surjective, (voir TD). On montrera dans la partie qui suit, que F peut être définie sur L2 (R), et qu’elle
réalise une bijection de L2 (R) sur lui même.

4.2 Transformée de Fourier sur L2(R)


On montre dans un premier lieu que la restriction de F à L2 (R) ∩ L1 (R) conserve la
norme k.k2 de L2 (R).
Proposition 4.2.1 (Identité de Parseval 2 -Plancherel 3 )
Pour tout f, g ∈ L1 (R) ∩ L2 (R), on a
Z Z
f gdµ = fbb
gdµ.
R

En particulier, si f = g, Z Z
| f | dµ =
2
| fb|2 dµ.
R R
2. Marc-Antoine Parseval des Chênes, 1755-1836 : mathématicien Français.
3. Michel Plancherel, 1885-1967 : mathématicien Suisse.

55
4.2 Transformée de Fourier sur L2 (R)

Preuve. On vérifie d’abord que si f ∈ L1 (R)∩Ł2 (R), alors fb∈ L2 (R). Pour ce faire, on considère
x2
la suite de fonctions (gn ), définies par gn (x) = e− n2 . La suite (| fb|2 gn ) est une suite croissante à
termes positifs. D’après le théorème de la convergence monotone,
Z Z
2
| f (x)| gn (x)dµ(x) →
b | fb|2 dµ(x) = k fbk22 .
R n→+∞ R

D’autre part, comme fb ∈ L∞ (R), alors, | fb|2 gn ∈ L1 (R). En remplacant | fb|2 = fb fb par son
expression, et d’après le théorème de Fubini, on obtient,
Z Z Z Z
1
| fb(x)| gn (x)dµ(x) =
2
f (y) f¯(z) e−ix(y−z) gn (x)dµ(x)dµ(z)dµ(y).
R 2π R R R

Or

Z
e−ix(y−z) gn (x)dµ(x) = 2π gbn (y − z).
R
Donc, R R R
R
| fb|2 gn (x)dµ(x) = √1 f (y) R f¯(z) gbn (y − z)dµ(z)dµ(y)
2π RR R
= √1
2π R R
f (u + z) f¯(z) gbn (u)dµ(z)dµ(u) ,
R
= √1
2π R
F(u) gbn (u)dµ(u)
Z
où F(u) = f (u+z) f¯(z)dµ(z). Cette fonction F vérifie, d’après l’inégalité de Cauchy-Schawrz,
R
la majoration suivante :
Z Z
1 1
|F(u)| ≤ ( | f (u + z)| dµ(z)) 2 ( | f¯(z)|2 dµ(z)) 2 = k f k22 .
2

R R

2 2
On sait que gbn (u) = ne−n u , on en déduit alors,
Z Z Z
−n2 u2 t 2
F(u) gbn (u)dµ(u) = F(u)ne dµ(u) = F( )e−t dµ(t).
R R R n
D’après le théorème de convergence dominée,
Z Z Z Z
1 −n2 u2 1 t −t2 1 −t2
lim √ F(u)ne dµ(u) = √ F( )e dµ(t) = √ F(0) e dµ(t) = | f |2 dµ = k f k22 .
n→+∞ 2π R 2π R n 2π R R

Par conséquent, k f k2 = k fbk2 et fb∈ L2 (R).


Soient f, g ∈ L1 (R) ∩ L2 (R), on considère la fonction g̃ définie par g̃(x) = g(−x) et on pose

h = f ∗ g̃. Alors b
h = 2π fbb̃ g. Puisque f et g̃ sont dans L1 (R) ∩ L2 (R), donc fbainsi que b̃g

56
4.2 Transformée de Fourier sur L2 (R)

sont L2 (R) et par suite b


h ∈ L1 (R) comme produit de deux fonctions dans L2 (R). D’après le
théorème d’inversion, Z
1
h(x) = √ h(y)eixy dµ(y).
b
2π R
En particulier, pour x = 0,
Z Z Z
1
h(0) = √ bh(y)dµ(y) = b g(y)dµ(y) =
f (y)b̃ g(y)dµ(y).
fb(y)b
2π R R R

L’application x 7→ sinx x appartient à L2 (R), mais elle n’appartient pas à L1 (R). On pourra
définir sa transformée de Fourier en utilisant le résultat de densité suivant.

Lemme 4.2.1
L’espace L1 (R) ∩ L2 (R) est dense dans L2 (R).

Preuve. Soit f ∈ L2 (R), on pose fn = I[−n,n] f ∈ L1 (R) ∩ L2 (R). Comme | fn − f |2 → 0 et, pour
n→+∞
tout entier n, | fn (x) − f (x)|2 ≤ 4| f (x)|2 , alors, grâce au théorème de la convergence dominée,
on a Z
k fn − f k22 = | fn − f |2 dµ → 0 .
R n→+∞

On prolonge alors l’application transformée de Fourier F sur L2 (R) de la façon suivante :

Définition 4.2.1
La transformée de Fourier d’une fonction f ∈ L2 (R) est par définition, la limite dans L2 (R) lorsque
n tend vers +∞, de ( bfn ), où fn = I[−n,n] f .

Remarques 4.2.1
1. Comme la suite de fonction ( fn ), dont les termes appartiennent à L1 (R) ∩ L2 (R), est de Cauchy
dans L2 (R) et, d’après l’identité de Parseval, k fn k2 = k fˆn k2 , donc la suite ( b
fn ) est aussi de
2
Cauchy dans l’espace complet L (R), donc elle est convergente. Ainsi, la trasformée de Fourier
de f ∈ L2 (R), telle qu’elle est définie, a bien un sens.
2. On peut définir fb, pour f ∈ L2 (R), comme limite dans L2 (R) de ( b fn ), pour ( fn ) une suite
quelconque de L1 (R) ∩ L2 (R), qui converge vers f dans L2 (R). Grace à l’identité de Parseval,
la limite dans L2 (R) de ( b
fn ) est indépendante de choix de ( fn ).

De cette définition et de la densité de L1 (R) ∩ L2 (R) dans L2 (R) on arrive à la propriété


suivante

57
4.3 Transformée de Fourier sur Rd

Proposition 4.2.2
L’application F : L2 (R) → L2 (R), f 7→ fbest une isométrie.
Preuve. L’application linéaire F vérifie F ( f ) = lim 1[ [−n,n] f dans L (R). Comme fn = I[−n,n] f ∈
2
n→+∞
L1 (R) ∩ L2 (R), alors, d’après ce qui précède, fˆn ∈ L2 (R) et de la formule de Parseval, on
k fn k2 = k fˆn k2 . De plus, |k fn k2 − k f k2 | ≤ k fn − f k2 → 0 , donc k fn k2 → k f k2 . De même, et comme
n→+∞ n→+∞
2
fn k2 → k fbk2 . F est alors une isométrie, elle est donc
fn ) converge vers fbdans L (R), donc k b
(b
n→+∞
injective, et par construction elle est surjective, par conséquent, elle est une isométrie de
L2 (R).

4.3 Transformée de Fourier sur Rd


Si f ∈ L1 (Rd ), on définit sa transformée de Fourier par
Z
1
fb(y) = d
f (x)e−ix.y dµ(x),
(2π) 2 Rd
où x.y désigne le produit scalaire de deux vecteurs x et y dans Rd . Tous les résultats vus pour
d = 1 s’étendent sur Rd , pour d ≥ 1. Les propriétés de dérivation s’appliquent dans ce cas
aux dérivées partielles de f .

4.4 Applications
4.4.1 Fonction de transfert et filtrage : Circruit RC
Soit l’équation différentielle
dq q
R + = x0 (t). (4.1)
dt C
où le signal d’entrée x0 (t) représente la tension alternative dans un circuit RC composé d’une
résistance R et d’un condensateur C monté en série et q(t) est la charge du condensateur. Si
q
on pose y = C , alors l’équation (4.1) devient :
dy
+ y = x(t) = Rx0 (t).
RC (4.2)
dt
La fonction y représente le signal de sortie. Si on cherche une solution (signal filtré) sous
la forme y = x ∗ h avec h est la réponse impulsionnelle (voir (3.5.1)), puis on applique la
transformée de Fourier, on obtient

(itRC + 1)b
y=b x = 2πb xbh.

58
4.4 Applications

La tranformée de Fourier a permi de transformer une équation différentielle en une équation


linéaire simple dont la solution est
x
y= .
b
1 + itRC
b

Pour déterminer la fonction impulsionnelle, on calcule bh(t) = √ 1 , puis appliquer la


2π(1+itRC)
trasformer de Fourier inverse pour déduire h.

4.4.2 Equation de la chaleur


On considère l’équation de la chaleur suivante :
( ∂f ∂2 f
∂t
(t, x) − c2 ∂x2 (t, x) = 0 ∀ t > 0, ∀x ∈ R, (4.3)
f (0, x) = f0 (x) ∀ x ∈ R,
où f0 est une fonction donnée et c une constante donnée.
On suppose que l’équation (4.3) admet une solution f telle que il existe une fonction
positive g ∈ L1 (R) vérifiant, pour tout t > 0,
∂f ∂2 f
| f (t, .)| ≤ g, | ∂t (t, .)| ≤ g et | ∂x2 (t, .)| ≤ g ce qui donne trois fonctions de L1 (R).
Si on note fb(t, .) la transformée de Fourier de f par rapport à x, alors, pour t > 0,
Z
1
fb(t, y) = √ f (t, x)e−ixy dµ(x).
2π R
En appliquant le théorème de dérivattion sous le signe intégrale, on obtient

∂[
f ∂ fb
(t, .) = (t, .).
∂t ∂t
Si on applique la transformée de Fourier par rapport à x à chaque membre de l’équation, et
si on utilise la formule de la transformée de Fourier de la dérivée, on trouve que, pour tout
t > 0, et pour y ∈ R,
∂ fb
(t, y) = c2 (−iy)2 fb(t, y) = −c2 y2 fb(t, y). (4.4)
∂t
De plus, la condition initiale vérifie, pour tout y ∈ R :

fb(0, y) = fb0 (y).


Ainsi, la résolution de l’équation différentielle (4.4) avec la condition initiale en t = 0 donne,
pour tout t > 0,
2 2 1 2 2
fb(t, y) = fˆ0 (y)e−c ty = √ F ( f0 ∗ F −1 (y 7→ e−c ty )).

59
4.5 Transformée de Laplace

Par conséquent, et d’après l’exemple (4.1.2),


√ Z
1 2 − x22 1 (x−y)2
− 2
f (t, x) = √ f0 ∗ (x 7→ √ e 4c t ) = √ f0 (y)e 4c t dµ(y).

2π 2|c| t 4πc2 t R
C’est la solution sous forme intégrale de l’équation de la chaleur. En particulier, si f0 est
continue et bornée, alors f est C2 est vérifie bien l’équation de la chaleur.

Exercice 4.4.1 (Equation de Laplace dans un demi plan)


Soit l’équation de Laplace
∂2 f ∂2 f
y) + ∂y2 (x, y) = ∀ x ∈ R, ∀ y > 0



 ∂x2
(x, 0
= f0 (x) ,

f (x, 0) ∀x ∈R (4.5)


= 0.

lim f (x, y)



y→+∞

où f0 est une fonction donnée. Utiliser la transformée de Fourier pour résoudre cette équation.

4.5 Transformée de Laplace


La transformée de Fourier d’une fonction donnée est une fonction qui est définie
seulement sur R. Afin d’étendre cette notion sur le plan complexe, on introduit la notion de
la transformée de Laplace 4 .
On s’itéresse pour cette nouvelle notion aux fonctions, dites causales, qui s’annulent sur
la demi droite de réels négatifs R−

Définition 4.5.1
Soit f : R 7→ C. On appelle transformée de Laplace de f , lorsqu’elle existe, la fonction, de la
variable complexe, notée L( f ) : C → C et définie par
Z
L( f )(z) = f (t)e−zt dµ(t),
]0,+∞[

Exemples 4.5.1
1. La transformée de Laplace de la fonction dite de heavside H = 1]0,+∞[ est

si Réel(z) > 0
( 1
L(H)(z) = z }
n’est pas définie si Réel(z) ≤ 0
4. Pierre-Simon de Laplace, 1885-1967 : mathématicien, astronome, physicien et homme politique Français

60
4.5 Transformée de Laplace

n et2 si t > 0,
2. La fonction f : t 7→ n’admet pas de transformée de Laplace. En effet,
0 si t ≤ 0 R
2 2 2
∀z = x + iy ∈ C, ∀t > 0, |e−tz et | = et −tx et la fonction ]0,+∞[ et −tx dt = ∞.
3. Si f (t) = e−αt 1]0,+∞[ (t), pour α , 0, alors, pour tout z ∈ C tel que Réel(z) > −α, L( f )(z) = 1
z+α
.

Quelles hypothèses alors peut-on mettre sur f pour qu’elle admette une transformée de
Laplace ?
On montre dans un premier lieu que, seulement la partie réelle d’un nombre complexe z
qui intervient dans l’existence de L( f ) en z.

Lemme 4.5.1
1. Pour tout nombre complexe z = x + iy, la fonction L( f ) est définie en z si et seulement si elle
est définie en sa partie réelle x.
2. Si L( f ) est définie en un réel x0 , alors, elle est définie en tout nombre complexe z = x + iy tel
que x > x0 .

Preuve.
1. Pour t > 0, on a
| f (t)e−zt | = | f (t)e−xt e−iyt | = | f (t)e−xt |.
Donc, la fonction t 7→ f (t)e−zt est Lebesgue R intégrable si et seulement si t 7→ f (t)e−xt l’est
aussi. Par conséquent, L( f )(z) = ]0,+∞[ f (t)e−zt dµ(t) exite si et seulement si L( f )(x) =
R∞
0
f (t)e−xt dµ(t) existe.
R
2. Soit x0 ∈ R tel que L( f )(x0 ) = ]0,+∞[ f (t)e−x0 t dµ(t) existe. Soit z = x + iy tel que x > x0 ,
R
alors | f (t)e−zt | = | f (t)e−xt | ≤ | f (t)e−x0 t |. Ainsi L(F)(x) = ]0,+∞[ f (t)e−xt dµ(t) est aussi finie.

Le domaine de définition de L( f ) est donc ou bien le vide, ou bien l’espace C , ou bien


un demi plan complexe.

Définition 4.5.2 ( Abscisse de sommabilité)


Soit f une fonction causale telle que l’ensemble de définition de L( f ) est non vide. On appelle
abscisse de sommabilité de f la borne inérieure de domaine de définition de sa transformée de Laplace.

Si on note α l’abscisse de sommabiité, alors


n
α = inf x ∈ R/ la fonction : t 7→ f (t)e−xt est intégrable}

Cette abscisse de sommabilité peut être égale à −∞ lorsque la trasformée de Laplace de f est
définie sur tout R. De plus, si z = x + iy un nombre complexe quelconque, alors on a :

61
4.5 Transformée de Laplace

• la transformée de Laplace L( f )(x) est définie si x > α.


• L( f )(x) n’est pas définie si x < α
• mais pour x = α, on peut avoir les deux cas et L( f ) peut être définie, comme elle peut
être non définie en α
Exemples 4.5.2
• La fonction de heavside H = 1]0,+∞[ est tel que est L(H)(x) = x1 , pour tout x ∈ R. Son abscisse
de sommabilité est α = 0 n’est pas atteint pour cet exemple.
e−xt
Z
1
• Si f : t 7→ 1+t2 , alors L( f ) est définie pour tout réel x ≥ 0, puisque x est intégrable
[0,+∞[ 1 + t
2

si et seulement si x ≥ 0. Ainsi, l’abscisse de sommabilité est atteint en α = 0.


Remarque 4.5.1 ( Relation avec transformée de Fourier)
Soit f une fonction causale. Alors,
1. pour tout x ∈ R,

Z
L( f )(ix) = f (t)e−ixt dµ(t) = 2π fb(x).
R

2. Si z = x + iy ∈ C, alors

Z
L( f )(z) = f (t)e−xt e−iyt dµ(t) = 2π(e−xt
[ f (t))(y).
R

On se limitera à présenter quelques propriétés de la restriction sur la droite réelle, de L( f ).


Propriétés 4.5.1
1. L’application transformée de Laplace est une application linéaire.
2. lim L( f )(x) = 0.
x→+∞
3. Si g(x) = f (x − a), alors L(g)(z) = e−za L( f )(z).
4. Si g(x) = f (αx), pour α > 0, alors L(g)(z) = α1 L( f )( αz ).
Une intégration par partie simple donne :
Proposition 4.5.1 (Transformée de Laplace et dérivation)
Soit f une fonction causale de classe C1 sur R, alors pour tout x ∈ R où L( f ) ainsi que L( f 0 )
sont df́inies en x, on a
L( f 0 )(x) = xL( f )(x) − f (0+ ),
où f (0+ ) = lim+ f (t). On suppose de plus que f est de classe Cp sur R. Alors, si x ∈ R appartenant au
t→0
domaine de définition de L( f ) et L( f (p) ), on a
L( f (p) )(x) = xp L( f )(x) − xp−1 f (0+ ) − xp−2 f 0 (0+ ) − ... − f (p−1) (0+ )

62
4.5 Transformée de Laplace

Proposition 4.5.2 (Transformée de Laplace et produit de convolution)


Soient f et g deux fonctions causales admettant de transformée de Laplace. Si x0 est la plus grande
d’abscisses de sommabilité de f et de g, alors,

L( f ∗ g)(x) = L( f )(x)L(g)(x), ∀ x > x0 .

Application
Parmi les applications importantes de la transformée de Laplace, on trouve la résolution
des équations différentielles ordinaires, ou plus gńéralement, des systèmes différentiels avec
conditions initiales.
Comme exemple, soit à résoudre l’équation différentielle ordinaire simple suivante :

f ”(t) − 2 f 0 (t) = 0, f (0) = 1, f 0 (0) = 2. (4.6)

On sait que cette équation admet une solution unique f sur R. En appliquant la transformée
de Laplace dans cette équation, on obtient,

x2 L( f )(x) − x f (0) − f 0 (0) − 2xL( f )(x) + 2 f (0) = 0

Par conséquent,
(x2 − 2x)L( f )(x) − x = 0
x 1
et donc L( f )(x) = = . D’après l’exemple 4.5.1 on peut prendre f (t) = e−2t , pour
x2− 2x x − 2
t > 2. On vérifie alors que f (t) = e−2t est la solution unique de l’équation différenteille (4.6)
sur tout R.
Remarquons ici que le coefficient x2 −2x devant L( f ) correspond à l’équation caractéristique
de (4.6).
En général, si on applique la transformée de Laplace à une équation différentielle linéaire,
alors L( f ) est une fraction rationnelle en x. Il suffit de faire la décomposition en éléments
simples de cette fraction dans C[x].On peut, par la suite utiliser la table de transformée de
Laplace de fonctions usuelles, pour trouver la solution f correspondante.

Exercice 4.5.1
Utiliser la transformée de Laplace pour trouver la solution de système différentiel suivant :

x (t) − y0 (t) + x(t) − y(t) = 2 + 3e2t


( 0

x0 (t) + 2y0 (t) − 3x(t) = 3 + 2e2t

avec, x(0) = 4 et y(0) = 1.

63
Chapitre 5

Espace de Hilbert

Introduction
Les espaces de Hilbert 1 généralisent la notion d’espaces Euclidiens et ils sont des outils
indispensables dans la théorie des équations aux dérivées partielles et en analyse de Fourier.
Ces espaces sont réels ou complexes, de dimension finie ou infinie où ses éléments peuvent
se décomposer dans des bases orthonormées. Ils se caractérisent aussi par le théorème
de Pythagore, l’égalité de parallélogramme et le théorème de projection sur les ensembles
convexes.
On rappelle que si V est un R- espace vectoriel, toute forme bilinéaire, symétrique définie
positive, définit un produit scalaire sur V. Comme exemples de produit scalaire, on trouve :
d
X
1. V = R , et (x, y) =
d
xi yi , pour tous vecteurs x et y de Rd .
i=1

2. V = Mn (R) et (A, B) = trace(A.BT ), pour toutes matrices A et B de Mn (R).


Z
3. V = L (Ω, R), pour Ω un ensemble mesurable de R et ( f, g) =
2 d
f gdµ.

Les deux premiers espaces sont de dimensions finis, le troisième est de dimension infinie.

5.1 Espaces de Hilbert


Dans ce chapitre K = R ou C.

Définition 5.1.1
Soit V un K- espace vectoriel. Un produit scalaire sur V est une application (., .) : V × V → K
vérifiant :
1. David Hilbert, 1862-1943 : mathématicien Allemand

64
5.1 Espaces de Hilbert

i) (αu + βv, w) = α(u, w) + β(v, w), ∀ u, v, w ∈ V, ∀ α, β ∈ K. (Linéarité par rapport à la


première variable).
ii) (u, v) = (v, u), ∀ u, v ∈ V. (Anti-symétrie).
iii) (u, u) ≥ 0, ∀ u ∈ V et (u, u) = 0 ⇒ u = 0. (Application définie positive).

On dit aussi que le produit scalaire (., .) est une forme sesquilinéaire ( losqu’elle vérifie i) et
ii)) définie positive (grace à iii)).
Un espace V muni d’un produit scalaire est un espace préhilbertien (réel ou complexe).
Il est Hermitien si K = C. Si V est de dimension finie et K = R, il est dit Euclidien.

Exemples 5.1.1
d
X
1. V = C , et (x, y) =
d
xi yi , pour tous vecteurs x et y dans Cd .
i=1
T
2. V = Mn (C) et (A, B) = trace(A.B ), pour toutes matrices complexes A et B.
Z
3. V = L (Ω, C), pour Ω un ensemble mesurable de R et ( f, g) =
2 d
f gdµ

Proposition 5.1.1 (Inégalité de Cauchy-Schwarz);


Soit (., .) un produit scalaire sur un espace préhilbertien V. Alors
p p
|(u, v)| ≤ (u, u) (v, v), ∀ u, v ∈ V.

Preuve. On traite le cas (u, v) est réel. Pour tout réel t, le trinôme t 7→ (u + tv, u + tv) =
(u, u) + t((u, v) + (u, v)) + t2 (v, v) ≥ 0. Son discriminant ∆ = ((u, v) + (u, v))2 − 4(u, u)(v, v) =
4|(u, v)|2 − 4(u, u)(v, v) ≤ 0, d’où le résultat. Si (u, v) est complexe pur, alors (u, v)((u,¯ v) =
(u(u,¯ v), v(u,¯ v)). En appliquant le cas précédent pour ũ = u(u,¯ v), et ṽ = v(u,¯ v)v, on obtient :
p p p p
|(ũ, ṽ)| = |(u, v)|2 ≤ (ũ, ũ) (ṽ, ṽ) = (u, u) (v, v)|(u, v)|.

Il suffit de simplifier par |(u, v)| pour conclure.

Définition 5.1.2 (Norme préhilbertienne)


Soit (., .) un produit scalaire sur V. On définit sur V la norme associée à (., .) par :
p
kvk = (v, v).

Propriétés 5.1.1
Soit V un espace préhilbertien. Alors, par un calcul simple on peut montrer que, pour tous u, v
dans V, on a

65
5.2 Théorème de projection


ku + vk2 = kuk2 + kvk2 si et seulement si Réel(u, v) = 0.
— Identité du parallélogramme :
ku + vk2 + ku − vk2 = 2(kuk2 + kvk2 ).

u
u+v

u−v

Figure 5.1 – Identité de parallélograme

Remarque 5.1.1 Si une norme k.k dans un espace vectoriel V ne vérifie pas l’identité de pa-
rallégramme, alors (V, k.k) n’est pas un espace préhilbertien.
Définition 5.1.3 (Espace de Hilbert)
On dit qu’un espace préhilbertien H, muni de la norme k.k associée au produit scalaire (., .) est un
espace de Hilbert si (H, k.k) est un espace de Banach.
Exemples 5.1.2
+∞
X +∞
X
1. L’espace V = ` (C) = {(un )n∈N /
2
|un | < ∞}, muni de produit scalaire (u, v) =
2
un vn
n=0 n=0
pour tous u = (un ), v = (vn ) ∈ V, est un espace de Hilbert.
Z 1
2. V = C([0, 1]) muni de produit scalaire, ( f, g) = f gdµ est un espace préhilbertien qui
0
n’est pas complet pour la norme k.k2 , associée à ce produit scalaire, il n’est pas donc un Hilbert.
3. (C([0, 1]), k.k∞ ) n’est pas un espace préhilbertien, car la norme infinie k.k∞ ne vérifie pas
l’identité de parallélogramme.

5.2 Théorème de projection


Projection sur un convexe
Un ensemble C est dit convexe s’il contient toute combinaison convexe de ses éléments :
∀ u, v ∈ C, ∀ λ ∈ [0, 1], λu + (1 − λ)v ∈ C.

66
5.2 Théorème de projection

La projection sur un convexe caractérise les espaces de Hilbert (voir fig (5.2)).

Proposition 5.2.1
Soit C un ensemble convexe fermé non vide d’un espace de Hilbert H. Alors,
a) pour tout u ∈ H, il existe un unique vecteur PC u ∈ C vérifiant :

ku − PC uk = inf kv − uk.
v∈C

b) Le point PC u est caractérisé par

Réel(u − PC u, v − PC u) ≤ 0, ∀ v ∈ C.

c) L’application PC vérifie
kPC u − PC vk ≤ ku − vk, ∀ u, v ∈ H.

u C
PC u

Figure 5.2 – Projection sur un convexe

Preuve.
a) Soit α = inf ku − vk, alors, α < ∞ et il existe une suite minimisante (vn ) de C vérifiant
v∈C
ku − vn k → α . Montrons que la suite (vn ) est de Cauchy. On a, pour tout n, m ∈ N,
n→+∞

kvn − vm k2 = 2(kvn − uk2 + kvm − uk2 ) − kvn + vm − 2uk2 .

Or
4α2 ≤ kvn + vm − 2uk2 = 4k vn +v
2
m
− uk2 = 4k vn2−u + um2−u k2 (car vn +v
2
m
∈ C)
≤ 4( 2 kvn − uk + 2 kvm − uk ) → 4α
1 2 1 2 2 .
n→+∞

67
5.2 Théorème de projection

Par conséquent lim kvn + vm − 2uk2 = 4α2 et donc lim kvn − vm k2 = 4α2 − 4α2 = 0. La
n→+∞ n→+∞
suite (vn ) est de Cauchy et H est un Hilbert donc complet, soit PC u = lim vn . On a
n→+∞
alors
kPC u − uk = lim kvn − uk = α = inf kv − uk.
n→+∞ v∈C

Montrons que PC u est unique. Supposons qu’il existe u1 et u2 vérifiant ku1 − uk =


ku2 − uk = inf kv − uk. Comme C est convexe, donc u1 +u
2
2
∈ C et il en découle
v∈C

u1 + u2
ku1 − uk2 ≤ k − uk2 = k 12 (u1 − u) + 12 (u2 − u)k2 < 12 ku1 − uk2 + 12 ku2 − uk2 ,
2
car l’application v 7→ kvk est strictement convexe. Contradiction car ku1 − uk = ku2 − uk.
b) Soit v ∈ C, alors pour t ∈]0, 1], PC u + t(v − PC u) ∈ C et

kPC u−u+t(v−PC u)k2 = kPC u−uk2 +2tRéel(PC u−u, v−PC u)+t2 k(v−PC u)k2 ≥ kPC u−uk2 .

Après simplification par t ≥ 0, on obtient le résultat désiré.


c) Soit u, v ∈ C. Alors,

Réel(u − PC u, PC v − PC u) ≤ 0 et Réel(v − PC v, PC v − PC v) ≤ 0.

En faisant la somme de deux inégalités on obtient

Réel(u − PC u − (v − PC v), PC v − PC u) ≤ 0.

kPC u −C vk2 = Réel(PC v − PC u, PC v − PC u) ≤ Réel(v − u, PC v − PC u) ≤ kv − ukkPC u − PC uk.


D’où le résultat.

5.2.1 Projection sur un sous espace vectoriel fermé


Définition 5.2.1
Soit V un espace préhilbertien. On dit que deux vecteurs u et v de V sont orthogonaux si (u, v) = 0,
on note dans ce cas u ⊥ v. On dit qu’ils sont perpondiculaires si Réel(u, v) = 0.

Si V est un R- espace vectoriel, les deux notions coı̈ncident, mais lorsque K = C, pour
tout vecteur non nul v ∈ V, v et iv sont perpendiculaires, mais non orthogonaux, puisque
(v, iv) = −ikvk2 .

68
5.2 Théorème de projection

Définition 5.2.2
Soit F un sous espace vectoriel d’un espace de Hilbert H. On appelle orthogonal de F et on note

F , le sous espace vectoriel :

F⊥ = {u ∈ H / (u, v) = 0, ∀ v ∈ F}.

Corollaire 5.2.1 (Projection sur un s.e.v)


Soit F un sous espace vectoriel fermé d’un espace de Hilbert H.
1. La projection PF d’un vecteur u ∈ H sur F est le vecteur PF u ∈ F caractérisé par u − PF u ∈ F⊥ .
2. L’application PF est une application linéaire continue.

Preuve.
1. Le sous espace vectoriel F est toujours convexe, s’il est de plus fermé, la projection PF
est caractérisée par
(u − PF u, v − PF u) ≤ 0, ∀ v ∈ F.
Soit w ∈ F. Comme PF u ∈ F, alors v = w+PF u ∈ F. Donc (u−PF u, w) ≤ 0. Puisque F est un
sous espace vectoriel, donc (u − PF u, −w) ≤ 0. Par conséquent (u − PF u, w) = 0, ∀ w ∈ F.
2. Pour tout u, v ∈ H, et pour tout λ ∈ K, alors u + v − (PF u − PF v) = u − PF u + v − PF v ∈ F⊥
et λu − λPF u = λ(u − PF u) ∈ F⊥ . De plus PF u + PF v ∈ F et λPF u ∈ F. D’après la
caractérisation de la projection sur F, donc PF (u + v) = PF u + PF v et PF (λu) = λPF u.
D’où la linéarité de PF . Cette application linéaire est, d’après (5.2.1), Lipschitzienne,
puisqu’elle vérifie,
kPF u − PF v)k = kPF (u − v)k ≤ ku − vk.
Donc elle est continue.

Proposition 5.2.2
Si F est un sous espace vectoriel fermé d’un espace de Hilbert H, alors

+ ⊥.
H = F F

Preuve. Clairement F ∩ F⊥ = {0}, car si v ∈ F ∩ F⊥ , alors (v, v) = kvk2 = 0, donc v = 0. Si v ∈ H


alors v = v − PF v + PF v et PF v ∈ F et (v − PF u, v) = 0, ∀ v ∈ F. Donc u − PF u ∈ F⊥ .

Corollaire 5.2.2
Soit F un sous espace vectoriel d’un espace de Hilbert H. Alors F est dense dans H si et seulement
si F⊥ = {0}.

69
5.2 Théorème de projection


Preuve. Il suffit de montrer que F⊥ = (F)⊥ . En effet, F ⊂ F, donc F ⊂ F⊥ . Soit u ∈ F⊥ , on doit

montrer que u ∈ F , ou encore que (u, v) = 0, pour tout v ∈ F. Soit v ∈ F, il existe une suite
(vn ) ∈ F telle que lim vn = v. Comme vn ∈ F, donc (vn , u) = 0. Or |(vn , u)−(v, u)| = |(vn −v, u)| ≤
n→+∞
1 1 ⊥
kvn − vk 2 kuk 2 → 0 . Donc lim (vn , u) = (v, u) = 0. Ainsi u ∈ F et les deux espaces sont égaux.
n→+∞ n→+∞

Si F est dense dans H, donc F = H. Par conséquent F = {0} = F⊥ . Inversement, si F⊥ = {0},

donc F = {0}. Comme F est fermé, donc il et en somme directe dans H avec son orthogonal
qui est réduit au vecteur nul et par suite F̄ = H.

5.2.2 Théorèmes de représentation


Dans un espace de Hilbert, toute forme linéaire continue peut être représentée d’une
façon unique par un vecteur de cet espace. On commence d’abord par évoquer le critère de
continuité d’une application linéaire.
Proposition 5.2.3 (Continuité d’une application linéaire)
Soit (E, k.kE ) et (F, k.kF ) deux K-espaces vectoriels. Soit L : E → F une application linéaire. Alors,
les assertions suivantes sont équivalentes :
i) L est continue sur E
ii) L est continue en 0
iii Il existe C > 0 telle que
kL(v)kF ≤ CkvkE , ∀ v ∈ E.
Preuve. Soit L : E → F linéaire continue. Si L est continue sur E, alors L est continue en 0, et
donc, i) implique trivialement ii).
Si L est continue en 0, pour  = 1, il existe η > 0, tel que si kvkE ≤ η, alors kL(v)kF ≤ 1. Soit
ηv
v ∈ E, v , 0E , (pour v = 0E , l’inégalité est vérifiée), alors 2kvkE est dans la boule de centre 0 et
de rayon η, donc
ηv η
kL( )kF = kL(v)kF ≤ 1.
2kvkE 2kvkE
Soit donc kL(v)kF ≤ CkvkE , pour C = η2 . Ainsi ii) donne iii).
Enfin, si L vérifie iii), et comme elle est linéaire, elle est alors Lipschitzienne et donc L
continue sur E, i) est bien vérifiée.

Remarque 5.2.1
Souvent, on utilise ii) pour montrer qu’une application linéaire est continue.
Théorème 5.2.1 ( de Représentation de Riesz 2 )
2. Frigyes Riesz, 1880-1956 : mathématicien Hongrois

70
5.2 Théorème de projection

Soit H un espace de Hilbert. Si f : H → K une forme linéaire continue, il existe un unique u ∈ H


tel que
f (v) = (u, v) ∀ v ∈ H.

Preuve. On pose F = ker f , le noyau de f . Comme f est continue, donc F est un fermé de
H. Si F⊥ = {0}, alors (F⊥ )⊥ = H = F, dans ce cas, f est l’application nulle, u = 0 répond à la
question.
Sinon, il existe un vecteur non nul, w ∈ F⊥ . Puisque F et son orthogonal sont en somme
directe, w < F et f (w) , 0.
f (v) f (v)
Pour tout v ∈ H, v − f (w) w ∈ F, donc (w, v − f (w) w) = 0. En conséquence,

f (w) f (w)
f (v) = 2
(w, v) = ( w, u),
kwk kwk2
f (w)
où k.k désigne la norme de H associée à son produit scalaire. Il suffit de choisir u = kwk2
w
pour conclure l’existence.
Pour l’unicité, on suppose qu’il existe u1 et u2 dans H, tels que

f (v) = (u1 , v) = (u2 , v) ∀ v ∈ H.

Pour v = u1 − u2 , on obtient,

f (u1 − u2 ) = (u1 , u1 − u2 ) = (u2 , u1 − u2 ).

Si on fait la différence entre les deux termes en produit scalaire, on déduit (u1 − u2 , u1 − u2 ) =
ku1 − u2 k2 = 0 et par suite u1 = u2 .

Théorème 5.2.2 de Lax 3 -Milgram 4


Soit H un espace de Hilbert réel dont k.k et sa associée à son produit scalaire. Soit a : H × H → K
une forme bilinéaire symétrique :
i) continue : il existe C > 0, tel que |a(u, v)| ≤ Ckukkvk, pour tout u, v ∈ H.
ii) coercive : il existe α > 0, tel que |a(v, v)| ≥ Ckvk2 , pour tout v ∈ H.
Soit f une forme linéaire continue.
Alors, il existe u ∈ H unique tel que

a(u, v) = f (v), ∀ v ∈ H.

De plus, J(u) = min J(v), où la fonctionnelle quadratique J : H → R, v 7→ 21 a(v, v) − f (v)


u∈H

3. Peter Lax, 1926-.. : mathématicien Hongrois


4. Arthur Milgram, 1912-1961 : mathématicien Américain

71
5.3 Base Hilbertienne

Preuve. De la coercivité, on tire que la forme bilinéaire symétrique a : (u, v) 7→ a(u, v), définit
un produit scalaire sur H dont on notera sa norme associée par k.ka . Grâce à la continuité et à
la coerciveté, on vérifie facilement que les deux normes k.ka et k.k sont équivalentes dans H.
Il suffit d’appliquer le théorème de représentation de Riesz pour la forme linéaire continue
f pour le produit scalaire a(., .). On montre alors la première partie de théorème.
Pour montrer que u réalise le minimum de J sur H, un calcul simple montre que :

J(v) = J(u) + 21 a(v − u, v − u) ≥ J(u), ∀ v ∈ H.

Ce minimum est unique. En effet tout minimum u de J sur H vérifie la condition d’optimalité,
J0 (u) = a(u, .) − f = 0. Donc l’unicité de u découle de la première partie de théorème de Lax-
Milgram.

5.3 Base Hilbertienne


On rappelle que le sous espace engendré par une famille de vecteurs finie ou infinie (vn )
est l’ensemble des combinaisons linéaires finies de vecteurs de cette famille.

Définition 5.3.1 Espace séparable


Un espace de Hilbert H est dit séparable si’il existe dans H une famille de vecteurs (vn )n∈N telle
que le sous espace engendré par cette famille est dense dans H.
Autrement dit, un espace de Hilbert H est dit séparable, s’il admet une partie dénombrable dense
dans H.

Exemples 5.3.1
1. Tout espace vectoriel de dimension finie est séparable. En effet toute famille libre de n = dimE,
est dense dans cet espace.
+∞
X
2. l’espace ` = {(un )n∈N /
2
|un |2 < ∞} est séparable, il est engendré par la base dénombrable
n=0
(up )p∈N , pour up = (0, ..., 1 , 0, ...).
p−ième

Définition 5.3.2 Base Hilbertienne


Soit (en )n∈N une famille d’un espace de Hilbert H. On dit que la famille (en ) est une base hilbertienne
de H si
— (en , em ) = 0, ∀ n , m et ken k = 1, ∀ n ∈ N
— Vect{en , n ∈ N} ; l’ensemble des combinaisons finies de en , est dense dans H.

Proposition 5.3.1

72
5.3 Base Hilbertienne

Soit (en ) une base hilbertienne d’un espace de Hilbert H. Alors tout vecteur v ∈ H s’écrit d’une
manière unique X
v= (v, en )en .
n∈N

De plus X
kvk2 = (v, en )2 .
n∈N

Preuve. Soit le sous espace vectoriel de dimension finie Vn = Vect{e1 , e2 , ..., en }. Alors Vn est
un fermé de H. On considère Pn la projection sur Vn . Pour tout v ∈ H,
n
X
Pn v = (v, ek )ek .
k=1

Cette projection Pn vérifie,


n
X 1
kPn vk = ( |(v, ek )|2 ) 2 ≤ kvk.
k=1
Pn
Ainsi, la série à termes positifs, k=1 |(v, ek )2 est majorée, elle est donc convergente et par
conséquent de Cauchy. D’autre part, pour n, m ∈ N, m ≤ m,
n
X
kPn v − Pm vk =2
|(v, ek )|2 → 0 .
n,m→+∞
k=m+1

(Pn ) est aussi de Cauchy dans H qui est complet, donc convergente. Soit w = lim Pn v. Alors,
n→+∞
pour tout k ≤ n, ek ∈ Vn , donc (v − Pn v, ek ) = 0. Si on fait tendre n vers +∞, on obtient
(v − w, ek ) = 0, pour tout k. Comme (ek ) forme une base de H, on conclut que v = w et que
X+∞
v= (v, en )en . De plus
n=1

n
X X
kPn vk =
2
(v, ek )2 → kvk2 = |(v, ek )|2 .
n→+∞
k=1 k∈N

Proposition 5.3.2
Tout espace de Hilbert séparable possède une base Hilbertienne.

73
5.3 Base Hilbertienne

Preuve. Il suffit d’utiliser le procédé d’orthogonalité de Gram 5 -Schmidt 6 .


On rappelle que tous les espaces euclidiens de dimension n, sont isomorphes à Rn et
on montre dans la proposition qui suit, que tout espace de Hilbert de dimension infinie est
isomorphe à `2 .

Proposition 5.3.3
Tous les espaces de Hilbert séparables de dimension infinie sont isomorphes entre eux.
X
Preuve. Soit (en ) une base hilbertienne et soit Φ : ` → H, v = (vn )n∈N 7→
2
vn en . Alors Φ est
n∈N
linéaire et X 1
kΦ(v)k = ( |vn |2 ) 2 = kvk.
n∈N

Donc Φ est injective, de plus elle est surjective par construction, donc Φ est un isomorphisme.

5. Jørgen Pedersen Gram, 1850-1916 : mathématicien Danois


6. Erhard Schmidt, 1876-1959 : mathématicien Allemand

74
Chapitre 6

Distributions

Introduction
Les distributions sont des outils mathématiques utilisés pour représenter des phénomènes
physiques que les fonctions classiques sont incapables de transcrire. Elles permettent de faire
des calculs systématiques des valeurs non calculables de manière classique, comme la masse
d’un objet ponctuel, la charge éléctrique ponctuelle...
La théorie de distribution a été introduite aussi pour élargir la notion de fonctions et pour
étendre la notion de dérivation pour des fonctions qui ne sont pas même continues. Plu-
sieurs problèmes en ingénierie conduisent à des équations différentielles ou à des équations
aux dérivées partielles dont les solutions ne sont pas des fonctions ordinaires mais des
distributions.
Pour simplifier encore une fois, on définit les distributions sur Ω un ouvert de R, (d = 1).

6.1 Fonction à support compact

Définition 6.1.1 ( Support d’une fonction et ensemble D(Ω))


Soit ϕ : Ω → K, (K = R ou K = C). Le support de ϕ est l’ensemble noté Supp(ϕ), qui est défini
par :
n o
Supp( f ) := x ∈ Ω, ϕ(x) , 0 .
C’est le plus petit fermé de Ω contenant l’ensemble {x ∈ Ω / ϕ(x) , 0} et en dehors duquel ϕ est
nulle.

Remarque 6.1.1 On a alors, pour toutes fonctions ϕ et ψ,

Supp(ϕψ) ⊂ Supp(ϕ) ∩ Supp(ψ).

75
6.2 Distribution et espace D0 (Ω)

Cette inclusion est stricte en général, comme contre exemple, il suffit de prendre ϕ = IR+ et ψ = IR− .

∅ = Supp(ϕψ) ( Supp(ϕ) ∩ Supp(ψ) = {0}.

Exemples 6.1.1
1. La fonction ϕ : x 7→ xI[0,+∞[ est de support [0, +∞[.
(
0 si |x| ≥ a
2. Pour a ∈ R+ , la fonction ϕa : x 7→

est de support [−a, a].
exp (− a2 −x2 ) si |x| < a.
1

On notera D(Ω) l’ensemble des fonctions ϕ : R → K de classe C∞ à support borné, donc


compact puisque les fermés bornés dans R sont les compacts.
Clairement D(Ω) est un espace vectoriel.

6.1.1 Continuité dans D(Ω)


On utilise la caractérisation séquentielle de la continuité dans D(Ω).

Définition 6.1.2 (Convergence dans D(Ω))


Soit (ϕn ) une suite de fonctions de D(Ω) et soit ϕ ∈ D(Ω). On dit que (ϕn ) converge vers ϕ dans
D(Ω) si :
— Il existe un compact K de Ω tel que Supp(ϕn ) ⊂ K, pour tout entier n ∈ N.
(q)
— Pour tout entier naturel q, la suite de la dérivée q−ième (ϕn ) converge uniformément sur Ω
vers ϕ(q) .
La suite (ϕn ) converge donc vers ϕ dans D(Ω), si les supports de toutes les fonctions ϕn sont contenus
(q)
dans un même ensemble borné et pour tout entier q ∈ N donné, la suite (ϕn ) converge uniformément
vers ϕ(q) .

6.2 Distribution et espace D0(Ω)


Définition 6.2.1
Une application T : D(Ω) → K est dite une distribution si :
— L’application T est une forme linéaire :

T(ϕ + λψ) = T(ϕ) + λT(ψ), ∀ ϕ, ψ ∈ D(Ω), ∀ λ ∈ K.

— Si (ϕn ) une suite de D(Ω) qui converge vers ϕ dans D(Ω), alors |T(ϕn ) − T(ϕ)| → 0 . (La
n→+∞
suite réelle ou complexe T(ϕn ) converge vers T(ϕ) dans K).
L’ensemble de distributions sur Ω est noté D0 (Ω).

Remarques 6.2.1

76
6.2 Distribution et espace D0 (Ω)

- Si T est une distribution, on note T(ϕ) =< T, ϕ >, le crochet de dualité, pour toute fonction test
ϕ ∈ D(Ω).
- Une distribution T ∈ D0 (Ω) est nulle si

< T, ϕ >= 0, ∀ ϕ ∈ D(Ω).

6.2.1 Caractérisation et ordre d’une distribution


Une deuxième façon pour définir les distributions est comme suit :

Définition 6.2.2 (2ème définition d’une distribution)


Une forme linéaire T : D(Ω) → R est une distribution si et seulement si :
Pour tout compact K de Ω, il existe nK ∈ N, et CK > 0, tels que

∀ϕ ∈ D(Ω), à support dans K, | < T, ϕ > | ≤ CK max kϕ(q) k∞ ,


q∈N,q≤nK

où kψk∞ = sup |ψ(x)| désigne la norme infinie sur Ω d’une fonction ψ : Ω 7→ K de L∞ (Ω).
x∈Ω

Définition 6.2.3 (Ordre d’une distribution)


Soit T ∈ D0 (Ω). On appelle ordre de T, le plus petit entier naturel n, s’il existe, vérifiant : pour
tout compact K de Ω, CK > 0, tels que

∀ϕ ∈ D(Ω) à support dans K, | < T, ϕ > | ≤ CK max kϕ(q) k∞ .


q≤n

c’est-à-dire si le nk dans la définition précédente est indépendant de K et peut toujours être pris égal à
n.

6.2.2 Exemples élémentaires de distributions


Distribution régulière
On désigne par L1loc (Ω) l’espace
Z de fonctions localement intégrables sur Ω, i.e., l’ensemble
de fonctions f : Ω → K telle | f |dµ < ∞, pour tout compact K ⊂ Ω.
K
L1 (Ω) est un sous espace strict de L1loc (Ω), la fonction x 7→ ex est, par exemple localement
intégrable mais non intégrable sur R.
L’espace L1loc (Ω) contient aussi toutes les fonctions continues, ou les fonctions mesurables
et bornées sur Ω. Ainsi, les espaces C(Ω), L1 (Ω) et L∞ (Ω) sont inclus dans 0
R D (Ω).
Pour toute fonction f ∈ L1loc (Ω), l’application T f : D(Ω) → K, ϕ 7→ Ω ϕ f dµ définit une
distribution. En effet,

77
6.2 Distribution et espace D0 (Ω)

— T f est linéaire.
— Soit (ϕn ) de D(Ω) qui converge vers ϕ dans D(Ω). Il existe un compact K de Ω telle
que Supp(ϕn ) ⊂ K, pour tout entier n vérifiant sup |ϕn (x) − ϕ(x)| → 0 .
x∈K n→+∞
Alors
Z Z
|T f (ϕn ) − T f (ϕ)| = | f (ϕn − ϕ)|dµ ≤ sup |ϕn (x) − ϕ(x)| | f |dµ → 0 .
K x∈K K n→+∞

L’application T f est bien une distribution. Cette distribution est d’ordre 0, puisque,
pour tout compact
Z K de Ω, |T(ϕ)| ≤ CK kϕk∞ , pour tout ϕ ∈ D(Ω) à support dans K, et
pour CK = | f (x)|dµ(x).
K

Définition 6.2.4
Une distribution T ∈ D0 (Ω) est dite régulière s’il existe f ∈ L1loc (Ω) telle que T = T f . On identifie
dans ce cas T f à f . Ainsi toute fonction localement intégrable est une distribution. En particulier, toute
fonction presque partout continue sur Ω, ou toute fonction intégrable sur Ω, est une distribution. Si
une distribution T n’est pas régulière, elle est dite singulière. La distribution de Dirac 1 est l’exemple
le plus usuel de distribution singulière.

Distribution de Dirac
Soit a ∈ Ω, l’application δa : D(Ω) → R, ϕ 7→ ϕ(a) définit une distribution. En effet,
-δa est linéaire.
- Soit K un compact de Ω et soit ϕ ∈ D(Ω) à support dans K. Alors, |δa (ϕ)| = |ϕ(a)| ≤ kϕk∞ .
Par conséquent, δa est une distribution d’ordre 0 qui porte le nom de distribution de Dirac.
Montrons qu’elle est singulière. Sinon, il existe f ∈ L1loc (Ω), telle que
Z
δa (ϕ) = f ϕdµ = ϕ(a), ∀ ϕ ∈ D(Ω).

Pour ϕ ∈ D(Ω\{a}) ⊂ D(Ω),


( δa (ϕ) = ϕ(a) = 0. Donc f est nulle presque partout sur Ω. Or pour
0 si |x| ≥ 2a
la fonction ϕa : x 7→ on a ϕa ∈ D(Ω) et δa (ϕa ) = exp − 3a12 , 0.
exp (− 4a2 −x2 ) si |x| < 2a.
1

Contradiction.
La distribution singulière δa s’appelle distribution de Dirac qui est nulle sur tout ouvert
de R ne contenant pas a.
1. Paul Dirac, 1902-1984 : mathématicien et physicien Britanique

78
6.2 Distribution et espace D0 (Ω)

Valeur principale de Cauchy


La fonction f : x 7→ 1
x
n’est pas localement intégrable sur R, mais, pour tout ε > 0,
f ∈ L1loc {|x| > ε}.
ϕ(x)
Z
Soit T : D(R) → R, ϕ 7→ lim+ dx. Alors T est une distribution. En effet si
ε→0 {|x|>ε} x
ϕ ∈ D(R), alors
ϕ(x) ϕ(x)
Z Z
T(ϕ) = lim ( dx + )dx).
→+∞ {x<−ε} x {x>ε} x
Une intégration par partie pour chaque intégrale donne :

ϕ(x)
Z Z
+∞
dx = [ϕ(x) log(x)]ε − ϕ0 (x) log(x)dx,
{x>ε} x {x>ε}
et
ϕ(x)
Z Z
dx = [ϕ(x) log(−x)]−∞ −
−
ϕ0 (x) log(−x)dx.
{x<−ε} x {x<−ε}
Comme ϕ est à support compact, donc ϕ(x) est nulle pour x au voisinage de ±∞, par
conséquent :
ϕ(x)
Z Z
T(ϕ) = lim( dx = log(ε)(ϕ(−ε) − ϕ(ε))) − ϕ0 (x) log |x|dx).
→0 {|x|>ε} x {|x|>ε}

Or
(ϕ(−ε) − ϕ(0) − (ϕ(ε) − ϕ(0)))
log(ε)(ϕ(−ε) − ϕ(ε))) = ε log(ε) → 0+ .
ε ε→0
Z Z Z
ϕ0 (x) log |x|dx = I{|x|>ε} (x)ϕ0 (x) log |x|dx = I{|x|>ε} (x)g (x)dx,
{|x|>ε} R K
pour K = Supp(ϕ) et pour g (x) = I{|x|>ε} (x)ϕ (x) log |x|. On a alors, presque pour tout x ∈ K
0

- lim+ g (x) = ϕ0 (x) log |x|..


→0
- |g (x)| ≤ kϕ0 k∞ | log(|x|)|, pour tout  > 0.
- De plus, la fonction x 7→ log(|x|) est dans L1loc (R), donc elle est dans L1 (K).
Du théorème de la convergence dominée, on déduit que :
Z Z Z
T(ϕ) = lim − ϕ (x) log |x|dx = −
0
log(|x|)ϕ (x)dx = −
0
log(|x|)ϕ0 (x)dx.
→0 {|x|>ε} K R

Il est facile à vérifier que T est une distribution en utilisant sa nouvelle expression puisque
elle est linéaire et elle vérifie
|T(ϕ)| ≤ CK kϕ0 k∞ , ∀ K ⊂ R, compact et∀ ϕ ∈ D(R)/ Supp(ϕ) ⊂ K,

79
6.3 Opérations sur les distributions

Z
où CK = log(|x|)dx. De plus, elle est une distribution d’ordre 1.
K
Cette distribution s’appelle valeur principale de Cauchy et elle est notée vp( x1 ).

6.3 Opérations sur les distributions


6.3.1 Produit d’une distribution par une fonction
Clairement, D0 (Ω) est un K-espace vectoriel, puisque il n’est pas vide, la somme de deux
distributions T et S, et le produit λT, pour λ ∈ K, définies respectivement par

< T + S, ϕ >=< T, ϕ > + < S, ϕ > et < λT, ϕ >= λ < T, ϕ >,

sont aussi des distributions.


On rappelle que le produit de deux fonctions f et g lorsque qu’il existe est défini par
( f g)(x) = f (x)g(x). En tant que distribution, ce produit n’est pas toujours défini, car f g peut
ne pas être localement intégrable, alors que f et g le sont. Comme contre exemple on peut
prendre f = g pour f (x) = √1|x| qui définit bien une distribution sur R.
Cependant, si ϕ ∈ D(Ω) et si ψ ∈ C∞ (Ω), alors la fonction ϕψ ∈ D(Ω). Cette propriété
permet de définir le produit d’une distribution par une fonction de classe C∞ de la facon
suivante :

Définition 6.3.1 (Produit par une fonction de classe C∞ )


Soit T ∈ D0 (Ω) et soit ψ ∈ C∞ (Ω). Le produit ψT de la distribution T par ψ est la distribution,
notée par ψT, et défini par

< ψT, ϕ >:=< T, ψϕ >, ∀ ϕ ∈ D(Ω).

Remarque 6.3.1 L’application linéaire définie précédemment sur calD(Ω), qu’on a noté ψT est bien
une distribution. En effet, soit (ϕn ) ∈ D(Ω) une suite qui converge vers ϕ ∈ D(Ω), alors ψϕn
converge vers ψϕ dans D(Ω). Ainsi

< ψT, ϕn >=< T, ψϕn >→< T, ψϕ >=< ψT, ϕ > . (6.1)

Exemples 6.3.1
1. Le produit xδ0 est bien défini, puisque x 7→ x est de classe C∞ . Soit ϕ ∈ D(Ω), alors

< xδ0 , ϕ >=< δ0 , xϕ >= 0ϕ(0) = 0.

xδ0 est donc la distribution nulle.

80
6.3 Opérations sur les distributions

2. xvp( x1 ) = 1 dans D0 (Ω). En effet


< xvp( 1x ), ϕ > = Z < vp( x1 ), xϕZ>
= lim ϕ(x)dx = ϕ(x)dx.
ε→0 |x|≥ε R

Donc xvp( 1x ) = 1 en tant que distribution.


3. Pour tout réel a, et pour toute fonction de classe C∞ f , on a
< f δa , ϕ >=< δa , f ϕ >= f (a)ϕ(a) =< f (a)δa , ϕ > . (6.2)
Donc f δa = f (a)δa dans D0 (Ω).

6.3.2 Dérivation d’une distribution


Si f une fonction dérivable sur un intervalle ]a, b[ de R, alors f ∈ D0 (]a, b[). Si de plus
f 0 ∈ L1loc (]a, b[), alors, pour toute fonction ϕ ∈ D(]a, b[), la fonction ϕ0 ∈ D(]a, b[). De plus, une
simple intégration par partie donne
Z Z
< T f , ϕ >=
0
fϕ = −
0
f 0ϕ = − < T f 0 , ϕ > .
]a,b[ ]a,b[

On dit dans ce cas que T f 0 est la distribution dérivée de T f . On définit la dérivée d’une
distribution dans le cas général comme suit :
Définition 6.3.2
La dérivée T0 ∈ D0 (Ω) d’une distribution T ∈ D0 (Ω) est définie par
< T0 , ϕ >= − < T, ϕ0 >, ∀ ϕ ∈ D(Ω).
Par récurrence, la dérivée d’ordre m de T ∈ D0 (Ω) est la distribution notée T(m) ∈ D0 (Ω), donnée par
< T(m) , ϕ >= (−1)m < T, ϕ(m) >, ∀ ϕ ∈ D(Ω).
Exemples 6.3.2
— Si T = δ0 , alors < T0 , ϕ >= − < T, ϕ0 >= −ϕ0 (0). Donc δ00 : D(R) → R, ϕ 7→ ϕ0 (0).
— La fonction f : x 7→ |x| est dans L1loc (R), mais f n’est pas dérivable sur R. Si T = T f , alors
Z Z Z
< T , ϕ >= − < T, ϕ >= −
0 0
|x|ϕ (x)dx =
0 0
xϕ (x)dx − xϕ0 (x)dx.
R ]−∞,0[ ]0,+∞[

Suite à une intégration par partie pour chaque intégrale et après simplification on obtient
Z
< T , ϕ >=
0
(−IR− + IR+ )ϕdµ.
R

Donc T = T g , pour g = −IR− + IR+ .


0

81
6.3 Opérations sur les distributions

— On a montré que, pour toute fonction test ϕ ∈ D(R), on a, < vp( 1x ), ϕ >= − < log(|x|), ϕ0 >.
Donc vp( x1 ) n’est autre que la dérivée de la fonction x 7→ log |x| au sens de distribution.

Exercice 6.3.1 Montrer que la fonction f : x 7→ |x| vérifie f 0 = sign(x), f ” = 2δ0 et ... f (k) = 2δ0(k−2)
au sens de distributions.

Exercice 6.3.2 Soit f une fonction dérivable en tout point de R \ {a} et est dérivable à droite et à
gauche en a. On suppose de plus que f 0 ∈ D(R). Montrer que T0f = T f 0 + σδa , où σ = f 0 (a+ ) − f 0 (a− ).

Proposition 6.3.1 Soit T ∈ D0 (Ω) et ψ ∈ C∞ (Ω).

(ψT)0 = ψ0 T + ψT0 . (6.3)

Preuve. Soit ϕ ∈ D(Ω).

< (ψT)0 , ϕ >= − < ψT, ϕ0 >=< T, ψϕ0 > . (6.4)

D’autre part,
< ψ0 T + ψT0 , ϕ > = < ψ0 T, ϕ > + < ψT0 , ϕ >
= < T, ψ0 ϕ > + < T0 , ψϕ >
= < T, ψ0 ϕ − (ψϕ)0 >
= − < T, ψϕ0 > .

6.3.3 Equations dans D0 (Ω)


Proposition 6.3.2 Soit f ∈ C∞ (Ω) telle que f (x) , 0, ∀x ∈ R. Alors l’unique solution T ∈ D0 (Ω)
de l’équation f T = 0 est la solution triviale T = 0 dans D0 (Ω).

Preuve. Soit ψ = ϕ/ f avec ϕ ∈ D(Ω) . Alors ψ ∈ D(Ω) et on a :

< T, ϕ >=< T, f ψ >=< f T, ψ >= O. (6.5)

Proposition 6.3.3 Soit a ∈ R. Toutes les distributions T ∈ D0 (Ω) de l’équation


1. (x − a)T = 0 sont de la forme T = kδa , k ∈ R.
2. (x − a)2 T = 0 sont de la forme T = k1 δa + k2 δ0a . k1 , k2 ∈ R.

Preuve.

82
6.3 Opérations sur les distributions

1. Soit ρ ∈ D(Ω) telle que ρ ≡ 1 dans un voisinage de a. Pour tout ϕ ∈ D(Ω), il existe une
fonction ψ ∈ D(Ω) telle que

ϕ(x) = ϕ(a)ρ(x) + (x − a)ψ(x) et ψ(a) = ϕ0 (a). (6.6)


Z 1
En effet, il suffit de considérer ψ(x) = ξ0 (tx + (1 − t)a)dt ∈ D(Ω), avec ξ = ϕ − ϕ(a)ρ.
0
On a
< T, ϕ >=< T, ϕ(a)ρ > + < T, (x − a)ψ >=< T, ρ >< δa , ϕ > . (6.7)
2. (x − a)T = kδa . Donc

< T, ϕ > = ϕ(a) < t, ρ > + < T, (x − a)ψ >


= ϕ(a) < t, ρ > + < kδa , ψ >
= ϕ(a) < t, ρ > +kψ(a)
= ϕ(a) < t, ρ > +kϕ0 (a).

6.3.4 Convergence dans D0 (Ω)


Définition 6.3.3 Soit (Tn ) une suite de distributions. On dit que la suite (Tn ) converge vers T ∈
D0 (Ω), si
lim < Tn , ϕ >=< T, ϕ >, ∀ ϕ ∈ D(Ω).
n→+∞

Exercice 6.3.3
Soit ( fn ) la suite de fonctions définies sur R par
( sin2 (nx)
si x , 0,
fn (x) = nx2
0 si x = 0.

1. Montrer que, pour tout entier non nul, la fonction fn définit une distribution régulière T fn sur
R.
2. Montrer que lim T fn = δ0 .
n→+∞

Exercice 6.3.4
Montrer que si (Tn ) une suite de distribution qui converge vers T ∈ D0 (Ω), alors (Tn0 ) converge
vers T0 dans D0 (Ω).

83
6.4 Application : Dynamique d’un point matériel

6.4 Application : Dynamique d’un point matériel


En mécanique, les distributions s’appliquent pour traiter des chocs de deux particules
dont l’interaction est ponctuelle dans le temps. Si m est la masse ponctuelle d’une particule
se déplacant sur l’axe des x avec une vitesse v > 0, sa trajectoire est

x(t) = v|t − t0 |, t0 ∈ R.

Si à t = t0 , la particule heurte l’origine, alors l’impulsion p s’écrit

−mv si t < t0
(
p(x) = .
mv si t > t0

Alors, p n’est pas dérivable sur R. Si Tp est la distribution associée à l’impulsion, alors
Tp0 = 2mvδt0 . La force s’exercant sur la particule durant le choc est F = 2mvδt0 qui est une
distribution non régulière.

6.5 Distribution multidimensionnelle


Soit Ω un ouvert de Rd . D’une facon identique que pour d = 1, on définit D(Ω) l’espace
des fonctions de classe C∞ à support compact dans Ω.

Exemple 6.5.1 (
0 si ||x − a|| ≥ 1
Si a ∈ R et ϕa : x ∈ R 7→
d d
, où k.k désigne la norme
exp (− 1−||x−a||2 ) si ||x − a|| < 1.
1

euclidienne de Rd , alors ϕa et toutes ses dérivées partielles sont dans D(Rd ).

Lorsque ϕ : Ω ⊂ Rd → K est une fonction de variable x = (x1 , x2 , ..., xd ) dans Rd , les


dérivées, (ou différentielles) successives de ϕ s’expriment en fonction de dérivées partielles
par rapport aux xi , i = 1, ..., d.
Notation : Si α = (α1 , α2 , ..., αd ) ∈ Nd un muti-indice, on note |α| = α1 + α2 + ... + αd . La
dérivée partielle d’ordre α de ϕ est

α
∂α1 +α2 +...+αd ϕ ∂|α| ϕ
∂ ϕ= = α1
∂xα1 1 ...∂xαd d ∂x1 ...∂xαd d

On définit d’une façon identique la notion de distribution sur un ouvert Ω de Rd , en


remplaçant l’ordre de la dérivée p ∈ N pour une fonction de variable réelle par le multi-
indice α ∈ Nd

84
6.5 Distribution multidimensionnelle

On appelle alors distribution toute forme linéaire T : D(Ω) → K vérifiant : pour tout
compact K de Ω, il existe nK ∈ N, et CK > 0, tels que

∀ϕ ∈ D(Ω), à support dans K, | < T, ϕ > | ≤ CK max k∂α ϕk∞ .


α∈N, |α|≤nK

De même, la dérivée partielle par rapport à une variable xi d’une distribution T, est la
∂T
distribution, notée ∂xi
, est telle que :

∂T ∂ϕ
< , ϕ >= − < T, >, ∀ ϕ ∈ D(Ω).
∂xi ∂xi
Si α = (α1 , ..., αd ) un multi-indice, alors, ∂α T est la distribution définie par :

< ∂α T, ϕ >= (−1)|α| < T, ∂α ϕ >, ∀ ϕ ∈ D(Ω).

Le théorème de Schwarz sur les fonctions s’étend aux distributions :

Théorème 6.5.1 (de Schwarz)


Soit T ∈ D0 (Ω). Alors,

∂β ∂α T = ∂α ∂β T = ∂α+β T, ∀ α et β ∈ N,

où α + β = (α1 , ..., αd ) + (β1 , ..., βd ) = (α1 + β1 , ..., αd + βd ).

Exercice 6.5.1
∂δa ∂3 δ a
Soit a ∈ R3 . Calculer puis
∂x2 ∂x1 ∂2 x2

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Références

1. A. Ben Abda, M. Jebalia, M. Mahjoub, Notes de Cours pour Mathématiques pour


l’Ingénieur, ENIT, 2012.
2. J. Bass, Cours de Mathématiques-Tome 2, Masson, 1961.
3. E. Aristidi, Analyse de Fourier Université de Nice Sophia-Antipolis, Version du 30
aout 2016.
4. M. Clerc,M. Olivi, Mathématiques pour l’Ingénieur 1, 2011.
5. D. Euvrard Initiation aux distributions et aux transformations intégrales, Ecoles Na-
tionale de Techniques Avancees, 1980.
6. S. Meignen, V. Perrier, Analyse pour l’Ingénieur, ENSIMAG, 2011 physiques Hermann,
1965
7. F. Roddier. Distributions et transformation de Fourier (à l’usage des physiciens et des
ingénieurs) Ediscience, 1971.
8. L. Schwartz, Méthodes mathématiques pour les sciences

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