Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
Sumpf Joseph. A propos de la philosophie du langage. In: Langages, 6ᵉ année, n°21, 1971. Philosophie du language. pp. 3-
34;
doi : 10.3406/lgge.1971.2078
http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1971_num_6_21_2078
1. Introduction.
En France, les philosophes ont une certaine familiarité avec la
linguistique par l'intermédiaire de F. de Saussure, de Cl. Lévi-Strauss
ou de N. Chomsky. M. Merleau-Ponty a écrit sur l'apport saussurien.
A.-J. Greimas, de son côté, a vu en Merleau-Ponty un des maillons de
cette sémiologie générale qui doit gouverner l'ensemble des sciences
humaines. Si l'on se rapproche de l'actualité, on conçoit qu'un titre
comme celui de Cartesian Linguistics (de N. Chomsky) séduise le public
français. Cette familiarité s'accompagne d'un autre sentiment qu'on
trouve tout au long de l'œuvre de Cl. Lévi-Strauss : on attend beaucoup
de la linguistique. Certes, Cl. Lévi-Strauss lui-même marque les limites
de l'apport de la linguistique. Néanmoins, il demeure frappé par la
cohérence du modèle phonologique, par l'aisance de la pensée de R. Jakobson.
Nous voudrions montrer que (1) les notions qui semblent les mieux
assises, celles de phonème ou de morphème par exemple, sont relativement
vagues; (2) il est de fait que la linguistique est en plein bouleversement
et que les linguistes peinent beaucoup; (3) il existe une voie vers une
solution, que nous qualifierons de philosophique, ou de Philosophie du
langage. C'est sur ce dernier point que nous nous attarderons le plus, à
partir des thèses d'une partie de l'école de N. Chomsky, représentée
notamment par l'œuvre de Katz et Fodor. Par ailleurs, Zeno Vendler,
à l'intérieur de l'école de Z. Harris, peut à bien des égards être rapproché
de Katz et Fodor. Il est évident que, au-delà de l'exposé des thèses,
nous tenterons d'indiquer, après bien d'autres (U. Weinreich, Y. Bar-
Hillel, etc.), les limites, les insuffisances de la solution « philosophique »
et enfin les voies d'une réflexion qui délimitera plus soigneusement,
selon nous, la linguistique et la philosophie.
2. La notion de phonème.
Elle constitue, dès la fin du xixe siècle, la clef, ou une des clefs, de
la naissance de la linguistique scientifique. En effet, dans la tradition
dialectologique française, elle est l'élément de variation le plus fin à
l'intérieur des parlers romans, ainsi que du latin au français. Le phonème
se définit donc par l'élément variable à l'intérieur d'une constante
étymologique. La polémique franco-allemande sur la fatalité des lois phonétiques
tient à la fois à la tradition empiriste française (qui est anti-biologiste,
mais médicale, c'est-à-dire sensible aux écarts pathologiques) et à la
tradition intellectualiste (c'est-à-dire pédagogique et positiviste) qui
veut que ce qui commande l'évolution phonétique, ce soit l'évolution
culturelle. Issue de Franz Boas, la dialectologie américaine ne sera ni
intellectualiste ni empiriste au sens français; chaque dialecte se présentant
dans une aire et une histoire spécifiques, inconscientes et nécessaires.
Cela tient à F. Boas, mais cela tient surtout au fait que les linguistes, même
lorsqu'ils étaient humanistes de formation comme E. Sapir, se trouvaient
devant des langues non familières.
Dans ce cas, on conçoit que le phonème soit apparu pour seulement
ce qu'il était déjà, c'est-à-dire l'aspect le plus élémentaire de la réalité
linguistique, mais aussi le plus descriptible et le plus aisément systéma-
tisable. Mais qu'est-ce que le phonème?
W. Freeman Twadell, dans un texte déjà ancien (1935) \ distingue
successivement :
1. le phonème comme réalité mentale ou psychologique. Le phonème
est ce qu'on répète : « Les phonèmes sont des modèles que les sujets
parlants cherchent à imiter », et cela parce qu'ils sont des éléments de
base du système, que l'on retrouve dans tout le système d'une langue,
parce qu'on peut les définir et qu'ils ont un sens. Scientifiquement parlant,
il est évidemment impossible de parler d'esprit ou de pensée; mais il
est de fait que les sons constituent, comme le dit E. Sapir, un pattern,
un modèle reproductible et reconnaissable d'une manière spécifique
dans chaque langue. Les notions praguoises de « système phonologique »
et de fonction sont évidemment proches de celles de pattern.
2. le phonème comme réalité physique. En fait on lie son et trait
distinctif. C'est le cas chez L. Bloomfield (A Set of Postulats for a Science
of Language). Différents morphèmes peuvent être semblables, ou
partiellement semblables, quant aux traits vocaux. Ainsi /b / dans book et table, /s /
dans stay et west, etc. Définition : « le trait vocal minimal identique est
un phonème ou un son distinctif ». Le phonème est défini par deux données
de base : (a) les sons de la parole; (b) un ensemble de catégories
phonétiques ou traits distinctif s (ouvert /fermé, par exemple). « A chaque
son de parole on fait correspondre un certain sous-ensemble de l'ensemble
des traits distinctif s. En utilisant une terminologie plus usuelle, on dira
que chaque son est constitué de n traits 2. » Quoique volontairement
non mentaliste, physicaliste, cette définition du phonème (cela n'échappe
à personne) ne va pas sans une certaine psychologie du locuteur et du
récepteur : les phonèmes sont des événements physiques, mais ils sont
aussi perçus et en tant que tels reconnus comme semblables ou différents.
S'il y a élimination du sens en tant que fonction, il n'en reste pas moins
3. La notion de morphème.
Nous retrouvons à propos du morphème les procédures de définition
déjà rencontrées à propos du phonème, mais sur le plan syntaxique :
unité minimale, etc. Ce problème est d'importance, car longtemps l'unité
minimale a été le mot et, par là, on se trouvait entraîné nécessairement
3. Cité par E. Fischer- Jergensen, « On the definition of phoneme categories on a
distributional analysis », Ada Linguistica, vol. 7, 1952; trad. fr. in Langages 20, p. 35-60.
4. Cité par Revzin, p. 18.
6
5. F. de Saussure.
Il est connu que le Cours de Linguistique générale a été rédigé d'après
des notes d'élèves 5. Ce premier fait implique déjà un certain type de
communication et, par là, une certaine linguistique. Tout « cours » contient,
entre autres traits, la répétition des thèses, accompagnées ou non
d'exercices et l'idée que cette répétition va renforcer un processus immanent à
toute parole, la mémoire. Il y a équivalence entre écrire, parler, enseigner
(docere) et se remémorer. Cette équivalence établit et crée une sorte
d'évidence contraire à la nature sémantique et syntaxique de la thèse
(néologisme et assertion pure). L'annotation du disciple (ici des
rédacteurs) tente de résoudre cette contradiction.
Cette forme pédagogique du Cours vient à l'encontre de l'hypothèse
la plus plausible quant à sa signification : ce serait une radicalisation, une
formalisation (?) du courant néo-grammairien allemand. Ce que nous
cherchons à défendre, c'est le fait que le bilingue Saussure est tributaire
de la tradition néo-grammairienne allemande et de la tradition pédago-
5. Une édition allemande tente de rétablir l'état disparate initial. Bien entendu,
ce que nous avançons ici quant à la structure du Cours est hypothétique et exigerait
une étude complète du texte et de ses différents états.
gique française. Nous allons tenter de montrer, sur quelques points, que
cela explique un certain nombre d'ambiguïtés et que, de ce fait, le Cours
est avant tout programmatique. On peut même se demander s'il ne s'agit
pas plus d'une epistemologie encore vague de la linguistique que d'une
linguistique proprement dite.
Considérons d'abord le statut du phonème. Les sons sont des espèces
et ce mot doit être pris au sens zoologique 6. Car dans le contexte épisté-
mologique de l'époque,
(1) on le retrouve chez Durkheim : la sociologie traite d'espèces
sociales et non de genres ou de mouvements comme le socialisme. Il
n'existe pas de réalités sociales qui s'appelleraient la société ou
l'humanité. Il existe des espèces sociales reconnaissables, distinctives les unes
des autres : la société française. La société caractérisée par la solidarité
organique, c'est-à-dire complexe.
(2) Ce mot de phonème ressortit au modèle épistémologique légué
par la biologie et exploité par S. Mill dont l'influence est indéniable sur
l'ensemble des sciences humaines à cette époque. Les faits, pour devenir
des objets scientifiques, doivent d'abord être classés. La difficulté et
l'avantage des faits biologiques tiennent à ce que les traits de classement
leur sont internes.
Le phonème est à la fois impression acoustique et acte articulatoire.
« Le phonème est la somme des impressions acoustiques et des
mouvements articulatoires de l'unité entendue et de l'unité parlée, l'une
conditionnant l'autre; aussi c'est déjà une unité complexe qui a un pied dans
chaque chaîne7. » Néanmoins, on peut classer les phonèmes par un trait :
leur degré d'ouverture. Mais, en même temps, F. de Saussure affirme :
« A côté de la phonologie des espèces, il y a donc place pour une science
qui prend pour point de départ les groupes binaires et les consecutions de
phonèmes, et c'est tout autre chose 8. » Bien plus : « Ce n'est pas l'espèce
phonologique qui se transforme, mais le phonème tel qu'il se présente dans
certaines conditions d'entourage, d'accentuation, etc. 9. »
Nous nous approchons donc des notions déjà rencontrées
d'environnement, de pause, etc.
Cette complexité du phonème s'accroît par le fait que phonème et
morphème se trouvent liés dans la théorie de l'unité linguistique.
Autrement dit, l'unité de la tranche de sonorité et du concept est, plus
techniquement parlant, l'unité des morphèmes (racines, affixes) eux-mêmes
caractérisés, d'un côté, parle fait qu'il s'agit d'une suite ininterrompue de
phonèmes, d'un autre côté, par le fait qu'ils ont une signification. Une
séquence ininterrompue de morphèmes est un syntagme.Plusprécisément,
ces éléments sont arbitraires. « Dans la langue il n'y a que des différences
sans termes positifs » (Cours, p. 166). Ils sont « passivement enregistrés»
(Cours, p. 31). Mais ils constituent en même temps, dans le même
moule de la mémoire, un double système : « le rapport syntagmatique est
10. Syntactic Structures, Mouton, La Haye, 1957; trad. fr. Structures syntaxiques,
Le Seuil, 1969, 140 pages.
11
entre les grammaires à états finis et les phrases des langues naturelles
ou le fait qu'une grammaire basée sur la description de la phrase (modèle
syntagmatique-phrase structure grammar) ne rend compte ni des
discontinuités, ni surtout des ambiguïtés. Il ne suffît donc pas de se donner
un foyer et des règles d'expansion, mais il faut découvrir par-delà la
structure de surface ambiguë les structures profondes qui l'expliquent
par les transformations qu'elles rendent possibles. Dire le bouton est
gros est, en fait, une forme de surface de :
Nom d'objet physique Aux Adj
ou Nom d'objet animé Aux Adj
mais il y a aussi ambiguïté sur est qui est soit l'auxiliaire être, soit la forme
est devenu gros, a grossi (le bouton est gros, on peut l'enlever).
Dès lors, le problème se pose de savoir ce qu'est la structure profonde;
et l'on voit, par cet exemple, qu'elle comporte nécessairement le problème
de l'ambiguïté sémantique.
Il y a, dans le cours du développement de la grammaire generative,
une solution philosophique à ces difficultés, qui constitue un certain
achèvement du programme proposé dans Structures syntaxiques.
11. The Philosophy of Language, par Jerrold J. Katz, Harper and Row, New York
et Londres 1966, 326 pages. Ce texte a été précédé de « What's wrong with philosophy
of language? » Inquiry, V, 1962, repris dans Problems in the philosophy of Language,
par Thomas M. Olshewsky (éd.), Holt, Rinehart et Winston, New York, 1969, 774
pages. Le recueil The structure of Language. Readings in the Philosophy of Language,
par J. Fodor et J. Katz (eds), Prentice Hall, 1964, 612 pages, contient : « La
structure d'une théorie sémantique » par Katz et Fodor, les textes essentiels sur la non-
grammatical ité (N. Chomsky, Zifï, Katz), des textes de Quine, Church. Le texte sur
la théorie sémantique est traduit par Denis Slatka dans un volume à paraître chez
Larousse (Introduction à la sémantique). Il faut ajouter à ces recueils un livre de Zeno
Vendler, Linguistics in Philosophy, Cornell University Press, Ithaca, New York, 1967.
203 pages, qui est plus proche de la théorie des transformations telle qu'elle a été
développée par Z. Harris que de celle de N. Chomsky.
12
8. Le problème de la non-grammaticalité.
Dire que l'a priori linguistique est d'abord sémantique, c'est aller
à rencontre des thèses de Structures syntaxiques. La phrase Colorless
green ideas sleep furiously est grammaticale, mais sans signification
directement apparente. Au cours de la discussion qui s'est faite autour
de cet exemple, N. Chomsky a été néanmoins conduit à préciser sa
position et à préparer le terrain aux positions de Katz et Fodor. En premier
lieu, il ne faut pas confondre non-grammaticalité et censure sociale : ce
n'est pas là une question de linguistique théorique. Ce que veut dire
N. Chomsky, c'est que la déviance grammaticale ne peut être jaugée
qu'à partir des règles et ces règles sont tirées de phrases bien formées,
donc complètes c'est-à-dire, comme nous l'avons vu, explicables. En somme,
c'est le modèle qui permet d'expliquer la déviance, ce qui est une règle
scientifique élémentaire.
En second lieu, il y a identité entre phrases bien formées et
grammaire. Dire que la distinction abstrait-concret est sémantique plutôt
que grammaticale, c'est prendre pour borne l'arbitraire des règles de la
grammaire traditionnelle (car pourquoi y inclure masculin et féminin,
par exemple?) ou ne considérer comme grammatical que ce qui correspond
à l'arbitraire du signe (affixes — désinences, etc.). Est grammatical
ce qui est défini par les règles, ce qui ne veut pas dire qu'à un certain
niveau n'apparaisse pas la sémantique. Mais la sémantique est dans les
règles 18. C'est dans ce cadre que se pose le problème de la grammaticalité.
N. Chomsky le résout de la manière suivante : il y a des niveaux de
catégorisation grammaticale qui sont de plus en plus fins; nom + verbe
est moins fin que nom + verbe + nom, nom + animé + verbe -f- nom
non animé, etc. Ainsi :
Misery loves company.
est moins grammatical que :
John loves company.
et:
Abundant loves company.
est moins grammatical que misery loves company.
J. Katz, dans « Semi-Sentences » (dans The Structure of Language,
pp. 400-416) estime que cette solution est insuffisante, car si elle permet
d'évaluer le degré d'éloignement des règles de grammaire, elle n'explique
pas que, à un même niveau de non-grammaticalité, il y a passage brusque
de la compréhension relative à l'incompréhension. Par exemple :
Jean coupe le bœuf
Le vent coupe la mélancolie.
Le bœuf coupe la mélancolie.
De même, J. Katz refuse l'explication de Ziff pour qui la
non-grammaticalité est mesurée par le chemin qu'il faut parcourir pour rétablir
la grammaticalité. Plus ce chemin est simple, plus la non-grammaticalité
est faible. Par exemple : J'ai pensé une pensée verte est plus grammatical
que la phrase Mon cœur bat dans ma poitrine comme il bat dans les
Highlands ou que La scie coupe la sincérité. Mais dans ce cas, on n'a que des
solutions ad hoc, c'est-à-dire en nombre infini. Cependant, on peut
interpréter la thèse de Ziff en considérant que l'environnement de verte,
c'est-à-dire J'ai une pensée est un environnement diagnostique; mais
que faut-il entendre par diagnostique, sinon une forme de catégorisation;
car, autrement, je ne puis distinguer la non-grammaticalité de J'ai pensé
une pensée verte de La scie coupe la sincérité (au lieu du doigt).
J. Katz définit la catégorisation en question par les notions
d'association et de paraphrase : « Un locuteur connaît (au sens où il connaît
les règles de la grammaire de sa langue) un système de règles qui lui
permet d'associer un ensemble non nul de phrases grammaticales à
chaque semi-phrase. Cette association s'effectue sur la base de la structure
que possède la semi-phrase. Et la compréhension par le locuteur de la
semi-phrase n'est rien d'autre que sa compréhension des phrases de
l'ensemble auquel la semi-phrase est associée. Le système des règles
transfère la (les) signification d'un ensemble de phrases associé à la
semi-phrase comme si elle était réellement ces phrases qui lui sont associées
par les règles. Donc, appelons l'ensemble de phrases qui ont leur(s)
signification(s) transférée(s) à une semi-phrase, son ensemble de
compréhension et appelons les règles qui accomplissent ce transfert, des règles
de transfert.
Une conséquence extrêmement importante pour l'étude des semi-
phrases découle de cette explication. Il serait naturel de penser qu'une
semi-phrase, dont l'ensemble de compréhension contient plus d'une seule
phrase, est ambiguë, son degré d'ambiguïté étant fonction directe du nombre
de phrases de son ensemble de compréhension. Mais, à strictement parler,
16
ceci est faux. Une semi-phrase telle que Man bit dog a un ensemble de
compréhension qui contient au moins The man bit the dog, A man bit
a dog, The man bit some dog, Some man bit a dog, etc. Cependant, cette
semi-phrase n'est pas ambiguë. Ce qui est impliqué ici, c'est évidemment
que les phrases de l'ensemble de compréhension sont des paraphrases
l'une de l'autre. Ainsi nous voyons qu'une conséquence de notre
explication est qu'une théorie des semi-phrases ne peut être seulement une
théorie syntaxique, mais qu'elle doit comprendre une composante
sémantique qui doit être assez riche pour fournir certains moyens de décider
quand deux phrases sont des paraphrases l'une de l'autre. Ainsi, nous
pouvons dire «qu'une semi-phrase est ambiguë de n manières si, et
seulement si, son ensemble de compréhension contient n phrases dont aucune
n'est paraphrase de tout autre phrase de l'ensemble et pas plus de n
phrases de ce genre 19 ».
La comparaison entre cette théorie de la paraphrase et de l'ambiguïté
avec celle de Hiz 20 va nous permettre de l'éclairer déplus preset de nous
introduire à la théorie de Katz et Fodor. Les thèses de Hiz sont les
suivantes :
(1) II n'est pas question de la signification, mais seulement de l'identité
ou de la similitude de signification de deux phrases.
(2) II n'est pas question de sémantique forte (celle de Tarski) qui
définit la signification par la vérité, mais de sémantique faible, c'est-à-dire
que l'on se tient à l'intérieur du jeu des phrases.
(3) L'ambiguïté d'une phrase est marquée par le fait que cette
phrase comporte deux paraphrases qui ne sont pas des paraphrases
l'une de l'autre.
(4) La non-ambiguïté serait marquée par le fait qu'aucune des
deux phrases qui ne sont pas les paraphrases l'une de l'autre à l'égard
d'une phrase ne sont des paraphrases de celle-ci, ce qui est à la limite
impossible, car, comme on le sait depuis Aristote, l'auxiliaire être est
en tout cas constamment ambigu. Il n'y a donc pas de désambiguïsation
totale; il y a des domaines, des types d'ambiguïté et de désambiguïsation.
(5) И у a une ambiguïté de situation : II fait froid.
Il y a une ambiguïté lexicale : Springs are useful,
qui disparaîtra en ajoutant des mots nouveaux : Springs are useful for
vegetables.
Il y a une ambiguïté grammaticale qui disparaît sans qu'on fasse
usage de lexemes nouveaux : John cuts easily donne soit It is easy for
John to cut, soit // is easy to cut John.
(6) L'ambiguïté est située en un mot central de la phrase; ici easily.
Cette ambiguïté de easily n'existe pas dans Glass breaks easily, qui donne
Glass breaks; it comes to it easily ou It is easy to break glass. Le mot central
est ici breaks.
(7) On peut constituer autour de certains mots des ensembles para-
phrastiques plus ou moins étendus.
19. Passage traduit par P. Landeau, dans un Mémoire de maîtrise sur la non.'
grammaticalité, Nanterre, 1968-1969.
20. H. Hiz, The role of paraphrase in grammar, Monograph Séries in Language
and Linguistics, n° 17, Report of the 15th annual RTM on Linguistic and Language
Studies, ed. by CIS, M. Stuart, avril 1964, p. 97-104.
17
définie par des unités lexicales et des connecteurs. Mais elle est plus que
cela, car la projection part d'une unité de fait, une langue donnée, des
unités lexicales données, et le travail de sélection du locuteur qui choisit
à l'intersection de chaque niveau de compréhension ce qui va lui
permettre de constituer sa phrase. Ainsi la phrase La femme gagne la grande
chaîne implique le processus de projection suivant :
Phrase
Art
est donc un groupe de sens decomposable par les phrases ou les morceaux
de phrases dans lesquels il peut figurer; (2) le modèle des traits
sémantiques systématiques dans lesquels chaque sens figure au bout d'une
branche donnée :
Garde
sémantique (mâle)
I (mâle)
I action attitude concret
22. P. 12 : « En fait il est clair que nous pouvons caractériser les phrases
inacceptables seulement dans les termes d'une sorte de propriété globale des dérivations
et des structures qu'elles définissent, une propriété qui est attribuable non à une règle
particulière, mais plutôt à la manière dont ces règles interagissent dans une
dérivation. »
23. M. Bierwisch et F. Kiefer, « Remarks on definitions in natural language »
dans Studies in Syntax and Semantics, edited by F. Kiefer, D. Reidel, Dordrecht,
Holland, 1969, p. 61.
24. J. Dubois, « Dictionnaire et discours didactique », Langages 19, 1970,
p. 35-47.
25. « The concepts of definition », dans Olshewsky, p. 288-299.
26. « Theory of definition », dans Olshewsky, p. 282-288.
21
Classification épistémologique.
1) Définition de stipulation (Stipulative définition).
(Je définis une vieille fille comme une fille non mariée de plus de 25 ans.)
lexicale théorique
(sur l'usage linguistique) (sur les objets dont il est parlé)
Les différences entre la définition par stipulation et celle qui pose une
proposition tient à ce que l'intervention du « je » est marquée. Par exemple,
dans un article de dictionnaire, on dira d'une « vieille fille » que c'est
une femme qui n'est pas mariée, mais il faudra trouver alors d'autres
moyens de clôture que la décision du « je ».
D'où les diverses formes de définition qu'indique encore Arthur Pap :
Classification formelle
1) Définition par des exemples
ostensive non-ostensive
opérationnelle non-
opérationnelle
On peut dire que tout dictionnaire use de tous ces procédés d'une manière
ou d'une autre et cela sans qu'il s'agisse d'un usage ad hoc. Certes, la
définition de la table en général et une citation d'A. Gide sur une table
n'ont en apparence aucun rapport, mais, en fait, comme le montre Jean
Dubois dans l'article déjà cité, comme il n'y a pas de clôture logique de
la masse des entrées lexicales, le seul concept de clôture qu'on puisse
se donner, c'est à la fois la langue et le monde. Ce monde peut être
aristotélicien : de Socrate à l'homme, c'est-à-dire de l'individu perçu
immédiatement à ce qui est médiat — ou de ce qui est à ce qui est fait (l'enfant
qui n'est pas l'adulte — l'enfant qu'engendre sa mère). Ce peut être
ce même monde aristotélicien additionné du problème de la complexité
des phrases, comme dans les dictionnaires du xvne siècle où l'emploi
métaphorique (enfant de la balle) vient après l'emploi immédiatement
évident — ou de la complexité des données, comme dans l'exemple
de J. Dubois sur le verbe passer 27 (passer par, sans ou avec obstacle,
d'où « passer par là », « passer le café »). Mais, en tout état de cause, la
cible « mondaine » (Gide, les objets) et la « cible linguistique » sont visées
en même temps, car les deux cibles ne peuvent être atteintes et elles
sont, de plus, contradictoires entre elles. Cette vieille fille qui figure dans
Flaubert renvoie à toute la connotation culturelle de vieille fille — vieille
se distingue de jeune, appartient au genre « vieillard », est synonyme de
« bigote » ou de « encore pucelle », fait partie de la pyramide des âges,
peut même prêter à une recursion du type x = 25 + %, n2, peut ressortir
d'une axiomatique, ou tout au moins d'un modèle culturel des règles
de mariage, etc. D'où cet ensemble de cercles dont parle Jean Dubois
en un passage qu'il faut citer tout entier 28 : « Cette clôture du texte
est obtenue encore par une règle plus rigoureuse, si rigoureuse même
qu'elle ne permet pas d'être observée pleinement : c'est celle qui oblige
à introduire dans la nomenclature du dictionnaire tous les mots qui
ont été utilisés dans les définitions, dans les exemples, etc. Dans les
dictionnaires qui combinent les parties encyclopédiques et la description de
la langue, on doit donc avoir dans les entrées tous les mots qui ont pu
servir dans les énoncés sur le savoir culturel. Cette règle ne rencontre pas
seulement l'obstacle pratique du relevé des termes utilisés dans les
" encyclopédies ", mais surtout la contradiction théorique qui existe
entre un dictionnaire donnant tous les mots d'une langue et un savoir
qui ne peut être découpé d'une façon isomorphe à ces mots eux-mêmes.
« Un dictionnaire se présente comme un cercle fermé de termes.
Et c'est pourquoi on reproche parfois aux lexicographes d'opérer avec
des cercles trop courts : on dit alors que, dans leurs définitions, ils utilisent
des synonymes au lieu de paraphrases et que ces synonymes contiennent
eux-mêmes dans leurs définitions les termes qui étaient les " définis ".
Mais, dans tous les cas, paraphrases ou synonymes, le dictionnaire opère par
cycles fermés. Il existe alors une implication réciproque des classes de termes .
Le dictionnaire reste un discours clos sur lui-même. » Ce problème des
cercles n'est pas une anomalie ni un thème satirique quant à l'inutilité
29. « Two Dogmas of Empiricism *, dans From Logical Point of View, Harvard
University Press, 1953, p. 20-46.
30. Hilary Putnam, article cité.
24
le monde décrit par cette classe de phrases. Ainsi, si l'on suppose L comme
un langage en miniature contenant deux individus constants « a » et
« b » et deux prédicats primitifs « P » et « Q », on peut poser l'état descrip-
tible suivant : Va et Qa et P6 et non-Qb. L'analyticité correspond à
la vérité sinon de tous les mondes possibles comme chez Leibniz, du
moins dans un état descriptible du monde et en fonction de la signification
des postulats de base. La synonymie est définie dans ce cadre du point
de vue intensionnel comme la similitude de l'intersection en L pour X
dans le temps /. Pour revenir à notre problème, nous n'aurions en somme
que des énoncés longs, sauf au départ, puisque nous nous donnons au
moins comme programme un dictionnaire complet.
Ce que Quine reproche à cet ensemble de thèses, c'est précisément
cette ambition et les postulats qu'elle implique. On peut se donner des
énoncés absolument analytiques : « Aucun homme non marié n'est
marié. » Quels que soient les composants naturels d'un énoncé de ce
type, ce qui n'est absolument pas P n'est pas P. Mais le problème devient
plus difficile s'il s'agit de l'énoncé : « No bachelor is married » (bachelor
voulant dire, entre autres, célibataire ). Là, l'analyticité s'appuie sur la
synonymie entre bachelor et unmarried, c'est-à-dire célibataire.
Inversement la synonymie implique l'analyticité, comme nous l'avons indiqué
ci-dessus. En fait, Carnap lie analyticité et synonymie dans une théorie
dont le centre demeure la notion de signification, ce feu follet qu'on
ne peut saisir.
Que pouvons-nous donc atteindre et dire réellement? (1) II y a une
synonymie limitée à une classe donnée d'individus. Il est vrai que tout
« célibataire est non marié » pour une classe d'individus définis par le
prédicat « célibataire » et auxquels s'applique la relation non marié.
La synonymie n'a qu'un sens extensionnel. Il faut y ajouter le cadre
culturel (dans notre civilisation) et le témoignage des individus qui
réagissent de la même manière devant l'énoncé en question. (2) II y a un
degré de synonymie inhérent à tout langage, ce qui signifie, comme le
marque N. Goodman 31 qu'aucun mot n'est totalement synonyme d'un
autre, mais qu'inversement on ne peut totalement éliminer la
ressemblance entre un certain nombre de mots. C'est sur cette réalité que le
lexicographe fonde sa recherche de paires synonymiques. Mais « degré »
signifie aussi qu'il y a une synonymie plus ou moins approchée. Il y a
donc des cercles courts du lexicographe et des cercles longs du logicien
ou du mathématicien qui, du point de vue linguistique, sont courts en
ce sens que leur grammaire et leur vocabulaire sont pauvres.
Le linguiste n'est ni un lexicographe, ni un logicien; ou, du moins,
il est lexicographe quand il constate les similitudes et, au besoin, s'en
sert; il est logicien en ce sens que l'idéal carnapien ou la critique de Quine
ne lui sont pas indifférents. Mais sa tâche est posée non pas par le monde
ni par la langue, mais par un ensemble en principe indéfini de phrases
qui appartiennent intuitivement à une langue donnée, le français par
exemple. De ce fait, la synonymie ou l'analyticité ne sont pas à fonder en
vérité, mais à décrire dans l'ensemble des énoncés possibles.
Et là, en un sens, Katz retrouve Kant, comme il le reconnaît explici-
tement 32. Car Kant aussi lie la description psychologique (il faut une
opération de pensée pour aller de 7 + 5 à 12) et la description linguistique
(toute phrase est de la forme sujet-prédicat). Si le prédicat est contenu
dans le sujet, le jugement est analytique et l'analyse logique, c'est-à-dire
qu'il y a identité entre sujet et prédicat dans le jugement analytique.
Chez Katz, le jugement analytique de Kant est repris d'une manière
plus formalisée : « S est analytique dans la lecture Rj (sujet) R2 (prédicat)
si, et seulement si, tout marqueur sémantique non complexe qui est en
R2 est aussi en Rjj pour tout marqueur sémantique complexe (Mj U (M2)
U ... (Mn) dans R2, il y a un (Mj), l < i < n en R^ et la lecture) de Rx
ne contient aucun marqueur sémantique antonyme.
« S est pleinement analytique si, et seulement si, S est analytique
dans chaque lecture assignée à ses constituants, c'est-à-dire que, pour
toute lecture Rij assignée à S, S est analytique en Ry. Ces définitions
formalisent l'idée kantienne que l'analyticité est le vide d'attribut qui
résulterait de l'absence de contribution du prédicat à la signification du
sujet 33. » Ou, pour parler d'une manière moins compliquée, l'analyticité
est déduite du fait que le marqueur sémantique constitué par le prédicat
remplit le contenu du sujet. Ainsi, dans « tout célibataire est non marié »,
le prédicat remplit le contenu du sujet. Dans bachelors are unmarried,
le prédicat ne remplit pas totalement le contenu du sujet puisque bachelor
veut dire aussi « jeune page », « titulaire d'un degré universitaire »,
etc. La synonymie est un degré de complexité par rapport à l'analyticité
en ce sens que M2, Mn sont inclus ou non dans Мг qui est le marqueur
sémantique en R2. L'antonymie est l'inverse de la synonymie : « oncle »
contient « mâle », mais exclut « femelle ». Est synthétique toute
proposition qui n'est ni analytique ni antonymique, c'est-à-dire qu'elle a
besoin d'être complétée par des faits pour être vérifiée; par exemple
la phrase bachelors are very tall men.
On voit que nous retrouvons là toute la complexité de la théorie
de la définition, mais incluse dans un système. Enfin, nous voyons
pourquoi la formalisation linguistique conduit à concevoir la synonymie
comme une suite d'énoncés nécessairement longs puisqu'il ne s'agit ni
des paires du lexicographe, ni d'un certain degré d'analyticité, ni d'une
vérification sur la base des classes d'individus. En ce sens il est plus
conséquent, comme le fait J. Dubois, de parler de paraphrases (mais nous
y reviendrons, car la notion est complexe) ou de successions de grammaires,
comme le fait Bierwisch dans son article sur des définitions, chaque
grammaire étant, au moins en droit, engendrée par l'entrée lexicale NPj.
Là encore, nous reviendrons sur ce point. Pour l'instant, ce qu'il importe
de marquer, c'est que l'interrelation entre ces définitions de l'analyticité,
de la contradiction et de la synthéticité est basée sur une entrée lexicale
dans le dictionnaire, celle de « ne pas M ».
36. An integrated theory of linguistic description, MIT, 1964,3e éd. 1967, p. 79 et ss.
28
ambiguës (ce qui est en question, c'est un acte physique et non un acte
politique, par exemple). Cela signifie que la paraphrase ne peut se dissocier
de l'ambiguïté de la question : que fait Jean? est fondamentalement,
ambigu. La non-ambiguïté de deux phrases non paraphrastiques par
rapport à une troisième implique une analyse très longue qui est déjà difficile
au niveau des définitions et qui l'est encore plus dans le discours courant
II y a une analogie fondamentale dans toute langue, analogie qu'Aristote
et saint Thomas ont exploitée. Cela ne signifie pas que tout est vrai en
un Être ou par rapport à lui. Nous ne pourrons en linguistique nous
poser le problème de la vérité juge d'une ou de deux phrases (ce qui est le
problème de Tarski). Nous décrivons l'identité relative de deux phrases
au moins. Comme le dit Hiz, nous ne traitons pas d'une sémantique
forte, mais d'une sémantique faible.
(2) Cela ne signifie pas que, linguistiquement parlant, n'apparaisse
d'une certaine manière ce qui est en question et ce dont il y a paraphrase.
En grammaire, il s'agit du problème des referents. Pour reprendre le
problème dans le cadre de la pensée de Quine, si l'on élimine la notion
de signification, « être assumé comme une identité, c'est purement et
simplement être reconnu comme la valeur d'une variable ». Dans les
termes de la grammaire traditionnelle, cela revient schématiquement
à dire qu'être c'est être dans le rang de référence d'un pronom. Les
pronoms sont les moyens de base de la référence 37 ». De fait, la proforme
dont parlent Katz et Postal est un opérateur qui permet la question ou
la pronominalisation, que ce soit que ou quoi, ou qui, ou le. Comme le
marque Hiz 38, il n'y a d'autres referents grammaticaux que les pronoms;
il y a, d'autre part, les quantificateurs comme both, les superlatifs (il a
pris le plus grand), etc. Et on ne peut identifier réfèrent et variable,
к Les variables impliquent la généralité. Le mécanisme de la
généralisation des variables dépend de la règle de substitution. Pour une
variable donnée, on peut substituer toute phrase de la même catégorie
grammaticale que la catégorie grammaticale dont dépend cette variable.
Pour beaucoup de referents, on ne peut rien substituer du tout. Au
contraire, beaucoup d'autres se comportent comme des constantes, quoique
la signification de phrases aussi nettement référentielles que celles qui
comportent le varie avec le contexte; cependant, dans un contexte
donné, cette signification est souvent déterminée d'une manière unique.
L'usage le plus typique d'un pronom (ou de tout autre réfèrent) consiste
à éviter la répétition d'une phrase. Le langage nature] cependant requiert
souvent qu'une phrase ne soit pas répétée dans sa forme première
uniquement par le moyen de son réfèrent. Mais cela ne fait pas que le
réfèrent soit une constante moindre que la phrase à répéter. Le
remplacement d'un réfèrent par ce à quoi il réfère (après l'application d'une
règle) n'est pas la substitution d'une phrase au moyen d'une large réserve
de phrases substituables. Les traits les plus essentiels d'une variable
sont, en premier lieu qu'elle est liée à un opérateur, tel qu'un quanti-
fieur, en second lieu qu'elle a un rang. Ces traits ne sont pas présents
dans la plupart des referents. Dans Jean prit son livre, le constituant son
37. " On what there is " dans From Logical Point of View, loc. cit, p. 13.
38. Dans un texte ronéotypé, Referentials, p. 12-13.
29
n'est pas lié à Jean comme une variable à son quantifieur et il n'a pas
non plus de rang, pas plus que Jean. Jean est une constante, et de même
son. Les variables sont des referents, mais la plupart des referents ne
sont pas des variables. »
(3) Si le réfèrent n'est pas une variable, si la règle de substitution
qui est à la base de toute sémantique forte ne joue pas dans les phrases
avec réfèrent, comment peut-on définir les referents?
(a) Leur rôle se situe à l'intérieur d'un texte.
(b) Ils constituent un ordre de répliques qui peuvent être soit des
paraphrases, soit des conséquences, cet ordre présentant une donnée
lexicale de base.
(c) II s'adjoignent des formes grammaticales telles que les nominali-
sations ou les adverbialisations qui sont autres que les règles de
transformation qui permettent la paraphrase : Jean rédige une lettre. Jean
écrit une lettre. Il l'a rédigée (maintenant). La rédaction de la lettre par
Jean est terminée, est excellente. Ce qu'il a rédigé est fini (le ce est anticipateur
et non anaphorique, comme V dans il Га rédigée). Le verbe rédiger ou
les synonymes écrire, faire sont constamment présents et constituent
le centre de la paraphrase ou de la conséquence (début-fin d'un acte).
Mais la nominalisation ou l'adverbialisation font de cette position centrale
ce que nous pourrions appeler une source paraphrastique plus ou moins
vaste.
(4) Les questions ressortissent de ces formes grammaticales. Elles
sont courtes ou longues :
Jean écrit? oui-non
Que fait Jean? Il écrit
Elles sont plus ou moins ambiguës, en particulier lorsqu'elles portent
sur un élément nominalisé :
De quoi s'agit-il? Il s'agit de...
Quelle est la situation? Il s'agit de, il est en train de...
Qu'est-ce que l'être?
Mais aussi :
De quoi s'agit-il aujourd'hui?
(5) Le problème est de savoir quels sont les types de paraphrases
liés à tel ou tel type de question, encore que cette liaison soit déjà une
paraphrase. En un mot, le problème est celui d'une typologie des textes
longs 39. En l'occurrence, ce qui nous intéresse, c'est ce que peuvent être
le questionnement philosophique, la philosophie du langage. Les textes
de J. Gauvin sont des tentatives importantes en ce sens. Nous voudrions
aborder la question à partir des problèmes soulevés par les dictionnaires
comme nous l'avons déjà fait en fonction des recherches que nous menons
sur les classes terminales.
BIBLIOGRAPHIE
1° Ouvrages cités :
Adjukiewicz K., « Three concepts of definition », in Logique et Analyse, 3, 1958,
repris dans T. M. Olshewsky (éd.).
Bierwisch M. et Kiefer F., « Remarks on definitions in natural language », in
F. Kiefer (éd.).
Bar-Hillel Y., « Universal semantics and philosophy of language quandaries and
prospects », m J. Puhvel (éd.).
Cavell S., « Must we mean what we say? » in Inquiry, I, 1958, 3, p. 172-212.
Chomsky N., Syntactic Structures, Mouton, La Haye, 1957; trad. fr. Structures
syntaxiques, Éd. du Seuil, 1969, 140 p.
Chomsky N., « Some methodological remarks on generative grammar », in Word,
17, 1961, p. 219-239.
Dubois J., « Esquisse d'un dictionnaire structural », in Études de linguistique
appliquée, n° 1, Didier, 1962, p. 43-48.
Dubois J. et Sumpf J., l'Analyse du discours, Langages 13, Didier-Larousse, 1968.
Dubois J., « Dictionnaire et discours didactique », in Langages 19, 1970, p. 35-47.
Dubois J. et Sumpf J., Linguistique et pédagogie, Langue française, Larousse, 1970.
F1SCHER-J0RGENSEN E., « On the definition of phonemes categories on a distributional
analysis », in Acta Linguistica, vol. 7, 1952; trad. fr. in Langages 20, Didier-
Larousse, 1970.
Goodman N., « On likeness of meaning », in L. Linsky (éd.), Semantics and the
Philosophy of Language, Univ. of Illinois Press, Urbana, 1952, repris dans
T. M. Olshewsky (éd.).
Hiz H., « The Role of paraphrase in grammar », in Monograph Series in Language
and Linguistics, n° 17, Report of the 15th annual RTM on Linguistic and
Language Studies ed by CIS, M. Stuart, avril 1964, p. 97-104.
Jakobson R., « Boas' new of grammatical meaning », in American Anthropologist,
LXI, 1959, 14.
Jakobson R. (éd.), Structure of Language and its Mathematical Aspects. Proceedings of
the 12th Symposium in Applied Mathematics, American Mathematical Society,
Providence, 1961.
Joos M. (éd.), Readings in Linguistics I, Univ of Chicago Pr., 1957, 4e éd. 1966, 421 p.
Katz J. J., « What's wrong with philosophy of language », in Inquiry, V, 1962.
Katz J. J. et Fodor J. J. (éd.), The Structure of Language. Readings in the Philosophy
of Language, Prentice Hall, Englewood Cliffs, New Jersey, 1964, 612 p.
Katz J. J. et Postal P., An Integrated Theory of Linguistic Description, MIT Press,
Cambridge, Mass., 1964, 3e éd. 1967.
Katz J. J., The Philosophy of Language, Harper and Row, New York et Londres,
1966, 326 p.
Kiefer F. (éd.), Studies in Syntax and Semantics, D. Reidel, Dordrecht, 1969.
Olshewsky T M. (éd.), Problems in the Philosophy of Language, Holt, Rinehart et
Winston, New York, 1969, 774 p.
Pap A., « Theory of definition », in Philosophy of Science, XXXI, 1964, repris dans
T. M. Olshewsky (éd.).
Postal P., « Underlying and superficial linguistic structure », in Harvard Educational
Review, 34, 1964, p. 246-266, repris dans D. A. Reibel et S. A. Schane (éd.).
Puhvel J. (éd.), Substance and Structure of Language, Univ. of California Press,
Berkeley et Los Angeles, 1969, 223 p.
Putnam H., « Some issues in the theory of grammar », in R. Jakobson (éd.).
QuiNE W., From Logical Point of view, Harvard Univ. Pr., Cambridge, Mass., 1953.
Reibel D. A. et Schane S. A. (éd.), Modern Studies in English, Prentice Hall,
Englewood Cliffs, New Jersey, 1969.
Revzin I. L, les Modèles en linguistique, Dunod, 1968, 201 p.
Ryle G., « Ordinary Language », in The Philosophical Review, LXII, 1953, repris
dans T. M. Olshewsky (éd.).
De Saussure F., Cours de linguistique générale, Payot, 1967, 331 p.
33
2° Note bibliographique :
Cette note voudrait répondre, tant bien que mal, à quelques questions pratiques :
le professeur de philosophie de l'enseignement secondaire a-t-il le moyen ou les moyens,
et lesquels, de traiter sérieusement du langage? Le philosophe, qui dans notre système,
ne se sépare pas d'emblée du professeur, peut-il trouver un accès à la linguistique?
La première question pose le problème des manuels ou mieux, car l'on sait la
suspicion légitime que les professeurs de philosophie entretiennent à l'égard des manuels,
d'un bon ouvrage de synthèse.
Il nous semble que l'ouvrage de John Lyons, Introduction to Theorical Linguistics,
Cambridge University Press, 2e éd. 1968; trad, fr., Linguistique générale, par F. Dubois-
Charlier et D. Robinson, Larousse 1970, présente les avantages suivants :
1° une information abondante, ce qui n'est pas le cas, jusqu'ici, des ouvrages
français d'initiation courante;
2° une bonne introduction historique;
3° l'élucidation de certains concepts essentiels (rang, syntagme, etc.);
4° la part importante donnée à la sémantique (Lyon a fait un essai d'étude de
certains termes platoniciens dans un ouvrage antérieur Structural Semantics, Oxford,
Blackwell, 1963).
John Lyon n'est pas un fabricant de manuels. C'est un chercheur et son exposé
n'a pas la sécheresse empiriste (et de ce fait un certain manque de rigueur) qu'on
trouve dans l'ouvrage de H. A. Gleason, An Introduction to Descriptive Linguistics,
New York, Rinehart et Winston, 2e éd. 1961; trad, fr., Introduction à la linguistique
(Larousse, 1969).
L'ouvrage présente cependant pour le public français deux inconvénients :
1° aucun lien avec la critique littéraire,
2° peu d'exemples français et encore moins d'informations sur la tradition
grammaticale française.
On peut donc compléter par :
1° Jean Dubois et Françoise Dubois-Charlier, Éléments de linguistique française
(Larousse, 1970).
2° M. Gross, Grammaire transformationnelle du français (Larousse, 1968).
3° Les numéros suivants de la revue Langages (Didier-Larousse éd.).
1. T. Todorov, Recherches sémantiques (mars 1966).
2. E. Coumet, O. Ducrot, J. Gattegno, Logique et Linguistique (juin 1966).
4. N. Ruwet, la Grammaire generative (décembre 1966).
7. M. Arrivé et J.-C. Chevalier, Linguistique française : théories grammaticales
(septembre 1967).
9. M. Gross, les Modèles en linguistique (mars 1968).
11. J. Sumpf, Sociolinguistique (septembre 1968).
12. Linguistique et Littérature (décembre 1968).
13. J. Dubois et J. Sumpf, l'Analyse du discours (mars 1969).
14. N. Ruwet, Tendances nouvelles en syntaxe generative (juin 1969).
15. R. L'Hermite, la Linguistique en U.R.S.S. (septembre 1969).
19. J. Rey-Debove, la Lexicographie (septembre 1970).
Au-delà, l'accès à la linguistique ne peut consister que dans les trois voies
suivantes :
1° logique,
2° langues anciennes,
3° langues vivantes.
Dans le premier cas, il n'y a pas de meilleur moniteur que Bertrand Russel (auquel
il faut ajouter l'ouvrage de J. Vuillemin, Leçons sur la première philosophie de Russel,
A. Colin, 1968).
Dans le deuxième cas, c'est E. Benveniste, Problèmes de linguistique générale,
Gallimard, 1964, dont il est difficile de percer la complexité sous la clarté de l'exposé.
Dans le troisième cas, les ouvrages de J. Fourquet et de J.-M. Zemb (assez phi-
3
34