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IllB PAlAnDB.
PARIS. - lmp. de DEZAUCHE,faub. Montmartre , n. 1 1 .
/

LE

PALAMEDE,
REVUE MIENSUELLE

DES ÉCHECS,
1PAR

MM. DE LA BOURDONNAIS ET MÉRY.

TOME PREMIER.

AU BUREAU DE LA REVUE, RUE NEUvE-vIvIENNE, N° 48,


cHATET , LIBRAIRE, PLACE DU PALAIs-noYAL ;
o
cAUsETTE, LIBRAIRE, RUE DE sAvoIE, N 15.

1856.
llE PAh \MèDB.

A une époque où toute chose se résume en journal, lejour


nal que nous annonçons n'étonnera personne. Le Palamède
vient, à son tour, remplir une lacune et répondre à un besoin :
cette formule, empruntée à tous lesprospectus, a cette fois un
sens plus vrai que de coutume : le Journal des Échecs était at
tendu. Ce jeu rentre plutôt dans l'académie des sciences que
dans l'académie des jeux ; c'est le seul où l'intelligence de
l'homme neutralisc le hasard. La bonne ou la mauvaise fortune est
exilée de l'échiquier. Un grand joueur d'échecs est un artiste,
un savant, un ingénieur, un général, un conquérant; c'est
Vauban ou Napoléon sur un champ de bataille de soixante
quatre cases, lesquelles représentent autant de lieues carrées, et
demandent autant de vivacité, de coup d'œil et de profondeur
méditative qu'on en exige d'un homme de guerre ; seulement un
général d'échecs retire beaucoup de gloire d'une campagne et
ne fait point verser de sang. Le Journal des Échecs est frère
naturel du Journal militaire, rédigé par le brave général Haxo,
également habile à dresser une batteric sur l'échiquier et sur
un glacis.
Le jeu des échecs a repris depuis quelque temps son antique
vogue. Nous jouissons d'une longue paix, il nous faut des simu

lacres de guerre. On veut être guerrier à tout prix dans un


pays belliqueux. A Paris, le club des Panoramas s'est ouvert
pour rivaliser avec les établissements du même genre connus en
Europe. Les batailles qui se livrent chaque jour à Westminster,
à Vienne et sur le boulevart Montmartre, n'ont point d'historio
graphes ; les grands faits d'armes de l'échiquier européen res
tent ensevelis dans l'ombre , faute de bulletins : le journal que
nous annonçons enregistrera les victoires et les défaites ;il ren
dra comptc dc l'état actuel du noble jeu chez les diverses na
tions; il renfermera des notices biographiques sur les hautes
–6-

célébrités, des anecdotes de clubs, des états comparatifs des mé


thodes usitées en Orient et en Occident ; ce journal sera le re
cueil des bulletins de la grande armée de l'échiquier. Toutefois,
pour donner encore à notre feuille un intérêt plus vaste, nous
ajouterons à sa spécialité fondamentale un supplément destiné à
quelqucs autresjeux, comme le billard et le wist; jeux où l'a
dresse et le calcul enlèvent aussi au hasard la plus grande part
de sa puissance. Nous flétrirons ces repaires, où le jeu perd
toute moralité, où le guet-apens remplace l'intelligence, l'a
dresse et les savantes combinaisons.
A l'intérêt qui résulte toujours des faits contemporains, vien
dra se joindre la revue rétrospective des âges anciens et mo
dcrnes. Ainsi, nous parlerons de ces curieuses recherches faites
par les orientalistes sur l'origine du jeu des échecs. La tradition
attribue au Grec Palamède l'invention du jeu. Ce Grec aurait,
dit-on, découvert l'échiquier sur le sable du Simoïs, au siége dc
Troie. La chose est naturelle et vraisemblable : il ne fallait rien
moins qu'un pareil jeupour distraire les Grecs dcvant cet Ilium
qu'on assiégeait toujours et qu'on ne prenait jamais. En dix an
nées de blocus, on a le temps d'inventer un jeu. Agamemnon et
Clytcmnestre, le roi des rois et la reinc des reines, les tours des
portes Scées, le cheval de bois, et tous ces fous qui se battaient
pour l'honneur d'une femme déshonorée, voilà des éléments
qu'on peut, avec quelque raison, admettre comme ayant pré
disposé le Grec Palamèdeà la création des pièces de l'échiquier.
Toutefois, plusieurs savants se sont inscrits en faux contre Pala
mède; et de là sont venues de sérieuses controverses pleines d'at
trait, des luttes d'érudition, où l'Asie et l'Europe sont en cause,
tant est universel l'intérêt quis'attache au noble jeu.
Nous exhumerons de l'oubli les mémorables parties que Pl.i
lidor a jouées avec Stamma d'Alep, et celles qu'il a jouées le dos
tourné à l'échiquier. Nous donnerons une glorieuse publicité
aux luttes engagées par notre célèbre Deschapelles contre le re- .
doutable Anglais Lewis, par M. Cochrane contre un bramine,
ar M. de la Bourdonnais contre Mac-Doncl.
Quelques livraisons renfermeront un chant épique en vers sur
la plus intéressante partie du mois. Ce chant sera conçu dans les

mêmes proportions que le poème de M. Méry.


Pour exercer l'intclligence des joueurs d'échecs , chaquc li
vraison donnera des problèmes à résoudrc : ce seront toujours
–7 -
des positions curieuses et des mats de plusieurs coups; la solu
tion en sera renvoyée au numéro suivant. -
Le Palamède paraîtra le 15 de chaque mois, en livraisons
conformes à ce numéro-prospectus. Le prix de souscription est
fixé à 2o francs pour un an, 1ofrancs pour six mois, pour Paris
et les départemens ; 5 francs en sus pour l'étranger. S'adresser,
franc de port, au bureau du Palamède, rue Vivienne, n° 48, au
club des Panoramas.
MM. de la Bourdonnais et Méry sont les rédacteurs du Pala
mède. M. de la Bourdonnais signe le Palamède comme gérant
responsable ; on devine bien que cette fois la responsabilité
change de nature ; elle ne répond de ses délits et de ses erreurs
qu'au ministère public de l'échiquier européen.
-- 8 --

LE VILLAGE DEs ÉcHECS.

Ceci n'est point un conte d'Hoffman ; c'est une histoire vraie,


peu connue, et que j'emprunte aux archives du village de
Stroebeck. .
Stroebeck est distant de quelques pipes d'Halberstadt; c'est
un joli village, fort gai, plein d'eaux et d'ombrages ; il s'isole
des chemins routiers ; il aime le silence et le recueillement.
Vers la fin du XV° siècle, un dignitaire de la cathédrale
d'Halberstadt fut exilé à Stroebeck : les villageois lui firent un
si bon accueil, qu'il se trouva fort embarrassé pour leur témoi
gner toutesa reconnaissance. Le dignitaire réfléchit long-temps ;
c'était d'ailleurs dans sa nature allemande ; enfin , il crut s'ac
quitterenvers les bons habitans de Stroebeck en leur enseignant
lejeu des échecs. Les villageois furent au comble du bonheur.
L'exilé ayant obtenu sa réhabilitation rentra dans sa cathédrale,
ct devint ensuite évêque d'Halberstadt : au faîte de la pros
périté, il n'oublia pas Stroebeck ; il accabla de bienfaits ce vil
lage, et y fonda une écolepour les enfants. Une clause spéciale
enjoignait auxprofesseurs d'enseigner le noblejeu d'échecs aux
élèves, et de donner des prixà la fin de chaque année. Ces prix
devaient être des échiquiers avec les pièces du jeu. Le digne
évêque, en donnant ainsi le goût des échecs à ces bons villa
geois, avait un but moral qui fut heureusement rempli : il les
détournait des jeux de hasard et des vices que ces jeux amènent
apres eux.
Le village de Strocbeck abandonna tous les délassements con
nus à la campagne, et négligea même un peu l'agriculture pour
se livrer exclusivement aux échecs. L'intelligence de ce jeu de
vint héréditaire à Stroebeck; les mères l'enseignaient à leurs
filles; les vieillards léguaient à leursenfants l'échiquier paternel,
parchemin de noblesse ; c'était une glorieuse émulation dans les
familles ; c'était à qui s'élèverait au-dessus de ses égauxpar la
force, la rapidité, la profondeur des combinaisons. La gloire de
- 9-
Stroebeck rayonna sur l'Allemagne : les amateurs arrivaicnt de
tous les cercles germains pour jouer avec Stroebeck ; les villa
geois mataient princes et barons ; ils gagnaient de l'or; le roi
du modeste échiquier campagnard battait monnaie au profit
duvillage. On ne parlait en Allemagne que de Stroebeck. Les
hameaux voisins,jugeant qu'il était plus doux de gagner sa vie
avec un échiquier qu'avec la charrue, se jetèrent dans l'imita
tion. Mais Stroebeck mata tous ces faibles rivaux, et garda le
sceptre de l'échiquier sous le chêne centenaire du bon évêque
d'Halberstadt.
En 1831, le célèbre joueur anglais Lewis se rendit à Stroe
beck; son nom y était connu. L'échiquier est une franc-maçon
nerie universelle. Les villageois accueillirent fraternellement
l'amateur anglais, et le conduisirent en pompe à leur club :
, c'était une auberge toute pleine de tables d'échecs, seule nour
riture de l'endroit; sur la porte, il n'y avait d'autre enseigne
qu'un échiquier, sculpté grossièrement. Lewis, en visitant l'au
berge, remarqua, dans la grande salle, un échiquier antique,
garni de ses pièces, et serré dans un reliquaire comme un tré
sor. Sur son côté droit, le village de Stroebeck est peint en mo
saïque ; sur l'autre, on lit une inscription qui atteste que cet
échiquier a été donné au village par l'électeur de Brandebourg,
le 13 mai 1661.Sur le plan opposé de ce vénérable échiquier,
on compte quatre-vingt-seize cases ; on y joue le courrier, va
riante du jeu des échecs : aux pièces ordinaires,on ajoute quatre
pions, deux courriers et deux conseillers d'état. Le même élec
teur, ajoute Lewis dans son rapport, leur a donné deux autres
jeux d'échecs, à pièces d'ivoire, d'argent et de vermeil. La bi
bliothèque de cette auberge et de tout le village se compose d'un
ouvrage de Gustave Selenus 'et d'un recueil publié par Kock
sur les meilleurs livres d'échecs. Stroebeck n'a jamais lu que
ces deux auteurs. - -
Lewis, ayant admiré toutes les richesses de cette auberge,
proposa une partie aux aubergistes. Elle fut acceptée avcc en
thousiasme. Le plus fort des paysans s'assit en face de l'Anglais,
et tout le village s'entassa autour des joueurs. Lewis tira quel
ques guinées de sa bourse, et demanda à son adversaire à régler
le taux de l'enjeu. L'adversaire lui répondit que Stroebeck s'é
tait imposé l'obligation de ne plus jouer de l'argent aux échccs.
Alors on joua l'honneur, plus précieux quc des guinées. Lewis
- IO -

battit le villageois : Stroebeckprit le deuil, l'aubergiste se cou


vrit de cendres, et l'on vit apparaître dans la nuit le fantôme
désolé de l'évêque d'Halberstadt!
Lewis, sorti vainqueur du village de Stroebeck, s'informa du
motif qui avait interdit l'enjeu intéressé auxpaysans; alors on
lui conta cette autre fâcheuse histoire : -
A l'époque où Stroebeck était dans tout son éclat, et encais
sait de l'or à l'issue de ses victoires, un amateur allemand se
présenta. Il se nommait Silberschmidt, un formidable cham
pion. Stroebeck le connaissait de renommée; on s'était souvent
entretenu, sous le chêne épiscopal, des prouesses de Silbersch
midt. Il arrivait enfin; on le reçut l'échiquier au poing.
Les villageois, avant d'engager la partie, imposèrent,suivant
leur usage, des conditions particulières, des marches qui leur
étaient propres, des variantes embrouillées, qui dénaturaient
l'esprit traditionnel du jeu, leur donnaient à eux un avantage
immense, et déroutaient le joueur étranger, qui se voyait con
traint de s'initier spontanément à une science nouvelle pour lui.
La civilisation avait déjà gâté l'âme naïve du vieux Stroebeck ;
l'évêque fondateur ne l'aurait pas reconnu. Le grave joueur
Silberschmidt écouta les conditions, et les accepta. On fixa l'en
jeu et le nombre des parties. L'Achille de Stroebeck s'assit de
vantSilberschmidt, et perdit.
La bataille perdue, lesvillageois consentirent à payer, mais ils
refusèrent à Silberschmidt un certificat attestant leur défaite. Un
orateur villageois monta sur une table et dit au vainqueur :
« Notre honneur nous est plus précieux que l'or. Le certificat
que vous nous demandez serait, entre vos mains, un titre in
jurieux que vous auriez sans cesse contre nous. Prenez l'argent :
laissez-nous l'honneur. » *a

Silberschmidt leur répondit : « Bons habitants de Stroebeck,


l'argent que je vous ai gagné, je le donne à vos pauvres et à
votre école, mais à une condition que voici : vous allez
jurer que désormais vous ne jouerezplus de l'argent avcc les
étrangers. Le noble jeu des échecs porte son intérêt avec lui ;
une partie gagnée donne à l'amour-propre un trésor de satis
faction. »

Les villagcois, séduits par ces simples paroles de Silbersch


- I I - -

midt, se résignèrent au certificat, et distribuèrent l'argent perdu


aux pauvres età l'école;puis ils firent le serment de nc jamais
jouer de partie intéressée avec un étranger. Ils ont tenu reli
gieusement leur parole. A Stroebeck, l'honneur est encore
aujourd'hui le seul enjeu de l'échiquier.
- 1: -

NApoLÉoN, AMATEUR D'ÉCHECS.

L'empereur Napoléon se délassait au jeu d'échecs des gran


des parties qu'il jouait sur l'échiquier de Marengo, d'Austerlitz,
de la Moskowa. Ce passe-temps a été commun à tous les grands
capitaines. La haute intelligence de l'art de la guerre ne sup
pose pas toujours au même degré la science des échecs ; Napo
léon le remarquait lui-même, un jour qu'il venait d'être battu
par Berthier.
M. le général comte Merlin, M. le duc de Bassano, M. Amé
dée Jaubert ont eu la bonté de nous communiquer verbalement
quelques particularités inédites sur l'empereur ; elles rentrent
dans le domaine de cette revue, et nous nous faisons un plaisir
de les publier. -
En Egypte, Napoléon jouait aux échecs avecM. Poussielgue,
ordonnateur de l'armée d'Orient, ou avec M. Amédée Jaubert.
M. Poussielgue était d'une force supérieure , et il battait quel
quefois le vainqueur des Pyramides. Pendant la campagne de
Pologne, l'ambassadeur persan fut introduit devant l'empereur ;
une partie d'échecs était engagée avec Berthier. Napoléon ne se
dérangea point et donna audience ; M. Amédée Jaubert servait
d'interprète.Tout en poussant ses pièces, l'empereur fit beau
coup de questions à l'ambassadeur sur la Perse , sur l'Orient,
sur l'organisation militaire et civile de ces pays. Le Persan ,
labile diplomate, vantait la Perse et ne tarissait pas d'éloges
emphatiques sur la cavalerie d'Ispahan. Napoléon l'interrompait
quelquefois, mais l'ambassadeur revenait encore à la charge
avec sa cavalerie persanne, qu'il mettait au-dessus de toutes les
cavaleries de l'univers. L'empereur se détourna en sursaut de
l'échiquier, et s'adressant à M. Amédée Jaubert: « Dites-lui que
demain je lui montrerai un peu de cavalerie. » L'audience
finit là.Tout en continuant sa partie, Napoléon donna des or
dres pour rallier autour de son quartier-général les corps dis
séminés dans les cantonnemcnts voisins. Il les avait sous la
main, comme les cavaliers de son jeu, ct le lendemain l'am
– 13 -

bassadeur vit défiler quarante mille hommes à cheval, comme il


n'en avait jamaisvu à lspahan , cavalerie puissante que Paris
ne devait plus revoir : elle allait à Moscou ! -
Dans la même campagne, l'empereur jouait aux échecs avec
Murat, Bourrienne, Berthier et M. le duc de bassano. Il aimait
quelquefois à donner une variante à son délassement ordinaire
avec un échiquier de liége, chargé de pièces qui n'appartien
nent pas aux soixante-quatre cases : c'était le jeu de la guerre ;
on y voyait figurer des bataillons, des escadrons, des redoutes,
des pontons, des rivières, des pièces de canon. Ce singulier jeu
a été inventé en Allemagne,par quelque ingénieur oisif, et il
y jouit encore de beaucoup de faveur. -
Le duc de Bassano a souvent joué avec l'empereur, en 18o9,
pendant l'armistice de Vienne. L'empereur ne commençait pas
adroitement une partie d'échecs; dès le début , nous dit M. de
Bassano, il perdait souvent pièces et pions , désavantage dont
n'osaient profiter ses adversaires.Ce n'était qu'au milieu de la par
tie que la bonne inspiration arrivait ; la mêlée des pièces illumi
nait son intelligence ; il voyait au-delà de trois ou quatre coups ;
il mettait en œuvre de belles et savantes combinaisons.
Le roi de Naples, Joachim Murat, avait une véritable pas
sion pour les échecs ; il a souvent forcé M. le duc de Bassano de
veiller sur l'échiquier une bonne partie de la nuit.
Napoléon a charmé avec ce jeu les ennuis de sa longue
traversée à bord du Northumberland. A Sainte-Hélène, il faisait
chaque jour ses parties.Si le jeu des échecs n'était pas déjà de
haute noblesse, il se serait ennoblipour avoir donné quelques
moments d'heureuse distraction au plus grand des prisonniers
et des cxilés.
M.
tJN DÉFI PAR CORRESPONDANCE.

On a beaucoup entendu parlerde ces interminables parties d'é


checs qu'on se léguait en nourant, en Espagne surtout ; aussi, plu
sieurs fois on est venu me demander s'il était vrai que j'eusse
accepté de continuer une partie par correspondance commencée
par Philidor il y a soixante ans. A diverses époques, de forts
amateurs d'échecs,séparés par de grandes distances, ont effecti
vement joué par lettres. En 182 1, quelques amateurs formèrent
un cercle au-dessus du café de la Régence , et le nommèrent
cercle de Philidor. M. Deschapelles en était le président, et
moi le secrétaire. Nous envoyâmes un défi au club de Londres ,
laissant nos adversaires maîtres de fixer la somme qu'ils vou
laient engager. Les Anglais nous répondirent au bout de trois
mois. Dans l'intervalle, quelques divisions s'étaient glissées dans
notre cercle, dont le localétait trop rétréci. Nous nous trouvâmes
dans la nécessité de suspendre le défi. Les journaux anglais s'é
taient beaucoup occupés de cette pctite guerre ; dès qu'ils virent
qu'elle ne s'engageaitpas, ils dirent que probablement les Fran
çais avaient craint une seconde journée de Waterloo. Alors je
me décidai à partir pour l'Angleterre, et bien qu'à cette épo
que je ne fusse regardé que comme de seconde force en France,
je donnai un défi à tous les joueurs d'Angleterre. Ils acceptèrent
et furent battus.
Il y a deux ans, un club d'échecs de Paris a proposé un défià
un club de Londres ; le défi a été accepté, et l'une des parties,
la première, a déjà été perdue par les Anglais ; l'autre continue,
et nous paraît belle. Le défi ne se compose que de deux parties.
MM. Boncour, Saint-Amant, Alexandre et Chamouillet ont su
périeurement conduit le jeu français.Voici la première :
Les Anglais avaient le trait et les noirs.
1 Noir. Le pion du roi, deux pas.
Blanc. Le pion du roi, un pas.
2 N. Le pion de la reine, deux pas.
B. Le pion de la reine, deux pas.
- 15 -

3 N. Le pion du roi prend le pion de la reine.


B. Le pion du roi prend le pion.
4 N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
5 N. Le fou du roi à la 3° case de sa reine.
B. Le pion du fou de la reine, deux pas.
6 N. La reine à la 2° case de son roi, échec (a).
B. Le fou du roi à la 2° case de son roi.
-

7 N. Le pion de la reine prend le pion du fou de la reinc.


B. Le roi roque.
8 N. Le fou de la reine à la 3e case de son roi(b).
B. La tour du roi à la case de son roi.

9 N. Le fou du roi à la 5° case de son cavalier de la reine (c).


B. Le cavalier de la dame à la 3° case de son fou.

1 o N. Le cavalier du roi à la 4e case de sa reine (d).


B. Le fou du roi prend le pion.
1 1 N. Le fou du roi prend le cavalier de la reine
B. Le pion du cavalier de la reine prend le fou.
12 N. Le pion du fou de la reine, un pas (f)
B. Le fou du roi prend le cavalier.

13 N. Le pion prend le fou.


B. Le pion du fou de la reine, un pas.

(a) Ce coup de la part des noirs est une faute.Cet échec fait sortir une pièce aux
blancs et place la dame devant le roi, position souvent dangereuse.
(b) Les noirs. en jouant ce coup, veulent défendre le pion qui a pris le gambit de la
dame, et cette défense est très-dangereuse; ils auraient mieux fait de roquer et d'aban
donner le pion.
(c) Ce coup est très-mal joué, il ne sert qu'à faire dégager le jeu de son adversaire.
(d) En portant à cette case leur cavalier, les noirs pensent gagner un pion ou forcer
les blancs à un coup de défense ; ils se trompent de nouveau, les coups suivants vont le
démontrer.

(e) Si les noirs avaient pris le cavalier avec leur cavalier, les blancs n'auraient pas dû
reprendre, mais porter leur dameà la troisième case de son cavalier; par ce coup,ils
auraient repris leur pion avecune excellente position .
(f) Les noirs ne peuvent prendre le pion avec leur cavalier, car s'ils le faisaient, les
blancs, en jouant leur dame à la 3° case de son cavalier, gagneraient une pièce.
- 1G -

14 . La reine à sa 3e case (a).


La reine à la 3° case de son cavalier.
15 N. Le roi roque.
B. Le fou de la reine à la 3° case de sa tour.
n6 La reine à la 3° case de son cavalier.
* La reine prend la reine.
17 Le pion prend la reine.
. Le fou de la reine prend la tour du roi.
18
:.. Le roi prend le fou.
Le cavalier à sa 5° case.

19 . Le pion prend le pion.


Le cavalier prend le fou.
O
Le pion prend le cavalier.
La tour prend le pion.
N. Le cavalier de la reine à la 2° case de sa reine.
B. La tour de la reine à la case de son roi.

22 N. Le pion à la 4° case du cavalier de sa reine.


B. La tour à la 6° case de sa reine.

23 N. La tour prend le pion de la tour de la reine (b).


B. La tour prend le cavalier.
24 N. Le pion à la 5° case du cavalier de la reine.
B. La tourprend le pion du cavalier de la reine.
25 N. Le pion à la 6° case du cavalier de la reine.
B. Le pion de la reine à sa 5° case.

(a) C'est ici que l'on peut voir combien la position de la dame noire devant son roi
était dangereuse. Les noirs, sur ce coup, en portant leur dame à sa 3° case, jouent
encore fort mal; elle eût été mieux placée à sa 2° case.
(b) Les noirs, en prenant ce pion et en abandonnant leur cavalier, terminent par une
faute grave une partie fort mal jouée dès le début. S'ils voulaient continuer la partie
qu'ils devaient perdre infailliblement, il fallait conserver ce cavalier; en le perdant,
ont-ils cru pouvoir conduire à dame leurs pions, c'est difficile à croire; il s'est toujours
écoulé quinze jours entre chaque coup de cette partie, et il ne faut pas quinze minutes
pour voir que les blancs arrêteront facilement les pions des noirs dans leur marche, et
resteront avec une tour de plus.
Au reste, si toutes les parties par correspondance devaient être jouées ainsi, il fau
drait remoncer à ce mode, car cette partie n'est certainement pas un modèle, et ne peut
faire faire aucun progrès au jeu; cependant elle a duré près de deux ans.
- 17 -

26 N. Le pion à la 7° case du cavalier de la reine.


D. Le pion de la reine à sa 6° case.
27 N. La tour à sa 8e case.
B. Le roi à la case de son fou.

Dans cette position, le club de Londres a abandonné la partie


comme perdue.

Nous donnerons, dans le prochain numéro, l'autre partie,


qui n'est point encore terminée et qui peut durer encore cinq à
six mois. Nous tiendrons au courant nos lecteurs de tous les
coups qui serontjoués de part et d'autre,
D.
– 18 -

Le mot gambit dérive du mot italien gambitto, croc-enjambe.


La partie prend le nom de gambit du roi, quand celui qui a le
trait sacrifie au second coup le pion du fou du roi, et celui de
gambit de la dame quand il sacrifie le pion du fou de la dame.
Le gambit du roi peut se défendre avec succès ; il n'en est pas
de même de celui de la dame. Les deux parties qui suivent ont
été jouées en 1834 entre M. de la Bourdonnais et M. Mac-Do
nell, regardé comme le plus fort joueur d'Angleterre. M. de la
Bourdonnais avait les blancs. -

PREMIÈRE PARTIE.

1 Blanc. Le pion de la reine, deuxpas.


Noir. Le pion de la reine, deux pas.
2 B. Le pion du fou de la reine, deux pas.
N. Le pion de la reine prend le pion.
3 B. Le pion du roi, un pas.
N. Le pion du roi, deux pas (a).
4 B. Le fou du roi prend le pion.
N. Le pion du roi prend le pion de la reine.
5 B. Le pion du roiprend le pion de la reine.
N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
6 B. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.
N. Le fou du roi à la 2° case de son roi (b).
7 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le roi roque.

(a) C'est un fort bon coup, si les blancs voulaient gagner le pion ; les noirs, en
véchangeant les reines et dégageant de suite leurs pièces, auraient une forte attaque.
(b) Le fou à la 3° case de la reine eût été mieux joué.
8 B. Le roi roque.
N. Le pion du fou de la reine, un pas (a).
9 B. Le pion de la tour du roi,un pas.
N. Le cavalier de la reine à la 2° case de sa reine.
1o B. Le fou de la reine à la 3° case de son roi.
N. Le cavalier de la reine à sa 3e case.
1 1 B. Le fou du roi à la 3° case du cavalier de sa reine.
N. Le cavalier du roi à la 4° case de sa reine.
12 B. La reine à la 2° case de son roi.
N. Le roi à la case de sa tour.
13 B. La tour de la reine à la case de son roi. .
N. Le fou du roi à la 3° case de sa reine.

14 B. Le fou du roi à la 2° case du fou de sa reine.


N. Le pion du fou du roi, deux pas.
15 B. Le cavalier du roi à la 5e case de son roi.
N. Le pion du fou du roi, un pas (b).
16 B. La reine à la 5 case de sa tour (c).

N. Le cavalier du roi à la 3 case de son fou du roi (d)


17 B. Le cavalier du roi à sa 6° case, échec.
N. Le roi à la case de son cavalier.
18 B. Le fou du roi à la 3° case du cavalier de la reine, échec.
N. Le cavalier de la reine à la 4° case de sa reine. -
19 B. Le cavalier de la reine prend le cavalier (e). .
N. Le pion du fou de la reine prend le cavalier. -- |
2o B. Le fou du roi prend le pion, échec,
N. Le cavalier prend le fou.
- -
(a) Les noirs, en poussant ce pion, puis jouant leur cavalier de la reine à la 2° case
de la reine, et ensuite à sa 3° case, ont pour but de masquer le fou du roi de leur ad
versaire; mais pour atteindre ce but, ils perdent beaucoup de temps. Quoique cette ma
nière de jouer ait été indiquée par Philidor, je la crois mauvaise. -
(b) Coup très-dangereux pour les noirs.
(c) Ce coup de la part des blancs est profondément calculé.
(d) Les noirs ont cru gagner une pièce.
(e) Cette position est fort curieuse ; les blancs ont quatre pièces en prise, et cepen
dant fort beau jeu. Si les noirs prenaient la reine ou le cavalier du roi ou le fou, ils
seraient échec et mat par un double échec. - - -
- 2O -

2I
. La reine prend le cavalier, échec.
. La tour à la 2° case de son fou du roi. , ,
. Le cavalier à la 5e case de son roi. .
. Le fou de la reine à la 3° casc de son roi (a). ..
23 B. La reine prend le fou.
. Le fou prend le cavalier.
24 Le pion prend le fou.
. Le pion prend le fou.
. La tour prend le pion.
. La reine à la case de son roi.
26 La reine prend la reine.
. La tour prend la reine.
27 . Le pion du fou du roi, deux pas.
. Les noirs abandonnent la partie.

DEUXIÈME PARTIE.

. Le pion de la reine, deux pas.


. Le pion de la reine, deux pas.
. Le pion du fou de la reine, deux pas.
. Le pion de la reine prend le pion.
. Le pion du roi, un pas.
Le pion du roi, deux pas.
4 . Le fou du roi prend le pion.
. Le pion du roi prend le pion de la reine.
5 . Le pion du roi prend le pion.
. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
6 . Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.
Le fou du roi à la 3° case de sa reine.

7 . Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.


. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.
8 . Le roi roque.
. Le roi roque.
(a) Pourne pas perdre l'échange d'une tour contre un cavalier.
- 21 -

9 B. Le pion de la tour du roi, un pas.


N. Le pion de la tour du roi, un pas.
1o B. Le pion de la tour de la reine, un pas.
N. Le fou de la reine à la 4° case du fou de son roi (a).
1 1 B. Le pion du cavalier du roi, deux pas (b).
N. Le cavalier du roi prend le pion,
12 B. Le pion prend le cavalier.
N. Le fou de la reine prend le pion.
13 B. Le fou du roi à la 2° case de son roi (c).
N. Le fou de la reine prend le cavalier.
14 B. Le fou du roi prend le fou. -
N. La reine à la 5° case de la tour de son roi.
15 B. La tour à la case de son roi. -
N. Le cavalier prend le pion de la reine.
16 B. Le cavalier à la 4° case de son roi,
N. Le fou du roi donne échec.

17 B. Le roi à la case de son fou.


N. La tour de la reine à la case de sa reine.
18 B. Le fou de la reine à la 3° case de son roi.
N. Le cavalier à la 4° case du fou de son roi.
19 B. La reine à la 2° case de son fou.
N. La reine à la 6° case de la tour de son roi, échec.
2o B. Le fou du roi à la 2° case de son cavalier.
N. La reine à la 5° case du cavalier de son roi.
2 1 B. Le pion du fou du roi, un pas.
N. La reine à la 3° case du cavalier de son roi.
22 B. Le fou de la reine à la 2° case du fou du roi.
N. Le cavalier à la 2° case dc son roi.
23 B. La tour de la dame à la case de sa reine.
N. Le cavalier à la 4° case de sa reine.

(a) C'est un fort bon coup.


(b) Les blancs, en poussant ainsi, découvrent leur roi et s'exposent à un, sacrifice
qui, dans la position de la partie, est fort bon.
(c) Coup de défense très-faible.
24 B. Le fou de la reine à sa 5e case (a).
N. La reine à la 3e case de son fou.
25 B. La reine à la 3° case de son cavalier.
N. Le cavalier à la 5e case de son fou du roi (b).
26 B. Le fou prend la tour. -
N. La reine à la 3° case de sa tour, échec.
27 B. Le roi à la 2° case de son fou.
N. La tour prend la tour.
28 B. Le fou du roi à sa case (c).
N. Le fou du roi à la 8° case de son cavalier, échec (d).
25 B. Le roi prend le fou.
N. La tour prend la tour.
3o B. Le cavalier à sa 3° case.
N. La reine à la 3° case du cavalier de son roi.
31 B. Le roi à la 2° case de son fou.
N. La tour prend le fou, échec.
32 B. Le cavalier prend la tour.
N. Le roi prend le fou. " . - t - -

Les blancs abandonnent la partie.


- : -
(a) Mal joué de la part des blancs. -
(b) Les noirs jouent très-bien en laissant prendre leur tour.
(c) Il eût mieux valu reprendre la tour avec la dame Ce coup est très-mauvais.
(d) Ce coup est très-ingénieux. Les blancs auraient également perdu, en portant leur
roi à la 4° case du fou de leur roi; les noirs, dans ce cas, auraient donné échec à la
3° case du cavalier de leur roi, puis ils auraient pris la tour et auraient ainsi gagné la
partie.
- 23 -

SUPPLÉMENT -

AU BULLETIN DE LA BATAILLE D'IÉNA.

Vers l'époque de la grande illustration du consulat, il s'était


élevé un météore sur le jeu des échecs. Le sceptre de Philidor,
qui avait disparu avec beaucoup d'autres, venait d'être saisi
par M. Deschapelles ; quelques jours avaient suffi pour dévelop
per chez lui une force supérieure, ou du moins incontestable
ment au niveau de ce qui avait paru jusqu'alors. La rapidité,
la vigueur et la solidité paraissaient de sa part comme le fait
d'une science innée et préexistante. Il obtint le perfectionne
ment dont les échecs sont susceptibles, mais il n'y joignit pas l'éru
dition. Son caractère ou son indolence le portait à la méditation,
et non pas à l'étude; et son devoir, qui lui fit faire les campa
gnes d'Allemagne, de Pologne et d'Espagne, ne lui laissa le
temps de jouer qu'à parties brisées et à longs intervalles.
M. Deschapelles prétendait que les échecs exigeaient une vi
vacité de conception qui appartenait à la puissance du soleil ,
et qu'un rival ne pouvait lui venir que du midi, les climats du
nord ne fournissant que des penseurs auxquels un travail pro
longé était l'élément indispensable de succès.A l'appui de cette
opinion, nous avons entendu de sa bouche une anecdote qui
nous a paru originale et que nous consignons ici :
En 18o6, l'armée française arrive à Berlin,presque immédia
tement après la bataille d'Iéna. Quelques dames ayant mani
festé leur étonnement sur la vélocité de notre marche, un de
nos officiers leur dit : Nous serions arrivés vingt-quatre heures
plus tôt, sans quelques petits obstacles que nousavons trouvés en
chemin. Ces petits obstacles étaient une armée de trois cent
mille hommes qu'il avait fallu renverser. J'étais logé chez un co
lonel de la garde nationale, qui, dès le premier soir, me con
duisit au fameux club d'échecs, institué par le grand Frédéric.
Une société nombreuse et choisie m'accueillit comme un
frère visiteur; le champ de bataille fut dressé; les trois plus
– 24 -
fortes têtes du cercle me furent opposées. Dans les conversations
qui précédèrent, je m'enquis des forces du club; je demandai
si quelque étranger de ma connaissance avait été admis avant
moi. On me montra sur un registre une quantité de noms an
glais, français et autres, dont aucun n'appartenait aux adeptes.
Quel a été le vainqueur ? dis-je alors aux membres du club. On
me répondit de partout et assez lestement que le club était en
possession de gagner tout ce qui se présentait. Eh bien! repli
quai-je, il en sera autrement aujourd'hui. -Comment? - Le
club perdra.
On ne peut se faire une idée de l'agitation que mes paroles
excitèrent dans le club. Des groupes tumultueux se formèrent,
et je n'entendis autour de moi que ces exclamations, que je com
prenais fort bien, quoique allemandes : Voyez quelle jactance !
quelle présomption ! il en sera puni. -
Cependant le moment était venu de nous mettre auxprises ;
il fallut stipuler les conventions.Je déclarai d'abord que je n'a
vais jamais joué à but, et je proposai pion et deux traits. Quelle
somme voulez-vous jouer ? me dit-on. Je leur répondis : Choi
sissez depuis 1 franc jusqu'à 1oo louis, Alors on me fit observer
que le club ne jouait jamais de l'argent. C'était bien la peine de
me demander le taux de l'enjeu, pour arriver ensuite à ce singu
lier dénoûment. - -
Enfin les trois plus forts joueurs se placèrent devant moi.

Non-seulement ils dirigèrent la partie, mais j'avais autorisé cha


que membre du club à les conseiller au besoin. Nous avions dé
cidé que nous jouerions à but ; ils avaient obstinément refusé
l'avantage que j'offrais : je me résignai.
Le trait fut tiré, il m'échut. Je leur donnai le gambit du roi,
qu'ils acceptèrent et défendirent. Comme j'avais été un peu
aigri par tout ce qui venait de se passer, je me levai au onzième
coup, et leur dis avec assez de raideur qu'il était inutile de con
tinuer la partie, et qu'après sept coups encore, ils seraient mat,
vérité triste que je leur démontraisur-le-champ. Puis je fis mine
de me retirer, accompagné du colonel de la garde nationale ct
d'un de mes amis, colonel de cavalerie, amateur d'échecs, qui
me servait comme de second dans cette sorte de duel.
Les membres du club se levèrent en masse, et, changeant
tout-à-coup de ton et de manières, ils me demandèrent poliment
leur revanche En les voyant cette fois si modestes, je parus me
– 25 -

radoucir, et je restai. Une seconde partie s'engagea. Ils eurent


le trait, et ils jouerent le pion de la reine deux pas. La lutte fut
plus longue que la première, mais j'en sortis encore vainqueur.
Je pris alors avec eux le ton du maître parlant à des élèves, et je
leur démontrai les coups qu'ils ne pouvaient comprendre, et
qu'ils devaient étudier.
Mon corps d'armée quitta Berlin. J'y rentrai quelque temps
après la bataille d'Eylau, et je rencontrai, sur une des promena
des de la ville, plusieurs membres du club, qni m'engagerent à
les visiter une seconde fois. Je leur déclarai que je ne voulais
plus jouer à but avec eux, qu'il était temps de faire cesser cette
mauvaise plaisanterie, et que je n'engagerais d'autre partie qu'en
leur imposant un avantage. Et lequel ? répondirent-ils. - La
tour, répondis je sans hésiter. - Jouerez-vous de l'argent en
nous donnant la tour? - 1oo louis, si vous voulez.
Ils reculèrent encore, et ne voulurent pas exposer de l'argent.
Nous fîmes trois parties. La première fut remise ;je gagnai les
deux autres. Le lendemain je partis pour Hambourg. -
A cette anecdote racontée par M. Deschapelles avec sa fran
chise toute militaire, nous ajouterons que ce célèbre amateur,
une des plus puissantes organisations de l'époque, a donné,
pendant vingt ans, le pion et deux traits à tous les plus forts
joueurs de l'Europe. Il est vraiment à regretter que, par des
motifs impérieux de santé, M. Deschapelles ait, depuis bien des
années, complètement abandonné un plaisir qui donne tant de
peine à ces esprits d'élite, qui n'abandonnent les combinaisons
qu'après les avoir épuisées. M. Deschapelles a souvent joué avec
l'excellent roi de Hollande, nous voulons parler de Louis, frère
de l'empereur. Il a fait bien des parties aussi avec l'illustre et
malheureux maréchal Ney et avec le duc d'Abrantès. La retraite
de M. Deschapelles a laissé un grand vide parmi les joueurs
d'échecs. - .
– 26 -

UNE PARTIE DÉCHECs,


- -- PoèME PAR M. MÉRY.

En 1834,je fis un voyage en Angleterre, pour entrer en lice


avec un amateur qu'on disait d'une force extraordinaire : c'était
M. Mac-Donnel. J'avais déjà joué avec lui cn 1823, mais à
cette époque je lui avais fait un fort avantage. Nous enga
geâmes, en 1834, une partie assez importante. Les Anglais,
toujours hardis et fort parieurs, mirent aux enjeux une forte
somme. Les journaux de Londres annoncèrent ce défi, comme
ils l'auraientfait pour une véritable campagne militaire. Il fut
convenu que nous ferions vingt-et-une parties.J'en perdis six,
etj'en gagnai seize. Après en avoir joué neuf, j'osai parier con
tre mes adversaires intéressés que j'en gagnerais huit sur les
douze qui restaient ;j'en gagnai neuf. Plusieurs défis suivirent
ce premier. Toutes les fois que je voulus faire avantage à
M. Mac-Donnel,je fus battu : à but,je gagnai toujours. Je vis
que la question pouvait ainsi se résumer entre nous deux :jé
tais plus fort, mais je ne pouvais faire avantage.Je déclare que
M. Mac-Donnel est le plus habile amateur d'échecs que j'aie
connu, après M. Deschapelles, notre célèbre amateur fran
çais. M. Mac-Donnel aimait ce jeu de passion, il le travail
lait assidûment , il m'a souvent étonnépar la force et la profon
deur de ses combinaisons. La mort vient de l'enlever, à la fleur
de l'âge; il était riche , leureux, admirablement organisé, et
occupait à londres un poste éminent.
Sur cent parties que j'ai jouées avec M. Mac-Donnel, cin
quante ont été jugées dignes de l'impression ; elles ont été
publiées en Angleterre. Ces parties, j'ose le dire, sont aujour
d'hui classiques et deviennent des objets d'étudepour les amateurs.
Vers la fin du mois dernier, j'en montrai une au club des Pano
ramas; M. Méry étaitprésent, et il avait suivi cctte partie avec
cet intérêt qu'il porte à tout. Voilà un sujet de poème , dis-je
- 27 -
à M. Méry; malheureusement la poésie ne peut se plier à la
démonstration technique des cinquante coups d'une partie.
– La poésie se prête à tout ce qu'on veut, me répondit-il.
– Personne encore n'a pourtant osé aborder ces difficultés ; on
a déjà beaucoup de peine à les aplanir en prose et à les rendre
claires. - Eh bien ! monsieur de la Bourdonnais,je mettrai
votre belle partie en vers. - Il vous faudra du temps. -
Demain matin elle sera à l'impression.
En effet, M. Méry prit sur-le-champ une plume et du pa
pier, s'enferma dans un cabinet avec moi, et il écrivait son
poème, comme s'il eût fait une lettre à un ami.J'indiquais les
- coups sur l'échiquier, et lui , tout en causant avec moi, les tra
duisait en vers. L'abbé Delille a fait quelques vers sur les
échecs ; mais il a jugé impossible la démonstration d'une partie.
L'abbé Roman en a écrit une, avant M. Méry; elle est en vers
de dix pieds, mais on ne peut pas la suivre, c'est une mêlée
dans laquelle on ne distingue rien. La partie traitée par
M. Méry, indépendamment de son mérite poétique, est écrite
avec tant de clarté, qu'il suffit pour la jouer de connaître la
marche du jeu. - -
Le poète Vida est le seul qui ait fait un bon poème latin sur
les échecs ; la langue latine, avec ses formes pittoresques et son
énergique concision , se prêtait bien à un pareil sujet.Vida n'a
point décrit une partie, mais il a chanté une bataille ; il a expli
qué admirablement la marche et la force des pièces. Son poème
cst sipeu connu, que nous croyons faire plaisir à nos lecteurs
en leur en donnant un fragment. Nous devons la communication
du précieux livre de Vida à M. Philarète Chasles, un de nos
plus ingénieux, de nos plus spirituels, de nos plus savants
écrivains, et en même temps, ce qui se rencontre souvent, un
de nos brillants amateurs d'échecs. -. '

Sexaginta insunt et quatuor ordine sedes ;


Octono parte ex omni, via limite quadrat
Ordinibus paribus, necnon forma omnibus una
Scdibus, æquale et spatium , sed non color unus.
Alternant semper variæ, subeuntque vicissim
Albentes nigris : testudo picta supernè
Qualia devexogestat discrimina tcrgo.
Tùm superis tacitè secum mirantibus inquit :
- 28 -

' ' : Marti aptam sedem, ludicraque castra videtis.


Hoc campo adversas acies spectare licebit
Oppositis signis belli simulacra ciere,
- * Quæ quondam sub aquis gaudent spectacla tueri
Nereides, vastique omnis gens accola Ponti,
Si quando placidum mare et humida regna quiêrunt,
En !verò simulata adsunt qui prælia ludant.
Sic ait, et versâ in tabulam deprompsit ab urnà
Arte laboratam buxum , simulataque nostris
Corpora, torno acies fictas albasque, nigrasque,
Agmina bina pari numeroque, et viribus æquis, ,
Bis niveâ cum veste octo, totidemque nigranti.
Ut variæ facies, pariter sunt et sua cuique
Nomina, diversum munus, non æqua potestas.
Illic et reges paribus capita alta coronis,
Et regum pariter nuptas in bella paratas
Cernere erat.Sunt quipedibus certamina inire
Sueti, sunt et equis qui malint, quique sagittis,
Nec deest quæ feret armatas in prælia turres
Bellua. Utrinque Indos credas spectare elephantes.
Jamque aciem inversun statuunt, structæque cohortes
Procedunt campo, castrisque locantur utrisque.
Linea principio sublimes ultima reges
Parte utrâque capit, quartis in sedibus ambos
Tractu eodem adversas inter se; sextamen æquis
In medio sedes spatiis hinc inde relictæ :
Sede albus sese nigrâ tenet, ater in albâ. .
Proxima reginas capit orbita; regibus ambæ
Hærent quæque suo,dextrum latus altera, laevum
Altera lege datis tangunt stationibus, atrumque
Atra tenet campum ; spatio stat candida in albo ;
Etproprium servant primâ statione colorem.
Inde sagittiferi juvenes de gente nigranti
Stant gemini, totidem pariter candore nivali ;
Nomen Areiphilos Graiifecêre vocantes,
Quòd Marti ante alios carifera bella lacessant.
Continuò hos inter rex, necnon regia conjux
Clauduntur medii : duo dehinc utrinque corusci
Auratis equites sagulis, cristisque decori
Cornipedes in aperta parant certamina Martis.
-- 29 -
Tum geminæ velut extremis in cornibus, arces
Hinc atque hinc altis stant propugnacula muris,
Quas dorso immanes gestant in bella elephanti.
Postremò subeunt octo hinc atque indè secundis
Ordinibus pedites, castrisque armantur utrisque
Armigeri partim regis,partimque ministræ
Virginis armisonæ, quæ prima pericula belli
Congressusque ineant primos, pugnamque lacessant.
Non aliter campis legio se buxea utrinque
Composuit duplici digestis ordine turmis,
Adversisque ambæ fulsêre coloribus alæ,
Quàm Gallorum acies, Alpinofrigore lactea
Corpora si tendant albis in prælia signis
Auroræ populos contra, et Phaethonte perustos
Insano MEthiopas, et nigri Memnonis alas.
Tum pater Oceanus rursus sic ore locutus :
Cœlicolæ,jam quænam acies, quæ castra, videtis ;
Discite nunc(neque enim sunt hæc sine legibus arma)
Certandi leges, nequeant quas tendere contra.
Principio alterni reges in prælia mittunt
Quem pugnae numero ex omni elegêresuorum.
Si niger arma ferens primus processit in æquor,
Continuò adversum semper se candidus offert,
Nec plures licet ire simul facto agmine in hostem.
Propositum cunctis unum, studium omnibus unum,
Obsessos reges inimicæ claudere gentis,
Ne quò impunè queant fugere, atque instantia fata
Evitare ; etenim capiunt ita prælia finem.
Haud tamen intereà cuneis obstantibus ultrò
Parcunt ; sed citius quò regem sternere letho
Desertum evaleant, cædunt ferro obvia passim
Agmina, rarescunt hic illic funere semper
Utraque castra novo ; magis ac magis area belli
Picturata patet,sternuntque caduntque vicissim. .
Sed cædentem opus est sublati protinus hostis
Successisse loco, et conatus vindicis alæ
Sustinuisse semel; mox si vitaveritictum ,
Indè referre licet se in tutum præpete plantâ.
At pedites prohibent leges certaminis unos,
Cùm semel exierint (facilis jactura) reverti. .
-- 3o -
Ncc verò incessus cunctis bellantibus idem,
Pugnandive modus : pedites inprœlia euntes
Evaleant unam tantùm transmittere sedem,
Inque hostem tendunt adversi, et limite recto.
Congressu tamen in primo fas longiùs ire,
Et duplicaregradus concessum ;atcomminùs hostem
Cùm feriunt, ictum obliquant, et vulnera furtim
Intentant semper lateri, cavaque ilia cædunt.
Sed gemini claudunt aciem qui hinc indè elephanti,
Cùm turres in bellagerunt ac prælia miscent,
Rectâ fronte valent, dextrâ, lævâque retròque
Ferre aditum contra, campumqueimpunè per omnem
Proruere, ac totis passim dare funera castris.
Ne tamen obliquis occultent nixibus ictum,
Quitantùm mos concessus pugnantibus arcu
Dilectis Marti ante alios : nam semper uterque
Fertur in obliquum, spatiis nigrantibus alter,
Alter candenti semper se limite versat,
Directisque ineunt ambo fera bella sagittis,
Nec variare licet, quamvis fas ire per omnem
Hinc atque hinc campum,atque omnes percurrere sedes.
Insultat sonipes ferus, atque repugnat habenis.
Nunquàm continuò stipata per agmina ductu :
Procurrit : tantùm sursum sese arduus effert --
Semper,et in gyrum gressus magno impete lunat
Curvatos, duplicemque datur transmittere sedem.
Si nigranteprius campo expectaverit, album
Mox petere, et sedis semper mutare colorem
Lex jubet, ac certo semper se sistere saltu.
At regina, furens animis, pars optima belli,
In frontem, interga, acdextram, lævamque movetur,
Itque iter obliquum, sed semper tramite recto
Procedit, neque enim curvato insurgere saltu
Cornipedum de more licet : non terminus olli,
Nec cursûs meta ulla datur : quocumque libido
Impulerit, licet ire, modè ne ex agmine quisquam
hostilive, suove aditus occludat eunti. -
Nulli etenim super educto fas agmina saltu
Transiliisse; equiti tantùm hœc concessa potestas.
Cautiùs arma movent gentis regnator uterque,
In quibus est omnis spes, ac fiducia belli.
Omnibus incolumi rege stat cernere ferro :
Sublato pugnâ excedunt, et castra relinquunt.
Ille adeò in bello captus secum omnia vertit.
Ergo hærens cunctatur, eum venerantur, et omnes
Agmine circumstant denso, mediumque tuentur.
Utque armis sæpe eripiant, sua corpora bello
Objiciunt, mortemque optant pro rege pacisci.
Non illi studium feriendi, aut arma ciendi :
Se tegere est satis, atque instantia fata cavere.
Haud tamen obtulerit se quisquam impunè propinquum
Obvius, ex omni nam summum parte nocendi
Jus habet : ille quidem haud procurrere longiùs ausit,
Sed postquam auspiciis primis progressus ab aulâ
Mutavit sedes proprias, non amplius uno
Ulteriùs fas ire gradu, seu vulneret hostem, -
Seu vim tota ferant nullam atque innoxius erret. -

M. Méry a décrit ainsi la marche des pièces. - , :


- . " .

Le champ clos a croisé soixante quatre cases ; -


Aux deux extrémités, les tours posent leurs bases, -
Ces formidables tours, ces tours qu'un doigt savant
Comme aux siéges romains fait rouler en avant : "
Sur des chevaux sans mors des cavaliers fidèles,
Lestes et menaçants,se placent auprès d'elles ;
Quand ils ont fait deux bonds, ils brisent leurs élans,
Et tombent, de côté, sur les noirs ou les blancs.
Ces pièces vont ainsi, l'amitié les a jointes
Aux fous, sages guerriers quipartout font des pointes.
Puis la dame se place etgarde sa couleur ;
Nul combattant du jeu ne l'égale en valeur :
Elle vole d'un bond de l'une à l'autre zone ;
C'est Camille au pied leste, invincible amazone ;
Elle veille, et défend les pièces d'alentour,
Par la force du fou , réunie à la tour.
Près d'elle le roi siége ; hélas!il garde un trône
Que mine le complot, que l'astuce environne.
- 32 -
Ce monarque , toujours menacé du trépas,
Pour tromper l'ennemi ne peut faire qu'un pas ;
Toutefois, quand sa force est enfin abattue ,
Par respect pour son nom , personne ne le tue ;
Il est échec et mat; son dernier jour a lui,
Et tous ses serviteurs sont morts auprès de lui.
Huit modestes pions, soldats de même taille ,
Gardent l'état-major sur un front de bataille ;
Un pas leur est permis; un ou deux, jamais trois.
Troupe vile immolée aux caprices des rois,
Ils ne prennent qu'en pointe, et pourtant il arrive
Qu'un d'eux, soldat heureux, aborde l'autre rive ;
Alors il segrandit; ce soldatparvenu
Des dépouilles d'un chef habille son corps nu ;
Il se métamorphose en tour, il devient reine;
Il choisit dans les morts, étendus sur l'arène,
Un chef de sa couleur, par sa force cité :
L'heureux pion le touche, il l'a ressuscité.

Notre poète français reste donc sans modèle et sans rival, du


moins jusqu'à ce jour, dans la poésie technique de la partie
d'échecs proprement dite. Il a abordé de front une difficulté
jugée insurmontable ; et comme si une seule fois ne lui suffisait
pas, il m'a premis de chanter, en vers, toutes les parties un
peu remarquables que je pourrais engager avec nos célèbres
amateurs français ou européens. Le Palamède enregistrera
ces poésies qui rcntrcnt dans son domaine privé.
D,
- 33 -

BIOGRAPHIE.

385iacjino

sURNoMMÉ LE CALABRoIs.

Gioachino Greco, communément appelé le Calabrois, de la


Calabre, lieu de sa naissance, était d'une extraction très-com
mune. Ayant, par accident, appris le jeu des échecs, il y fit des
progrès si rapidès, que don Mariano Marano, célèbre joueur
d'échecs qui vivait au commencement du XVII° siècle, étant
instruit de ses dispositions extraordinaires, le recueillit dans
sa maison. Sous la tutelle d'un tel maître, Greco fit bientôt de
grands progrès.
Bayle, dans son Dictionnaire historique et critique, a réservé
quelques lignes à Greco : « Gioachino Greco, connu sous le nom
du Calabrois, jouait aux échecs avec tant d'habileté, qu'on ne
peut trouver étrange que je lui consacre un petit article. Tous
ceux qui excellent dans leur métier jusqu'à un certain point mé
ritent cette distinction. Ce fut un joueur qui ne trouva son
pareil en aucun endroit du monde. Il voyagea dans toutes les
cours de l'Europe, et s'y signala au jeu des échecs d'une ma
nière surprenante. Il trouva de fameux joueurs à la cour de
France : le duc de Nemours, MM. Arnaud, de Chaumont et de
Lasalle. Mais, quoiqu'ils se piquasscnt d'en savoirplus que les
autres, aucun d'eux ne fut capable de lui résister; ils ne purent
pas même lui tenir tête tous ensemble : c'était, en fait d'échecs,
un bravo qui cherchait dans tous les états quelque fameux che
valier avec qui il pût se battre et rompre une lance ; il n'en
trouva point dont il ne demeurât vainqueur. »
Cette appréciation de la force duCalabrois, suivant Salvio,se
rait exagérée; il le place bien au-dessous de Boi-le-Syracusain,
de Marano et autres forts joueurs italiens de l'époque.
– 34 -
Dans le Mercure galant du mois de juin 1683, l'on trouve les
vers qui suivent, adressés à Greco par l'un de ses admirateurs :

« A peine dans la carrière


Contre moi tu fais un pas,
Que,par ta démarche fière,
Tous mes projets sontà bas.
Je vois, dès que tu t'avances,
Céder toutes mes défenses,
Tomber tous mes champions.
Dans ma résistance vaine,
Roi, chevalier, roc et reine,
Sont moindres que tes pions. »

En 1669, Greco publia à Paris un ouvrage intitulé : Jeu des


echecs. Il le dédia au marquis de Louvois, ministre de la guerre,
déclarant dans sa préface qu'il l'avait composé pour son instruc
tion. En effet, dans les parties que ce livre contient, on n'observe
pas les règles italiennes. Quoique Greco ait fait beaucoup d'em
prunts à damiano, Ruy-Lopez,Carrera , ses prédécesseurs, son
petit traité est regardé, avec raison, comme renfermant une
grande quantité de positions brillantes et instructives. Il y a
cependant un reproche à faire à l'ouvrage du Calabrois : le
blanc, qui gagne toujours, joue comme un joueur de première
force qui croit pouvoir tout hasarder avec son adversaire ; le
noir joue mal et il serait de force à recevoir facilementune tour.
- Plusieurs traductions du traité de Greco ont été publiées en
France et en Angleterre ; la mcilleure sans contredit et la plus
complète eat due à M. Lewis, elle contient beaucoup de remar
ques critiques et explicatives qui sont très-nécessaires pour
comprendre l'esprit de l'ouvrage. . .. "
Gioachino Greco mourut aux Indes orientales, dans un âge
très-avancé , il appartenait, au moment de sa mort , à la
fameuse société de Jésus.

Notre prochain numéro contiendra la biographie de Phi


lidor. -
– 35 -

Analyse du jeu des echecs, par Philidor. Nouvelle édition ; chez Causette, libraire,
rue de Savoie , n° 15. Prix : 4fr, On trouve chez le même libraire divers autres ouvra
ges sur les échecs.
Nouveau traite du jeu des echecs, par de la Bourdonnais; gros in-8, avec planches.
Prix: 1o fr. Au cercle des Panoramas, rue Vivienne, n° 48.

Chaque numéro du journal contiendra quatre problèmes d'é


checs, dont la solution paraîtra dans le numéro suivant.

Dans les planches quisuivent, chaque pièce est désignée par


sa lettre initiale. Les lettres à joursont réservées pour les pièces
blanches.

Les blancs ont toujours le trait. Le mat n° 1 a été trouvé en


jouant par M. Azevedo, auteur d'une publication intéressante
sur les éhecs. Le mat n°2 a été composépar M. Calvi, amateur
italien d'une force remarquable. Le mat n° 3 a été fait en
jouant par M. de la Bourdonnais. Enfin le mat n° 4 est traduit
du sanscrit, et a été composé par un Indien.

Le rédacteur et gérant responsable,

DE LA BOURDONNAIS.
-
%- -- --
--
%---- ----

-
-

- - %

Mat en quatre coups.


Les blancs donnent l'échec et mat avec un pion
en trois coups, ou forcent les noirs à leur donner
l'échec et mat en quatre coups.
-
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-
-
BENJAMIN FRANKLIN.

Eripuit cœlo fulmen sceptrumque tyrannis.

Benjamin Franklin est un des hommes qui ont le plus honoré


l'espèce humaine, et le plus contribué aux progrès de la civili
sation.Sorti d'une famille obscure, il passa sespremières années
comme simple artisan dans une imprimerie. Il fit son éducation
lui-même, et, par son seul mérite, s'éleva auxpremiers postes
de son pays. Lorsque l'Amérique leva l'étendard de l'indépen
dance, elle chercha un appui en Europe, et s'adressa à la
France. N'ayant pas de princes ni de barons pour la représenter,
elle envoya un homme de génie, un grand citoyen, B. Franklin.
La considération personnelle attachée à un tel caractère, la vé
nération qu'on lui portait, remplaça avecavantage les dignités et
les titres des ambassadeurs de l'Europe, et contribua beaucoup
à faire conclure le traité d'alliance entre la France et les Etats
Unis.
Franklin, pendant le long séjour qu'il fit en France, habitait
à Passy une agréable retraite, dont il ne sortait que pour rem
plir les devoirs de sa place, et pour jouir avec délices du com
merce des sciences et des douceurs de l'amitié.
Le délassement favori de Franklin était le jeu des échecs : un
jeu aussi noble et aussi grave devait convenir à une pareille or
ganisation. C'était avec Mme de Brion, femme aimable et spiri
tuelle, que Franklin faisait le plus souvent sa partie; cette
dame jouait fort bien, et faisait avantage au représentant de
l'Amérique. Franklin ayant observé que le seul inconvénient du
jeu des échecs était de froisser l'amour-propre et de le rendre
irritable, crut devoir adresser quelques avis bienveillants aux
amateurs de ce jeu; les publia sous le titre the Morals ofchess,
et nos lecteurs en trouveront l'abrégé à la fin de cet article. On
y retrouve le style de l'auteur de l'Almanach du bonhomme Ri
chard, où les plus sages conseils, les vérités les plus graves,
sont présentés avec une originalité d'expression et une tournure
4
proverbiale qui les rendent faciles à saisir et impossibles à ou
blier.
Le retour de Franklin dans sa patrie fut une ovation. La na
tion se montra reconnaissante de ce qu'il avait faitpour elle, et
le plaça plusieurs fois à la tête de ses affaires ; là, on le vit s'oc
cuper toujours avec un zèle infatigable du bonheur de ses con
citoyens. Il mourut dans unevieillesse avancée, laissant par son
testament une partie de son patrimoine pour la fondation d'ins
titutions utiles, et léguant à son meilleur ami, à l'ami du genre
humain, à Washington , le bâton de pommier sauvage avec
lequel il avait coutume de se promener.
Ce grand homme, dont la devise avait toujours été : Dieu et
la liberté, a composé lui-même son épitaphe, qui nous montre
à la fois l'originalité de son esprit et le fond de son cœur; la
voici :
Ici repose,
livré aux vers ,
le corps de Benjamin Franklin, imprimeur,
comme la couverture d'un vieux livre,
dont les feuilles sont arrachées,
et la dorure et le titre effacés ;
mais,pour cela, l'ouvrage ne sera pas perdu :
car il reparaîtra,
comme il le croyait,
revu et corrigé
par
l'auteur.

* Opinion de B. Franklin sur le jeu des échecs.

Il ne faut pas croire que le jeu des échecs ne soit qu'un délas
sement, un amusement frivole : il fait naître et fortifie en nous
plusieurs qualités précieuses et utiles dans le cours de notre
existence. La vie humaine ressemble à une partie d'échecs où
nous trouvons des adversaires et des compétiteurs avec les
quels il nous faut lutter, et où se rencontrent mille circonstances
difficiles qui mettent notre prudence à l'épreuve. L'habitude de
jouer aux échecs nous donne : -
1°La prévoyance, qui nous apprend à lire dans l'avenir, et à
voir les conséquences de telle ou telle action. En effet, le joueur
- 43 -
ne se demande-t-il pas à chaque instant : Si je joue cette pièce,
quelle sera ma nouvelle position ? Mon adversaire pourra-t-il s'en
faire une arme contre moi?Que pourrai-je jouer pour soutenir
ma pièce, ou pour me défendre de ses attaques ?
2° La circonspection, qui nous fait apercevoir le rapport de
différentes pièces entre elles, leur position, les dangers auxquels
elles sont exposées à chaque instant, l'appui qu'elles peuvent se
prêter mutuellement, les chances de telle ou telle attaque de la
part de notre adversaire, et les différentes manières de parer
ses coups. -
3° La prudence, qui nous empêche de jouer avec trop de pré
cipitation ; et cette habitude ne s'acquiert qu'en observant stric
tement les règles du jeu : ainsi, lorsque vous avez touché une
pièce, vous devez la jouer à une place ou à une autre, et si vous
l'avez mise sur une case, vous devez l'y laisser. C'est l'image de
la vie humaine, et surtout de la guerre, où nous devons suppor
ter les conséquences de notre imprudence.
4° Enfin, la persévérance, qui nous apprend à ne jamais dé
sespérer, quelque mauvaises que paraissent nos affaires au
premier coup d'œil. Il y a tant de ressources dans ce jeu, qu'il
arrive souvent qu'après avoir mûrement réfléchi, l'on trouve
enfin le moyen de sortir d'une difficulté que l'on avait d'abord
jugée insurmontable. D'ailleurs, la négligence de notre adver
saire peut encore nous faire remporter la victoire, surtout si le
succès lui a donné de la présomption, et si son attention n'est
plus aussi soutenue.
Mais, pour que ce jeu soit le premier de tous, il faut contri
buer, par tous les moyens possibles, au plaisir qu'il procure.
Vous éviterez donc tout geste, toute parole désagréable, car
l'intention des deux parties est de bien passer le temps.
Pour arriver à ce but, il faut convenir :
1° D'observer rigoureusement les règles : car, du moment où
il serait permis de les enfreindre, où faudrait-il s'arrêter ?
2° De ne jamais faire, avec connaissance de cause, une fausse
marche pour sortir d'embarras ou pour obtenir un avantage : car
on ne peut plus avoir de plaisir à jouer avec une personne de
mauvaise foi.
3° Si votre adversaire réfléchit long-temps avant de jouer, de
ne pas le presser, et de ne pas paraître ennuyé, comme font
ceux qui regardent souvent à leur montre, qui prennent un
--
livre pour lire, qui chantent, qui sifflent, qui font du bruit avec
leurs pieds, qui promènent leurs mains sur la table : car toutes
ces petites manœuvres déplaisent et détournent l'attention.
4° De ne pas chercher à tromper son adversaire, en se plai
gnant, lorsque cela n'est pas, d'avoir fait un mauvais coup, et
de ne pas lui dire qu'on a perdu la partie, dans l'espoir de le
rassurer contre les piéges qui lui sont tendus : ce n'est point
par supercherie, mais par son talent qu'il faut remporter la vic

5° D'observer le plus profond silence, lorsque l'on est simple


spectateur. En effet, en donnantun avis, vous offensez les deux
parties : d'abord celui contre lequel vous parlez, puisque vous
risquez de lui faire perdre la partie ; ensuite la personne que
vous conseillez, car vous lui ôtez le plaisir de trouver le coup
elle-même. Il faut encore se garder, après un ou plusieurs coups,
de replacer les pièces pour montrer que l'on aurait pu mieux
jouer : car cela déplaîtgénéralement, et peut amener des dis
cussions pour rétablir le jeu.-Si vous désirez montrer ou exer
cer votre talent, faites-le en jouant vous-même une partie,
quand l'occasion se présentera ; cela vaut mieux que de se mêler
du jeu des autres.
N'oublions pas non plus de parler du joueur qui, lorsqu'il est
battu, cherche à excuser sa défaite avec des phrases banales,
telles que : Votre manière de débuter m'a troublé;-Je ne suis
pas habitué à cespièces ;-Vous avez été trop long, etc. Car ce
lui qui,à cejeu, a recours à des moyens aussi petits, manque de
courtoisie, et montre peu d'élévation dans le caractère.
Aux échecs, l'amour-propre est satisfait quand on remporte la
victoire ; mais il n'y apas de honte à être battu.
- 45 -

LE SYIRACUSAIN.

Sous le règne de Charles-Quint, le jeu des échecs devint une


véritable passion chez les peuples et les rois. L'empereur avait
mis l'échiquier en haute faveur; il aimait passionnément ce jeu,
et sa cour, en imitation du maître, adopta ses goûts. Charles
Quint avait même appris à son singe favori le mat du berger.
C'est alors que florissaient Damiano, le Portugais, auteur d'un
ouvrage didactique sur le noble jeu ;Jacobus de Cessolis, do
minicain qui a écrit en italien un livre sur les échecs, inti
tulé : Costumi degl' uomini, e uffizzi degli nobili; JérômeVida,
évêque d'Albe, poète latin, qu'on croirait élève de Virgile ; le
docteur Gio Leonardo de Cutri, Napolitain, surnommé il Put
tino, qui a laissé quelques écrits, recueillis par Salvio, sous le
titre de il Cavalliero errante; Ruy Lopez, d'Alcala, auteur
d'un bon traité; d'autres encore, moins oonnus, et dont j'ai
oublié les noms.
En tête de cette phalange, dont l'illustration est due, peut
être, aux encouragements de Charles-Quint, il faut placer Paolo
Boï, de la citédeSyracuse. La vie de ce célèbre joueur d'échecs
a tout le charme d'un roman ; elle rappelle la vie aventureuse
de Michel Cervantes. Boï a été soldat et marin ; il est tombé
d'une haute fortune dans la pire des conditions; il a été captif
au bagne d'Alger; il a traversé les déserts brûlants d'Afrique ; il
a joué aux échecs avec les esclaves et avec les rois : c'est une de
ces existences complètes qui appartiennent aux heureuses et
puissantes organisations.
Un jour, il était fort jeune encore, le désir de s'illustrer dans
les camps se saisit tout-à-coup de lui. Il témoigna à sa majesté
catholique Philippe II le désir qu'il avait de se mettre à son
service. Le roi, qui ne lui refusait rien, écrivit lui-même à son
frère, don Juan d'Autriche, une lettre de recommandation.
C'est un document fort curieux et presque inédit. Nous le citons
pour montrer à quel degré de faveur le jeu d'échecs avait élevé
Boi le Syracusain :
– 46 -
« Illustrissime don Juan d'Autriche, mon très-cher et bien
aimé frère, notre capitaine-général de la mer, il m'a été fait de
la personne et des services de Paul Boï, Syracusain, qui vous
remettra cette lettre, les rapports les plus favorables. Il se rend
près de vous dans le désir de continuer ses services aupres de
votre personne. A cet effet, j'ai voulu vous écrire pour vous le
recommander et vous prier de lui être favorable, ainsi que je
le fais, pour quevous le teniez pour mon commandement, l'em
ployant dans les occasions qu'offrira mon service, ce que fai
sant, mériterez mon plein contentement. Illustrissime don Juan
d'Autriche, mon très-cher et bien-aimé frère, notre capitaine
général de la mer, que le Seigneur vous soit toujours en garde.
--

«Votre bon frère ,

« Moi, LE ROI.
« ANT. PEREZ. »

Muni de cette leture, il partit pour l'armée, et combattit vail


lamment à la terrible bataille de Lépante, à côté de Michel
Cervantes, cet autre chevalier errant qui poursuivait les aven
1ures, comme le héros de son livre. De là, Boï le Syracusain
remonta l'Adriatique pour visiter la belle Venise, et s'y délasser
des fatigues de la guerre en jouant aux échecs.A cette époque,
il n'était bruit à Venise que de Rosa Linori, jeune et belle Vé
nitienne de vingt ans, qui, par dévoûment filial, avait consa
cré tous ses loisirs à l'étude du noble jeu, que son père, vieil
lardinfirme, aimait avec passion. Rosa était devenue d'une force
supérieure. Le Syracusain ne tarda pas d'être appelé au palais
Linori pour y faire la partie du vieillard et de sa jeune fille.
Boï fut inexorable, dans ses combinaisons, avec le père, mais il
agit plus galamment avec Rosa; il se maintint devant sa belle ad
versaire sur un pied d'égalité : l'histoire ajouta même qu'il en de
vintamoureux, et qu'il perdit,avecelle, beaucoup de partiespar
distraction. Cette ville plaisait au Syracusain; ce soldat, qui ne
pouvait vivre qu'en courant, s'était fixé sur les cases de la belle
Rosa Linori ; Venise était pour lui la Capoue de l'échiquier,
après la victoire de Lépante. Lc jour, il s'asseyait devant Rosa,
et jouait avec une assiduité qui ravissait le vieux Linori; la
nuit, il faisait des sonnets amoureux, qu'il faisait glisser sous
l'échiquier, en recevant de la jeune fille un échec et mat qui
éblouissait le père. Une de ces malheureuses poésies perdit l'ar
dent Syracusain. Le sonnet intitulé il Matto dell' amore, le
mat de l'amour, tomba entre les mains de l'ombrageux vieillard ;
les chroniqueurs nous ont conservé ce curieux madrigal, et
nous le donnons ici dans une traduction assez fidèle ; les concetti
du genre y abondent. -

LE MAT DE L'AMOUR,

SONNET.

Me gagner aux échecs est chose très-facile ;


Auprès de vous, pour moi, ce jeu n'a plus d'attrait.
Je reçois de l'amour le pion et le trait ;
Vous êtes le vainqueur du héros de Sicile.

Avec la belle Omphale Hercule folâtrait ;


Le lion devant elle avait un air docile :
Si j'étais l'un des deux, il vous serait facile
De reconnaître l'autre à ce même portrait.

Jadis, quand j'ignorais le tourment qui m'embrase,


J'allais de ville en ville, et sous chaque climat,
Soldat ou voyageur, je trouvais une extase ;
Immobile aujourd'hui, ce sol devient ma base;
La reine de ces lieux, me fixant sur ma case,
Avec ses beaux yeux noirs, m'a fait échec et mat.

Le seigneur Linori, qui aimait beaucoup les échecs, mais qui


aimait davantage encore l'honneur de sa fille et de sa noble
maison, ferma sa porte à l'amoureux Syracusain. Pour se con
- 48 -
soler de sa passion, Boï se fit dévot ; c'était la seule profession
qu'il n'eût pas exercée. Cependant il ne négligea point le jeu
qui faisait sa gloire, et il employait l'or qu'il gagnait à acheter
des reliques à tous les couvents vénitiens.Un jour, il perdit une
partie à but avec un adversaire inconnu : ce malheur le cons
terna : rentré chez lui, il se mit à étudier la partie qu'il avait
perdue, et il s'assura qu'il avait été battu contre toutes les rè
gles, et que sa partie était évidemment en état de gain. Bien
convaincu sur ce point, il fut amenéà croire que sonvainqueur
avait fait un pacte avec le démon, et que l'échec et mat était
une œuvre de sortilége. Cela lui parut fort naturel. Il demanda
sa revanche ; mais cette fois il prit ses précautions : il se con
fessa et reçut les sacrements ; il entendit plusieurs messes à
Saint-Marc; il se ceignit de son riche rosaire, se chargea de
reliques, et armé ainsi de toutes pièces, il se présenta au second
défi plein de confiance dans sa victoire. L'adversaire inconnu
fut battu complètement. Carréra, qui raconte le fait, ajoute que
ce joueur mystérieux dit à Boï, en se levant : Les tiens sont plus
puissants que les miens.
De Venise, Boï le Syracusain se mit en voyage pour visiter
l'Italie. Il devint bientôt l'ami de plusieurs princes italiens dont
il traversait les états ; il résida même quelque temps à la cour
du duc d'Urbino, qui le combla de bienfaits. A Rome, les car
dinaux se disputèrent le Syracusain ; il entra même si avant
dans l'intimité du pape Urbain VIII, qu'un appartement lui fut
offert au Vatican. Le pape lui promit un évêché avec un béné
fice considérable ; mais Boï refusa d'entrer dans les ordres ; il
n'avait pas des goûts de résidence : son diocèse était l'univers.
C'est dans ce voyage qu'il rencontra un rival digne de lui dans
la personne de Leonardo de Cutri, surnommé il Puttino. Ils
étaient d'égale force : aussi Salvio les appela la lumière et la gloire
des échecs. - -
Don Juan d'Autriche et le roi d'Espagne ne cessaient d'entre
tenir correspondance avec le Syracusain : c'étaient de véritables
rois d'échecs. Don Juan voulut lui faire une surprise : il avait
préparé dans ses appartements une vaste salle dont le parquet
était un immense échiquier, composé de soixante-quatre dalles
de marbre noir et blanc ; des soldats figuraient les pièces avec
leurs costumes respectifs. Boï jouait avec le prince snr cet échi
quier merveilleux. Vainqueur du vainqucur de Lépantc, il
- 49 -
courut faire une ample moisson depiastresportugaisesà la cour
de Lisbonne, où il battit encore Sébastien , roi de Portugal. On
évalue ses bénéfices dujeu, en Portugal, à 8, ooo scudi. Dans les
parties qu'il jouait avec le roi, l'étiquette inexorable voulait qu'il
eût toujours un genou à terre. Lorsque le jeu se prolongeait, Sé
bastien l'aidait à se relever, et à changer de genou ; les courti
sans vantaient beaucoup cette complaisance du roi. Philippe II
lui donna le revenu de certaines places, quise montait à 5oo scudi
par an. C'était une récompense de la victoire solennelle qu'il
avait remportée, devant toute la cour d'Espagne, sur Ruy
Lopez. Si la passion effrénée des voyages et des aventures ne
l'avait pas incessamment tourmenté, Boï le Syracusain aurait eu
la plus belle des existences. Le favori de tous les rois de l'Europe
futpris par des corsaires et amené au bagne d'Alger. Il apprit le
jeu d'échecs aux barbares , et, en considération de ce service
signalé, il fut rendu à la liberté sans rançon. Avant de rentrer
dans ses foyers, il visita la Hongrie et la Turquie, jouant aux
échecs, au repos dans les villes, et en voyage à cheval. Cet insa
tiable besoin de locomotion lui devint fatal : il s'était rendu à Na
ples,sur l'invitation de la princesse de Stigliano, qui l'estimait
beaucoup; à une partie de chasse,il fut atteint d'une pleurésie
qui le conduisit au tombeau, à l'âge de soixante-et-dix-sept ans,
en 1598. -
Voici le portrait que Carréra nous a laissé de Boï le Syra
Cl88lIII :

« Je l'ai connu dans ma jeunesse, dit Carréra, quand j'étais


dans la cité de Palerme, dans l'année 1597 ; ses cheveux étaient
entièrement blancs, ses formes robustes et son esprit ferme ; il
s'habillait toujours d'une manière recherchée ; il était un peu
capricieux, toutefois, il avait beaucoup d'excellentes qualités ;
quoiqu'il n'eûtjamais voulu se marier, ses mœurs étaientirré
prqchables ; il était très-magnifique et très-libéral, jamais un
malheureux ne s'adressait à lui en vain ; il suivait exactement
les pratiques de sa religion. Dans sa vieillesse, on ne put jamais
lui persuader de se fixer dans une contrée et d'y vivre tranquil
lement; sa taille était assez élevée, bien prise et bien propor
tionnée; il était d'une belle figure, aimable, éloquent dans sa
conversation, de bonne humeur et affable avec tout le monde.
Il a laissé plusieurs écrits sur ses aventures et sur les échecs,
qui ont été très-utiles aux écrivains qui sont venus après lui. »
- 5o -

25ecombe partie
DU DÉFI PAR CORRESPONDANCE

ENTRE LONDRES ET PARIS.

Cette partie que nous avions promise à nos lecteurs n'est point
encore décidée; cependant,tout nous porte à croire qu'elle sera
gagnée par le club parisien. Les Français avaient, comme dans
lapremière partie, les blancs.
Nous tiendrons au courant de tous les coups qui se joueront.

1 Blanc. Le pion du roi, deux pas.


Noir. Le pion du roi, deux pas.
2 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le cavalier de la reine à la 3° case du fou de la reine.

3 B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine (a).


N. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
4 B. Le pion du fou de la reine, un pas (b).
N. Le pion de la reine,un pas.
5 B. Le pion de la reine, deux pas.
N. Le pion du roiprend le pion.
6 B. Le pion prend le pion. -
N. Le fou du roi à la 3° case du cavalier de la reine.

7 B. Le pion de la tour du roi, un pas (c).


N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.

(a) ll y a eu hésitation pour savoir si nous ne jouerions pas le pion de la reine deux
pas. C'est un sacrifice momentané qui amène une belle attaque, et dont un exemple se
trouve dans les parties jouées il y a quinze ans entre Londres et Édimbourg.
(b) Ici se présentait l'occasion de jouer la partie inventée par un Anglais d'une force
remarquable, le capitaine Evans. Elle consiste à sacrifier le pion du cavalier de la reine.
On retrouve au moins l'équivalent de ce pion dans les avantages de la position quand on
joue contre un adversaire qui ne connaît pas bien la défense. Ici ce n'était pas le cas.
- (c) Le coup a été fortement critiqué par les supériorités d'Angleterre. Nous avons
--
- 51 -

8 B. Le cavalier de la dame à la 3 case de son fou.


N. Le roi roque.

9 B. Le roi roque.
N. La tour du roi à la case du roi.

1o B. Le pion de la tour de la reine, un pas.


N. Le pion de la tour du roi, un pas.
1 1 B. La tour du roi à la case de son roi.
N. Le pion de la tour de la reine, un pas.
12 B. Le pion du cavalier de la reine, deux pas.
N. La tour du roi à la 2° case du roi(a).
13 B. La tour de la reine à sa 2° case.
N. Le fou du roi à la 2° case de la tour dc la reine.
14 B. La tour de la reine à la 2° case du roi.
N. Le cavalier du roi à la 2° case de la tour du roi.
n 5 B. Le cavalier de la reine à la 5e case de sa reine.
N. La tour du roi à la case du roi.

16 B. Le cavalier de la reine à la 4° case du fou du roi.


N. Le cavalier du roi à la case du fou du roi.
17 B. La reine à la 3° case de son cavalier.
N. Le cavalier du roi à la 3° case du roi.

18 B. Le cavalier prend le cavalier.


N. Le pion prend le cavalier.

été accusés de jouer un coup de défense, lorsque, ayant eu le trait, nous devions pous
ser vivement l'attaque. Il est très-vrai que c'est un coup de prévoyance; mais on est
souvent obligé d'aiguiser ses armes dans l'ombre pour amener les coups qu on doit por
ter plus tard jusqu'au cœur de son ennemi. En poussant ce pion de la tour du roi, on
évite l'arrivée du fou de l'adversaire, qui, venant se poser à la quatrième case du cava
lier de votre roi, gêne votre jeu en forçant trois ou quatre coups de défense, qui font
nécessairement diversion à l'attaque et changent momentanément les rôles. Du reste,
les blancs n'ont pas eu un seul moment à se repentir d'avoir poussé ce pion, et ils
attendent encore la démonstration de la critique un peuhasardée dont on les a poursuivis
jusque dans les journaux anglais,
(a) Sans chercher à blâmer ceux que nous devons nous contenter de gagner, il est
permis de trouver ce coup assez faible. Il est la perte bien réelle de deux temps, car
cette même tour devra s'en retourner au quinzième coup lorsqu'elle sera attaquée par le
cavalier des blancs. On peut considérer ce coup comme un de ceux qui ont contribué à
donner mauvais jeu aux noirs. Cette partie française ne sera pas perdue comme l'autre par
de grosses fautes. Les nuances sont ici plus délicates, aussi la partie sera-t-elle tou
jours plus remarquable que la partie anglaise. - -
- 52 -

19 B. Le fou de la reine à la 2° case du cavalier de la reine.


N. Le cavalier de la reine à sa case (a).
2o B. Le pion de la tour de la reine, un pas.
N. Le fou de la reine à la 2° case de la reine.
2 t B. La reine à la 2° case de son fou.
N. La tour du roi à la 2° case du roi.
22 B. Le fou du roi à la 2° case de la tour de sa reine.
N. Le cavalier de la reine à la 3° case du fou de la reine.
23 B. Le fou de la reine à sa 3e case. -
N. La tour du roi à la 2° case du fou du roi.

24 B. Le pion de la reine à la 5° case de la reine.


N. La tour prend le cavalier.
25 B. Le pion de la reine prend le pion du roi.
N. La reine à la 5° case de la tour.

26 B. Le pion prend le fou en découvrant échec au roi.


N. Le roi à la case de la tour.

27 B. Le fou du roi à la 6° case de son roi (b).


N. La reine à la 6° case du cavalier du roi.
28 B. Le fou de la reine à la case de la tour de la reine.
N. La tour de la dame à la case du fou du roi.
29 B. Le fou du roi à sa 5° case. -
N. Le fou du roi à la 3° case du cavalier de la reine.

(a) Rentrer ainsi dans son jeu paraît encore une perte de temps, puisque ce cavalier
reviendra au vingt-deuxième coup occuper la case qu'il vient d'abandonner au dix-neu
vième. Peut-être aussi est-ce une nécessité cruelle imposée par la position. Les noirs
doivent craindre de voir pousser le pion de la reine, qui forcerait le pion de leur roi et
donnerait une entrée dangereuse dans le jeu.
(b) Il est évident qu'en prenant la tour avec le pion du cavalier du roi on gagnerait
la pièce; mais alors les noirs avaient la remise en donnant échec au roi à la sixième case
du cavalier de leur roi. Ayant une tour de moins, ils se contentaient forcément de cet
échec perpétuel. Ils n'en eussent pas moins perdu le défi, puisque nous avions gagné
l'autre partie; mais l'amour-propre était moins froissé. Ce sentiment, qui leur faisait
désirer une défaite plus prompte mais moins complète, nous a empêché d'y consentir.
Notre partie étant encore meilleure que celle de nos adversaires, nous avons voulu com
battre et remporter une pleine victoire. Négligeant donc la question financière , nous
montrons l'anbition de gagner les deux parties.Jusqu'à présent les chances sont belles,
et, sans trop de présomption , on peut se flatter de voir le succès couronner la noblesse
de l'intention. Il n'y a pas eu unanimité parmi les actionnaires sur la manière d'apprécier
la conduite de la commission. Si la responsabilité doit peser plus particulièrement sur
un membre de la commission, l'auteur de cet article ne la décine pas ; il a été consé
3o B. La reine à sa 2e case.
N. La tour du roi à la 5° case du fou du roi.
31 B. La tour à la case du fou de la reine.
N. La reine à la 4° case du cavalier du roi.
32 B. Le roi à la case du pion de la tour du roi.
N. La tour prend le pion du fou du roi (a).
33 B. La reine prend la reine.
N. Le pion prend la reine.
34 B. La tour prend la tour.
N. Le fou prend la tour.
35 B. Lepion du cavalier de la reine,un pas.
La partie en est là aujourd'hui. Nous attendons la réponse à
notre trente-cinquième coup. Notre jeu est très-beau ; il n'y a
qu'une distraction qui puisse le compromettre. Dans les exer
cices que font les divers amateurs en jouant entre eux cette
partie, c'est presque toujours le jeu des blancs, même dirigé
par une force inférieure, quigagne la partie. Aussi dans notre
camp est-on plein de confiance, et les actions sont considéra
blement à la hausse. On peut espérer la solution dans une
quinzaine de coups, ce qui fera encore une année, et comme
nous commençâmes en février 1834, si nous ne terminons qu'au
printemps 1837, ce sera un peu plus de trois ans. On sent bien
que de pareilles parties ne peuvent se recommencer tous les
jours. En voilà sans doute pour quelques années, et ce seront
nos neveux qui offriront la revanche. Il estun témoignage que
nous nous plaisons à rendre publiquement à nos adversaires,
c'est qu'ils ont été très-beaux joueurs et que nos rapports avec
eux nous ont été extrêmement agréables. Notre courtoisie n'a
pas dégénéré depuis cent ans, et l'esprit révolutionnaire des deux
pays ne leur a pas fait négliger les procédés chevaleresques de
leurs ancêtres dans cette seconde bataille de Fontenoi.
SAINT-AMANT.

quent avec l'esprit dans lequel il a toujours envisagé le défi : secondaire sous le point de
vue pécuniaire (quoiqu'il soit le plus fort actionnaire), mais esssentiel surtout comme
suprématie nationale.
(a) On reprend le pion qu'on avait de plus; mais on le regagnera plus tard, et en
attendant, on a fait doubler le pion du cavalier, ce qui sera un grand désavantage pour
les noirs.
LE PIoN DU Ro1, UN PAs.

Cette manière d'ouvrir son jeu lorsque l'on a pas le trait est
purement défensive; elle est de l'invention de Philidor.
Ce début est fort bonpour apprécier lesforces d'une personne
dont on ne connaît pas le jeu, il donne l'attaque au joueur qui
n'a pas eu le trait, lorsque son adversaire veut avancerses pions
du centre.
Les deux parties qui suivent ont été jouées, en 1834, par
MM. Macdonell et de la Bourdonnais , ce dernier avait les
blancs.

1PREMIÈRE PARTIE.

1 Noir. Le pion du roi, deux cases.


Blanc. Le pion du roi, une case (a).
2 N. Le pion du fou du roi, deux cases.
B. Le pion de la reine, deux cases.
3 N. Le pion du roi, une case.
B. Le pion du fou de la reine, deux cases.
4 N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
B. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.
5 N. Le pion du fou de la reine, une case. -
B. Le pion du fou du roi, une case. -
---- - -
6 N. Le cavalier de la reine à la 3° case de sa tour.
B. Le cavalier du roi à la 3° case de sa tour.

7 N. Le cavalier de la reine à la 2°case de son fou.


B. La reine à la 3° case de son cavalier.

(a) Philidor débute différemment. Au lieu de ce coup, il pousse le pion du fou du roi
deux cases; en jouant le pion du roi un pas, on arrive, au bout de quelques coups, au
même résultat que dans le début de Philidor, et cette manière de jouer vous offre un
avantage de plus; lorsque votre adversaire, au second coup, pousse le pion de la reine
deux cases, vous devez en faire autant;s'il n'échange pas son pion du roi contre lepion
de la reine et le pousse en avant, vous devez avancer le pion du fou de la reine deux
cases, et former une forte attaque sur son pion de la reine.
8 N. Le pion de la reine, deux cases.
B. Le fou de la reine à la 2° case de sa reine.

9 N. Le cavalier de la reine à la 3° case de son roi.


B. Le pion du fou de la reine prend le pion.
1o N. Le pion du fou de la reine prend le pion.
B. Le fou du roi donne échec.

1 1 N. Le roi à la 2° case de son fou (a).


B. Le roi roque.
12 N. Le roi à la 3° case de son cavalier.
B. La tour de la reine à la case de son fou.

13 N. Le pion de la tour du roi, deux cases.


B. Le pion prend le pion.
14 N. Le pion du fou du roi prend le pion.
B. La tour du roi prend le cavalier,échec (b).
15 N. Le pion prend la tour.
B. Le cavalier de la reine prend le pion de la reine.
16 N. Le fou du roi à la 3e case de sa reine.
B. La tour de la reine à la case du fou du roi.

17 N. Lepion du fou du roi, une case.


B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
18 N. La tour du roi à la case de son fou.
B. Le fou de la reine à la 4° case de son cavalier.
19 N. Le fou prend le fou.
B. La reine prend le fou.
2o N. Le roi à la 3e case de sa tour.
B. Le cavalier à la 7° case de son roi.

21 N. Le cavalier à la 2e case du cavalier du roi.


B. Le cavalier du roi à la 4e case de son fou.

(a) Pour ne pas perdre un pion.


(b) Ce sacrifice décide la partie en faveur des blancs ; il est difficile, au premier
abord, à bien concevoir. Les blancs ont pensé, en le faisant, qu'ils gagnaient d'abord
un pion, puis qu'ils auraient la facilité d'entrer leurs pièces dans le jeu de leur adversaire,
ce qui est fort avantageux, et d'avoir ainsi plusieurs temps d'avance et une forte atta
que.
– 56 -

22 N. Le roi à la 2e case de sa tour.


B. Le cavalier de la reine à la 6° case du cavalier du roi.
23 N. La tour du roi à la 3° case de son fou.
B. Le cavalier de la reine à la 5° case de son roi.

24 N. La reine à la case de son fou du roi.


B. La reine à la case de son roi (a).
25 N. Le pion du cavalier de la reine, deux cases (b).
B. Le fou du roi à la 5° case de sa reine.
26 N. La tour de la reine à la case de son cavalier.
B. La reine à la 4° case de la tour du roi.
27 N. La tour de la reine à la 3° case de son cavalier.
b. La tour à la case de son fou de la reine (c).
28 N. Le fou de la reine à la 3e case de son roi.
B. La tour de la reine à la 7°case de son fou (d).
29 N. Le roi à la case de son cavalier.
B. Le cavalier prend le fou.
3o N. La tour du roiprend le cavalier (e).
B. Le cavalier à la 7e case de sa reine.
31 N. La reine à sa 3° case.
B. La tour donne échec.
32 N. Le roi à la 2° case de sa tour.
B. Le cavalier à la 8° case de son fou du roi, échec.
33 N. Le roi à la 3° case de sa tonr.
B. Le cavalier prend la tour.
34 N. Le cavalier prend le cavalier.
B. La reine à la 6° case du fou de son roi, échec.

Les noirs abandonnent la partie.

(a) Les blancs auraient perdu toute leur attaque en échangeant les reines; ils jouent
beaucoup mieux en plaçant leur reine à la case du roi. Elle peut, au coup suivant, se
placer de manière à former une attaque sur le roi de son adversaire.
(b) Les noirs sacrifient cepion pour dégager leurjeu.
(c) Il est toujours avantageux de s'emparer, avec ses tours, des ouvertures.Ce coup
est bien joué de la part des blancs.
(d) Les blancs ne craignant aucune attaque de la part des noirs, peuvent entrer toutes
leurs pièces dans le jeu de l'adversaire.
(e) L'on ne peut pas prendre le cavalier avec le cavalier sans risquer d'être mat.
DEUXIÈME PARTIE.

1 Noir. Le pion du roi, deux cases.


Blanc. Le pion du fou de la reine, deux cases.
2 N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
B. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.
3
* Le pion de la reine, deux cases.
Le pion prend le pion.
4 Le cavalier du roi prend le pion.
:. Le pion du roi, deux cases (a).
5 Le cavalier prend le cavalier. -
. Le pion du cavalier de la reine prend le cavalier.
6 N. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.

7 N. Le fou de la reine à la 5° case du cavalier de son roi.


B. Le fou du roi à la 2e case de son roi.

8 N. La reine à la 2° case de son roi.


B. Le pion de la reine, deux cases.
9 N. Le fou de la reine prend le cavalier.
B. Le fou prend le fou.
1 o N. Le fou du roi à la 3° case de son cavalier de la reine.
B. Le roi roque.
1 1 N. Le roi roque.
B. Le pion de la tour de la reine, deux cases (b).
12 N. Le pion prend le pion.
B. Le pion prend le pion.
13 N. La tour du roi à la case de sa reine.
B. Le pion de la reine, un pas.

- (a) Les blancs n'auraient pas aussi bien joué en prenant le cavalier avec leur cava
lier; toutes les fois que dans le début d'une partievouspouvezpousser unpion attaquant
une pièce, vous gagnez un temps.
(b) En poussant ce pion, les blancs menacent de forcer le fou ou de gagner l'échange
d'un fou contre une tour. -
5
– 58 -

14 N. Le pion du fou de la reine, deux cases (a).


B. La reine à la 3° case de son cavalier,
n5 N. Le fou du roi à la 2e case du fou de sa reine.
B. Le fou de la reine à la 2° case de son cavalier (b).
16 N. Le cavalier à la 2° case de sa reine.
B. La tour de la reine à la case de son roi.

17 N. Le cavalier à la 4e case de son roi.


B. Le fou du roi à la case de sa reine. .
18 N. Le pion du fou de la reine, une case.
B. La reine à la 3e case de son fou.

19 N. Le pion du fou du roi, une case.


B. Le fou du roi à la 2° case de son 1 oi.

2o N. La tour de la reine à la case de son fou (c).


B. Le pion du fou du roi, deux cases.
2 1 N. La reine donne échec.
B. Le roi à la case de sa tour (d).
22 N. Le fou à la 4° case de la tour de la reine.
B. La reine à la 3e case de la tour de son roi.

23 N. Le fou prend la tour.


B. Le pion prend le cavalier.
24 N. Le pion du fou de la reine,une case.
B. Le pion prend le pion.
25 N. La tour de la reine à la 2° case de son fou (e).
B. La reine donne échec à la 6e case de son roi.
26 N. Le roi à la case de sa tour.
B. Le fou de la reine à sa case.

(a) Ce coup est mal joué de la part des noirs ; ils auraient mieux fait de ne pousser
qu'un pas leur pion, ils seraient alors parvenus à isoler le pion de la reine de leur ad
versaire, tandis qu'en poussant deux pas, ils établissent au centre deux pions formi
dables.
(b) Les blancs ne peuvent pas prendre le pion sans perdre leur reine.
(c) Ce coup sauve le pion noir doublement attaqué.
(d) Les blancs, en jouant leur roi à la case de sa tour, consentent à perdre l'échange
d'une tour contre un fou, pensant avec raison que si leur adversaire gagne momenta
nément ce petit avantage, ils pourront établir trois pions passés dans le eentre, qui ga
gneront forcément la partie.
(e) Coup de défense pour éviter le mat.
- 59 -

27 N. Le fou du roi à la 7e case de sa reine.


B. Le pion du fou du roi, une case.

28 N.
La tour du roi à la case de son fou (a).
B. Le pion de la reine, une case.
29 N . La tour de la reine à la 3° case de son fou.
B, Le fou prend le fou.

3o N. Le pion prend le fou.


B. Le pion du roi, une case.
3 1 N. La reine à la 8° case de son fou.
B, Le fou du roi à la case de sa reine.

32 N. La reine à la 4° case de son fou (b).


B. La reine à la case du roi adverse.

33 N. La tour à la case du fou de la reine.


B. Le pion de la reine, une case.
34 N. La reine à la 5° case de son fou.
B, La tour à la case de son cavalier du roi.

35 N. La tour de la reine à la case de sa reine.


B. Le pion du roi, une case.
36 N. La reine à la 3° case de son fou.
B.
La reine prend la tour de la reine.
37 N. La tour prend la reine (c).
B. Le pion du roi, une case.
Les noirs abandonnent la partie.

(a) Coup forcé.


(b) Au lieu de ce coup, il eût mieux valu jouer la tourde la reine à la case de son
fou.

(c) La position de ces trois pions du centre est très curieuse.


– 6o -

DU JEU DES ÉCHECS DES INDIENS,

ET PAaTICULIÈREMENT

DU JEU APPELE LES QUATRE ROIS.

- -e -

Si des preuves sont nécessaires pour établir que les échecs


ont étéinventéspar les Hindous, le témoignage des Persans nous
en fournit une assez décisive.Aussi disposés que les autres peu
ples à s'approprier les découvertes ingénieuses d'une nation
étrangère, ils conviennent cependant unanimement que ce jeu
leur fut apporté de l'ouest de l'Inde, dans le VI° siècle de notre
ère, avec les fables de Vichnoû Sarman. Il semble, selon l'il
lustre William Jones(1), avoir été connu de temps immémorial
dans l'Hindoustan , sous le nom de tchatéranga , c'est-à-dire les
quatre angas ou parties intégrantes d'une armée. Il est dit dans
l'Amaracôcha que ces angas sont les éléphants, les chevaux, les
chars et les fantassins. Or, les poètes épiques emploient souvent
le mot tchatéranga dans cette acception , pour décrire de véri
tables armées. Les Arabes , après leur conquête de la Perse,
s'approprièrent ce mot; mais comme ils n'avaient dans leur al
phabet ni la première ni la dernière des lettres qui le compo
sent, ils le changèrent en chatrandje.
Ce dernier mot s'introduisit dans le persan moderne, et plus
tard dans les dialectes de l'Inde, où sa véritable étymologie n'est
connue que des pandits. C'est ainsi qu'après avoir subi une foule
de modifications, il s'est changé successivement « en skedrès,
axedrès, ajedrès, scacchi, chess, échecs, et,par un concours bi
zarre de circonstances, a donné naissance au mot anglais check
(frein), etservi à désigner le trésor public de la Grande-Bretagne,
the Exchequer (l'Echiquier).
L'auteur anonyme d'un ouvrage imprimé à Londres, en 18oo,
sous le titre suivant : « Recherches sur un ancien jeugrec que
(1) Transactions of the Asiatic Society established in Bengal.
– 61 -

l'on croit avoir été inventé par Palamède, avant le siége de


Troie, avec des détails dont on peut tirer l'induction que c'est
le même jeu connu à la Chine depuis la plus haute antiquité, et
progressivementperfectionné dans les échecs chinois, hindous,
persans et européens (1)»; cet auteur, dis je, prétend que ce jeu,
originairement inventé par les Grecs, a passé de chez eux en
Asie, d'où les croisés le rapportèrent en Europe, de manière,
ajoute-t-il (page 73), que ce n'est point une invention de pre
mière intention.

M. William Jones ne partage point cette opinion ; se servant,


pour la réfuter, de la même expression empruntée aux critiques
italiens, il remarque que l'extrême perfection des échecs , tels
qu'on lesjoue communément en Europe et en Asie, prouveplu
tôt qu'ils furent inventés d'un seul jet par quelque grandgénie.
Ainsi, loin d'avoir été amenés par des améliorations progressi
ves à leur état actuel, ils sont l'ouvrage d'une première intention
conçue dans l'Inde.
Un orientaliste distingué, M. Langlès, a partagé le sentiment
de M. Jones : l'antériorité incontestable de la civilisation de
l'Inde, à l'égard de celle de la Grèce, lui a paru résoudre la
question.
Je ne m'arrêterai point à relever tout ce qu'on a écrit sur l'o
rigine dujeu d'échecs, ni les fables dont quelques auteurs ont
cru devoir appuyer leurs assertions. Mon principal dessein est
de faire connaître le mémoire de l'illustre président de la société
du Bengale. Cependant, avant de retourner à l'extrait que j'en
ai commencé, je mentionnerai quelques détails peu connus, em
pruntés à des sources négligées.
Jean de Meung, le continuateur du célèbre roman de la
Rose, qui écrivait vers l'an 13oo, prétend que les échecs furent
inventés par Attalus, mathématicien dont on ignore le siècle ;
d'autres disent par Palamède, durant le siége de Troie. On en
attribue l'invention aussi à un certain Diomède qui vivait du
temps d'Alexandre.
Frère Jean du Vignay, dans son traité (2), dit que le jeu des
échecs fut inventé par un roi de Babylone, et qu'il fut depuis

(1) An inquiry into the ancient greek game, etc., in-4°.


(2) Traitc de la moralite de l'cchiquier. Ce livre est fort rare.
porté en Grèce, ainsique Diomède le Grec en fait foi dans ses
livres anciens.
Jérôme Vida, dans son Poème sur les échecs, a feint que
l'Océan, qui avaitjoué de tout temps sous l'onde avec les nym
phes marines, apprit ce jeu aux dieux qui assistèrent aux noces
de la Terre, et que, dans la suite, Jupiter ayant séduit Scac
chide, nymphe d'Italie,il lui enseigna ce jeu pour le prix des
faveurs qu'elle lui avait accordées ; et qu'enfin ce fut de cette
divinité inférieure que les hommes apprirent ce jeu auquel elle
eut la gloire d'attacher son nom (1).
Sarrazin , dans une curieuse dissertation, croit que les In
diens enseignèrent les échecs aux Persans , ceux-ci aux Arabes,
et que ce fut par le moyen de ces derniers que ce jeupassa en
Europe.
On yjouait déjà en France du temps de Charlemagne (2); il
y a quelques années, on pouvait voir encore, dans le trésor de
Saint-Denis, les échecs de ce prince. A juger par leur taille de
la grandeur de l'échiquier, on ne s'étonne pas si, dans une que
relle, Charlot, fils de Charlemagne, en cassa la tête à Baudouin,
fils d'Ogier. Cette brutalité du prince fit naître une guerre qui
dura plus de sept ans (3).
L'auteur du Traité de la police (4) remarque qu'en 1254
saint Louis défendit le jeu d'échecs, peut-être, ajoute-t-il,parce
que ce jeu est trop sérieux, et jette le corps en langueur par
une trop grande application de l'esprit.
C'est dans le même principe que Montaigne disait de ce jeu :
« Je l'hai haï et fui de ce qu'il n'hest pas assez jeu , et qu'il nous
esbat trop sérieusement, ayant honte d'y fournir l'attention qui
suffiroit à quelque bone chose. »
Autrefois, c'est-à-dire vers le XII° siècle, on se servait du
mot havèz (salut, bonjour), au lieu de dire comme à présent,
échec au roi. Rabelais fait allusion à ce terme :
« Dans la description du bal, en forme de tournoi, quifut
donné en présence de la Quinte, lorsque le roi était en prise,
il n'était pointpermis de le prendre, mais on devait, en lui fai
(1) Les échecs sont appelés en italien scacchi.
(2) Lenglet Dufresnoy, Glossaire du Roman de la rose.
(3) LiRommans d'Ogier le Danois, chap. XVI, manuscrit de la Bibliothèque du
roi, n° 45o. -
(4) Traite de lapolice ancienne, sous les rois des premières races. Lyon, 74o.
- 63 -

sant une profonde révérence, l'avertir, en lui disant : Dieu


vous garde! et, lorsqu'il ne pouvait être secouru, il n'étaitpour
cela pris de la partie adverse , mais salué le genou en terre, lui
disant bonjour. Là était fin du tournoi (1). » -
Ces citations doivent faire juger de l'importance qu'eurent
toujours les échecs en Europe ; au dernier siècle encore, les
curieux se pressaient tellement au café de la Régence pour y
voir jouer J.-J. Rousseau , qu'il fallut mettre des sentinelles à
la porte. Mais revenons aux Hindous, auxquels on ne peutpas,
sans injustice, refuser l'idée première d'un jeu si militaire et
si beau. Les recherches de M. Jones à ce sujet sont décisives.
« Les livres classiques des brahmes que j'ai consultés, dit
M. William Jones ( page 2o8), ne m'offrent aucun renseigne
ment sur ce jeu combiné avec tant d'art, et dont l'invention
appartient incontestablement à l'Inde. On assure néanmoins
qu'il existe en ce pays des ouvrages sanskrits sur les échecs. Je
n'ai pu recueillir que la description d'un jeu indien fort ancien
et du même genre, mais plus compliqué et, suivant moi, plus
moderne que celui des Persans. Il s'appelle aussi tchatéranga,
quoiqu'on le nomme plus souvent tchatirddji ou les quatre
rois », parce qu'il est joué par quatre personnes qui représen
tent autant de princes à la tête de deux armées alliées combat
tant de chaque côté.
« Cette description est tirée du Bhdouichya Pourdn où se
trouve une conversation entre Youdhichthir et Vyâsâ , qui, sur
la demande du monarque, lui expose le plan de cette guerre si
mulée, et lui en développe la stratégie.
« Après avoir fait marcher, dit le sage, huit cases de tous les
côtés, placez l'armée rouge à l'est, la verte au sud, la jaune à
l'ouest, et la noire au nord ; que l'éléphant soit à la gauche du
roi, puis le cheval, ensuite le bateau ; devant eux seront qua
tre fantassins ; mais le bateau doit se trouver dans l'angle du
tablier. » -

« Ce passage montre clairement que chaque côté du tablier,


autrement dit de l'échiquier, doit être occupépar une armée
avec ses quatre angas. En effet, dans toute autre position, l'élé

phant ne pourrait être à la gauche de chaque roi, et je tiens de


bonne source que le tablier était jadis composé, comme le nôtrc,
(1) Pantagruel, livreV, chap.24.
- 64 -
de soixante-quatre cases, dont la moitié était vacante, et l'autre
moitié occupée par les troupes.
« Un brahme m'a assuré que les anciens livres de jurispru
dence mentionnaient ce jeu, et que l'épouse de Râvan, roi de
Lankâ , l'inventa pour amuser ce prince par une image fidèle .
de la guerre, tandis que sa capitale était bloquée par Râmâ, dans
e second âge du monde.Ce brahme n'avait pas connaissance de
l'histoire que raconte le poète Ferdoûssy, vers la fin du Schah
Namèh (1), histoire qui, selon toute apparence, fut portée de
Kânyakuvdja en Perse par Borzu, médecin favori du grand
Noûschyréwân (d'où lui vient le surnom de Vaidyaprya); mais
il disait que les brahmes du Bengale étaient autrefois célèbres
pour leur habileté à ce jeu, et que son père, aidé de son institu
teur Djagannath, en avait enseigné toutes les règles à deux
jeunes brahmanes, et les avait envoyés à Djanayagar, sur la
prière du dernier râjâh, qui les avait généreusement récom
pensés.
« Nous voyons que, dans cejeu compliqué, un navire ou ba
teau est substitué au rath ou char de guerre, mot que les Ben
galis prononcent roth, et que les Persans changèrent en rokh,
d'où cst venu le rouik et le terme roquer de quelques nations eu
ropéennes, de même qu'on croit retrouver dans la reine (2) et le
fou des Français les mots ferz et fyl, qui, chez les Arabes et les
Persans, signifient premier ministre et éléphant.
«Je ne saurais convenir qu'un navire remplace convenable
ment, dans cetteguerre simulée, le char constamment employé
dans les combats par les anciens guerriers de l'Inde. En effet,
quoique l'on puisse supposer que le roi est assis sur un char, ce
qui complète les quatre angas (armées), et quoique dans une
guerre réelle on ait souvent des fleuves ou des lacs à traverser,
on ne voit point de fleuve sur l'échiquier des Indiens comme sur
celui des Chinois ; et des vaisseaux mêlés parmi des éléphants,
des chevaux et de l'infanterie rangée en bataille dans une
plaine, sont une absurdité sans apologie possible.
« A la rigueur, onjustifierait l'usage des dés dans une repré
- (1) Livre des rois. C'est le nom d'un grand poème épique de plus de vingt mille
vers , composé à une époque assez ancienne, et qui jouit encore maintenant d'une haute
célébrité en Orient. -
(2) Les Anglais appellent cette pièce the virgin, la vierge. C'est donc sous ce nom
que la désigne M. William Jones.
- -,

sentation de la guerre, où la fortune a sans doute beaucoup de


part; mais ces dés semblent faire descendre les échecs du rang
qui leur a été assigné parmi les sciences, et leur donner l'appa
rence du whist, si ce n'est que les pièces s'emploient à découvert,
au lieu que les cartes sont tenues cachées. Nous trouvons cepen
dant que la marche du jeu décrit par Vyâsa était, jusqu'à un
certain point, réglée par le hasard. Il dit à son royal disciple
que « si le déamène cinq, il faut faire avancer le roi ou un
pion ; s'il amène quatre, l'éléphant; s'il amène trois, le cheval ;
ct s'il amène deux, le bateau. »
De là il passe à la marche :
« Le roi avance librement de tous côtés, mais sur une seule
case ; pour le pion, même restriction, quoiqu'il avance en droite
ligne et tue son ennemi à travers un angle. L'éléphant va en
tous sens comme il plaît à son conducteur ; le cheval court
obliquement en traversant trois cases, et le bateau franchit deux
cases en suivant une diagonale. »
On voit que l'éléphant a la propriété de notre reine, comme
il nous a plu de nommer le premier ministre ou général des
Persans, et que le navire a la marche de la pièce que les An
glais désignent sous le nom d'évéque (bishop), chez nous le
fou (1).
Le poète, continue M. William Jones, donne ensuite un
petit nombre de règles générales et d'avis superficiels sur la
manière de jouer :
« Les pions et le navire tuent et peuvent être tués volontai
rement. Au contraire, le roi, l'éléphant et le cheval peuvent
tuer l'ennemi, mais non s'exposer à être tués. Que chaque
joueur conserve ses forces avec un soin extrême ; qu'il veille
principalement à la sûreté de son roi, et ne sacrifie pas une
pièce supérieure, afin d'en sauver une inférieure. »
Le commentateur du Pourân observe ici que le cheval, qui a
le choix de se mouvoir de huit côtés, dans quelque position cen
trale qu'il soit, doit être préféré au navire, qui n'a le choix que
de quatre côtés. Mais ce raisonnement n'aurait pas autant de
poids dans le jeu ordinaire, où l'évêque (2) et la tour comman
(1) M. Langlès a remarqué que c'est à notre ancienne manière d'orthographier fou
qu'il faut avoir recours pour retrouver l'origine de cette dénomination, car il croit que
le mot persan fyl (éléphant) aura été confondu avec le vieux mot français fol.
(2) Notre fou. -
- 66 -

dent une ligne entière, et où un cavalier vaut toujours moins .


qu'une tour en activité ou qu'un évêque, du côté où l'attaque est
commencée (1).
« C'est en vertu de la force prépondérante de l'éléphant, que
le roi combat avec hardiesse ; il faut donc abandonner toute
l'armée pour garantir l'éléphant. Le roi ne doit jamais placer
un éléphant devant un autre, suivant la règle de Gôtamâ, à
moins d'y être forcé par le manque d'espace, car, en le faisant,
il commettrait une faute dangereuse ; or, s'il peut tuer un des
éléphants ennemis, il doit détruire celui qui est à sa gauche. »
Cette dernière règle est extrêmement obscure ; mais, comme
Gôtamâ était un jurisconsulte et un philosophe célèbre, il ne
se serait pas prêté à écrire des conseils sur le jeu de tchatéranga,
si ce jeu n'eût pas été engrande estime parmi les anciens sages
de l'Inde.
Le reste du passage cité est relatif aux différentes manières
dont l'un des quatre joueurs peut remporter une victoire par
tielle ou complète. Nous verrons, en effet, qu'un des rois,
comme si la discorde s'était élevée entre les deux alliés, peut
prendre le commandement de toutes les forces, et aspirer à un
triomphe séparé.
« 1° Lorsqu'un roi s'estplacé sur la case d'un autre roi, avan
tage qui s'appelle sinhdsana ou le trône, il gagne un enjeu qui
est doublé s'il tue le monarque ennemi au temps même où il lui
prend sa place; et, s'il peut s'asseoir sur le trône de son allié, il
se met à la tête de l'armée entière.
« 2°S'il occupe successivement les trônes des trois autres, il
remporte la victoire que l'on nomme tchaturddji (les quatre
rois); l'enjeu est doublé s'il tue le dernier des trois, immédiate
ment avant de s'emparer de son trône ; s'il le tue sur son trône
même, l'enjeu est quadruplé. »
C'est ainsi, comme le fait observer le commentateur indien,
que, dans une guerre véritable, un roi peut être regardécomme
victorieux, lorsqu'il entre dans la capitale ennemie ; mais, s'il
peut détruire son adversaire lui-même, il déploie un plus grand
héroïsme, et délivre les siens de toute inquiétude ultérieure.
« En remportant le sinhâsana et le tchaturâdji (dit Vyâsa),
(1) Voy. les Régles du jcu d'échccs, par Philidor.
– o7 -
le roi doit être soutenu par les élépbants ou par toutes les forces
réunies.
« 3° Lorsqu'un joueur a son roi sur le tablier, mais que le roi
de son partenaire a été pris, il peut réintégrer son allié captif,
s'il parvient à s'emparer des deux rois ennemis ; ou,s'il n'y réus
sit pas, il a la faculté d'échanger son allié pour l'un d'eux,
contre la règle générale, et de racheter ainsi qui le remplacera.
Cet avantage se nomme nripdcrichta, c'est-à-dire regagné par le
1 'Ol,

« 4° Si un pion peut s'avancer sur une case quelconque de


l'extrémité opposée du tablier, excepté celle du roi ou celle du
navire, il est investi du rang qui appartient à cette case, et cette
promotion s'appelle tchat-pada ou les six pas. »
Suit la description (avec une exception particulière concer
nant l'avancement des pions) de la règle qui occasione souvent
une dispute très-intéressante dans notre jeu d'échecs , règle qui
a fourni aux poètes et aux moralistes de l'Arabie et de la Perse
plusieurs réflexions ingénieuses sur la vie humaine.Au dire de
Gôtamâ, « cette prérogative de tchat-pada ne s'accordait pas
lorsqu'on avait trois pions sur le tablier ; mais, lorsqu'il ne res
tait qu'un pion et un navire, le pion pouvait s'avancer dans la
case même d'un roi ou d'un navire, et prendre le rang de l'un
ou de l'autre. »
« 5°Suivant les Rakchasas (1), il ne pouvait y avoir nivictoire
ni défaite, si un roi était laissé sans force sur le champ de ba
taille ; cette situation était appelée par eux Kakakaichthd.
« 6° Si trois navires viennent à se rencontrer, et que le qua
trième puisse être conduit jusqu'à eux dans l'angle restant, cela
s'appelle vrihannaukd; et celui qui joue le quatrième prendtous
les autres. »
Deux ou trois des couplets restants offrent tant d'obscurité,
soit par l'incorrection du manuscrit sanskrit, soit par la vétusté
du langage, qu'il a été impossible à M. William Jones de les
comprendre, et par conséquent de les traduire. Mais, ainsiqu'il
le remarque lui-même, si la chose en valait la peine, il serait aisé
de jouer ce jeu au moyen des règles précédentes, et un pcu de
pratique donnerait peut-être l'intelligence de la totalité.
Cet extrait du Poûrân offre une particularité très-surprenante :
(1) Les géans, c'est-à-dire les habitans de Lankâ, où le jeu d'échecs fut inventé.
– 68 -
tous les jeux de hasard sont sévèrementprohibés par Menou ;
cependant le jeu de tchatéranga, où l'on fait usage des dés, est
enseignépar le grand législateur Vyâsâ, dont le traité de juris
prudence figure avec celui de Gôtamâ parmi les dix-huit
livres qui forment le Dhermasastra. Quoi qu'il en soit, les di
versfragments interprétés par M. Jones ne laissent concevoir
aucun doute sur l'origine exclusivement indienne des échecs. .
A. PicHARD,
de la Société Asiatique.
(France litteraire.)
– 69 -

M. BARRAU, le doyen de l'échiquier français, contemporain de Philidor, nous envoie la


fable inédite suivante, que nous nous empressons de publier.

LA DAME ET LE PION,

–--

De vos moindres sujets connaissez tout le prix,


Rois ! à qui des flatteurs l'éloquence coupable
Inspire pour un peuple obscur, mais estimable,
L'indifférence ou le mépris.
Si quelque récit véritable
Ne vous l'a point encore appris,
Instruisez-vous dans cette fable.

Sur un carré parfait, qui pour un de leurs jeux


Fut du nom de français doté par nos aïeux,
Une double couleur, par égauxintervalles,
Fait briller tour à tour ses nuances rivales.
C'est le blanc, c'est le noir, dont le choix fut admis :
Ils se sont partagé l'exigu territoire,
Et même habilleront deux peuples ennemis.
Là , prenant sous nos yeux une forme illusoire,
Quelques fragments de buis, ou d'ébène ou d'ivoire,
Deviennent des soldats, des reines, des sultans,
Et d'un combat réglé se disputent la gloire,
Pour amuser le sage au profit de son temps.

Bellone un jour aux preux de l'une et l'autre armée


Fitfaire au nom des rois de si nobles efforts,
- Qu'Atropos, au milieu des mourants et des morts,
Voulait qu'on réveillât, pourtant de renommée,
D'Homère et de David la cendre inanimée.
Dans l'un des deux partis, le monarque effrayé
N'avait plus pour défendre et sa vie et son trône
-- " -
7o
Qu'un soldat restéseul, déjà mort à moitié,
Et la belliqueuse amazone
Que partout la terreur suit, précède, environne,
Et dont l'implacable courroux
Immole une victime à chacun de ses coups.
Elle saura mourir si la vertu l'ordonne ;
Mais pour elle en ce jour il serait bien plus doux
De vivre et de sauver l'honneur et la couronne
Au souverain chéri qui devint son époux.
Toujours brave, toujours fidèle,
Le guerrier, qui de loin a vu tant d'ennemis
Menacer du trépas une reine si belle,
S'anime à cet aspect d'une fureur nouvelle,
Abandonne le poste à sa garde commis,
Et vole pour combattre ou mourir auprès d'elle :
Triste et dernier service à ses maîtres promis.
Qui le croirait pourtant ? l'amazone se fâche,
Ce dessein généreux lui paraît un affront
Pour le riche bandeau qui brille sur son front.
Un soldat sans aïeux, qui n'a que sa rondache,
Qui n'est nipair, ni duc, ni comte, ni baron,
Combattre à ses côtés ! le sot, le fanfaron,
Devrait pour cela seul expirer sous la hache :
Ainsi l'avaient déjà prononcé maintes fois
D'agréables menteurs, faux amis de leurs rois.
La nouvelle Penthésilée
Met à profit un instant de repos,
Le seul qui s'est offert dans l'affreuse mêlée,
Se tourne vers le brave et lui parle en ces mots :
« Va-t'en ; que tes périls soient ton unique affaire :
« Je saurai bien, du roiseul et digne soutien,
« Assurer aujourd'hui son salut et le mien. »
Elle parlait encor; mais en lâche sicaire,
Un cavalier perfide à l'écart embusqué,
Sans respect, sans honneur, la frappe par derrière,
Et s'applaudit d'une feinte grossière
Qui l'a rendu vainqueur sans qu'il ait rien risqué.
Après ce qu'avait dit la reine un peu trop fière,
Surpris, mais non moins généreux,
Le piéton, qui ne peut lui rendre la lumière,
– 71 -
Veut du moins la venger; et d'un bras vigoureux
Au mêmeinstant fait mordre la poussière
A l'obscur assassin, qui n'est plus dangereux
Quand la nuit ne sert pas ses complots ténébreux.
Satisfait de l'honneur que lui vaut son courage,
Par un dernierprodige il signale sa foi ;
D'un moment favorable il saisit l'avantage,
Et de ses droits nouveaux faisant un noble usage,
Rend la vie à sa reine et le trône à son roi.

BARRAU.
- 72 -

soLUTIoNs DES QUATRE PREMIERS PROBLÈMES.

soLUTIoN DU N° I.

1 Blanc. La tour du roi donne échec à la 5° case de la tour de sa


reine.
Noir. La tour couvre.

2 B. La tour de la reine à la case de sa reine.


N. La tour prend la tour du roi adverse.
3 B. La tour de la reine à sa case, échec et mat.

Au lieu de prendre la tour, si les noirs avaient joué leur roi,


les blancs auraient donné échec et mat en prenant la tour ad
verse avec leur tour du roi.

soLUTIoN DU N° II.

1 B. La reine prend le pion du roi placé à la 5° case de son roi,


échec.
N. Le roi est obligé de prendre la reine.
2 B. Le cavalier du roi donne échec à la 6° case de sa reine.
N. Le roi est forcé de prendre le cavalier de la reine.
3 B. Le pion du fou de la reine, deux cases,échec.
N. Le roi prend le cavalier du roi.
4 B. Lepion du roi, situé à la 7° case de son roi, avance une
case et fait un cavalier qui donne l'échec et mat.
soLUTIoN DU N° III.

1 B. La reineprend le pion de la tour du roi, échec.


N. Le roi prend la reine.
2 B. La tour du roi donne échec à sa 4° case.
N. Le roi à la 3° case de son cavalier.
3 B. La tour du roi donne échec à sa 6e case.
N. Le roi à la 4° case de son cavalier.
4 B. Le pion de la tour du roi, deux cases, échec.
N. Le roi à la 5° case de son cavalier.

5 B. Le cavalier à la 3° case de son roi, échec.


N. Le roi à la 6° case de son cavalier.
6 B. La tour de la reine à la 3° case du fou de son roi.
Echec et mat.

PREMIÈRE soLUTIoN DU N° IV.

1 B. La reine donne échec à la case du fou du roi de l'adver


saire. -
. Le roi à la 2° case de sa tour.
*2 Le fou du roi donne échec à la 4° case de son roi.
La tour couvre.

. Le pion prend la tour et donne échec et mat.


DEUxIÈME soLUTIoN DU N° IV.

B. La reine donne échec à la case du fou du roi de l'adver


saire.
. Le roi à la 2° case de sa tour.

2 Le fou du roi à la 4° case de son roi, échec.


. La tour couvre.

3 B. Le cavalier de la reine à la 6e case du fou de son roi, échec.


N. Le pion prend le cavalier.
4 B. Le cavalier du roi la 5e case, échec.
N. Le pion est forcé de prendre et donne échec et mat.

Dans les planches quisuivent, chaque pièce est désignée par


sa lettre initiale. Les lettres à jour désignent les pièces blanches.
Les blancs ont toujours le trait. Le mat n° V a été trouvé en
jouant par M. de la Bourdonnais ; le mat n° VI a été composé
par M. Calvi ; le mat n° VII a été fait en jouant par M. Devinck,
l'un de nos plus forts amateurs; le mat n° VIII est tiré du sans
crit et de la composition d'un Indien.
- 6
– 74 -

ANNONCl3s

M. Alexandre, l'un des plus forts joueurs d'échecs de l'époque, compte publier pro
chainement un ouvrage encyclopédique sur le jeu des échecs, dont il a recueilli les ma
tériaux dans plus de cinquante volumes français ou étrangers qu'il a soigneusement
étudiés pendant dix ans. Il n'attend plus que le nombre de cent souscripteurs pour livrer
cet immense travail à l'impression, et comme chaque jour les véritables amateurs affluent
sur sa liste, nous pouvons espérer prochainement cette curieuse publication. L'ouvrage
de M. Alexandre sera indispensable dans la bibliothèque des joueurs d'échecs de toutes
les forces et de tous les pays, car étant écrit en chiffres, il parle la langue universelle.
on souscRIT AU cLUB DEs PANoRAMAs, RUE viviENNE, N° 48,
Chez Causette, rue de Savoie, n° 15, et au café de la Régence, place du Palais-Royal.

Le rédacteur et gérant responsable,

DE LA BOURDONNAIS.
V.

%_.
--------

Mat en trois coups.

%
-

Mat en quatre coups.


%

/ //
27 %

% %
-|
2

Les blancs donnent le mat avec le pion


en quatre coups.
TABLE

DES

MATIÈRES DES PREMIER ET SECOND NUMÉROS.

Pages.
- - • - - - 5
Le village des échecs.. . . . . • - - • • - • - . - . - . - - • • • • • • • • • 8
12
Un défi par correspondance. . . . . - s - - s - - - s - - - - - » . .. .. .. • .. 14
Gambit de la dame. . .. . . . .. . .. . . . - - • - . - - - - . .. • - • - - - . - 18
Supplément au bulletin de la bataille d'Iéna. .. . . .. .. . . - - - - - - - - - - 23
Une partie d'échecs, poème par M. Méry. . . . . .. . 26
Biographie. Gioachino Greco. .. . . . . - - a - - - - - - s - - - - s - - s - - 33
Problêmes d'échecs et planches. . . . .. .. . . .

Benjamin Franklin. .. . . . . .. . .. . . • • • • • s • • • • • • 41
Le Syracusain. . - . .. .. . - . - . .. . .. . .. . . - - . - . . - . - . . - : . .. . 45
Seconde partie du défi par correspondance. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 5o
Le pion du roi, un pas. . .. . .. .. . .. . · - . - . - - . - · - . - . .. . - . . - 54
Du jeu des échecs des Indiens. . . . . . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 6o
La dame et le pion, fable. . . . .. . .. .. . . . .. . . .. . - - - - e - s - . . . .. G9
. 72
Problêmes d'échecs et planches. . . .. . . - . . . . - - - - - - - - - - - - 75 et 77

L'abondance des matières nous a empêchés de donner la biographie de Philidor que


nous avions promise. Elle trouvera place dans le troisième numéro.

PARIS, - Imprimerie de DEzAUCHE, faub, Montmartre, n. 11.


– 81 -

LA VIE ET LES AVENTURES

DE L'AUToMATE JoUEUR D'ÉCHECs.

Jamais, peut-être, l'apparition du plus brillant phénomène ne


mit tant en émoi le monde savant que celle de l'automate joueur
d'échecs de M. le baron de Kempelen.
Cet automate parut à Presbourg, en 177o. Il défiait les plus
forts amateurs à un combat dont il était sûr, d'avance, de sortir
victorieux. On ne peut se faire une idée de la complaisance avec
laquelle les journaux étrangers racontaient les prodiges opérés
par cette merveilleuse machine, ni de l'exagération emphatique
des éloges qu'ils prodiguaient à son inventeur; nouveau Pro

méthée, il avait ravi le feu du ciel pour en animer son ouvrage.


Toutes les combinaisons possibles du jeu des échecs semblaient
avoir été prévues par son génie, tant était admirable la préci
sion des mouvements de l'automate, en réponse aux coups de
son adversaire.
La curiosité, excitée par de si fastueuses annonces, eut bientôt
réuni à Presbourg un nombreux concours d'amateurs, de mé
caniciens et d'artistes.
Le salon de réception de M. le baron de Kempelen ne désem
plissaitpas.
L'automate, coiffé d'un magnifique turban, et paré du riche
costume d'un sultan de l'Asie, était assis en face d'un échiquier
garni de toutes ses pièces et placé sur un bureau ou buffet,
haut de trois pieds, large de deux, long de quatre et porté sur
des roulettes.
C'est dans ce bureau qu'étaient établis les ressorts, le cylindre,
les leviers nécessaires au service de la machine. Avant de la
mettre en jeu, l'inventeur avait grand soin d'en ouvrir alterna
tivement les volets et de faire remarquer que la multiplicité
des rouages dont elle était remplie y rendait impossible l'intro
duction d'aucun moteur étranger. -
Aussitôt qu'un champion se présentait pour entrer en lice, lé
7
démonstrateur s'armait d'une longue clé en fer, remontait sa
mécanique avec une gravité étudiée, et on entendait distinc
tement le cri des ressorts s'engrenant dans une roue dentelée
comme celle d'une pendule.
Dès lors, les yeux de l'automate s'abaissaient sur l'échiquier,
et, après quelques minutes d'une apparente méditation,il levait
lentement son bras, le dirigeait au dessus de la pièce qu'il vou
lait prendre, la saisissait fortement entre ses doigts, l'enlevait
et la transportait sur la case où elle devait être placée. On eût
espéré en vain le déconcerter par quelque fausse marche ; à la
plus légère faute contre la règle, son front semblait se rem
brunir,il branlait la tête en signe de mécontentement et re
mettait la pièce mal jouée au point d'où elle était partie.
S'agissait-il d'annoncer un échec ? les lèvres de l'automate
s'agitaient alors et il s'en échappait un son rauque assez sem
blable à la prononciation de la syllabe shé ou ché, et qui, quoi
que faiblement articulé, suffisait pour que l'adversaire fût con
venablement averti.
Ainsi rien de ce qui pouvait compléter l'illusion n'avait été
négligé.Toutefois, le premier enchantement de l'observateur
ne tardait pas à s'évanouir; plus les mouvements de l'automate
s'exécutaient avec promptitude et facilité, plus il devenait évi
dent qu'ils étaient subordonnés à une force directrice. L'in
venteur lui-même en convenait; mais quelle était-elle ? quel
était ce moteur adroit, intelligent, savant même dans un jeu où
l'on ne pouvait exceller sans une étude approfondie et une longue
pratique?Tous les yeux, fixés sur M. de Kempelen, cherchaient
en vain à découvrir, dans ses regards, dans sa démarche, dans
ses moindres gestes, quelque indice des moyens dont il se ser
vait; tantôt il tournait le dos à la table et tantôt s'en éloignait
de plusieurs pas, laissant jouer trois ou quatre coups de suite
avant de s'en rapprocher. La table même se déplaçait à la vo
lonté du spectateur, et, ainsi, rendait impossible toute corres
pondance avec le plancher ou une pièce voisine.
L'examen auquel la machine avait été soumise d'abord éloi
gnait toute supposition qu'un enfant ou un nain pussent s'y tenir
cachés; d'ailleurs, du fond de ce bureau presque herméti
quement fermé, comment aurait-il pu voir et diriger le jeu
d'un échiquier placé sur la table supérieures ?
Le mystère demeura donc long-temps impénétrable. Maître
- 83 -

de son secret, l'automate visita les capitales de l'Allemagne, de


l'Angleterre et de la France ; partout il fut accueilli avec une
extrême curiosité et souvent excita de vifs transports de sur
prise et d'admiration. Arrivé à Paris, en 1783, son étoile pâlit
un peu devant les joueurs célèbres du café de la Régence. Mais
on pouvait sans honte s'avouer vaincu par les Philidor et les
de Legal et avoir encore une brillante carrière à parcourir.
De retour à Berlin, l'automate jeta le gant à tous les seigneurs
de la cour du grand Frédéric et fut même admis à l'honneur
de se mesurer avec ce prince, grand amateur d'échecs. Dans
un moment d'enthousiasme, Frédéric fit à grands frais l'acqui
sition de la machine et de son secret ; une instruction très-dé
taillée lui dévoila tous les mystères de cette innocente magie.
Dès lors le prestige fut dissipé. L'automate démonté, dédaigné,
couvert de poussière, fut relégué dans un garde-meubles du
palais, où il demeura près de trente ans enfoui et oublié.
C'est en quelque sorte à la présence de Napoléon à Berlin
qu'il dut sa résurrection; il fut tiré de son obscurité, recouvra
son ancienne splendeur, et fier d'avoir triomphé du vainqueur
d'Austerlitz, il recommença ses voyages. Londres et Paris le re
virent avec un nouveau plaisir.
Nous passerons rapidement sur quelques années de la vie aven
tureuse de notre héros. Accompagné d'un démonstrateur formé
à l'école de M. de Kempelen, et toujours merveilleusement
secondé par cette puissance directrice, sans laquelle il n'eût pu
faire un pas, l'automate cherchait avidement les occasions de
se signaler, et ne quittait jamais un champ de bataille sans avoir
pu dire, comme César : veni, vidi, vici. Enfin, précédéd'une
réputation colossale, il arriva à la cour de Bavière. Là, se re
nouvelèrent les surprises, les extases que son jeu ne manquait
jamais d'exciter. Cette fois même, les impressions furent si
vives que le prince Eugène ne put résister à la tentation de de
venir possesseur de ce chef-d'œuvre et d'être initiéà la science
occulte qui opérait tant de prodiges ; son désir fut satisfait et le
prix de son initiation fixé à la somme de 3o, ooo francs.
Arrive l'instant où le voile va être soulevé, où il va con
naître ce génie invisible, cette intelligence supérieure qui plane
sur l'échiquier. Les regards indiscrets ont été écartés avec soin,
il est resté seul avec le démonstrateur; celui-ci, pour toute ex
plication, ouvre à la fois les deux volets de la machine; les
– 84 -.
rouages avaient disparu... un homme, un véritable joueur d'é
checs en occupait la place. Il était assis sur une tablette à rou
lettes extrêmement basse et paraissait fort mal à l'aise. On juge
quel fut,à son aspect, le désenchantement du nouvel acqué
reur ; la solution duproblème principal se réduisait à un simple
escamotage. Ces leviers, ces roues dentelées, ce cylindre, n'é
taient que de minces découpures, appliquées sur des parois,
qui se déplaçaient à volonté.
Pendant l'examen du mécanisme intérieur, comme les volets
ne s'ouvraient que l'un après l'autre, l'agent introduit d'avance,
tantôt se réfugiait dans le torse de l'automate, les jambes re
pliées sous lui, tantôt se courbait du côté opposé, la tête
abaissée et les mains en avant; il se trouvait ainsi tour à tour
masqué par celui des volets quiétait fermé. Une ou deux répé
titions avaient suffi pour l'habituer à cet exercice et pour lui
apprendre, d'abord, à tourner la manivelle servant à diriger le
bras de l'automate, puis à mettre en mouvement le ressort
élastique qui en faisait mouvoir les doigts, et, enfin , à tirer
le cordon correspondant au soufflet destiné à l'annonce des
échecs (1).
Le directeur est éclairé dans sa boîte par une bougie et a
sous ses yeux, pour lui servir de répétiteur, un échiquier de
voyage (2) dont toutes les cases sont numérotées ; un autre échi
quier également numéroté se dessine, en forme de plafond, au
dessus de sa tête et forme le revers de la table sur laquelle joue
l'automate. Les pièces,fortementaimantéesà leurpied, font, par
leur attraction, agiter de petites bascules adaptées à chaque
case de ce verso. Le directeur, attentif au mouvement de hausse
ou de baisse des bascules, connaît d'une manièreprécise le coup
joué par son adversaire; il répète aussitôt ce coup sur son échi
quier, joue le sien et le fait ensuite exécuter par l'automate.
Le moyen ingénieux inventé pour établir une relation entre

( ) Le Palamède se serait abstenu de divulguer le secret de l'automate, par égard


pour le mécanicien qui en dispose aujourd'hui, si d'une part ce secret ne ressemblait pas
à celui de la comédie, et de l'autre s'il n'eût pas déjà été publié et très-clairement ex
pliqué dans le Magasin pittoresque, ouvrage périodique fort répandu en France et à
l'étranger.
( ) Échiquier dont on fait usage sur mer ou en voiture. Les pièces sont garnies d'une
pointe de fer qui se fixe dans des trous pratiqués au milieu de chaque case, en sorte
qu'elles ne peuvent vaciller ni se renverser.
- 85 -
l'extérieur et l'intérieur de la machine avait seul fixé l'attention
duprince;peut-être trouva-t-il en avoir payé la connaissance
un peu cher ?il n'en témoigna rien et s'amusa même un instant,
en présence de quelques amis intimes, à remplir le rôle de dé
monstrateur. Mais pour qu'il pût jouir long-temps de son acqui
sition,il eût fallu qu'un joueur habile lui restât attaché, ce
qui eût bientôt dessillé tous les yeux et donné la clé de l'é
nigme. -
Le prince se vit donc réduit à l'alternative ou de fixer près
de lui ce directeur exercé ou de condamner de nouveau l'auto
mate à un long sommeil;il était incertain du parti qu'il devait
prendre, lorsque M. M. ë.l, cet adroit mécanicien qui se sé
parait à regret de son pupille chéri, réclama la faveur d'en
faire encore briller les talents, s'engageant à payer les intérêts
de la somme déboursée par l'acquéreur. Cette proposition fut
agréée et M. M.ē.l, s'éloignant de la Bavière, conduisit l'au
tomate à de nouveaux succès. Il fut accueilli en France et en
Angleterre comme une très-vieille connaissance dont à peine
on a conservé le souvenir; il paraissait rajeuni, et quoique le
règne des sorciers fût un peu passé, il semblait posséder encore
l'art de fasciner les yeux, ce qui veut dire, en langage plus
simple, qu'il étonnaittoujours par le jeu de son mécanisme et
par celui de son moteur secret. Ce n'étaitjamais qu'à quelque
joueur d'élite qu'était confiée la direction interne de l'automate;
M. B.t, à Paris, M. Lws., à Londres, l'avaient fait triompher
sans peine de tous les adversaires qui s'étaient présentés pour
le combattre, lorsque M. M.ë.l forma le projet d'exploiter
la curiosité de plusieurs villes d'Angleterre, d'Ecosse, de Hol
lande, où l'automate n'avait pas encore paru. Pour accomplir ce
dessein, il lui fallait le concours d'un compagnon de voyage,
connu par sa supériorité au jeu d'échecs;il s'adressa à M. M***t,
homme d'ailleurs fort aimable et fort gai, qui consentit à l'ac
compagner et devint son associé dans les bénéfices de l'entre
prise.
Une réussite complète signala bientôt la marche de nos voya
geurs. Partout où ils avaient dressé leurs tentes, les spectateurs
accouraient en foule pour être témoins des combats qui allaient
se livrer. L'automate, comme un chevalier en champ-clos, tenait
contre tout venant, offrant à son antagoniste l'avantage des
armes et du terrain, ce qui, traduit en style d'échecs, signifie
– 86 -

pion et trait, et toujours la fortune se rangeait du côté de sa


bannière.
La spéculation fructifiait; la plus parfaite harmonie régnait
entre les associés dont les comptes étaient réglés à chaque station
avec une scrupuleuse exactitude. Cependant un jour, le méca
nicien était resté débiteur envers l'agent d'une assez forte
somme dont, sous différents prétextes, il remettait le paiement
de semaine en semaine, de mois en mois.Un an s'était écoulé et
M. M. ë.l se refusait encore à solder ce compte , lorsque
M. M*t trouva un moyen infaillible de l'y déterminer :
L'automate était alors à Amsterdam, le roi de Hollande avait,
dès le matin, fait retenir les trois quarts de la salle et verser au
bureau une somme en florins équivalent à celle de 3, ooo francs.
M. M. ë.l court annoncer cette bonne nouvelle à son associé.
On déjeûne gaîment, on se fait une fête d'avoir à combattre
une tête couronnée; M.M. ë.l. s'empresse de faire les préparatifs
nécessaires pour donner à la solennité le plus d'éclat possible.
" La séance devait s'ouvrirà midi et demi : midi sonne et l'agent
qui doit s'introduire dans la machine n'est pas encore à son
poste.M.M.ë.l., impatienté, va s'informer de la cause de ce re
tard ; quelle est sa surprise de trouver M. M****t dans son lit et
agité d'un tremblement convulsif. « Que vois-je! qu'avez-vous ?
-J'ai la fièvre. -Qu'est-ce à dire ?vous vous portiez à mer
veille tout à l'heure.-Oui, c'est un coup de foudre.-Le roi
va arriver.-Il s'en retournera.-Que lui dire?-Que l'automate
a la fièvre.-Trève de plaisanterie.-Je n'ai aucune envie de
rire.-Jamais la recette n'a été aussi belle. - On rendra l'ar
gent. - De grâce , levez-vous.-Impossible.-Je vais appeler
un médecin.-Inutile.-N'est-il donc aucun moyen de couper
cette fièvre ?–Sifait, un seul. - Lequel ?-C'est de me compter
les 1,5oo fr. que vous me devez.-Qu'à cela ne tienme. ce
soir. - Non, non, à l'instant même. » M. M. ë.l, vit bien qu'il
n'y avait plus à balancer, il alla chercher l'argent. La cure fut
merveilleuse ; l'automate n'avait jamais été si bien inspiré. Le
roi ne joua pas, seulement il conseillait son ministre de la
guerre qui jouait pour lui. La coalition fut complètement battue;
mais la défaite fut mise uniquement sur le compte du ministre
responsable.
L'expédition de nos voyageurs était à peine terminée, que
M. M. ë.l en prépara une autre pour le Nouveau-Monde. Ce fut
- 8- -

un jeune homme, originaire de Mulhouse, un digne élève des


principaux joueurs du café de la Régence, qui cette fois fut
choisi pour confident. Le démonstrateur lui enseigna l'art de se
rendre invisible par des tours de passe-passe, des voltes et des
contre-voltes ; il lui recommanda d'éviter avec soin de faire le
plus léger bruit qui pût éveiller des soupçons, et termina son
instruction par ces mots : Si vous entendiez crier au feu, ne
bougez pas, je viendrai à votre secours.Voici l'anecdote qui,
dit-on, déterminait M. M.ë.l à faire toujours une pareille re
commandation à ses initiés.
On raconte qu'à son premier voyage il était arrivé dans je
ue sais quelle ville d'Allemagne, où un célèbre prestidigitateur,
un émule des Comus et des Pinetti donnait des représentations.
L'automate eut bientôt éclipsé l'escamoteur; celui-ci, piqué
et jaloux, alla voir son rival, devina le secret du moteur caché,
et secondé par un compère, se mit tout-à-coup à crier au feu.
On juge du trouble subit dont sont saisis les spectateurs ; l'au
tomate, dans son effroi, a jeté son adversaire à la renverse ; il
roule et tourne sur lui-même, il semblait devenu fou. Heureu
sement, M. M. ë,l, qui seul a conservé de la présence d'esprit,
le pousse derrière un rideau, où bientôt le calme lui fut rendu.
La ruse de l'escamoteur,promptement découverte, ne lui ser
vità rien. La vogue resta à son rival.
L'automate a consacréplusieurs années à parcourir l'Améri
que septentrionale; il a visité successivement les villes princi
pales des Etats-Unis et du Canada. Aujourd'hui il exerce ses
talents dans l'Amérique du sud. Peut-être la relation de ses
voyages offrira-t-elle un jour quelque intérêt aux lecteurs du
Palamède.
DE ToURNAY.
- 88 -

1. Es cARTEs.

Le savant jésuite Ménestrier, l'historien de l'art héraldique ,


a fait sur le jeu de cartes de profondes recherches qu'il a con
signées dans sa Bibliothèque curieuse et instructive;il tolère et
conseille même l'usage du jeu, afin d'adoucir le travail et l'étu
de. Le jeu, selon le père Ménestrier, a étéinventé par Dieu ; la
création du monde futun délassement de la toute-puissance di
vine ; ainsi, le créateur tirant toutes choses du néant, et com
binant merveilleusement entre elles toutes les pièces de ce vaste
univers, inventa, pour son plaisir, le plus magnifique des jeux.
Ludens in orbe terrarum.
« Le jeu de cartes, dit le même jésuite, nous paraît très
ingénieux, il est beaucoup moins ancien que celui des échecs ,
et n'a pas plus de trois cents ans. -
« Il n'en est fait nulle part mention avant le XIV° siècle. En
l'ordonnance que fit, en 1391 , le roy Charles VIpour défendre
les jeux qui empêchaient ses sujets de s'exercer aux armes pour
la défense du royaume, il est parlé des dez, des tables ou dames,
du pallet, des quilles, des boules, du billard et autres sembla
bles, sans aucune mention des cartes.
« Cette année, 1392 , fut l'année malheureuse en laquelle le
roy Charles VI tomba en frénésie, et ce fut pour le divertir du
rant cette maladie que l'on inventa le jeu des cartes. -
« Le plus ancien mémoire que l'on ait pu découvrir où il fût
fait mention du jeu de cartes, est de l'année 1392, dans un
compte deCharles Poupart, argentier pour le roy,pourun an ,
à commencer le 1° février 1392 , où il est dit :
« A Jaquemin Gringonneur, peintre, pourtrois jeux de car
« tes à or et à diverses couleurs, de plusieurs devises, pour por
« ter devers le dit seigneur pour son ébattement, LVI sols
« parisis. » Registre de la chambre des comptes. Ce qui pourrait
faire soupçonner que ce jeu eut commencé en France, c'est que
toutes les figures avaient des fleurs de lys sur leurs habits, et
que La Hire, dont le nom se voyait au bas du valet de cœur, en
pourrait avoir été l'inventeur, et s'être fait compagnon d'Hector
- 89 -
et d'Ogier le Danois, quisont les valets de pique et de carreau ,
comme il semble que le cartier se soit réservé le valet de trèfle
pour y mettre son nom. -
« Un synode tenuà Langres, en 14o4, défend aux ecclésias
tiques diverses sortes de jeux entre lesquels les cartes sont
nommées. -- -
- « Vingt-six ans après cette défense, Amédée VIII, premier
duc de Savoye, en faisant des statuts pour réglerses états,fit un
article exprès, de ludis et lusoribus, où il déclare les jeuxper
mis et défendus.
« Il défend les cartes comme une jeu efféminé qui ne con

vient qu'aux femmes auxquelles il le permet exclusivement,


mais seulement à la condition qu'elles n'y joueront jamais que
des épingles. - -
« Ces ordonnances et défenses nous marquent bien à peu
près le temps de l'origine du jeu de cartes , mais n'en décou
vrent ni les premiers auteurs ni leur disposition.
« Leur nom de cartes marque la matière, qui était de car
ton ou de feuilles de papier collées ensemble. Le synode d'Aix,
de 1585, qui les nomme pagellas pictas, en décrit en partie
la forme.
* « Ce qui est une preuve que cette invention n'a pas plus de
trois siècles , c'est qu'on ne voit ni bas-reliefs, ni peintures plus
antiques, ni tapisseries où ce jeu soit représenté; au lieu qu'on
y voit des échiquiers, des dez, des cornets , des boules, des
quilles, et nos vieux romans nous représentent tous ces jeux,
sans dire mot de celui-ci. Ce qui fait voir encore évidemment
qu'il devait être peu commun avant l'invention de la gravure
en bois qui donna occasion à celle de l'imprimerie, c'est qu'il
fallait les peindre, ce qui ne se faisait pas sans frais, et s'il en
eût fallu changer aussi souvent que l'on faità présent, quelle
dépense eût-il fallu faire pour un jeu auquel le duc de Savoye
ne permettait que de jouer des épingles. -
· « Comme ce furent les Allemands qui trouvèrent les premiers
la graveure en bois, ils furent aussi les premiers à imprimer
des jeux de cartes. Il est vray qu'ils les firent de plusieurs figures
extravagantes, bien différentes des nôtres, puisqu'ils représen
tèrent Dieu, les anges, le diable, le pape, la papesse, des rois,
des fous, etc.; et pour les rendre de plus d'usage sans pouvoir
- 9o -
être si facilement salies ni reconnues par le dos, ils les bigar
rèrent de lignes frottées en forme de rezeuil, qui leur fit don
ner le nom de tarcuits et de cartes tarautées;parce que le mot
tare, défaut,tache, vient du mot teredo,ver qui ronge.
« La composition de notrejeu de cartes, de roys, de dames,
de varlets et d'as, jusqu'au nombre de dix, divisez par leurs
figures 1, 2, 3, 4, 5, 6,7,8, 9, 1 o, avec les images de cœurs,
de piques, de trèfles et de carreaux, fait voir que l'on voulut
que ce jeu fût instructif en même temps qu'il servirait au di
vertissement, avec cette différence des échecs, que ce jeu-là
étant une image de la guerre et d'un combat, on voulut que
celui-ci représentât un état paisible et l'étatpolitique, composé
de roys, de reynes, de vassaux et de quatre corps d'ecclésiasti
ques, de noblesse, de bourgeois et de laboureurs, artisans ou
gens de campagne. Les ecclésiastiques représentés par les cœurs
en forme de rebus, parce que les ecclésiastiques sont gens de
chœur pour les exercices de religion ; la noblesse militaire par
les piques, qui sont les armes des officiers qui commandent les
troupes et qui les conduisent; les bourgeois par les carreaux,
qui sont le pavé des maisons qu'ils habitent, et les gens de la
campagne par les trèfles.
« Ce qui fait voir que ce fut le dessein des inventeurs de ce
jeu, c'est que les Espagnols ont exprimé la même chose, quoy
que sous des signes différents : les ecclésiastiques par des calices
ou coupes, copas; la noblesse par des épées, espadas; les bour
geois et marchands par les deniers, dineros; et les gens de tra
vail et de la campagne par des bâtons, bastos.
« On voulut aussi représenter les quatre grandes monarchies
par les quatre roys ; David pour la nation juive,Alexandre pour
lagrecque, Jules César pour la romaine,Charlemagne pour le
nouvel empire établi en Allemagne ; les quatre dames étaient
Rachel, Judith, Pallas et Argine, pour marquer les quatre
voyes par lesquelles les dames peuvent regagner; par la beauté
comme Rachel; par la piété comme Judith ; par la sagesse
comme Pallas, etpar les droits de la naissance comme Argine,
qui était l'anagramme de Régine.
« Les valets représentaient les sergents d'armes ou gardes du
prince. Le terme de valet que l'on a avili en le donnant aux
gens de service était un terme d'honneur ou de distinction d'âge.
Gcoffroy de Joinville, qui était d'unegrande naissance, est sur
- 91 -
nommé du titre de valet dans l'histoire de la maison de Broye
pour le distinguer de son père. Les jeunes seigneurs qui n'a
vaient pas encore reçu l'ordre de chevalerie étaient appelés va
lets. Le fils de l'empereur de Constantinople est ainsi nommé
par Villehardouin , dans son Histoire de la conquéte de Cons
tantinople; l'origine de ce terme est bachelet ou vasselet, de vas
salus; de vasselet on a fait vaslet ou valet. Dans les capitulaires
de nos roys et dans les livres des fiefs, les feudataires sont nom
més vassi dominici, et ceux qui tiennent les arrière-fiefs, vas
salli. Ainsi, comme les princes sont censés les premiers vassaux
des souverains, on donnait à ces princes et à ces jeunes seigneurs
le nom de valets.
« Il passa depuis aux sergents d'armes de la garde des roys,
servientes armorum, et à ceux qui les servaientà la chambre, qui
sont à présent nommés valets de chambre, nom que l'on a de
puis étendu par abus à tous ceux qui servent quelque personne
que ce soit, au lieu qu'anciennement il ne se donnait qu'aux
jeunes gentilhommes qui n'étaient pas encore chevaliers. Maître
Waces, chanoine de Baïeux, qui vivait en 1 168, dit en la vie
de Richard I", duc de Normandie, n'est mie chevalier encore est
valleton. -
« Les haches ou hallebardes qu'ont les valets dans le jeu de
cartes et la forme de leurs habits font voir qu'ils étaient ser
gents d'armes. Il reste un beau monument de ces sergents d'ar
mes en deux pierres gravées et appliquées au mur de l'église de
Catherine-de-la-Sainte-Couture, où on les voit représentés aux
côtés de la porte d'entrée. Ils avaient là leur confrérie du temps
de saint Louis.
« Quoique l'on trouve le mot de berland dans des titres plus
anciens que le temps auquel on a marqué l'invention des jeux
de cartes, ce n'estpas une marque qu'ils soient plus anciens, car
bien que le berland se prenne à présent comme une espèce de
jeu de cartes,il était alors commun à toutes sortes de jeux, prin
cipalement dedez. Berlenghum, que l'on trouve dans quelquesre
gistres du parlement de l'an 13oo, signifiait alors un espèce de
taudis de planches dressé à la campagne au proche des murs des
villes et de la clôture de villages, où les fainéants allaient jouer
comme on le fait à présent aux Loges, et taudis dressés pour les
foires. Les Italiens ont reçu les derniers les jeux de cartes, ce
qui fait que peu de leurs auteurs en ont parlé; leur diction
– 92 -
naire de la Crusca cite l'archevêque de Fermo comme le pre
mier auteur qui en ait parlé.
« Il semble que ce soit des Florentins qui trafiquaient en
France où ils exerçaient la banque, que ce jeu soit passé chez
eux, aussi ont-ils retenu les mêmes figures et ont introduit le
jeu de bassette qui est une espèce de banque où l'un met un
prix et l'autre enchérit. Ce jeu est très-dangereux et capable
de ruiner en peu de temps, ce qui le fait défendre sous de griè
ves peines dans les états bien réglés. » -
Après l'établissement en France de la république, proclamée
par la convention nationale, dans sa première séance, le 21 sep
tembre 1792 , les emblèmes de la royauté furent détruits. Les
cartes de jeu n'échappèrent pas à la proscription générale. Les
images qu'elles représentaient rappelaient des idées de monar
chie ; elles durent être et furent en effet remplacées par d'autres
images plus en harmonie avec les idées de république et de li
berté. On composa sans doute alors plusieurs modèles : dans
l'un d'eux, Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, Molière et Lafon
taine remplaçaient les rois, des vertus remplaçaient les reines,
des républicains de divers états remplaçaient les valets; mais nous
sommes d'autant plus fondés à croire que ces cartes n'ont pas
servi et qu'elles ne sont qu'un simple essai, qu'on n'y trouve
aucune indication de couleurs. Ce qui a pu déterminerà ne
pas donner suite à ce projet, c'est que la plupart des figu
res, étrangères aux passions du jour, n'étaient pas par cela même
suffisamment intelligibles aux masses, auxquelles elles étaient
plus particulièrement destinées. On comprend en effet que si les
philosophes contemporains, tels que Voltaire et Rousseau,étaient
bien connus alors de la multitude, il n'en était pas tout-à-fait
ainsi de Molière et de La Fontaine. Il lui fallait d'autres person
nages et d'autres sujets, plus saisissants, plus démocratiques, en
unm ot plus révolutionnaires. Ce premier essai ne remplissant
pas cet objet, on en employa d'autres qui, d'un travail assuré
ment moins fini, répondaient mieux aux besoins du moment.
Nos lecteurs pourront en juger eux-mêmes par la notice sui
vante qui en contient l'explication, et que firent paraître dans
le temps les inventeurs. Devenue fort rare aujourd'hui, il nous
a paru curieux de la donner en entier, avec son style si vive
ment coloré d'emphase et d'exaltation, comme un monument
caractéristique de cette mémorable époque.
« PAR BREvET D'INvENTIoN, nouvelles cARTEs A souER de la répu
blique française (en 1793).

« Il n'est pas de républicain qui puisse faire usage (même en


jouant) d'expressions qui rappellent sans cesse le despotisme et
l'inégalité; il n'était point d'homme de goût qui ne fût choqué
de la maussaderie des figures des cartes àjouer et de l'insigni
fiance de leurs noms. - Ces observations ont fait naître aux
citoyens Jaume et Dugoure l'idée de nouvelles cartes propres à
la république française par leur but moral qui doit les faire re
garder comme le Manuel de la révolution, puisqu'il n'est aucun
des attributs qui les composent qui n'offre aux yeux ou à l'esprit
tous les caractères de la liberté et de l'égalité. - C'est à la mo
ralité de ce but que les citoyens Jaume et Dugoure doivent le
brevet d'invention qu'ils ont obtenu, et dont ils sont d'autant
plus flattés, qu'il assure, pour l'universalité de la république ,
la perfection de l'exécution des types de ses bases inébranlables.
–Ainsiplus de rois, de dames, de valets; le GÉNIE, la LIBERTÉ,
l'ÉGALITÉ les remplacent, la Loi seule est au-dessus d'eux.

« Description raisonnée des nouvelles cartes de la république


française.

« Le GÉNIE remplace les rois.


« Génie de cœur ou de la guerre (roi de cœur) :
« Tenant d'une main un glaive passé dans une couronne
civique, de l'autre un bouclier orné d'un foudre et d'une cou
ronne de lauriers, et sur lequel on lit : PoUR LA RÉPUBLIQUE
FRANçAIsE, il est assis sur un affût de mortier, symbole de la
constance militaire ; sur le côté est écrit FoRcE, que représente
la peau de lion qui lui sert de coiffure.
« Génie de trèfle ou de la paix (roi de trèfle) :
« Assis sur un siége antique, il tient d'une main le rouleau
des lois, et de l'autre un faisceau de baguettes liées, signe de
la concorde, et sur lequel on lit UNIoN. La corne d'abondance
placée près de lui, le soc de charrue, et l'olivier qu'il porte à sa
main droite, montrent son influence et justifient le mot PRosPÉ
RITÉ placé à côté de lui.
« Génie de pique ou des arts (roi de pique):
« D'une main il tient la lyre et le plectrum, de l'autre l'Apol
lon du Belvédère. Assis sur un cube chargé d'hiéroglyphes, il
est environné des instruments ou des produits des arts, et le
laurier accompagne sur sa tête le bonnet de la liberté; près de
lui on lit GoUT.

« Génie de carreau ou du commerce (roi de carreau) :


« Il réunit dans ses mains la bourse, le caducée et l'olivier,
attributs de Mercure; sa chaussure désigne son infatigable acti
vité, et sa figure pensive annonce ses profondes spéculations.
Il est assis sur un ballot, et le portefeuille, les papiers et le livre
qui sont à ses pieds, prouvent que la confiance et la fidélité sont
les premières bases du commerce, comme les échanges en sont
les moyens, ainsi que l'ordre en fait la sûreté.
« La LIBERTÉ remplace les dames.
« Liberté de cœur ou des cultes (dame de cœur):
« Portant une main sur son cœur, elle tient de l'autre une
lance surmontée du bonnet, son symbole, età laquelle est atta
chée une flamme où est écrit DIEU sEUL. Le Thalmud, le Coran,
l'Évangile, symboles des trois plus célèbres religions, sont réu
nis par elle. L'on voit s'élever dans le fond le palmier du désert ;
on lit de l'autre côté FRATERNITÉ.

« Liberté de trèfle ou du mariage (dame de trèfle) :


« Par la faveur du divorce, ce ne sera plus que l'assemblage
volontaire de la pudeur et de la sagesse ; c'est ce que signifient
et le mot PUDEUR, et le simulacre de Vénus pudique, placé près
de la Liberté comme l'un de ses pénates; et si le mot DivoRcE est
écrit sur l'enseigne qu'elle tient à la main, c'est comme une
amulette bienfaisante qui doit rappeler sans cesse aux époux
qu'il faut que leur fidélité soit mutuelle pour être durable.
« Liberté de pique ou de la presse (dame de pique):
« Paraissant écrire l'Histoire, après avoir traité la Morale,
la Religion, la Philosophie, la Politique et la Physique. A ses
pieds sont différents écrits et les masques des deux scènes unis à
la trompette héroïque; une massue placée près d'elle annonce
sa force, comme le mot LUMIÈRE désigne ses effets.
- 95 -
« Liberté de carreau ou des professions (dame de carreau) :
« Elle n'a pour attributs qu'une corne d'abondance et une
grenade, emblèmes de fécondité; ses désignations sont le mot
1NDUsTRIE et la patente qu'elle tient à la main.
« L'ÉGALITÉ remplace les valets.
« Égalité de cœur ou de devoirs (valet de cœur):
« C'est un GARDE NATIoNAL, dont le dévoûment pour la pa
trie produit la sécurité publique; le premier mot est écrit près
de lui.

« Égalité de trèfle ou de droits (valet de trèfle) :


« Un JUGE, dans le costume républicain (présumé), tient
d'une main des balances égales, et de l'autre, s'appuyant sur
l'autel de la loi, il montre qu'elle est égale pour tous ; il foule
sous ses pieds l'hydre de la chicane, dont les têtes sont sur la
terre;près de lui est écrit JUsTICE.
« Égalité de pique ou de rangs (valet de pique) :
« Est représentée par l'homme du 14juillet 1789 et du 1o août
1792, qui, armé etfoulant aux pieds les armoiries et les titres
de noblesse, montre les droits féodaux déchirés, et la pierre
de la Bastille sur laquelle il est assis ; à côté de lui est le mot
PUISSANCE.

« Égalité de carreau ou de couleurs (valet de carreau):


« Le nègre, débarrassé de ses fers, foule auxpieds un joug
brisé. Assis sur une balle de café, il semble jouir du plaisir
nouveau d'être libre et d'être armé. D'un côté l'on voit un
camp, de l'autre quelques cannes à sucre, et le mot coURAGE
venge enfin l'homme de couleur de l'injuste mépris de ses op
presseurs.

« La Loi remplace les as. .


« Loi de cœur, pique, trèfle et carreau (as de cœur, pique,
trèfle et carreau) :
« Si les vrais amis de la philosophie et de l'humanité ont re
marqué avec plaisir parmi les types de l'égalité le sANs-cULoTTE
et le NÈGRE, ils aimeront surtout à voir la Lo1, seule souveraine
d'un peuple libre, environner l'As de sa suprême puissance, dont
les faisceaux sont l'image, et lui donner son nom.
« On doit donc dire : quatorze de Lo1, de GÉNIE, de LIBERTÉ
ou d'ÉGALITÉ, au lieu de : quatorze d'as, de rois, de dames ou
de valets ;
« Et dix-septième, seizième, quinte, quatrième ou tierce au
GÉNIE, à la LIBERTÉ ou à l'ÉGALITÉ, au lieu de les nommer au roi,
à la dame ou au valet; la Loi donne seule la dénomination de
niAJEURE.
« Il paraît intutile de dire qu'auxjeux où les valets de trèfle
ou de cœur ont une valeur particulière, comme au reversis ou
à la mouche, il faut substituer l'égalité de devoirs ou celle de
droits. »

Les cartes de la vieille monarchie eurent de nouveau sous


l'empire le privilége exclusif de servir aux joueurs ; mais, lors
de la restauration, il y eut quelques tentatives pour restaurer
aussi les cartes, et l'on inventa un jeu dont nous nous bornons
à indiquer brièvement les couleurs et les figures.

CouLsURs. .. • RosEs. CoEUR. LIs. PENsÉE.


- - - - -

Rois.. . . . . | François 1°. - Henri IV. Louis XI. Louis XVI.

Reines. s - - : Jeanne d'Albret. La France. Marie-Antoinette.


- - ----
- -- -

CHEvALIERs. . Bayard. Sully. , Richelieu. | Duc de Berry.

As. Amour Vivent Fidélité Union


- - - - - les Bourbons. - -

Ces cartes ont étéen usage peu de temps à la cour, mais elles
n'ont jamais été mises en circulation.
DÉBUT DU CAPITAINE ÉVANS.

L'invention du début que l'on va voir dans les troisparties


qui suivent est due à M. Évans, officier de la marine anglaise,
et l'un des meilleurs joueurs d'Angleterre. -
Le sacrifice du pion du cavalier de la reine, fait au quatrième
coup par celui qui a eu le trait, constitue la partie dite du ca
pitaine Évans. Ce sacrifice présente deux avantages : le premier
consiste à donner la facultéà celui qui le fait de dégager tout
de suite et de mettre en attaque le fou de sa reine ; le second est
de placer dans une position dangereuse le fou du roi de son
adversaire, qui seul peut prendre avec chance de succès le pion
donné, et il faut souvent perdre un ou deux temps pour sauver
ce fou; cependant, nous avons la persuasion que l'on doit perdre
en faisant ce sacrifice. Seulement, l'attaque momentanée qu'il
donne est fort dangereuse, et pour la parer, il faut y faire
beaucoup d'attention. Les trois parties qui suivent en seront, je
crois, une preuve.
La première de ces parties a été jouée, il y a peu de temps,
au club des échecs par M. de la Bourdonnais contre MM. Bon
cour et Mouret, joueurs sans contredit d'une force supé
rieure; les deux antagonistes de M. de la Bourdonnais avaient le
conseil.
Les deux autres parties ont été jouées, il y a deux ans, entre
MM. Macdonell et de la Bourdonnais. Dans les trois parties que
l'on va voir, ce dcrnier avait les blancs. -

PREMIÈRE PARTIE.

1 Blanc. Le pion du roi, deux cases.


Noir. Le pion du roi, deux cases.
2 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.
3 B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
N. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
4 B. Le pion du cavalier de la reine, deux cases (a).
N. Le fou du roi prend le pion (b).
5 B. Le pion du fou de la reine, une case (c).
N. Le fou du roi à la 2e case de son roi (d).
6 B. La reine à la 3° case de son cavalier.
N. Le cavalier du roi à la 3° case de sa tour.

7 B. Le pion de la reine, deux cases.


N. Le cavalier de la reine à la 4e case de sa tour.
8 B. La reine à la 4e case de sa tour.
N. Le cavalier de la reine prend le fou.
9 B. La reine prend le cavalier.
N. Le pion du roi prend le pion de la reine.
1o B. Le fou de la reine prend le cavalier.
N. Le pion prend le fou.
1 1 B. Le pion du fou de la reine prend le pion.
N. La tour à la case du cavalier de son roi.

12 B. Le roi roque.
N. Le pion de la reine, une case.
13 B. Le roi à la case de sa tour.
N. La reine à sa 2e case.

14 B. Le cavalier de la reine à la 3e case de son fou.


N. Le pion du fou de la reine, une case.
15 B. Le pion de la reine, une case.
N. La tour prend le pion du cavalier du roi (e).
16 B. La tour du roi à la case de son cavalier.
N. La tour prend le pion du fou du roi.

(a) Le sacrifice de ce pion constitue le début de partie auquel le capitaine Évans a


donné son nom.
(b) Si les noirs avaient pris ce pion avec leur cavalier, les blancs auraient pris le pion
du roi, formant une double attaque sur le pion du fou du roi de leur adversaire; si les
noirs avaient retiré leur fou, les blancs, en poussant sur le cavalier, auraient gagné un
pion ou une pièce.
(c) Ce pion attaquant une pièce fait gagner un temps aux blancs.
(d) Ce fou, retiré à cette place, n'est pas un bon coup; il eût été beaucoup mieux de
le retirer à la quatrième case de la tour de la reine.
(e) Si les blancs prenaient la tour, ils seraient échec et mat en peu de coups.
17 B. La tour du roi à la 3° case de son cavalier.
N. Le pion du fou de la reine, une case.
18 B. Le pion du roi, une case.
N. Le pion du cavalier de la reine, une case (a).
19 B. La tour de la reine à la case de son roi.
N. Le roi à la case de sa reine.

2o B. Le pion du roi, une case.


N. Le pion du fou du roi prend le pion.

21 B. Le pion de la reine prend le pion.


N. La reine à la case de son roi.
22 B. Le cavalier de la reine à la 5° case de sa reine.
N. Le fou de la reine à la 2° case de son cavalier.
23 B. La tour de la reine à la case de son cavalier du roi.
N. Le fou prend le cavalier.
24 B. La reine prend le fou.
N. Le roi à la 2° case de son fou de la reine (b).
25 B. La tour du roi à la 7° case de son cavalier.
N. La tour de la reine à la case de son fou.

26 B. La tour du roi à la 7° case de son fou du roi.


N. Le roi à la case de son cavalier de la reine.

27 B. La tour de la reine à la 7° case du cavalier du roi.


N. La reine à la 3° case de son fou.

28 B. La reine prend la reine.


N. La tour prend la reine.
29 B. La tour du roi prend le fou.
N. La tour du roiprend le cavalier.
3o B. La tour du roi donne échec à la 7e case de son cavalier de
la reine.
N. Le roi à la case de son fou de la reine.

31 B. La tour du roi prend le pion.


N. Le roi à la case de son cavalier de la reine.

(a) Afin de pouvoir sortir leurs pièces, les noirs perdent cette partie pour n'avoir pas
bien joué dès le début et pour n'avoir pas dégagéde suite leurs pièces.
(b) Les blancs pourraient gagner la reine pour les deux tours, ce qui n'offrirait aucun
avantage.
32 B. La tour du roi donne échec à la 7° case de son cavalier de
la reine.
N. Le roi à la case de la tour de sa reine.

33 B. La tour du roi à la 7 case de son fou.


Les noirs abandonnent la partie; ils sont mat ou le pion des
blancs arrive à dame. -

DEUxIÈRE PARTIE.

1 Noir. Le pion du roi, deux cases.


Blanc. Le pion du roi, deux cases.
2 N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
B. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.

3 N. Le fou du roià la 4e case du fou de sa reine.


B. Le fou du roi à la 4° case du fou de sa reine. .
4 N. Le pion du cavalier de la reine, deux cases.
B. Le fou du roi prend le pion.
5 N. Le pion du fou de la reine, une case.
B. Lefou du roi à la 4° case du fou de sa reine (a).
6 N. Le roi roque.
B. Le pion de la reine, une case.
7 N. Le pion de la reime, deux cases.
B. Le pion prend le pion.
8 N. Le pion prend le pion.
B. Le fou du roi à la 3° case dé son cavalier de la reine.

9 N. Le pion de la tour du roi, une case.


B. Le pion de la tour du roi, une case (b).
1 o N. Le fou de la reine à la 2° case de son cavalier (c).
B. La reine à la 2° case de son roi(d).
(a) Ce coup n'est pas très-bon, car lorsque votre adversaire a roqué, il peut pousser
deux pas son pion de la reine sur ce fou et gagner un temps. Il faut mieux retirer ce fou
à la quatrième case de la tour de la reine.
(b) C'est un mauvais coup et un temps perdu dans un moment dangereux.
(c) Bon coup d'attaque.
(d) Mauvais coup qui détermine la perte de la partie.
- 1O I -

1 1 N. Le pion du roi, une case.


B. Le pion prend le pion. -

12 N. Le pion de la reine, une case (a).


B. Le cavalier de la reine à la 4° case de sa tour.
13 N. Le cavalier du roi prend le pion.
B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.

14 N. Le pion de la reine, une case (b).


B. Le pion prend le pion.
15 N. Le fou du roi prend le pion du fou du roi donnant échec.
B. Le roi à la case de sa reine.
16 N. La tour à la case de son roi.
B. Le roi à la 2° case de son fou de la reine.

17 N. Le cavalier de la reine à la 3° case de sa tour.


B. Le pion de la tour de la reine, une case.
18 N. La tour de la reine donne échec.
B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine (c).
19 N. La tour de la reine prend le fou donnant échec.
B. Le pion prend la tour.
2o N. Le cavalier du roi à la 4° case de son fou de la reine.
B. La reine à sa case.
2 1 N. Le fou de la reine donne échec.
B. Le roi à la 3e case du fou de la reine.

22 N. La reine à la 3° case de son fou du roi, échec.


B. Le cavalier du roi à la 4° case de sa reine.
23 N. Le fou du roi prend le cavalier donnant échec.
B. Le roi à la 2° case de sa reine (d).
24 N. La reine à la 5° case de son fou du roi, échec.
B. Le roi à sa case.
25 N. La reine donne échec et mat.

(a) Les noirsjouent beaucoup mieux en poussant que s'ils avaient repris le pion
(b) Coup d'attaque très-important àjouer.
(c)Très-mauvais coup de défense qui fait perdre plus vite les blancs,
(d) Les blancs nepeuvent prendre le fou sans perdre leur reine.
- I O2 -

TROISIÈME PARTIE.

1 Blanc. Le pion du roi, deux cases.


Noir. Le pion du roi, deux cases.
2 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.

3 B. Le fou du roi à la 4° case du fou de sa reine.


N, Le fou du roi à la 4° case du fou de sa reine.
4 B . Le pion du cavalier de la reine, deux cases.
. Le fou du roi prend le pion.
5 Le pion du fou de la reine, une case.
Le fou du roi à la 4° case de sa tour de la reine (a).
. Le roi roque.
. Le pion de la reine, une case.
7 Le pion de la reine, deux cases.
. Le pion prend le pion.
8 B. Le pion prend le pion.
N. Le fou du roi à la 3° case de son cavalier de la reine.

9 B. Le pion de la reine, une case (b).


N. Le cavalier de la reine à la 4e case de sa tour (c).
1o B. Le fou du roi à la 3° case de sa reine.
N. Le cavalier du roi à la 3e case de son fou.
1 1 B. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.
N. Le roi roque.
12 B. Le pion de la tour du roi, une case.
N. Le pion de la tour du roi, une case.
13 B. Le roi à la 2e case de sa tour (d).
N. Le pion du fou de la reine, deux cases.

(a) C'est la meilleure place pour retirer le fou.


(b) Le fou de la reine à la deuxième case de son cavalier eût été un meilleur coup
d'attaque.
(c) Les noirs, en jouant ce cavalier à cette case, le rendent inutile pour toute la par
tie ; il fallait le jouer à la deuxième case de leur roi, et ils avaient une bonne partie.
(d) Les blancsjouent leur roià cette case pour se préparer à pousser deux pas le
pion du fou du roi. -
– 1 o3 -

14 B. Le cavalier du roi à la 2e case de sa reine.


N. Le fou de la reine à la 2e case de sa reine.

15 B. La reine à la case de son roi (a).


N. Le pion du cavalier du roi, deux cases (b).
16 B. Le pion du fou du roi, deux cases.
N. Le pion prend le pion.
17 B. La tour du roiprend le pion.
N. Le pion du fou de la reine, une case (c).
n8 B. Le fou du roi à la 2° case du fou de la reine.
N. Le fou du roi à la 5° case de sa reine (d).
19 l3. Le cavalier du roi à la 3e case de son fou.
N. Le fou du roi prend le cavalier (e).

2O
B. La reine prend le fou.
N. Le cavalier du roi à la 4e case de sa tour.
2I B. La tour du roi à sa 4° case.
N. Le cavalier du roi à sa 2° case.

2 B. Le fou de la reine prend le pion.


N. Le pion du fou du roi, une case.
. Le fou de la reine prend le cavalier.
Le roi prend le fou.
. Le pion du roi, une case (f).
. Le pion du fou du roi prend le pion.
La tour du roi à sa 7e case, échec.
. Le roi à la case de son cavalier.

(a) Ils jouent leur dame à cette case dans l'intention de la porter dans le jeu de l'ad
versaire lors qu'ils auront poussé le pion du fou du roi.
(b) Ce coup est mal joué. il découvre le roi et l'expose beaucoup.
(c) Les noirs sacrifient cepion pour dégager leur cavalier, qui dans sa position est
inutile, et pour détourner l'attaque que les blancsforment sur le roi : les blancs pour
raient prendre le pion et conserver toujours un beau jeu, mais ils jouent mieux en reti
rant leur fou.
(d) Les noirs. en attaquant ce cavalier, espèrent pouvoir pousser lepion du cavalier
de leur reine et se servir enfin de leur cavalier.
(e) Les noirs, en prenant le cavalier,placent la reine des blancs dans une bonne po
sition pour l'attaque.
(f) Coup bien joué.
– 1 o4 -
26 B. Le cavalier du roi prend le pion (a).
N. Le fou de la reine à la 4° case du fou du roi.
27 B. Le cavalier du roi à la 7e case de son fou du roi (b).
N. Le roi prend la tour.
28 B. Le fou prend le fou, échec.
N. Le roi à la case de son cavalier.

29 B. Le cavalier donne échec et mat.

(a) Le sacrifice du cavalier est très-bon, l'on ne peut le prendre sans perdre de suite
la partie. -
(b) Sur ce coup, quelle que soit la défense des noirs, ils sont mat.
– 1 o5 -

DU JEU DES ÉCHECS DES CHINOIS.

-ma

Nous empruntons les détails suivants sur la manière dejouer


aux échecs en Chine à Laloubère, dans sa description du
royaume de Siam, au docteur Hyde, et à M. le baron Schilling,
conseiller d'état russe, qui a eu occasion de passer plusieurs
années en Chine et qui, pendant son dernier séjour à Paris, a
bien voulu nous communiquer des particularités nouvelles et
curieuses sur le jeu des échecs des Chinois.
Ce jeu diffère beaucoup de celui que l'on joue en Europe ;
mais il nous paraît plein d'intérêt et nous concevons facilement
qu'il ait été à la mode, il y a peu d'années, à Saint-Péters
bourg où il avait presque fait oublier le jeu des échecs, tel
qu'on le joue en Europe.
L'échiquier chinois est composé comme le nôtre de soixante
quatre carrés, mais ces carrés ne sont point divisés en noirs et
blancs, ils sont tous de la même couleur (1). Les Chinois ne
placent pas leurs pièces dans le milieu des carrés, mais aux
coins de ces carrés, c'est-à-dire aux angles où les lignes de l'é
chiquier s'entrecoupent.
L'échiquier chinois est partagé en deux moitiés égales, trente
deux carrés pour chaque joueur. Ces deux camps sont sépa
rés par un espace que l'on appelle la rivière , en chinois ,
Kia-Hô.
Il existe des pièces qui peuventpasser la rivière, d'autres ne
peuvent jamais la franchir; chaque fois qu'une pièce traverse
la rivière, cette traversée est estimée une case. La rivière est de
la grandeur d'un rang de carrés ; elle ne va pas d'un joueur
à l'autre, mais elle est parallèle à la première ligne ou
bande de l'échiquier, où se trouvent placées les pièces. .
Comme, dans le jeu des Chinois, ce ne sont point les carrés
qui sont les cases, mais les coins des carrés, on concevra faci

(1) Dans l'Orient, l'échiquier est ordinairement fait avec un morceau de drap d'une
seule couleur; des fils d'une autre couleur divisent l'échiquier en soixante-quatre cases.
– 1 o6 -

lement qu'il y ait sur chaque ligne neuf cases qui peuvent être
occupées par des pièces, et que chaque moitié de l'échiquier soit
composée de cinq fois neuf cases ou quarante-cinq cases. Le jeu
chinois se compose de trente-deux pièces, seize pour chaque
joueur. Ces pièces ne sont pas les mêmes que les nôtres et ne
sont pas disposées de la même manière. Ces pièces sont : le
mandarin ou le général, en chinois, Ciang; les deux ministres
ou lieutenants-généraux, Su; les deux éléphants, Siang; les
deux cavaliers, Ma ; les deux chariots, Cu ; les deux canons,
Pao, et cinq pions, Ping. Ces pièces sont rondes, faites en
ivoire ou en bois; elles ressemblent beaucoup aux pions du
jeu de dames,elles ont un pouce de diamètre et sont hautes de
quatre à cinq lignes. Elles sont distinguées, les unes des autres,
par des lignes et des lettres tracées sur les deux faces. Les unes
sont blanches, les autres noires. -
On les place sur l'échiquier dans l'ordre suivant :
Le mandarin se met sur la case du milieu de la première
ligne, en face du joueur; sur les cases à sa droite et à sagauche
se placent les deux ministres, les deux éléphantsà côté des deux
ministres, les deux cavaliers à côté des deux éléphants, les deux
chariots aux deux coins de cette première ligne. Les deux ca
nons se mettent l'un à la deuxième case et l'autre à la huitième
case de la troisième ligne ; ils sont en face des deux cavaliers.
Enfin les cinq pions sont placés à la 1°, 3°, 5°,7° et 9° cases de
la quatrième ligne. -
Le mandarin ne fait jamais qu'un pas d'une case à une autre,
il ne marche pas en tous sens comme le roi de notrejeu ; il ne
peut aller qu'en ligne droite, la marche oblique du fou lui est
refusée ; il avance ou recule suivant sa volonté, mais il ne peut
sortir d'une marelle qui est son palais ou sa tente et qui se
compose des quatre carrés qui, dans notre échiquier, sont
ceux occupés par le roi, la reine, les pions du roi et de la
reine. Le roi peut ainsi parcourir neuf cases, il ne peut jamais
roquer. - ' - -
Les deux ministres ne sortent point du palais où se trouve en
fermé le mandarin ;ils ne peuvent faire qu'un pas obliquement
comme nos fous; ils n'ont que quatre cases où ils peuvent se
placer.
Les deux éléphants ont la marche de nos fous, excepté qu'ils
ne franchissent jamais que deux cases, soit en avant, soit en ar
- I O"7 -

rière; ils ne sont pas libres de ne franchir qu'une seule case,


ils ne peuvent jamais passer la rivière.
Le cavalier franchit deux cases, l'une d'abord en ligne droite
en tous sens, puis, lorsqu'il a fait ce premier trajet, il tombe
obliquement sur la case qui est à sa droite, ou sur celle qui est
à sa gauche,à son choix. Le cavalier peut passer la rivière dont
la largeur est estimée un pas des deux qu'il doit faire.
Les chariots et les deux canons marchent absolument comme
nos tours et peuvent passer la rivière.
Les pions ne fontjamais qu'un pas en avant; ils ne prennent
pas en biais comme les nôtres, ils peuvent passer la rivière ;
lorsqu'ils l'ont passée, non-seulement ils conservent leur an
cienne marche, mais ils acquièrent la faculté de prendre, à leur
droite et à leur gauche , toujours horizontalement ; ils ne peu
vent jamais retourner en arrière ; quant ils arrivent à dame,
ils ne peuvent remplacer que le ministre, si toutefois il a été
pris. -
Le but de leur jeu est le même que le nôtre, c'est deprendre
forcément le roi et de lui donner échec et mat. Le roi, en consé
quence, doit être averti d'un échec et le parer, soit en chan
geant de case, soit en couvrant cet échec.
Toutes les pièces prennent, en se mettant à la place de celles
qu'elles prennent, pourvu que le chemin de l'une à l'autre soit
libre ; la seule pièce qui puisse sauter par-dessus une autre est
le canon : même il est nécessaire, pour que le canon puisse
prendre, qu'il y ait une pièce entre lui et celle qu'il prend,
quand même cette pièce appartiendrait àsonjeu ; on dit qu'elle
lui sert d'affût.Ainsi il faut qu'il y ait une pièce entre le canon
et le roi pour que le canon donne échec au roi, et si la pièce
qui est entre le canon et le roi appartient au jeu du roi, celui
qui, dans ce cas, a son roi en échec,peut le tirer d'échec, en
ôtant cette pièce et en découvrant son roi en facedu canon. Un
canon peut servir d'affût à un autre canon.
Enfin, au jeu des échecs des Chinois, on ne peut mettre ni
laisser son roi vis-à-vis l'autre roi, sans qu'il y ait une pièce
entre eux. Celui qui le ferait ou voudrait ôter la pièce qui serait
entre eux mettrait lui-même son roi en échec, ce qui est impos
sible.Comme, dans le jeu des échecs des Chinois, toutes les
- 1o8 -

pièces ne peuvent passer dans le camp ennemi et servir à l'at


taque, il y a plus souvent des remises ou parties nulles que dans
notre jeu.
Cette nouvelle manière de jouer aux échecs nous paraît fort
intéressante, etpeut offrir un amusement de plus aux amateurs
des jeux d'esprit et de combinaisons.

CLUB DES PANORAMIAS.

M. Deschapelles, que l'on était privé de voir jouer aux échecs


depuis long-temps ,a reparu deux fois sur le champ de bataille ,
la semaine dernière. La première fois contre M. de la Bourdon
nais, dans la partie des pions. Alternativement, chaque joueur
prenait huit pions pour la reine. Quatre parties ont été jouées :
M. Deschapelles en a gagné deux, M. de la Bourdonnais en a
gagné une, et l'autre a été remise.
La seconde séance de M. Deschapelles a été contre M.Saint
Mmant qui a reçu pion et deux traits. Une partie a été gagnée
de part et d'autre, et la troisième a été remise.
Nous publierons ces intéressantes parties dans l'un des plus
prochains numéros du Palamède.
- 1o9 -

CORRESPONDANCE.

Nous recevons la lettre suivante de l'un de nos abonnés, nous


nous empressons de la publier.
- --

« MoNsIEUR LE RÉDACTEUR ,
« Dans le dernier numéro devotre journal se trouve un extrait
de Benjamin Franklin , bien fait pour éveiller l'amour-propre
des joueurs d'échecs : l'auteur y expose avec finesse les avan
tages de ce jeu et les qualités morales qu'il tend à développer.
Je serais mal venuà contredire une autorité si respectable, et
pour mon compte, je souscris à la prudence,à la circonspection
que Franklin nous accorde si libéralement. Mais on n'a pas
toujours pensé ainsi, etj'aurais un saintà opposerà un philo
sophe. Le roi saint Louis le défendait en termes assez sévères :
« Nous voulons et défendons que nos bailliz se tiegnent de dire
paroles qui tournent à dépit à Dieu, à sa mère ou aux sains de
paradiz, et que ils nejeuent à jeu de dez, ne à échez, et que
ils se tiegnent de fornication faire, et de aller à taverne. et
avec ce, nous défendons étroitement que nul ne jeue aux dez,
aux tables ne aux échez, et si defendons escholes et voulons
du tout étre devées, et ceux qui les tendront soient très-bien
punus .»
« Comme vous le voyez, le saint roi met les échecs en assez
mauvaise compagnie; bien plus, dans l'article quiprécède im
médiatement cette prohibition, il ordonne que ceux ou celles
qui n'exécuteront pas son ordonnance soient dépouillés jusqu'à
la cot ou pelicon (1). Saint Louis ne gardaitpas dans ses châti
ments la décence avec autant de rigueur que dans sa conduite.
L'histoire ne nous apprend pas les motifs de cette prohibition ;
un commentateur a pensé que le roi regardait le jen des échecs
comme trop sérieux et jetant le corps cn langueur par une trop
grande application.
« Il faut être vraiment saint pour avoir de pareilles idées ; mais
ce qui est hors de doute, c'est qu'au retour des croisades le jeu
(1) Pelicon, en latin pellicium, était un vêtement composé de peaux, que tout le
monde portait alors. Le nom du surplis des prêtres vient même de cet usage. On le met
tait sur le pellicium. Voy. Ducange.
- I 1O -

d'échecs était assez répandu pour mériter l'attention du législa


teur : les croisés en avaient rapporté le goût de l'Orient.
« Quoi qu'il en soit, nous devons nous féliciter de vivre en un
temps où les joueurs d'échecs peuvent avoir le légitime espoir
de conserver tous leurs vêtements. Pour vous, monsieur le ré
dacteur, vous êtes un si grand criminel, que si vous aviez vécu
du temps de saint Louis, il est douteux que le bon roi vous eût
laissé votre pelicon.

« Recevez, monsieur, etc.


« DE THoU. »

DÉFI PAR CORRESPoNDANCE


ENTRE LONDRES ET PARIS.

partie française.
BLANcs (français). NoIRs (anglais).
35. Le pion de la tour prend le pion.
36. Lepion de la tour prend le pion.
36. Le cavalier à la case de sa reine.
37. La tour prend le pion du fou de la reine.

M. Saint-Amant, un de nos plus forts amateurs, et commis


saire de la partie contre les Anglais,sera à Londres dans les pre
miers jours de juin. M. Alexandre s'y trouvant également, et
M. Chamouillet devant s'y rendre à la même époque, le défi
pourrait se terminer dans Londres même, si nos adversaires
vétaient aussi impatients que nous de finir cette longue et vieille
lutte.
AU BELL'S LIFE IN LONDON.

- -

Leprodigieux travail d'intelligence qui se fait partout depuis


quelques années, et qui emporte les sciences vers une ère inouïe
de perfectionnement, s'est appliqué aussi à ces jeux d'élite qui,
par la nature de leurs combinaisons, semblent rentrer plutôt
dans le domaine des études sérieuses que dans le répertoire des
délassements inventés pour amuser l'oisiveté ou l'ennui. Il est
hors de doute que des esprits éminents etprofondément calcu
lateurs ont élevé le jeu des échecs à un degré de perfec
tion qui n'était pas soupçonnée au dernier siècle. Dans les jeux
d'adresse, le billard a été tout-à-coup transformé par une révo
lution. Dans les jeux de cartes, le wist doit à la grande tacti
que les progrès surprenants qu'on n'avait pas prévus dans le
pays où il a été inventé. C'est à la libre communication des peu
ples entre eux, c'est à l'émission universelle des ouvrages élé
mentaires et didactiques, que lesjeux d'esprit sont redevables
de ces perfectionnements merveilleux. Ainsi , pour ne parler
que des échecs , cejeu n'est plus dans la possession exclusive de
quelques hommes intelligents ; ce n'est plus le jeu des rois, c'est
le jeu des nations ; le journal le Palamède n'a été fondé que
pour propager encore la noble passion des échecs, et pour lui
acquérir de nouveaux adeptes. Nous sommes heureux d'annon
cer qu'à peine né d'hier le Palamède a déjà couru le monde ;
le savant et courageux M. Gaimard, revenu ces jours derniers
des mers polaires, nous a rapporté des souscripteurs d'Islande
et de Laponie. Les peuples de ces contrées ont embrassé avide
ment le jeu des échecs ; et l'on concevra sans peine qu'il n'est
pas un délassement qui soit plus convenable aux habitudes d'un
pays où la moitié de l'année estune véritable nuit. L'évêque d'Is
lande s'est fait inscrire en tête de nos souscripteurs polaires.
Cette faveur qui accueille le Palamède nous dédommage
amplement d'une attaque sourde, ensevelie dans le gigantesque
journal anglais Bell's Life. L'amateur anonyme attachéà cette
feuille pour lapartie des échecs nous reproche le ton doctoral que
- I I2 -

nous prenons, à ce qu'il dit, et qu'il juge souverainement dé


placé dans notre bouche.A coup sûr, les savants amateurs an
glais ne sont point solidaires de cette sortie inconvenante d'un
élève envers ses maîtres. Les Anglais sont trop sages pour
ne pas respecter et reconnaître la supériorité partout où elle se
trouve. Nous, Français, nous n'avons jamais songé à contester la
suprématie de nos insulaires voisins, dans les ouvrages d'acier ,
la filature des cotons, et enfin dans une civilisation industrielle
sur la route de laquelle les autres nations ont fait peu deprogrès;
bien qu'à tout prendre, nous eussions pu entrer en controverse
sur ces matières, car dans ces sortes de questions industrielles,
les débats ne peuventjamais se résumer aussi victorieusement
que dans un défi sur l'échiquier.
Le rédacteur du Bell's Life parle assez irrévérencieusement
de M. de la Bourdonnais; ses plaisanteries sont innocentes, il est
vrai, et ne blessent personne, mais les assertions mêlées aux plai
santeries sont fausses, et nous les relèverons. Le rédacteur pré
tendque M. de la Bourdonnais n'ajamais fait avantage à M. Mac
Donnel. L'avantage ne consiste pas seulement à donner une
pièce, ou le trait; on fait avantage en jouant double contre
simple, ou en donnant des parties d'avance ; c'est ce dernier
avantage que M. Mac-Donnel a reçu.Si le rédacteur anglais ne
connaît pas la valeur française du mot avantage, nous sommes
charmés de la lui apprendre aujourd'hui.
Le rédacteur du Bell's Life ne s'attaque qu'aux grands noms,
c'est un calcul imité d'Erostrate; dans le même article il gour
mande notre célèbre Deschapelles, c'est-à-dire l'une des plus
hautes intelligences contemporaines. Il ne veut pas que M. Des
chapelles ait donné la tour au club de Berlin; cela lui paraît
une fable ajoutée au bulletin d'Iéna. Nous pourrions nous con
tenter, pour lui fermer la bouche, d'en appelerà l'incontes
table bonne foi, à la parole de M. Deschapelles, et tout serait
fini; mais nous irons plus loin. L'anecdote du club de Berlin
remonte à 18o6; depuis cette époque les Prussiens et les Anglais
ont fait, sans doute, bien des progrès auxéchecs, l'esprit médi
tatif des deux peuples nous en est garant. Toutefois, il suffit
d'étudier les récentesparties engagées entre les clubs de Berlin
et de Hambourg, pour admettre aisément que M. Deschapelles
a bien pu donner la tour aux amateurs prussiens, lorsque,trente
ans après, nous voyons encore chez eux une grande faiblesse
- 1 13 -

de combinaisons dans leur lutte avec les Hambourgeois. Depuis


18o6, les Anglais ont imprimé, lu, commenté, médité une foule
d'ouvrages sur les échecs; avec leur merveilleuse aptitude aux
calculs, nos voisins doivent avoir laissé en arrière les amateurs
du club de Berlin : eh bien! nous pouvons affirmer au rédacteur
du Bell's-Life qu'il se rencontrerait chez nous un joueur d'échecs
qui proposerait aux plus forts joueurs d'Angleterre le pion et
deux traits, c'est-à-dire la moitié de la pièce (1). Or, si, en 1836,
on ose offrir un pareil avantage aux Anglais, commentpeut-on
s'étonner qu'on ait donné en 18o6 la tour aux amateurs du club
de Berlin? Nous espérons que la raison, et les bonnes raisons
seront entendues, et nous avons tant de foi dans le bon sens
britannique, que nous comptons désormais trouver dans le
Bell's-Life, au lieu d'un adversaire, un utile coopérateur.
MÉRY.

1 ) Ce ioueur
J est M. Deschapelles.
p _ - --
- 1 14 -

- soLUTIoNs DEs PRoBLÈMEs Ne v, vi, vII ET vIII,

soLUTioN pU N° V.

1 Blanc, La tour à la 8e case de sa reine, échec.


Noir. Le fou prend la tour.
2 B. Le cavalier à la 6° case de sa reine.
Quelque chose que fassent les noirs, ils seront mat le coup sui
ValIlt. - -
soLUTIoN nU N° VI.

1 B. Le pion du cavalier du roi, une case, échec.


N. Le roi à sa 5° case.

2 B. La tour à la 6° case de sa reine, échec.


N. La reine prend le fou.
3 B. La tour prend le pion de la reine, échec.
N. La tour prend la tour.
4 B. Le cavalier donne échec et mat.

soLUTIoN DU N° VII.

I . Le pion de la reine à sa 7° case, échec.


. Le fou du roi à la 2° case du fou de la dame.

. La tour prend le fou de la reine.


. Le pion de la tour de la reine, une case (A).
3 . Le fou prend le fou et fait échec.
. Le roi à la 2° case de la tour de la reine.

4 Le fou à la 6° case de son cavalier fait échec.


. Le roi à la case du cavalier de la reine.
5 Le pion fait dame et échec.
. La dame prend le pion devenu dame.
- 1 15 -

6 B. La dame à la 4° case du fou du roi fait échec.


N. La dame s'interpose.
7 B. La dame prend la dame et fait échec et mat.

DEUxIÈME vARIANTE AU 2° cour. -

2 N. La dame prend la dame.


3 B. Le fouprend le fou et fait échec et mat.
TRoIsIÈME vARIANTE AU 2° CoUP.

2 N. Le fou prend le fou. -


3 B. Le pion de la reine, une case, fait dame et échec.
N. La dame prend le pion.
4 B. La dame prend le fou et fait échec.
N. La dame s'interpose.
5 B. La dame prend la dame et fait échec et mat.
QUATRIÈME vARLANTE AU 2° CoUP.

2 N. La dame à sa case ou à celle de son fou.


3 B. Le fou prend le fou et fait échec.
N. La dame prend le fou.
4 B. Le pion fait dame et échec.
N. La dame prend le pion.
5 B. La dame recule à la 4 case du fou du roi, faisant échec.

N. La dame s'interpose.
6 B. La dame prend la dame, fait échec et mat.
cINQUIÈME vARIANTE AU 2° coUP.

2 N. Le pion du cavalier de la dame, une ou deux cases.


3 B. Le pion de la tour de la dame, une case.
N. La dame à sa case ou à celle de son fou.

La suite des coups est la même que dans les variantes précé
dentes.
– 1 16 -

soLUTIoN DU N° VIII.

1 B. La tour à la 5e case de son roi.


N. Le roi à la case de son cavalier.

2 B. La tour à la 8° case de son roi, échec.


N. Le roi à la 2° case de son fou.

3 B. Le cavalier à la 6° case de sa reine, échec.


N. Le roi à la 3° case de son fou.

4 B. Le pion, une case, échec et mat.

Dans les planches qui suivent, chaque pièce est désignée par
sa lettre initiale. Les lettres à jour désignent les pièces blan
ches. Les blancs ont toujours le trait ; le mat n° IX est de l'ano
nyme de Modène, le mat n° X de M. Calvi , le mat n° XI a été
fait par M. Macdonell; enfin, le pat n° XII a été composé par
M. le chevalier de Brevannes, l'un de nos plus brillants ama
teuTS.

auuouu .

Analyse du jeu des echecs ; par Philidor, nouvelle édition.Chez CAUsETTE, libraire,
rue de Savoie, n° 15. On trouve chez le même libraire divers ouvrages français, anglais
et italiens sur les échecs. -

Le rédacteur et gérant responsable,

DE LA BOURDONNAIS.

PARIs. - Imprimerie de DEzAuchÈ, faub. Montmartre, n. 1 .


Mat en deux coups.

Mat en quatre coups.


Blanc.
Mat en einq coups.

Les blancs forcent les noirs à les faire pat


en six coups.
CÉRUTTI.

Joseph Cérutti naquit à Turin le 13juin 1738, il fut l'un


des derniers membres de cette fameuse société des jésuites à la
destruction de laquelle il survécut. Après avoir été leur élève,
il devint l'un de leurs plus célèbres professeurs et soutint avec
vigueur les attaques qu'on leurportait. Son apologie de l'institut
des jésuites fit beaucoup de bruit; cet écrit n'était pas le premier
quifût sorti de la plume de Cérutti, il s'était distingué par deux
discours académiques. L'apologie des jésuites lui valut la faveur
particulière du dauphin. Accueilli à la cour, une dame d'une
famille distinguée lui inspira une passion vive; trompé dans ses
vœux, sa santé s'altéra et il fut pendant le reste de sa vie ma
lade et mélancolique. Lorsque la révolution de 89 éclata, i.
était à Paris; il devint l'un des plus ardents propagateurs des
nouvelles institutions, et fut très-lié avec le célèbre Mirabeau.
En 1791, il fit partie du corps législatif. L'ardeur de Cérutti
pour le travail, son enthousiasme trop actif pour la nouvelle
révolution fatiguèrent son tempérament déjà altérépar de lon
gues souffrances. Il mourut en février 1792. La municipalité de
Paris donna son nom à l'une des rues de cette ville.
Cérutti a laissé beaucoup d'écrits en vers et en prose. Ses ou
vrages en prose sont en général d'un style pur et correct; l'on
reproche à ses vers de manquer de chaleur, de variété dans
les tours et d'inspiration poétique. Cérutti aimait avec pas
sion le jeu des échecs, il l'a chanté. On trouvera dans son petit
poème, que nous donnons ici sur la demande de plusieurs de
nos abonnés, des vers fort bien tournés et des difficultés heureu
sement vaincues.

LEs ÉCHECS,

PoÈME.

Les noirs, les blancs jadis se disputaient la terre.


Deux peuples de leur race éternisent la guerre:
LQ
- I 2o -

Opposés d'intérêt ainsi que de couleur,


Egaux par le génie, égaux par la valeur,
Depuis quatre mille ans ils se battent sans cesse.
Ils sont jaloux de gloire, et non pas de richesse;
L'avidité jamais n'a termi leurs lauriers :
Une pauvreté noble honore des guerriers.
Deux monarques fameux, chargés de les conduire,
Triomphent tour-à-tour sans vouloir se détruire ;
A mesurer leur force ils bornent leurs desseins,
Mesure délicate entre deux rois voisins.

Je suis l'un de ces rois, les blancs sont mon partage ;


Les noirs de mon rival sont l'antique héritage.
Nous possédons tous deux seize petits états
Avec un nombre égal de chefs et de soldats.
Compagnons de fortune et frères d'origine,
Les soldats suivent tous la même discipline.
Les chefs, gardiens du peuple et défenseurs des rois,
Sont soumis dans leur marche à de sévères lois.
Dressés pour nos combats, des éléphants fidèles
De l'un à l'autre campprotégent les deux ailes:
Moins esclaves qu'amis, ces animaux puissants
Sont notre ferme appui dans les dangers pressants ;
Sur leur dos colossal des tours sont élevées,
Pour le dernier assaut sagement réservées,
Et qui, frappant de loin aussi bien que de près,
Lancent sur l'ennemi d'inévitables traits.
Ainsi que nos sujets nos reines sont guerrières;
Errant en liberté, ces amazones fières
Exercent, sous notre ordre, un absolu pouvoir;
Leur promptitude étonne autant que leur savoir.

Turenne aimait, dit-on, une petite armée,


A souffrir, à combattre , à vaincre accoutumée :
Tel est le bataillon qui suit notre étendard.
Vétérans endurcis, consommés dans leur art,
Ils savent préparer la victoire et l'attendre,
Profiter du hasard et n'en jamais dépendre ;
Aux projets médités joindre ceux du moment,
Soumettre leur fortune aux lois du mouvement.
– 123 - -

Sur la foi d'un oracle ou sur la foi d'un rêve,


Jadis les nations prenaient, quittaient le glaive :
Près d'aller au combat on consultait le sort.
Un chêne (1) fut long-temps le prophète du Nord ;
La Grèce interrogeait le trépied des sybilles ;
Nous ne connaissons pas ces fables puériles,
Nous ne connaissons pas tous ces présages vains;
Le coup d'œil, le calcul,voilà nos seuls devins.
Mais la gloire a dressé notre petit théâtre,
O vous qui m'écoutez, regardez-moi combattre.

Sur une double ligne , en deux corps partagés,


En ordre de bataille on nous voit tous rangés.
Le génie attentifgarde un profond silence,
Et l'avengle destin lui remet sa balance.
On donne le signal, on part des deux côtés,
Les postes sont choisis, les coups sont ajustés ;
Les premiers combattants expirent sur la place;
D'autres suivent de près et vengent leur disgrâce.
Les rangs sont enfoncés, les deux camps sont ouverts ;
On passe tour-à-tour des succès aux revers ;
On prend, onperd un chef; on forme, on lève un siége ;
On garde, on quitte un poste; on dresse, on rompt un piége ;
Les moindres intérêts ne sont pas oubliés,
Mais à ceux de l'état ils sont sacrifiés :
La barbarie alors devenant légitime,
Pour faire une conquête on livre une victime,
On expose un soldat pour surprendre un héros.
Tous ne sont pas formés pour les mêmes travaux.
A l'ennemi qui vient l'un ferme le passage,
Sur l'ennemi qui fuit l'autre fond avec rage ;
Malheur à l'imprudent qui s'engage trop loin,
Et qui de son retour a négligé le soin !
Infortuné captif, il périt sans défense,
Ses braves compagnons courent à sa vengeance ;
Mais ils règlent leur marche, observant, calculant ;
Ceux-ci d'un pas rapide et ceux-là d'un pas lent ;
(1) Le fameux chêne de Mambré.
-- - 124 -
Avant de l'occuper, fortifiant la place,
Evaluant le nombre, et le temps, et l'espace,
Ils perdent l'ennemi sans se perdre avec lui,
Se ménagent partout un asile, un appui,
Avec dextérités'avancent, se replient,
Se dispersent soudain , et soudain se rallient.
Ainsi l'on voit marcher, tourner ces légions
Que Frédéric exerce aux évolutions.
Ainsi la discipline et l'art de la tactique
Dnt fait de l'héroïsme un ressort mécanique :
On mesure ses coups, on aligne ses pas,
" Et la foudre elle-même obéit au compas.
Debout à mes côtés, modérant son courage,
La reine, d'un front calme, a vu grossir l'orage;
Elle part, ellevole au sein des escadrons,
L'éclair sort de la nue avec des feux moins prompts.
Vers mon rival tremblant d'un pas elle s'élance,
Elle revient d'un pas veiller à ma défense.
Prompte à voir le péril etprompte à l'éloigner,
Mettant à secourir le plaisir de régner,
Sa présence embellit mon camp et le protége,
Et sa seule valeur compose son cortége.
Tout le camp ennemi frémit à son aspect,
Et même en l'attaquant lui marqüe son respect (1).
Elle cherche desyeux sa superbe rivale :
Ainsi que leur ardeur leur puissance est égale.
Voyez-les, tour-à-tour, combattre, méditer,
S'exposer, se couvrir, s'avancer, s'arrêter,
Choisir un poste obscur, ou prendre un vol sublime,
Au bord du précipice échapper de l'abîme,
Du voile de la ruse entourer leurs projets,
Et déchirer le voile au moment du succès.
Aux champs thessaliens, moins vive, moins brillante,
Volait, disparaissait, revenait Atalante ;
Moins d'orgueil éclatait au front de Thalistis ;
Moins d'art, moins de génie inspirait Tomyris.
Dieux! quel revers fatal menace ma couronne !
(1) Ce u'est point l'usage à Paris de dire échec à la dame.
-- 125 -
Quel deuil inattendu va désoler mon trône!
Un groupe d'ennemis sur mois'est élancé,
J'ai rassemblé trop tard mon peuple dispersé.
La reine accourt, la reine affronte la tempête,
Sa tête seule, hélas! peut garantir ma tête.
Elle n'hésite point; sans frémir en secret,
Sans laisservers l'empire échapper un regret,
Par sa ruine même éloignant ma ruine,
Elle reçoit le coup et tombe en héroïne.
Alceste sur la scène ainsi vient expirer,
Admète lui survit, mais c'est pour la pleurer.
Deux héros à cheval (1), voltigeant dans la plaine,
Ont vu près de leur roi frapper leur souveraine.
En chevalier fidèle un d'eux court la venger;
Vers la cour ennemie il va d'un pas léger ;
S'élance, et profitant d'une attaque soudaine,
A côté du monarque il enlève la reine (2).
On s'assemble, on poursuit le ravisseur fatal ;
Mais prompt à s'échapper d'un combat inégal,
Sur son coursier agile il fuit de place en place. -
Deux autres chefs à pied, fameuxpar leur audace (3),
A travers les périls marchant obliquement,
Au secours du héros s'avancent brusquement;
Ils croisent, dans leur route, et l'une et l'autre armée.
Le vulgaire, jaloux de toute renommée,
Du titre de folie a payé leurs exploits ;
Cette folie heureuse est le salut des rois.
Ont-ils vu l'ennemi,par une brèche ouverte,
Pénétrer dans ma cour ? Alors que tout déserte,
L'un d'eux se précipite au milieudu combat,
Et frappé sur la brèche il délivre l'état.
Tel on vit Curtius s'élancer dans l'abîme,
L'abîme se ferma content de sa victime.

Tandis que mes héros affrontent le trépas,


Mes fantassins unis (4) s'avancent pas à pas.
(1) Les cavaliers.
(2) Double échec au roi et à la reine.
(3) Les fous.
(4) Les pions.
– 126 -

Et de leurs rangs serrés opposant la barrière ,


Aux chefs les plus hardis ils ferment la carrière.
Ils suivent l'ordre mince, et non l'ordre profond ;
Ils frappent de côté, mais ils marchent de front.
Contraints à chaque pas de s'arrêter, ils brûlent
De faire un pas de plus, et jamais ne reculent.
Un noble espoir anime et soutient leurs travaux,
Ils peuvent de soldats devenir généraux.
Un d'eux a-t-ilforcé, par une marche lieureuse,
Du monarque ennemi l'enceinte glorieuse (1),
Il est proclamé chef par l'un et l'autre camp,
Et des premiers honneurs revêtu sur-le-champ.
Ainsi de rang en rang porté par la victoire,
Fabert s'assit enfin sur le char de la gloire.

Je parle en roi guerrier et de qui le destin


A dépendu cent fois du moindre fantassin.
Mais, pour un qui s'élève, hélas! combien succombent !
Sous des coups redoublés, l'un après l'autre tombent ;
Je déplore leur chute et je sens que l'état
Perd un bras nécessaire en perdantun soldat.

De moi dépend surtout le salut de l'empire.


Rien n'est désespérétandis que je respire.
Contemplez cette abeille et l'essaim qui la suit,
C'est la reine, sans elle un rucher est détruit.
Un escadron ailé vient-il sur ses murailles?
Elle donne aussitôt le signal des batailles,
Tout est en l'air, tout vole au-devant du trépas,
Des artisans obscurs sont tout-à-coup soldats :
Le peuple le plus doux devient le plus terrible.
Tant que la reine existe il se montre invincible.. .
Elle expire, tout fuit; un seul dard meurtrier
Anéantit la reine et le royaume entier.

Tant que le sort n'a pas éclairci mon armée,


Aux éléphants captifs (o) la barrière est fermée :
(1) Un pion à damc.
(2) Les tours,
– 127 -
L'espace est-il ouvert?ai-je besoin d'appui ?
Vers moi l'un d'eux s'avance et j'avance avec lui (1).
Là, placé sous sa garde, et presque inaccessible,
Je suis de la bataille observateur paisible.
Mais le danger approche ; alors mes éléphants
Dans la lice à leur tour s'élancent triomphants.
Colosses aguerris, forteresses mouvantes,
Leur choc impétueux, leurs manœuvres savantes
Portent de rangen rang le trouble et la terreur.
Mon rival attentif s'oppose à leur fureur,
Sur mes tours avec art il fait marcher les siennes ;
Avec plus d'art encor je poste et joins les miennes.
Sous leur feu combiné tout s'écroule ou s'enfuit.
Le roi, réfugié dans un humble réduit,
Sur ses états déserts promèneun regard sombre ;
De sa grandeur passée il voit à peine une ombre.
Environné d'écueils, il cherche en vain un port ;
Mais animé bientôt d'un généreux transport,
Il s'avance superbe, etveutpar son courage
Retarder ou du moins illustrer son naufrage.
Tel au champ de Pavie, entouré d'ennemis,
Aussigrand, aussi fier que s'il les eût soumis,
François premierau glaive abandonnant sa tête,
De l'heureuxCharles-Quint effaça la conquête.

Je marche alorssuivi de tous mes généraux ;


Je cherche mon rival qui s'expose en héros ;
Quelques soldats encore , amis dans la disgrâce,
Pressés autour de lui signalent leur audace.
Les miens, impatients, voudraient tout ravager ;
Mais je retiens leurs coups pour les mieux diriger.
Tout le peuple ignorant accuse ma faiblesse,
Les spectateurs instruits approuvent ma sagesse.
Par de savants détours je voile mes projets ;
Par des retours prudents je hâte mes succès.
Ainsi le temps soumet lentement toute chose,
Et combat en secret quand on croit qu'il repose.

(1) Roquer.
- 128 -

Tels,préparant de loin un grand événement,


Vingt sièclesfont effortpour créer un moment.
Cependant mon rival est près de sa défaite ;
Après avoir erré de retraite en retraite,
Après avoir perdu ses places, ses soutiens,
Il se voit dans sa fuite enveloppé des miens.
Il va périr, mais non, la troupe qui l'assiége,
Respecte sa personne en frappant son cortége :
Conserver le monarque est la loi de l'état ;
Le forcer à se rendre est le droit du combat.
Il se rend (1); avec lui je me reconcilie ,
Et je ne souffre point qu'un grand roi s'humilie ;
Par son exemple instruit des rigueurs du destin ,
Je renferme ma joie, et je rends mon butin.
Non content de sauver l'honneur du diadême,
A reprendre son rang je l'invite moi-même ;
Il reparaît en pompe au milieu de sa cour,
Et rentré dans la lice il triomphe à son tour.
Ainsi nous prolongeons une innocente guerre
Qui charme nos loisirs sans désoler la terre.
L'ambition se plaît dans les combats sanglants,
Et la philosophie aux combats des talents.
L'Inde fut le berceau de nos premiers ancêtres ;
Les maîtres de Platon furent aussi nos maîtres ;
Le peuple quitrouva le plussavant des jeux,
Fut des peuples enfants le plus ingénieux,
(1) Échec et mat.
- 129 -

GAMIB * DU ION DE LA REINE.

Le sacrifice du pion de la reine est généralement un bon


coup d'attaque pour celui qui a le trait. Nous donnons ici quel
ques jolis débuts où l'on verra les fautes dans lesquelles on
peut tomber en défendant le pion abandonné par l'adversaire.
Le dernier de ces débuts est de l'invention de M. Mac Donell ;
il apprendra la véritable défense du gambit du pion de la reine.
La partie qui le suit a été jouée, il y a quelques années, entre
Londres et Edimbourg. -

PREMIER DÉBUT.

1 Blanc. Le pion du roi, deux cases.


Noir. Le pion du roi, deux cases.
2 lB. Le cavalier du roi à la 3e case de son fou.
N. Le cavalier de la reine à la 3e case de son fou.
3 B. Le pion de la reine, deux cases.
N. Le pion du roi prend le pion.

4 B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.


N . Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine (a).
5 B . Le cavalier du roi à sa 5° case.
N . Le cavalier du roi à la 3° case de sa tour.

6 B. Le fou du roi prend le pion du fou du roi, échec.


N.
Le cavalier prend le fou.
7 B. Le cavalier prend le cavalier.
" N. Le roi prend le cavalier.
8 B . La reine à la 5° case de la tour du roi, échec.
N.
Le pion du cavalier du roi,une case.
9 B. La reine prend le fou.
N . La reine à la 2° case du roi.

(a) Lorsqu'on veut conserver le pion, on est exposé à une attaque assez forte.
- 13o -

1 o B. La reine donne échec à la 4° case de son fou.


N. La reine à la 3e case de son roi.
1 1 B. La reine à la 2° case de son roi.
N. Le pion de la reine, deux cases (a).
12 B. Le pion du fou du roi, une case.
N. La tour du roi à la case de son roi.

13 B. Le roi roque.
N. Le roi à la 2° case de son cavalier.

14 B. La reine à la 2° case du fou du roi.


N. Le pion de la reine prend le pion.
15 B. Le pion prend le pion.
N. Le fou de la reine à la 2e case de sa reine.

16 B. La reine à la 4° case de la tour du roi.


N. Le roi à la case de son cavalier.

17 B. Le fou de la reine à la 6° case de la tour du roi. Les


blancs ont assez beaujeu.

DEUxIÈME DÉBUT.

1 B. Le pion du roi, deux cases.


N. Le pion du roi, deux cases.
2 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.

3 B. Le pion de la reine, deux cases.


N. Le pion du roi prend le pion.
4 B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
N. Le fou du roi à la 5° case du cavalier de la reine, échec (b).
5 B. Lepion du fou de la reine, une case.
N. Le pion prend le pion.
(a) Si les blancs prennent le pion, les noirs font dame pour dame, puis jouent
le cavalier à sa cinquième case, reprennent leur pion, et ont une partie au moins
égale.
(b) Ce coup est maljoué, et les noirs ne peuvent gagner un second pion sans
compromettre leur partie.
- 131 -

6 B. Le roi roque.
N.Le pion prend le pion.
7 B. Le fou de la reine prend le pion (a).
N. Le cavalier du roi à la 3e case de son fou.

8 B. Le cavalier du roi à sa 5e case.


N. Le roi roque.

9 B. Le pion du roi, une case.


N. Le cavalier à la 6° case de son roi.

1o B. La reine à la 5° case de la tour du roi . Les blancs ga


gnent la partie.

PREMIÈRE vARIANTE AU 7° coUP.

7 B. Le fou de la reine prend le pion.


N. Le pion du fou du roi, une case.

8 B. La reine à la 3° case de son cavalier.


N. Le cavalier du roi à la 3° case de la tour.

9 B. Le pion du roi, une case.


N. Le pion prend le pion.

Le cavalier prend le pion.


La reine à la 2° case de son roi.

Le cavalier prend le cavalier.


Le pion du cavalier de la reine prend le cavalier.
Le fou de la reine prend le pion du caval ier du roi.
La reine prend le fou.
13 B. La reineprend le fou.
N. Le pion de la reine, deux cases (b).
14 B. La tour donne échec.
N. Le roi à la case de sa reine.

15 B. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.


N, Le pion prend le fou.

(a) En prenant ce pion, les noirs mettent en attaque le fou de la dame de leur
adversaire, et compromettent leur partie ; au lieu de ce coup, ils devaient jouer le
pion de la reine une case.
(b) Si les noirs prenaient la tour, ils seraient mat au troisième coup.
- 132 -

16 B. La tour de la reine donne échec. Les blancs ont une belle


position et doivent gagner la partie.

DEUxIÈME vARIANTE AU 7° coUP,

7 B. Le fou de la reine prend le pion.


N. Le pion du fou du roi, une case.
8 B. Le cavalier du roi à sa 5° case.
N. Le cavalier du roi à la 3e case de sa tour.
9 B. La reine à la 5° case de la tour du roi, échec.
N. Le roi à la case de son fou (a).
1 o B. Le pion du fou du roi, deux cases.
Les blancs ont le meilleur jeu.
TRoISIÈME vARIANTE AU 7° coUP.

7 B. Le fou de la reine prend le pion.


N. Le pion du fou du roi, une case.
8 B. Le pion du roi, une case.
N. Le pion prend le pion.
9 B. Le cavalier prend le pion.
N. Le cavalier prend le cavalier.
1o B. Le fou de la reine prend le cavalier.
N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
1 1 B. La reineà la 4° case de sa tour.
N. La reine à la 2° case du roi.

12 B. Le fou de la reine prend le cavalier.


N. Le pion prend le fou.
13 B. Le pion de la tour de la dame, une case.
N. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
14 B. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.
Les blancs ont une attaque à laquelle les noirs ne peuvent
résister.

(a) Si les noirs avaient joué le roi à sa deuxième case, les blancs auraient dû
jouer ainsi : le fou de la dame prend le pion du fou du roi; N. le roi prend le fou ;
B. le cavalier à la septième case du fou du roi, et ils auraient gagné la partie.
- 133 -

TROISIÈME DÉBUT.

1 B. Le pion du roi, deux cases.


N. Le pion du roi, deux cases.
2 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.

3 B. Le pion de la reine,deux cases.


N. Le pion prend le pion.
4 B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
N. La reine à la 3° case du fou du roi (a).
5 B. Le roi roque.
N. Le pion de la reine, une case.
6 B. Le pion du fou de la reine,une case.
N. Le pion à la 6° case de sa reine (b).
7 B. La reine prend le pion.
N. La reine à la 3° case du cavalier du roi.

8 B. Le fou de la reine à la 4° case du fou du roi.


N. Le fou du roi à la 2° case du roi.
9 B. Le cavalier de la reine à la 2° case de sa reine.
N. Le cavalier du roi à la 3° case de sa tour.
1o B. La tour de la reine à la case du roi.
N. Le roi roque.

11 B. Le cavalier du roi à la 4e case de la reine.


N. Le cavalier de la reine à la 4° case du roi.
12 B. Le fou prend le cavalier.
N. Le pion prend le fou.
13 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le fou du roi à la 3° case de la reine.

14 B. Le pion de la tour du roi, une case.


N. Le roi à la case de sa tour.

La partie est égale et doit être remise.


(a) Voilà, suivant nous, un excellent coup de défense; l'invention en est due à
M. Mac-Donell.
(b) C'est beaucoup mieux joué que de prendre le pion adverse; vous auriez
gagné un pion, mais il eût dégagé son cavalier de la reine et pris l'attaque.
-- 134 -

PARTIE JOUÉE PAR CORRESPoNDANCE

ENTRE LONDRES ET ÉDIMROURG.

1 Blanc. Le pion du roi, deux cases.


Noir. Le pion du roi, deux cases.
2 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou. .
3 B. Le pion de la reine, deux cases.
N. Le pion du roi prend le pion.
4 B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
N. Le fou du roi à la 4e case du fou de la reine.
5 B. Le pion du fou de la reine,une case (a).
N. La reine à la 2° case du roi.

6 B. Le roi roque.
N. Le pion de la reine prend le pion.
7 B. Le cavalier de la reine prend le pion.
N. Le pion de la reine, une case.
8 B. Le cavalier de la reine à la 5° case de sa reine.
N. La reine à sa 2° case (b).
9 B. Le pion du cavalier de la reine, deux cases (c).
N. Le cavalier de la reine prend le pion.
1o B. Le cavalier de la reine prend le cavalier.
N. Le fou du roi prend le cavalier.
11 B. Le cavalier du roi à sa 5° case.
N. Le cavalier du roi à la 3° case de sa tour.
12 B. IAe fou de la dame à la 2° case de son cavalier.
N. Le roi à la case de son fou (d).

(a) Les blancs auraient pu jouer aussi le cavalier du roi à sa cinquième case.
(b) La reine à cette case gêne la sortie du fou de la dame.
(c) Les blancs sacrifient ce pion pour donner plus de force à leur attaque.
' (d) Ce coup est forcé, car si les noirs avaient roqué, les blancs, en jouant la
reine à sa quatrième case, auraient donné échec et mat en peu de coups.
– 135 -

13 B. La reine à la 3° case de son cavalier.


N. La reine à la 2° case du roi.

14 B. Le cavalier prend le pion du fou du roi.


" N. Le cavalier prend le cavalier.
15 B. La reine prend le fou.
N. Le cavalier à la 4° case de son roi.
16 B. Le pion du fou du roi,deux cases.
N. Le cavalier prend le fou.
17 B. La reine prend le cavalier.
N. La reine à la 2° case du fou du roi.
18 B. La reine à la 3e case de son fou.
N. Le fou de la reine à la 3e case du roi.

19 B. Le pion du fou du roi, une case.


N. Le fou de la reine à sa 5e case.
2o B. La tour du roi à la 4° case de son fou.
N. Le pion du cavalier de la reine, deux cases.
2 1 B. Le pion du roi, une case.
N. Le pion de la reine prend le pion.
22 B. La reine prend le pion.
N. Le pion de la tour du roi, une case.
23 B. La tour de la reine à la case du roi.
N. La tour du roi à sa 2° case.
24 B. Le pion du fou du roi, une case.
N. Le pion du cavalier du roi, deux cases.
25 B. La tour du roi à la 5° case de son fou.
N. Le pion de la tour de la reine, deux cases.
26 B. La reine donne échec à la 5° case de son fou (a).
N. Le roi à la case de son cavalier.
27 B. La tour donne échec en prenant le pion (b).
N. Le pion prend la tour. -

(a) Le fou à la quatrième case de la reine eût été meilleur.


(b) Les blancs sacrifient une tour très-légèrement : cependant, comme on le
verra plus loin, ils peuvent avoir l'échec perpétuel; ils ne veulent pas s'en con
tenter, et ila perdent la partie. Les blancs pouvaient, au lieu de ce coup, jouer la
tour de la reine àla septième case de son roi, et ils auraient eu un très beau jeu.
– 136 -

28 B. La reine donne échec en prenant le pion.


N. Le roi à la case de son fou (a).
29 B. Le fou à la 4° case de sa reine.
N. Le fou à la 3° case de son roi.
3o B. La reine donne échec à la 5° case de son fou.
N. Le roi à la case de son cavalier.
31 B. La reine donne échec à la 5° case du cavalier du roi.
N. Le roi à la case de son fou.

32 B. Le fou de la reine à sa 5° case, échec.


N. Le roi à sa case.

33 B. La reine à sa 5e case.
. La tour de la reine à sa 3° case.

34 B. La reine à la 7° case de son cavalier.


. La reine à la 4° case de la tour du roi.
35 B. Le pion du fou du roi, une case, échec (b).
N. Le roi prend le pion.
36 B. La tour à la case du fou du roi, échec.
N. Le roi à la 3e case de son cavalier.

37 B. La reine à la 4° case du roi, échec.


N. Le fou couvre.

38 B. La reine à la case du roi adverse, échec.


N. La tour du roi à la 2e case de son fou.

39 B. La reine donne échec à la case du cavalier du roi adverse.


N. Le roi à la 3° case de son fou.
4o B. Le pion du cavalier du roi, deux cases.
N. La tour de la dame à sa case (c).
41 B. La reine prend la tour.
N. La reine donne échec en prenant le pion.
42 B. Le roi à la case de sa tour.
N. La tour à la 2° case de sa reine.

(a) Si les noirs avaient joué le roi à la case de la tour, les blancs auraientgagné
en jouant la tour à la septième case de son roi.
(b) Les blancs pouvaient aussiprendre latour,et la partie eût été remise.
(c) Ce coup de ressource est fort joli et très-bien joué. Tout autre coup, les
noirs auraient perdu. Les blancsjouent, au reste,fort mal la fin de cettepartie.
- 137 -
43 B. Le fou à la 3e case de la tour de la reine.
N. Le roi à la 2° case de son fou.

44 B. La reine à la 6° case de son fou.


N. La tour à la case de la reine adverse.

45 B. La reine prend le pion du cavalier de la damé adverse


N. La reine à la 4e case du roi, échec.
46 B. Le roi à la case de son cavalier.
N. Le roi à la 3° case de son cavalier.

47 B. La reine à la 2° case de son cavalier.


N. La reine à la 5° case du cavalier du roi, échec.
48 B. La reine à la 2° case du cavalier du roi.
N. La reine prend la reine.
49 B. Le roi prend la reine.
N. Le fou donne échec à la 6° case de la tour du roi.
Perdu.
- 138 -

LoRIGiNE DU JEU DEs ÉCHECS.

Un grand nombre d'écrivains se sont attachés à rechercher


l'origine du jeu des échecs ; nous citerons parmi eux Lopez de
Segura, De la invention del jugo del axedres, Alcala, 1661 ;
Dominico Tarsia, Dell'invenzione degli scacchi, Venise ; Sarra
zin, Opinions du nom et du jeu des échecs; et Fréret, secrétaire
de l'académie des inscriptions et belles-lettres, l'un des savants
les plus distingués dont s'honore la France. -
Fréret prononça le discours qui suit dans une séance ex
traordinaire de l'académie, où se trouvait Louis XV. Ce prince,
dans sa jeunesse, avait eu quelque goûtpour le jeu des échecs.

Le jeu des échecs est de tous les jeux où l'esprit seul a part,
le plus combiné, le plus savant,et celui dans lequel l'étendue et
la force de ce même esprit peut se faire plus aisément re
marquer.
Chaque joueur a seize pièces partagées en six ordres, dont
les noms, les marches et la valeur sont différents. On les place
en deux lignes de huit pièces chacune, sur un échiquier divisé
en soixante-quatre cases ou carrés, qui ne peuvent contenir
qu'une pièce à la fois. Chaque joueur a une pièce unique qu'on
nomme le roi ; de la conservation ou de la perte de cette pièce
dépend le sort de la partie. Elle ne peut être prise tant qu'il lui
reste quelque moyen de parer les coups qu'on lui porte. La sur
prise n'a point lieu à son égard dans cette guerre : on l'avertit
du danger où elle est par le terme d'échec, et par là on l'oblige
à changer de place s'il lui est possible, afin de se garantir du
péril qui l'a menacée. S'il ne lui reste aucun moyen de l'éviter,
alors elle tombe entre les mains de l'ennemi qui l'attaquait, et
par la prise du roi la partie est décidée, ce que l'on exprime par
les mots d'échec et mat. -
Telle est l'idée générale du système de ce jeu.Son excellence
a porté plusieurs écrivains à en chercher l'origine ; mais mal
gré l'érudition grecque et latine qu'ils ont répandue avec pro
fusion sur cette matière, ils y ont porté si peu de lumière, que
la carrière est encore ouverte à de nouvelles conjectures.
Plusieurs savants ont cru qu'il fallait remonter jusqu'au siége
de Troie pour trouver l'origine du jeu des échecs. Ils en ont
attribué l'invention à Palamède, ce capitaine grec qui périt
par les artifices d'Ulysse. D'autres, rejetant cette opinion qui est
en effet dénuée de fondement, se sont contentés d'assurer que
le jeu des échecs avait été connu des Grecs et des Romains, et
que nous le tenons d'eux. Mais les jeux des soldats, latrunculi, des
jetons, calculi etscrupuli, qu'ils prennentpour celui des échecs,
n'ont ancune ressemblance avec ce jeu dans les choses qui en
constituent l'essence et qui distinguent les échecs de tous les
autres jeux de dames, de marelles et dejetons, et avec lesquels
ils le confondent.
Les premiers auteurs qui aient incontestablement parlé des
échecs dans l'Occident sont nos vieux romanciers ou les écrivains
de ces fabuleuses histoires des chevaliers de la Table-Ronde et
des braves de la cour du roiArtus, des douze pairs de France
et des paladins de l'empereur Charlemagne.
Il faut même observer que ceux de ces romanciers qui ont
parlé des Sarrasins, les représentent souvent comme très-habiles
à ce jeu. La princesse Anne Comnène, dans la vie de son père,
Alexis Comnène, empereur de Constantinople dans le XII° siècle,
nous apprend que le jeu des échecs, qu'elle nomme zatrikion,
a passé des Persans aux Grecs. Ainsi ce sont les écrivains orien
taux qu'il faut consulter sur l'origine de cejeu.
Les Persans conviennent qu'ils n'en sont pas les inventeurs,
et qu'ils l'ont reçu des Indiens qui le portèrent en Perse,
pendant le règne du grand Cosroës. D'un autre côté les Chinois,
à qui le jeu des échecs est connu et qui le nomment le jeu de l'é
léphant, reconnaissent aussi qu'ils le tiennent des Indiens de
qui ils l'ont reçu dans le VI° siècle. Le Haipienne ou grand dic
tionnaire chinois, au mot stanghki, dit que cefut sous le règne
de Vouti, vers l'an 537 de Jésus-Christ, et par là on ne peut
douter que ce ne soit dans les Indes que ce jeu a été inventé;
c'est de là qu'il a été porté dans l'Orient et dans l'Occident.
Les circonstances que les écrivains arabes racontent de la ma
nière dont cejeu fut inventé aux Indes et porté ensuite en
Perse méritent quelque attention.
Au commencement du V° siècle de l'ère chrétienne, il y avait
dans les Indes un prince très-puissant, dont les états étaient si
tués sur l'embouchure du Gange. Il prenait le titre fastueux de
roi des Indes; son père avait contraint un grand nombre de
souverains de lui payer un tribut et de se soumettre à son em
pire. Le jeune monarque oublia bientôt que les rois doivent
être les pères de leurs peuples ; que l'amour des sujets pour leur
roi est le seul appui solide du trône ; que cet amour seul peut
attacher véritablement les peuples au prince qui les gouverne,
et dont ils font toute la force et toute la puissance; qu'un roi
sans sujets ne porterait qu'un vain titre, et n'aurait aucun avan
tage réel sur les autres hommes.
Les brahmines et les rajahs, c'est-à-dire les prêtres et les
grands, représentèrent toutes ces choses au roi des Indes ; mais
enivré de l'idée de sa grandeur qu'il croyait inébranlable, il mé
prisa leurs sages représentations. Les plaintes et les remon
trances ayant continué,il s'en trouvablessé, etpour venger son
autorité qu'il crut méprisée de ceux qui osaient désapprouver
sa condnite,il les fit périr dans les tourments.
Cet exemple effraya les autres; on garda le silence, et ce
prince abandonné à lui-même, et, ce qui était encore plus dan
gereuxpour lui et plus terrible pour ses peuples, livréaux per
nicieuxconseils des flatteurs, se porta bientôt aux derniers excès.
Les peuples, accablés sous le poids d'une tyrannie insupportable,
témoignèrent combien leur était devenue odieuse une autorité
qui n'était plus employée qu'à les rendre malheureux.
Les princes tributaires,persuadés qu'en perdant l'amour de ses
peuples le roi des Indes avait perdu tout ce qui faisait sa force,
se préparaient à secouer le joug et à porter la guerre dans ses
états.Alors un brahmine ou philosophe indien. nommé Sissa,
fils de Daher, touché des malheurs de sa patrie, entreprit de
faire ouvrir les yeux au prince sur les funestes effets que sa
conduite allait produire. Mais instruitpar l'exemple de ceux qui
l'avaient précédé, il sentit que sa leçon ne deviendrait utile que
quand le prince se la donnerait à lui-même et ne croirait point
la recevoir d'un autre. Dans cette vue il imagina le jeu des
échecs, où le roi, quoique la plus importante de toutes lespièces,
est impuissant pour attaquer et même pour se défendre contre
ses ennemis, sans le secours de ses sujets et de ses soldats.
Le nouveau jeu devint bientôt célèbre ; le roi des Indes en en
tendit parler et voulut l'apprendre. Le brahmine Sissa fut choisi
ur le lui enseigner, et sous prétexte de lui en expliquer les
règles et de lui montrer avec quel art il fallait employer les au
- 141 -
tres pièces à la défense du roi,il lui fit apercevoir etgoûter des
vérités importantes qu'il avait refusé d'entendre jusqu'alors. Le
prince, né avec de l'esprit et des sentiments vertueux que les
maximes des courtisans n'avaient pu étouffer, se fit l'application
des leçons du brahmine, et comprenant que l'amour des peuples
pour leur roi fait toute sa force, il changea de conduite et par
là prévint les malheurs qui le menaçaient.
Le prince, sensible et reconnaissant, laissa au brahmine le choix
de la récompense.Celui-ci demanda qu'on lui donnât le nombre
de grains de blé que produirait le nombre des cases de l'échi
quier ; un seul pour la première, deux pour la seconde, quatre
pour la troisième, ainsi de suite en doublant toujours jusqu'à la
soixante-quatrième.
Le roi, étonné de la modicité apparente de la demande, l'ac
corda sur-le-champ et sans examen; mais quand ses trésoriers
eurent calculé, ils trouvèrent que le roi s'était engagé à une
chose pour laquelle tous ses trésors ni ses vastes états ne suffiraient
point (1). Alors le brahmine se servit de cette occasion pour lui
faire sentir combien il importe aux rois de se tenir en garde
contre ceux qui les entourent et combien ils doivent craindre
que l'on n'abuse de leurs meilleures intentions.
Le jeu des échecs ne demeura pas long-temps renfermé dans
l'Inde, il passa dans la Perse pendant le règne de Cosroës, mais
avecdes circonstances singulières que les historiens persans nous
ont conservées (2), et qui nous montrent qu'on le regardait
comme étant destiné à servir dans tous les pays à instruire les
rois en les amusant, comme le signifiait le nom de schatrengi
ou schatrack qu'on lui donna, le jeu du roi ou schah. Les Grecs
en firent celui de zatrikion, et les Espagnols, à qui les Arabes
l'ont porté, l'ont changé en celui de axadres ou alxadres.
Les Latins le nommèrent scaccorum ludus, d'où est venu l'i
talien scacchi : nos pères s'éloignèrent moins de la prononciation
orientale, en le nommant le jeu des échecs, c'est-à-dire du roi,
schach en persan ,scheh en arabe, roi ou seigneur. On conserva
le terme d'échec que l'on emploie pour avertir le roi ennemi de
se garantir du danger auquel il est exposé.Celui d'échec et mat
(1) On a évalué la somme de ces grains de blé à 16,384 villes, dont chacune con
tiendrait 1,o24greniers, dans chacun desquels il y aurait 174,762 mesures, et dans
chaque mesure 32,768 grains.
(2) Texeira, Historia de los reyes de Persia,
- 142 -
vient du persan schakmat, le roi estpris, et c'est la formule usi
tée pour avertir le roi ennemi qu'il ne peut plus espérer de se
COlll'S,

Les noms de plusieurs des pièces de ce jeu, qui n'ont de signi


fication raisonnable que dans les langues de l'Orient, confirment
l'opinion proposée sur son origine orientale. La seconde pièce
des échecs après le roi est nommée aujourd'hui reine ou dame ;
mais elle n'a pas toujours porté ce nom. Dans des vers latins du
XII° siècle elle est nommee fercia. Nos vieux poètes français,
comme l'auteur du roman de la Rose, et le traducteur du poème
de la Vieille, nomment cette pièce fierce, fierche et fierge. Ces
mêmes termes se trouvent employés dans plusieurs anciens trai
tés manuscrits du jeu des échecs qui sont à la Bibliothèque du roi.
Le roman de la Rose s'exprime ainsi :
Car on n'have pas les garçons (1),
Fols, chevaliers, fierges ni rocs.
Le traducteur du poème de la Vieille dit en décrivant les
échecs :
En deux parts voir y pourrés
Roi, roc, chevalier et auphin.
Fierge et peon, etc.
Et il dit ailleurs :

La royne que nous nommons fierge,


T'ient de Vénus et n'est pas vierge,
Aimable est, et amoureuse , etc.

Ces mots de fierge, fierche et fierce ou fiercia,sont des corrup


tions du latin fercia qui lui-même vient du persan ferz ou ferzin ,
qui est en Perse le nom de cette pièce, et signifie un ministre
d'état, un visir. -
Du latin fiercia, nous avons fait fierce et fierge, par un chan
gement semblable à celui qui du mot feretrum, cercueil, a fait
fiertre ou fierte, que nous employons encore pour les châsses de
quelques saints.
Du nom defierge on a fait celui de vierge, virgo, et puis ce
lui de dame et de reine. Le goût dans lequel on était de morali
() Ne salue pas, ne dit pas échec aux garçons oupions, etc
ser toutes sortes de sujets dans les XIIe et XIIIe siècles, fit re
garder le jeu des échecs comme une image de la vie humaine :
de là vinrent tous ces écrits en diverses langues, dont quelques
uns ont été imprimés , mais dont le plus grand nombre est de
meuré manuscrit dans les bibliothèques. Dans ces écrits. on
compare les différentes conditions avec les pièces du jeu des
échecs , et l'on tire de leur marche , de leur nom et de leur fi
gure, des occasions de moraliser sans fin à la manière de ces
temps-là. On se persuada bientôt que le tableau de la vie hu
maine, speculum vitæ humanae .. en serait une image imparfaite,
si l'on n'y trouvait une femme ; ce sexe joue un rôle trop impor
tant pour qu'on ne lui donnât pas une place dans le jeu : ainsi
l'on changea le ministre ou ferz en reine; la ressemblance des
mots defierge et de vierge rendit facile un changement quisem
blait d'autant plus raisonnable que cette pièce est placée à côté
du roi, et que dans les commencements elle ne pouvait s'en éloi
gner de plus de deux cases (1). La reine ne va que de point en
point comme le pion , n'étant pas convenable à femme d'aller en
bataille pour la fragilité et la faiblesse de soi, dit un auteur du
temps de Philippe de Valois (2) : aussi cette pièce était-elle une
des moins considérables des échecs, comme le reconnaissent les
auteurs de deux anciens traités sur le jeu des échecs (3).
Cette contrainte dans laquelle était la dame des échecs déplut
à nos pères; ils la regardèrent comme une espèce d'esclavage
plus convenable à la jalousie des Orientaux qu'à cette liberté
dont les femmes ont toujours jouiparmi nous.On étendit donc
la marche et les prérogatives de cette pièce, et par une suite de
la galanterie naturelle aux nations de l'occident, la dame devint
la plus considérable pièce de tout le jeu.
Il y avait cependant une absurdité dans cette métamorphose
du ferzine ou vizir en reine, et cette absurdité subsiste encore
aujourd'hui, sans que l'on y fasse réflexion.
Lorsqu'un pion, c'est-à-dire un simple soldat, a traversé les
bataillons ennemis et qu'il a pénétréjusqu'à la dernière ligne
de l'échiquier, non-seulemeut on lui permet de retourner en ar
(1) Le poème de la Vieille dit : Le roi, la fierge et le paon saillent un point,
font un pas.
(2) Jean de Vignay, avant 133o. Mortalité des nobles hommes, chap. XIX.
(3) Ruy Lopez de Segura, De la invention del juego del axedres, 4, 1661, en
Alcala,p. 19. Dominico Tarsia, Del inventione degli scacchi. Venise, 8, c. 15.
- 144 -
rière, mais on lui donne encore la marche et les prérogatives
de la dame. -

Et quand le peon fait sa trache (1),


Si qu'il est au bout de l'estache (2),
Lors de fierge fait tout l'office
Et est depareil exercice.
Un poète latin dit , en parlant du pion , dans les mêmes cir
COInStaInCeS :

Tunc augmentatur, tunc fercia jure vocatur.


Si le ferzine ou la fierge est un visir, un ministre d'état, un
général d'armée, on comprend aisément comment on peut éle
verà ce rang un pion, ou un simple soldat,pour récompenser
la valeur avec laquelle il a percé les bataillons ennemis. Mais si
la fierge est une dame, est la reine ou la femme du roi, par quelle
bizarre métamorphose le pion change-t-il de sexe , et devient-il
femme, de soldat qu'il était auparavant ; et comment luifait-on
épouser le roi pour récompense de la valeur dont il a donné des
marques ? Il ne faudrait que cette seule absurdité pour prouver
que la seconde pièce des échecs a été mal à propos nommée vierge
ou renne.
La troisième pièce des échecs est le fol : chez les Orientaux,
elle a la figure d'un éléphant, et elle en porte le nom, fil. De
ce nom on avait formé celui d'alphillus, employé par d'an
ciens poètes latins , et dont nos poètes français avaient fait au
phin et dauphin : les Espagnols le nommaient delfil et arfil;
mais dans la suite ils ont changé ce nom en celui d'alferez, et les
Italiens en celui d'alfiere, sergent de bataille. L'auteur du ro
man de la Rose donne cependant le nom de fol à cette pièce, et
ce nom est demeuré en usage jusqu'à présent. .
Les cavaliers, qui sont la quatrième pièce des échecs, ont la
même figure et le même nom dans tous les pays; celui que nous
employons est la traduction du nom que lui donnent les Arabes.
La cinquième pièce des échecs est nommée aujourd'hui tour ;
on l'appellait autrefois rokh, d'où le termede roquer nous est de

( ) Poème de la Vieille, trache pour trace, marche, chemin.


(a) Barrière, d'où est venu le mot d'estaccade et d'estoc.
- 145 -
meuré.Cette pièce, qui entre dans lesarmoiries de quelques ancien
nes familles, y a conservé le nom de roc et son ancienne figure,
assez semblable à celle que lui donnent les mahométans, dont les
échecs ne sont pas figurés. Les Orientaux la nomment de même
que nous, rokh, et lesIndiens lui donnent la figure d'un chameau
monté d'un cavalier l'arc et la flèche à la main, Le terme de rokh,
commun aux Persans et aux Indiens, signifie dans la langue de
ces derniers un espèce de chameau dont on se sertà la guerre,
La marche rapide de cette pièce, qui saute d'un bout de l'échi
quier à l'autre , convient d'autant mieux à cette idée que dans
lespremiers temps elle était la seule pièce qui eût cette marche,
Le roi, la dame et le pion ne faisaient qu'un pas, et le fol n'en
faisait que deux, de même que le cavalier ne pouvait aller qu'à
la troisième case, en comptant celle qu'il quittait. Le roc seul
n'était point borné dans sa course, ce quipeut convenir à la
légèreté du dromadaire et nullemeut à l'immobilité des tours ou
forteresses, dont nous avons cru que le roc portait le nom.
La sixième ou dernière pièce est le pion ou fantassin, qui n'a
souffert aucun changement, et qui représente aux Indes comme
chez nous les simples soldats dont l'armée est composée.
Les Chinois ont fait quelques changements à ce jeu ; ils y ont
introduit de nouvelles pièces sous le nom de canons : l'usage de
l'artillerie et de la poudre était reçu chez eux long-temps avant
qu'il eût été découvert par les Européens. On peut voir les dé
tails des règles de leurs échecs dans la relation de Siam de M. de
Laloubère et dans l'ouvrage du docteur Hyde, De ludisOrienta
lium.Tamerlan y fit encore de plus grands changements ; et par
les pièces nouvelles qu'il imagina, et par la marche qu'il leur
donna, il augmenta la difficulté du jeu déjà trop composé pour
être regardécomme un délassement; mais ces changements n'ont
pas été adoptés, et l'on est revenu à l'ancienne manière de jouer
les échecs avecchacun seize pièces seulement et sur un échiquier
de soixante-quatre cases.
– 146 -

MÉLANGES ET CORRESPONDANCE.

Les amateurs d'échecs français apprendront sans doute avec


plaisir que M. Saint-Amant, l'un de nos meilleurs joueurs, a
jusqu'à présent toujours eu l'avantage dans les défis qu'il a sou
tenus contre les joueurs d'Angleterre. Nous insèrerons sous peu
quelques-unes de ses parties que l'on dit fort remarquables.
M. Saint-Amant a été nommé membre honoraire du club de
Westminster; il partage cet honneur avec M. Lewis, le plus fort
joueur d'Angleterre, M. Donalson, le plus fort joueur d'Ecosse,
et M. de la Bourdonnais. M. Deschapelles est membre honoraire
du club de Tom's, autre réunion de joueurs d'échecs à Londres.
L'accueil que MM. les amateurs d'échecs de Londres ontfait
à M. Saint-Amant a été plein de courtoisie et de bienveillance.
Nos abonnés apprendront avec beaucoup de satisfaction sans
aucun doute que M. Georges Walker, l'un des meilleurs joueurs
d'échecs d'Angleterre et auteur de plusieurs ouvrages pleins d'é
rudition et de positions brillantes, a bien voulu devenir notre
collaborateur. Un obstacle imprévu nous empêche de donner
dans ce numéro un excellent article de M. Georges Walker ;
mais nous dédommagerons nos lecteurs dans le numéro suivant.
Extrait du Bell's-Life in London du 5 juin.

« Nous apprenons avec grand plaisir que M. Deschapelles


visite aujourd'hui assez régulièrement le club des échecs , et
semble avoir repris quelque goût pour ce jeu dans lequel il
excelle, et qu'il avait trop long-temps abandonné. De quel -
étonnant génie faut-il que ce célèbre joueur soit doué!...
Les faits que nous allons rapporter tiennent du prodige et pour
raient sembler incroyables s'ils n'étaient pas garantis par une au
toritéirrécusable. Après être resté plus de quinze ans sans jouer
une seule partie d'échecs, M. Deschapelles avoulu dernièrement
se mesurer avec M. de la Bourdonnais et M. Saint-Amant, pour
éprouver jusqu'à quel pointil pouvait avoir perdu de sa force
pendant une si longue inactivité.
« Il a eu l'avantage à but sur M. de la Bourdonnais ;il a fait
partie égale avec M. Saint-Amant, en lui donnant le pion et
- - 147 -
deuxtraits. Il a promis, dit-on, de consacrer quelques moments
encore au culte des échecs. Puisse-t-il former le dessein de venir
visiter la capitale de l'Angleterre ; sa présence ici charmerait
tous les joueurs d'échecs, qui s'estimeraient heureux de prendre
des leçons de lui. » -

Extrait du Bell's-Life in London, dimanche 12 juin.

«Nous sommes priés d'insérer le défi chevaleresque suivant de


M. Deschapelles de Paris, communiqué par M. Saint-Amant,
maintenant à Londres, et transmis par écrit au secrétaire des
deux clubs d'échecs de cette ville.
« M. Deschapelles offre de jouer aux échecs avec quel
que personne que ce soit en Angleterre, sans exception , aux
conditions suivantes, sauf les modifications qui pourront être
introduites par les seconds et arbitres.
« Le défi comprendra onze ou vingt-une parties.
« Dans chaque partie M. Deschapelles donnera le pion et deux

« L'enjeu sera fixé par la personne acceptant ce défi; le


minimum sera de 25o livres sterling, et le maximum de 5oo li
vres sterling, de chaque côté.
« Le défi aura lieu à Londres ; une partie sera jouée chaque
jour consécutivement, les dimanches exceptés.Toutes les parties
devront être jouées ; les parties remises ne compteront pas.
« Pour le cas où l'un ou l'autre des joueurs viendrait à être
malade, chacun sera accompagné de deux seconds nommés
antérieurement, dont l'un jouera à la place du principal , si
celui-ci en est empêché par maladie. MM. de la Bourdonnais et
Saint-Amant seront les seconds de M. Deschapelles et l'accom
pagneront à Londres. Il est bien entendu que les arbitres n'ad
mettront cette substitution que dans le cas de maladie soudaine,
et constatée à leur satisfaction.
« Afin qu'une partie soit jouée journellement, on fixera le
maximum du temps accordépour chaque coup. M. Deschapelles
le propose de trois à cinq minutes, avecpermission d'employer
à des coups difficiles le temps épargné; mais en admettant en
principe le maximum , on serait certain qu'une partie ne du
rerait.pas plus d'un jour.
– 148 -
« Les parties seront jouées conformément aux règles ordinai
res du jeu d'échecs. -
« Lorsque les conditions seront définitivement établies, M. Des
chapelles versera son enjeu entre les mains d'un banquier à Pa
ris, au crédit des arbitres, et se rendra à Londres aussitôt qu'il
sera certifié que l'enjeu des Anglais aura été déposé de la même
Il8lIllCI'C , ))

« M. Deschapelles demande la publication de son défi ;pour


le moment nous avons peu de chose à y ajouter, nous réservant
de plus longs commentaires pour une autre occasion. M. Des
chapelles offre de donner le pion et deux traits au meilleur
joueur de la Grande-Bretagne , quel qu'il soit ; il y a de l'au
dace dans cet offre, mais nous savons qu'il ne reculera pas.
M. Deschapelles a long-temps été reconnu comme le premier
joueur d'échecs en Europe, mais il a abandonné cejeu depuis
douze à quinze ans, et n'a pas, depuis cette époque, joué six
parties. En supposant qu'il soit de même force que M. de la
Bourdonnais, son offre est au moins très-généreuse. Le pays de
Nelson et de Wellington hésitera-t-il à ramasser le gant qui lui
est ainsi jeté ? Les conditions sont belles, franches et honora
bles, et nous sommes informés que M. Deschapelles désire tant
se mesurer avec nos meilleurs et nos plus braves joueurs, qu'il
consentira à tout chamgement raisonnable que l'on voudrait ap
porter aux conditions proposées. Nous pensons que la seule dif
ficulté quipourrait se présenterviendrait de la différence de nos
mœurs nationales qui permettent difficilement à un homme sensé
de jouer aux échecs une aussi forte somme. On obvierait à cet
inconvénient en composant la somme fixée pour l'enjeu par ac
tions, de sorte que le joueur ne risquerait rien. Deux joueurs
anglais sont particulièrement désignés dans cette occasion ; tous
les deux résidentà Londres, et tous les deux, dans notre opi
nion, sont en état de soutenir notre honneur national. Nous en
appelons donc à ces messieurs ; qu'ils prennent sur eux la chance
du combat et livrent bataille pour leurs compagnons d'armes.
Le pion et deux traits est un avantage égal à la moitié d'un cava
lier; ainsi il nous faut accepter le défi, ou avouer que nous n'a

vons pas en Angleterre un joueur même de seconde force. »


Depuis quelques jours, les journaux français et anglais s'en
tretiennent de ce défi. Nous ne le regarderons comme accepté
que lorsque l'Angleterre nous aura nommé son champion.
- 149 -
BIOGRAPHIE.

François-André Danican, surnommé Philidor, naquit à Dreux


le 7 septembre 1726. Il était le petit-fils de Michel Danican, mu
sicien de la chambre de Louis XIII, auquel ce prince donna le
surnom de Philidor, qui non-seulement lui resta, mais qui fut
même adopté par ses descendants.
Le jeune André fut élevé aux pages de la musique du roi ; il
montra des dispositions si précoces, qu'à l'âge de quinze ans il
obtint la faveur de faire exécuter à la chapelle un motet de sa
composition. Philidor, sorti des pages, donna des leçons de mu
sique à Paris, mais bientôt une passion plus vive que celle de
son art se manifesta chez lui , c'était celle du jeu des échecs ,
dont il avait appris la marche et les premiers éléments étant aux
pages de la chapelle.
Négligeant la musique, abandonnant ses écoliers, il se livra
tout entier à l'étude du noble jeu inventépar Palamède.
M. de Kermuy,sire de Légal, était à cette époque le plus fort
joueur d'échecs de France ; il distingua le jeune Philidor, le prit
en amitié et devint son maître.
On parlait un jour devant M. de Légal et Philidor des grands
joueurs d'Italie, on en citait qui, le dos tourné à l'échiquier,
avaient conduit plusieurs partiesà la fois. M. de Légal parut non
seulement douter de la vérité de ces faits, mais encore croire
la chose impossible. Philidor répliqua qu'il ne partageait pas l'o
pinion de M. Légal, que souventil lui était arrivé dans la nuit
de se rappeler des positions difficiles et intéressantes, et de les
avoir étudiées sans avoir d'échiquier sous les yeux; il ajouta mê
me qu'il croyait pouvoir jouer de suite une partie tout entière
sans voir. On le prit au mot, et on le fit jouer le dos tourné à
l'échiquier, contre l'abbé Chenard, joueur assez fort; Philidor
– 15o -
gagna et ne parut embarrassé sur aucun des coups de lapartie,
qui fut longue et disputée. Ce grand effort de mémoire fit sensa
tion dans Paris. Philidor le recommença plusieurs fois et tou
jours avec succès ; bientôt il put conduire deux parties à la
fois.
Voici ce que dit à cet égard l'Encyclopédie :
« Chacun connaît combien le jeu des échecs est difficile, ce
pendant nous avons eu à Paris un jeune homme de l'âge de dix
huit ans quijouait à la fois deux parties d'échecs sans voir le
damier, et gagnait deuxjoueurs au-dessus de la force médiocre.
Nous ajouterons à ce fait une circonstance dont nous avons été
témoins oculaires, c'est qu'au milieu de l'une de ces parties, on
fit une fausse marche de propos délibéré, et qu'au bout d'un
assez grand nombre de coups, il reconnut la fausse marche et fit
remettre la pièce ou elle devait être. Ce jeune homme s'appelle
Philidor; c'est un des exemples les plus extraordinaires de la
force de la mémoire et de l'imagination. »
En 1745, Philidor se rendit en Hollande, il devait y donner
des concerts avec quelques artistes italiens. Un accident fortuit
ayant fait manquer cette association, notre grand joueur se
trouva à Rotterdam sans argent ; le jeu des échecs et le jeu de
dames dans lequel il était aussi de première force, luiservirent
de ressources pendant son séjour en Hollande (1). Ce fut dans
le commencement de juin 1747 que Philidor fit sa première vi
site à l'Angleterre; il fut fort bien accueilli par sir A. Jansson,
regardé alors comme le meilleur joueur d'Angleterre , et par
tous les amateurs anglais. Après le baronnet, le plus fortjoueur
à Londres étaitStamma d'Alep, qui a composé un ouvrage fort
intéressant sur les échecs. Pendant son séjour dans la capitale de
la Grande-Bretagne, Philidor défia Stamma; le défi se composait
de dix parties, le joueur français donnait le trait, et les parties
remises étaient comptées pourgagnées au Syrien. Malgré ces
avantages, Stamma ne putgagner que deux parties dont l'une
était une remise.
L'année suivante, Philidor retourna en Hollande, il y com
posa son Analyse du jeu des Échecs. Cet ouvrage a été traduit
dans presque toutes les langues de l'Europe, son mérite est in
( ) Dansun ouvrage sur lejeu de dames, publié par M. Dufour, à Paris, 18o8,
l'on trouve six positions fort ingénieuses de la composition de Philidor.
– 151 -

contestable, quoique Ercole del Rio l'ait attaqué quelquefois avec


uraison.
Philidor se trouvant à Aix-la-Chapelle, fut invité par le lord
Sandwich à se rendre à Eyndhoven,petit village entre Bois-le
Duc et Maestrich, où l'armée anglaise était campée; il y eut
l'honneur de jouer souvent avec le duc de Cumberland; ce
prince souscrivit avec beaucoup de générositéà l'ouvrage de
Philidor et lui procura un grand nombre de souscripteurs.
Philidor retourna à Londres où il fut toujours fort bien ac
cueilli par les amateurs du jeu des échecs d'Angleterre, et sur
tout par l'ambassadeur de France à Londres, le duc de Mirepoix.
Le duc aimait beaucoup le jeu et y était d'une force remarqua
ble. L'année suivante, Philidor ayant appris que legrand Fré
déric aimait les échecs avec passion, se rendit à Berlin. Le roi
de Prusse ne voulut jamais faire sa partie, mais il prit beaucoup
de plaisir à le voir jouer contre le marquis de Varennes et une
autre personne avec lesquels il jouait habituellement. Philidor
gagnait ces deux adversaires en leur donnant un pièce.
Après un séjour de près d'un an à Postdam, Philidor se ren
dit chez le prince de Waldeck à Arolsen, puis à la cour du land
grave de Hesse-Cassel, d'où il retourna en Angleterre. Il est à
regretter que notregrand maître, qui eut toujours le goût des
voyages, n'ait pas portéses pas en Italie, il y eut trouvé deux an
tagonistes dignes de lui, Ercole del Rio et Ponziani.
Pendant son séjour à Londres, il continua à faire l'admiration
des amateurs du jeu des échecs par la force de ses combinaisons
et de sa mémoire ; il était parvenu alors à conduire trois parties
d'échecs à la fois, sans voir l'échiquier. Il obtint à cette époque
un succès d'un autre genre ; il avait osé mettre en musique la fa
meuse ode de Dryden intitulée : la Féte d'Alexandre. Cet essai
futfort bien accueilli du public. Le célèbre Haendel trouva ses
chœurs bien faits, mais il fut moins content de ses airs qui man
quaient, suivant cegrand maître, de mélodie et d'expression.
Philidor revint en 1755 en France , pour s'y fixer désor
mais. Il se mesura alors avec son ancien maître, M. de Légal,
et il fut vainqueur. Mais M. de Légal était alors affaibli par
l'âge; il était cependant doué d'une organisation extraordinaire,
car à l'âge de quatre-vingt-cinq ans, il était encore le plus fort
joueur de France après Philidor. Nous avons de nos jours un
exemple à peu près semblable ; M. de Barneville, à qui nous de
– 152 -
vons une partie des détails sur Philidor contenus dans cette no
tice, est âgé de quatre-vingt-neuf ans, et iljoue fort bien encore
aux échecs ; c'est le plus beau vieillard qu'on puisse voir, et le
seul, je crois, existant qui ait été lié et aitjoué souvent avec no
tre grand maître; il recevait de lui le cavalier pour pion et trait.
L'abbé Roman, dans le poème sur les échecs qu'il publia à
cette époque, a consacré quelques vers à Philidor et à Légal, les
VO1Cl :

Les Philidor, les Légal à ce jeu,


Sont aujourd'hui les plus grands capitaines ;
Figurez-vous les Condé, les Turenne.
L'un est brillant, rapide, plein de feu ;
L'autre combine, observe et risque peu ; '
L'un a l'attaque impétueuse et vive;
L'autre, savant circonspect et profond,
Est, dans son camp, fort sur la défensive;
Auprès de lui l'ennemi se morfond.
Mais Philidor est encor dans cet âge
Où l'on jouit de toute sa vigueur ;
Légal du temps éprouve le dommage.
Froide vieillesse, ainsi donc ta langueur
Nous ravit tout, et génie et courage.
Joueur sublime, étonnant Philidor ,
De ton esprit qui donc suivra l'essor !
Comment peux-tu,par la seule pensée,
Dans une route obscure, embarrassée,
Les yeuxfermés, guider au champ d'honneur
De tes échecs le bataillon vainqueur ?
Oui, je t'ai vu, sur deux tables dressées,
Pour les joueurs prodige humiliant !
Menant au but, aveugle clairvoyant,
D'un double jeu lespièces dispersées,
Faire à la fois sur les deux échiquiers
De tes rivaux les deux rois prisonniers.
Tu sais prévoir l'instant de la victoire ;
Tu peux nommer le pion attentif
Qui saisira le prince fugitif,
Montrer la case ou d'ébène ou d'ivoire
Où désarmé le roi sera captif
– t 53 -

Mais quoi ? jaloux d'une solide gloire,


- Dans sa jeunesse il osa se frayer
Un plus brillant et plus noble sentier
- Pour arriver au temple de mémoire.
Son front d'Orphée a ceint le beau laurier ,
Et de son art tout Paris idolâtre
A ses accords applaudit au théâtre. - -
Le jeu savant qu'il médite avec soin - , , , "
N'a pas éteint sa féconde harmonie,
Ce jeu brillant est l'ami du génie, etc., etc.

Philidor, de retour en France, fit exécuter à la chapelle de


Versailles un Lauda Jerusalem de sa composition, puis il dé
buta au théâtre de la foire Saint-Laurent par le petit opéra de
Blaise le savetier; depuis ce moment, il donna régulièrement
chaque année un opéra-comique; si l'on en excepte le Maréchal
ferrant, ils sont tous oubliés. Il donna aussi quelques grands
opéras dont le premier, Ernelinde, joué en 1767, eut seul quel
que succes.
Les partisans de Philidor, comme musicien, ont proclamé
son Carmen secalare d'Horace comme son chef-d'œuvre et une
production fort rémarquable. Quoique Philidor fût fixé à Paris,
il ne continuait pas moins, chaque année, d'aller passer quelques
mois en Angleterre. Les membres du club de Saint-James-Street,
dans le but de l'indemniser de ces frais de voyages et du temps
qu'il leur consacrait, faisaient chaque année une souscription
en sa faveur.

A chacun de ses voyages il jouait de temps en temps en public


contre deux ou trois adversaires, le dos tourné à l'échiquier. Il
retirait un bénéfice assez considérable de ces exhibitions qui
excitaient toujours la curiosité et l'admiration des amateurs
d'Angleterre.
Grâcesau jeu des échecs età la musique, Philidor parvint à
soutenir et élever convenablement sa nombreuse famille.
Lorsque la tempête révolutionnaire éclata, Philidor chercha
un refuge sur la terre hospitalière de la Grande-Bretagne, il y
resta pendant nos mauvais jours. La bonté et l'aménité de son
caractère l'avaient rendu cher aux Anglais.
Il mourut à Londres, le 29 août 1795, au moment où il es
pérait pouvoir revenir en France au sein de sa famille.
I2
– 154 -
On a publié plusieurs éditions de l'Analyse des échecs de Phi
lidor. La meilleure et la plus complète est due à M. George
Walker, l'un des plus forts joueurs d'Angleterre.
Ce jeune et savant écrivain était déjà connu par la publica
tion d'un excellent traité sur le jeu (1) des échecs, où l'on trouve
tous les bons débuts parfaitement analysés et beaucoup de va
riantes neuves et ingénieuses.
Dans l'édition de Philidor, publiée par M. G. Walker, en
deux volumes séparés, l'on trouve un grand nombre de parties
jouées par notre grand maître en voyant et sans voir l'échiquier,
ce qui nous permet d'avoir une idée de sa force.
Les amateurs d'échecs de tous les pays doivent beaucoup de
reconnaissance à M. George Walker.
(1) New treatise on chess; by G. Walker. London, 1829.
Philidor 's analysis; by G. Walker, new edition. London, 1832.
Selection ofgames at chess actually played; by Philidor and his contempo
raries now first published from the original manuscript, by G. Walker. London,
Sherwood Gilbert. Pater-moster-row, 1835. -
- r55 -

SOLUTIONS DES PROBLÈMES DU NUMÉRO PRÉCÉDENT.


-

soLUTioN DU N° IX.

1 Blanc. La reine à la 5° case de son fou, échec.


Noir. Lepion prend la reine.
2 B. La tour à la 8° case de sa reine, échec et mat.

V, soLUTioN DU N° X.

1 B. La tour à la 6° case de son cavalier de la reine , échec.


N. Le roi à la 4e case de sa tour du roi.
2 B. La tour prend le pion placé à la 3° case de la tour du roi,
échec.
N. Le roi prend la tour.
3 B. Le fou du roià sa 5° case. Les noirs seront mat le coup
suivant.

PREMIÈRE soLUTIoN DU N° XI.

Nous sommes très-fâchés d'avoir présenté ce mat avec une


erreur grave; il peut, dans tous les cas, être fait en quatre
coups.
1 B. La reine à sa 8° case, échec.
N. La tour prend la reine.
2 B. La tour prend la tour, échec.
N. La reine prend la tour.
3 B. Le cavalier prend la reine, et le coup suivant donnera
échec et mat. -

DEUxIÈME soLUTIoN DU N° XI.

1 B. La reine à sa 8° case , échec.


N. Le cavalier couvre l'échec.
– 156 -

2 B. La tour à la 7e case de sa reine.


N. La reine à la 2° case de son cavalier.

3 B. La tour prend la reine, et le coup suivant les noirs seront


Inat.

soLUTIoN DU N° XII.

1 B. Le fou du roi à la 2° case de sa tour de la reine.


N. Le pion, un pas.
2 B. Le pion du cavalier de la reine, un pas.
N. Le pion,un pas.
3 B. Le fou de la reine à sa case.
N. Le pion,un pas.
4 B. Le roi à la 3° case de sa tour de la reine.
N. Le pion, un pas.
5 B. Le roi à la 2° case de son cavalier de la reine.
N. Le pion,un pas.
6 B. La reine à la 7° case de sa tour, échec.
N. Le roi prend et les blancs sont pat.

Dans les planches qui suivent, chaque pièce est désignée par
sa lettre initiale. Les lettres à jour désignent les pièces blan
ches. Les blancs ont toujours le trait; le mat n° XIII est de
l'anonyme de Modène; le mat n° XIV a été composé par M. Cal
vi; le mat n° XV a été fait dans une partie des pions par
M. Deschapelles; enfin, le coup n° XVI est de la composition de
M. Calvi. Nous prévenons les amateurs qui chercheront la solu
tion de ce dernier coup, que s'ils prennent le pion et font une
dame, les noirs, en sacrifiant leurs deux pièces, trouveront un
pat. - - - --- --- --
" Le rédacteur et gérant responsable ,

De la BoURDoNNAIS.

PARIS. - Imprimerie de DezAUCHE,faub, Montmartre, n, 1 .


Noir,

Mat en cinq coups.


Mat en cinq coups.

(VI.

- 2/

Les blancs gagnent.


– 161 -

L'AMOUR ET LE JEU DES ÉCHECs,


coNTE ARABE (1).

La caravane de Géorgie venait d'arriver à Damas : cette arri


vée était impatiemment attendue, non-seulement par les riches
habitants de cette capitale de la Syrie, mais encore par un
grand nombre d'officiers du khalyfe et d'autres personnages
distingués de Bagdad et de Bassorah. Ceux-ci s'étaient trans
portés à Damas tout exprès pour attendre l'instant où cette ca
ravane parviendrait aux portes de la ville, et y faire leurs
emplettes avant que la foule des acheteurs eût pu enlever les
marchandises les plus précieuses.
Ces marchandises étaient en effet bien précieuses, car la re
nommée avait appris que les marchands avaient amené de la
Géorgie la fleur des plus belles esclaves que ce pays fournit aux
harems de tout l'Orient.
En pareil cas, il était indispensable aux vrais amateurs de
s'assurer du premier choix; aussi, tous s'empressaient avecim
patience et avidité; tous voulaient être les premiers à acheter.
Parmi ceux que le projet de faire quelque acquisition avait
appelés à Damas, était Abou-Yahia, kharindar ou trésorier du
khalife, que son grand âge avait fait renoncer aux affaires ad
ministratives, mais non aux plaisirs du harem, auxquels, de
puis sa retraite de la cour, il semblait livré tout entier.
A peine la caravane fut-elle arrivée au bazar où elle devait
opérer ses ventes, que déjà Abou-Yahia s'y était transporté et
examinait avidement les houris dont il brûlait d'embellir sa
demeure. -
Une seule attira tous ses regards; mais aussi aucune ne réu
nissait autant de charmes. Qotr-enneda, c'est-à-dire goutte de
rosée, tel était le nom de cette esclave ravissante, qui sem
blait en effet une des gouttes de la rosée voluptueuse qui doit
inonder un jour les véritables croyants.

( ) Extrait des contes du Cheykh el Mohdy.


- 162 -
Sa perfection éclipsait facilement les beautés qu'on admirait
dans ses compagnes. A peine Abou-Yahia eut-il contemplé les
trésors qu'offrait à ses yeux l'aimable Qotr-enneda, qu'il en de
vint violemment épris; et malgré le prix élevé qu'en demandait
celui qui la mettait en vente, le marché fut bientôt terminé.
Cette conclusion si prompte arracha un soupir douloureuxà
un jeune homme de bonne mine, assis dans un des coins du
bazar, et qui, d'après ses habillements, paraissait faire partie
des marchands les moins riches dont se composait la caravane
de Géorgie.
Le jeune Zeyd était un des voisins de la chaumière qu'habi
taient près de Teflis les parents de la belle Qotr-enneda. Dans
ce pays, la religion et les usages ne tiennent pas les deux sexes
éloignés de la vue et du commerce mutuel, comme dans les
contrées qui reconnaissent les lois de l'islamisme. Zeyd et sa
jeune voisine s'étaient rencontrés, s'étaient vus, s'étaient aimés ;
mais la pauvreté de l'amant était un obstacle insurmontable à
ses désirs enflammés ; vainement il avait demandé en mariage
celle qu'il aimait ; ses parents, avares et pauvres eux-mêmes,
avaient repoussésa demande, et, suivant la coutume du pays,
avaient préféré vendre leur fille à l'un des narchands musul
mans quiviennent tous les ans parcourir la Géorgie.
Le départ du marchand qui lui enlevait son trésor le plus
précieux avait réduit le malheureux Zeyd au désespoir, et la
belle Qotrenneda partageait tous les sentiments auxquels il était
en proie.
Prenant une résolution courageuse et inspirée par la violence
de son amour, Zeyd vendit aussitôt tout ce qu'il possédaft, puis,
après avoir acheté une petite pacotille, il se mêla à la caravane
dont l'acheteur de sa maîtresse faisait partie, déterminéà saisir
la première occasion pour la délivrer de l'esclavage.
Cette occasion ne s'était pas offerte pendant toute la route, et
la surveillance du marchand avait été si active que Zeyd n'avait
même pu apercevoir la beauté aux pas de laquelle il s'était atta
ché avec tant de constance.
Quel fut son désespoir quand il vit Qotr-Enneda vendue et
livrée au riche vieillard qui se hâta de saisir sa proie et de l'em
mener dans son logement.
Qotr-Enneda y fut resserrée étroitement jusqu'au départ de
la nouvelle caravane dans la compagnie de laquclle Abou-Yahia
- 163 -
devait partir pour la ville de Bagdad où était fixée sa résidence.
Zeyd, torturé par les regrets, passait les jours et les nuits à errer
autour de la prison qui renfermait son bonheur et ses espérances.
| Quelque temps se passa dans ces courses inutiles, enfin un
jour le rideau épais d'une fenêtre grillée se souleva doucement,
une petite maim blanche qui lui était bien connue s'avança avec
précaution et lui montra une pièce du jeu des échecs, une se
conde main, tenant de même une autre pièce du même jeu, vint
se joindre à la première ;s'agitant en divers sens, les deuxmains
et les deux pièces d'échecs changeaient alternativement leurs
positions respectives, comme si elles avaient voulu ainsi jouer
une partie au milieu des airs.
Zeyd attendait avec la plus vive impatience la suite de cette
démonstration singulière ; le même jeu recommença sans aucun
changement et sans que Zeyd, tout entier à son incertitude, pût
deviner ce que cette espèce d'amusement devait signifier.
Enfin il crut comprendre que Qotr-Enneda lui demandait par
cette pantomime s'il savait jouer aux échecs; sans être trop as
suré du sens de la demande,il y répondit par un geste affirma
tif; aussitôt la main blanche se retira et laissa tomber le rideau.
La réponse de Zeyd avait été presque involontaire et plutôt
l'effet du trouble qui l'agitait que de son intention de dire la vé
rité.

Il savait très-peu jouer aux échecs et ne pouvait imaginer


quel rapport pouvait exister entre ce jeu et les inquiétudes de
son amour. Cependant il se hâta de satisfaire le désir présumé de
son amante, il alla trouver dans la ville un renégat italien, fa .
meux pour sa force aux échecs, il lui offrit la noitié de ce qui
lui restait pour connaître les principes, les finesses et les res
sources du jeu des échecs.
Dix-sept jours se passèrent dans ces leçons assidues, et plu
sieurs nuits furent employées par Zeyd à répéter les coups que
lui montrait son maître.
Lorsque Zeyd se crut suffisamment instruit, il se hâta de se
rendre à l'endroit heureux où il avait déjà pu communiquer avec
sa bien-aimée. Ce jour était la veille de celui qui avait été fixé
pour le départ de la caravane que devait suivre Abou-Yahia et
qui allait séparer pour toujours Zeyd et Qotr-Enneda. La petite
main blanche ne tarda pas à reparaître avec les deux pièces du
jeu des échecs. Zeyd imita ses mouvements de manière à annon
– 164 -
cer la science qu'il avait acquise. La main fit un signe d'appro
bation, et par un autre mouvement, désignant le milieu du
cours du soleil, elle sembla indiquer à Zeyd un voyage vers le
midi.
Il se retira exprimant par ses gestes sa reconnaissance et son
dévoûment.
Le lendemain, les voyageurs qui composaient la caravane
s'étant réunis,ils partirent.Abou-Yahia et Qotr-Enneda en fai
saient partie.
Zeyd, toujours costumé en marchand , suivait la caravane,
ne rêvant qu'à sa belle esclave que son àme appelait de tous ses
vœux, comme l'herbe desséchée par un jour brûlant appelle la
rosée de la nuit.
Le soir, au moment où la caravane s'arrêta à l'entrée du dé
sert, afin de passer la nuit, Zeyd parcourait tristement le camp,
où chacun, avant de se disposer au repos , se délassait en pre
nant le repas du soir ; il cherchait sa chère Qotr-Enneda, enfin
il aperçoit Abou-Yahia qui donne l'ordre de décharger ses cha
meaux. Un takhterouan est ouvert ; une jeune fille en sort cou
verte d'un voile; on étend à terre un riche tapis, et tandis que
les esclaves préparent le repas, Abou-Yahia et sa belle esclave
s'asseient sur le tapis, un échiquier est développé et une partie
d'échecs commence.
A l'instant un rayon de lumière vient frapper l'esprit du mal
heureux Zeyd ; plus de doutes sur l'instruction qu'il a reçue :
combien il s'estime heureux de l'avoir comprise et de s'y être
conformé ! -
Au goût des femmes, Abou-Yahia joint la passion des échecs.
L'habileté de Zeyd peut le mettre en rapport avec le proprié
taire de sa maîtresse ; c'est à son adresse à profiter de quelque
circonstance pour en faire naître l'occasion favorable.
Il l'eût cherchée peut-être en vain, elle vint se présenter
d'elle-même. Un mouvement un peu brusque et sans doute vo
lontaire de la belle joueuse fait tomber plusieurs pièces du jeu et
les fait rouler au loin sur le sable.
Zeyd s'empresse obligeamment de les ramasser et, s'appro
chant avec respect, de les replacer sur l'échiquier. Le soin qu'il
eut de les mettre dans la position qu'elles devaient occuper fit
comprendre à Abou-Yahia qu'il n'était pas dépourvu de connais
sances dans ce jeu difficile,
- 165 -

Abou-Yahia, satisfait de rencontrer un joueur d'échecs au


milieu du désert, l'accueille avec politesse, l'invite à assister à
la partie età partager son souper. Zeyd bénit la Providence et
espère que ses faveurs ne s'arrêteront pas là.Son espoir ne fut
pas trompé. Après le souper une nouvelle partie est proposée à
Zeyd. Abou-Yahia, qui se croit très-fort, veut intéresser le jeu ;
1oo dinars est l'enjeu proposé au vainqueur. C'est tout ce que
possède Zeyd, il accepte et gagne.
Son habileté, peu fortifiée par l'expérience, n'était pas en
core très-grande, mais au moment le plus intéressant de la par
tie, une petite main blanche fait un signe à Zeyd au moment où
il allait faire une faute et lui sauve la partie.
Lejeu continue, une partie entraîne une autre partie. Zeyd
ne cesse de gagner, et souvent les signes de la petite main blan
che lui sont très-utiles.
Lorsque l'aurore vint donner à la caravane le signal du dé
part, Abou-Yahia, dont chaque perte redoublait l'obstination,
avait déjà perdu son or, ses chevaux, ses chameaux, les mar
chandises précieuses dont ils étaient chargés, ses esclaves; il ne
lui restait plus d'autres propriétés que Qotr-Enneda, ses riches
vêtements, ses châles et ses bijoux, et le tapis sur lequel les
joueurs étaient établis.
L'ordre du départ est donné. Abou-Yahia, tout entier à la fu
reur du jeu, refuse de se joindre à ses compagnons de voyage,
qu'il ne peut songer à rejoindre que lorsque la fortune, abju
rant ses rigueurs, aura réparé ses pertes et effacé ses défaites
multipliées. La caravane part; les esclaves et les chameliers
prennent les ordres de Zeyd, leur nouveau maître; il leur indi
que le caravanserail où ils devront l'attendre, et ne garde au
près de lui que ses armes et un superbe cheval qui fait partie de
son gain et qui a cessé d'appartenir à Abou-Yahia. Celui-ci
s'empresse de mettre pour enjeu de la nouvelle partie qui s'en
gage ses bijoux, ses vêtements magnifiques. Zeyd gagne encore.
Son adversaire, éperdu de rage et n'ayant plus rien à mettre au
jeu, s'écrie : « Je te joue ma belle esclave; encore une partie,
et que Qotr-Enneda appartienne au vainqueur ! »
Le cœur de Zeyd battit avec force, il accepta. Heureusement
pour lui son émotion, toute vive qu'elle était, ne le troubla en
rien dans la marche savante de ses pièces, etQotr-Enneda, tou
jours assise auprès de son maître, fut encore plus attentive à
– 166 -
cette dernière partie. Abou-Yahia fut échec et mat. Zeyd s'é
lance sur son beau cheval, placesa bien-aimée devant lui et part
au galop avec elle,pendant que le malheureux Abou-Yahia se
roulait sur le sable dans les convulsions du désespoir.
Zeyd et Qotr-Enneda rejoignirent la caravane. Le produit
qu'ils tirèrent de la charge des chameaux et des bijoux d'Abou
Yahia fut considérable. Ils revinrent en Géorgie etyvécurent
au sein des plaisirs du cœur et des jouissances de la richesse
qu'ils devaient à l'amour et au jeu des échecs.
-- 167 -

LETTRE DE L'ANONYME DE MODÈNE,

RENFERMANT QuELQUES PRÉCEPTES SUR LA PRATIQUE DU JEU


DEs ÉCHECS.

c« MoN TRÈs-cHER AMI,

« C'est vraiment un travail au dessus de mes forces que de


vous exposer , comme vous le désirez, les préceptes du jeu des
échecs; l'exercice pratique en cela m'ayant toujours paru pré
férable, je vous avoue que j'ai négligé presque entièrement la
théorie de ce jeu ; de plus, je ne puis retirer aucun secours des
nombreux auteurs qui ont écrit sur les échecs, aucun d'eux ne
s'étant occupé spécialement de cette partie. Cependant je tâche
rai de mon mieux de satisfaire vos désirs, et si je ne parviens
pas à mériter votre approbation, vous aurez du moins un témoi
gnage du plaisir queje mets à vous servir.
« Ce n'est pas sans doute votre intention que mes préceptes
se réduisent à un exposé de ruses semblables à celles que Jé
rôme Vida attribue si spirituellement à son Mercure. Ce dieu
malin laisse tout exprès un pion en prise, et pousse aussitôt
après des cris de douleur afin de faire tomber dans un piége
son jeune adversaire Apollon. Une autre fois, se voyant me
nacé d'un mat, et craignant que son ennemi ne découvre le
coup, il commence à le presser, à le tourmenter et à piquer de
plusieurs manières son amour-propre. Ces moyens, bien que
peut-être permis, mais certainement bien peu dignes d'éloge,
ne peuvent constituer la force d'un joueur. Je ne parlerai donc
ici, sous la forme d'une lettre et non d'un traité, que despre
miers préceptes de cejeu tels qu'ils ressortent essentiellement
du jeu lui-même.
« I. C'est bâtir un édifice sans fondement, et qui s'écroulera
au premier moment, que de commencer une partie d'échecs
sans ménager une ouverture convenable à toutes ses pièces.
Leur dégagement doit s'opérer de manière 1° à ce qu'une pièce,
– 168 -

à moins d'un plan combiné, n'obstrue pas le chemin d'une autre,


afin que le joueur puisse les faire manœuvrer selon le besoin;
2° à ce que chaque pièce s'établisse dans une position assez
forte pour ne pas être impunément attaquée par l'ennemi;
3° à ce que le dégagement lui-même puisse avoir lieu par le
moyen le plus court, c'est-à-dire en mettant en mouvement le
plus de pièces possible dans le pluspetit nombre de coups.Tou
tefois, la tour ayant plus de valeur intrinsèque que de courage,
ne doit pas agir au commencement , car sa sûreté serait facile
ment compromise , si elle se trouvait engagée au milieu de la
mêlée des fous, des cavaliers et des pions.
« Pour bien reconnaître les circonstances favorables au dé
gagement des pièces,il est nécessaire d'étudier les parties dans
les auteurs. C'est là que l'on verra comment l'un des joueurs
s'efforce de conserver l'avantage du premier trait, en attaquant
ou en menaçant l'ennemi,et em profitant deses moindres fautes,
et comment son adversaire s'empresse de résister à l'attaque,
soit en forçant les échanges des pièces qui sont les plus mena
çantes, soit en jouantun coup de défense offensive, qui finit par
faire perdre au premier joueur l'avantage du trait.
« La pièce qui dans les premiers coups est la plus difficile à
conserver est ordinairement le pion du fou du roi, c'est par là
que les commençants perdent une infinité de parties, parce
qu'ils avaient mal joué ou mal défendu ce pion.
« II. Il est important d'établir le roi dans un endroit sûr, à
l'abri des coups ennemis ; c'est ce que nous appelons roquer. Il
faut pour cela remarquer 1° qu'il vaut mieux roquer spontané
mcnt, que par la nécessité de se défendre ; aussi, ce n'est ja
mais une faute de roquer de bonne heure, surtout pour ne pas
exposer le roi à l'effet des premiers coups qui tendentà le dépla
cer; 2° que régulièrement il vaut mieux roquer du côté du roi,
parce que l'expérience prouve que les pièces de la dame adverse
avancent plus hardiment, et qu'on n'estpas toujours en mesure
de leur opposer une prompte défense. Il est rare en effet que
les auteurs rapportent des parties où l'on ait roqué du côté de la
dame.
« Il n'est pas possible de déterminer les cases où, en ro
quant, il convient le plus de placer le roi et la tour,toutespou
vant offrir des avantages selon les circonstances et la disposi
tion du jeu de l'ennemi; cependant, lorsque j'ai le trait,j'aime
- n69 -
mieux, dans les parties régulières, roquer en plaçant le roi
à la case de sa tour, et la tour à la case du fou du roi ,
car dans cette position on peut mieux utiliser la tour, en pous
sant convenablement le pion du fou. Je tiens à ce système,
malgré l'usage différent introduit par le Calabrois, Philidor et
autres , qui placent toujours le roi à la case de son cavalier, et
la tour sur celle du fou. C'est une loi particulière aux pays du
nord , et qui n'a pas été reçue en Italie. J'aime encore moins
l'usage de ceux qui jouent le fianchetto, c'est-à-dire qu'ils pous
sent d'un pas le pion du cavalier du roi, ensuite ils placent le
fou à la case du pion poussé, et puis ils roquentà la manière
du second anonyme, ouvrage ajouté indignement à Salvio.
Dans cette position non-seulement on paralyse les mouvements
dufou, mais on se crée un jeu embarrassé et nullement propre
à l'attaque.
« Il n'est pas non plus toujours nécessaire de roquer. Au
contraire, s'il arrive dès le commencement de la partie que l'on
fasse des échanges de plusieurs pièces, et surtout de la dame,
il est bien souvent important de mettre son roi en campagne,
soit pour arriver le premier à occuper une bonne case , soit
pour le poster en face du roi ennemi, et protégerainsi ses pions,
soit encore pour le faire pénétrer dans le camp ennemi ; vous
apprendrez à connaître tous ces mouvements plutôt par la pra
tique que par la théorie.
« III. Que l'on ait roqué ou non, il ne faut pas se presser
d'avancer les pions de la tour et du cavalier, leur emploi étant
de couvrir et de défendre le roi. Il vaut mieux les laisser autant
que possibleà leur place pour pouvoir ensuite pousser l'un ou
l'autre, dans le cas d'une attaque vigoureuse contre le roi.
Ce précepte est aussi ancien que Damiano et Lopez qui furent
les premiers à nous le transmettre ; malgré cela plusieurs de nos
amateurs et concitoyens ne l'ont pas encore appris. A peine la
partie est- elle commencée qu'ils avancent presque toujours
d'un pas le pion de la tour du roi, dans le double but, di
sent-ils, d'empêcher l'approche des pièces ennemies, et de
préparer une retraite à leur roi. Mais ils ne réfléchissent pas
que le temps qu'ils perdent serait bien mieux employé à pous
ser les pions qui doivent dégager leurs pièces ; et de plus, la
retraite qu'ils prétendent préparer à leur roi l'expose au con
traire davantage, justement à cause du pion poussé.Je ne pré
- 17o -
tends pas dire qu'il n'y ait des circonstances où il ne faille dé
roger à cette règle ; mais les exceptions aux règles générales
servent précisément à les confirmer.
« IV. Il y a trois observations importantes à faire sur les
pions, quant à leur marche, à leur union et à leur valeur res
pective. Quant à la marche , il faut que celui qui a le trait
empêche avec persévérance son adversaire d'établir aucun de
ses pions à la cinquième case, à moins d'en retirer un avantage
égal ou supérieur; car les pions qui outre-passent leur moitié
d'échiquier gênent presque toujours les mouvements de l'ad
versaire, surtout si ce sont les deux pions du milieu, c'est-à-dire
ceuxdu roi et de la dame ,pions dont aucun autre ne peut éga
ler la valeur. Mais comme celui des joueurs qui n'a pas eu le
trait peut quelquefois être forcé de laisser avancer un pion en
nemi, il fera bien de se ménager des échanges pour pouvoir le
détruire. Ceci m'amène naturellement à blâmer tous ceux qui,
au début d'une partie, ne poussent qu'un pas le pion du roi,
ou de la reine , ou de toute autre pièce; c'est ainsi qu'ils perdent
l'avantage du trait, gênent le mouvement de leurs pièces, et
donnent le temps à l'adversaire de dégager promptement les
siennes. Il faut cependant remarquer qu'il n'est pas toujours
prudent d'avancer beaucoup ses pions, car il peut arriver que
ne pouvant plus les soutenir, on soit obligé de les abandonner.
En effet, deux pions réunis aux quatrièmes cases sont bien sou
vent plus forts qu'auxsixièmes,parce qu'alors, se trouvanttrop
loin de leur corps d'armée, ils sont comme une avant-garde ou
des sentinelles perdues. Au reste, la marche des pions est subor
donnée aux circonstances, et dépend de la direction et de la
constitution de la partie.
« Pour ce qui regarde leur union , on peut connaître facile
ment la force que possèdent deux pions réunis, par le secours
mutuel qu'ils se prêtent dans leur marche, sans le secours des
autres pièces, lesquelles peuvent pendant ce temps être em
ployées ailleurs. Aussi doit-on éviter de se laisser doubler des
pions, afin de ne point rompre leur union. Le pion doublé qui
peut nuire le plus est celui du cavalier, parce qu'il laisse isolé
le pion de la tour, etsouvent aussi celui du fou, ce qui expose
encore le roi à un danger imminent, si l'on a roqué de ce
côté. Il est donc très-important de bien conduire ses pions ,
car la perte d'un seul, même au début, suffit pour amener
– 17 1 -
la perte de la partie, ainsi que je l'aiprouvé sur l'échiquier
devant une infinité de joueurs incrédules.
« La valeur de chaque pion est toujours relative à la case où
il se trouve, aux pièces dont il est accompagné, à celles contre
lesquelles il doit combattre. Les joueurs doivent connaître toutes
ces valeurs respectives, afin de pouvoir ou conserver leurs
pions, ou les échanger, ou les avancer selon l'occasion.Ce sujet
exigerait à lui seul un longtraité, ce qui excèderait les dimen
sions de cette lettre. Les amateurs s'instruiront davantage en
pratiquant le jeu et en étudiant les parties dans les bons livres.
« V. Plusieurs auteurs, et moi-même au dernier chapitre de
mon livre, nous avons donné des règles pour exécuter des
échanges égaux entre des pièces de différente nature; mais
comme il ne suffit pas de savoir évaluerau juste toutes les pièces
de l'échiquier,je vais citer les trois circonstances où cette sorte
d'échanges peut avoir lieu.
« On peut faire un échange 1° lorsqu'il s'agit de détruire
une pièce qui a acquis une grande force ou par la disposition
de la partie, ou par l'adresse particulière de l'adversaire, car
on a pu souvent observer chez lesjoueurs d'échecs une aptitude
différente à bien manœuvrer une pièce plutôt qu'une autre ;
2° lorsqu'on a quelque avantage : ceux qui se plaignent de cette
espèce d'échanges sous le prétexte de leur infériorité, donnent
plutôt une preuve de leur mauvaise humeur, que de la justesse
de leur raison ; 3° lorsqu'on se trouve dans une mauvaise posi
tion, comme par exemple quand le roi est à découvert, queses
pièces sont gênées et que son propre camp est sous l'attaque
immédiate de l'ennemi. -
« Dans les parties ordinaires, la meilleure pièce d'attaque est le
fou du roi porté à la quatrième case de l'autre fou; c'est pourquoi
il est nécessaire d'échanger ce fou contre un cavalier ou le fou
de la dame; bien entendu quand cet échange ne pourra causer
aucun préjudice.
« Il arrive quelquefois que l'adversaire propose des échanges
insignifiants,parce que se sachant inférieur en force, il désire
abréger le combat, comme un homme qui se tenant mal à che
val désire arriver au plus tôt à la fin de sa course. Il faut, dans
ce cas, réfléchir qu'il ne convient pas toujours d'être trop atta
ché à ses pièces, comme le font quelques-uns surtout pour
leur reine; en voulant éviter l'échange, ils perdent un temps
– 172 -
et par suite l'attaque. Il vaut donc mieux ne pas s'attacher
trop à ses pièces, à moins cependant qu'en refusant l'échange,
on soit sûr d'en retirer un avantage. Il faut seulement voir s'il
est plus convenable de prendre ou de laisser prendre. Quelque
fois il y a plus de profit à prendre le premier, pour gagner le
trait après la reprise de l'ennemi; d'autres fois au contraire, il
vaut mieux laisser prendre pour avoir l'occasion de sortir une
pièce inactive,faire une ouverture, dédoubler un pion, etc.
« Enfin, il faut savoir que lorsque plusieurs pièces peuvent
concourir à opérer un échange contre une pièce de l'adversaire,
il ne faut pas toujours la prendre avec la plus faible, car à la fin
de la partie,cette dernière devient bien souvent plus utile qu'une
plus forte; de même qu'il n'est pas toujours convenable de pren
dre avec la pièce qui donne échec, mais bien avee celle qui
menace ensuite d'un échec à la découverte; c'est une règle
générale dans toute sorte d'échanges de viser bien moins aux
avantages du moment qu'aux conséquences qui en résultent.
« VI. C'est un avantage bien grand que d'attaquer le premier
et de commander les mouvements de son adversaire. Il vous
l'offre lui-même quelquefois, en permettant de l'attaquer par un
coup inévitable. Souvent on obtient cet avantage, en lui offrant
l'appât d'une pièce, ou en le laissant avancer, ou bien encore en
lui facilitant un échec pour le faire tomber dans un piége. Ce
pendant, ces stratagèmes ne sont pas toujours convenables ni
dans toutes les parties, ni avec toute sorte de joueurs ; il y a
bien des occasions où une attaque franche et prompte est pré
férable. ll est nécessaire pour cela de former son attaque sur un
plan calculé de manière à profiter, non-seulement des diffé
rentes situations de la partie, mais de la sagacité plus ou moins
grande de son adversaire; et cette attaque doit être dirigée, au
tant qu'il est possible, contre le roi, comme étant la pièce prin
cipale. Ce but est le seul auquel doit viser le joueur dans ses
moindres mouvements. Il faut calculer en outre tous les coups
qui pourront amener le résultat que l'on se propose;il faut pré
voir les obstacles que peut opposer l'adversaire pour sa propre
défense, afin de pouvoir les écarter et même les faire tourner
contre lui.
« Tous ces coups préparatoires exigent la plus grande circons
pection, afin de ne pas faire connaître son plan d'attaque; aussi,
est-il urgent d'attirer ailleurs l'attention de l'ennemi, au moyen
– 173 -
d'une feinte menace; mais ce sont là des mouvements que l'on
ne peut résumer en préceptes, parce qu'ils dépendent absolu
ment d'une longue pratique, de l'intelligence et de l'imagination
de chaque joueur.
« Une attaque peutêtre simple ou double, divisée ou décou
4'CJ"le, -

« L'attaque est simple, quand on peut parvenir à enfermer


une pièce ennemie, pour s'en emparer ensuite. Par cette rai
son, on ne doit commencer aucune attaque contre les pièces,
ni faire aucun échec sans avoir fait d'avance les dispositions né
CCS8a1I'e8,

« L'attaque double consiste à diriger plusieurs pièces vers le


même but, sans que l'adversaire puisse s'y opposer convenable
ment. Cette attaque doit avoir lieu surtout contre les pièces qui
sont engagées pour la défense du roi.
« On fait une attaque divisée quand on peut établir une pièce
au centre dujeu, et qui, menaçant plusieurs points à la fois,
rendimpossible toute défense, l'adversaire ne pouvant secourir
d'un seul coup tant d'endroits menacés.
« Enfin,il y a attaque découverte lorsque une pièce dégagée
de tout embarras peut marcher hardiment vers le camp en
nemi; cette attaque bien conduite est sans doute la plus efficace,
parce que les mouvements de la pièce assaillante produisent
des effets immédiats qu'on ne saurait attendre de toute autre
pièce.
« Ce qu'il y a de plus important, c'est de bien peser l'action
- de ses propres forces et de celles de l'ennemi, pour se mettre à
même de choisir l'attaque la plus convenable à la nature de la
partie qui se trouve engagée. Ce qui est important encore, c'est
de savoir préparer cette attaque, l'exécuter par les manœuvres
les plus cachées et en même temps les plus expéditives. Il y
a des joueurs qui affectionnent une attaque bizarre malgré
mille causes évidentes qui doivent la faire avorter, c'est qu'ils
aiment mieux conformer leur jeu à leur imagination que de
soumettre leur imagination à la nature du jeu. Il y a d'autres
joueurs qui sont parvenus à former le plan d'une très-bonne
attaque, mais qui ne sachant pas saisir le moment favorable de
la faire éclater, la commencent toujours ou trop tôt ou trop
tard et finissent par ressembler au pêcheur qui voit échapper
sa proie au moment de relever sa ligne. D'autres joueurs en
core conduisent bien une attaque, mais dès qu'ils voient que
l'adversaire a déjoué leur trame par quelque coup habile, loin
d'imiter aussitôt son adresse, ils restent inactifs sans profiter de
leur position pour tenter une attaque nouvelle. Mais on ne peut
pas mentionner toutes les réflexions que doit faire l'assaillant
dans toutes les attaques possibles.Ainsi, je ne vous parlerai pas
de ces feintes retraites qui font tomber l'ennemi dans une em
buscade, ni de ces sacrifices calculés sur un solide avantage, ni
de ces coups qui menacent un côté pour en frapper un autre,
ni d'une infinité d'autres stratagèmes. Le meilleur conseil que
je puis vous donner, c'est de vous engager à étudier attentive
ment la pratique de ce jeu dans de bons auteurs;vous retirerez
de cette étude, au moins l'avantage d'exercer votre imagina
tion , car c'est là la première chose nécessaire pour acquérir
quelque supériorité à ce jeu.
« VII. La nécessité de la défense se manifeste dans deux cas :
1° contre une attaque commencée ; 2° contre une attaque que
l'on prévoit.
« Dans le premier cas, on peut parer de six manières diffé
rentes l'attaque d'une pièce qui se trouve exposée : 1° par la
prise de la pièce qui attaque ; 2° en liant sa défense à celle de
son roi ; 3° par la prise ou l'attaque d'une pièce ennemie au
moins égale en valeur à celle de la pièce attaquée, en supposant
toutefois que l'adversaire en prenant ne pourra pas donner
échec; 4° en portant au secours de la pièce attaquée celle qui
sera la moins nécessaire à l'action générale; 5° en couvrant,
s'il est possible, la pièce attaquée parune autre pièce qui à son .
tour attaque l'assaillant; 6° par le mouvement rétrograde de la
pièce attaquée, ayant toujours la précaution de le calculer de
manière à ce que ce soitune retraite et non pas une fuite.
« Il est impossible de déterminer quel est le meilleur de tous
ces coups de défense, leur choix, lors même qu'il serait libre,
dépendant entièrement de la position de la partie et de la suite
des coups. Il arrive même quelquefois qu'on doit renoncer à
toute sorte de défense, par la raison qu'il vaut mieuxsouvent
endurer un mal que d'essayer un remède, et qu'en allant au
devant d'un second danger, on se délivre bien souvent du pre
mier. Cependant, comme la pièce la plus importante dujeu est
le roi et que l'on ne peut parer l'attaque contre lui, c'est-à
dire l'échec, que par le premieret les deux derniers moyens que
- 175 -
je viens d'indiquer, on doit porter une extrême attention dans le
choix des parades, et mettre surtout le roi à l'abri des échecs
doubles, ou de tout autre échec contre lequel il ne pourrait
pas se couvrir, ceux-là étant les plus dangereux. Il faut se
rappeler toujours le vers de Vida :
Hic semel in bello captus secum omnia vertit.
Le roi vaincu entraîne tout dans sa chute.

Quant au second cas, lorsqu'on craint une attaque, et qu'on


remarque dans le jeu de l'adversaire des dispositions insidieuses,
il faut bien avoir présentes à son esprit les quatre sortes d'at
taque dont j'ai parlé à l'article précédent, et faire tous ses efforts
pour les découvrir dès leurs commencements et les arrêter
dans leurs résultats. Il est souvent nécessaire d'accourir avec
beaucoup de forces sur les points que l'ennemi paraît vouloir
menacer le plus. Quelquefois il vaut mieux provoquer tous les
échanges possibles avant que le combat soit engagé, et d'autres
fois il est plus convenable de laisser à l'ennemi un libre cours
dans son attaque, pour lui préparer à la fin une contre
mine, qui doit faire retomber l'attaque sur l'assaillant lui
1n1Gnne,

« On doit également faire beaucoup d'attention à ne pas


éprouver de ces désavantages qui, bien que légers,sont dans
ce jeu de nature às'accroître toujours, comme une étincelle qui
finit par causer un incendie ; par exemple, avoir ses pièces
renfermées, engager une pièce pour en défendre une autre ;
perdre l'occasion de roquer ; doubler un pion, ou permettre à
l'ennemi d'en établir un à la sixième case ; avoir la ligne de la
tour ouverte du côté où l'on a roqué : ce sont là autant de désa
vantages quifinissent toujours par faire perdre les parties. Car,
bien que l'adversaire, avec de si petits avantages, ne puisse pas
prévoir tous les mouvements qui l'amèneront à la victoire, il en
profite cependant comme d'une échelle dont il a déjà monté un
degré. De là il analyse les pertes de son ennemi, pénètre dans
son jeu au moyen de ses pièces les plus actives, redouble ses at
taques contre les endroits les plus faibles, s'établit dans une po
sition toujours plus forte, et enfin, avec l'avantage positif des
échanges, il finit par gagner la partie.
- 176 -
VIII. Mais que devra-t-on faire si la disposition du jeu n'offre
aucune idée d'attaque, et conséquemment aucune nécessité de
défense ?
Le Portugais Damiano, le premier de tous ceux qui ont légué
à la postérité leurs études sur cette guerre amusante, nous re
commande de ne jamais jouer un coup inutile. En suivant ce
sage conseil, on ne devra donc jamais commencer une attaque
que l'ennemi puisse facilement déjouer, ni défendre une posi
tion insoutenable , comme celle du pion gagné dans le gambit
de la reine. Chaque mouvement doit avoir son but utile : tantôt
dégager une pièce renfermée, ou en faire rentrer une qui s'est
trop avancée ; tantôt disposer mieux ses pions, roquer et provo
quer des échanges avantageux ;jouer enfin des coups de défense
ou des coups préliminaires de quelque attaque ; justement
comme un général d'armée qui, bien que dans le repos d'une
trève, veille sans cesse, prépare ses forces, les augmente , et se
tient toujours prêtà battre ou à recevoir l'ennemi.
« On peut appliquer aussi aux fins de partie plusieurs des ob
servations que je viens de faire, car nulle théorie ne pourrait
jamais remplir les lacunes que j'ai laissées. En effet, comment
peut-on résumer en principes positifs tous ces coups de fin de
partie que l'on trouve dans tant d'auteurs praticiens, et qui ne
sont que le fruit d'une idée spirituelle et d'une imaginationvive
et brillante. C'est là que l'on peut admirer tous les plus beaux
stratagèmes de cette guerre.Une partie qui semblera désespérée
changera tout-à-coup de face, et offrira le mat ou la remise. Un
roi solidement assis est mis à découvert par plusieurs pièces en
nemies sacrifiées, et puis enveloppé et conquis. C'est dans ces
ouvrages pratiques que l'on apprendra à connaître ces coups
adroits qui menacent à la fois plusieurs points, et les attaques
qui sont les plus directes et les plus promptes. C'est là que l'on
apprendra à connaître la valeur respective des pions et l'oppor
tunité des échanges,à être courageux ou prudent selon les cir
constances ; c'est là que l'on parviendra à se convaincre d'une
vérité difficile, que, dans certaines positions, la tour, plutôt que
la dame, peut gagner la partie (1); qu'un fou peut faire pat dans
une circonstance où, remplacé par une tour, on perdrait la

(1) Nous donnerons ce coup dans un autre numéro du Palamède.


177 -
partie ; enfin, c'est là que l'on apprendra une infinité d'autres
coups spirituels qu'il serait trop long pour moi de rapporter et
trop ennuyeuxpour vons de lire.
«On trouve une quantité de ces fins de partie dans Damiano,
Lopez, Carrera, le Calabrois,Salvio, et encore plus dans Phili
dor et Philippe Stamma d'Alep, auteurs modernes. Mais, si vous
en désirez un choix des plus brillantes et des plus nécessaires à
- connaître, vous pourrez lire l'ouvrage que l'un de nos illustres
concitoyens, J.-B. Lolli, va publier incessamment sur le jeu
des échecs, ouvrage qui, sans nul doute, doit être le plus ins
tructifet le plus intéressant de tous ceux qui ont parujusqu'à
nos jours, soit parce qu'il a choisi tout ce qu'il y avait de plus
important dans les autres auteurs, soit parce qu'il se distingue
par un nombre considérable de démonstrations rares et utiles
dont on ne trouve pas la moindre notion dans aucun autre ou
vrage.
« IX. Vous vous apercevrez que j'ai passé sous silence certains
conseils que plusieurs écrivains n'ont pas oublié de nousdonner,
comme de nejamais mépriser son ennemi, quelque faible qu'il
soit en force ou en savoir ; de connaître son jour, car, selon Plu
tarque, notre esprit lui-même participe de l'instabilité de la for
tune et n'a pas tous les jours la même vigueur :Ingenium quoque,
veluti sub fortunae rotai, non singulis diebus est aptum ; de ne
jamais jouer un bon coup avant d'en avoir cherché un meilleur;
de sonder son ennemi sur ses défauts habituels, de ne pas mon
trer son endroit faible, de ne pas avoir l'esprit distrait, d'être au
contraire constamment sur ses gardes, afin que l'on ne soit pas
obligé de dire avec Catulle :

«Nos aliò mentes, aliò divisimus aures :


« Jure igitur vincemur.Amat victoria curam. »

« Mais depuis quand aijepris l'engagement de vous révéler


tous les préceptes de la prudence ? Peut-être je n'ai pas même
rempli l'objet queje m'étais proposé en vous indiquant ceux de
notre jeu. Quoi qu'il en soit, comme les préceptes seuls ne suf
fisentpas pour former un joueur habile, et qu'il y a une très
grande différence entre connaître les règles du jeu et savoir les
appliquer, jevous répèterai qu'il n'y a pas de meilleur moyen
que celui d'étudier attentivement la pratique dans les bons au
1 -|
- 178 -
teurs, et dejouer fréquemment avec des joueurs d'une intelli
gence exercée.Si vous suivez mon conseil, j'aurai certainement
le plaisir de constater bientôt vos progrès.

« De chez moi, le 15 novembre 1762.


« Votre N. N. »

Cet anonyme modenais est le conseiller Ercole del Rio.

DÉFI PAR CORRESPONDANCE

ENTRE LONDRES ET PARIS

partie française.
nLANcs (français). NoIRs (anglais).

37. Le roi à la case de son cavalier.


38. Le fou du roi à la 6° case du cavalier du roi.
38. Le fou à la 3° case du cavalier de la reine.
39. La tourà la 8°case dufou de la reine.
39. Le cavalierà la 3°case du roi.
- - 179 -

DÉBUT DE L'ANONYME DE MoDÈNE.

1 Blanc. Le pion du roi, deux cases.


Noir. Le pion du roi, deux cases.
2 B. Le cavalier du roi à la 3e case de son fou.
N. Le pion de la reine, une case.
3 B. Le pion de la reine, deux cases (a).
N. Le pion du fou du roi, deux cases (b).
4 B. Le pion de la reine prend le pion.
N. Le pion du fou prend le pion.
5 B. Le cavalier du roi à sa 5e case.
N. Le pion de la reine, une case.
6 B. Le pion du roi, une case.
N. Le cavalier du roi à la 3° case de sa tour (c).
7 B. La reine à la 5° case de la tour du roi, échec (d).
N. Lepion du cavalier du roi, une case.
8 B. La reine à la 3° case de la tour du roi (e).
N. La reine à la 3° case du fou du roi.

9 B. Le pion du fou de la reine, deux cases.


N. Le pion du fou de la reine, une case.

(a) Ce pion poussé deux pas est le coup juste, et vaut mieux que le fou du roi à
la quatrième case du fou de la rcine.
(b) Les noirs, en poussant ce pion, compromettent leur partie. Philidor, dans le
premier renvoi de sa quatrième partie, indique cependant ce coup comme bon ;
mais ce début, dû en partie à l'anonyme de Modène, prouve, je crois, que Phili
dor s'est trompé.
(c) Pour ne pas perdre l'échange d'une tour contre le cavalier.
(d) Au lieu de cet échec de la reine, l'anonyme fait prendre au cavalier le pion
de la tour; les noirs ne peuvent prendre ce cavalier sans perdre la partie; mais ils
peuvent prendre le pion avec le fou de la reine, et leur jeu sera au moins aussi beau
que celui des blancs.
(e) La reine, en se retirant à cette case, menace d'un coup assez dangereux le
pion du roi poussé à la septième case. Il pourrait coûter une pièce aux noirs.
- 18o -

1o B. Le pion prend le pion.


N. Le pion prend le pion.
1 1 B. Le cavalier de la reine à la 3e case de son fou.
N. La reine à la 4° case du roi.
12 B. Le fou du roi à la 5° case du cavalier de la reine, échec.
N. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.

13 B. Le roi roque. -
N. Le fou du roi à la 2e case de son cavalier.

14 B. La tour du roi à la case de la reine.


Les blancs gagnent un pion sur ce coup, et ils ont toutes leurs
pièces bien disposées.
Le but de l'anonyme de Modène, en composant ce début, a
été de prouver que Philidor a eu tort de blâmer la sortie du ca
valier du roi à la troisième case de son fou, de la part de celui
qui a eu le trait; à cet effet, il prouve qu'en jouant ainsi que
l'indique Philidor, on aurait très-mauvais jeu.
- 181 -

DÉBUT DU CALABRoIs.

1 B. Le pion du roi, deux cases.


N. Le pion du roi, deux cases.
2 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.

3 B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.


N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.

4 B. Le cavalier du roi à sa 5° case.


N. Le pion de la reine, deux cases.
5 B. Le pion prend le pion.
N. Le cavalier prend le pion.
6 B. Le cavalier prend le pion du fou du roi (a).
N. Le roi prend le cavalier.
7 B. La reine à la 3° case de son fou du roi, échec.
N. Le roi à sa 3° case.

8 B. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.


N. Le cavalier de la reine à la 2e case de son roi.

9 B. Lepion de la reine, deux cases (b).


N. Le pion de la tour du roi, une case (c).
1o B. Le roi roque.
N. Le pion du fou de la reine, une case.
1 1 B. La tour à la case du roi.
N. Le cavalier à la 3e case du cavalier du roi.

12 B. Le pion prend le pion.


N. Le cavalier à la 5° case de la tour du roi.

(a) C'est un sacrifice assez avantageux,il donne une attaque très-forte.


(b) Excellent coup d'attaque; l'on ne peut prendre ce pion sans perdre la pièce.
(c) Pour empêcher les blancs de jouer le fou de la reine à la cinquième case du
eavalier du roi.
- 18a -

13 B. La reine à la 4* case du cavalier du roi, échec.


N. Le roi à la 2° case de son fou.

n4 B. Le pion du roi,une case, échec.


N. Le roi à la case de son cavalier.
Dans cette position les blancs, quoique avec une pièce de
moins, ont une bonne partie.

PREMIiERE vARIANTE AU 8° coUP.

8 B. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.


N. Le cavalier de la reine à sa 5° case.

9 B. La reine à la 4° case du roi (a).


N. Le pion du fou de la reine, une case.
1o B. Le pion de la reine, deux cases.
N. La reine à sa 3° case (b).
11 B. Le pion du fou du roi, deux cases.
N. Le pion du cavalier de la reine, deux cases,
12 B. Le pion du fou du roi prend le pion.
N. La reine à sa 2° case. -

13 B. Le roi roque.
N. Le pion prend le fou.
14 B. Le fou de la reineà la 5e case du cavalier du roi.
N. Le cavalier à la 3° case du fou du roi.
15 B. Le pion prend le cavalier, échec.
N. Le roi à la 2° case de son fou.
16 B. Le pionprend le pion, échec.
N. Le roi prend le pion.
17 B. Le fou à la 6° case de la tour, échec, et quelque chose
que jouent les noirs,ilssont mat.

(a) Les blancs auraient pu jouer aussi le pion de la tour de la reine un pas, et
laisser prendre la tour.
(b) Si les noirs avaient joué la reine à la troisième case du fou du roi, ou le fou à
la troisième case de la reine, les blancs auraient dû pousser le pion de la tour de la
reine une case. Dans ce début il est très-imprudent, de la part des noirs, de de
fendre le pion du roi ; il vaut mieux retirer son roi dans son jeu. -
– 183 -

DEUxIÈME vARIANTE AU 1 I* coUP.

1 1 B. La tour à la case du roi.


N. Le pion du cavalier de la dame, deux cases.
12 B. Le fou prend le cavalier, échec.
N. Le pion prend le fou.
13 B. La tour prend le pion, échec.
N. Le roi à la 2° case de la reine.

14 B. La tour prend le pion, échec.


N. Le cavalier prend la tour.
15 B. La reine prend le cavalier, échec.
N. Le fou couvre l'échec.
16 B. La reine prend la tour.
Les blancs ont très-beau jeu.
TRoIsIÈME vARIANTE AU 1 1* coUP.

11 B. La tour à la case du roi.


N. Le pion du cavalier du roi, deux cases.
12 B. La tour prend le pion, échec.
N. Le roi à la 2° case de la reine.

13 B. Le fou prend le cavalier.


N. Le cavalier prend le fou.
14 B. Le cavalier prend le cavalier. -
N. Le pion prend le cavalier.
15 B. La tourprend le pion, échec.
N. Le fou couvre l'échec.

16 B. Le pion du fou de la reine, deux cases.


Les blancs ont trois pions pour un fou et une bonne position.
– 184 -

PARTIE DU CALABROIS.

1 Blanc. Le pion du roi, deux cases.


Noir. Le pion du roi, deux cases.
2 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le pion de la reine, une case. -
3 B. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine. -
N. Le fou de la reine à la 5° case de son cavalier du roi.

4 B. Le pion de la tour du roi,une case.


N. Le fou de la reine à la 4° case de la tour de son roi.
5 B. Le pion du fou de la reine, une case. -
N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
6 B. Le pion de la reine, une case.
N. Le fou du roi à la 2° case de son roi.

7 B. Le fou de la reine à la 3° case de son roi.


N. Le roi roque (a).
8 B. Le pion du cavalier du roi, deux cases.
N. Le fou de la reine à la 3° case du cavalier de son roi.

9 B. Le cavalier du roi à la 4° case de sa tour,


N. Le pion du fou de la reine, une case (b).
n o B. Le cavalier prend le fou.
N. Le pion prend le cavalier.

1 1 lB. Le pion de la tour du roi, une case.


N. Le pion du cavalier de la reine, deux cases (c).
12 B. Le fou du roi à la 3° case du cavalier de sa reine.
N. Le pion de la tour de la reine, deux cases.
(a) Les noirs, en jouant ce coup, compromettent leur partie. Les blancs ont
leurs pions trop avancés pour que le roque de ce côtésoit prudent.
(b) Le pion de la reine une case était le coup juste.
(c) Les noirs devaient s'attacher à détruire l'attaque du fou du roi de leur adver
saire sur le pion de leur fou du roi ; ils pouvaient y parvenir en poussant le pion de
la reine une case, au lieu de cela, ils perdent des temps dans un moment critique
- 185 -

n3 B. Le pion de la tour de la reine, deux cases.


N. Le pion du cavalier de la reine, une case.
14 B. Le pion de la tour du roi, une case.
N. Le pion prend le pion de la tour du roi.
15 B. Le pion du cavalier du roi, une case (a).
N. Le cavalier du roi à sa 5° case.

16 B. La tour du roi prend le pion.


N. Le cavalier du roi prend le fou.
17 B. La tour du roi à sa 8e case, échec (b).
N. Le roi prend.
18 B. La reine à la 5° case de sa tour du roi, échec.
N. Le roi à la case de son cavalier.

19 B. Le pion du cavalier du roi, une case.


N. Perdu.

(a) C'est beaucoup mieux joué que de faire pion pour pion.
(b) Ce coup est très-bien joué et fort ingénieux.
- 186 -

« Paris, le 1o juin 1836

« Monsieur le rédacteur, vousvoulez bien accueillir quelques


détails sur mon dernier voyage en Angleterre. Il ne serait pas
en ma puissance devous parler comme il convient de toutes les
merveilles de ce beau pays, et les colonnes de votre intéressant
journal n'y suffiraient pas.Je me bornerai donc à le décrire sous
le rapport des échecs, dont il est comme la terre classique. Rien
ne m'empêche à cepropos de vous parler aussi monuments, car
en visitant la célèbre abbaye de Westminster, j'ai salué le ber
ceau de la presse anglaise , d'où sortit, en 1474, le premier livre
imprimé en Angleterre, et ce livre était The game and play of
the chesse (Le jeu des échecs).
« Ce noble jeu est beaucoup plus répandu chez les Anglais
qu'en France. Il y est national et comme populaire.On le trouve
chez le pauvre comme chez le riche ; et dans la chaumière
comme au château, vous êtes assuré de trouver un échiquier
aussi facilement que l'on trouverait des cartes dans un village
français. Dans les estaminets, cafés et autres lieux publics, les
tables sont couvertes d'échecs comme à Paris elles le sont du
stupide domino. Quand je dis les estaminets et cafés, je veux
parler des lieux qui remplacent à Londres ces établissements.
Les cafés ne ressemblent en rien aux nôtres : ce n'est ni le
même luxe, ni la même commodité ; tout au plus si la destina
tion est la même. J'ai souvent gémi de ne pas rencontrer à Lon
dres un café de la Régence, ou quelque chose qui y ressemblât.
Les divans, création nouvelle destinée aux fumeurs, sont de vé
ritables estaminets, perfectionnés pour la commodité des siéges.
En place du modeste tabouret ou de l'étroite banquette, ils ont
des lits de repos, des canapés, d'énormes fauteuils bien rem
bourrés, dans lesquels on médite les coups d'une manière toute
confortable.Quand la longueur des calculs est d'un effet narco
tique sur le joueur,il peut sans gêne s'étendre comme dans son
lit, et achever d'appeler le * par la lecture d'une de
leursgazettes de vingt pieds carrés. Dans les clubs de Londres,
si renommés pour la richesse, on trouve à profusion de ces lits
de repos à l'usage des nobles gentlemen, qui ne croient pas
blesser les convenances en s'en servant le jour aussi bien que la
Inlllt.

« En Angleterre, les hommes vivent beaucoup entre eux, et


plus souvent que chez nous séparés de leurs belles compagnes ;
aussi, les clubs ou cercles sont très-multipliés. Il y a des rues
et des squares dont les plus beaux hôtels sont presque tous occu
pés par des clubs. Etablis par actions, ils sont très-riches, et
l'abonné y jouit, suivant ses goûts, de tous les agréments de la so
ciété, des jeux, de la lecture, de la table. Ils ont en généralgrand
soin de ce dernier article, et quoique on cite souvent la cuisine
anglaise pour sa simplicité, le cuisinier français est très-recher
ché dans ces clubs. Il y reçoit d'énormes gages proportionnés à
son mérite ; et ce mérite est souvent prisé assez haut pour lui
donner la jouissance du tilbury, où le soir ils'élance, en vrai mi
lord, pouraller respirerdans les parcs un airplus frais que celui de
son champ debataille ordinaire. Pour les cercles, les Anglais sont
aussibien nos maîtres que pour l'éducation chevaline, la trempe
des aciers et le tissage des cotons. Il ne suffirait pas d'étudier le
mode d'administration de leurs cercles pour importer cesétablisser
ments avec succès, ilfaudrait pouvoir en même temps développer
des goûts semblables chez les abonnés, et toute l'intelligence d'un
entrepreneur ne peut changer les mœurs nationales par un acte
de société ou un règlement.Quant aux clubs consacrés unique
ment aux échecs, ils sont inférieurs à notre Cercle des Panora
mas pour l'animation et le mouvement. Cette différence pro
vient peut-être de ce que le jeu étant beaucoup plus répandu,
les amateurs trouvent partout àjouer, et ne veulent pas s'assu
jettir à franchir des distances considérables pour aller chercher
au loin ce qu'ils trouvent près d'eux. Les grands joueurs, les
notabilités, en un mot l'état-major de l'échiquier se réunit pour
tant en deux clubs. Celui de Tom, dans la Cité, qui est le vété
ran, renferme les anciennes illustrations groupées autour du
savant Lewis. Une trentaine de membres, parmi lesquels se dis
tinguent MM. Frazer, Mercier, Popper, Pérical, sont les sou
tiens de cette académie. Le club de Westminster, à une lieue de
l'autre, dans le Westend, est beaucoup plus nombreux, quoique
- 188 -

la mort du célèbre et regretté Mac-Donell lui ait porté le plus


rude coup.On y trouve en permanence trois ou quatre parties
tous les jours, et quelquefois davantage, quand une circonstance
extraordinaire stimule les abonnés.A la tête des plus distingués
de ce club, on voit briller l'érudit et infatigable Georges Wal
ker,
« . . . . . .. dont la fertile plume
« Enfante tous les mois sans peine ungros volume » ;
M. le capitaine Évans, que la partie du sacrifice du pion du ca
valier de la reine suffirait pour immortaliser; M. Slous, solide
et brillant amateur, etc.
« C'est au milieu de l'élite de ces grands joueurs d'échecs que
je suis tombéà mon arrivée en Angleterre. Commissaire du défi
par correspondance si avantageusement dirigé par nous, j'avais
à rendre compte de ma part de gloire dans cette lutte nationale,
et une réputation de vainqueur n'estpas toujoursfacile à conser
ver en pays ennemi. Je n'ai refusé aucuneprovocation, et dans
le peu de séjour que j'ai fait à Londres,j'ai combattu alternati
vement dans les deux clubs, à pied comme à cheval, souvent
même (avec une imprudence toute française) après de très-bons
dîners anglais. Sous aucun de mes adversaires, je n'ai eu le
désavantagé : j'ai couru de victoire en victoire, et la palme
m'est incontestablement restée contre les deux sommités de la
Cité et de Westminster, MM. Frazer et Georges Walker. Ce
n'estpas du reste de cette seule manière que les nobles gentle
men savent faire honneur à l'étranger. Pour ma part j'ai été
aussitouché de leurs bons procédés hospitaliers que de mes suc
cès. Un sentiment d'excitation non ordinaire, des débuts incon
nus, un jeu peut-être nouveau pour eux, ont été mes plus
puissants auxiliaires. M. Frazer est un très-fort joueur; son jeu
savant et facile ne manque pas de chaleur, qualité rare chez nos
voisins.Je suis loin de ne croire au-dessus de lui, et je suis per
suadé, comme ses nombreux admirateurs, que, s'il n'avait pas
ressenti une défiance et une timidité, apanages du vrai talent,
j'aurais dû m'estimer heureux du partage des chances. M. Geor
gesWalker n'est pas seulement un habilejoueur : il est, comme
je l'ai déjà dit, écrivain recommandable.Versé dans la connais
sance profonde de tous les auteurs, par ses traductions et ses
notes savantes, il a doté son pays de très-intéressantes publica
- 189 -
tions. Son jeu est plutôt d'analyse que d'imagination. S'il est
froid dans le milieu des parties, où le sentiment du jeu est notre
seul guide, en revanche il possède en maître les ouvertures de
jeu, et joue la fin toute mathémathique avec une rectitude ad
mirable. Le reproche que nous autres, vifs et bouiHants Fran
çais, avons à faire aux Anglais, est d'être un peu trop longs.
C'est changer un délassement en un travail fatigant, et notre
organisation physique est trop chaleureuse pour que nous puis
sions nous amuser ainsi habituellement. Outre que les Anglais
ont toujours eu un esprit plus rassis et plus calme que nous, ils
sont devenus de cette longueur à l'école de feu Mac-Donell. Les
anciens joueurs anglais gémissent eux-mêmes de cette lenteur de
mouvement, et désireraient voir revenir à des principes un peu
plus en harmonie avec leur pays de vapeur et de chemins de fer.
- Aussi, dans le défi proposé par M. Deschapelles, ce célèbre
maître n'a-t-il pas eu tort d'exiger que l'on déterminât d'une
manière précise le temps que les joueurs pourraient employer à
chaque coup. C'est une condition sine quai non que j'ai dû, con
formément à mes instructions, imposer à ses adversaires bri
tanniques, en leur montrant l'inflexible clepsydre.Sans consen
tir la durée de temps proposée, ils ont néanmoins finipar ad
mettre le principe, sauf à le rendre exécutoire par règlement
convenu entre les témoins des deux champions, toujours basé
sur ce qu'une partie doit se terminer dans une seule séance.
« J'aurais voulu rapporter de chez eux la réponse à ce défi de
M. Deschapelles, de donner à leur plus fort joueur pion et deux
traits.Ce n'est pas ma faute, si je n'ai pu compléter mon rôle de
héraut : ils ont voulu plus de délai pour se concerter. Sans dé
voiler indiscrètement les motifs du peu d'harmonie existant en
tre les deux clubs, je crois pouvoir attribuer à ce manque d'u
nion la difficulté et par suite le retard de leur réponse. Peut
être aussi ai-je été en partie cause de leur peu d'empressement :
je les gagnais, et cependant j'ai reçu, ainsi que l'a publié le Pa
lamède, le pion et deux traits de M. Deschapelles ! Pendant que
j'étais à Londres, M. Lewis, qui, depuis plusieurs années, ne
joueplus aux échecs, résistait à toutes les sollicitations pour re
lever le gant jeté à son pays. Il paraît qu'il a cédé depuis, et
notre génération sera assez heureuse pour assister à ce combat
illustre. M. Lewis est assurément plus fort que moi, et surtout
– 19o -
plus instruit dans le jeu :c'est le plusgrand théoricien,et ses tra
vaux immenses parlent assez pour lui. Mais c'est ici le cas de
dire, avec Salomon, qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil :
car cette lutte que nous croyions avoir fait éclore n'est, au ré
sultat, que la résurrection de l'offre que fit M. Deschapelles à
M. Lewis, il y a quinze ans, de lui donner pion et deux traits.
C'était à Paris alors, et maintenant ce sera à Londres ; nous
n'en serons plus les témoins : voilà tout le nouveau dont nous
pouvons nous vanter.
« Puisque le London-club accepte le défi pour 5oo livres, je
pourrais me dispenser de répondre à la lettre du vieil amateur
insérée dans le Bell's Life du 25 juin. Cependant, il est bon
que ces messieurs n'accréditentpas leurs dires que nous sommes
des joueurs d'argent (gamesters) et que chez eux l'honneur
seul est le mobile du jeu. S'il existe un jeu intéressant par lui
même, c'est assurément celui des échecs ; mieux qu'à aucun au
tre, on peut s'y mesurer uniquement par amour-propre (et cer
tes je viens d'en donner la preuve chez eux); mais il faut pour
cela qu'il y ait équation dans la force respective des joueurs, afin
que la mise au jeu soitégale;si l'on trouvait en place présomp
tion ou fatuité, alors le seul moyen de combattre et de punir est
par la bourse.Souvent même aux yeux des masses, le signe uni
que et durable du triomphe n'est que dans le rameau d'or.
« Arrière donc la mauvaise plaisanterie du vieil amateur qui
se récrie contre un pari de5oo livres sterling entre deux grandes
intelligences ayantà lutter de génie pendant peut-être un mois !
Gasconnade ridicule dans le pays des plus grands joueurs d'ar
gent, chez ces parieurs éternels de sommes considérables souvent
hasardées sur la culotte de peau de leurs jokeys ou l'ergot d'un
coq!!!
« Trois jours avant de quitter l'Angleterre, j'avais entrevu la
possibilité de leur donner une revanche en associant à nos
luttes une autre puissance aux échecs. M. Donalson, le plus
fort joueur du club d'Édimbourg, qui s'est fait une grande ré
putation il y a quelques années, dans le défi entre l'Angleterre
et l'Ecosse, se trouvait à Londres en même temps que moi.
Dans le palais du roi, à Hampton, en face des immortels chefs
d'œuvre de Raphael, je lui ai fait proposer par MM. Perical et
Popper de jouer une poule avec M. Frazer et moi où l'hon
neur des trois pays, la France, l'Angleterre et l'Écosse, serait
représenté par chacun de nous. A mon grand regret, M. Do
nalson n'a pu accepter ce champ clos.
« Je ne terminerai pas sans déclarer, avec un profond senti
ment de vérité et d'humilitétout à la fois, que les Anglais sont
bien supérieurs à nous comme beaux joueurs. Ils savent perdre
et nous savons à peine gagner. Comme galerie, ils comprennent
l'impassibilité du rôle. Chez le perdant, aucun mouvement d'hu
meur ou d'impatience ne vient désenchanter le vainqueur; ils
ne promènent pas enpianiste les doigts sur l'échiquier; l'on voit
rarement chez eux des discussions sur la règle, qui est connue
de tout le monde et jouée avec rigueur. C'est dans toute cette
pureté qu'ily a plaisir à voirjouer le jeu des échecs, et les An
glais en sont tout-à-fait à la hauteur par la dignité de leur ca
ractère.
« Quelques actionnaires impatients, dans le défi par corres
pondance, semblaient attendre de moi que je profitasse de ce
voyage pour terminer la dernière partie sur le territoire en
nemi.Je leur ai déclaré que je n'avais pas ce pouvoir, n'étant
pas seul investi de leur confiance.Si la commission s'était trou
vée en majorité à Londres (ce qui a dépendu de M. Chamouillet
qui l'avait fait espérer), nous aurions pu terminer face à face
cette vieille partie qui, bien qu'en état de gain, durera peut
être encore une année. Je suis même persuadé que les Anglais
auraient courtoisement accepté, car,vaincus, ils sont aussi dési
reux que nous, vainqueurs, d'être débarrassés. Il y a dès long
temps deuilparmi eux à ce sujet, et la direction du défi, d'abord
confiée à Mac-Donell, échut ensuite à M. George Walker, après
lui tomba à M. Peckam, et je crois que maintenant personne ne
veut plus s'en mêler.Aussi serait-il difficile de saisir la main in
visible qui n'ose plus que dans l'ombre faire mouvoir cette par
tie condamnée et pourtant éternelle.
« SAINT-AMANT. »
- 192 -

HOMMAGE AU NOUVEAU CLUB DES ÉCHECS.

Le manque d'espace nous empêche de donner en entier une


pièce de vers fort remarquable de M. le commandant Dumon
cheau.
Ce brillant amateur d'échecs, nouveau Francaleu, a composé
ces vers l'hiver dernier à la campagne :

Je chante les combats et l'innocente guerre


De ces fiers paladins qui ne sont que matière,
Dont les terribles coups frappent toujours en vain
Sur l'ennemi vaincu, qui reparaît soudain
Pour tenter,indompté, de nouvelles batailles ,
Et lui semer aussi d'illustres funérailles.
Ils ne sont pas non plus à l'abri d'un retour :
Le vainqueur de la veille est le vaincu du jour.
O noble jeu d'échecs ! viens accorder ma lyre.
De tes combinaisons je sens que je m'inspire ;
Trop long-temps l'on chanta les rois, leur sceptre d'or:
Je chante les échecs et leur dieu Philidor !
O Muse, redis-moi quelles sont les cohortes
Quiforment aux hasards les royales escortes ;
Redis-moi leurs valeurs, leurs différents emplois ;
Rends mon œil plus perçant, et plus forte ma voix;
J'implore ton secours : un terme prosaïque
Peut, embelli par toi, devenir poétique.

Après ce début, le poète nous décrit la marche des pièces,


leur valeur, puis les plus brillants débuts du jeu. Il finit ainsi :

Ce noble jeu long-temps pour unique séjour


N'eut qu'un café fameux où se tenait sa cour.
Le bruit des dominos, le bruit des petits verres,
Les lecteurs des papiers masquant les luminaires,
Fatiguaient sans relâche un paisible amateur.
J'apprends qu'à son destin s'unit plus degrandeur ;
- 193 -
Qu'un club organisé, digne de son mérite,
. Dans ses salons décents a réuni l'élite
De nombreux exilés que le bruit éloignait.
Enfin, sur les échecs un nouveaujour paraît!
Honneur, cent fois honneurà qui leur rend la vie !
Que ne puis-je déjà, cédant à mon envie,
A leurs graves travaux joindre aussi mes efforts,
Retremper ma faiblesse à l'étude des forts !
Des William, des Boncourt, du redouté Mourette !
Et de la Bourdonnais, ce formidable athlète !
De la nouvelle école où brille Saint-Amant! , , ,
Quelques autres encore qui s'assurent un rang !
Cet heureux temps viendra : vienne enfin le feuillage !
Et j'irai dans le temple apporter mon hommage !
3 février 1836.

DU MoNcHEAU.
soLUTIONS DES PROBLÈMES DU NUMÉRO PRÉCÉDENT.

soLUTIoN noU N° XIII.

1 Blanc. Le cavalier à la 6° case de son roi, échec.


Noir. La reine prend le cavalier.
2 B. La reine à la 6° case de la tour du roi, échec.
N. Le roi prend la reine. -
3 B. Le fou à la case du fou du roi adverse, échec et mat.
DEUxIiEME soLUTIoN DU N° XIII.

I . Le cavalier à la 6° case de son roi, échec.


. Le roi à la case de son cavalier.
2 . La reine à la case du cavalier de la reine adverse, échec.
. La reine couvre.

3 B. La reine prend la reine, échec et mat.


soLUTIoN DU N° XIV .

I Le cavalier à la 6e case de sa reine , échec.


. Le roi à la case du cavalier de sa reine.
2 Le pion prend le pion du cavalier de la reine, échec.
. Le roi prend le pion.
43 . La reine prend le pion, échec.
. La tour prend la reine.
Le cavalier à la case du fou de la reine adverse, échec.
. Le roi à la 3° case de la tour.
5 L'autre cavalier donne le mat.

soLUTIoN DU N° XV.

Dans la planche du numéro précédent, qui représente ce mat,


il se trouve une erreur typographique très-grave, et dont nous
– 195 -
demandons pardon à nos abonnés. La tour de la reine est indi
quée à sa case ; elle doit être à la case de son cavalier. .
1 B. Le cavalier prend le fou, échec.
N. Le roi à la case de la tour.

2 B., Le cavalier à la 7° case de son fou du roi, échec.


N. Le roi à la case du cavalier. - -

3 B. La reine prend le pion du cavalier, échec.


N. Le roi prend la reine. -

4 B. Le fou à la 6° case de son fou du roi, échec.


N. Le roi à la case du cavalier. -

5 B. Le cavalier donne le mat.

DEUxIÈME soLUTIoN DU N° XV.

II
Le cavalier prend le fou, échec.
. Le pion prend le fou.
2 B. La reine à la case de la tour du roi adverse, échec.
N. Le roiprend la reine.
3 B. Le roi à la 7e case de son fou.
N. La tour à la case du fou du roi, échec.
4 B. Le roi prend et donne mat le coup après avec le fou.
sourios ou s xvI.

Pour gagner cette fin de partie, il faut que les blancs pren
nent le pion avec le pion, et puis, qu'ils aillent à dame le coup
d'après, demandant un fou ; s'ils prenaient une reine, les noirs
forceraient le pat de la manière suivante :
1 B. Le pion du cavalier du roi prend le pion.
N. Le fou prend le pion.
2 B. Le pion à la 8° case fait une reine.
N. Le cavalier à la 5e case de sa reine.

3 B. La reine à la 5° case de son roi.


N. Le cavalier à la 7e case du fou de sa reine, échec.
– 196 -
A B. Le fou prend le cavalier.
N. Le fou donne échec.
5 B. La reine prend.
Pat.

Si les blancs veulent prendre le pion de la tour de la reine,


ils perdent la partie. -

1 B. Le fou à la 3° case du cavalier de sa reine.


N. Le fou prend lepion.
2 B. Le fou prend le pion.
N. Le cavalier à la 6e case du fou de sa reine.

3 B. Le pion prend le pion.


N. Le fou à la case du fou de la reine adverse.

4 B. Le pion fait reine.


N. Le fou donne échec et mat.

Dans les planches qui suivent, chaque pièce est désignée par
sa lettre initiale. Les lettresà jour désignent les pièces blan
ches. Les blancs ont toujours le trait ; le mat n° XVII est de
l'anonyme de Modène; le mat n° XVIII est de M. Calvi; le mat
n° XIX a été composé par M. Bolton; enfin, le coup n° XX a
été trouvé en jouant par le rédacteur gérant de cette feuille. Il
existe plusieurs moyens de faire mat, mais quelle que soit la dé
fense des noirs, ils ont perdu.

Le rédacteur et gérant responsable,

DE LA BOURDONNAIS.

PARIS.- Imprimerie de BrzAucuE,faub. Montmartre, n. 1 .


Blanc.

Mat en quatre coups.

VIII.

%-/

Mat en cinq coups.


- - -

- ---------------
-
---
-

-
-
- - - --
- -
-- -
Les blancs gagnent.
- 2O I -

Dans le premier numéro de cette revue, nous avions déjà


donné quelques fragments d'une partie d'échecs mise en vers
par M. Méry; nous croyons aujourd'hui faire plaisir à nos
abonnés en leur donnant le petit poème en entier.
Nous joignons ici la même partie en vile prose avec quelques
notes instructives.

1 Blanc. Le pion de la reine, deux pas.


Noir. Le pion de la reine, deux pas.
2 B. Le pion du fou de la reine, deux pas.
N. Le pion prend le pion.
3 B. Le pion du roi, un pas.
N. Le pion du roi, deux pas (a).
4 B. Le fou du roi prend le pion.
N. Le pion prend le pion.
5 B. Le pion prend le pion.
N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
6 B. Le cavalier de la reine à la 3e case de son fou.
N. Le fou du roi à la 2° case de son roi (b).
7 B. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
N. Le roi roque.
8 B. Le fou de la reine à la 3° case de son roi.
N. Le pion du fou de la reine, un pas (c).
9 B. Le pion de la tour du roi, un pas.
N . Le cavalier de la reine à la 2° case de sa reine.

1o B. Le fou du roi à la 3° case du cavalier de la reine.


N. Le cavalier de la reine à sa 3° case.
1 1 B. Le roi roque.
N. Le cavalier du roi à la 4° case de sa reine.

(a) C'est un fort bon coup si les blancs prenaient le pion; les noirs, en échan
geant les reines et dégageant de suite leurs pièces, auraient une forte attaque.
(b) Le fou à la troisième case de la reine eût été mieux joué.
(c) Les noirs, en poussant ce pion, puis en jouant leur cavalier de la reineà la
deuxième case de sa reine et ensuite à sa troisième case, ont pour but de masquer
le fou du roi de leur adversaire, mais pour atteindre ce but ils perdent beaucoup
de temps.
16
12 B. Le pion de la tour de la reine, deux pas
N. Le pion de la tour de la reine, deux pas.
13 B. Le cavalier du roi à la 5e case de son roi.
N. Le fou de la reine à la 3° case de son roi.

14 B. Le fou du roi à la 2° case dufou de la reine (a).


N. Le pion du fou du roi, deux pas.
15 B. La reine à la 2° case de son roi.
N. Le pion du fou du roi, une case.
16 B. Le fou de la reine à la 2e case de sa reine.
N. La reine à la case de son roi.

17 B. La tour de la reine à la case de son roi.


N. Le fou de la reine à la 2° case de sonfou du roi (b).
18 B. La reineà la 4e case de son roi (c).
N. Le pion du cavalier du roi, un pas.
19 B. Le fou de la reine prend le pion.
N. Le cavalier du roi prend le fou.
2o B. La reine prend le cavalier.
N. Le fou de la reine à sa 5e case (d).
2 . La reine à la 6° case de sa tour du roi.
: Le fou prend la tour (e).
22 . Le fou du roi prend le pion (f).
Le pion prend le fou.
*2 3 . Le cavalier prend le pion.
N. Le cavalier à la case de son fou de la reine (g).

(a) Il est mieux placé à cette case pour l'attaque.


(b) Pour sauver le pion du fou de la reine que les blancs pourraient prendre avec
leur cavalier, si les noirs ne dérangeaient pas le fou.
(c) Ce coup est bien jouéet décide la partie en faveur des blancs;quelle que soit
la défense des noirs, ils perdent un pion.
(d) Les noirs ont cru faire tomber les blancs dans un piége et gagner l'échange
d'un fou contre une tour; mais leur adversaire avait vu qu'ils ne pouvaient prendre
la tour sans perdre en quelques coups la partie.
(e) Grande faute, il eût mieux valu retirer le fou à la case où il était auparavant.
(f) Cette attaque est mortelle.
(g) Coup forcé.
– 2 o3 -

24 B. La reine à la 8° case de sa tour du roi, échec.


N. Le roi à la 2° case de son fou du roi.

25 B. La reine à la 7° case de sa tour du roi, échec.


N. Le roi à la 3° case de son fou.

26 B. Le cavalier du roi à la 4°case de son fou(a).


N. Le fou de la reine à la 6° case de sa reine (b).
27 B. La tour de la reine à la 6e case de son roi, échec.
N. Le roi à la 4° case de son cavalier.
28 B. La reine à la 6e case de sa tour du roi, échec.
N. Le roi à la 4° case de son fou.
29 B. Le pion du cavalier du roi, deux pas, échec et mat.
(a) Menaçant d'un mat en un comp.
(b) Pour éloigner le cavalier ou la reine de ce qui détruirait en partie l'attaque.
– 2o4 -

GAMIBIT DU ROI.

Le mot gambit vient du mot italien gambitto, croc-en-jambe.


La partie prend le nom de gambit du roi quand celui qui a le
trait sacrifie au second coup le pion du fou du roi. Le sacrifice
de ce pion donne le moyen de dégager plus aisément ses pièces,
et d'entrer tout de suite en attaque ; néanmoins la partie du
gambit du roi, dans le cas d'une attaque et d'une défense éga
lement bonnes, doit êtregagnée par celui qui reçoit et qui prend
le pion du gambit, l'avantage de ce pion devant décider la par
tie entre joueurs d'égale force.
Il existe une grande variété de débuts du gambit du roi.
Nous examinerons d'abord les débuts où celui qui a le trait et
qui donne le gambit, joue au troisième coup son fou du roi à la
quatrième case du fou de la reine.
La partie qui suit a été jouée, il y a deux années, par
M. Mac-Donell et le rédacteur de cette revue ; ce dernier avait
les blancs.

1 Noir. Le pion du roi, deux cases.


Blanc. Le pion du roi, deux cases.
2 N. Le pion du fou du roi, deux cases.
B. Le pion du roiprend le pion du fou du roi.
3 N. Le fou du roi à la 4° case du fou de la reine.
B. La reine donne échec.

4 N. Le roi à la case de son fou.


B. Le pion du cavalier du roi, deux cases.
5 N. Le cavalier de la reine à la 3e case de son fou.
B. Le fou du roi à la 2° case de son cavalier.

6 N. Le pion de la reine, deuxcases.


B. Le pion de la reine, une case.
7 N. Le cavalier de la reine à la 5° case de sa reine.
B. Le roi à la case de sa reine.
– 2o5 -

8 N. Le fou du roi à la 2° case de son roi(a).


B. Le cavalier de la reine à la 3e case de son fou.

9 N. Le pion du roi, un pas.


B. Le cavalier du roi à la 2° case de son roi.

1 o N. Le cavalier de la reine à la 3° case de son fou.


B. Le cavalier du roi à la 4° case de son fou.
1 1 N. Le cavalier du roi à la 3° case de son fou.
B. Le reine à la 3° case de sa tour du roi.

12 N. Le cavalier de la reine à la 4e case du roi.


B. Le pion du fou du roi, une case.
13 N. Le pion prend le pion du fou du roi.

B. Le fou prend le pion.


14 N. Le pion du cavalier du roi, deux cases (b).
B. Le cavalier du roi prend le pion de la reine.
15 N. Le roi à la 2° case de son cavalier.
B. Le fou de la reine prend le pion.
16 N. Le pion de la tour du roi, deux cases.
B. Le fou de la reineprend le cavalier, échec.
17 N. Le fou prend le fou.
B. Le cavalier prend le fou.
18 N. La reine prend le cavalier.
B. Le cavalier à la 4° case de son roi.
19 N. La reineà la 3° case de son cavalier.
B. La reine à la 3° case du cavalier de son roi (c).
2o N. La reine prend le pion du cavalier de la reine.
B. La tour de la reine à la case de son fou.
2 1 N. Le fou de la reine à la 2° case de sa reine.
B. Le pionprend le pion, échec.
22 N. Le roi à la case de son fou.
B. La tour du roi à la case de son cavalier.

(a) Ce fou rentre à cette case pour gêner la retraite de la reine des blancs.
(b) Ce coup est mal joué, il découvre le roi et l'expose aux attaques de son ad
versa1re,

(c) Les blancs jouent mal le coup;il eût mieuxvalu défendre le pion du cavalier
de la reine.
– 2o6 -

23 N. Le cavalier prend le pion (a).


B, Le pion prend le cavalier.
24 N. Le fou de la reine donne échec.
B. Le roi à sa case.

25 N. La reine prend la tour, échec.


B. Le roi à la 2° case de son fou.

26 N. La reine à la 7°case de son cavalier, échec.


B. Le fou du roi à la 2° case de son roi.

27 N. La reine à sa 5e case, échec.


B. Le roi à la case de son fou.

28 N. La tour de la reine à la case de la reine (b).


B. Le pion du fou du roi, une case.
29 N. La tour de la reine à la 2° case de sa reine.
B. Le pion de la tour du roi, une case.
3o N. La reine donne échec.
B. Le roi à la 2e case de son cavalier (c).
31 N. La reine prend le pion de la tour de la reine.
B. La reine à la 7° case de son cavalier du roi, échec (d).
32 N. La tour prend la reine.
B. Le pion du fou du roi prend la tour, échec.
33 N. Le roi à la case de son cavalier.
B. Le cavalier donne échec.

34 N. Le roi à la 2° case de son fou.


B. Le pion prend la tour et devient reine.
35 N. La reine prend le fou,écl.cc.
B. Le roi à la 3° case de sa tour.

36 N. La reine prend le pion de la reine, échec,


B. Le roi à la 4° case de sa tour.
37 N. La reine à sa 5° case, échec.
B. La tour à la 4° case de son cavalier du roi.

(a) Coup de ressource fort bien joué.


(b) Cette tour jouée à la deuxième case de sa reine défendra le mat.
(c) Pour éviter la remise.
(d) Coup bien joué qui décide la partie.
- 2O -

38 N. La reine à la 7e case de son fou du roi, échec.


B. Le roi à la 5e case de son cavalier.

39 N. La reineà la 4e case de son fou, échec.


B. Le cavalier à la 5e case de sa reine (a).
4o N. La reineprend le cavalier, échec.
B. Le roi à la 4° case de sa tour.
41 N. Le fouà la 6° case du cavalier de sa reine.
B. La reine à la 8° case du cavalier du roi, échec.
42 N. Le roi à sa 2e case.
B. La reine prend la reine. Les blancs, le coup suivant,
poussent le pion etgagnent.
(a) Seul moyen d'éviter la remise.
- 2o8 -

DÉFI DE M. DEsCHAPELLES.

Dans le but d'être agréables à nos lecteurs, nous leur donnons


ici copie de la correspondance relative au défi de M. Descha
pelles.
A M. DESCHAPELLES.

« Paris , le 19 juillet 1836.


a Monsieur,

« J'ai l'honneur de vous adresser sous cette enveloppe la


lettre que j'ai reçue hier du secrétaire du club d'échecs de Lon
dres. J'en ai fait une assez mauvaise traduction queje me per
mets de vous envoyer.
« Cette lettre est relative à votre défi à pion et deux traits. Elle
est pour moi la fin de la mission dont vous m'aviez chargé à
mon derniervoyage à Londres. Je n'ai plus rien à faire main
tenant qu'à leur accuser réception de cette lettre en les infor
mant que je vous en ai fait la remise. C'est de vous qu'ils en
attendront la réponse.
« Agréez, etc.
« ST-AMANT. »

A M. ST-AMANT.

« Club d'échecs de Londres, 15juillet 1836.


« Monsieur,

« Un défi de M. Deschapelles dejouer aux échecs, en An


gleterre, avec tous lesjoueurs (M. Deschapelles donnant le pion
et deux traits à chaque partie), pour une somme n'excédant
pas 5oo livres sterling, ayant paru dans les journaux , et le
même défi ayant été communiqué parvous,verbalement, dans
le club d'échecs de Londres , je me permets devous informer
qu'une assemblée générale s'en est occupée le 7juillet courant
et qu'il y fut résolu :
« Qu'il en serait référé à une commission du clubpour exa
miner et déterminer la convenance d'accepter le défi.

_ --
« La commission désire que je vous informe qu'on est prêt
à accepter le défi pour 5oo livres sterling, soumis à telles
règles qui seront consenties mutuellement, et de vous prier de
donner connaissance de leur résolution à M. Deschapelles , en
réclamant de lui de nous communiquer les règles qu'il désire
voir adopter.
« Il serait convenable d'établir qu'il ne serait pas possible
de jouer le défi avant le mois d'octobre , et qu'aucune partie ne
commencerait avant cinq heures de l'après-midi.
« Je suis , etc.
« W. YATEs, secrétaire. »

LETTRE DU COMITÉ FRANÇAIS A M. YATES, SECRÉTAIRE


DU CLUB DE LONDRES.

« Paris, 21 juillet.
c« Monsieur,
« Nous avons l'honneur de vous remettre , sous ce pli , une
note que nous tenons de M. Deschapelles, sur le défi de 5oo li
vres sterling engagé avec le club des échecs de Londres.
Il nous a priés d'en régler les conditions avec le comité que
votre club nommera.Aussitôt que vous nous aurez fait connaître
que votre club maintient son acceptation, nous aurons l'avan
tage de vous instruire des conditions que nous lui proposerons et
de nous entendre avec votre comité.
« Nous avons l'honneur d'être , avec une parfaite considéra
tion , etc. »

« Paris, le 21 juillet 1836

« Dans le premier numéro du Palamède se trouve une anec


dote de 18o6, où M. Deschapelles , jouant aux échecs au club
de Berlin , avait gagné les plus forts, en leur faisant avantage
d'une tour.
« Un article du Bell's-Life in London , conçu en termes peu
choisis, a nié la possibilité d'une aussi grande disproportion.
« Le Palamède est survenu pour constater les faits, en don
nant pour preuve, que l'on avait bien pu, il y a trente ans ,
donner la tour à une société peut-être médiocrement nombreuse
- 2 1O -

ou exercée , puisque l'on n'avait jamais refusé le pion et deux


traits aux amateurs de l'Angleterre, dont l'habileté et la pro
fonde érudition sont connues du monde entier.
« Cette profession de foi, qu'une assertion blessante a mis
dans le cas de renouveler, est relevée aujourd'hui par un défi
que nous recevons d'un club de Londres , par l'entremise de
M. St-Amant.
« En conséquence , le soussigné, acceptant le défi, a l'hon
neur de déclarer à messieurs les membres du club qu'il a choisi
pour représentants , formant comité pour les conventions de
Londres et la correspondance, les bienveillants et honorables
amis, MIM. du Drenec, de la Bourdonnais et Louis Fould.
« DEscHAPELLEs. »

AU COMITÉ FRANÇAIS.
« Club de Londres, 3o juillet 1836.
« Messieurs ,
« Nous vous accusons réception de votre lettre du 21 juillet,
ainsi que de celle de M. Deschapelles. Le comité désire que
je constate que dans sa lettre écrite par moià M. St-Amant le
15 courant les membres de ce comité sont disposés à accepter le
défi et non pas à l'offrir. Ce défi de M. Deschapelles, non-seu
lement a été communiqué au club de Londrespar M.St-Amant,
mais il a paru encore dans le Bell's-Life in London du 12 juin
dernier. Pour prévenir tout malentendu, les membres du comité
désirent que je joigne à la présente l'article du Bell's Life (1).
Ils désirent savoir de vous , messieurs , si M. St-Amant était
autorisépar M. Deschapelles, dans ce qu'il a fait relativement
au défi. Ils m'engagent aussi à vous répéter qu'ils sont toujours
prêts à accepter le défi soumis à des conditions agréées de part
et d'autre.

« Veuillez, etc.
« YATEs , secrétaire. »

(1) Pour cet article , voyez le troisième numéro du Palamède.

- -
LETTRE DU COMITÉ FRANÇAIS AU COMITÉ ANGLAIS.
« MEssiEURs ,
« Le comité anglais, constitué pour le défi de M. Deschapelles,
nous annonce par sa lettre du 3o juillet qu'il est disposé à entrer
en rapport avec le comité réuni à Paris pour le même objet.
« En conséquence nous entamons la matière,sans préambule,
en vous envoyant sous ce pli, à l'égard du traité à établir,
quelques-unes des clauses essentielles dont la solution nous a
paru préliminaire et indispensable.
« Ce serait un travail inutile que de s'évertuer à libeller une
quantité d'articles plus ou moins insignifiants, si l'on devait se
voir arrêtés tout-à-coup par quelques cas sur lesquels on ne
pourrait s'accorder.
« Une rupture que nous ne prévoyonspas,mais qui arriverait
dès le début, serait moins regrettable, en ce qu'elle semblerait
appartenir à des difficultés insurmontables plutôt qu'à l'impré
voyance.
« Les clauses ci-jointes embrassent une quantité de circons
tances importantes sur lesquelles nous avons pris franchement
l'initiative,parce que nous n'aurions pas été étonnés d'en trou
ver une partie dans votre lettre du 3o juillet, et que nous nous
attendons à les voir mentionnées dans une autre de vos lettres
qui va peut-être se croiser avec celle-ci. C'est au fait qu'il s'agit
d'aller, et comme les documents n'acquerront de réalité que par
une convention mutuelle, il y a peu d'égards à la source dont ils
émanent. D'ailleurs, ils se sont présentés à la première vue, ils
sont certainement incomplets, et n'excluent point ceux qui d'une
part ou d'une autre se rencontreront en creusant davantage.
« Nous n'entrerons en aucune contradiction avec votre opinion
sur le départ du défi. M. Deschapelles lui-même reconnaît qu'elle a
dû être telle, et s'il a maintenu sa lettre malgré nos observations,
cela a été pour vous faire connaître sa pensée personnelle et ce
qu'il pensait être vrai, malgré l'apparence. Du reste, ceci ne
touche en rien le fond, car un défi n'est qu'une proposition qui,
une fois acceptée, ne confère aucun droit exceptionnel.
« La clause Ane vous semblera pas d'un grand intérêt; cepen
dant nous l'avons introduite à cause de son corollaire, clause M,
à cause de son rapport avec la clause F, et aussi par courtoisie ,
-
- 21 2 -

en ce qu'elle accorde un libre arbitre dont nous n'avons pas


trouvé d'inconvénient à nous départir.
« La clause B admet seulement un second, et c'est déjà trop,
dans l'intérêt de M. Deschapelles, car les seconds contre lui peu
vent se trouver en quantité, mais pour lui c'est une fiction...
Que les quatre champions soient anglais d'un côté, etfrançais
de l'autre, c'est une nécessité pour conserver la couleur.
« A l'égard des trois témoins, c'est un moyen de reconnaître
ou de faire une politesse ; et d'ailleurs , ils peuvent ne pas être
inutiles, les comités n'étant pas là.
« Les clauses C et D organisent les séances et leur donnent
une dimension et un intérêt convenables.Si on les coupait, ce
serait chasser les spectateurs, qui peuvent venir de loin , et ce
serait au détriment de la beauté des parties, lesjoueurs n'ayant
presque pas le temps d'approfondir. La nécessité de faire deux
parties a aussi son mérite, puisqu'elle donne une production
raisonnable et pousse à un terme qu'une grande quantité de
parties remises peut éloigner plus qu'on ne pense.
« La clause F admet de plein droit l'exception du dimanche.
Elle pourra même en admettre d'autres, si l'on en convient à
l'amiable. -
« A l'égard de la clause G, il est bien entendu que la pré
sence des joueurs seuls est suffisante ; si le second se présente à
son défaut , elle rentre dans la clause I. On n'a rien à dire sur
une peine qui est réciproque , surtout quand on s'expose à une
sorte d'oppression de la part de ceux qui ne se gênent pas à
l'égard de ceux qui sont exacts. Quant à la demi-heure degrâce,
on l'allongerait sans succès et sans intérêt, et en définitive ce ne
serait qu'un changement d'heure.
« La clause H paraît au premier abord d'une grande impor
tance , en ce que l'on s'offusque de la note et du trouble des
parties par la présence de la clepsydre, etc. Cependant, un
défi serait une risée s'il dépendait d'une volonté pour le rendre
nul ;quand même les joueurs se connaîtraient, encore faudrait-il
faire droit au public et aux souscripteurs. Il y a donc nécessité
à fixer un terme ; alors c'est du plus au moins, c'est une affaire
d'amendement. Ce ne sont pas les intérêts de M. Deschapelles que
nous avons stipulés, car il nous a dit n'avoirjamais fait de partie
qui ait duré plus d'une heure en jouant pendant dix ans avec
M. de la Bourdonnais ; il se contenterait d'une demi-minute
- 2 13 -

par coup et de cinq brisques. C'est donc à d'autres intérêts,c'est


à l'équité que nous nous sommes soumis.
« D'ailleurs, il y a milleà parier contre un que cette note ne
recevra point d'exécution dans le défi actuel et qu'elle n'aura
été introduite qu'en l'honneur des principes, et en vue d'autres
cas qui ne seraient pas investis d'une loyauté réciproque aussi
complète et aussi connue. La teneur de l'article, qui indique
déjà une concession de six heures pour deux parties, laisse bien
pressentir que d'autres concessions exigées par des parties ex
ceptionnelles ne coûteraient rien à des rivaux généreux qui se
portent une mutuelle estime.
« La clause I nous a offert plus de difficultés ; nous l'avons
retournée en tous les sens et constamment trouvée réfractaire.
En effet, perdre une partie parce qu'un joueur est maladesem
ble une aggravation et une injustice.
« Cependant il y a là une nécessité qui commande. Comment
s'opposer au caprice ?Comment éviter les certificats de médecin ?
Comment admettre un pouvoir extérieur ?Des étrangers seraient
donc forcés d'apprendre les lois, les coutumes ? Cela ne se peut
pas.
« D'ailleurs l'injustice nous semble détruite par la réciprocité;
elle ne pourrait plus se porter que sur la faiblesse de la per
sonne, et pour lors ce ne serait pas au joueur le plus jeune à
réclamer. -
« Quant à l'aggravation , nous la trouvons inévitable ; peut
être même pourrait-on dire avec justesse que dans un défi
entre les intelligences il est impossible de faire abstraction com
plète de la matière sur laquelle elles s'asseoient et dont elles ti
rent leur véhicule, et que l'admission patente d'une puissance
physique n'est qu'un aveu inutile à déguiser.
« Les clauses Ket L, quoique nous ayons cru devoir les men .
tionner, ne semblent pouvoir se prêter à aucune objection. La
première n'est que la traduction de l'axiôme : Qui quitte la
partie la perd ; l'autre spécifie nettement les titres du second
et s'oppose à des colloques qui viendraient troubler le calme
de la pensée ou interrompre les séancesà chaque coup.
« On a dû parler de la clause M une foispour toutes. Sur
1, ooo livres sterling on en détachera 5o. Que cela suffise
ou non aux deux personnes auxquelles on les attribue, c'est ce
qui ne fait rien à l'affaire ; il y avaitun principe pour l'éviter
- 2 14 -
et nous l'avons constaté. Dans le cas actuel nous nous sommes
mis en dehors en laissant le choix au comité anglais.
« Dans le résumé que nous venons de faire, nous vous prions,
messieurs , de voir l'esprit qui nous a guidés. Ce n'est point
comme partie ni avocat que nous avons voulu paraître , c'est
comme juges. A chaque décision nous avons tenu long-temps
la balance ; nous avons prononcé dans notre équité, et dans le
cas de fort denier, ce n'est point de notre côté que nous l'avons
mis. Nous sommes donc certains que si on nous trouvait vulné
rables, ce ne pourrait être que sous le rapport d'une insuffisance
que nous nous empresserions de reconnaître.
« Si nous avons été succincts, si nous n'avons attaqué qu'un
motif quand il s'en présentait tant d'autres, c'est que d'une part
la matière ne mérite pas d'être noyée dans les protocoles, et que
de l'autre nous connaissions la bonne foi et l'intelligence aux
quelles nous parlions.
« Le petit traité qui nous occupe nous paraît devoir com
porter une trentaine d'articles ; une fois les clauses principales
admises , il marchera avec rapidité, et, de concert avec vous,
nous donnerons une base et même un type à tous les traités de
cette nature qui pourront survenir.
« Agréez, etc. » -
Paris, 6 août 1836

cLAUsE A.

Le défi se réalisera à Londres ou à Paris.


NoTA. Nous laissons le choix au comité anglais. (Voyez la clause M.)
cLAUsE B.

Les joueurs seront accompagnés d'un second(voy. les clauses


I, K, L, M ) choisi par eux invariablement et dans leur nation.
NoTA. Trois témoins seront en outre appelés de part et d'autre , sans ac
ception de pays , pour suivre l'exécution du traité, s'entendre sur les
interprétations, et aviser à l'imprévu , s'il se présentait.
cLAUsE C.

Il n'y aura par chaque jour qu'une seule séance, pouvant


durer six heures.
– 2 15 -

cLAUsE D.

Chaque séance contiendra nécessairement deux parties, et


jamais plus de trois.
NoTA. Les parties qui pourraient s'engager autrement ne compteront pas
pour le défi.
cLAUsE E.

. Les séances se suivront jour par jour sans discontinuité, jus


qu'à consommation.
NoTA. L'exception du dimanche sera admise, si le comité anglais la de
mande.
cLAUsE F.

L'heure fixée pour la séance du premier jour sera la même


pour toutes les séances suivantes.
NoTA. Si la partie se fait à Londres, l'heure sera désignée par le comité
anglais, et réciproquement.
cLAUsE G.

Les joueurs devront entrer en lice à l'heure fixée ,sous peine


pour les retardataires de perte d'une partie.
NoTA. Il y aura demi-heure de grâce. Dans le cas d'application de la
clause, la séance sera levée.

cLAUsE H.

Une partie peut durer deux heures, sauf la concession en


harmonie avec la clause D.

NoTA. Dans le cas de longueur démesurée on aura le droit d'exiger que


chaque coup soit restreint à deux minutes, plus cinq bisques par partie.
cLAUsE I.

Pour cause de maladie ou autre motif inhérent à la personne,


un joueur pourra se faire remplacer par son second, à charge
de perdre une partie à chaque changement de main.

NoTA. Voyez la note de la clause B.


- 2 16 -

cLAUsE K.

Si le joueur et le second d'un même côté restaient trois jours


consécutifs sans se présenter, le défi serait abandonné et perdu.
NoTA. Restât-il quelques parties libres en dehors l'application des clauses
G et I.
CLAUsE L.

Le conseil est interdit au second, comme à tout le monde ,


tant que dure la partie.
NoTA. Les règles des jeux, comme celles de la probité, exigent qu'on
soit passible et débiteur du préjudice qu'on porte à autrui.
cLAUsE M.

Sur la somme produite par la réunion de tous les enjeux ,


il sera prélevé cinq pour cent pour indemniser le côté qui se
sera déplacé.
NoTA. Voyez la clause A. Cette indemnité, sous le nom de frais de
voyage, sera remise, dès l'entame du défi , au joueur et à son second.

M. Perigal, membre du comité du club de Londres, qui a


passé quelques jours à Paris, en est parti dernièrement porteur
des conditions ci-dessus relatées. Ce jeune amateur est l'un des
bons joueurs d'Angleterre; il a joué ici avec nos principaux
amateurs.Un peu de timidité et des habitudes différentes ont
sans doute empêché le joueur étranger d'avoir l'avantage dans
ces intéressantes luttes. MM. Heiliard, Dutheil, Boncourt, Calvi,
Devinck, Servoisier,Saint-Amant, Desloges, de la Bourdonnais,
Lécrivain, Duchaffault ont été ses adversaires. M. Perigal a
aussi joué avec M. le baron Pogogef, jeune seigneur russeplein
d'esprit et d'instruction, membre de notre cercle d'échecs. Les
amateurs français ont eu beaucoup de plaisir à accueillir M. Pe
rigal.
- 2 17 -

sOLUTIONS DES PROBLÈMES DU NUMÉRO PRÉCÉDENT.

soLUTIoN DU N° XVII.

1 Blanc. La reine à la 6° case, échec.


Noir. Le roi à la case de la tour de sa reine.
2 B. La reine à la 6° case de son fou.
N. La reine à la case de son fou.

3 B. La tour à la 8° case de sa reine.


N. Quelle que soit la défense des noirs, ils seront mat le coup
SlIlVant.
soLUTIoN DU N° XVIII.

Ce mat est malheureusement faux. La confiance que nous


avions en M. Calvi, qui nous avait donné ce mat, nous a em
pêché de l'examiner avec attention.
On peut le rendre possible en plaçant un pion noir à la place
du cavalier, qui se trouve à la sixième case du fou de la reine,
et en portant à la case de sa reine la tour des noirs qui se trouve
placée à la case du cavalier; ces changements faits, voiciquelle
serait la solution.

1 B. La tour à la 2° case du roi adverse, échec.


N. Le roi à la case de sa tour.

2 B. La tour prend le pion du fou du roi.


N. Le cavalier prend la reine.
3 B. La tour prend la tour, échec.
N. La tour prend la tour.
4 B. Le fou prend le cavalier, échec, et le coup suivant mat.
DEUxIiEME soLUTION.

1 B. La tour à la 2° case du roi adverse, échec.


N. Le cavalier prend la tour.
17
– 2 18 -

2 B. La tour prend le pion.


N. La tour prend la tour.
3 B. La reine prend la tour. -
N. Le roi prend la reine.
4 B. Le fou donne échec et mat.
Les noirs peuvent faire plusieurs autres défenses, mais ils
sont toujours mat en cinq coups.
soLUTIoN DU N° XIX.

1 B. Le cavalier à la 6° case de son roi, échec.


N. Le roi à la 2° case de son fou.
2 B. Le fou du roi à la 5° case de sa tour.
N. La reine à la case de sa tour du roi.Si au lieu de ce coup
les noirsjouent la tour ou un pion, les blancs joueront
toujours de la même manière.
3 B. Le fou de la reine à la 4° case de sa tour du roi.
N. Le roi à sa case ou A.

4 B. La tour à la 7° case du cavalier du roi, échec en décou


vrant le fou.
N. Le roi à la 2° case de sa reine.

5 B. La tourprend le pion, échec.


N. Le roi à la case du fou de sa reine.

6 B. La tourà la 7° case de son fou de la reine, échec et mat.


(A)
3 B. Le fou de la reine à la 4° case de la tour du roi.
N. La reine prend le fou.
4 B. La tour à la 7° case de son cavalier du roi, échec.
N. Le roi prend le cavalier ou joueà sa case.
5 B. La tour prend le pion et donne échec et mat.
soLUTIoN DU N° XX.

1 B. Le fou du roi donne échec.


N. Le roi prend le fou; ce coup est forcé.
- 2 19 -

2 B. La reine à la 6° case de son fou du roi, échec.


N. Le roi à sa 5° case.

3 B. Le cavalier à sa 5° case, échec.


N. Le roi à la 6° case de sa reine. En prenant le cavalier on
serait mat.

4 B. La reine à la 3° case de son fou du roi, échec.


N. Le roi à la 7° case de son fou de la reine.
5 B. La reine à sa case, échec.
N. Le roi prend le pion.
6 B. La reine à la case de son fou, échec.
N. Le roi à la 6° case de sa reine. S'il prenait le pion il serait
Imat.

7 B. La reine à la 3e case de sa tour, échec.


N. La reine couvre l'échec.Si le roi noir, au lieu de ce coup,
jouait à la 7°case de sa reine, les blancs donneraient le
mat en deux coups.
8 B. La tour donne échec.
N. Le roi à la 7° case de son fou de la reine.
9 B. La tour à la case de son fou de la reine, échec.
N. Le roi à la 6° case de sa reine.

1o B. La reine prend la reine, échec et mat.

Ce coup a été fait, il y a peu de temps, par le rédacteur de cette


revue, en jouant contre M. Azevedo, auquel il donnait l'avan
tage d'une tour. Nous avons donné ici les coups tels qu'ils ont
été joués, croyant qu'après le sacrifice du fou et l'échec de la
reine, les noirs n'ont plus aucun bon coup de défense et doi
vent, en plus ou moins de coups, être mat.

Dans les planches qui suivent, chaque pièce est désignée par
sa lettre initiale. Les lettres à jour désignent les pièces blan
ches. Les blancs ont toujours le trait. Le mat n° XXI est de
M. W. Bone, jeune amateur d'échecs anglais, qui donne les plus
grandes espérances et qui a eu la bonté de nous adresser quel
- 22O -- '

ques coups de sa composition, que nous donneronsà nos lec


teurs ; le mat n°XXII aétéfait par M.W. Lewis; le mat n°XXIII
est de M. Bolton; enfin, le n° XXIV est traduit du sanscrit.

NÉCROLOGIE.

Une mort cruelle vient de frapper l'un de nos hommes les


plus distingués, l'un de nos meilleurs écrivains,Armand Car
rel. Le club des échecs de Paris le comptait parmi ses mem
bres.Tous ceux qui, comme nous, l'ont connu, partagent notre
profonde douleur.

Le rédacteur et gérant responsable,

DE LA BOURDONNAIS.

1PARIS. - Imprimerie de DezAucne, faub. Montmartre, n. 1 -


- 22 I -

Blanc.

Mat en quatre coups.

XXII.
Noir.

Blanc.

Mat en cinq coups.


2 ------ -

|
Mat en six coups.

Noir.

Les blancs donnent le mat avecun pion en trois


coups, ou forcent les noirs à leur donner le mat
en dix coups.
- 225 -

REvUE GÉNÉRALE.

Il est vraiment curieux d'examiner avec soin les jeux et les


divertissements de chaque pays, sous le rapport de leur effet sur
le caractère national; peut-être faudrait-il le considérer plutôt
comme indice révélant la nature de ce caractère , que comme
cause concourant à le former. Toujours est-il certain que les
amusements nationaux varient suivant le caractère de chaque
peuple, suivant les degrés de sa civilisation. Nos passe-temps
peuvent donc servir de mesure à nos progrès intellectuels et
moraux. Parmi ces passe-temps, se place en première ligne le
noble jeu des échecs; ce jeu est loin d'être arrivé au point de
perfection dont il est susceptible, et il nous semble supérieur à
l'intelligence humaine. Il est sans contredit le plus beau, le plus
ingénieux et le plus difficile de tous les jeux qui aient été jamais
inventés. Il faut, pour y exceller, de l'imagination, tant pour
créer une attaque, que pour trouver des ressources dans une
mauvaise position. Il faut l'habitude et la facilité des calculs,
enfin il faut encore du coup d'œil pour le diriger au milieu de
nombreuses combinaisons qu'il serait impossible d'approfondir.
Il n'est point à craindre que le goût des échecs entraîne à de
mauvaises passions, ou à l'amour d'autres jeuxd'un autre genre
et plus dangereux. Les joueurs d'échecs sont ordinairement des
hommes de goûts simples et tranquilles ; quelques-uns même,
espèce de puritains, méprisent et abhorrent les cartes et les jeux
de hasard.
On peut cependant adresser avec raison quelques reproches
au jeu des échecs : le premier, c'est qu'il fait perdre beaucoup de
temps; mais combien de gens nesavent qu'en faire, ou l'emploient
assezmal; le second, c'est de rendre quelquefois le caractère désa
gréable. Il y a dans la défaite un sentiment d'infériorité intellec
tuelle si pénible, si accablante, qu'il engendre souvent la mau
vaise humeur. Malgré ces inconvénients, nous croyons que
chacun doit voir avec plaisir sa propagation. Nous allons essayer
ici de montrer la hauteur à laquelle s'est élevée l'étude de ce
18
- 226 -

jeu savant, ainsi que le nombre et l'importance de la génération


actuelle des joueurs d'échecs.
La Grande-Bretagne est sans contredit le pays d'Europe qui
renferme le plus de joueurs d'échecs, et où ce jeu soit le plus
pratiqué, non-seulement par les hommes, mais encore par les
femmes. Il n'est pas rare de rencontrer dans la société, en An
gleterre, des dames jouant fort bien aux échecs. Londres est
peuplé de divans, espèces d'estaminets où l'on trouve de nom
breux amateurs. Quelques établissements littéraires ont consa
cré une pièce aux échecs, ce qui n'est pas leur moindre attrait
our leurs abonnés. Il y existe deux clubs exclusivement réser
vés à l'étude de cc noble jeu. Le plus ancien, appelé club de Lon
dres, se tient au-dessus du café Tom, dans la Cité; c'est ce club
qui, en 182 1, engagea une lutte par correspondance avec le club
d'Édimbourg. Cinq parties en cinq ans! c'est ce qu'on peut appe
ler jouer un peu lentement. Les parties ont été de part et d'autre
assez bien jouées; elles ont fait connaître une jolie variante au
début du gambit du pion de la reine. Les Anglais avaient la
première partie dans une position superbe ; en voulant gagner
promptement, ils ont joué un coup faux qui a compromis cette
partie, et par la suite leur a fait perdre le défi. L'enjeu était une
riche coupe d'argent que le club d'Edimbourg conserve avec
soin. Les plus forts joueurs du club de Londres sont, d'abord
M. W. Lewis, que l'on s'accordegénéralement à reconnaître
comme le meilleur joueur de toute la Grande-Bretagne. M. W.
Lewis a publié un grand nombre d'ouvrages sur les échecs ; c'est
un joueur très-érudit, et doué d'un grand talent pour l'analyse :
son jeu est savant et profond. M. W. Lewis a beaucoup joué avec
M. Sarratt, que l'on regardait avant lui comme le premier joueur
d'Angleterre, et qui est mort il y a quelques années. M. Lewis a fait
en 182 1 trois parties avec M. Deschapelles; il recevait de cedernier
le pion et le trait : deux parties ont été remises et une gagnée par
M. Lewis. En 1823 M. Lewis a fait quelques parties à but avec
M. de la Bourdonnais; ce dernier a eu l'avantage. La seconde
place appartient, suivant nous, à M. Cochrane (1), qui habite
depuis plusieurs années les Indes orientales ; M. Cochrane est

( ) M. Cochrane a gagné deux fois de suite une somme de 5o livres sterling,


qu'un amateur d'échecs d'Angleterre avait destinée au plus fort joueur anglais.
M. Lewis n'avait pas voulu se mettre sur les rangs.
M Cochrane recevait le pion et deux traits de M. Deschapelles et perdait.
un joueur très-brillant et plein d'imagination.Viennent ensuite
MM. Frazer, Mercier, Keene, Perigal, Pulling, joueurs fort
remarquables.
Le club de Wesminster est situé dans Bedford-Street, il est
plus nombreux que le club de Londres. Cette société vient de
faire une perte bien cruelle dans la personne de M. Macdonell,
amateur d'une très-grande force, et qui était destinéà faire faire
de grands progrès aux échecs. Ses plus forts joueurs sont
MM. George Walker, auteur de très-boms ouvrages sur ce jeu ;
Slous, brillant amateur; le capitaine Evans, auteur d'un début
très-ingénieux ;W. Hampton, Th. Hampton, Mathews. C'est le
club deWestminster qui a joué contre le club de Paris les deux
parties que nous avons données dans nos premiers numéros, et
dont l'une n'est pas encore terminée.
L'Angleterre possède encore plusieurs autres clubs d'échecs,
parmi lesquels nous citerons ceux de Liverpool, de Manchester
et de Nottingham, de Bristol, d'Exeter et de Cambridge.
L'Écosse a un fort beau club dans sa capitale, Edimbourg.

Ce club reconnaît M. Donaldson comme son premier joueur.


L'étude dujeu des échecs est très-cultivée en Angleterre, et
c'est le pays qui a publié le plus d'ouvrages sur le jeu ; nous
allons ici en citer plusieurs. -
Le fameux jeu des échecs, par J. Barbier, récréation des
princes, ouvrage dont la lecture sera plus profitable que .'exé
cution de mille mats; Londres, 1672. Cet ancien traité est très
médiocre. -

Le noble jeu des échecs, par le capitaine J. Bertin, Lon


dres, 1735.Ce traité contient quelques parties et fins de parties
assez bonnes ; c'est le premier ouvrage quiparle du gambit in
venté par Cuningham , savant distingué et très-fort joueur
d'échecs. -

Traité sur le jeu des échecs, par J. H. Sarratt ; 1 vol. in-8,


Londres, 18o8. Ce livre,fait parun joueur d'une grande force,
est assez bon. Le même auteur a publiétrois autres ouvrages
dont voici les titres : -

Traduction des ouvrages de Damiano, Rui Lopez et Salvio,


sur le jeu des échecs, 1 vol. in-8; Londres, 1813.
. Traduction de Gianutio et de Gustave Selenus, 1 vol. in-8;
Londres, 1817.
- 228 -

Nouveau traité du jeu des échecs, avec un plan d'instruction


progressive,2 vol. in-8; Londres, 1821.Cet ouvrage renferme
une excellente analyse du gambit Muzio.
Un choix de cinquante parties jouées par l'automate, durant
son séjour à Londres en 182o. L'automate était alors dirigé par
MM. Lewis et Mouret. Il donnait le pion et le trait à tout le
monde. Ce choix de parties à pion et trait est assezintéres
8aDt.

L'incomparable jeu des échecs, traduction de l'anonyme de


Modène, par Bingham, Londres, 182o.
Traité sur le jeu des échecs, par J. Cochrane ; Londres, 1822.
L'on y trouve un extrait du Traité des amateurs, un extrait de
l'anonyme de Modène, une excellente défense degambit du roi,
inventée par l'auteur, etplusieurs parties jouéespar lui en rece
vant le pion et deux traits de M. Deschapelles.
Traduction des stratagémes des échecs, par Cazenove; Lon
dres, 1817. -
Grammaire des échecs, et exercices,par W. Kenny; Lon
dres, 1817.
Le jeu des échecs chez les Orientaux, ou exemples de la supé
riorité des Indiens à ce célèbre jeu, par W. Lewis ; Lon
dres, 1817. Ce petit livre renferme des positions extraordinaires
prises à Trevangada Charyashastree, auteur indien.
Traduction de Stamma, d'Alep, par W. Lewis, Londres,
1818. C'est la meilleure édition de Stamma que l'on puisse trou
ver; elle contient un grand nombre de débuts de partie, de
l'invention du célèbre Syrien.
Traduction de Gioachino Greco, dit le Calabrois, par W.
Lewis. Cette traduction renferme une grande quantité de notes
et de variantes nécessaires à l'intelligence de l'auteur original.
Problémes des échecs,par W. Lewis. Collection de mats et
positions curieuses. On y remarque surtout les coups de M. Bol
tOIl.
Traduction du traité de Carrera, et de l'art de jouer sans voir
l'échiquier, par W. Lewis.
Les parties du défi aux échecs, jouéentre les clubs de Londres
et d'Édimbourg, avec variantes et remarques, par W. Lewis.
Première série de leçons progressives sur le jeu des échecs ,
1 vol. in-8. Ouvrage destinéaux joueurs faibles, par W. Lewis.
Seconde série de leçons sur le jeu des échecs, contenant plu
sieurs nouvelles méthodes d'attaque et de défense à l'usage de
la classe élevée des joueurs, et cinquante parties jouées dernière
ment parl'auteur et plusieurs des meilleurs joueurs de France et
d'Allemagne, ainsi qu'une relation du voyage à Stroebeck, vil
lage d'Allemagne, parW. Lewis, 1 fortvol. in-8; Londres, 1832,
chez W. Simpkin et Marshall. Bon ouvrage qui renferme plu
sieurs nouveaux débuts bien analysés.
Un choix de parties d'échecs jouées au club de Westminster,
entre M. de la Bourdonnais et un amateur anglais de première
force, receuilli par W. Lewis; Londres, 1835.Cet amateur de
première force était M. Macdonell. Presque toutes les parties que
renferme ce volume sont pleines d'intérêt.
Nouvelles variantes augambit Muzio, par George Walker ;
Londres, 1831. Cette petite brochure renferme des chosesfort
CUlT1GeU186e8

Nouveau traité sur les échecs, contenant les préceptes du jeu


avec les plus brillants débuts departie et les fins les plus difficiles,
beaucoup de positions originales, et une collection de cinquante
nouveaux problémes, par George Walker; 1833.Seconde édi
tion, Londres, chez Sherwood, Gilbert et Piper, Pater noster
row. Cet ouvrage offre un exellent résumé de tout ce qui a été
écrit de meilleur sur le jeu, et quelques nouveaux débuts ingé
nieux, dont plusieurs sont de l'invention de M. Macdonell.
Nouvelle édition de l'analyse des échecs de Philidor, avec notes
et additions, par George Walker. C'est sans contredit la
meilleure édition de Philidor qui ait été publiée, elle contient
grand nombre de parties faites par notre grand maître sans voir
l'échiquier.
Choix de parties jouées par Philidor et ses contemporains ;
Londres, 1835, chez Skerwood, Gilbert et Piper, Pater noster
row. Ce volume curieux est extrait d'un manuscrit original
découvert depuis peu, etdont nous devons la publication à M. G.
Walker,il contient un grand nombre de parties jouées par Phi
lidor et ses contemporains.Grâce à cette publication intéressante,
nous pouvons juger de la force du plusgrand joueur connu.
Les échecs rendus faciles, ou nouvelle introduction aux pré
ceptes de ce jeu savant et populaire, enrichie de nombreuses plan
ches, par Georges Walker; Londres, 1836.Ce petit ouvrage est
particulièrement destiné aux commençants.
– 23o -

Choix de parties jouées par M. Macdonell et ses contempo


rains, recueillies et publiées par William Greenwood Walker,
secrétaire du club d'échecs de Westminster; Londres, 1836.
Cette nouvelle publication est pleine d'intérêt. L'éditeur nous
donne d'abord les parties jouées par M. Macdonell en faisant
avantage, puis les parties jouées à but, enfin, un petit appendice
contient le défi fait en 1821 entre M. Lewis et M. Deschapelles,
ce dernier donnant le pion et le trait.
A cette liste d'auteurs qui ont écrit sur la théorie dujeu, nous
ajouterons les ouvrages suivants :
Du jeu des échecs MS de 1455, de Sylwardus Simon. C'était
un poète anglais qui vivait sous Henri VI. Son poème est en
latin.

Jean Lydgate, moine de Saint-Edmunsbury, a écrit en 14o8


un poème sur l'amour, et il a dédié son ouvrage aux amateurs
d'échecs. -

Poème des échecs MS. Poème latin, écrit du temps de la do


mination'des Saxons en Angleterre.
Des jeux des Orientaux, par le D* Th. Hyde; Londres, 1694,
1 vol. in-8. Ce livre, fait par l'un des savants les plus dis
tingués de la Grande-Bretagne, est écrit en langue latine; il
contient des choses très-curieuses sur la manière de jouer aux
échecs, des Indiens, des Arabes, des Perses et des Chinois.
Caissa, ou le jeu des échecs, poème parSir W. Jones. Imita
tion assez faible de Vida.
Le jeu des échecs, comédie par Middleton, 1624. C'est une
espèce de controverse religieuse, ou la partie est jouée entre
'église d'Angleterre et l'église de Rome. La première remporte
la victoire. Cette pièce fut regardée comme politique, et fit met
tre son auteur en prison par le roi Jacques.
Histoire des échecs, par Lamb, 1765.Cette histoire est assez
bien faite et fort curieuse.
En France, le jeu des échecs compte un peu moins d'amateurs
qu'en Angleterre. Cependant chaque jour nous le voyons faire
de grands progrès. L'école fondée par Légal et Philidor n'a point
dégénéré : elle est toujours digne de ces deux grands maîtres.
A la tête des amateurs d'échecs français seplace de droit M. Des
chapelles : c'est le joueur le plus profond et le plus parfait que
l'on connaisse ; sa supériorité est telle qu'il cherche cncore un
– 231 -

adversaire auquel il ne puisse pas donner le pion et deux traits.


Après M. Deschapelles, vient M. de La Bourdonnais, son élève,
que l'on s'accorde à placer presque sur la même ligne que son
maître. MM. Saint-Amant, Mouret, Boncourt, joueurs d'une
très-grande force, tiennent le second rang. Paris a un beau club
spécialement consacré au jeu des échecs. Ce club a gagné celui
de Westminster dans un défi par correspondance (1).
Beaucoup d'amateurs continuent de fréquenter le café de la
Régence, lieu plein de grands souvenirs et où jouaient autrefois
J.-J. Rousseau , Voltaire et Philidor.
Plusieurs villes de France ont des sociétés fort bien consti
tuées, telles que Douai, Blois, Bordeaux, Tours, Rouen, Lille,
Strasbourg, Toulouse, Auxerre, Laon, Arras.
Les ouvrages français sur les échecs sont assez nombreux ;
voici les principaux :
Sensuit jeux, partis des eschecs composés novellement pour ré
créer tous nobles cœurs, et pour éviter oysiveté à ceulx qui ont
voulenté,désir et affection de le savoir et aprendre, et est appellé
ce livre le jeu des princes et damoiselles.
Cet ouvrage rare a été impriméau commencement du XVIe siè
cle. C'est le premier traité imprimé en France.
Le jeu des eschecs avec son invention, science et pratique, où,
par un très-docte et intelligible discours, sont amplement descrits
les moyens d'ordonner son jeu, tantpour l'offensive que pour la
défensive. Paris, 16o9. Cet ancien traité n'offre rien de bien cu
rieux.
Le royal jeu des échecs. Paris, 1615, 1636, 1674, 1696, 1713.
Traduction de l'ouvrage de G. Greco, dit le Calabrois.
Essai sur le jeu des échecs, par P. Stamma d'Alep. Paris,
1737.Ce petit livre contient une centaine de positions très-ingé
nieuses.Son auteur était très-fort.
Analyse du jeu des échecs, par A. Philidor. Paris, 1749.Cet
ouvrage a été traduit dans presque toutes les langues; c'est un
excellent traité; la manière dont il apprend à conduire les pions
est sans rivale. La meilleure édition de Philidor est celle de
M. Causette, libraire, rue de Savoie, n° 15.

(1) Le club de Westminster a laissé passer le délai fixé pour répondre, nous de
vons croire qu'il a abandonné la seconde partie, qui était au reste dans un éta
désespéré.
- 232 -

Traité théorique et pratique du jeu des échecs,par une société


d'amateurs. Paris, 1775 et 1786. Assez bon livre, destiné en
partie aux commençants. Il a été fait par MM. Léger, Bernard,
Carlier et Verdoni, forts joueurs français du dernier siècle.
Les stratagèmes des échecs, 2 vol. Paris, 18o2.Ce petit ou
vrage contient cent vingt positions fort jolies.Son auteur est
M. de Montigny.
Jeu des échecs,ou parties du Calabrois et de Stamma, arran
gées avec une notation facile, par M. Azevedo. Bordeaux, 1833.
Nouveau traité du jeu des échecs, par M. de La Bourdonnais.
Paris, 1833, au café de la Régence. Compilation assez bonne,
et qui renferme tous les nouveaux débuts. L'auteur prépare, en
ce moment, une édition complète de Philidor qui contiendra
beaucoup de parties jouées par ce grand maître avec ses contem
porains. En tête de cette édition se trouvera un traité élémen
taire du jeu, ouvrage dont chaquejour on sent le besoin.
La Biblothèque royale de Paris renferme en outre plusieurs
manuscrits très-curieux des XIIe et XIII° siècle sur lejeu des
échecs. En voici les numéros : manuscrits 7197, 7198, 7199,
71o2 , 76o3, 76o4, 76o5, 7918, 7235. Les échecs d'amour,
manuscrits 68o8,751o; la Mortalité des nobles hommes, par
Jean de Vignay, en 133o; la Vielle, poème traduit du latin ;
une traduction de l'ouvrage de Jacques de Césolis, moine grec.
Le Palamède donnera à ses abonnés des extraits de tous ces ma
nuscrits curieux.
Plusieurs poètes français ont chanté le jeu des échecs.A leur
tête se placent l'abbé Roman, Cerruti et M. Méry.
En Allemagne, en Hollande et en Belgique, l'on joue assez gé
néralement aux échecs, quoique aucun joueur très-remarquable
ne soit jamais sorti de ces contrées. En Belgique, nous citerons
d'abord le club d'Anvers, société d'amateurs parfaitement com
posée ; M. Shafer en est le directeur.A Bruxelles, les meilleurs
joueurs sont MM. Fétis, maître de chapelle du roi Léopold et
compositeur distingué ; le capitaine Muller et M. Michaels.
A Namur, M. Dizi, célèbre harpiste. En Hollande, il existe
plusieurs clubs d'échecs, parmi lesquels on distingue celui
d'Amsterdam. Berlin possède deux clubs d'échecs. Les plus forts
joueurs prussiens sont MM. le docteur Beledow, Mendheim,
Mayet, Hanstein, et le capitaine Kayser de Sarbruck. Ham
bourg a aussi une société d'amateurs bien constituée ; cette
- 233 -
réunion a joué, par correspondance, il y a peu de temps, avec
Berlin, et a gagné; ses plus forts joueurs sont MM. Schmei
chel, John et Poper. AVienne, les amateurs d'échecs se réu
nissent au café d'Argent; depuis la mort d'Allgaier, cette
ville n'a aucun joueur que l'on puisse citer. A Francfort,
M. Erhman, élève des maîtres de la Régence; à Brunswick,
l'on cite M. Silberschmid comme un fort bon joueur, nous avons
vu plusieurs coups de lui qui sont fort ingénieux. Les habi
tants du village de Stroebeck ont aussiquelquesjoueurs assez
redoutables.
Voici les meilleurs ouvrages qui ontparu en Hollande et en
Allemagne.
Nouvel essai sur le jeu des échecs, avec des réflexions mili
taires, par Stein. La Haye, 1789. Ce livre offre peu d'intérêt,
- quoique son auteur ait eu quelque réputation en Allemagne.
La supériorité aux échecs mise à laportée de tout le monde et
particulièrement des dames. La Haye, 1792. L'auteur de cet
ouvrage ne nous a nullement paru posséder lui-même cette su
périorité qu'il prétend mettre à la portée de tout le monde.
Le jeu des échecs ou le jeu des rois, par Gustave Selenus.
Leipsig, 1616. Ce traité est l'ouvrage d'un duc de Brunswick.
Il renferme plusieurs choses curieuses.
Nouvelle théorie pratique du jeu des échecs, par Allgaier.
Vienne, 181 1. L'auteur de cette théorie a été long-temps le plus
fort joueur d'Allemagne. Son livre contient un bon travail sur
un gambit que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de gambit
d'Allgaier.
Code des échecs,par Koch. 1813, Magdebourg. C'est une vo
lumineuse compilation assezbien faite de tout ce qui a paru sur
ce jeu.
Benoni, petit ouvrage de M. Reinganum où l'on rencontre
quelques jolis gambits.
Anastasia, traduction de l'anonyme de Modène.
Instructions pour apprendre le jeu des échecs, par Mauvillon.
Essen, 1827. Cet ouvrage renferme plusieurs choses fort inté
I'eS8ante8,

* Nouveaux mystères du jeu des échecs, par Silberschmid.


Brunswick, 1829.
En Pologne et en Russie, le jeu des échecs est assez goûté.
L'un des plus forts joueurs de Pologne est M. le comte I. So
- 234 -
banski. Le meilleur joueur de Russie est M. Petroff, auteur d'un
ouvrage dans le genre de celui de Koch. Viennent ensuite
MM. le baron Schilling, le baron Pogogef, le prince Mystersky,
le prince Labanof, amateurs distingués. -
En Italie, terre classique de la peinture et de la poésie, l'étude
des échecs a été poussée très loin. Dès le XVe siècle, l'académie
des échecs de Naples fut célèbre dans toute l'Europe. Des che
valiers errants, sortis de son sein, allaient de pays enpays défier
à des combats singuliers tous les joueurs ayant quelque réputa
tion. Ce fut l'un d'eux qui vainquit le champion espagnol Ruy
Lopez dans un combat public, en présence de Philippe II et de
sa cour. Il n'est pas étonnant que les méridionaux aient excellé
dans un jeu qui demande autant de calcul que de perspicacité.
L'Italie de nos jours renferme encore plusieurs joueurs fort distin
gués. Nous citerons d'abord MM. Calvi, Robello et Lavagnino,
qui habitent Paris, et que nous sommes mieux à même de juger.
A ces noms nous ajouterons, d'abord à Modène,patrie du célèbre
anonyme, MM. Bianchi et G.-B. Borsari; mais, nous nous per
mettrons d'adresser un reproche à ce dernier : il est, dit-on, en
possession de manuscrits sur le jeu écrits par Ercole del Rio, son
ami et son maître ; tous les vrais amateurs lui en demandent la
publication ; à Naples, le prince de Cimilile ; à Rome, le cheva
lier de Cicolini ; à Ferrare, M. Léati. L'Italie possède beaucoup
de bons ouvrages sur le jeu ; en voici quelques-uns : -
Livre dans lequel on enseigne à jouer aux échecs , par
H. Gianutio. Turin, 1597.Cet ancien traité renferme plusieurs
jolis coups.
Traité de l'invention et de l'art libéral des échecs, par A.
Salvio. Naples, 16o4. C'est un des plus anciens et des meilleurs
livres sur le jeu qui aient été publiés.
Traité du noble et militaire exercice des échecs,par G. Gre
co, dit le Calabrois, 161 o. Bon traité renfermant une foule de
coups et de débuts ingénieux; il a été traduit dans presque toutes
les langues. - -
Du jeu des échecs, par P. Carrera, 1617. Cet ouvrage est
assez remarquable : il contient de bons préceptes, quelques re
cherches curieuses sur l'origine dujeu, et la manière d'appren
dre à jouer sans voir l'échiquier.
Le jeu des échecs, ou nouveau plan d'attaque et de défense,
-- 235 --
par le comte C. Cozio. Turin, 1766. Assez bon livre, quoique la
matière y soit un peu trop délayée.
Les campements des échecs, ou nouvelle discipline de l'attaque
et de la défense, par F. Piacenza. Turin, 1683. Livre assez cu
rieux pour les recherches sur l'origine du jeu et l'ancienne ma
nière de le pratiquer.
Observations pratiques sur le jeu des échecs, par l'anonyme de
Modène. Modène, 175o. C'est un exellent ouvrage, où l'attaque
et la défense sont parfaitement analysés. L'auteur a du être
d'une force tout-à-fait supérieure.Son nom est Ercole del Rio ;
c'était un magistrat de la ville de Modène.
Le jeu incomparable des échecs, par D. Ponziani, Modène,
1769. Ce traité est fort bien fait, et l'on pense que l'anonyme de
Modène, ami de l'auteur, y a travaillé.
Observations théoriques et pratiques sur le jeu des échecs,
1 vol. in-4°, Bologne, 1763,par G. Lolli.Volumineux commen
taire du livre de l'anonyme de Modène, assez bon ouvrage.
Deux poètes italiens ont chanté les échecs, Vida, évêque
d'Albe, et Ducchi.
L'Espagne, jadis si célèbre par ses richesses et sa puissamce, est
*tombée de nos jours dans la classe des états de second ordre ; li
vrée à un jeu plus sérieux, comme don 3uan d'Autriche, elle
joue aux échecs avec des hommes.Ses Alberoni, Fernand Cor
tez, ne sont plus ; l'école de Murillo compte à peine quelques
élèves ; la génération des Cervantes, Lopez de Vega, Calderon,
a disparu. Les échecs ont partagé le déclin général : on compte
peu d'amateurs d'échecs en Espagne. Voici quelques noms qni
sont parvenus jusqu'à nous : MM. le général Vigo, le duc de
Frias, Santa-Maria, Hernandez. Le meilleur ouvrage espagnol
sur le jeu est fort ancien ; il a pour titre : Livre de l'invention
libérale du jeu des échecs, par Ruy Lopez de Sigura, ecclésias
tique. Alcala, 1551. En Portugal, les échecs sont peu pratiqués
aujourd'hui. C'est dans ce pays qu'a paru le plus ancien traité
des échecs proprement dits, il est de 151o; le nom de son auteur
est Damiano. Ce livre est fort intéressant, et a beaucoup servi
au Calabrois, à Carrera et autres écrivains.
Dans un prochain article, nous rendrons compte de l'état ac
tuel des échecs dans l'Orient et dans l'Inde.
-- - 236 -

SARRASIN.

J.-F. Sarrasin, poète et littérateur du XVIIe siècle, a publié


dans ses œuvres, sous la forme d'une lettre, ses Opinions du nom
et du jeu des échecs. Cette lettre est adressée à M. d'Arnaud,
maréchal-de-camp, colonel-général des carabiniers et l'un des
plus forts joueurs d'échecs du siècle de Louis XIV.
Cette lettre, que peu de personnes connaissent, nous ayant
paru pleine d'érudition et d'esprit, nous la reproduisons ici.
« C'est une chose assez nouvelle, que vous qui faites quitter
l'échiquier à M. de Chaumont, me demandiez d'où vient le nom
des échecs, et que je me mêle de vous l'enseigner, moi qui ne
sais à peine que Pedina, piglia, pedina. Il faut pourtant que je
le fasse, puisque vous le voulez et que je vous l'ai promis ; si
vous saviez combien il y a d'épines de grammaire à traverser,
combien il faut tirer d'étymologies, combien il faut essuyer de
citations et de termes étrangers, je pense que vous n'auriez
plus cette curiosité, et que vous me quitteriez de ma parole. Si
la migraine vous en vient, nevous en prenez qu'à vous-même,
car je vous confesse que je ne suis pas assez adroit pour faire
parler à l'université le langage de la cour, ni pour dépayser la
doctrine qui consiste aux mots. Ce qui pourtant me rend plus
hardi à vous envoyer ces mots, c'est que leur recherche a fait le
travail des savants du siècle, et que j'ai appris d'eux ce que je
vais vous écrire dujeu des échecs. Le révérend père Sirmond,
que vous avezvu auprès du feu roi, qui est le plus vieux et le
plus docte des jésuites, croit que ce jeu et celui que les Ro
mains appelaient des larrons ou des larronneaux, pour ne pas
dire des latruncules, ne sont qu'une même chose ; il prétend
même que le mot d'échec est venu de celui de larron, et que ce
dernier étant passé des Latins aux peuples du septentrion dans
la décadence de l'empire, ceux-ci en ont exprimé la significa
tion en leur langue, car scach, chez eux,signifie larcin. Qu'ainsi
ne soit, il y a un titre dans les lois des Lombards qui est inti
tulé, du larcin ou du scach, où la coutume permet que si ce
scach passe six écus, on puisse entrer en champ clos pour en re
- 237 -
chercher la vérité. Vous trouverez de plus un serment dans les
capitulaires de Charles-le-Chauve où le mot de larron est joint
à celui de scachator, sous une même signification; ainsi donc du
mot de scach, les Italiens ont fait scacchi, et nous avons fait
échecs selon notre coutume qui met un e devant les mots qui
commencent par une s, car nous disons esprit, étude, épée,
Espagne et ainsi des autres mots, quoique nous nous soyons
heureusement défaits d'estatue et d'estupide, que les Provençaux
retiennent encore. Or, Leunclavius a bien cru que nos échecs
étaient des larrons, mais il n'a pas estimé que ce fussent les Ro
mains : au contraire, il a été chercher une nation décriée pour
ses brigandages, afin d'en dériver leur nom. Il en parle de cette
sorte dans ses pandectes de l'histoire turquesque : Le nom de
turcomans, dit-il, n'était pas alors moins infime que l'est aujour
d'hui celui de ces voleurs que nous appelons Uscoques, d'où le mot
de nos échecs est venu. La pensée peut être bonne, mais sa
preuve ne l'est pas, et si l'on tirait ainsi les noms, on pourrait
soutenir qu'escroc vient de croate; mais en cela il ne faut pas
avoir plus de foi pour les Croates que pour les Uscoques, vu
même que ceux-ci sont des peuples modernes de plus nouvelle
création que les échecs, que le grand Scaliger croit avoir été du
temps du poète Lucilius,pendant la fleur de la république, et
beaucoup d'années devant la domination des Césars. Mais que
direz-vous de M. de Saumaise quiprétend que du mot de cal
cul s'est fait celui de scaccho ? Que direz-vous de Joseph Scali
ger qui est de cette même opinion ? Ces savants voient des choses
dans les livres, dont les médiocrement doctes ne se doutentpas.
J'en sais pourtant le secret, et si vous voulez souffrir un peu de
critique, je vous l'aurai bientôt découvert. Les Latins pour cal
culus disaient calclus, et en mettant une s devant, scalclus; ainsi
pour phalange, vous lisez sphalange dans Vegèce, et dans les
auteurs de la basse latinité : pour quadrons, squadrons, et pour
quadres, squadres, qui font avec notre e préposé, des escadrons
et des escadres. Les Italiens, qui ont pris ce mot de scalclus des
Latins, changent et amollissent d'ordinaire la lettre l, en la let
tre i, pour clarus,ils disent chiaro, et sur ce sujet il vous peut
souvenir du roi Clarion, qui fut tué devant la roque d'Albraque,
et que le boiardo appelle il re chiarione, ainsi donc facilement
de scalclus s'est fait scaccius : et enfin scaccho, selon la terminai
son moderne, c'est là tout le mystère : or, le mot de scaccius et
- 238 -
celui de scach étant le même, ce serait toujours en revenir à
l'opinion du père Sirmond, si ce n'est que ce révérend père
pense, comme vous avez vu, que le mot de scach est allemand,
au lieu que M. de Saumaise veut qu'il soit latin , et que les an
ciens Lombards et les vieux peuples de Germanie l'aient pris
des Italiens : toujours est-il vrai que le jeu des calculs ou des
marques était le même que celui des larronneaux, car il en faut
croire Ovide qui en parle de cette façon :
Sive latrocinii sub imagine calculus ibit.
Et Lucain encore, qui, dans le panégyrique qu'il adresse à
Pison, emploie le mot de calcul pour désigner ces petits larrons
qui se dérobent l'un l'autre.
Les Romains aimaient sur tous les jeux celui-ci qui leur re
présentait la guerre, et pour ce sujet ils avaient donné à leurs
pièces le nom de soldats ; car non-seulement en notre pro
verbe, mais encore au langage de la république , qui dit sol
dat dit larron. Le bon homme Ennius l'entend ainsi dans ce
ver8 :

Hæc effatus, ubi latrones dicta facessunt.


Et le soldatglorieux de Plaute se vante que le roi Seleucus l'a
très-humblement supplié de lui enrôler des larrons, et d'en hâ
ter la levée.

Nam rex Seleucus me opere oravit maximo


Ut sibi latrones cogerem et conscriberem.
En un autre endroit un homme qui a fait dix campagnes, les
appelle dix années de brigandage.
Qui regi latrocinatus decem annos Demetrio.
Et vous n'oseriez vous offenser en bonne latinité, si, voulant dire
que les gens qui vont à la guerre croient que tout leur est per
mis, je vous parlais ainsi :
Nam quia latrocinamini, arbitramini
Quidvis licere facere vobis.
Je sais bien que Varron, le plus docte des Romains, a estimé que
latro ne signifiait au commencement qu'un garde-du-corps, ou
- 239 --
un soldat qui ne s'éloigne pas du côté du prince, et il peut être
que ce mot a été depuis pris en mauvaise part. aussi bien que
celui de brigand, qui aussi au commencement ne voulait dire
qu'un archer. Mais avec cet autre sens nous trouverons encore
notre compte, car autrefois, lorsqu'on jouait avec des échecs
figurés, comme le sont ceux de l'empereur Charlemagne qu'on
garde encore dans le trésor de Saint-Denis, ces gardes et ces ar
chers étaient près des rois ; Hieronimo Vidas dans son poème du
jeu des échecs les place en ce lieu, et dit que les Grecs les nom
ment areiphiles, c'est-à-dire amis de Mars. .
, Mais aujourd'hui ces deux braves ne paraissent plus, parce
que la cour du roi des échecs s'est aussi bien corrompue que la
cour des autres princes, et que, comme dit Regnier :
Les fous sont aux échecs les plus proches des rois.
Vous avez donc des soldats au lieu d'échecs : mais de bons sol
dats propres à toutes les factions, et capables de vaincre ou par
la force ou par l'adresse. Martial les tient excellents pour les
stratagèmes, et les traite de gens qui sont en embuscade.
Insidiosorum si ludis bella latronum. .

Et le commentateur Donat écrit sur l'eunuque de Terence, que


Pyrrhus, le prince de son siècle le mieux entendu à mettre des
gens en bataille, se servait des soldats des échecs pour former
ses desseins, et pour en montrer le secret aux autres. Ainsi
donc, toutes les fois que vous vous approcherez du tablier, et
que vous rangerez vos pièces, vous pourrez vous glorifier de cet
endroit du comique : . -

Idem hoc jam Pyrrhus factitavit.


Mais afin que vous ne pensiez pas que cette guerre ait été sans
triomphe, et qu'elle n'ait pas eu les honneurs de l'autre, je vous
avertis qu'on a appelé un des empereurs romains Auguste,
parce qu'il avait gagné aux échecs dix parties de suite, c'est
Vopisque qui l'écrit dans la vie de Proculus.Ce prince, dit-il,
après un fameux festin, s'étant misàjouer aux larrons, et ayant
été dix fois empereur, un grand diseur de bons mots qui se trouva
présent le salua du nom d'Auguste, puis ayant fait apporter une
veste de pourpre, lui en couvrit les épaules. Si l'on faisait au
- 24o -
jourd'hui les monarques de cette sorte, nous vous verrions bien
tôt sur le trône, et je ne sache pas d'homme qui osât ranger ses
échecs en bataillepour vous disputer le sceptre. En voulez-vous
davantage ?Le poète Lucilius trouve encore dans cejeu l'image
d'un combat naval,et pense qu'on se peut figurer que l'échiquier
est un canal, et les pièces autant de navires.
Naumachiam licet hæc, alveolùmque putare,
Calces delectes te, hilo non rectius vivas.

Mais par malheur ce dernier vers gâte tout, et comme vous


voyez, pour être excellentjoueur d'échecs, le vieux satirique
n'estime pas qu'on en soitplus homme de bien. Il y a encore un
autre malheur plus grand, et auquel vous ne vous attendez pas ;
tous ces triomphes, toutes ces victoires ettoute cette guerre dont
nous venons de parler, sont des choses qui ne regardent pas les
échecs, au moins si nous en croyons M. Guyet, que je tiens de
la force de Servius, et que vous avez connu chez M. le cardinal
de la Valette; cet homme ne pense pas que les Romains ni les
Grecs aient jamais joué aux échecs, et pour le passage de Lu
cain qu'on prétend entendre ce jeu, il l'explique de celui des
merelles : si cela est vrai, voilà bien des savants trompés, bien
du latin de perdu, et les illustres de Plutarque privés d'un grand
divertissement. Pour les merelles, M. Guyet a tort; car Ovide
les décrit de la sorte que nous les jouons encore.
Parva tabella capit ternos utrinque lapillos
In queis vicisse est continuasse suos.
C'est dans son Art d'aimer, où il met ce jeu parmi les bonnes
qualités des filies ; aujourd'hui ce ne serait pas un grand charme,
etje ne vois guère de nos dames qui se voulussent piquer d'y
réussir; mais pour le passage de Lucain, il décrit de sorte le jeu
des larrons, qu'il semble que M. Guyet a raison de croire qu'on
ne le peut pas rapporter entièrement au jeu des échecs. Et pour
moi, je pense qu'on l'expliquerait mieux de celuides dames pous
sées, que les Romains appelaient le jeu des vingt-quatre scru
pules, qui est le nombre des dames que nous mettons sur l'échi
quier. Car il n'y a rien qui n'ait beaucoup de rapport, et de plus,
scrupule signifie la même chose que calcul, dont nous avons tant
parlé, c'est-à-dire une petite pierre ou marque; mais pour le
- 24r - - - - -
rapporter aux échecs, il faudrait que nous fussions devenus huit
fois plus scrupuleux que les anciens, puisqu'au lieu de leurs
vingt-quatre marques, nous en voulons trente-deux; ilfaudrait
que ce jeu fût bien changé depuis ce temps-là, où il ne se par
lait ni de roi ni de roc, où toutes les pièces n'avaientpoint de
démarches particulières, où elles s'appelaient généralement lar
rons, parce qu'elles se prenaient également les unes les autres,
comme font aujourd'hui nos dames.Cela étant, il ne serait, ce
me semble,guère à propos de rechercher l'étymologie d'un jeu
chez des peuples qui peut être ne l'ont jamais joué, ni d'en faire
venir le nom d'une langue où il n'a point été connu. Nous ne
trouverons aussipas davantage de certitude en grec, quoique
cette nation se vante d'avoirinventé le jeu des échecs, quelques
auteurs ayant écrit que Palamède le composa pour empêcher
que les Grecs ne s'ennuyassent au siége de Troie, et que pour
marque de son invention il dédia ses échecs au temple de la For
tune. Ce stratagème m'en remet en mémoire un que j'ai lu dans
Plutarque, qui est qu'un capitaine assiégé, afin d'obliger ses
soldats à garder les murailles qu'ils abandonnaient, établit à
chaque tour des cabarets et des courtisanes. Or, quant à ces
stratagèmes, il credere è di cortesia, et ce sont historiettes qui
n'ont ni preuve ni autorité. Retournant à nos échecs, vous serez
bien étonné si je vous dis qu'il faut aller jusqu'aux Indes pour
en découvrir l'origine, et qu'à mon avis elle nous vient
Des riches bords du Gange, et des lieux où l'aurore
Brûle de ses rayons le rivage du Maure.
Elle n'en vient pourtant pas, comme HiéronymoVidas se l'ima
gine dans l'agréable poème qu'il a composé de ce jeu, où il dit
que l'Océan, qui de tout temps l'avait joué sous l'onde avec les
nymphes marines, l'apprit la première fois aux dieux célestes,
lorsqu'ils assistèrent aux cérémonies des noces qu'il célébrait
avec la Terre chez les bons Ethiopiens ; que depuis ce temps-là
Jupiter ayant séduit Scaccide, une honnête nymphe d'Italie,
lui donna ce jeu pour la payer de ses faveurs , et que cette
nymphe, qui lui imposa son nom, l'enseigna ensuite aux mor
tels.Je ne m'arrêterai non plus à ce qu'en chante le cavalier
Marin, qui a traduit tous les vers de Vidas, quoiqu'il en ait un
peu changé invention ; si je vous connais bien, il vous faut
I9
- 242 -
quelque chose de plus solide, et vous n'êtes pas homme à croire
des fables : qui vous en voudrait conter?Voici donc de meilleure
monnaie que vous recevrez, s'il vous plaît, et que je tâcherai
de vous faire bonne. M. Bochard, que je tiens un des plus
savants hommes du monde, et dont l'opinion est aussi estimée
la plus probable par notre savant ami, M. Ménage, écrit dans
sa Géographie sacrée, que le nom de scach a toujours signifié roi
parmi les Persans. Chez Athénée, Ctésias, dans les Persiques,
parle d'une fête qui s'appelait Sacea , où les valets étaient vê
tus et commandaient comme des rois, et pendant laquelle il
y avait un trivelin, creduto principe. Dion Chrysostome se sou
vient aussi de cette fête, qu'il nomme des Sacques; mais au lieu
d'un esclave il couronne un criminel, et ajoute que,tant que
durait la solennité, ce criminel montait au trône des rois, por
tait leurs ornements , vivait avec délicatesse, et se servait des
plus belles du sérail. Encore aujourd'hui scha signifie roi, té
moin scha Abas, dont vous avez lu l'histoire :pour ce sujet les
Persans ont nommé et nomment encore aujourd'hui le jeu des
échecs schatrang, ou xatrang, qui vaut autant à dire que le jeu
des rois : de ce xatrang les Grecs modernes ont fait leur zatri
quion; les Arabes y ayant ajouté un accent, leur alxatrang, et
les Espagnols ayant amolli cet accent, axadres, qui est le nom
qu'ils donnent à leurs échecs, ce jeu étant venu des Persans
aux Arabes, et des Arabes aux Espagnols. Déjà, ce me semble,
cette preuve est assez claire ; on pourrait objecter seulement
qu'en matière d'étymologie, les mots sont comme les cloches à
qui l'on fait dire ce que l'on veut; mais si vous lisez ce qui suit,
je suis assuré que vous donnerez les mains. Il n'y a point de
doute que les peuples d'Orient ne soient les plus grands joueurs
d'échecs. Le Calabrais, que vous avez vu à Paris, et qui avait
cherché par tout le monde desgens qui lui pussent tenir tête,
n'en avaitpoint trouvé de si savants que les Levantins : La Sale,
cet autre qui gagnait de mémoire feu M. de Nemours, père de
M. de Nemours d'aujourd'hui, quoique ce prince fût un des
plus forts de notre cour, avouait la même chose. Les Espagnols,
qui,à ce qu'on dit,jouent à cheval par la campagne, et chez
qui des villes entières se font des défis d'échecs, disent franche
ment que les Maures en savent plus qu'eux. Dans l'histoire de
Florence, Piero Buoninsegni fait mention d'un Sarrasin nommé

Buzeca, qui, seul et en même temps, jouait à deux échiquiers


- 243. -
contre deux des meilleurs joueurs d'Italie, et enfin ,Tixeira,
auteur espagnol, admire les excellents joueurs de Perse : ce
qui fait voir que les maîtres en savent toujours plus que les éco
liers, et qu'on trouve plus parfaitement la science de ce jeu
lorsqu'on va vers les peuples qui l'ont inventé.Or, pour mon
trer clairement que ces peuples ont été les Indiens, que de chez
eux il est venu aux Persans, et que de là les Mahométans l'ont
appelé en Europe, nous n'avons qu'à lire ce même Tixeira, qui,
dans la chronique qu'il a faite des rois de Perse et d'Ormus,
nous en a laissé la preuve : il écrit donc qu'il a trouvé dans
Mijkond,un historien persan, que, sous le règne de Kesere
Anuxiron, que les Persans et les Arabes appellent Nusirrauvan,
et nos auteurs Cosroez, et qui tenait le sceptre de Perse vers
l'année 573, du temps que le fameux Avicenne florissait , il a
trouvé, dis-je, dans Mijkond qu'en ce temps-là on avait ap
porté en Perse deux excellents livres de philosophie et le jeu des
échecs, et que les Indiens avaient donné ce jeu aux Persans
pour leur représenter l'inconstance et le changement des choses
de cette vie et la guerre continuelle à laquelle on la voit sujette.
Depuis ce temps-là , ce jeu ayant eu grande vogue parmi cette
nation, les autres peuples qui l'ont reçu d'elle en ont aussi reçu
la même manière de jouer et les mêmes pièces : par exemple,
les Espagnols et les autres Européens occidentaux, dans l'appel
lation de leurs échecs, retiennent encore beaucoup de l'appella
tion persienne, ou, si le nom n'a pas de rapport, la signification
est toujours la même. Les Persans appellent leur principale
pièce scha ou xa , qui est notre roi, d'où est venu l'italien
scacco, et le mot d'échec parmi nous, et la seconde pièce, que ies
Espagnols nomment dame, et nous reine , est appelée chez eux
vuazir, comme si vous disiez la première après le monarque.
Notre tour que les Espagnols nomment delfil, est appelée par les
Persans fl, c'est-à-dire éléphant, et il peut vous souvenir de
ce que vous me disiez dernièrement, que les Anglais vous
avaient montré autrefois des échecs d'un de leurs rois, où vous
aviez remarqué que la pièce que nous appelons roc, étaitfigu
rée par un éléphant chargé d'une tour, ainsi qu'ils étaient ar
més lorsqu'on les menait en guerre, et telles que le Marin les
décrit en parlant du jeu des échecs,

Digran rocche onusti alti elephanti.


* - 244 -
et comme vous avez lu le roman de Quinte-Curce et l'histoire
d'Arrian ,vous ne pouvez ignorer quc les éléphants en guerre
ne nous soient venus des Indes , mais vous pouvez inférer plu
tôt que le jeu des échecs nous en est venu aussi. Quant au mot
de roc que nous avons fait du rocca des Italiens, et qui chez
eux signifie une tour ou une forteresse, M. Guyet , que je vous
ai tantôt allégué, m'a dit qu'il avait appris d'un homme reve
nant fraîchement de Perse, que ces peuples, dans leur jeu des
échecs, nommaient , comme les Européens, une de leurs pièces
roc, mais qu'elle signifiait un oiseau , qu'ils lui en donnaient la
figure , et que ce pouvait être ce prodigieux oiseau rouch que
l'on dépeint au bord des mappemondes , enlevant un éléphant
dans ses serres , comme un aigle fait un agneau. Pour le voya
geur, je le tiens homme de petite foi, etpour l'oiseau, je pense
que personne n'en a vu des plumes ; mais reprenant l'allusion
des noms européens et persans , et la conformité de la significa
tion des échecs, ce que les Castillans nomment cavallo, qui est
notre chevalier, les Persans l'appellent asp ou faraz, qui veut
dire la même chose ; notre pion, le péon d'Espagne, et la pedina
d'italie, est le peada de Perse, c'est-à-dire l'homme de pied; et
enfin le mot de xa persien, d'échec français, de xaque espagnol,
que l'on dit en jouant, et qui proprement ne signifie rien en
nos deux langues, semble, en persan, appelant le roi, l'avertir
qu'il se prenne garde ; car, comme vous savez, ce mot ne se dit
que lorsque le roi a besoin de songer à soi, et qu'il est en dan
ger de mort. Mais,pour décider entièrement toute la difficulté,
le scalh-mat, qui, en cette langue, signifie le roi est mort,
n'est-ce pas notre échec et mat ou le scacco-matto des Italiens,
ou le mate des Espagnols, l'âme et le nom de ce jeu ? Après cela
on n'a plus besoin de preuves, et aussi en voilà ce me semble
assez, si ce n'est que vous voulussiez que je misse ici le passage
de Tixeira ; mais comme ce serait une redite, je pense que
vousvous fiez à ma bonne foi. Ce jeu est originaire d'Orient ,
tout nous porte à le croire, et sur ce sujet il ne faut pas aussi
que j'oublie une particularité fort remarquable que M. Bochard
apporte au livre que je vous ai cité, et qu'il a prise du livre se
cond de l'histoire des Sarrasins : il dit donc que le calife Alamin
avait un si grand emportement pour les échecs, qu'un jour qu'il
y jouait avec Cuterus, quelqu'un étantvenu en hâte lui donner
avis que Badget, qui est Babylone, capitale de son empire, assié
- 245 -
gée par les ennemis, était réduite à l'extrémité,il le repoussa
avec ces paroles : Laisse-moi, me vois-tu pas bien que je vais
donner échec et mat à Cuterus ? Il me semble encore que j'ai lu
une pareille chose d'un de nos ducs de Normandie , la ville de
Rouen étant assiégée ; et ce fut peut-être sur ces exemples que
le feu roi d'Angleterre, Jacques, dans le livre qu'il avait com
posé pour le roi d'à présent , et qu'il avait intitulé le Don royal,
lui défendit le jeu des échecs. Pour moi qui ne le sais point, ce
n'estpas par là que je me console, mais par ce que ditMontaigne :
que ce jeu n'est pas assez jeu, et qu'il exerce trop sérieusement,
et puis , me trouvant naturellement bilieux, je ne pense pas
avoir grand besoin d'un divertissement que les Espagnols ne
pensent avoir été fait que para deflegmar un hombre. Et, en vé
rité,je ne pense pas aussi qu'on le puisse jouer sans colère, té
moin Renaud de Montauban qui, d'un coup d'échiquier, cassa
la têteà Charlot, neveu de l'empereur Charlemagne, tant que
la mort s'en ensuivit, et témoin encore ce qui arrivaà Gauvain,
neveu du roi Artus de la Grande-Bretagne, lequel, à ce que ra
conte le roman de la conquête du Saint-Graal, étant arrivé au
château du roi pêcheur, se mit à jouer contre des échecs qui
jouaient d'eux-mêmes, et les mal menaparce qu'ils le gagnèrent;
si vous ne m'en croyez, voici le vrai texte : Puis, voit l'échi
quier et les échecs assis au tablier d'or, les uns d'ivoire, les autres
d'or. Messire Gauvain trait celle part, et se prend à jouer, et
touche les échecs d'ivoire, et ceux d'or saillent contre lui sans que
nul n'y touche , si joua messire Gauvain par deux fois, et fut
matté : à la tierce,voulut sa revanche; mais quand il vit qu'il eut
le pire,il se leva et dépeça le jeu. Cependant je ne m'aperçois
pas que jevous matte vous-même à force de lire, et que je dois
craindre que vous ne traitiez mon papier comme messire Gau
vain fit les échecs du roi pêcheur. Pourtant je vous tiens à trop
meilleur chevalier, et trop plus courtois que lui, quoiqu'il fût
un des preux de la table ronde, et à tant vous suffise.
- 246 -

GAMIBI* * DU ROI.

Nous avons déjà donné une idée de ce joli début dans le nu


méro précédent, nous allons continuer à l'examiner avec ses
variantes.
Les deux parties que l'on verra à la fin ont été jouées entre
M. Macdonell et le gérant du Palamède; ce dernier avait les
biancs.

premier bébut.
BLANCS. NOIRS,
1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
- 2 Le P du F du R 2 c. 2 Le Pprend le P.
3 Le F du R à la 4 c. du Fde la D. | 3 La D donne échec.
4 Le R à la c. de son F. 4 Le P du C du R 2 c.
5 Le C du R à la 3 c. de son F. 5 La D à la 4 c. de la T du R (a).
6 Le P de la T du R 2 c. 6 Le F du R à la 2 c. de son C.
7 Le P de la D 2 c. 7 Le P de la D une c.
8 Le C de la D à la 3 c. de son F. | 8 Le P de la T du R une c.
9 Le C de la D à la 5 c. de sa D. | 9 Le R à la c. de sa D (b).
1o Le F du R à la 2 c. de son R. 1o La D à la 3 c. de son C du R.
1 1 Le P du R une c. r 1 Le P du F de la D une c.
12 Le F du R à la 3 c. de sa D. 12 Le F de la D à la 4 c. du F du R.
13 Le P de la T du R une c. 13 La D à la 3 c. de son R.
14 Le C de la D à la 3 c. de son F. | 14 Le P de la D une c.
Ce début a été joué très-régulièrement de part et d'autre; les noirs ont tou
jours conservé leur pion et une bonne position.
vARIANTE AU 7° coUP.
7 Le C de la D à la 3 c. de son F. | 7 Le P de la T du R une c.
8 Le P de la D 2 c. 8 Le P de la D une c.
9 Le P du R une c. 9 Le P de la D prend le P du R.
1o Le C de la D à la 5 c. de sa D. 1o Le R à la c. de sa D.
11 Le P de la D prend le P. 1 1 Le F de la D à la 2 c. de sa D.
12 Le R à la c. de son C. 12 La D à la 3 c. du C du R.

(a) C'est la meilleure place pour retirer sa dame.


(b) Coup forcé.
- 247 -
BLANCS. NOIRS .

13 Le P de la T prend le P. 13 Le P de la T prend le P.
14 La T prend la T. 14 Le F prend la T.
15 La D à la c. du R. 15 Le F du R à la 2 c. de son C (a).
Les noirs ont toujours leur pion et beau jeu.
Deuxième Nébut.

1 Le P du R 2 c. I Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le Fdu R à la 4 c. du F de la D. 3 La D donne échec.
4 Le R à la c. de son F. 4 Le P du C du R 2 c.
5 Le C du R à la 3 c. de son F. 5 La D à la 4 c. de laT du R.
6 Le P de la D 2 c. 6 Le P de la D une c.
7 Le P du F de laDune c. 7 Le F de la D à la 5 c. du C du R.
8 Le R à la 2 c. de son F. 8 Le C du R à la 3 c. de son F.
9 La D à la 2 c. de son R. 9 Le C de la D à la 2 c. de la D.
1o Le P de la T du R 2 c. 1o Le F de la D prend le C.
1 1 La D prend le F. 1 1 Le P du C du R une c. (b).
12 La D prend le P du F du R. 12 Le P du C du R une c. Échec.
13 Le R prend le P(c). 13 La T à la c. du C du R. Échec(d).
14 Le R à la 3 c. de sa T. 14 La T du R à la 5 c. de son C.
Les noirs ont beau jeu.
PREMIÈRE PARTIE.

NOIRS. BLANCS .

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 3 La D donne échec.

(a) Siles noirs ne jouaient pas ce coup, ils pourraient perdre un pion, car sup
posons qu'au lieu de jouer le F du R à la 2° case de son C. ils sortent le C de la D à la
3° case de son F, les blancs prendraient alors le P du gambit avec leur C, puis, en
donnant l'échec de leur D à la 4" case de la T du R, ils regagneraient leur pièce
avec une bonne position.
(b) Au lieu de ce coup, Philidor fait échanger les dames, puis le roi des blancs,
qui a pris la dame adverse, se porte au milieu du jeu, où il ne risque plus d'être
inquiété; et il gagne la partie. Les noirs, en sacrifiant deux pions, ont une bonne
attaque.
(c) si les blancs, au lieu de prendrejouaient le R à sa case, les noirs devraient
roquer et ils auraient très-beau jeu.
(d) Les noirs pouvaient aussi, au lieu de donner l'échec de la tour, jouer leur
fou du R à la 3° case de la T du R, Si les blancs avaient pris le fou, ils auraient été
mat ou auraient perdu la dame.
– 248 -
BLANCS.

4 Le R à la c. de son F. 4 Le P de la D une c.
5 Le P de la D 2 c. 5 Le F de la D à la 5 c. du C du R.
6 La D à sa 3 c. 6 Le C de la D à la 3 c. de son F.
7 Le F du R prend le P échec (a). 7 Le R prend le F.
8 La D à la 3 c. de son C. Échec. 8 Le R à la 3 c. de son C.
9 La D prend le pion du C. 9 Le C de la D prend le P.
1o La D prend la T. 1o Le C du R à la 3 c. de son F.
1 1 Le C de la D à la 3 c. de sa T. 1 1 Le P du F du R une c.
12 Le P du C du R une c. 12 Le F de la D donne échec.
13 Le R à sa c. 13 La D à la 5 c. du C du R.
14 Le F de la D à la 3 c. de son R. 14 Le P de la D une c.(b).
15 La D prend le P de la T. 15 Le C de la D à la 3 c. de son F.
16 La Dprend le P du F de la D. 16 Le P de la D une c.
17 Le F de la D à la 2 c. de sa D(c). 17 La D prend le P du R. Échec.
18 Le R à la c. desa D. 18 Le P du F du R une c.
19 Le C du R prend le F. 19 La D à la 6 c. du Fdu R. Échec.
2o Le R à la c. du F desa D. 2o La D prend la T et fait mat.

DEUxIÈME PARTIE.

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prendle P.
3 Le Fdu R à la 4 c. du F de laD. 3 La D donne échec.
4 Le R à la c. de son F. 4 Le P du C du R 2 c.
5 Le C de la D à la 3 c. de son F. 5 Le F du R à la 2 c. de son C.
6 Le P de la D 2 c. 6 Le P de la D une c.
7 Le C de la D à la 5 c. de sa D. 7 Le R à la c. de sa D.
8 Le F du R à la 2 c. de son R (d). 8 Le C du R à la 3 c. de son F.
9 Le C de la D prend le C. 9 Le F prend le C.
1 o Le P du R une c. 1o Le F à la 2 c. de son R.
1 1 La D à sa 3 c. 1 1 Le C de la D à la 3 c. de son F.
12 Le P du F de la D une c. 12 Le F de la D à la 2 c. de sa D.
13 Le P du C du R une c. r 3 La D à la 3 c. de sa T.
14 Le P du R prend le P. 14 Le F du R prend le P.
15 Le P de la T du R 2 c. 15 Le P du C du Rune c. (e).

(a) Ce coup n'est pas aussi bon qu'il le paraît au premier abord, à cause de la
mauvaise position de la D.
(b) Menaçant de prendre la D.
(c) Le F à la 2e case du F du R était meilleur.
(d) Pour gêner la retraite de la D.
(e) Coup bien joué; il retarde la sortie du C du R de l'adversaire.

-
– 249 -
NOIRS. BLANCS.

n6 Le F du R à la c. de sa D (a). 16 La D à la 3 c. de son F du R.
17 Le R à sa c. 17 La D à la 2 c. de son R. Échec.
18 Le R à la 2 c. de son F. 18 La T du R à la c. de son R (b).
19 Le P du C du R prend le P. 19 La D à la8c. de son R. Échec.
2o Le R à la 2 c. de son C. 2o La Dà la 5 c. deson R. Échec.
21 La D prend la D. 21 La T prend la D.
22 Le F du Rà la 2 c. de son F de la D. 22 La T à la c.de son R.
23 Le F du R prend le P. 23 Le F de laD à la 3 c. de son R.
24 Le R à la 3 c. de sonC. 24 Le F de la Dà la 4. c. de sa D.
25 La T du R à sa 2 c. 25 La T à la 8 c. deson R.
26 Le C du R à la 2 c. de son R. 26 Le F de la D à sa 5 c.
27 Le P de la D une c. (c). 27 Le C à la2 c. de son R.
28 Le C à la 4 c. de sa D. 28 Le C prend le P.
29 Le P de la T du R une c. 29 LaTduR à la8c. de son C. Éch.(d).
3o Le R à la 2 c. de son F. 3o LaTà la8c. de son F du R. Éch.
31 Le R à la 3 c. de son C. 31 Le C prend le P du F du R.
32 Le R prend le P. 32 Le R à la 2 c. de sa D.
33 Le P du C de la D une c. (e). 33 Le Fdela Dà la3 c. desonR. Éch.
34 Le C prend le F. 34 Le C prend le C.
35 La T du R à la 2 c. de son R. 35 La T de la Dà la c. de la T du R.
36 Le F du R à la 4 c. de son R. 36 La T de la D. Échec.
37 Le R à la 4 c. de sa T. 37 La T du R prend le F.
38 La T prend la T. 38 Le FduR à la 6 case deson C.Éch
39 Le R à la 3 c. de sa T. 39 Le C donne échec et mat.

(a) Pour le coup suivant, dégager son C.


(b) Prendre le pion par échec eût été meilleur.
(c) Seul moyen de sauver le C.
(d) Les blancs, en prenant le fou de la reine avec leur tour, puis le pion du fou
du roi avec leur fou, auraient pu gagner une pièce, ils ont espéré mieux et ne se
sont pas trompés.
(e) Pour dégager le fou de la D.
- 25o -

DÉFI DE M. SAINT-AMANT
E"* DE MI, GEORGE VVALKER,

M. St-Amant nous a parlé dernièrement dans un charmant


article de son voyageà Londres et des succès qu'il avait obtenus
dans cette capitale de l'Angleterre, où il avait joué aux échecs
avec les plus forts joueurs des clubs de Londres et de Westmins
ter. Le défi le plus important que notre compatriote a eu à sou
tenir a été celui de M. G. Walker. Ce défi se composait de neuf
parties. L'une a été remise; M. St-Amant en agagné cinq et per
dutrois. Notre correspondant de Londres, qui a l'extrême obli
geance de nous envoyer ces intéressantes parties, nous fait ob
server que M. G. Walker en a gagné trois dans les quatre der
nières qui ont été jouées, et qu'il faut au moins vingt-cinqpar
ties entre deux bons joueurs pour déterminer d'une manière
certaine leur force respective.
Nous offrons ici à nos lecteurs quatre des parties jouées entre
M. St-Amant et M. G. Walker; nous nous sommes permis d'y
joindre quelques notes.
Dans les parties qui suivent, M. St-Amant avait les blancs.
PREMIÈRE PARTIE.

BLANCS. - · NOIRS.
1 Le P du F du R 2 c. 1 Le P de la D 2 c.
2 Le C du R à la 3 c. de son F. 2 Le P du R une c.
3 Le P de la D 2 c. 3 Le C du R à la 5 c. de son F.
4 Le P du F de la D 2 c. 4 Le P prend le P(a).
5 Le C de la D à la 3 c. de son F. l 5 Le F du R à la 5 c. du C de sa D.
6 Le P du R une c. 6 Le C de la D à la 3 c. de son F.
7 Le F du R prend le P. 7 Le C du R à la 4 c. de sa D.
8 La D à sa 3 c. 8 Le C de la D à la 4 c, de sa T.
9 Le R roque. 9 Le C prend le F.

(a) C'est mal joué de prendre ce pion, qu'on ne peut défendre et que votre ad
versaire reprend en sortant une pièce.
- 251 -
RLANCS, NOIRS,

1 o La D prend le C. 1o Le F du R prend le C (a).


u 1 Le P prend le F. 11 Le R roque.
12 Le P du R une c. 12 Le C du R à la 3 c. du C de la D.
13 La D à sa 3 c. 13 Le F de la D à la2 c. de la D.
14 Le F de la D à la 3 c. de sa T. 14 La T à la c. de son R.
n 5 La T de la D à la c. de la D. 15 Le P du F du R 2 c.
16 Le P prend le P. 16 Le P prend le P.
17 Le C a la 5 c. de son R(b). 17 La D à la 3 c. du F du R.
18 Le F de la D à sa 5 c. 18 Le F de la D à la 3 c. du R.
19 Le P du F de la D une c. 19 La T de la D à la c. de sa D.
2o Le P de la D une c. 2o LeP du F de la D une c. (c).
21 Le P de la D une c. 2 1 Le P du C du R 2 c.
22 Le F à la 4 c. de la D (d). 22 La D à la 3 c. de la T du R.
23 Le P prend le P. 23 La D prend le P.
24 La T du R à la 3 c. de son F. 24 Le P du Fdu R une c.
25 La T de la D à la c. du F du R. 25 La T à la c. du F du R.
26 La D à la 4c. du R. 26 Le C prend le P.
27 Le C prend le C. 27 Le F prend le C.
28 Le P de la T du R 2 c. (e). 28 Le F à la 4 c. de sa D.
29 La D à la 7 c. du R. 29 La D à la 3 c. du C du R.
3o Le P de la T du R une c. 3o La D à la3 c. de la T du R.
31 La T prend le P. 31 La T prend la T.
32 La D prend la T. Échec. 32 La T couvre.
33 La Tprend la T. Échec. 33 La D prend la T.
34 Le R à la2 c. de son F.
34 La Dà la 5c. du Cdu R. Échec (f).
35 La D à la 6 c. du F du R. Échec. 35 Le R à la c. de son C.

36 Le P de la D une c,
Les noirs abandonnent la partie.

(a) En prenant le cavalier, les noirs portent les pions de leur adversaire au centre.
(b) Bien joué et excellente position pour le cavalier.
(c) Maljoué, car cela permet aux blancs d'avoir un pion passé.
- - -
(d) Les noirs ne peuvent prendre le pion sans perdre une pièce ou l'échange;- ils
:
sont en outré expesés à une découverte sur la dame.
(e) Coup très-bien joué, il vaut mieux que de porter sa dame à la 7° case du roi.
Si les noirs prenaient ce pion, les blancs gagneraient tout de suite, soit en portant
leur dame à la 5° case du roi, soit en attaquant la dame avec leur tour.
(f) Très-bien joué. Si les noirs, au coup suivant, retiraient le roi à sa case, les
blancs, en poussant le pion de la D un pas, gagneraient la dame.
- 252 -

DEUxIÈME PARTIE.

NOIRS. BLANCS.

1 Le P de la D 2 c. Le P du F du R 2 c.
2 Le P du F de la D 2 c. Le C du Rà la 3 c. de son F.
3 Le C de la D à la 3 c. de son F. Le P de la D une c.(a).
4 Le C du Rà la3 c. de son F. Le P du R une c.
5 Le P du R une c.(b). Le F du R à la 2 c. du R.
6 Le F du R à la 3 c. de sa D. Le R roque.
7 Le R roque. Le P du F de la D une c.
8 Le F du R à la 2 c. du F de la D. Le P de la D une c.
9 Le P prend le P. Q Le P du F de la D prend le P.
1o Le F de la D à la 2 c. de la D. 1o Le C de la D à la 3 c. deson F.
11 La D à la 2 c. du R. 1 1 Le P de la T de la Dune c.
12 Le P de la T de la D une c. 12 Le F du R à la 3 c. de sa D.
13 Le P du C de la D 2 c. n3 Le C du R à la 5 c. du R.
14 Le P du C de la D une c. 14 Le C prend le C(c).
15 Le F prend le C. 15 Le P prend le P.
16 La D prend le P. 16 La T prend le P.
17 La T prend la T. 17 Le F prend la T.
18 La T à la c. de la T de la D, 18 Le F à la 3 c. de sa D.
19 Le F du R à la 3 c. de sa D. 19 La D à la 2 c. de son F.
2o Le F de la D à la 2 c. de sa D. 2o Le F de la D à la 2 c. de sa D.
21 La Dà la 3 c. de son C. 2 1 La T à la c. de son C de la D.
22 La T à la c. du F de la D. 22 La T à la c. de la T de la D.
23 Le C à la 5 c. de son R. 23 Le F prend le C.
24 Le P prend le F. 244 Le P du C du R une c.
25 Le P du F du R 2 c. 25 La D à la c. de son C.
26 La T à la c. du C de la D. 26 Le F à sa c.
27 La D à la 6 c. de son C. 27 La D à la 2 c. de sa T.
28 La D à la 7 c. de son F. 28 Le P de la D une c.
29 Le P du R une c. 29 Le P du Fdu R prend le P.
3o Le P du F du Rune c.(d). 3o La D à la c. de son C.
31 La D prend la D. 31 Le C prend la D.

(a) Assez mauvais début de la part des blancs.


(b) Mauvais coup qui renferme pendant plusieurs coups le fou de la dame
(c) Par cet échange, les blancs gagnent un pion etpar suite la partie. Les noirs
ont compromis leur partie en poussant le P du C de la D une case.
(d) Si les blancs prenaient le pion qui leur est offert ou le fou, ils compromet
traient leur partie; les noirs devraient, dans l'un ou l'autre cas, porter leur F à la
6° case de la T du R, ou pousser le P du F du R. -
- 253 -
NOIRS. BLANCS.

32 Le F prend le P. 32 Le P du C du R prend le P.
33 Le F prend le P du C de la D. | 33 Le F prend le F.
34 La T prend le F. 34 La T donne échec.
35 Le R à la 2 c. de son F. 35 Le C de la D à la 3 c. de son F.
36 Le F à la 6 c. de la T du R. 36 Le C prend le P.
37 La T à la 7 c. du C du R. Échec. 37 Le R à la c. de sa T.
38 Le P de la T du R une c. 38 La T à sa 7 c. échec.
39 Le R à la 3 c. de son C. 39 Le P donne échec (a).
4o Le R prend le P. 4o Le C à la 2 c. de son Fdu R.
41 La T prend le C. 41 La T donne échec.
42 Le R à sa 4 c. 42 La T prend la T.
43 Le R prend le P. 43 La T à la 3 c. du F.
Les noirs abandonnent la partie.

TROISIÈME PARTIE.

1 Le P de la D 2 c. Le P du R une c.
2 Le P du F de la D 2 c. Le P du F du R2 c.
3 Le C de la D à la 3 c, de son F. Le P du F de la D 2 c.
4 Le P de la D une c. Le P de la D une c.
5 Le P du R une c. Le P du R une c.
6 Le P du F du R une c. Le C du R à la 3 c. de son F.

7 Le P du R une c. Le P prend le P.
Le F du R à la 2 c. du R.
8 Le P prend le P.
9 Le C du R à la 3 c. de son F. 9 Le R roque.
1 o Le F du R à la 3 c. de la D. Le C de la D à la 3 c. de sa T.
Le P de la T du R une c.
1 1 Le R roque.
12 Le P de la T de la l) une c. Le F de la D à la 2 c. de la D.
13 La D à la c. du R. Le Cdu R à la 4 c. de sa T.
Le F de la D à la 5 c. du C du R.
14 Le C de la D à la 2 c. du R.
15 Le F de la D à la 3 c. du R. La D à la 3 c. de son C.
16 Le Pdu C. de la D 2 c. La T du R à la 2 c. de son F.
La D à la 2 c. de son F.
17 La T de la D à la c. de son C.
18 Le P du C de la D une c. Le C de la D à sa c.

19 le P de la T du R une c. Le F prend le C.
2o La T prend le F. 1 La T prend la T.
2I Le C à la 2 c. de sa D.
21 Le Pprend la T.
22 La D à la 2 c. du F du R. 22 La T à la c. du F du R.

(a) Ce coup est très-ingénieux etfaitgagner tout de suite la partie aux blancs,

--
– 254 -
NOIRS. RLANCS,
23 La D à la 2 c. du C du R. 23 Le R à la 2 c. de sa T. *
24 Le P du F du R une c. 24 Le P prend le P.
25 Le P du R une c. Échec. 25 Le R à la c. de son C.
26 La D à la 6 c. du C du R (a). | 26 Le C prend le P du R.
27 La D à la 7 c. de sa T du R. Éch. | 27 Le R à la 2 c. de son F.
28 Le C prend le P. 28 Le C prend le C. -
29 Le F prend le C. 29 Le C prend le F.
3o La D prend le C. 3o Le R à la c. de son C.
31 Le F prend le P de la T du R(b). | 31 Le F à la 5 c. de sa T du R.
32 Le F à la 2 c. de sa D. 32 La D à la 2 c. de son F du R.
33 La T à la c. du F du R. 33 Le F du R à sa 3 c. -
34 Le F à la 5 c. du C du R. 34 La D à la 2 c. de son R.
35 Le F prend le F. 35 La T prend le F.
36 La T prend la T. 36 La D prend la T.
37 Le R à la 2 c. de son C. 37 Le P du C de la D une c.
38 Le R à la 3 c. de son C. 38 Le P du C du R une c.
39 La D à la 3 c. du R. 39 Le R à la 2 c. de son F. ,
4o La D à la 4 c. de son F du R. 4o Le P du C du R une c.
41 La D prend la D. Échec. 41 Le R prend la D.
42 Le R à la 2 c. de son F (c). 42 Le R à la 4 c. de son F. -
43 Le R à la 3 c. de son F. 43 Le R à sa 4 c. .
44 Le R à sa 3 c. 44 Partie remise.

QUATRIÈME PARTIE.

1 Le P de la D 2 c. 1 Le P du R une c.
2 Le P du F de la D 2 c. 2 Le P du F du R 2 c.
3 Le C de la D à la 3 c. de son F. l 3 Le C du R à la 3 c. de son F.
4 Le P du R une c. 4 Le P du F de la D une c.
5 Le P du F du R 2 c. 5 Le P de la D 2 c.
6 Le C du R à la 3 c. de son F. 6 Le F du R à la 3 c. de la D.
7 Le F du R à la 2 c. du R. 7 Le R roque,
8 Le R roque. 8 Le C du R à la 5 c, de son R.
9 Le C du R à la 5 c. de son R. 9 Le C de la Dà la 2 c. de la D.

(a) Cette attaque des noirs, commencée trop tôt, n'aboutit à rien.
(b) Les noirs ayant perdu un pion le regagnent par ce coup; si leur adversaire
prend le fou, ils ont l'échec perpétuel.
(c) Le roi recule pour, dans le cas où son adversaire avancera, venir prendre
l'opposition, c'est-à-dire se placer toujours à une case de distance, et l'empêcher
de pénétrer dans son jeu.
NOIRS, BLANCS.

1o La D à la c. de son R. 1o La T du R à la 3 c. de son F.
11 Le C de la D prend le C. 1 1 Le P du F du R prend le C.
12 Le F de la D à 2 c. de la D. 12 Le P de la T de la D 2 c.
13 Le P du F de la D une c. 13 Le F du R à la 2 c. du F de la D.
14 Le P de la T de la D une c. 14 La T du R à sa 3 c.
15Le P du C de la D 2 c. 15 Le P prend le P.
16 Le P prend le P. 16 La T prend la T.
17 La D prend la T. 17 Le P du C du R2 c.(a).
18 Le P prend le P. 18 La D prend le P.
19 La D à la 8 c. de sa T. 19 Le C de la D à sa c.
2o La T à la 4 c. du F du R. 2o La T du R à sa 5 c.(b).
21 Le C à la 7 c. du F du R. 2 1 La D à la 2 c. du R.
22 La T prend la T. 22 La D prend la T.
23 Le Cà la 6 c. de sa D. 23 Le P du R une c.
24 Le P prend le P. 24 Le P de la Dune c.
25 La D donne échec (c). 25 Le R à la c. de sa T.
26 La D à la 7 c. du F du R. 26 La D à sa c.
27 Le C à la 8 c. de son R. 27 La D à la 4 c. du C du R. .
| 28 La Dà la 8c. du F du R. Echec. 28 La D couvre.
29 La D à la 6 c. du F du R. Echec. 29 Les blancs abandonnent la partie.

(a) Ce coup n'est pas bon, il découvre inutilement le roi et permet à la dame
adverse d'entrer dans le jeu.
(b) Pour ne pas perdre la dame.
(c) Bien joué.
- 256

DÉFI A PION ET DEUX TRAITS.

Nous mettons sous les yeux de notre public les pièces du défi
à pion et deux traits, aussitôt qu'elles nous parviennent. Voici
la plus récente :
Lettre de la commission de Londres au comité de Paris.

« MEssiEURs,

« Le comité me charge de vous accuser réception de la lettre


que vous nous avez fait transmettre par M. Périgal, et qui ren
ferme plusieurs conditions proposées par vous relativement à la
grande partie dont nous nous occupons. Avant de discuter ces
conditions, le comité pense qu'il est important d'être fixé sur le
point de départ du défi. La lettre écrite par nous à M. Saint
Amant, dont notre dernière portait copie (1), n'était qu'une ré
ponse de notre part à un défi porté par lui au club de Londres,
au nom de M. Deschapelles, défi qui a été publié depuis dans les
journaux.
« Si M. Deschapelles reconnaît que le défi a été porté sans son
autorisation , l'affaire doit être considérée comme terminée, car
il n'a jamais été et ne peut jamais être dans l'intention de notre co
mité de proposer une partie d'échecs dans laquelle il deman
derait l'avantage de pion et deux traits, et exigerait que
M. Deschapelles vînt à Londres poury faire cette partie. Si,
d'un autre côté, M. Deschapelles reconnaît que le défi a été
orté d'après son désir, ou s'il veut maintenant en porter un
semblable, l'affaire est engagée, et irajusqu'à la fin.
« Signé W. YATEs.
« Londres, 26 août. »

Il y avait des négociations admises et entamées depart et d'au


tre, à l'égard des conventions indispensables à la réalisation du

(1) Voyez le numéro du Palamède du 15 août dernier qui renferme cette lettre.
- 257 -
défi. Une note prévoyant les points de débat sur lesquels il fal
lait d'abord s'entendre avait été officiellement adressée à Lon
dres, et, comme elle offrait matière à réflexions, le comité de
Paris n'était point étonné que la réponse s'en fît long-temps at
tendre, d'autant que cette réponse pouvait être telle que le défi
devînt immanquable, et même que le jour du combat y fût
fixé.
Ia lettre que nous venons de transcrire, bien loin de suivre le
. cours naturel de l'affaire, loin même de la laisser au point où elle
était parvenue, se portant en arrière, revient sur une question
préjudicielle, insignifiante, qu'elle élèveà la hauteur d'un sine
qud non.
Dans les explications qui ont accompagné l'envoi des clauses
on verra le bon marché que nous faisions de cette question, et
le peu d'importance que nous y attachions ; nous l'avons consi
dérée comme dépassée, comme ne devant plus reparaître; et, si
le contraire est aujourd'hui adopté par nos adversaires, nous de
vons chercher les causes d'un dissentiment aussi inattendu.
Les amateurs anglais ne veulent plus d'un défi auquel ils n'a
vaient adhéré que dans un premier moment de chaleur; ils n'ont
point de champion sur lequel se réunisse leur confiance. D'ail
leurs, le cas de perte leur serait désagréable, et celui de gain ne
leur offrirait aucune gloire. Voilà les bruits de Londres.
A cela nous n'avons rien à dire : le défi sera ajourné ; il ne
s'agit plus que de franchise et netteté. -
Il y a près de quarante ans, M. Deschapelles est arrivé en
France à la tête des échecs. Huit jours d'exercice lui ont suffi
pour traverser les phases de l'apprentissage. Négligeant (et jus
qu'à ce jour) les voies de l'érudition,il ne s'est appuyé que sur
le calcul et la perspicacité.Partant de cette élévation, il a proposé
lepion et deux traits à tout le nord de l'Europe. Sur ce terrain
et dans les nombreuses occasions qui se sont présentées, nous
devons dire qu'il a soutenu la gageure avec un plein succès.
M. Deschapelles a été attaqué par un journal anglais ; nous
l'avons soutenu dans notre feuille, et le défi actuel est inter
venu. Mais, quand on voudra remonter aux sources, quand on
exigera que l'agresseur paraisse, évidemment M. Deschapelles
se montrera, acceptant la question comme on voudra la poser.
- Sans rien préjuger sur la réponse officielle que va faire le cc
mité français ; sans savoir s'il y mettra, par réciprocité, le long
20
- 258 --

intervalle dont on lui a tracé la marche ; ignorant même s'il y


aura une réponse, et s'il ne serait pas gracieux de donner les
mains à une fin de non-recevoir, en ne poussant pas jusqu'au
bout des personnes que l'on aime, que l'on estime, et avec les
quelles on veut rester ami sous un commun drapeau, nous avons
rempli notre devoir de journaliste, faisant part de nos observa
tions sans les imposer, ouvrant d'ailleurs une large voie à des
explications, avant qu'elles soient tardives ou périmées. -

CORRESPONDANCE DES DÉPARTEMENTs.

Bordeaux (Gironde).

Si le Midi est en bonne renommée pour produire d'excellents


joueurs d'échecs, ce n'est pas Bordeaux qui le fera descendre
dans l'opinion, et le Palamède y possède un trop bon contin
gent d'abonnés pour ne pas le reconnaître publiquement. Tout
étranger quipasse à Bordeaux, s'il n'a nom et rang à l'académie
européenne des échecs, ne remportera pas dans cette belle ca
pitale du pays gascon des victoires faciles. Le culte des échecs y
estprécieusement entretenu par une douzaine d'amateurs dis
tingués, qui se réunissenttous lesjours, et font du beau café
Montesquieu, aux Quinconces, un véritable café de la Régence.
A leur tête marche M. Foy, ancien amateur de Paris ; élevé à
l'école des supériorités de l'échiquier, il a transporté à Bor
deaux les bonnes traditions. On peut le classer dans la troisième
force. Il est obligé de faire avantage à presque tous ses adver
saires habituels ; et, malgré la monotonie de ses succès, il ne se
fatigue pas de lutter quotidiennement avecun zèle etune ardeur
des plus louables. Doué du feu sacré, il est l'âme et le flambeau du
cercle d'échecs bordelais.Toujours sur labrèche, M. Foy ne laisse
jamais traverser son camp par le voyageur sans le provoquer au
passage, et, depuis quinze ans, deux seuls vainqueurs,pour cent
victimes, ont fait trève à ses moissons de lauriers. Ces deux ex
ceptions sont du reste avouables sans honte : ce sont M. de La
Bourdonnais, le maître des maîtres, qui passa à Bordeaux, à
deux époques rapprochées, il y a quelques années, et M. Saint
Amant,qui s'y trouve encore dans le moment actuel, se félici
tant de faire la partie de M. Foy, intrépide et audacieux ad
- 259 -
versaire, qui ne se fatigue pas d'être obligé d'abdiquer son rôle
habituel à chaque rencontre.
Après M. Foy, le plus fort des joueurs bordelais, depuis le
départ de M. Azevedo, est M. Riotord. Viennent ensuite
MM. Boiteaux, Burnard, Moussey, Cart, Grangeneuve, Dela
salle, Martinelly, Sasportas, etc.

SOLUTIONS DES PROBLÈMES DU NUMÉRO PRÉCÉDENT.

soLUTIoN DU N° XXI.
BLANCS.

1 Le C du R à la 7 c. de la T du R. | 2 Le R à la c. de son C.
Echec.
- 2 Le C de la D à la 6 c. du F du R. | 2 Le R à la c. de sa T.
Echec.
3 Le C du R à la 8 c. de son F du R,| Le coup suivant échec et mat.

1 La D prend la T. Echec. 1 Le F prend la D.


2 La T du R prend le F. Echec. 2 Le C couvre.
3 LaTde la D à la 8 c. du Cde la D. | 3 La D à la 7 c. de sa T.
4 La T du R prend le C. Echec. 4 La D prend la T.
5 Le C donne échec et mat.
soLUTIoN DU N° XXIII.
r Le P du C de la D une c. 1 Le P prend le P.
2 Le P du F de la D une c. 2 Le P une c.
3 Le C du R prend le P. Echec. | 3 Le R à sa 4 c.
4 Le C du R à la 7 c. de son F. | 4 Le R à la 4 c. de son F.
Echec. |
5 Le C du R à la 6 c. de sa D. | 5 Le R à sa 4 c.
Echec.
6 Le C. de la D à la 4 c. duC du R.
Echec et mat.
soLUTIoN DU N° XXIV.
PREMIÈRE soLUTIoN.

n La D à sa 8 c. Echec. 1 Le R à la 2 c. de son C de la D.
2 La D à la 7 c. de son F. Echec. 2 Le R à la c. de la T de la D.
3 Le P une c. Echec et mat.
– 26o -

SRCONDE SOLUTION .

BLANCS. NOIRS.

1 La D à sa 8 c., Echec. , Le R à la 2 c. de son C de la D.


2 Le F de la D à la 4 c. de la D. Le R à la 3 c. de son F de la D.
3 La D à la 7 c. de son F, Echec. Le R à la 4 c. de son C de la D.
4 Le F du R à la c. de la D. Le P une c.
5 Le P du C de la D une c. Le P une c,
6 Le P du C de la D une c. prend Le P une c.
un C.

7 Le F du R à la 3 c. du C de la D. | 7 Le P prend le F.
8 Le F de la D à la 2 c. de son C. | 8 Le P une c.
9 La D à sa 6 c. 9 Le Pune c,
1 o La D à la 4 c. de son C. Echec. | 1 o Le P prend la D. Echec et mat.

Dans les planches qui suivent, chaque pièce est désignée par
sa lettre initiale. Les lettres à jour désignent les pièces blan
ches. Les blancs ont toujours , le trait. Nous devons les mats
n° XXV et XXVI à M. d'Orville, amateur distingué du club
des échecs d'Anvers, et que nous remercions beaucoup de son
aimable envoi ; le n° XXVII est de l'anonyme de Modène ;
le n° XXVIII est de M. G. Lolli ; le n° XXIX de M. Bolton ;
le n°XXX de M. W. Bone ; le n°XXXI de Ponziani; enfin, le
n° XXXII de M. Calvi. Dans ce dernier coup, si les blancs vont
à dame, et demandent une dame, les noirs remettront la partie
en jouant ainsi : noirs, le cavalier à la deuxième case de la tour
du roi ; blancs, la dame à la huitième case de son cavalier du
roi ; noirs, le cavalier à sa quatrième case. Les blancs sont obligés
de prendre ce cavalier, et alors ils font les noirs pat.

Le rédacteur et gérant responsable,

De LA BOURDONNAIS.

PARIS. - Imprimerie de DEzAUCHE, faub. Montmartre, n. 1 1 »


%

Mat en six coups.


-

Mat en sept coups.


Mat en sept coups.

Les blancs gagnent.


Noir,

Les blancs gagnent.


– 265 -

L'ABBÉ ROMAN.

L'abbé Roman naquit à Avignon , en 1726, de parents peu


favorisés de la fortune. Destiné, dès son enfance, à l'état ecclé
siastique, il étudia chez les jésuites. Il vint à Paris à l'âge de
vingt-cinq ans, et fut attaché à la paroisse de Saint-Méry, en
qualité de desservant. Le goût des lettres et de la poésie le dé
lassait de l'aridité des matières théologiques. Une traduction de
la mort d'Adam, tragédie de Klopstock, le fit connaître dans le
monde littéraire, et lui valut une lettre flatteuse de Voltaire qu'il
fut visiter à Ferney, et avec lequel il se lia. Il fut aussi lié avec
l'abbé d'Arnaud, d'Alembert, La Condamine, Champfort et Riva
rol. Le jeu des échecs, mis en vogue par notre célèbre Philidor,
était devenu l'amusement le plus ordinaire des hommes de lettres
du XVIIIe siècle. L'abbé Roman l'apprit, et ne tarda pas à s'y
distinguer. Il était le plus fort parmi les amateurs qui formaient
la société de la belle comtesse de Verue à Saint-Assise, délicieuse
habitation où se réunissait une société choisie. Ce fut à Saint
Assise que Marmontel composa la plus grande partie de ses con
tes moraux pour l'amusement de la société, et que l'abbé Roman
fit son poème des échecs. Son imagination s'était enflammée par
les victoires qu'il remportait. Il voulut connaître les principes et
l'histoire du jeu: il lut ce qu'on avait écrit de meilleur à ce su
jet. Le poème deVida le charma par ses grâces et son élégance.
Cette lecture lui inspira le dessein d'un poème français. S'il n'a
pas atteint la perfection de son modèle, il faut songer que Vida
maniait un instrument admirable, la langue latine.
En 1775, l'abbé Roman consentit à accompagner dans ses
voyages le lord Fitz William, pair d'Irlande. Ils visitèrent
ensemble l'Italie, l'Allemagne, la Russie, la Suède, la Hol
lande et l'Angleterre. Partout l'abbé, connu d'une manière
avantageuse par ses productions littéraires, fut accueilli avec
distinction.
A son retour en France, il devint vicaire-général du diocèse
de Vence. Ses nouveaux devoirs ne ralentirent point ses goûts
2I
- 266 -
pour l'étude; il acheta , non loin de la fontaine de Vaucluse, un
modeste domaine où il passait tous les moments qu'ilpouvaitdé
rober à ses occupations. C'est dans cette retraite que l'abbé Ro
man, admirateur passionné de Pétrarque, composa la vie de cc
poète, et entreprit de traduire les meilleurs ouvrages.Au moment
où la mort vint le surprendre, il s'occupait à traduire le Para
dis perdu de Milton.
Le poème des échecs de l'abbé Roman a quatre chants. Dans
sa préface, l'auteur nous donne une analyse du poème de Gre
gorio Ducchi, intitulé le Jeu des échecs. Il la termine ainsi:
« Tel est le poème de Gregorio Duchi. Je n'y ai rien trouvé
que je pusse mettre en œuvre dans le mien ; mais j'ai pris plaisir
à imiter le poète de Crémone, dont je me suis approprié quel
ques idées. Je ne me flatte pas de l'avoir égalé, je ne crois pas
non plus l'avoir copié servilement.
« Au reste, on jugerapar la date de ce poème que j'ai enchéri
sur leprécepte d'Horace, Nonum prematur in annum. Il a vieilli
dans mon portefeuille. La composition m'avait agréablement oc
cupé, et la lecture avait amusé quelques amis ; c'était tout le
fruit que jevoulais en retirer. On a cru qu'ilpourrait plaire aux
amateurs des échecs, et les délasser quand ils auront joué quel
que partie savante et pénible. Je le leur livre donc comme un
amusement. C'est à cela que se bornent mes prétentions.On me
dira peut-être que mon sujet est mince, et peu digne du lan
gage poétique. Mais il tientparun côté à l'art de la guerre , ob
jet éternel du poème héroïque; j'ai proportionné mon style et
réglé la mesure du vers sur la médiocrité du sujet. Je dis que
j'ai réglé la mesure du vers ; en effet, levers de dix syllabes vole
pour ainsi dire terre à terre ; le petit vers de sept et de huit
prend un essor rapide, et le vers alexandrin s'élève et plane
majestueusement; enfin,je ne vois pas qu'un lutrin et un per
roquet soient des sujets plus nobles et plus dignes de la poésie.
Il est vrai qu'il n'appartient qu'à Despréaux et à Gresset de dire
après Virgile,
In tenui labor; at tenuis non gloria. »
VIRG. GEoRG.

Le poème de l'abbé Roman fut composé en 176o, à l'époque


du siége de Cassel ; il est offert à Mme la comtesse de Verue
– 267 -
chez laquelle l'auteur le composa, ainsi que nous le voyons par
les vers suivants qui sont en tête du preumier chant.

Heureux amants de la muse héroïque ,


Réveillez-vous, et remplissez les airs
Des fiers accents de la trompette épique ;
Que votre voix franchisse les deux mers,
Et mariez vos sublimes concerts
Aux sons bruyants de la foudre qui gronde
Depuis Cassel jusqu'aux bornes du monde.
Chantres fameux, célébrez, dans vos vers,
Cet art fatal qui désole la terre,
Ces demi-dieux qui portent le tonnerre,
Et qu'à l'envi des immortels guerriers,
Vos jeunes fronts soient ceints de verts lauriers.
Pour moi qui, nédans un séjour tranquille,
Rivage où croît l'olive de la paix,
De la paresse ai chéri les attraits,
Je chanterai, dans cet heureux asile,
Où je sommeille au sein d'un doux repos ;
Je chanterai, sur mes faibles pipeaux,
Un jeu savant, l'image des batailles.
Par ce beau jeu Palamède autrefois
Se préparait à de plus grands exploits,
Quand d'Ilion menaçant les murailles,
Les Grecs vengeaient, par mille funérailles,
Le rapt d'Hélène et l'honneur de leurs rois.
O muse! ô toi qui menas mon enfance,
Dans le secret et l'ombre du silence,
A l'humble pied du célèbre coteau,
Viens , conduis-moi dans ce chemin nouveau
Qu'ont ignoré les Muses de la France;
Devant mes yeux fais briller ton flambeau,
Soutiens mes pas, et que tes mains divines
De ce sentier arrachent les épines.
C'est pour charmer par un nouveau plaisir
De ces beaux lieux le champêtre loisir,
– 268 -

Que je dévoile aux nymphes solitaires


Du jeu d'échecs les lois et les mystères.
Et vous, à qui je consacre mes chants ,
De ces forêts aimable souveraine,
Sûre de plaireà Paris comme aux champs ;
Vous, l'ornement des rives de la Seine,
Dont la nature a formé les appas
Pour les amours et pour ces doux combats
Qu'on n'ajamais vus dépeupler la terre,
J'offre à vos yeux le tableau d'uneguerre
Où, sans verser une goutte de sang,
Dans le repos on aspire à la gloire ;
Où sans danger, Vénus, de rang en rang,
Peut à Mars même enlever la victoire.
Si vous daignez sourire à mes essais,
Si d'un regard vous échauffez ma verve,
Je penserai, fier d'un si doux succès,
Que je n'ai point rimé malgré Minerve.
Dans ce premier chant, le poète nous dépeint les pièces du
jeu des échecs. Cette description est assez bien faite. On regrette
seulement que dans un sujet didactique grave, il se soit permis
un jeu de mots semblableà celui-ci :
La reine suit : sa taille est faite au tour.

Il termine ce chant par ces vers imités de Vida.


Le Dieu des arts, errant sur le Parnasse,
Pour s'amuser avait imaginé
Le jeu d'échecs savamment combiné.
Il l'expliqua ; mais le dieu de la Thrace,
Ce dieu cruel dont les jeux sont sanglants,
Du blond Phœbus dédaignait le courage,
Et se moquait d'un combat sans carnage.
Le fin Mercure est l'ami des talents,
D'Apollon même il déroba la lyre ;
Sur le refus du dieu fier et vaillant,
Je combattrai, dit-il. Au dieu galant
La cour céleste applaudit d'un sourire.
On leur apporte un échiquier brillant.
Déjà des dieux la troupe partagée,
Près de la table est, en cercle, rangée.
Les uns voudraient qu'Apollon fût vainqueur ;
D'autres, tout bas, et dans le fond du cœur,
Ont fait des vœux pour le jeune Mercure.
Ce fut ainsi qu'aux bords du Ximoïs
De Ménélas Junon vengeait l'injure,
LorsqueVénus combattait pour Pâris.
Mais Jupiter, d'un mouvement de tête,
Qui fait trembler l'échiquier par trois fois,
Défend aux dieux, asservis à ses lois,
De seconder ou l'un ou l'autre athlète ,
D'un seul coup d'œil, du geste ou de la voix.
On fait silence, au combat on s'apprête;
Le roi des dieux a donné le signal.
L'heureux Mercure étonna son rival,
Et le vainquit, soit force ou tricherie.
On dit que Mars et la belleVénus
Pour ce fripon rappelaient à la vie
Plus d'un soldat mis à mort par Phoebus.
Ainsijugea la noble galerie.
Quoi qu'il en soit, cet aimable voleur
Gagna l'enjeu ; soit justice ou faveur,
Jupiter même applaudit à sa gloire,
En lui donnant,pour prix de la victoire,
Cet échiquier où fut le lit d'honneur.

Mercure aimait : d'une nymphe sauvage


Les doux refus l'attiraient davantage ;
Et cependant le messager des dieux
Dans les soupirs consumait sa tendresse :
Que faire donc pour fléchir sa maîtresse ?
Il lui fait voir ce meuble précieux.
Ah! que les dons ont d'attraits pour les belles!
Dès que l'or brille, il est peu de cruelles.
La nymphe approche, et d'un air curieux
Elle en contemple,à loisir, les richesses.
De l'artisan elle admire l'adresse
Et le travail, son œil en est ravi :
C'était (ainsi lc raconte la fable )
Un échiquier d'un prix inestimable ;
La nacre et l'or le paraient à l'envi.
Les échecs blancs étaient de pure ivoire,
Et le tourneur, d'un ébène luisant
Avait formé toute la troupe noire.
A sa beauté Mercure en fait présent.
Elle l'accepte avec un souris tendre,
Et sa rougeur se fit assez entendre.
La nymphe aima, le dieu fut complaisant,
Maître à la fois expert et séduisant ;
Obéissante et docile écolière ,
D'un pareil maître elle eut bientôt appris
Du jeu d'échecs le plus secret mystère.
Mille baisers, autant donnés que pris,
De ces leçons furent le doux salaire ;
Belles,venez, j'en donne au même prix.

L'abbé Roman commence son second chant par l'hommage


suivant adressé à Mme la comtesse de Verue.

O Saint-Assise, ô fortuné séjour !


Loin du fracas et du chaos des villes,
Des graves riens, des intrigues des cours,
Tes habitants coulent des jours tranquilles,
Pareils aux flots de ce large canal
Dont le brillant et liquide cristal
Pare ces bords, et les quitte avec peine ,
En serpentant auprès de Croix-Fontaine.

C'est dans ces lieux, sur ce riant coteau ,


Que sous les traits de la belle Vérue,
Vénus , fuyant les rivages du Pô,
Fixa sa cour; et la troupe éperdue
D'enfants ailés, qui suivirent ses pas ,
S'applaudissait d'habiter ces climats.
Elle trouva, dans ce champêtre asile,
Sous ces berceaux, au milieu de ces bois,
Ces plaisirs purs et ce bonheur facile,
Qu'elle cherchait dans les palais des rois.
– 27 1 -
Nous les goûtons dans ces belles retraites,
Ce calme heureux, ces innocents plaisirs.
Dans d'autres cœurs excitant leurs tempêtes,
L'ambition et les fougueux désirs
N'y troublent point nosâmes satisfaites.
Au lieu des soins que Versaille et Paris
Ont rassemblés sous leurs riches lambris,
Et qui, volant sur de coupables têtes,
En jours d'ennuis changent les jours de fêtes,
Les arts, les jeux, les grâces et les ris,
Essaim brillant qui se plaît où vous êtes ,
Aimable Eglé, peuplent ces bords chéris.
Pendant qu'ici votre main libre et pure
S'exercera dans cet art créateur,
Qui reproduit à nos yeux la nature,
Et dont l'amourfutjadis l'inventeur ;
Où que,tenant l'aiguille de Minerve,
Vous broderez, sur un tissu tracé,
De mille fleurs le contour esquissé ;
J'exciterai ma languissante verve,
Et m'égarant au fond de vos bosquets,
Je décrirai la marche des échecs.

Le poète nous décrit ensuite la marche de chaque pièce, puis


attribue l'invention du jeu des échecs au bramine Sissa. Ce
chant n'offre rien de bien remarquable.
Dans son troisième chant, l'abbé Roman cite ces vers de J.-B.
Rousseau, dans son épître à Clément Marot.

« Qui le croirait ? dans ses rapports divers,


Le jeu d'échecs ressemble au jeu des vers.
Savoir la marche est chose très-unie ;
Jouer le jeu, c'est le fruit du génie.
Je dis le fruit dugénie achevé
Par longue étude et travail cultivé.
Si donc Phœbus ses échecs vous adjuge ;
Pour bien juger, consultez tout bon juge ;
Pour bien jouer, hantez les bonsjoueurs ;
Surtout craignez le poison des loueurs. »
– 272 -
La passion qu'ils inspirent tous deux,
N'est trop souvent qu'une vaine manie.
Les échecs ont aussi leurs Francaleux.
Si vous craignez la honte , l'avanie,
Et des sifflets la perçante harmonie,
Dès le début, ne vous croyez pas fort,
Car nul mortel, quel que soit son effort,
Ne remplira leur carrière infinie.

Ilfaudra donc que même un bonjoueur,


Dans le silence, étudie et devine
Tous les secrets de son art enchanteur.
Tel Philidor cherche,trouve, imagine
Les coups hardis dont j'admire l'auteur ;
Ainsi Légal et dispose et combine
Les plans nouveaux dont il est l'inventeur.
Au jeu d'échecs et dans l'art de Racine,
C'est le talent, c'est l'esprit créateur
Qui fait primer, c'est par lui qu'on domine
Sur ses rivaux; sans la verve divine,
Sur l'échiquier on ne fait que ramper,
Comme on nepeut nivoler, nigrimper
Jusqu'au sommet de la double coliine.

Ce chant donne les principes généraux du jeu, et le poète le


termine ainsi :

La reine est prise, et le roi peut marcher ;


Jusques alors, veillez sur sa personne,
Et retenez sa bouillante valeur ;
Si l'ennemi l'assiége et l'environne,
Tout est perdu, la bataille et l'honneur.
Ainsi François, dans les champs de Pavie,
Preux chevalier, plus que grand général,
En prodiguant ses soldats et sa vie ,
Tomba vivant aux mains de son rival.
Lejeune roi qui fut vaincu par Pierre (1),
Montrant son âme et son courage altier,

(1) Charles XII perdait prcsque toujours aux échecs pour trop exposer son roi.
- 273 -
Même en jouant l'image de la guerre,
Faisait combattre, en simple grenadier,
Le roi d'échecs parcourant l'échiquier;
Mais à ce jeu, trahipar la victoire,
Son faible roi n'acquit aucune gloire,
Lui-même, un jour, affrontant les hasards,
Tomba, frappé par la foudre de Mars.

Dans son dernier chant, l'abbé Roman nous dépeint une par
tie qu'il prétend avoir faite à Motiers-Travers avec J.-J. Rous
seau. La voici :

Ce jeu brillant est l'ami du génie ;


Champs de Ferney, je vous prends à témoin.
Là, visitantun fameux solitaire,
J'osai combattre et marcher son égal,
Au jeu d'échecs imprudent général.
Je fus vaincu : qui peut vaincre Voltaire ?
Mais de Rousseau je fus l'heureux rival.
A tous les jeux c'est lejeu qu'il préfère,
Ce fier proscrit, cet éloquent Rousseau,
De son pays la gloire et le fléau.
On nous apporte une table d'ébène,
Il me défie ; ô souvenir flatteur !
Je combattis trois heures d'une haleine,
Et, sans plier, je fus six fois vainqueur.
Ce longcombat, dont le succès m'honore,
A mon esprit se représente encore.
Je vois les chocs, les mouvements divers,
Les coups portés et perdus dans les airs.
Du trait, dit-il, que le sort soit le juge,
Il est souvent l'arbitre des combats.
Sur l'échiquier je range les soldats :
Je prends le trait, car le sort me l'adjuge.
J'arme les blancs, mon pion fait deux pas,
Court se poster sur la case d'ivoire,
(C'est le pion qui précède le roi).
Son ennemi de la légion noire
Pour l'arrêter marche à lui sans effroi,
Sur l'échiquier mesure autant d'espace,
- 274 -
Et l'intimide et le regarde en face.
Au même instant, l'intrépide Gambit
Laisse après lui deux cases qu'il franchit,
Brave le noir, l'attaque, le menace.
Ce champion , indigné de l'audace
De mon soldat, l'aborde, le saisit,
D'un bras nerveux le presse, le terrasse,
Tire l'épée et lui perce le flanc.
Mon fantassin expire sur la place :
Mais on l'enlève, on le transporte au camp.
Je donne l'ordre, et je vois, sur-le-champ,
De mon roi, fier, mais immobile encore,
Le chevalier s'élancer de son rang,
Pour s'opposer à la marche du Maure ;
Mais celui-ci craint déjà pour ses jours.
Du côté gauche, un chevalier fidèle
Voit le danger, et tire de cette aile
Son fantassin qu'il envoie au secours.
Mon archer blanc courtà perte d'haleine,
Et, sur sa ligne, arrive à quatre pas
Et vis-à-vis de l'archer de ma reine.
Il s'yprépare aux hasards des combats,
Met sur son arc une flèche fatale,
Vise au Gambit immobile et debout ,
Auprès du roi de la troupe rivale.
Mon adversaire observe et prévoit tout.
Déjà , dit-il, ce fou-là s'évertue,
Ne craint-il pas qu'un soldat ne le tue ?
Il ne craint rien, lui dis je, mais pourquoi
Le nommer fou ?C'est qu'il est près d'un roi,
Reprit Jean-Jacque, et pour ne vous rien taire,
Au jeu d'échecs tous les peuples ont mis
Les animaux communs dans leur pays ;
L'Arabe y met le léger dromadaire,
Et l'Indien, l'éléphant; quant à nous,
Peuple falot, nous y mettons des fous.
Il dit et pousse un pion intrépide,
Prêt à frapper mon vaillant chevalier.
Au lieu de fuir, le généreux coursier
Fait vers le centre une marche rapide.
- 2- o -

A quatre pas du roi maure placé,


Et secondé par l'archer homicide,
Il va percer le gambit menacé.
Intimidé par mon attaque vive,
Avec sa reine à mes coups attentive,
Le Genevois donne échec à mon roi
Et s'applaudit d'avoir semé l'effroi.
Je veux, dit-il, sous les murs de Carthage,
Comme autrefois le vaillant Scipion,
Porter la mort, la flamme et le ravage.
ll était fier de sa diversion. .
Mon roi, gardépar sa troupe fidèle,
Avance un pas du côté de son aile;
Et mon rival, faisant un autre effort ,
Par le coursier de sa phalange gauche
Soutient déjà les pions dont j'approche.
Je suis trop faible, il me faut un renfort ;
Faites deux pas, vous,pion de ma reine !
Oh! dit Rousseau, maintenant je suis fort.
Et tout de suite, un fantassin qu'il mène
Au cavalier vient présenter la mort ;
Tandis qu'il ouvre un facile passage
A son archer, tout prêt à renverser
Reine ou coursier, s'ils venaient enfoncer
Un pion noir dont il sert le courage.
Mon chevalier prudent et belliqueux,
Pour éviter sa honte et sa défaite,
Recule au blanc et se bat en retraite ;
Mais il menace un soldat dangereux,
Cepion noir, terrible dans sa rage,
Qui dévoua mon Gambit au carnage,
Que fera-t-il ce piéton aux abois ?
Deux ennemis l'attaquent à la fois,
Le danger presse et les siens l'abandonnent.
Il prend conseil de son seul désespoir,
Pour échapper auxtraits qui l'environnent,
Il fait un pas loin de son poste noir.
Le voilà donc sur la case d'ivoire,
Mieux défendu , mais toujours assiégé;
Il pcut mourir, mais il mourrait vengé
Par le guerrier qui le suit à la gloire.
Le fantassin de mon coursier royal
Au soldat noir prépare un trait fatal ;
Déjà son bras. Arrête, téméraire !
De ton rival tu veux percer le flanc,
Tu le pourrais, mais sa vie est trop chère,
Tu la paierais toi-même de ton sang.
Ne vois-tu pas son compagnon fidèle
Qui le soutient, vigilant sentinelle ;
Ne vois-tu pas l'un des deux éléphants,
L'archer qui vise et la fière amazone
Du roi des blancs menacer la personne ?
Ilpérira, si tu ne le défends.
Va de la reine enlever la couronne.

Au seul aspect du danger de son roi,


Ce combattant, saisi d'un juste effroi,
Retient son coup et fuit son adversaire.
Telle, en nos champs, une jeune bergère
Dont les pieds nus foulent un froid serpent,
Retire en l'air une jambe légère,
Regarde etfuit cet animal rampant.
Mon fantassin, à mes ordres docile,
Va menacer l'Amazone immobile.
Elle méprise un si faible ennemi,
Au roi des blancs fait un noble défi.
Le roi prudent fait un pas et l'évite,
En s'arrêtant au poste du Gambit.
Voilà la reine encore à sa poursuite ;
Elle l'aborde et le roi blanc la fuit.
Deux pas plus loin que sa place ordinaire,
Au carré noir, il marche triomphant;
Mais son pion le garde et le défend
Des coups mortels du chevalier contraire ;
Et ce guerrier, qui ne peut avancer,
Recule au blanc, dans sa case première,
Afin d'ouvrir une libre carrière
Au brave fou, tout prêt à s'élancer.
Mon cavalier, emporté par son zèle,
Saisit le poste où son prince l'appelle,
Et sur le noir s'apprête à repousser
Le faible trait que l'archer veut lancer ;
En même temps, il menace la reine.
Pour éluder cette attaque soudaine,
L'archer noir vole à trois pas de sa tour.
Dernier effort ! mais la défense est vaine.
Au premier poste où son devoir l'enchaîne
Mon archer blanc est déjà de retour,
Prêt à percer la noire souveraine.
Que fera-t-elle ? où fuir ? où se cacher ?
De guerriers blancs elle est environnée,
Des soldats noirs elle est abandonnée.
Mais l'héroïne évite mon archer.
A la défense, à l'attaque acharnée,
Elle m'atteint pour la dernière fois.
Percé de coups mon éléphant succombe,
Avec la tour sa masse énorme tombe,
Et fait gémir l'échiquier sous son poids.
De cet exploit, qu'ilvante avec emphase,
Rousseau triomphe ;il n'apercevait pas
Le piége obscur où j'attirais ses pas.
Mon archer blanc s'élance de sa case ;
Il donne échec au roi des ennemis.
Le pion pare, et le pion est pris.
On a donné le signal du carnage.
Ce même archer expire sous les traits
D'un fantassin fier de cet avantage.
A le venger tous mes guerriers sont prêts ;
Brave soldat, si cher à ma mémoire,
Au champ de Mars, tu meurs couvert de gloire.
Déjà ma reine attaque et met aux fers
L'autre Amazone affaiblie et rendue.
Des échecs noirs la troupe est éperdue,
Et de mourants les postes sont couverts.
Ma reine met les Maures en déroute
Sur l'échiquier, et les prend sur la route.
Il retentit du bruit sourd et confus
De mille coups, portés, parés, rendus.

En est-ce assez ? dis-je à mon adversaire,


- 2-8 -
De votre perte êtes-vous convaincu ?
Mon ennemi frémissait de colère.
Oui, j'en conviens, dit-il, je suis vaincu.
Avec le trait je prendrai ma revanche.
Je suis défait, mais sans être abattu.
Je dompterai votre légion blanche
Qui m'a trompé bien plutôt que battu.
Mais c'est en vain qu'il veut ternir ma gloire ;
Je l'ai surpris, et je suis son vainqueur.
Quand l'ennemi remporte la victoire,
Tout est égal, la ruse ou lavaleur.

Il n'est pas étonnant que l'abbé Roman ait été battu par Vol
taire,et qu'il aitgagné Rousseau. Lorsque Voltaire livrait son es
prit à un travail quelconque, rien ne pouvait le distraire, et tout
sujet étranger sortait momentanément de sa mémoire, tandis que
Jean-Jacques, sujetà des rêveries fréquentes, d'un travail péni
ble et d'une mémoire faible, ne pouvait suivre les difficiles et
nombreuses combinaisons du jeu des échecs. J.-J. Rousseau aima
cependant toute sa vie le jeu des échecs ;il en étudia les règles
et les ouvrages, sans pouvoir jamais jouer passablement. Voici
ce qu'il dit à ce sujet dans Les Confessions :
« Il y avait un Genevois nommé M. Bagneret, lequel avait
été employé, sous Pierre-le-Grand,à la cour de Russie ; un des
plusvilains hommes et des plus grands fous quej'aie jamaisvus ;
uoujours plein de projets aussi fous que lui, qui faisait tomber
les millions comme la pluie, et à qui les zéros ne coûtaient rien.
Cet homme étant venu à Chambéry pour quelque procès au sé
nat, s'empara de maman comme de raison , et pour ses trésors
dezéros qu'il lui prodiguait généreusement, luitirait ses pauvres
écus pièce à pièce. Je ne l'aimais point, il le voyait ; avec moi
cela n'est pas difficile : il n'y avait sorte de bassesse qu'il n'em
ployât pour me cajoler. Il s'avisa de me proposer d'apprendre
les échecs qu'il jouait un peu.J'essayai presque malgré moi, et
après avoir tant bien que mal appris la marche, mon progrès
fut si rapide, qu'avant la fin de la première séance,je lui don
nai la tour qu'il m'avait donnée en commençant. Il ne m'en fal
lut pas davantage : me voilà forcené des échecs : j'achète un
échiquier; j'achète le Calabrois ;je m'enferme dans ma chambre,
j'y passe les jours et les nuits à vouloir apprendre par cœur
- 279 -
toutes les parties, à les fourrer dans ma tête bon gré malgré,à
jouer seul sans relâche et sans fin. Après deux ou trois mois de
ce beau travail et d'efforts imaginables, jevais au café, maigre,
jaune et hébété. Je m'essaie, je rejoue avec M. Bagneret : il me
bat une fois. deux fois,vingt fois ; tant de combinaisons s'étaient
brouillées dans ma tête ; et mon imagination s'était si bien amor
tie, que je ne voyais plus qu'un nuage devant moi. Toutes les
fois qu'avec le livre de Philidor ou celui de Stamma j'ai voulu
m'exercer à étudier des parties, la même chose m'est arrivée; et
après m'être épuisé de fatigue, je me suis trouvé plus faible
qu'auparavant. Du reste, que j'aie abandonné les échecs, ou
qu'en jouant je me sois remis en haleine, je n'ai jamais avancé
d'un cran depuis cette première séance, et je me suis toujours
retrouvé au même point où j'étais en la finissant.Je m'exercerais
des milliers de siècles, que je finirais parpouvoir donner la tour
à Bagneret, et rien de plus. »
Nous joignons à cet article la partie jouée par l'abbé Roman
et Jean-Jacques, pour ceux de nos lecteurs qui ne pourraient
pas la suivre dans les vers qui précèdent.
BLANCS. NOIRS,
1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du Rà la 4 c. du F de la D.| 4 Le P du C du R une c.
5 Le C du R à la 5 c. de son R. 5 La D donne échec. -
6 Le R à la c. de son F. 6 Le C du R à la 3 c. de sa T(a).
7 Le P de la D 2 c. 7 Le P de la D une c.
8 Le C du R à la 3 c. de sa D. 8 Le premier P du F du R une c.
9 Le P du C du R une c. 9 La D donne échec (b).
1o Le R à la 2 c. de son F. 1o La D donne échec.
11 Le R à sa 3 c. 1 1 Le C du R à sa c. (c).
12 Le C du R à la 4 c. de son F. 12 Le F du R à la 3 c. de sa T.
13 Le F du R à sa c. 13 La D prend la T.
14 Le F du R donne échec. 14 Le P du F de la D une c.
15 Le F du R prend le P. Échec. 15 Le P prend le F.
16 La D prend la D.
Cette partie, abandonnée par Jean-Jacques, était encore susceptible de
quelque défense.
(a) Cette partie se trouve dans le Calabrois.
(b) Cet échec ne vaut rien, il expose la D à étre prise.
(c) Au lieu de ce coup, les noirs devaient faire D pour D en perdant un pion.
- 28o -

LE SINGE ET LE GASCON.

- - 9 --

Le héros de notre histoire vivait autrefois à Bordeaux, et s'y


rendit tellement fameux par son habileté à jouer aux échecs,
qu'on ne le désignait plus que sous le nom de chevalier de l'É
chiquier. Il ne connaissait pas de rival dans toute la Gascogne,
et les plus illustres dans ce jeu tenaient à grand honneur de lui
avoir disputé un succès, ou d'avoir obtenu un de ses éloges.
Toutes ses décisions passaientpour des oracles, et il ne remuait
pas un pion sans arracher des cris d'admiration à toute la galerie.
Un jour, certain cavalier espagnol qui passait par Bordeaux,
entendit parler de la grande réputation du chevalier. Il fut cu
rieux d'en juger par lui-même. Après avoir assisté à une de ses
parties : « Je m'aperçois, dit-il au joueur gascon, que la renom
« mée n'a point exagéré votre gloire, et je vous crois de force à
« jouer avec don Gabriel de Roquas. - Quel est ce don Gabriel
« de Roquas, dont je n'ai jamais entenduparler ?demanda notre
« chevalier. - Comment, répondit l'Espagnol, l'ignorez-vous ?
« c'est le plus savant joueur de toute l'Espagne. Il habiteCor
« doue, et chaque jour voit arriver chez lui ce que les Espagnes
« ont de plus renommé dans ce jeu. Mais tous ses adversaires
« retournent chez eux sans avoir pu le vaincre, et confessent
« unanimement qu'il n'est point de joueur au monde égal à don
« Gabriel de Roquas.-Vous m'inspirez le désir de le connaître,
« et quoi qu'en disent vos cavaliers, je crois que je soutiendrai
« près de lui l'honneur de la Garonne. »
Depuis cette conversation, le chevalier de l'Echiquier ne con
nut plus de repos ni de bonheur. L'idée qu'il avait un rival, et
peut-être un maître, empoisonnait tous ses triomphes, et les
lauriers du Miltiade cordouan ne laissaientpoint dormir ce nou
veau Thémistocle. Enfin , il résolut de sortir de cette incerti
tude. Un beau jour il se met en route et se rend à Cordoue.
Arrivé dans cette ville, il demande la demeure de don Gabriel
de Roquas; on la lui indique. Il trouve ce grand homme occupé
gravement à jouer une partie d'échecs avec son singe. « Sei
– 28 1 -

« gneur, lui dit le gentilhomme français, je viens, attiré par


« votre renommée , voir si je peux mériter l'honneur de faire
« votre partie. Je jouis de quelque estime à Bordeaux, et j'ose
« même dire qu'il n'y a pas dejoueur dans cette ville quipuisse
« me le disputer. - Allons, seigneur, lui répondit le noble ca
« valier en souriant, asseyez-vous là.Je vais tâcher de mériter
« la faveur que vous voulez bien me faire. »
Nos deux champions se placèrent aussitôt devant l'échiquier,
et commencèrent leur partie ; maisà peine avaient-ilsjoué cinq
ou six coups que don Gabriel se leva brusquement, en disant au
Français : « Seigneur, il est inutile de continuer; vous ne pou
« vezpas jouer avec moi ;vous êtestout au plus de force à jouer
« avec mon singe. - Comment! répondit le gentilhomme gas
« con ; prétendez-vous m'insulter ?– Nullement, répondit l'Es
« pagnol. Mon singe possède àfond le jeu des échecs ; et certes,
« vous ne devez pas vous trouver humilié de ce que je vous place
« sur la même ligne. Je vous avouerai même que je parierais
« pour lui. - Puisque vous le voulez absolument, répondit le
« Français, je consens à votre proposition, ne fût-ce que pour
« la rareté du fait : je veux voir si cet animal pourra me dispu
« ter la victoire. »
Le singe s'assit donc à la place de don Gabriel, et continuant
la partie que ce seigneur avait commencée, il fit son adversaire
échec et mat en moins de dix coups. Dans le premier mouvement
de son dépit, le Gascon sauta sur le singe, et d'un coup de poing
le jeta au milieu de la chambre. L'Espagnol lui adressa de vifs
reproches sur sa brutalité. Notre homme convint de ses torts et
demanda sa revanche. « Je ne sais, répondit don Gabriel, si
« mon singe voudra faire maintenant une autre partie avec vous.
« Vous l'avez si maltraité, que j'aurai de la peine à l'y faire con
« sentir. » L'Espagnol parvint cependant à le ramener devant
l'échiquier à force de prières, et en lui donnant l'assurance qu'il
n'aurait plus rien à craindre. Le singe recommença à jouer,
mais d'un air de défiance et en tremblant. Enfin, après avoir
joué quelques coups peu décisifs, il avance un pion, et, s'échap
pant aussitôt, grimpe sur une armoire. Le Gascon ne pouvait
concevoir la cause de cette brusque fuite. « Ne voyez-vous pas,
« lui dit alors don Gabriel, qu'il ne vous reste plus que deux
« coups à jouer, et qu'après cela mon singe vons fait échec et
22
– 282 -

« mat ? Ne trouvez pas étonnant qu'il ait redouté les suites de sa


« victoire. »
Notre gentilhomme, trouvant inutile de prolonger davantage
son séjour à Cordoue, reprit tristement la route de la Garonne ;
et, lorsqu'à son arrivée on lui demanda s'il avait réussi à gagner
don Gabriel de Roquas : « Hélas! répondit-il, je n'ai pu même
« gagner son singe. »
– 283 -

GAMBIT DU ROI.

Début.

BLANCS . NOIRS.

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le F du Rà la 4 c. du F de la D. 3 La D donne échec.
4 Le R à la case de son F. 4 Le P du C du R 2 c.
5 LeC de la D à la 3c. de son F(a). 5 Le C du R à la 2 c. de son R (b).
6 Le P du C du R une c.(c). 6 Le P prend le P.
7 Le R à la 2 c. de son C. 7 Le P de la D 2 c. (d).
8 Le P de la T prend le P. 8 La D à la 5 c. du C.
9 Le Fdu R à la 2 c. de son R. 9 La D à sa 2 c.
1o Le P de la D 2 c. 1o Le P du C du R une c.
1 1 La T du R à sa 5 c. 1 1 Le P du F de la D une c.
12 Le F de la D à la 4 c.du Fdu R. 12 Le F du R à la 2 c. de son C.
13 Le P prend le P. 13 Le C prend le P (e).
14 Le C prend le C. 14 Le P prend le C.
15 La T du R à la 5 c. de son C.
Les blancs ont très-beau jeu.
vARIANTE AU 5° coUP.

BLANCS. NOIRS.

5 Le C de la D à la 3 c. de son F. 5 Le P du F de la D une c.
6 Le P du C du R une c. 6 Le P prend le P.
(a) M. George Walker, à qui nous empruntons ce début, considère ce coup
comme très-bon et donnant une attaque plus forte que le C du R à la 3 c. de son F.
(b) Ce coup est mal joué. Le F du R à la 2 c. de son C. était le coup juste.
(c) Ce coup, dont l'invention est due à Cozio, est ingénieux et donne une grande
attaque.
(d) Au lieu de ce coup, si les noirs avaient pris le P de la T, vous auriez dû re
prendre ce P avec votre tour, puis, en jouant les coups suivants, le P de la D 2 c ,
et sortant le C du R à sa 3 c , vous auriez eu une forte attaque. S'ils retirent leur D
à la 3 c. de la T du R, vous pousserez le P de la T du R 2 c., et vous aurez très-beau
jeu ; enfin, s'ils jouent le P de la D une case, vous devez prendre le P attaquant
la D, puis placer votre D à la case de son F; vous gagnerez ainsi un P ou la D. Le
P de la D 2 c. est dans cette position le meilleur coup.
(e) S'ils avaient pris avec le P, vous auriez dû jouer votre C de la D à sa 5 c.
- 284 -
BLANCS . NOIRS.

7 Le R à la 2 c. de son C. 7 Le F du R à la 3 c. de sa D.
8 Le C du R à la 3 c. de son F. 8 La D à la 4 c. de sa T du R.
9 Le P de la T du roi prend le P. 9 La D à la 3 c. de son C du R.
1 o Le P de la D 2 c. 1o Le P du F du R une c.
1 1 Le P du R une c.

Les blancs ont la meilleure partie.

Les trois parties qui suivent ont été jouées entre M. Macdo
nell et le gérant du Palamède, ce dernier avait les blancs.
PREMIÈRE PARTIE.

NOIRS. BLANCS.
1 Le P du R 2 c. n Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le Fdu R à la 4 c. du F de la D. 3 La D donne échec.
4 Le R à la c. de son F. 4 Le P du C du R 2 c. -
5 Le C de la D à la 3 c. de son F. 5 Le F du R à la 2 c. de son C.
6 Le P de la D 2 c. 6 Le P de la D une case.
7 Le F du R à la 2 c. de son R. 7 Le C de la Dà la 3 c. de son F.
8 Le P du R une c, 8 Le C du R à la 2 c. de son R.
9 Le C de la Dà sa 5 c. 9 Le R roque.
1o Le C de la D prend le P du F de 1o La T de la D à la c. de son C.
la D.
1 1 Le C du R à la 3 c. de son F. 1 1 La D à la 3 c. de la T du R.
12 Le P prend le P. 12 Le C du R à la 4 c. de son F.
13 Le P du F de la D une c. 13 Le C du R à sa 6 c. Échec.
14 Le P prend le C. 14 La D prend la T. Échec.
15 Le R à la 2 c. de son F. 15 Le P prend le P. Échec.
16 Le R prend le P. 16 La D prend la D.
17 Le F prend la D. 17 Le P de la T du R une c.
18 Le P du C de la Dune c. 18 Le P du C de la D 2 c.
19 Le F de la D à la 3 c. de son R. 19 Le P du F du R2 c.
ao Le second P de la D une c. 2o Le P du F du R une c. Échec.
21 Le R à la 2 c. de sa T. 21 Le P prend le F.
22 Le P prend le C. 22 Le P du C du R une c.(a).
23 Le C du R à la 4 c. de sa D. 23 Le F du R donne échec.
24 Le R à la c. de son C. 24 Le F du R prend le pion.

(a) Ce coup permet aux blancs de gagner un pion fort dangereux, et décide la
partie en leur faveur.
– 285 -
NOIRS, BLANCS.

25 Le C de la D prend le P. 25 Le F du Rà la 4 c. du Fde la D.
26 Le P du C de la D une c. (a). 26 Le F du R à la 3 c. du C de la D.
27 Le C de la D à la 6 c. de sa D. 27 Le F du R prend le C.
28 Le P prend le F. 28 La T de la D prend le P.
29 Le C prend le F. 29 La T prend le C.
3o Le P de la D une c. 3o Le R à la 2 c. de son F.
31 Le F à la 3 c. du C de la D. 31 Le R à sa 2 c.
32 Le R à la c, de son F. 32 La T de la D à la 5 c. de son R.
33 Le R à sa 2 c. 33 La T du R à la c. de son F.
34 Le R à la 3 c. de sa D. 34 La T de la D à la 4 c. de son R.
35 La T à la c. de son R. 35 Le R à la 3 c. de sa D.
36 La T prend le P. 36 La T prend la T. Échec(b).
37 Le R prend la T. 37 Le P de la T du R une c.
38 Le R à sa 4 c. 38 Le P de la T du R une c.
39 Le F du R à la case de sa D. 39 Le P de la T du R une c.
4o Le P prend le P. 4o Le P prend le P.
4 1 Le F du R à sa 3 c. 41 Le P de la T du R une c.
42 Le F du R à la 2 c. de son C. 42 La T à la 8 e. de son F du R.
Les noirs abandonnent la partie.

DEUxIÈME PARTIE.

NOIRS. BLANCS,

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 2 Le F du R à la 4 c. du F de la U).
3 Le P du C de la D 2 c. (c). 3 Le F du R prend le P.
4 Le P du F du R2 c. 4 Le P de la D 2 c. (d).
5 Le P prend le P de la D. 5 Le P du R une c.
6 Le C du R à la 2 c. de son R. 6 Le C du R à la 3 c. de son F.
7 Le R roque. 7 Le R roque.
8 Le C de la D à la 3 c. de son F. 8 Le P du F de la D une c.
9 Le P prend le P. 9 Le C de la D prend le P.
1 o Le R à la c. de sa T. 1o Le F de la D à la 5 c. du C du R.
1 1 La D à la c. de son R. 1 1 Le P du R une c.

(a) Pour ne pas perdre une pièce.


(b) Les blancs, après cet échange, gagnent facilement la partie, ayant une toùr
contre un fou et la marche des pions noirs étant arrêtée.
(c) Le sacrifice de ce pion et du pion du F du R le coup suivant constituent le
début appelé le double gambit. Ce début est nouveau; nous croyons qu'on ne doit
le faire qu'à un joueurpeu redoutable.
(d) C'est le coup juste de défense. Il est fort dangereux de prendre le second P.
- 286 -
NOIRS , BLANCS.

12 Le P prend le P(a). 12 Le F de la D prend le C.


13 Le F prend le F. - 13 Le C du R à la 5 c. du R.
14 Le Fde la D à la 2 c. de son C. 14 La D à la 4 c. de sa T.
15 Le F du R à la 3 c. de sa D. 15 Le F prend le C.
16 Le F prend le F. 16 Le C prend le F.
17 La D à la 4 c. de la Tdu R. 17 Le P du F du R 2 c.
18 La T du R à la 3 c. de son F. 18 Le C du R à la 5 c. de son R.
19 La T du R à sa 3 c. 19 Le P de la T du R une c.
2o La T de la D à la c. du F du R. 2o La D à la 4 c. de son F.
21 La D à la 5 c. de la T du R. 2 1 La D à sa 3 c.
22 Le P du C du R 2 c. 22 La T de la D à la c. du R.
23 Le F donne échec. 23 Le R à la 2 c. de sa T.
24 Le P du C du R une c. 24 Le C de la Dà la 4 c. de sa T.
25 Le P prend le P. 25 Le P du C du R une c.(b).
26 La D à la 2 c. de son R. 26 Le C prend le F.
27 La D prend le C. 27 Le C à la 7 c. de sa D.
28 La D à la 3 c. de son F. 28 La D à la 3 c. de son F. Échec.
29 La D prend la D. 29 Le P prend la D.
Les noirs abandonnent la partie.
TRoISIÈME PARTIE.

BLANCS. NOIRS.

1 Le P du R 2 c. Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du F de la D. Le F du R à la 2 c. de son C.
5 Le P de la D 2 c. Le P de la Dune c.
6 Le P de la T du R 2 c. Le P de la T du R une c.
7 Le P du F de la Dune c. Le C de la D à la 3 c. de son F.
8 Le P de la T du R prend le P. Le P prend le P.
9 La Tprend la T. 9 Le F prend la T.
1o La D à la 2 c. de son R. 1o La D à la 2 c. de son R.
1 1 Le C de la D à la 3 c. de sa T. 1 1 Le F de la D à la 5 c. du C du R.
12 Le F de la D à la 2 c. de la D. 12 Le R roque.
13 Le R roque. 13 Le C du R à la 5 c. de son F.
14 Le F du Rà la3 c. de sa D. 14 La T à la c. de son R.

(a) En prenant ce P, les noirs font une faute qui leur fait perdre une pièce *
malgré cette perte, ils créent une attaque fort dangereuse.
(b) Coupjuste quidétruit Tattaque.
ELANCS. NOIRS,

15 La T à la c. de son R. 15 Le C du R à la 4 c. de sa T.
16 La D à la 2 c. de son F du R. 16 Le F prend le C.
17 Le P prend le F. 17 Le P de la T de la D une c.
18 Le F du R à la 2 c. du F de la D. 18 Le C du R à sa 6 c.
19 Le F du R à la 4 c. de la T. r9 Le F du R à la 2 c. de son C.
2o Le P de la D une c. 2o Le C de la D à sa c.
21 Le F prend la T. 2 1 La D prend le F.
22 La D à la 2 c. du C du R. 22 La D à la c. de la T du R.
23 La T à la c. de sa D. 23 Le P du F du R 2 c.
24 Le F de la D à la c. deson R. 24 Le F à la 4 c. deson R.
25 Le P prend le P du F du R. 25 La D à la 2 c. de la T du R.
26 Le C de la D à la 4 c. de son F. 26 La D prend le P.
27 Le C prend le F. 27 La D prend le C.
28 Le F prend le C. 28 Le Pprend le F.
29 La T à la c. du C du R. 29 La D prend le P de la D.
3o La D prend le P. 3o Le P du C de la D une c.
31 La D donne échec. 31 Le C couvre. -
32 La T à la c. de sa D. 32 La D à la 4 c. de son R.
33 La T à la c. de son C du R. 33 La D à la 6 c. de son R. Échec.
34 Le Rà la c. du C. 34 Le Pdu F de la D une c.
35 La T à la c. de la T du R. 35 Le R à la 2 c. de son F de la D.
36 Le P de la T de la D une c. 36 Le P du C de la D une c.
37 Le R à la 2 c. de sa T de la D. 37 La D à la c. de son R.
38 La D à la 5 c. de son F du R. 38 La D à la 7 c. de son R.
39 La D prend le P. 39 La D prend le P.
4o La T à la 6 c. de la T du R. 4o La D à la 5 c. de son R.
Dans cette position, les blancs devaient gagner; mais ils ont mal joué la
fin de la partie, et elle a été remise.
– 288 -

DÉFI ENTRE M. MACDONELL ET M. FRAZER.

En 1831, M. Macdonell et M. Frazer jouèrent l'un contre


l'autre, M. Macdonell eut l'avantage : Voici les deux parties qui
nous ont paru les plus intéressantes. M. Macdonell avait les
blancs.
RLANCS. NOIRS.

1 Le P du R 2 c. Le P du R 2 c. -
2 Le C du R à la 3 c. du F. Le C de la D à la 3 c. du F. ; .
3 Le F du R à la 4 c. du F de la D. Le F du Rà la 4 c. du F de la D.
4 Le P du F de la D une c. La D à la 2 c. du R (a).
5 Le P de la D 2 c. Le P prend le P.
6 Le R roque. Le premier P de la D une c, (b).
7 Le P du R une c. Le P de la T du R une c. -
8 Le P du C de la D 2 c. Le F à la 3 c. du C de sa D.
9 La T du R à la c. du R. Le C de la D à la c, de sa D.
1o Le P de la T de la D 2 c. 1O Le P de la T de la D 2 c. -
11 La D prend le P. II I Le C de la D à la 3 c. du R.
12 Le F de la D à la 3 c, de sa T. I2 La D à sa c. (c).
13 Le P prend le P. 13 La T prend le P. "
14 Le C de la D à la 2 c. de la D. 14 Le C du R à la 2 c. du R.
15 Le C de la D à sa 3 c. 15 La T de la D à sa c, (d).
16 Le C de la D à la 4 c. de la D. 16 Le P du F de la D 2 c.
17 Le C de la D à sa 5 c. 17 Le R roque.
18 Le C de la D à la 6 c. de la D. 18 La T de la D prend le P.
19 La T du R à la 4 c. du R. 19 La T de la D à sa c.
2o Le F du R à la 3 c. du C de la D. * O Le P du F de la Dune c.(e).
21 La D prend le P. 2I Le Fdu Rà la 4 c. du F de la D.
22 Le Fdu Rà la4 c. de laT de la D. 22 La D à la 3 c. de son C.
23 Le F prend le F. 23 Le C prend le F.

(a) Ce coup n'est pas bon, le P de la D une c. était meilleur.


(b) Il faut mieux reperdre son P que de prendre en faisant sortir une pièce à son
adversaire.
(c) Les noirs, par un mauvais début, renferment leurspièces au lieu de les sortir ;
ils doivent nécessairement perdre la partie.
(d) Prendre le P eût été dangereux.
(c) Pour donner à son F du R le moyen d'agir.
– 28c
BLANCS. NOIRS.

24 La T du R à la c. de son R. 24 La T prend le F.
25 La T prend la T. 25 Le C prend la T.
26 La D prend le C. 26 La D à la 3 c. de son F.
27 La Dà la 3 c. de saT. 27 Le C à la 3 c. du C du R.
28 Le C du R à la 4 c. de la D. 28 La D à sa 4 c.
29 Le C du R à la 5 c, de son F. , 29 Le P du C de la D une c.
3o Le P du F de la D une c, 3o La D à la 3 c. de son F.
31 La D à la c. de sa T (a). 31 Le F de la D à la 2 c, de son C. .
32 Le C prend le F. 32 La D prend le C.
33 Le P du R une c. 33 Le P du F du R une c.
34 Le P du R une c. 34 La T à la c. de son R.
35 Le C à la 6 c. de sa D. , Les noirs abandonnent la partie. .

' BLANCS.

1 Le P du R deux c. Le P du R une c.
2 Le P du F du R 2 c. Le P de la D 2 c.
3 Le P du R une c. Le P du F de la D 2 c.
4 Le C du R à la 3 c. de son F. Le C de la D à la 3 c. de son F.
5 Le P du F de la D une c. - Le F du R à la 2 c. de son R.
6 Le F du R à la 3 c. de sa D. Le C du R à la 3 c. de sa T. -
7 Le F du R à la 2 c. du F de la D. Le F de la D à la 2 c. de sa D.
8 Le R roque. : -- 1 - - Le P du F du R 2 c. -
9 Le P de la T de la D une c. Le P du F de la D une c.
1o Le P de la T du R une c. Le C du R à la 2 c. de son F.
1 1 La D à la c. du R. . Le P du C du R une c.
12 Le R à la c. de sa T. Le P de la T du R une c.
13 Le P de la D 2 c. La D à la 3 c. de son C.
14 Le C de la D à la 2 c. de sa D. 14 Le C de la Dà la 4 c. de sa T.
15 La T de la D à la c. de son C. 15 Le C de la D à sa 6 c.
16 Le F du R prend le C. 16 Le P prend le F.
17 Le P du F de la D une c. 17 Le P de la D prend le P.
18 Le C de la D prend le P. 18 La D à la 2 c. de son F.
19 Le C de la D à la 3 c. du R. I9 Le F de la D à la 4 c. de son C.
2o La T du R à la c. de son C. 2O Le F de la D à la 6 c. de sa D.
21 La T de la D à sa c. 2 1 Le F de la D à la 5 c. du R.
22 Le F de la D à la 2 c. de la D. 22 Le P du C du R une c.
23 La T de la D à la c. de son F. 23 La D à sa 2 c.
24 Le P de la D une c. 24 Le F de la D prend le P.

(a) Coup bien joué.


BLANCS. INOIRS .

25 Le C prend le F. 25 La D prend le C.
26 Le F de la Dà la 4 c. de son C. 26 Le F prend le F.
27 La D prend le F. 27 Le pion de la T de la D 2 c.
28 La D à la 6 c. de son C. 28 Le R roque avec sa T.
29 La T du R à la c. de sa D. 29 La T de la D à sa 3 c.
3o La D à la 7 c. de son F. 3o La T de la D à la 3 c. de son F.
31 La T du R prend la D. 31 La T de la D prend la D.
32 La T de la D prend la T. 32 Le P prend la T.
33 Le P du R une c. 33 Le C à la 3 c. de sa D.
34 La T à la 7 c. de sa D. 34 Le C à la 5 c. de son R.
35 La T prend le P de la D. 35 Le P prend le P.
36 Le R à la 2 c. de sa T. 36 Le C à la 6 c. du C du R.
37 Le C à la 4 c. de sa D. 37 Le P de la T de la Dune c.
38 Le C à la 5 c. duC. de la D. 38 La T à la c. de son R.
39 Le C à la 7 c. du Fde la D. 39 La T à la 2 c. de son R.
4o La T donne échec. 4o Le R à la 2 c. de son C.
41 La T à la 7 c. de sa D. 41 Le R à la c. de son F.
42 La T donne échec. 42 Le R à la 2 c. de son C.
43 La T à la 7 c. de sa D. 43 Le R à la c. de son F.
44 La T prend la T. 44 Le R prend la T.
45 Le C donne échec. - 45 Le R prend le P (a).
46 Le Cprend le P. Échec. 46 Le R à sa 4 c.
47 Le R prend le C. 47 Le R à sa 5 c.
48 Le C à la 2 c. de son R. 48 Le R à la 6 c. de sa D.
49 Le Cà la 3 c. du F de la D. 49 Le R à la 7 c. du F de la D.
5o Le C prend le P. 5o Le second P du C de la D 2 c,
51 Le C à la 3 c. du F de la D. 51 Le R prend le P.
52 Le C prend le P. 52 Le R à la 7 c. de la T de la D.
53 Le C donne échec. 53 Le R prend le P.
54 Le C à la c. de sa D. 54 Le R à la 7 c. de la T de la D.
55 Le R à la 3 c. de son F. 55 Le R à la 8 c. du C de la D.
56 Le R à sa 2 c. 56 Le R à la 7 c. du F de la D.
57 Le P du C du R une case. 57 Le P de la T du R une c.
58 Le P de la T du R une c. 58 Le R à la 8 c. du F de la D.
59 Le C à la 3 c. du F de la D. 59 Le R à la 7 c. du F de la D.
6o Le C à la 4 c. de laT de la D. 6o Le R à la 8 c. du F de la D.
61 Le R à la 3 c. de la D. 61 Le R à la 8 c. de sa D.
62 Le C à la 2 c. du Cde sa D. Échec. 62 Le R à sa 8 c.
63 Le R à sa 3 c. 63 Le R à la 8 c. de son F.

(a) C'est une faute de lapart des noirs de prendre ce pion, ils perdent la pièce.
- 291 -
BLANCS.
NoIRs. .
64 Le C à la 3 c. de sa D. 64 Le R à la 7 c. de son C.
65 Le R à la 4 c. de son F. 65 Le R à la 7 c. de sa T.
66 Le R à la 3 c. de son F. 66 Le R à la 6 c. de sa T.
67 Le R à la 4 c. de son F. 67 Le R à la 7 c. de son C.
68 Le R prend le P (a). 68 Le R prend le P.
69 Le R à la 5 c. de son C. 69 Le R à la 6 c. de son F.
7o Le R prend le P. 7o Le R à sa 6 c.
7 1 Le C à la 2 c. du C de la D. 71 Le R à la 5 c. de sa D.
72 Le R à la 5 c. de son C. 72 Le R à la 6 c. du F de la D.
73 Le C à la c. de sa D. Échec. 73 Le R à la 7 c. de sa D.
74 Le C à la 2 c. du C de la D. 74 Le R à la 6 c. du F de la D.
Remise.

(a) Les blancs remettent cette partie en jouant ainsi. Nous pensons qu'ils auraient
pu la gagner. Il eût fallu d'abord placer le C à la 4 c. de la T de la D, puis après
prendre le Pavec leur R; ils auraient pu, en jouant ainsi, aller les premiers à dame.
– 292 -

DÉFI A PION ET DEUX TRAITS.

Lettre du comité français au comité anglais.

« MEssiEURs,

« Nous avons l'honneur de vous informer que notre comité


s'est dissous.
« Nous vous envoyons une lettre de M. Deschapelles en ré
ponse à la communication que nous lui avons donnée de votre
correspondance. -

« Recevez l'assurance de notre haute considération, etc. »

Lettre de M. Deschapelles au comité français.

« MEssIEURs,

« Il y a plus de trente ans qu'il existe de ma part un défi per


manent au jeu des échecs: j'offre le pion et deuxtraits (1).
« Je n'y ai mis d'intérêt que celui de soutenir l'école française
et de créer de belles parties ; et si j'ai consenti à y engager
5oo livres sterling, c'est en vue d'éviter le reproche de forfan
terie, et pour satisfaire celui qui, ramassant le gant, se dépla
cerait pour la gloire et leprofit.
« Depuis ce jour,je ne sais combien d'apparences se sont éle
vées, combien de champions se sont présentés; mais j'affirme
qu'aucune réalité ne les a accompagnés, et qu'au moment du
combat, sous un prétexte ou sous un autre, aucun n'a voulu ex
poser quelque chose qui en valût la peine.
« D'ailleurs, chaquefois je me suis prêtéà ce dont j'étais prié,
y mettant surtout de la complaisance, et ne prodiguant pas les
efforts de l'attention pour le stérile plaisir de froisser des amours
propres.

(1) Voyez le Palamède du 15 septcmbrc.


- 293 -
« Dans le conflit actuel, né d'une attaque de la presse an
glaise, je n'ai cru d'abord rien trouver qui dût me faire sortir
de mon insouciance, et j'ai laissé courir, sans même en prendre
connaissance, les vaines démonstrationsquipouvaient s'ensuivre.
« Cependant, la chose sembla prendre une tournure intéres
sante ; un comité était nommé de part et d'autre : le prix du défi
était fixé, et les fonds se déposaient. On prétendait, et l'on vint
m'assurer qu'il ne s'agissaitplus que de résoudre les difficultés
d'exécution.
« Je crus devoir m'y prêter, et je fis officiellement passer à
Londres les clauses auxquellesje me soumettais.
« La commission anglaise avait eu la même idée, et l'un de
ses membres me communiqua de sa part une note à ce sujet (1).
Des négociations étaient donc entamées, lorsque tout d'un coup
l'Angleterre se ravisa, et, se rejetant en arrière, reprit une
question de forme insignifiante déjà expliquée pour en faire un
ultimatum.
« Retombée inopinément dans les prétextes, je dusjuger que
l'affaire actuelle ressemblait aux précédentes ; qu'elle ne conte
nait rien de réel, et qu'elle ne méritait plus que je m'en occu
passe.Seulement je me trouvais désobligé, carje m'étais livré à
discrétion , et l'on m'y maintenait sans réciprocité, me faisant
subir une position que pour rien au monde je n'aurais voulu in
fliger à autrui.
« De quoi eût servi de donner satisfaction sur un point à qui
eût conservé seul le droit de rompre sur plusieurs autres ?
« Un ultimatum est inique quand il n'engage qu'une partie.
Avant tout, il fallait se mettre d'accord sur les conventions :
alors Londres et Paris auraient un droit égal de tout terminer
par un oui ou un non.
« Au reste, on pouvait avcir agi sans intention : des conseils
mieux choisis ouplus mûrs pouvaientfaire revenir sur le passé ;
il y avait convenance à donner du temps à permettre la ré
flexion. On n'y a pas manqué. Long-temps on a laissé une porte
ouverte pour reprendre les choses où on les avait quittées, pour
(1) Je pense que cette note devait être officielle, mais elle n'a point paru ; elle
traitait quelques-unes des questions réunies dans mes clauses , mais d'une ma
nière inefficace et surtout partiale. J'en causai avec M. Perigal, qui comprit mes
objections et qui me dit que pour sa part il adoptait mon travail.
- 294 -
rentrer dans la voie de la justice et de légalité. On est allé plus
loin dans un article du Palamède, du 15 septembre dernier,on
a cherché à éveiller l'attention et à faire prévoir ce qui allait ar
river.
« Peine inutile, les mêmes avis ont prévalu : bien mieux,
voilà qu'on s'enveloppe de diplomatie ; on nous envoie copie
d'une lettre que l'on a l'airde croire que nous n'avons pas reçue,
quoique nous l'ayons insérée tout au long dans le Palamède du
mois dernier, et qui se trouve depuis lors sur les bureaux de la
commission anglaise.
« Messieurs, les fonctions du comité dont vous avez eu l'ex
trême obligeance de vous charger me semblent devenues in
supportables; l'intelligence et la franchise n'y sont plus suffi
santes, et comme la chose ne vaut pas la peine qu'on y laisse
introduire d'autres lois, je vous prie de recevoir et d'agréer mes
remercîments.
« Quant au défi,il n'en saurait souffrir; s'il y a quelque res
source de l'autre côté, elle auratoute facilité pour surgir.
« Voici ma réponse de clôture avec la commission anglaise, et
ma proposition sous une forme définitive :Je donne le pion et
deux traits, si un adversaire anglais se présente (1).Je m'enten
drai avec lui seul. Sa capacité m'est d'avance un garant de son
équité : car l'une marche volontiers de pair avec l'autre.
« Recevez, messieurs, l'expression de mon amitié et de haute
estime.
« DEscHAPELLEs. »

(1) Dès l'origine, un adversaire aurait dû être désigné. Pourquoi ne l'a-t-on pas
fait ? Y avait-il impossibilité? Était-ce un dernier moyen évasif.
- 295 -

NOUVEL OUVRAGE SUR LE JEU DES ÉCHECs,


PAR M. ALEXANDRE.

Si dans notre dernier numéro nous avons omis M. Alexandre


parmi les plus forts joueurs d'échecs de l'époque, c'est que nous
désirions lui consacrer un article à part. Aujourd'hui nous ré
parons cet oubli avec d'autant plus de plaisir, que M. Alexandre
va prendre un rang parmi les auteurs qui ont consacré leurs
veilles à la propagation du jeu des échecs.
Beaucoup d'ouvrages ont été publiés sur le jeu ;plusieurs sont
remarquables par l'invention et les coups brillants qu'on y
trouve. Quelques-uns sont rares et d'un prix élevé.
Extraire des ouvrages les plus estimés les meilleures parties et
leurs variantes, démontrer aussi loin que possible l'invention
originale, donner à chaque partie son éloge mérité, a été depuis
long-temps le vœu desjoueurs d'échecs : M. Alexandre nous pa
raît l'avoir compris.Sa tâche est maintenant terminée : les nom
breux suffrages qu'il a déjà obtenus en France et en Angleterre
parmi les amateurs les plus distingués et les plus illustres lui im
posent une responsabilité qui le fera redoubler de soins dans
l'exécution typographique. Rien ne sera négligé pour satisfaire
entièrement MM. les souscripteurs.
Son ouvrage renfermera :
1° La partie du fou du roi.
2° La partie du cavalier du roi.
3° Le gambit du cavalier du roi.
4° Le gambit du fou du roi.
5° Le gambit de la reine.
6° Le pion du roi une case, et d'autres débuts irréguliers.
Les parties sont arrangées de manière que chaque début for
mera plusieurs feuilles ou cartes séparées, qui pourront être
jointes dans un seul rouleau ou reliées dans un livre, au choix
du souscripteur.
Ce mode d'arranger les parties épargnera un temps et une
dépense considérables. L'étudiant ne sera plus obligé de parcou
-- 296 -
rir quarante volumes écrits en différentes langues : il pourra
d'uu seul coup d'œil se rendre compte de ce que chaque auteur
aura écrit sur le même sujet. L'annotation dont on s'est servi
dans tout l'ouvrage est extrêmement facile : elle est à peu près
semblable à celle du Nouveau traité du jeu des échecs, par
M. de La Bourdonnais.
L'ouvrage contiendra environ deux mille parties, et pourra
être compris en un volume dont le prix n'excèdera pas 25 francs.
Les souscriptions seront reçues par M. Causette, rue de Sa
voie, 15; au café de la Régence, place du Palais-Royal ; au cer
cle des échecs, rue Neuve-Vivienne ; chez M. Fayolle, libraire,
rue du Rempart-Saint-Honoré, et chez l'auteur, rueVivienne, 8.

- - - PREMIÈRE LEçoN ÉLÉMENTAIRE. .


) - , - r

' Sur la demande d'un grand nombre de nos abonnés, et dan


le but de propager le jeu des échecs, nous donnerons désor
mais dans chaque numéro du Palamède une leçon destinée aux
commençants. Nous allons nous occuper d'abord de la marche
du jeu. : * '
Les échecs se jouent entre deux joueurs, sur une table carrée
que l'on nomme échiquier, divisée en soixante-quatre cases
aussi carrées, disposées sur huit de base et huit de hauteur.
Ces cases sont alternativement de deux couleurs différentes dans
le sens de la base et dans celui de la hauteur; par exemple,
blanches et noires.
Cette table se place entre les deux joueurs, de manière qu'elle
ait à sa droite la case blanche angulaire. ' ,' * ' . '
Les joueurs auront chacun seize pièces, blanches pour l'un,
et noirespour l'autre; ils les arrangeront chacun de leur côté
sur les deux premières bandes de l'échiquier, une par chaque
case Ces pièces se distinguent pour chacun en huit grandes et
huit petites. Les petites , égales en valeur, sont * pions
et se placent sur la seconde bande de l'échiquier; les grandes,
inégales en valeur, se placeront sur la première bande, elles
consistent : -

1° En deux tours qu'on place dans les cases angulaires, l'une


à droite et l'autre à gauche ;
2° En deux cavaliers qu'on place à côté des tours ;
3e En deux fous qu'on place à côté des cavaliers ;
4° Enfin, en un roi et une dame qu'on place dans les deux
cases restantes, de manière que la dame noire soit sur la case
noire, et la dame blanche sur la case de sa couleur. -
Les pions prennent leurs noms des grandes pièces devant les
quelles ils sont placés ; le pion qui se trouve devant le roi, par
exemple, est le pion du roi ; ainsi de suite. Leur marche est
droite de case en case, ils ne peuvent jamais reculer ; ils pren
nent en biais, La première fois que vous jouez un pion, vous
pouvez lui faire franchir deux cases ou une seule, suivant votre
volonté après quoi ils ne peuvent plus jamais avancer que d'une
seule case.
Quand un pion arrive sur la dernière case de l'échiquier, il
ut devenir dame ou toute autre pièce, au choix de celui à qui
il appartient.
Lorsqu'un pion franchit deux cases et qu'il passe devant un
pion de l'adversaire, celui-ci peut l'arrêter au passage et le
prendre si cela lui convient.
La manière dont toutes les pièces de ce jeu se prennent l'une
l'autre est d'enlever la pièce prise de l'échiquier, en mettant à
sa place celle qui la prend.
La marche des fous est oblique; ils peuvent aller d'un bout à
l'autre de l'échiquier sans jamais changer de couleur ni sauter
par-dessus une autre pièce.
Le fou auprès du roi est le fou du roi , et celui qui est auprès
de la dame s'appelle fou de la dame. - -
La marche du cavalier diffère des autres pièces, elle est obli
que ; il franchit toujours trois cases, du blanc au noir et du noir
au blanc, ayant seul la faculté de sauter par dessus les autres
pièces. -
La tour marche toujours en ligne droite, soit perpendiculai
rement, soit parallèlement; elle peut avancer ou reculer de
plusieurs pas. C'est, après la dame, la pièce la plus forte du jeu.
La dame a et la marche du fou et la marche de la tour. .
Le roi est la première et principale pièce du jeu, il ne fait
jamais qu'un pas ou une case en tous sens, si ce n'est quand il
saute avec une de ses tours, alors il peut sauter deux cases, et
cela de deux manières seulement, ou de son côté ou du côté de
sa dame. Quand il saute de son côté, il se met à la case de son
23
- 298 -
cavalier, et sa tour se place auprès de lui à la case du fou du
roi, et quand il saute du côté de sa dame, il se mét à la case du
fou de sa dame, et la tour de sa dame à la case de sa dame.On
appelle ce saut que l'on fait faire au roi roquer. .
Il y a cinq cas où le roi ne peut roquer, le premier est lors
qu'il y a quelque pièce entre lui et la tour du côté de laquelle
il veut aller, le second quand cette tour a déjà remué, le troi
sième lorsque le roi a été obligé de sortir de sa place, le qua
trième quand il est en échec, et le cinquième lorsqu'une des
cases par dessus lesquelles il veut sauter est en vue de quelque
pièce de l'adversaire qui lui donnerait échec en passant.
Le mot échec est un avertissement donné au roi de se garantir
d'une attaque que l'on dirige sur lui. -
Le roi ne peut jamais se mettre en échec.
- Le but du jeu des échecs est de prendre forcément le roi,
c'est ce que l'on appelle le faire mat. Le roi est mat quand il est
en échec et qu'il ne peut jouer nulle part sans se mettre encore
échec ou qu'il ne saurait se couvrir d'aucune de ses pièces, ou
cnfin prendre la pièce qui lui donne échec. -
Le roi est pat quand n'ayant plus de pièces qu'il puisse jouer
et se trouvant entouré de pièces ennemies, sans pourtant être
en échec, il ne peut aller nulle part sans s'y mettre; en ce cas,
la partie est nulle. La partie est encore nulle lorsque l'échec au
roi est perpétuel.
: --: --

soLUTIoNs DEs PRoBLÉMEs DUNUMÉRò PRÉCÉDENT.


soLUTioN nu N° XXV.
BLANCS. - NOIRS. . :
1 Le F donne échec. 1 Le R prend le C.
2 Le R à la 2 c. de son F de la D, et . . ,
le coup suivant échec et mat.
soLUTioN ou N° XXV I. -
1 Le C de la D donne échec. 1 Le R à la 2 c. de sa D.
2 Le P du R une c. Échcc. 2 Le R à la 3 c. de sa D. " " "
3 Le C de la D à sa 5 c. Échec. 3 Le R à sa 4 c. - -
4 Le R à la 5 c. de son C.
Quelle que soit la défense des noirs, ils seront échec et mat en deux coups
au plus.
soLuTioN Du N° XXIlI.

BLANCS. - NOIRS.
- -
1 Le Cprend le F. Échec. 1 La T prend le C.
2 La D à la c. de la T du R. Échec. 2 La T à la 2 c. du G. : , t .
3 La Dà la c. de laTadverse.Échec. 3 La T à la c. du C.
4 La D prend la T. Échec. 4 Le R prend la D.
5 La T à la c. de la Dadverse. Éch. 5 Le R à la 2 c. du C.
6 La T donne échec et mat. *, * ,* 1
,1 .
VARIANTE.

1 Le C prend le F. Échec. 1 Le P prend le C.


2 La D à la 2 c. de la T. Échec. . 2 La T à sa 2 c.
3 La D à la c. du C du R adverse. 3 Le R à la 2 c. du C. , : , i .
Échec.
4 La T à la 7 c. de sa D. Échec. . | 4 La Dprend la T.
5 La D à la c. du C de la D adverse. |
Échec et mat.

t -i * , soLutIoN nu N° XXVIII. - . :
1 La D à la 7 c. de son R. Échec. 1 Le R à la 3 c. de sa T.
2 La D à la 4 c. de laTdu R.Échec. 2 Le R à la 2 c. du C. .
3 La D à sa 4 c. Échec. 3 Le R à la 3 c. de la T.
4 La D à la 4 e du F du R. Échec - 4 Le R à la 2 c. du C.
5 La D à la 5 c. de son R. Échec. 5 Le R à la 3 c. de la T.
- 6 La T à la 5 c. de la T du R. Éch. 6 Le P prend la T.
7 La D à la 6 c. du F du R. Échec
et mat.

- - soLUTIoN DU N° XXIX.
-

1 La D à la c. du C du R adverse. 1 La D prend la D.
CC. -
2 Le P à la 8 c. fait un C. Échec. 2 Le R à la C de sa T. .. .
3 LaTà la 7 c. de laT.du R. Éch. 3 La D prend la T.
4 L'autreT prend la D. Échec. 4 Le R à la c. du C. ,
5 La T à la c. de la T du R adverse. 5 Le R prend la T. - - l -

Échec.
6 Le R à la 7 c. de son F. Échec. 6 La C couvre.
7 Le F prend le C et fait échec et
- 3oo -

soLUTIoN DU N° XXX.
BLANCS. NOIRS,
1 Le P du F de la D 1 c. Échec. | 1 La D prend le P.
2 Le Fà la 5c. de la Tde sa D. . | 2 La D prendle F.
3 Le C à la 6 c. du F. Échec, prend
la D. -- -
- . . ! ... 1 1 . .. : - 1 - 1 ,
VARIANTE.
1 Le P du F de la D 1 c. Échec. 1 Le R prend le P. , - l -
2 Le F à la 4 c. du F de son R. 2 La D prend le F.
3 Le C à la 5 c. de sa D. Échec et
prend la D. -

1 La D prend la D. 1 Le P prend la D. . - " l


2 Le R à la 2 c. de son C. 2 Le P du R 1 c.
3 Le P de la T de la D 2 c. 3 Le P du R 1 c. - : - t - l -
4 Le P 1 c.gagne la partie. - -

soLUTIoN nU N° XXXII.
1 Le P de la T à sa 8c. fait une T. | i 1 Le C à la 2 c. de la T du R.
2 La T à la c. du C du R adverse. | 2 Le C à sa 4 c.
3 LaTprendle Cet gagpe la partie. l . - - -
Si à la place d'une tour on avait fait une dame, on n'aurait pas gagné,
parce que la dame n'aurait pu prendre le cavalier à sa5 case sans faire pat le
roi noir.

Dans les planches qui suivent, chaque pièce est désignée par
sa lettre initiale. Les lettres à jour désignent les pièees blanches.
Les blancs ont toujours le trait. Le mat n° XXXIII est de la com
position de l'un de nos forts amateurs, M. de Tournay; le
n° XXXIV est de M. Georges Walker; les mats des n° XXXV et
XXXVIII sont de l'anonyme de Modène; ceux des n°.XXXVI
et XXXVII de M. Bolton ; le n° XXXIX de Ponziani ; le n° XL
est de M. Mercier, l'un des meilleurs joueurs d'Angleterre. i .
Dans nos prochains numéros, nous continuerons à consacrer
quelques articles aux commençants, sous le titre de Legons élé
mentaires. -
Le rédacteur et gérant responsable,

PARIS, - imprimerie de DEzAvcnr, fanb. Montmartre, n. 1 1 ,


Mat en trois coups.
D
Mat en quatre coups
-

4 D|
-
- -
-

Mat en six coups.

Mat en sept coups. .


Noir.

- -
Les blancs remettent la partie.
-- 3o5 -

LA PARTIE D'ÉCHECS DU DIABLE.


(Extrait des chroniques de Flandre, 1 131.)

Le sire de Clairmarais étaità la chasse depuis l'heure des ma


tines; la châtelaine, son épouse, occupait les loisirs d'une longue
soirée d'automne à broder, dans son oratoire, un voile de drap
d'or, tissu précieux destiné à l'ornement de la châsse miracu
leuse du bienheureux saint Bertin. Ses dames d'atour ouvraient
autour d'elle en silence; car leur maîtresse était trop hautaine
pour deviser avec des vassales, et même pour leur permettre
d'élever la voix devant elle lorsqu'elle ne les en requérait point.
Depuis une heure, le vent avait cessé d'apporter au château
les derniers sons du couvre-feu tinté au beffroi de Saint-Omer,
ville distante d'une demi-lieue environ, quand tout-à-coup on
ouït à la poterne du manoir le son du cor. Il y avait dans cette
fanfare je ne sais quoi d'étrange et de sauvage qui fit tressaillir la
châtelaine et ses femmes. Un page alla s'enquérir de ce que c'é
tait, et il revint apprendre à sa maîtresse qu'un chevalier de
haute apparence et se disant le sire Brudemer demandait l'hos
pitalité.
Si quelque pauvre manant, en danger de vie, eût été se la
mentant au bord des fossés, la châtelaine n'aurait eu garde de
faire abaisser le pont-levis pour lui donner asile dans le manoir;
mais il en étaittout autrement d'un noble seigneur. Elle donna
ordre qu'on l'admît dans le château et qu'on l'introduisît auprès
d'elle.
Etpuis elle se mit, suivant la coutume, à préparer de ses
propres mains l'hypocras que l'on doit offrir à ses hôtes en signe
de bienvenue. Elle n'avait point fini de verser le breuvage dans
une coupe d'argent, lorsque le sire de Brudemer fut amené par
le page.
Il s'avança vers la châtelaine avec cette courtoisie avenante
et noble qui appartient à un chevalier de haut lignage, et com
mença par remercier gentillement la dame de l'hospitalité
qu'elle lui octroyait : « Je me suis égaré dans ce domaine, dit
il; je maudissais naguère encore la fougue de mon destrier, qui,
24
– 3o6 -

me séparant de mes veneurs, m'entraîna parmi des marais et


des ravins, au plus fort de ce bois ; mais, depuis que j'ai l'heur
d'être admis en la présence d'une dame aussi merveilleusement
belle, je ne compte plus pour rien fatigues, dangers, niinquié
tudes. »
Au premier abord, la voix de l'étranger avait quelque chose
d'amer et de rude que faisait bientôt oublier néanmoins la
grâce emmiellée de ses propos.
Les dames d'atour, qui,suivant l'usage, s'étaient retirées dans
le fond de la salle, de manière à voir ce qui s'y passait,sans
toutefois entendre les discours que l'on pouvait y tenir, se fai
saient tout bas remarquer entre elles la richesse des vêtements
de Brudemer, l'élégance de sa tournure, la régularité de sa
physionomie et l'expression sauvage de son regard de feu.Aussi,
n'était-il pas étonnant que la châtelaine trouvât un charme
inexprimable dans la société de son hôte, elle qui n'avait d'au
tres compagnes que des vassales dont les entretiens se bornaient
aux longs récits de batailles et de tournois du vieux seigneur
son époux, meilleure lance que galant aimable.
Profitant avec habileté de ses avantages, Brudemer ne tarda
pas à mêler dans ses discours quelque chose de plus flatteur et
de plus tendre que ne le permettaient même les mœurs cheva
leresques de l'époque. La châtelaine, ordinairement si dédai
gneuse et si fière, subjuguée par un pouvoir inconnu , l'écouta
sans colère, puis bientôt avec une émotion toujours croissante.
Se plaçant alors sans affectation de manière à cacher la
dame de Clairmarais aux regards de ses femmes d'atour, il s'em
para d'une main qu'on ne songea pas à lui retirer, et la porta
tendrement à ses lèvres, puis son genou pressa tendrement un
genou qui tremblait.
Il serait difficile d'exprimer les sensations de la châtelaine :
un feu âpre, infernal, circulait douloureusement dans ses
veines ; il étreignait son front, il faisait haleter sa poitrine. Elle
n'éprouvait rien de cette douce langueur, de cette ivresse inef
fable, doux et cruels symptômes du mal d'amour. C'étaient
plutôt l'angoisse, la sueur froide et les frissons d'un pécheur
qui trépasse ; c'était plutôt l'horrible stupéfaction d'un pèlerin
qui voit s'attacher sur lui le regard d'un basilic.
Dans son trouble, la dame de Clairmarais laissa tomber le
voile qu'elle brodait. « Oh ! si l'on m'octroyait le don d'une
- 3o7 -
semblable écharpe, dit Brudemer, si la dame, dont les belles
mains l'ont façonnée, me prenait pour son chevalier, que de
lances je romprais en l'honneur d'elle, en champ clos et dans
les batailles.»
Elle la releva d'un mouvement convulsif et lui dit : « La
voilà. »
Brudemer porta l'écharpe à ses lèvres pour cacher un hor
rible sourire qu'il ne pouvait réprimer. Mais il la jeta soudain,
avec un frisson de terreur et comme si elle eût été de feu. Or,
le chapelain l'avait examinée, le soir même après vêpres, et les
mains encore humides d'eau bénite.
Mais remis aussitôt de son émotion, il se rapprocha plus en
core de la châtelaine, et baissant la voix :
« J'ai été conduit jusqu'à votre châtel par un vieillard ayant
grand'hâte de rencontrer le sire de Clairmarais. Il l'attend à
la poterne pour lui révéler un secret important, et qui vous
COnCerne. »

La châtelaine pâlità ces mots.


« Je me suis informé, continua Brudemer, des motifs qui lui
faisaient rechercher votre époux avec tant d'empressement.
C'est, m'a-t-il répété, pour lui découvrir un mystère qui amè
nera bien du changement dans le manoir de Clairmarais.
« La châtelaine m'a fait chasser ignominieusement du châ
teau; elle m'a menacé d'un cul de basse-fosse si j'y revenais.
L'ingrate! je la dépouillerai de ses titres et de ses richesses,
dont elle est si orgueilleuse.
« Comme je ne voulais point ajouter foi à ses menaces, il me
raconta que sa femme avait été nourrice de la fille du comte
d'Érin ; que le nourrisson était mort sans que personne au
monde le sût, excepté lui; qu'il vous avait mise, vous, sa
propre fille, dans le berceau de la jeune comtesse trépassée,
et que vous aviez été élevée et mariée comme l'enfant du sei
gneur d'Érin. Il m'a fourni les preuves nombreuses et irrécusa
bles de sa fraude.
« Une fois ce mystère connu, le sire de Clairmarais ne tar
dera pas à répudier une vassale, la fille d'un serf ignoble dont
il a été la dupe.»
La châtelaine se tordit les nains avec désespoir.
« Écoutez, continua Brudemer en baissant encore davantage
la voix, et de manièrepourtant que la dame de Clairmarais ne
- 3o8 -
perdît pas une de ses paroles, écoutez : le vieillard, enveloppé
de son manteau, dort au pied de la poterne; ce poignard.
Venez.
« Mon père !
« Non, vous avez raison, répliqua Brudemer avec une froi
deur ironique; que sait-on ?On daignera peut-être,par pitié,
vous admettre parmi les dames d'atours de la nouvelle épouse
du sire de Clairmarais. Au pis-aller, vous ne serez que rasée,
enfermée dans un couvent. »
La châtelaine se leva brusquement,fit un geste à sesfemmes
pour leur défendre de la suivre, et, donnant la main à Brude
mer, tous deux prirent le chemin de la poterne.
Après avoir chassé toute la journée, le sire de Clairmarais
revenait où il lui tardait de se trouver, près d'un foyer bien
chaud à côté de la belle châtelaine, son épouse.
Il avait tant hâte d'arriver qu'ilprécédait de quelques pas ses
veneurs, quand tout-à-coup voilà son cheval qui refuse d'avan
cer, qui se cabre et qui donne tous les signes d'un grand effroi.
Force est au vieux seigneur de mettre pied à terre. Oh! quel
estsa surprise et son chagrin ! le père nourricier de son épouse
est là étendu sans mouvement et une large blessure à la poi
tI'1Ine.

On s'empresse autour de lui et les secours qu'on lui prodigue


ne restentpas inutiles. Le voilà qui entr'ouvre les yeux; il se
soulève avec effort, et, se penchant vers l'oreille du sire de
Clairmarais, il lui murmure d'une voix défaillante quelques
paroles qui font tressaillir d'horreur le châtelain; puis il retombe
et expire.
Le vieux seigneur, sans proférer un seul mot, marche droit
à l'oratoire où se trouvait son épouse. Le front couvert d'une pâ
leur mortelle, elle était assise devant une table étroite, et,pour
déguiser son trouble affreux, elle feignait de jouer aux échecs
avec Brudemer.
Celui-ci, à la vue de Clairmarais, partit d'un horrible éclat
de rire ; la châtelaine partagea cette exécrable hilarité. Il fallait
souffrir pour rire ainsi !
Alors, le sire deClairmarais ne douta plus de ses malheurs ;
car, jusque-là,il n'avait pu croire aux crimes dont le vieillard
mourant avait accusé la châtelaine. « Satan, s'écria-t-il au
comble de l'indignation et du désespoir, Satan, je t'abandonne
- 3o9 -
la parricide, l'épouse adultère et le château qu'elle a souillé de
sa présence.
« J'accepte, » dit Brudemer, et, en même temps, une cou
ronne de feu jaillit autour de sa tête, et il étendit sur les blanches
épaules de la châtelaine deux terribles mains armées tout-à-coup
de griffes infernales. -
Il y avaitplus de deuxcents ans que le sire de Clairmarais
était mort en odeur de sainteté dans l'abbaye de Saint-Bertin,
lorsqu'un soir, un religieux de Saint-Benoît s'informa d'un bour
geois de Saint-Omer quel était le manoir dont on voyait s'élever
les tours au milieu d'un bois entouré de marais immenses.
« Que Notre-Dame et les saints vous soient en aide! répondit
le bourgeois en se signant avec dévotion ; c'est le château de
Clairmarais, endroit maudit, hanté par le démon. Chaque nuit,
il est éclairé par une lueur soudaine ; chaque nuit, le diable et
je ne sais combien de revenants s'y rendent dans leurs chariots
de feu.
« S'il faut en croire les anciens du pays, le démon qui habite
ce château a nom Brudemer, et force les insensés qui pénètrent
dans sa demeure à jouer aux échecs leur âme en échange de la
propriété du domaine et de tous les trésors qu'il renferme.Vous
sentez bien que nul, jusqu'à présent, n'a su gagner le diable,
et que nul, par conséquent, n'est revenu de Clairmarais.»
Le moine écouta le bourgeois en silence, et puis, après avoir
réfléchi quelques instants, il marcha d'un pasferme vers le ma
noir diabolique.
Il y pénétra sans obstacle et alla s'établir dans un oratoire
meublé richement et au milieu duquel se trouvait une table
étroite sur laquelle était posé un échiquier garni de toutes ses
pieces.
Tandis que le moine examinait ces objets que l'obscurité com
mençait à ne plus rendre très distincts,une lumière vive se ré
pandit tout-à-coup dans l'oratoire et le religieux fut au même
instant entouré d'une foule de varlets , de pages et de dames
d'atours vêtus à l'antique. Tous s'acquittèrent en silence des
devoirs de leur charge, sans qu'on entendît le bruit de
leurs pas.
Peu après s'avança lentement un seigneur richement vêtu ;
sur son bras s'appuyait une femme jeune encore, et dont la belle
physionomie était couverte d'une pâleur de cadavre, et puis
- 31o -

suivaient huit pages courbés sous le poids de quatre lourds cof


frets remplis d'or. -
Brudemer se mit près de l'échiquier et fit signe au moine de
s'asseoir devant lui. Le moine obéit, et tous deux commencent à
jouer sans proférer un seul mot.
Par une combinaison savante, le moine croyait avoir fait mat
son adversaire, quand la dame pâle, qui était restée debout
derrière Brudemeretappuyéesur le dossier de son grand fauteuil,
se pencha vers lui et du doigt lui montra la pièce qu'il fallait
jouer. Alors la partie changea de face, et ce fut le moine qui se
trouva en danger d'être mat.
Ce coup joué, Brudemer et la dame se mirent à rire aux
éclats, et tous ceux qui se trouvaient dans l'oratoire se groupè
rent autour desjoueurs et prirentpart à cet effroyable accès de
gaîté que ne sauraient faire comprendre des paroles humaines.
Le religieux commença à se repentir de sa témérité. Une
sueur de glace ruisselait sur son front, et il aurait donné tout au
monde pour se trouver à cette heure dans son couvent. Néan
moins, il ne désespéra pas de la bonté divine et se mit à inter
céder mentalement son bienheureux patron saint Benoît, car
un miracle seul pouvait le tirer de ce pas dangereux. Tout-à
coup, et parune inspiration céleste,il s'aperçut qu'une combi
naison nouvelle pouvait encore lui faire gagner la partie. Il la
saisit, et il allaitavancer la pièce qui assurait savictoire, quand
les éclats de rire qui retentissaient autour de lui se changèrent
en hurlements effroyables,puis il n'entendit et ne vit plus rien.
Le moine, après avoir passé toute la nuit en oraison, vit
enfin renaître le jour avec un joie que l'on sefigure aisément.
Il trouva à la place occupée la veille par la dame si pâle un sque
lette couvert des lambeaux de riches vêtements de femme.
Resté possesseur du château et des trésors qu'il renfermait,
le bon religieux fit de cet endroit maudit un monastère dont il
devint le supérieur.
- 31 1 -

NoUVEAU CERCLE DES ÉCHECS,


RUE RICHELIEU, N° 89.

Le vœu des amateurs du jeu des échecs est enfin réalisé : un


nouveau cercle qui leur est spécialement consacré vient d'ou
vrir ses beaux salons dans le quartier le plus brillant et le plus
recherché de la capitale. C'est là que se réunit maintenant l'é
lite des joueurs ; elle se compose de pairs de France, de députés,
de généraux, d'académiciens, de magistrats, de savants, de
littérateurs, d'industriels et de négociants, qui viennent s'y
délasser de leurs grands et utiles travaux.
Autour d'eux on voit se grouper des jeunes gens qu'anime
déjà une étincelle du génie de Philidor; profitant des leçons de
tactique et des bons exemples qu'ils reçoivent,ils font de ra
pides progrès, et ne tarderont pas à égaler leurs maîtres.
L'inauguration du Cercle des échecs s'est faite sous d'heureux
auspices ; elle a eu lieu au moment même où les deuxparties
commencées depuis trois ans, entre le club de Westminster,à
Londres, et celui de Paris, se terminaient à notre avantage.
Cette victoire cependant nous flatte sans nous enorgueillir ;
nous avons reconnu dans nos adversaires de nobles et dignes
rivaux, bien en état de prendre leur revanche, et à qui le sort
des armes sera peut-être un jour plus favorable.
Le cercle a décerné le titre de membres honoraires aux plus
habiles joueurs connus de l'Europe, et se propose d'augmenter
autant qu'il luisera possible le nombre de ses correspondants.
Déjà il a accueilli avec empressement plusieurs visiteurs étran
gers, qui y sont venus mesurer leurs forces, et engager des par
ties fort intéressantes. Nous citerons entre autres M. Szén, que
la Hongrie a vu naître, et que son talent place au rang des plus
forts amateurs. Il a soutenu avec distinction un défi contre
M. Boncourt, et ce dernier n'a remporté l'avantage que d'une
partie ; mais, dans un engagement contre M. de La Bourdon
nais, qui lui rendait pion et deux traits, il a su ranger la for
tune de son côté, et, sur vingt-et-une parties, il en agagné une
de plus.
Ces parties sont à la fois instructives et amusantes, également
– 312 -
bien jouées de part et d'autre; l'attaque et la défense y déploient
les ressources d'une imagination vive, tempérée par la prudence
et la réflexion. Aussi, promettent-elles de captiver long-temps
l'attention des connaisseurs. Le prochain numéro du Palamède
en contiendra plusieurs. -
Lafondation du nouveau Cercle des échecs n'est point le ré
sultat d'une spéculation vénale ni d'une entreprise particulière :
il s'est formé d'une réunion d'amateurs, dont l'unique but est
de se livrer à l'exercice et à l'étude de leur jeu favori, les autres
jeux de société n'y étant considérés que comme accessoires.
Il est administré par une commission de neuf membres choisis
en assemblée générale, et qui ont élu pour président M. legé
néral comte Duchaffault, membre de la chambre des députés ;
pour vice-président M. de Jouy, de l'académie française, et pour
secrétaire M. de La Bourdonnais, directeur-gérant du Pala
mède. -
Le fonds social indispensable pour subvenir aux dépenses de
l'établissement, se compose d'actions fixées auprix de 1oof.
Le droit d'entrée pour chaque actionnaire est par an de 5o f,
et de 75 f. pour les simples abonnés.
Il y aura aussi quelques abonnements à raison de 1o f.par
mois.
C'est aux membres de la commission ou à son secrétaire que
l'on doit s'adresser pour tout ce qui concerne les présentations
et les admissions.

Nous offrons ici à nos lecteurs la liste des membres du nou


veau Cercle des échecs :
-
Messicurs,

Almalric, Alder, Alexandre, Alavoine , commandant Amyot,


Anthoine, auditeur au conseil d'état;Audinet-Surville, Azevedo,
Barbier, chevalier de Barneville, duc de Bassano, G. Baker,
Bérenger, de Beaumont, L. Benard, Ét. Benard, Bethmont,
avocat ; Bernard, docteur Berthet, vicomte de Bellemarre ,
Binet, Bertin de Vaux, pair de France ; Bertin de Vaux, offi
cier d'ordonnance du prince royal ; Bonnet, le colonel Bory ,
Saint-Vincent, le comte Boissy d'Anglas, pair de France ; le
comte de Brevannes , le chevalier de Brevannes , le comte de
- 313 -
Bellevue, Boncourt, Bontems, Boulouze, Boulard ; Boucher, se
crétaire-général du ministère de la marine; Bonfil, Buzeaud,
Baulan ;
Docteur Cabarrus, Chamouillet, C Charpentier, Capdeville ;
Dacier, Dacosta, Dreyfus, Dupuy, Dulong, Deschapelles,
Desloges, Devinck, Dizi, comte Duchaffault, député ; baron
Dnménil, Desmolliens, Dupaty, de l'académie française; docteur
Delondre, Dibon , Delanoue, Dutemple ;
Le docteur Fouquier, Fauché, docteur Foissac, docteur
France, G. Fregeville, Favard, délégué de la Guiane ; de la
Folleville, Féra ;
Garnot, Gibberton, Guichard, Guérin, docteur Gondret, de
Gauffreto, colonel Guingueret ;
Hersent, de l'Institut ; Hersent, Halphen, contre-amiral Ha
melin, général Haxo, pair de France; Hugot, avocat ; Hacot;
De Jouantho, Jaquelin, A. Jaubert, de l'Institut ; Jay, de
l'académie française, député; de Jouy, de l'académie française ;
docteur Jaubert, Jomard, de l'Institut; Issler ;
Le prince Labanoff, Leclerc, Lefebvre, Louvent, Lécrivain,
de Lacretelle, de l'académie française ; Larcher, Lemaître, Lin
do, Lerey de Chaumont ;
Mignet, conseiller d'état ; Marchand, maître des requêtes ;
Maas,général comte Merlin, Michel, juge au tribunal de com
merce; Mathieu aîné, Mathieujeune, Miley, baron de Meck
lembourg ;
Général Ordonnau, docteur Oudet ;
Ve de Perthuis, Prévost, baron Pogogef, Pelletier, C. Perrier,
secrétaire d'ambassade; de Potter, général Pepé, Pommier ;
Rebut, Richard, Rieublanc, comte de Richebourg, pair de
France ; Ruineau-Fontaine, H. Rodrigues, vicomte de Rosily,
Robberts, Robello, Riant ;
Le comte J.Sobanski,Sasias, Sipierre, Servoisier, comte Si
méon, pair de France; Saint-Amant, Saint-Loup, Schulten ;
De Thou, Tennesson, général baron Thiébault, Tremeau ,
Troupenas, de Tournay ; -
Général Vedel, baron de Villedavray, comte de la Villegon
tier, pair de France; vicomte de Vaufreland, Wilson, Worms
de Romilly.
- 314 -

Membres correspondants. --
Messieurs :
Le colonel Lévêque, à Alger;
Le commandant Ducourthial, à Marseille ;
Comte de Messimy, à Montmerle ;
Général Fuller, à Versailles ;
Bernard-Gridaine, à Sédan ;
De Mondeville, à Montbazon ;
Doazan, à Besnières ;
Viney, à Langres ;
Docteur Lamare, à Honfleur ;
Laigle, à Valenciennes ;
Quintard, procureur du roi à Toul ;
Boisvain, à Auxerre ;
Foy, Legris de la Salle, Carle, à Bordeaux ;
L. Marquetti, à Lyon ;
Chevalier Odoard, Havas, conseiller à la cour royale, Cambry,
directeur de la monnaie; docteur Desbois, à Rouen ;
L. Delespaul, Paradis , général vicomte de Rigny, à Lille ;
Lacoste, conseiller d'état,préfet des Bouches-du-Rhône , à
Marseille ;
Choppin d'Arnouville, conseiller d'état,préfet du Bas-Rhin, à
Strasbourg ; .
De Sermet,intendant militaire, à Cherbourg ;
Tetiot, négociant,à Rennes ;
Plessis, notaire à Blangy ;
Coutaud, à Blois ;
Le commandant Dumoncheau, à Chambord ;
Delage,à Douai;
Dauvergne,à Wesserling ;
Marsal, à Carcassone ;
F. Bouquet, rédacteur du Journal de l'Aisne,à Laon ;
Petit-Mangin, directeur des contributions indirectes àBourges,
Sausset, receveur des finances à Trevoux ;
Marguiset,à Tours;
Houdiard, à Arras ;
De Barthez, à Saumur ;
Capitaine Mahot, à Laferre.
- 315 -

GAMIBI MIU7ZIO.

C'est l'une des plus jolies ouvertures de jeu que l'on con
naisse; l'invention en est due au signor Muzio, qui vivait au
commencement du XVII°siècle. Salvio, dans son ouvrage, nous
l'a fait connaître le premier; c'est un cavalier changé pour
plusieurs temps. L'on a écrit des volumes sur ce début ; nous
en donnerons dans les prochains numéros toutes les plus jolies
variantes et la véritable défense.
Les amateurs trouveront ici trois parties du gambit Muzio
jouées entre M. Macdonell et le gérant du Palamède, elles leur
donneront une idée de l'attaque que donne le sacrifice du ca
valier.
PREMIÈRE PARTIE.

NonRs. BLANCS.
1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du F de la D. | 4 Le P du C du R une c.
5 Le C de la Dà la3 c. de son F (a). | 5 Le P prend le C(b).
6 La D prend le P. 6 Le F du R à la 3 c. de sa T(c).
7 Le P de la D 2 c. 7 Le C de la D à la 3 c. de son F.
8 Le R roque. 8 Le C de la D prend le P.
9 Le F du R prend le P. Échec (d). | 9 Le R prend le F.
1o La D à la 5c. de laT du R. Échec. | 1o Le R à la 2 c. de son C.
1 1 Le F de la D prend le P. 1 1 Le F prend le F.
12 La T prend le F. 12 Le C du R à la 3 c. de son F.
13 La D à la 5 c. du C du R. Échec. | 13 Le R à la 2 c. de son F.
14 La T de la D à la c. du F du R. | 14 Le R à sa c.

(a) variante fort jolie et qui demande souvent, pour conserver l'attaque, le sa
crifice d'une autre pièce. Elle est de l'invention de M. Macdonell, elle était en
tièrement inconnue à son adversaire.
(b) La prise de ce cavalier constitue le gambit Muzio.
(c) Mauvais coup de défense.
(d) Second sacrifice nécessaire pour conserver l'attaque.
- 316 -
NOIRS. BLANCS,

15 La T prend le C. 15 La D à la 2 c. de son R.
16 Le C de la D à la 5 c. de sa D. n6 La D à la 4 c. de son F.
17 Le R à la c. de sa T.
Les blancs abandonnent la partie, qui dans cette position est forcément
perdue.
DEUxIÈME PARTIE.
NOIRS, BLANCS.

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. du F. Le P du C du R 2 c.
4 Le F du Rà la 4 c. du F de la D. Le P du C du R une c.
5 Le C de la D à la 3 c. de son F. Le P prend le C. .
6 La D prend le P. La D à la 3 c. du F du R (a).
7 Le C de la D à la 5 c, de sa D. La D à la 4 c. de son R.
8 Le P du F de la D une c. Le F du R à la 3 c. de la T.
9 Le P de la D 2 c. 9 La D à sa 3 c.
1 o Le P du R une c. 1o La D à la 3 c. de son F.
1 1 Le F du R à la 5 c. du C de la D. La Dà la 3 c. du C du R (b).
12 Le C prend le P. Échec. I *2 Le R à la c. de sa D.
13 Le C prend la T. 13 Le C du R à la 2 c. de son R.

14 Le R roque. 14 La T du R à la c. du C.
15 Le F du R à la 3 c. de sa D. 15 La D à la 2 c. du C du R.
16 Le P du C de la D 2 c. (c). 16 Le C du R à sa 3 c.

17 Le F prend le C. 17 La D prend le F.
18 Le P du C de la D une c. 18 Le P de la D une c.

n9 Le P du C de la D une c. 19 Le P de la T de la D une c.
2O Le C de la D à la 3 c. de son F.
2o Le P prend le P.
Dans cette position les noirs ont un pion et un échange de plus; ils ont ga
gné la partie, qui a été fort longue et n'a pas offert un grand intérêt.
TRoIsIfME PARTIE.
NOIRS, BLANCS.

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 4 Le Pdu C du R une c.
5 Le C de la D à la 3 c. de son F. 5 Le P prend le C.
(a) Mauvais coup de défense.
b) L'on ne peut prendre le F sans p
peut p perdre la D.
(c) Pour dégager le cavalier.
-- 317 -
N01R3 . fLANCs,
6 La D prend le P. 6 Le C de la D à la 3 c, de son F.
" 7 Le P de la D 2 c. 7 Le C prend le P.
8 Le F du R prend le P. Échec. 8 Le R prend le F.
9 La D à la 5 c. de sa T du R. Échec. 9 Le R à la 2 c. de son C.
1 o Le R roque. 1 o Le C de la D à la 3 c. de son R.
11 Le F de la D prend le P. 1 1 Le F du R donne échec.
12 Le R à la c. de sa T. 12 Le C du R à la 3 c. de son F.
13 La Dà la6c. de saT du R. Échec. 13 Le R à la c. de son C.
14 La T du R à la 3 c. de son F. 14 Le F du R à sa c.
15 La T du R donne échec. 15 Le R à la 2 c. de son F.
16 La D à la 4 c. de sa T du R. 16 Le C prend le F.
17 La D prend le C. 17 Le P de la D une c.
18 La T de la D à la c. du F du R. 18 Le F de la D à la 3 c. du R.
19 La D à la 5 c. du C du R. 19 Le R à sa c. (a).
2o La T prend le C. 2o La D à la 2 c. de son R.
21 La T du R à la 3 c. de son F. 21 Le P du F de la D une c.
22 Le C à la 2 c. de son R. (b) 22 La T du R à la c. du C du R.
23 La D à la 5 c. de laTdu R. Échec. 23 Le R à la c. de sa D.
24 Le C à la 4 c. de sa D. 24 Le Fde la Dà la 5c.du C du R.
25 La D à la 5 c. de sa T. Échec. 25 Le R à la c. de son F de la D (c).
26 La T du R à la c. du F. 26 Le F de la D à la 2 c. de la D.
27 La T à la 7 c. du F du R. 27 La D à la c. de son R.
28 Le P du C de la D 2 c. (d). 28 Le P du C de la D une c.
29 La D à la 6 c. de sa T. Échec. 29 Le R à la 2 c. du F de la D.
3o La D à la 4 c. de son F. 3o Le F du R à la 2 c. de son R.
31 Le C prend le P(e). 31 Le P du C de la D une c.(f).
32 La D prend le P. 32 Le F prend le C.
33 La D à la 5 c. de sa T. Échec. 33 Le R à la c. de son C de la D.
34 La D à la 5 c. du F du R. 34 Le F du Rà la c. de sa D.
35 La T à la c. du R. 35 La D à la 4 c. du R.
36 La D à la 3 c. du F du R. 36 Le P de la D une c.
37 Le P du C de la Dune c. 37 Le F à la 2 c. du C de la D.
38 La T prend le F. 38 Le R prend la T. --
39 La D donne échec. 39 Le F du R à la 2 c. du Fde la D.
Les noirs abandonnent la partie.

(a) Pour éviter l'attaque, les blancs abandonnent une pièce.


(b) Pour revenir en attaque.
(c) L'on ne peut pousser sur la dame sans s'exposer au double échec du cavalier.
(d) Pour découvrir le R de l'adversaire.
(e) Les noirs avaient une belleposition; ils perdent leur partie en prenant ce pion.
(f) Joli coup de ressource.
- 318 -

DÉFI ENTRE M. DESCHAPELLES ET M. LEWIS.

Dans le cours de l'année 182 1, MM. Deschapelles et Lewis se


mesurèrent ensemble; M. Deschapelles donnait le pion et le
trait. Trois parties furent jouées ; M. Lewis en gagna une, et
les deux autres furent remises. Ces parties sont très-belles, nos
lecteurs les trouveront à la fin de cet article.
Le défi s'était engagé difficilement. M. Deschapelles voulait
donner le pion et deux traits à son adversaire, et faire un cer
tain nombre de parties pour une somme d'argent assez forte.
M. Lewis ne voulait point recevoir d'avantage et ne désirait
point jouer d'argent. Le gérant de cette revue parvint avec
beaucoup de peinesà faire jouer ces deux redoutables athlètes.
M. Lewis eut les honneurs de la séance ; mais son adversaire
ne craignit pas de lui offrir de nouveau un défi de vingt-et-une
parties, en lui donnant le pion et deux traits. M. Lewis ne
voulut pas accepter.
Ily a environ trente ans que l'on reconnaît en France M. Des
chapelles comme le meilleur joueur d'échecs. Philidor ne don
nait que le pion et le trait aux plus forts après lui. M. Descha
pelles a, jusqu'à présent, donné le pion et deux traits, et
depuis trente ansil offre cet avantageà tous les joueurs français
ou étrangers qui se présenteront. L'ignorance de ces faits a sans
doute contribué à élever des difficultés entre le comité anglais
désigné par le club des échecs de Londres et M. Deschapelles.
Les amateurs des deux pays regrettent, sans nul doute, de ne
as voir ce grand défi avoir son cours. -
Légal, Philidor, MM. Deschapelles et La Bourdonnais ont
formé en France une école dejoueurs d'échecs supérieure à
toutes les autres.
Cette supériorité est quelquefois même reconnue par nos ad
versaires, ainsi que nous le voyons par le passage suivant, tra
duit d'un joli petit ouvrage de M. G. Walker, ayant pour titre :
Les Echecs rendus faciles. Londres, 1836.
« Philidor a nommé les pions l'âme des échecs, et il était
particulièrement remarquable par sa manière savante de lee
- 319 -
conduire. L'école fondée en France par ce grand maître a hé
rité de sa science. L'école des échecs d'Angleterre a pris pour
modèle l'école italienne, où les pièces commencent tout de suite
l'attaque, et sortent devant les pions. L'école française est moins
brillante que l'école italienne et anglaise; mais nous la croyons
supérieure, et chaque fois que ces deux écoles ont été en colli
sion, la française a prouvé par la pratique sa supériorité. Nous
citerons, à l'appui de cette opinion, le jeu de Philidor et celui
de M. La Bourdonnais. »
Le pion que l'on donne, d'après les règles du jeu, est lepion
du fou du roi.
PREMIÈRE PARTIE.

NOIRS.

1 Le P du R 2 c. 1 Le C de la D à la 3 c. de son F.
2 Le P de la D 2 c. 2 Le P du R 2 c. -
3 Le P de la D une c. 3 Le C de la D à la 2 c. de son R.
4 Le F de la D à la 5 c, du C du R. 4 LeC du R à la 3 c. de son F.
5 Le F prend le C. 5 Le P prend le F.
6 La D donne échec. 6 Le C couvre.
7 Le C du R à la 3 c. de son F. 7 La D à la 2 c. du R.
8 Le P de la D une c. (a). 8 La D prend le P.
9 Le C du R à la 4 c. de sa T. 9 Le F du R à la2 c. de son C,
1o Le C prend le C. 1o Le P prend le C.
1 1 Le R à la c. de son F.
11 La D prend le P. Échec.
12 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 12 La D a la 2 c. de son R.
13 La T du R à sa 3 c.
13 Le R roque.
14 La D à la 3 c. de son C du R. 14 Le P du F de la D une c.
15 Le C de la D à la 3 c. de son F. 15 Le P de la D une c.
16 La T de la D à la c. de la D. 16 Le P du F du R une c. (b).
17 Le P du F du R 2 c. 17 Le P de la D une c.
18 Le Fdu R à la 3 c. du C de la D. 18 Le P de la D prend le P.
19 Le C prend le P (c). 19 Le P prend le C.
2o Le R à sa c.
2o Le P prend le P. Échec.
21 Le F du R donne échec. 21 La D prend le F(d).
(a) L'invention de ce coup est très-ingénieuse; elle est due à Salvio. Les blancs
perdent un pion, mais ils ont une forte attaque.
(b) Ce pion poussé par les noirs nous semble très-dangereux, et expose beaucoup
le roi qu'il découvre. .
(c) Sacrifice bien fait.
(d) Coup forcé,
- 32o
BLANCS. NoiRs.
22 La Tprend la D. 22 Le R prend la T.
23 La D à la 3 c. de son C. Échec. 23 Le R à sa 2 c.
24 La D à la 8 c. de son C du R. 24 Le F du R à sa c.
25 LaDà la 5 c. de son C du R. Éch. 25 Le R à la 2 c. de son F.
26 LaTà la c. de son Fdu R. Échec. 126 Le R à sa c.
27 La D à la 8 c. de son C du R.
Les noirs abandonnent la partie.

DEUxIÈME PARTIE.

BLANCS. NOIRS,

r Le P du R 2 c. 1 Le C de la D à la 3 c. de son F.
2 Le P de la D 2 c. 2 Le P du R 2 c.
3 Le P de la D une c. 3 Le C de la D à la 2 c. du R.
4 Le F de la D à la 5 c. du C du R. 4 Le C du R à la 5 c.de son F.
5 Le F prend le C. 5 Le P prend le F.
6 La D donne échec. 6 Le C couvre.
7 Le C du R à la 3 c. de son F. 7 Le F du R à la 4 c. du F de la D.
8 Le C du R à la 4 c. de sa T. 8 Le R à la 2 c. de son F.
9 Le P de la D une c. 9 La D à la c. du F du R.
1o Le F du R donne échec. 1o Le R à sa c.
1 1 Le C prend le C. 1 1 Le P prend le C.
12 La D prend le P. Échec. 12 Le R à la c. de sa D.
13 Le Pprend le P. Échec. 13 Le R prend le P.
14 Le R roque. n4 La Tdu R à sa 3 c.
15 La D à la 3 c. du C du R. 15 Le P de la D une c.
16 Le C de la D à la 3 c. de son F. 16 Le F de la D à la 2 c, de sa D.
17 Le C de la Dà la 5 c. de sa D. Éch. 17 Le R à la c. de sa D.
18 Le P du C de la D 2 c. 18 Le F du R à la 3 c. du C de la D.
19 Le C prend le F. 19 Le P prend le C.
2o La D à la 8 c. du C du R (a). 2o La D prend la D.
21 Le F prend la D. 2 1 La T à la 3 c. du C du R.
22 Le F du R à la 5 c. de sa D. 22 Le F à la 6 c. de sa T du R.
23 Le P du C du R une c. 23 Le F prend la T.
24 Le R prend le F, 24 Le Rà la 2 c. de son F de la D.
25 Le P de la T de la D 2 c. 25 La T de la D à la c, du F du R.
26 Le R à sa 2 c. 26 Le P du F du R une c.

(a)Ce dame pour dame est mal joué, ilfait perdreplus tard l'échange d'un fou
contre une tour, et permet aux noirs de remettre la partie.
- 321 -
BLANCS,
NOIRS.
27 La T de la D à sa 3 c. 27 La T du R à sa 3 c.
28 Le P de la T du R 2 c. 28 Le P du F du Rune c.
29 La T à la 3 c. du F du R. 29 La T de la D à la 3c. du F du R.
3o Le P du C de la D une c.
3o Le R à la c. de son C de la D.
31 Le R à sa c.
31 LaT du R à sa 2 c.
32 le R à sa 2 c.
32 La T du R à la 2 c. du F de la D.
33 Le R à la 2 c. de sa D.
33 La T du R à la 2 c. de son C.
34 Le R à sa 2 c. 34 La T à la 2 c. du F de la D.
35 Le R à la 2 c. de sa D. Partie remise.

TRoISIÈME PARTIE.

BLANCS.
NOIRS,
1 Le P du R 2 c.
Le C de la D à la 3 c. de son F.
2 Le P de la D 2 c.
Le P du R 2 c.
3 Le P de la D une c.
Le C de la D à la 2 c. du R.
4 Le Fde la D à la 5 c. du C du R. Le P de la D une c.
5 Le F de la D prend le C. La D prend le F.
Le F du R à la 3 c. de sa D.
Le P du C du R une c.
Le C du R à la 2 c. de son R.
Le F du R à la 3 c. de sa T.
Le C de la D à la 2 c. de sa D.
Le C du R à la 3 c. de son F.
9 Le C de la D à la 3 c. du F du R. 9 Le R roque.
1 O Le C du R à sa 3 c.
1o Le F de la D à la 5 c. du C du R.
1 1 Le P de la T du R une c.
1 1 Le F prend le C.
12 Le P prend le F. 12 Le F du R à sa 5 c.
13 La Dà la 2 c. de son R. 13 La T du R à la 2 c. de son F.
14 La D à la c. du F du R. 14 La T de la D à la c. du F du R.
15 La D à la 2 c. du C du R. 15 Le R à la c. de sa T.
16 Le P de la T du R une c.
16 La D à sa 2 c.
17 La D à la 3 c. de la T du R. 17 La D à la 5 c. de sa T.
18 Le P du F de la D une c.
18 La D à la 4 c. de sa T.
19 Le R à sa 2 c. 19 La D à la 3 c. de son C.
2o La T de la D à la c. de son C.
2o Le P du F de la D une c,
21 Le P de la T du R une c.
21 Le F prend le C.
22 Le P prend le F. 22 Le P prend le P de la T du R.
23 La T du R à sa 2 c.
23 La Tdu R à la 2 c. de son R.
24 Le R à la 2 c. de sa D. 24 La T du R à la 2 c. de son F.
25 Le R à la 2 c. de son F de la D. 25 La D à la 6 c. de son R.
26 La T de la D à la c, du F du R. 26 La D à la 3 c. de son C.
27 Le P prend le P. 27 Le P prend le P.
25
– 322 -
IBLANCS. NOIRS.

28 La D à la 6 c. de son R. 28 La D à la 2 c. de son F.
29 La T du R à sa c. 29 La T de la D à la c. du R.
3o La D à la 5 c. de son F du R. 3o Le P de la D une c.
31 La T du R à sa 2 c. 3 I La D à sa 3 c.
32 Le R à la c. du C de la D. 32 La T de la D à la c, du F du R.
33 Le P prend le P. 33 Le C prend le P.
34 La D prend le P de la T du R. 34 Le C prend le Pdu Fde la D. Éch.
35 Le R à la 2 c. de son F de la D. 35 La T de la D à la c. de sa D.
36 La D à la 6 c. de son C du R. 36 La D prend la D.
37 Le F prend la D(a). 37 La T à la 2 c. du C du R.
38 Le F prend le P de la T du R. 38 La T prend le F.
39 La T prend la T. Échec. 39 Le R prend la T.
4o Le R prend le C. 4o Le R à la 3 c. de son C.
41 La T à la c. de son R. 41 Le R à la 4 c. de son F.
42 La T à la 4 c. de son R. 42 La T à la 2 c. de sa D.
43 La Tà la4 c. de laT du R. 43 Le R à sa 3 c.
44 La Tà la 5 c. de laTdu R. 44 La T à la 2 c. de son F du R gagne
un pion et remet la partie.

(a) La fin de cette partie est jouée faiblement par les blancs.
– 323 -

CORRESPONDANCE.

Nous donnons ici une lettre que M. G. Walker, notre colla


borateur, a bien voulu nous adresser de Londres :

« MoN cHER DE LA BoURDoNNAIs,

« Certainement je reconnais les droits incontestables que


M. Deschapelles et vous avez au sceptre du royaume des échecs.
Permettez donc à l'un de vos humbles sujets, qui réside malheu
reusement sur une terre moins favorisée que la vôtre par la puis
sance du soleil(1), d'offrir,comme tribut au Palamède, le présent
article.Au moment où j'ai reçu votre lettre, j'étais enfoncé dans
la lecture d'un manuscrit persan fort curieux et que m'a offert
l'un de mes amis arrivé depuis peu de l'Orient. J'ai cru être
agréable à mes frères les amateurs d'échecs de Paris, en leur
présentant un extrait de ce manuscrit ; ils y verront comment
notre amusement favori est maintenant pratiqué dans le
royaume jadis gouvernépar le grand Nadir. Chaque chose qui
a rapport aux coutumes de cette partie du monde ne peut man
quer d'offrir un grand intérêt,venant, comme il y a tout lieu
de le croire, du berceau dujeu des échecs.
« Mon intention n'est pas ici d'entrer dans une dissertation
sur l'origine du jeu des échecs, de savoir si les Persans le tien
nent des Hindous, ou s'il remonte jusqu'aux Grecs ; si la pre
mière invention appartient aux Tartares jaunes du céleste em
pire, ou auxtribus errantes des Scythes. Je ne m'arrêterai pas
à examiner jusqu'à quelpoint on doit admettre ou repousser tel
ou tel système, jusqu'à quelpoint on doit croire ou ne pas croire
à tels ou tels faits. Presque tous les écrivains sont d'accord que
l'étoile des échecs a fait sa première apparition dans l'Orient,
et de là est venue en Europe.
« Les noms des pièces du jeu adoptés en Europe dérivent cer

(1) Voyez dans le premier numéro l'article intitulé Supplément à la bataille


d'Iéna.
– 324 -
tainement du persan. Le mot persan ferz, ministre, a été altéré
par la galanterie française en fierce et vierge; puis, changeant
de sexe, cette pièce est montée sur le trône sous le nom de reine.
Du mot persan phil, éléphant,on a fait alphil ou auphin, fol, et
en dernier lieu fou.
« Le nom d'évêque a été donnépar quelques nations du nord
à cette dernière pièce. Il faut attribuer ce changement bizarre
au zèle de nos ancêtres nouvellement convertis au christia
nisme, ou peut-être ont-ils pris le bonnet de bouffon dont le fou
avait été affublé par les Français, pour la mître des preniers
prélats. Les noms de pion et de roc ou tour dérivent évidem
ment des langues persanne et arabe ; le shah ou roi et l'asp ou
cavalier ont toujours conservé leur acception primitive.
« Il est probable que c'est la nation française qui lapremière
a introduit les échecs en Europe ; les pièces les plus anciennes
que l'on connaisse sont celles qui appartenaient à l'empereur
Charlemagne. Il serait à désirer qu'il se trouvât en France un
Denon ou un Champollion, amateur d'échecs, pour nous donner
une description de cejeu antique et curieux(1).
« Après l'importation des échecs dans cette partie du globe,
plusieurs améliorations ont été graduellement inventées et adop
tées dans la constitution du jeu ; elles furent le résultat naturel
du talent et de l'expérience. Les Orientaux, avec cet amour pour
leurs aises et cette haine d'innovation qui caractérisent toutes
leurs institutions, ont généralement conservé leur ancien jeu
tel qu'on le jouait au temps de Tamerlan et du caliphe Haroun
al-Raschild. La Turquie et l'Indostan, dont les rapport avec les
Européens sont fréquents, ont adopté des règles à peu près sem
blables aux nôtres. Aujourd'hui les brahmines des possessions
anglaises dans l'Inde jouent suivant les règles duTraité des ama
teurs, et l'ambassadeurturc en Angleterre, Namik Pacha, nous
a dit que la seule différence qui existe entre son pays et le nôtre
était que, chez lui, le pion ne pouvait jamais franchir deux
cases (2). Ainsi, les échecs mêmes sont dans le progrès, et que
(1) Le Magasin pittoresque a démontré que c'était une erreur de faire remonter
jusqu'à Charlemagne le jeu des échecs que l'on peut voir aujourd'hui à la Biblio
thèque royale. Nous donnerons, dans l'un de nosprochains numéros, la deseription
despièces de ce jeu ainsi que celle d'autres pièces aussi curieuses qui se trouvent
dans le cabinet d'antiquités de M. du Somar.
(2) S. Exc, Reschild-Bey, ambassadeur de la Sublime-Porte à Paris, a joué plu
- 325 -
nous verrons probablement arriver une époque où tous les peu
ples joueront avec nos règles.
« Dans notre Musée britannique et dans votre Bibliothèque
- royale à Paris,se trouvent un assezgrand nombre de manuscrits
sur le jeu des échecs (1); ils sont des XII° et XIIIe siècle ; ils
contiennent plusieurs positions curieuses qui annoncent qu'à
cette époque le jeu était déjà fort bien connu. Mais, dans tous ces
écrits, la marche des pièces est différente de celle que nous leur
donnons aujourd'hui. Il est important d'indiquer en peu de mots
en quoi consiste cette différence,à quelle époque et de quelle
manière elles'est opérée,travail que nous ne pousserons cepen
dant pas très-avant, l'abandonnant aux recherches des anti
quaires. - --
« Dans le jeu des échecs tel qu'il étaitpratiqué chez les Orien
taux, auxquels nous l'avons pris, et tel qu'il a été adopté par les
Européens pendant plusieurs siècles, certaines pièces avaient
une marche plus restreinte que celle que nous leur donnons
aujourd'hui. La marche du roi, du cavalier, de la tour et du pion
était la même que celle que nous donnons à ces pièces de nos
jours ; mais les pouvoirs de la reine et du fou étaient différents.
« La reine, ferz, ne pouvait franchir qu'une seule case à la
fois, à droite ou à gauche indistinctement. Sa marche était tou
jours en diagonale ; elle ne pouvait donc jamais quitter les cases
de la couleur où elle était placée dans l'origine. Elle fut, pendant
longtemps, obligée de se tenirà une certaine distance de son
roi; tout nous porte à croire que ce futà la galanterie chevale
resque de nos ancêtres, à leur déférence pour les volontés du
beau sexe, que cette pièce, appelée d'abord ferz ou ferzine, dut
son nouveau nom de reine ou dame et une marche plus éten
due.
« Le fou ou l'éléphant franchissait seulement trois cases en

sieurs fois avec le gérant du Palamède, sur son échiquier, avec les pièces et les
règles adoptées en Turquie.Voici en quoi ces règles diffèrent des nôtres :
1o Le pion ne fait jamais qu'un seul pas;
2o Le roi ne peut jamais roquer;
3° La reine ou le vizir se trouve toujours en face du roi, et les cases sont toutes
de la même couleur.
( ) Les prochains numéros du Palamède contiendront des extraits de Ce5 Ina-
nuscrits, qui sont pleins d'intérêt. - -
- 326 -
diagonale, en y comprenant la case d'où il partait, ainsi que le
cavalier; cette marche ne pouvait être ni restreinte ni plus éten
due; il avait aussi la faculté de sauter par dessus d'autres pièces.
« Nous voyons ainsi que, dans l'ancienne manière de jouer,
la tour était la pièce la plus forte du jeu. De là sans doute la
grande importance qu'on y attachait ; un grand nombre d'an
ciennes familles ont des tours du jeu des échecs dans leurs ar
moiries, où elles représentent une force illimitée. Le mot an
glais rook, l'ancien mot français roc, sont dérivés du persan
rokh.
« Revenant à mon manuscrit persan, je vous dirai qu'il ren
ferme des situations fort jolies.A presque toutes se trouve jointe
une petite histoire qui y jette un nouvel intérêt. L'on rencontre
souvent dans ces positions deux, trois etjusqu'à quatre reines
sur l'échiquier, ce qui prouve l'antiquité de l'usage de prendre
plusieurs reines dans la même partie. Dans la préface nous
voyons que ce manuscrit a été présenté à l'empereur ou shah
Jehan.
« Plusieurs joueurs persans ont été renommés pour leur ha
bileté aux échecs ; quelques-uns même ont reçu un surnom à
cette occasion, ainsi que nous levoyons dans l'excellent et labo
rieux travail de Hyde, De ludis orientalibus. Parmi ces grands
joueurs, mon manuscrit cite Adil, le visir Milmundee, Uhmed
Bugadee et Said Katib; puis, une femme nommée la belle Di
laram, ou tranquillité du cœur. L'on ytrouve plusieurs coups
et anecdotes qui prouvent l'habileté rare et remarquable de
cette dame au jeu des échecs. Nous traduirons ici un passage du
manuscrit, afin d'en donner un exemple.
« Un jeune seigneur eut la folie de jouer aux échecs contre
un monceau d'or sa belle et favorite esclave Dilaram ; réduit à
une position désespérée, et menacé d'un mat en un coup, sa
vue se trouble, sa tête s'égare, il maudit sa cupidité qui l'ex
pose à perdre une femme qu'il adore; incapable de se délivrer
du danger qui le menace, il croit n'avoir plus qu'à se résigner
à son malheureuxsort. Mais la belle Dilaram suivait la partie,
derrière son voile elle en avait étudié avec soin la position, et
ne désirant pas devenir la propriété de l'étranger, elle s'écrie :
Oh! mon seigneur; que la joie rentre dans ton âme, donne tes
tours, avance hardiment ton éléphant, pousse ton pion, et ton
cavalier donnera le mat.
- 327 -
« Voici la situation des pièces et la manière d'exécuter le
coup indiqué à son maître par la belle Dilaram.
- 328 -

BLANCS, NOIRS,
n La T donne échec. 1 Le R prend la T.
2 Le F à sa 5 c. Échec, l'ancienne | 2 Le R à la c. du C de la D.
l marche lui permettant de sauter
par dessus une autre pièce.
3 La T donne échec. 3 Le R prend la T.
4 Le P une c. Échec. 4 Le R à la c. du C de la D.
5 Le C donne échec et mat.

« La belle Dilaram devait être un antagoniste fort dange


reux si sa beauté était égale à son habileté au jeu.
« Au reste, l'habitude de donner son avis à haute voix a
toujours été et est encore d'usage dans tout l'Orient.
« L'une des plus belles situations que renferme mon manus
crit est la suivante :
« Ainsi que vous le voyez, les blancs ontpeu de forces à op
poser aux noirs. Mais laissons parler l'historien persan.
« Une cruelle épidémie avait porté la mort dans le camp
des blancs; elle n'avait laissé au monarque à la blonde che
velure que son ministre, ses deux cavaliers et son courageux
éléphant. Dans cette fâcheuse position, le roi des blancs or
donne à ses deux cavaliers de s'avancer, l'un à la 5 c. du F du R,
l'autre à la 5 c. de son R, pour demander quartier au roi
des noirs.
« Les deux cavaliers exécutent l'ordre qui leur a été donné.
Jouez les deux cavaliers aux cases indiquées.)
« Le roi des noirs reçoit cette proposition et donne l'ordre à
son ministreend'aller
le conduire en personne auprès du roi des blancs
sa présence. - • et de

« Mais le ministre, négligeant les ordres de son maître, com


mande aux pions de son éléphant et de son cavalier d'avancer
chacun une case, et d'exécuter les ordres qu'il a lui-même reçus.
Ces pions obéissent. (Il faut faire avancer d'un pas les pions du
cavalier et du fou de la reine.)
« Sa majesté noire apprenant la négligence de son ministre,
d'un coup de cimeterre l'étend mort à ses pieds. (Il faut ôter
de l'échiquier la reine noire.)
« Cet acte barbare inspire au roi des blancs une opinion peu
avorable de la générosité et de la clémence de son ennemi. Il
- 329 -
prend la résolution de ne plus demander merci et de combattre
jusqu'à la mort. Il attend l'arrivée de la nuit, et dès que ses
ombres ont couvert les deux armées, il communiqueà ses deux
fidèles cavaliers ses instructions,il leur indique la manière d'en
lever dans son camp le roi ennemi, et il donne le signal du
combat.
« Voici comment le coup s'exécute :
BLANCS. NOIRS,

1 Le C du R prend le P du C du R. | 1 Le R à la c. de sa D.
Échec (a).
2 Le C de la D prend le P du F du R. | 2 Le R à la 2 c. de son F de la D.
Échec.
3 Le C du R à la c. du R adverse. | 3 Le R à la 2 c. du C de la D.
Échec.
4 Le C de la D à la 8 c. de sa D.| 4 Le R à la 3 c. de la T de la D.
Échec.
5 Le C du R à la 7 c. du F de la D. | 5 Le R à la 4 c. de la T de la D.
Échec.
6 Le C de la D à sa 7 c. Échec. 6 Le R à la 5 c. de la T de la D.
7 La D à la 3 c. de son C. Échec. | 7 Le R à la 6 c. de la T de la D.
8 Le Fde la D à sa c. Échec et mat.

« Votre ministre (c'est le roi des blancs qui parle) a dédaigné


de m'admettre en votre présence, mon ministre fidèle vous a
amené à mes pieds. -
« Alors le pâle monarque ordonne que le roi noir soit foulé
sous les pieds de son éléphant, qui exécute cet ordre en ren
trant dans sa demeure, ou, en style moins brillant, le F de
la D à sa c. Echec et mat.
« George WALKER ,
« Auteur de plusieurs ouvrages sur le jeu des échecs. »

(a) Le fou, avec l'ancienne marche, ne peut prendre à cette case.


– 33o -

sEcoNDE LEçoN ÉLÉMENTAIRE.

Notre seconde leçon se composera des règles du jeu des échecs.


Les premières règles que nous donnonsici sont celles du Traité
des Amateurs, elles font loi aujourd'hui. Les règles qui suivent
sont proposées par M. de La Bourdonnais en place des pre
mières, que l'on trouve généralement incomplètes.
PREMIÈRE RÈGLE.
L'usage est que les joueurs aient à leur droite la case angu
laire blanche de l'échiquier ; si l'échiquier est mal tourné, et
que cette case se trouve à leur gauche, dans ce cas, celui des
deux qui s'apercevra de cette irrégularité avant de jouer son
quatrième coup,pourra exiger qu'on recommence la partie ;
mais, ce quatrième coup ayant été joué de part et d'autre, la
partie sera engagée, et ne pourra être recommencée qu'avec le
consentement de l'adversaire.
II.

Si les pièces sont mal rangées, si une pièce n'est pas à sa


place sur l'échiquier, celui qui s'en apercevra pourra rectifier
ou faire rectifier cette irrégularité avant de jouer son quatrième
coup ; mais, ce quatrième coup une fois joué de part et d'autre,
il faudra continuer la partie dans la position où se trouveront
les pièces, qui ne pourront plus être remises à leur vraie place
que du consentement de l'adversaire.
III.

Si l'on a commencé une partie à but avec une pièce ou un


pion de moins, le quatrième coup étant joué de part et d'autre,
on sera obligé de finir la partie, sans pouvoir prendre ce pion
ou cette pièce que du consentement de l'adversaire.
IV.

Si on est convenu de faire avantage d'un pion ou d'une pièce,


celui qui aura oublié de le faire ne sera pas admis, dans le cou
rant de la partie, à rendre ce pion ou cette pièce, en l'ôtant de
dessus l'échiquier ; mais on continuera lapartie dans l'état où
elle sera ; et celui qui devait recevoir avantage pourra bien la
- 331 -
gagner, mais il ne pourra la perdre, et le pis-aller pour lui sera
qu'elle soit remise.
V.

Le trait est le droit de jouer le premier ; on doit tirer ce trait


avant de commencer la partie.
VI.

Celui qui a gagné la partie a le trait à la partie suivante , à


moins qu'on ne soit convenu du contraire.
VII.

Celui qui fait avantage a le trait, à moins qu'on ne convienne


du contraire.
VIII.

Quand on a touché une pièce, on est obligé de la jouer, à


moins qu'on n'ait dit : J'adoube, en la touchant ; si une pièce
vient à tomber sur l'échiquier, on pourra la toucher pour la re
lever, sans être obligé de la jouer, et le mieux sera toujours de
dire : J'adoube.
IX.

Quand on ajouéune pièce et qu'on l'a quittée, on n'est plus


le maître de la reprendre pour la jouer ailleurs.
X.

Quand on a touché une pièce de son adversaire sans dire :


J'adoube, il peut vous obliger de la prendre ; si cette pièce
touchée ne peut être prise par aucune pièce, celui qui l'a tou
chée jouera ce qu'ilvoudra.
XI.

Si l'on joue par méprise la pièce de son adversaire pour la


sienne, il a le choix ou de vous obliger à prendre cette pièce,si
elle est prenable, ou de la faire remettre à sa place, ou de la
laisser à la place où vous l'aurez mise, et de jouer son coup.
XII.

Si l'on prend la pièce de son adversaire avec une pièce qui ne


puisse pas la prendre, on est obligé de la prendre avec une au
trepièce, si cela se peut, ou de jouer la pièce touchée, au choix
de l'adversaire.
- 332 -

XIII.

Si vous prenez votre propre pièce avec une desvôtres, ce sera


une pièce de perdue pour vous, si vous ne vous en apercevez
pas avant que l'adversaire ait joué son coup ; et,en tout cas, il
aura le choix devous faire jouer celle des deux piècestouchées
qu'il jugera à propos.
XIV.

Si l'on fait une fausse marche, l'adversaire a le choix, ou de


vous faire laisser la pièce à la case où vous l'avez mise, ou de
vous la faire jouer ailleurs.
XV.

Si l'onjoue deux coups de suite, l'adversaire a le choix, avant


de jouer son coup, ou de laisser passer les deux coups joués, ou
de vous faire remettre le second.
XVI.

Si on pousse un pion deux pas en passant devant un pion de


l'adversaire, il sera le maître de le prendre.
XVII.

Le roi ne peutplus roquerquand ila remué ou quand ilpasse en


échec, ou quand la tour a remué; et si, dans un de ces trois cas,
on touche le roi et la tour pour roquer, l'adversaire a le choix
de faire jouer le roi ou la tour.
XVIII.

Si l'on touche une pièce qu'on ne puisse pas jouer sans mettre
le roi en échec, il faut jouer le roi ; et, si le roi ne peut sejouer
sans être échec, dans ce cas, la faute sera sans conséquence, et
on jouera ce qu'on jugera à propos.
XIX.

Il faut avertir de l'échec au roi ; si celui dont le roi est échec,


n'ayant pas été averti, joue tout autre coup que de défendre son
roi de l'échec, et que l'adversaire veuille sur le coupprendre ou
attaquer une pièce, en disant : Échec au roi, alors celui dont le
roi était en échec rejouera son coup pour couvrir l'échec ou s'en
défendre.
XX.

Mais, si l'on se met soi-même en échec, et qu'on ne s'en aper


– 333 -

çoive pas avant que l'adversaire ait joué son coup, il peut, sur
le coup, prendre ou attaquer la dame, ou toute autre pièce, en
disant : Echec au roi.
XXI.

Si le roi est en échec depuis plusieurs coups sans qu'on s'en


soit aperçu, et qu'il ne soit pas possible de vérifier si on lui a
donné échec sans avertir, ou s'il s'est mis en échec lui-même,
dans ce cas, celui dont le roi est en échec peut, au moment qu'il
s'en aperçoit, remettre la dernière pièce qu'il a jouée à sa place,
et défendre l'échec ; si son adversaire s'en aperçoit le premier,
il pourra prendre ou attaquer telle pièce que bon lui semblera,
en déclarant l'échec au roi.

XXII.
Si l'adversaire vous déclare échec au roi, sans néanmoins vous
donner échec, dans ce cas, si vous touchez le roi, ou toute autre
pièce pour défendre l'échec, et que vous vous aperceviez que
votre roi n'est pas échec avant que l'adversaire ait joué son
coup, vous pourrez rejouer le vôtre.
XXIII.

Mais vous ne serez pas à temps d'y revenir, si l'adversaire a


jouéson coup; et, en général, toute irrégularité sera couverte
du moment que vous aurez joué ou touché une pièce pour jouer
le coup suivant. -
XXIV. --

Quand on mène un pion à dame, on prend pour ce pion une


seconde dame, un troisième cavalier, ou telle pièce que l'on
juge la plus utile pour le gain de la partie.
XXV .

Si le roi estpat, ce qui arrive lorsqu'il ne peut bouger de la


case où il est qu'il ne soit en échec, et qu'il n'a ni pion ni pièces
à jouer d'ailleurs, dans ce cas, la partie sera remise.
XXVI.

Tout coup contesté doit être décidé suivant les règles ci-des
sus; si la décision d'nn coup dépend d'un fait, il doit être jugé
par les spectateurs, auxquels les joueurs seront tenus de s'en
rapporter.
- 334 -

NoUVELLES RÈGLES DU JEU DES ÉCHECS.

ARTICLE PREMIER.

Les joueurs doivent avoir à leur droite la case angulaire


blanche de l'échiquier. Si l'échiquier est mal posé, celui des
deux qui s'en apercevra, avant de jouer son quatrième coup,
pourra exiger qu'on recommence la partie ; mais, ce quatrième
coup joué de part et d'autre, la partie sera engagée et ne pourra
être recommencée.
II.

Si les pièces sont mal rangées, celui qui s'en apercevra pourra
rectifier ou faire rectifier cette irrégularité avant de jouer son
quatrième coup; mais, ce quatrième coup une fois joué de part
et d'autre, il faudra continuer la partie dans la position où se
trouveront les pièces.
III.

Si l'on a oublié un pion ou une pièce, en commençant la par


tie, il sera au choix de l'adversaire de la recommencer ou de la
continuer en laissant remettre la pièce oubliée.
IV.

Si on est convenu de faire avantage d'un pion ou d'une pièce,


et qu'on ait oublié de le faire en commençant, il sera au choix
de celui au préjudice duquel cct oubli aura été fait, de conti
nuer la partie ou de la recommencer.
V.

Dans les parties à but, le trait se tire d'abord au sort, et de


vient ensuite alternatif, quand même les parties seraient re
mises. Le trait appartient à celui qui fait avantage d'une pièce.
VI.

En cas de difficulté sur la couleur, que la partie se fasse à but


ou à avantage, le choix de la couleur sera tiré au sort pour toute
la séance.
VII.

Lorsqu'on fait avantage du pion, on doit donner celui du fou


- 335 -

du roi. Celui qui reçoit avantage de plusieurs traits ne peut en


user qu'à la condition de ne pas dépasser son terrain, c'est-à-dire
la moitié de l'échiquier.
VIII.

Quand on a touché une pièce, on est obligé de la jouer, à


moins qu'on n'ait dit préalablement : J'adoube. Et même, pour
replacer une pièce qui se serait dérangée sur l'échiquier, il
faudra avoir dit : J'adoube.

IX.

Quand on a quitté sa pièce, on ne peut plus la reprendre


pour la jouer ailleurs ; mais, tant qu'elle n'est pas abandonnée,
on est maître de la poser où l'on veut.
X.

Quand on a touché une pièce de son adversaire sans dire :


J'adoube, il peut vous obliger de la prendre si c'est à vous de
jouer. Si cette pièce ne peut être prise, celui qui l'aura touchée
jouera son roi, pouvant le faire, et s'il ne le peut, la faute sera
sans conséquence.
XI.

Si, par erreur, vous aviez joué une des pièces de votre ad
versaire au lieu d'une des vôtres, vous pouvez être forcé, au
choix de votre adversaire, soit de prendre la pièce, si elle peut
être prise,soit de la replacer où elle était, et de jouer votre roi,
soit enfin de la laisser à la case où vous l'aviez jouée par inad
vertance. En ceci, comme en tout autre cas semblable, si le roi ne
pouvaitjouer sans être en échec, cette partie de la peine ne se
rait pas applicable.
XII.

Dans le cas où, par suite d'une erreur, vous seriez obligé de
jouer votre roi, la faculté de roquer vous est retirée.
KIII.

Si on a pris la pièce de son adversaire avec une pièce qui ne


puisse pas la prendre, on est obligé de la prendre avec une au
tre pièce, si cela se peut.Adéfaut, on jouerait la pièce touchée.
XIV.

Si vous avez pris votre propre pièce avec une des vôtres, l'ad
- 336 -
versaire aura le choix de vous prescrire dejouer celle des deux
pièces touchées qu'iljugera à propos.
XV,

Si l'on fait une fausse marche, l'adversaire a le choix, ou de


faire laisser la pièce à la case où elle aura été mise, ou de la
laisser jouer régulièrement, ou de la faire replacer, en vous
obligeant àjouer le roi.
XVI.

Si l'on joue deux coups de suite, l'adversaire a le choix, avant


de jouer son coup, ou de laisser passer les deux coups joués, ou
de vous faire remettre le second.
XVII.

Chaque pion a le privilége d'avancer de deux cases la pre


mière fois qu'on le joue ; mais, en ce cas, il peut être immédia
tement pris en passant par tout pion qui serait à portée de le
prendre, s'il n'eût été poussé qu'un pas.
Le roi, en roquant, ne doit sauter que deux cases, c'est-à
dire que la tour avec laquelle il roque se mettra sur la case atte
nante immédiatement au roi, et celui-ci, sautant par-dessus,
se placera de l'autre côté de latour.
Le roi ne peut pas roquer étant en échec, ni lorsqu'il a remué,
ni lorsqu'il essuierait un échec en passant, ni avec une tour qui
aurait remué de sa place ; et si, dans un de ces quatre cas, on
jouait le roi et la tour pour roquer, l'adversaire a le choix defaire
jouer le roi ou la tour.
Celui qui fait avantage d'une tour peut également roquer du
côté où manque cette tour, en disant : Je roque.
XVIJI.

Quand on a conduit un pion à dame, on prend pour ce pion


telle pièce que l'on veut.
XIX.

Si l'on joue une pièce qu'on ne puisse pasjouer sans mettre


le roi en échec, il faut jouer le roi, et si le roi ne peut se jouer
sans être en échec, la faute sera sans conséquence.
XX.

Il faut avertir de l'échec au roi ; si celui dont le roi est échec,


n'ayant pas été averti,joue tout autre coup que de défendre son
– 337 -
roi de l'échec, et que l'adversaire veuille sur le coup prendre
ou attaquer une pièce, en disant : Échec au roi, alors celui
dont le roi était en échec rejouera son coup pour couvrir l'échec
ou s'en défendre.
XXI.

Si le roi est en échec depuis plusieurs coups, sans qu'on s'en


soit aperçu, et qu'il ne soit pas possible de vérifier si on lui a
donné échec, ou s'il s'est mis en échec lui-même, celui dont le
roi est en échec peut, au moment qu'il s'en aperçoit ou qu'il en
est averti, remettre à sa place la dernière pièce qu'il a jouée, et
défendre l'échec.
XXII.
Si l'adversaire vous déclare échec au roi, sans néanmoins vous
donner échec, dans ce cas , si vous touchez le roi ou toute au
tre pièce pour défendre l'échec, et que vous aperceviez que le
roi n'est pas échec, avant que votre adversaire ait joué son
coup, vous pourrez rejouer le vôtre.
XXIII.

Mais vous ne serezplusà temps d'y revenir, si l'adversaire a


jouéson coup; en général, toute irrégularité sera couverte du
moment que celui qui l'aura commise aurajoué ou touché une
pièce pour jouer le coup suivant. -

- XXIV.

Lorsqu'on n'a rien à jouer, et que le roi, étant hors d'échec,


nepeut bouger sans s'y mettre, le roi est pat, et la partie est
remise. - -
XXV.

lorsqu'un joueur ne paraît pas pouvoir faire les mats diffi


ciles, tels que celui du cavalier et du fou contre le roi, celui de
la tour et du fou contre la tour, celui de la dame contre la tour,
sur la réquisition de l'adversaire, on fixera à soixante coups de
chaque côté la fin de partie, lesquels coups passés, elle sera
censée remise. -
XXVI.

Tout coup contesté doit être décidé suivant les règles ci-des
dessus en cas de contestation sur le fait, il serajugé par la ga
lerie, à laquelle les joueurs seront tenus de s'en rapporter.
- -- 26
- 338 -

soLUTIONs DEs PRoBLÈMES DUNUMÉRo PRÉCÉDENT.

soLUTIoN DU N° XXXIII.

Ce mat, qui nous a été donné par M. de Tournay, doit être


rectifié; l'on a oublié de placer la D noire à la c. de son F. Tel
qu'il est il peutse faire en deux coups ; la T prend le C, et le
second coup échec et mat.Tel qu'il doit être après la rectifica
tion, l'on obtiendra le mat en jouant ainsi.
BLANCS, NOIRS.

1 La D prend le C. Échec. 1 Le F prend la D.


2 La T prend le P. Échec. 2 Le C prend la T.
3 La T donne échec et mat.

soLUTIoN DU N° XXXIV.

1 La D à la 4 c. du F du R. 1 Le P de la T du R une c.
2 La D à la 3 c. du C du R. 2 Le P prend le P.
3 La D donne échec et mat.

soLUTIoN DU N° XXXV.

r La D à la 4 c. du F du R. Échec. 1 Le R à la 4 c. de sa T.
2 La D prend le P. Échec. 2 Le P prend la D.
3 Le C à la 4 c. du F du R. Échec. 3 Le R à la 4 c. de son C.
4 La T donne échec et mat.
soLUTIoN DU N° XXXVI.

1 LaTà la 6 c. du C de la D. Échec.
PREMIÈRE DÉFENsE.

t Le R à la c, de son F.
2 Le C à la 6 c. du R. Échec. 2 Si le R jouait à la c. de son C, les
blancs donneraient échec avec
la D, et puis échec et mat en
2 coups. Les noirs doivent donc
- jouer le R à la 2 c. de son F.
3 Le F prend le P. Échec. 3 Le R prend le F. "
BLANCS. NO1RS,

4 La D à la 8 c. de son R. Échec. 4 Le R prend le P.


5 La D à la 5 c. de la T du R. Éch. 5 Le R prend la D.
6 Le C à la 7 c. duC du R. Échec et
Inat.

sCONDE nÉFENsE.

1 La T prend la D.
2 La T prend le P du C du R, me 2 Le R à la c. de son F.
naçant d'un double échec à la
découverte et du mat.
3 Le Fprend le P. Échec. 3 Le R prend le F.
4 La T à la 6 c. de son R. Échec,
et le coup suivant échec et mat.
SOLUTION DU N° XXXVII.

r La D à la 8 c. du C du R. Échec. 1 Le R à sa 2 c.
2 La D prend le P du C du R. Éch. 2 Le R à sa c,
3 Le C à la 6 c. de sa D. Échec 3 La T prend le C.
4 La D à la 8 c. du C du R. Échec. 4 Le R à sa 2 c.
5 Le P fait un C. Échec. 5 Le R à la 3 c. de son F.
6 La D donne échec et mat.

soLUTIoN DU N° XXXVIII.

1 La T à la 8 c. du F du R. Échec. 1 La T prend la T.
2 LeC à la 7 c. du F du R. Échec. 2 Le R à la c. de son C.
3 La D à la 3 c. du C du R. Échec. 3 Le R prend le C.
4 La D à la 7 c. du Cdu R. Échec. 4 Le R à sa 3 c.
5 La D à la 7 c. du R. Échec. 5 Le R à la 5 c. de sa D.
6 La D à sa 7 c. Échec. 6 Le R à la 5 c. du F de sa D.
7 La D donne échec et mat.
SOLUTION DU No XXXIX.

1 Le P de la T de la D 2 c. 1 Le P de la D une c.
2 Le P de la T de la D une c. 2 Le P de la l) une c.
3 Le R à la c. de son F(a). 3 Le P du F du R une c.
4 Le R à sa c. 4 Le Pdu Rune c.
5 Le P de la T de la D une c. 5 Le P du R une c.

(a) Si l'on jouait le R à la 2 c, de son F, la partie serait perdue.


– 34o -
BLANCS. NOIRS.
6 Le P de la T de la D une c. 6 Le P de la D donne échec.
7 Le R à la c. de sa D. 7 Le P du F du R une c.
8 Le P fait D et donne échec. 8 Le R à la 2 c. de son C.
9 La D à la c. de la T du R. 9 Le P du C du R une c.
1 o Le R à sa 2 c. 1o Le P du C du R une c.
11 Le R prend le P de la D. 1 1 Le R à la 3 c. de sa T.
12 Le R prend le P du R et gagne
facilement. .

soLUTIoN DU N° XL.

1 Le P du C du R. Échec. - 1 Le P prend le P. Échec. .


2 Le R à la 3 c. de son C. 2 Le P du C du R une c.
3 Le P du F du R une c. Pat.

Dans les planches qui suivent, chaque pièce est désignée par
sa lettreinitiale. Les lettresà jour désignent les pièces blanches.
Les blancs ont toujours le trait. Le mat n° XLI est de Cozio; le
mat n° XLII de Stamma; le n° XLIII de M. Dorville, d'Anvers ;
le n° XLIV de M. Lewis ; les mats n° XLV et XLVI sont de
M. Bolton ; le n° XLVII est de Ponziani ; enfin, le n° XLVIII a
été trouvé, en jouant, par le gérant du Palamède.

Nous prévenons nos lecteurs que les bureaux du Pa


lamède sont transportés rue Richelieu, n. 89, au Cercle
des échecs.

Le rédacteur et gérant responsable,

De la BoURDoNNAIS.

PARIS. - Imprimcrie de DEzAucHE, faub. Montmartre, n. r 1 •


- 341 -

XLI.

Noir.

%
, ,
| | | 2
| | |F|

Mat en ciuq coups.


– 342 -

XLIII.

Mat en cinq coups.


Mat en six coups.
Les blancs gagnent.

% %

Les blancs gagnent.


- 345 -

UNE PARTIE D'ÉCHECS


ENTRE CHARLEMAGNE ET GARIN DE MONGLAVE.

Le poète qui nous a transmis la précieuse relation de cette


partie d'échecs vivait, suivant toutes les apparences, dans la
première partie du XIIIe siècle. Je n'oserais assurer que les mé
moires sur lesquels il s'est appuyé, plus de quatre siècles après
l'événement, fussent parfaitement dignes de foi ; mais enfin ils
étaient, au moins pour l'authenticité, comparables à ceux du
belliqueux archevêque Turpin. Et puis, le récit que nous allons
traduire serait fabuleux dans toutes ses circonstances, qu'il nous
offrirait encore une des descriptions les plus anciennes d'un
noble duel au champ de l'échiquier.
Garin, fils d'Aimery, duc d'Aquitaine , a fait le sacrifice de
l'héritage paternel : jaloux de signaler sapieuse valeur contre
les infidèles, il a quittéses états et s'estprésenté devant Char
lemagne, pour faire ses premières armes à côté des plus fameux
barons de la cour de France. L'empereur, frappé de sa bonne
mine, l'a retenu volontiers à ses gages, il en a fait son con
seiller, son gonfalonnier, son sénéchal et enfin son majordome.
Grand était son crédit, plus grande encore l'affection qu'il re
cueillait de toutes parts. Faut-il s'étonner que l'impératrice ait
partagé l'engouement universel ! Un jour. la noble dame ayant
pénétré dans l'appartement de Garin, osa lui révéler les senti
ments que lui inspirait son mérite. Alors se renouvela la scène
biblique de Joseph avec la belle Egyptienne ; mais, si l'impé
ratriceimita, dans ses dérèglements, l'épouse du ministre de
Pharaon, elle sut conserver pour la vérité un respect qui cer
tainement lui fait beaucoup d'honneur. Garin, en s'éloignant,
avait laissé son manteau entre les mains de la triste amante.
Charlemagne arrive,il demande la cause du désordre dont il
voit les vestiges. « Sire, » répond courageusement l'impératrice,
« écoutez, sans m'interrompre, ce que j'ai à vous confier. J'ai vu
Garin, et maintenantil m'est impossible d'en aimer un autre.
Je suis devenue parfaitement insensible au charme des festins
et des banquets; le gibier n'a plus de fumetpour moi; le pois
27
– 346 -
son ne flatte plus mon palais ; les vins les plus délicats, les li
queurs les plus généreuses ont cessé de m'offrir la moindre dou
ceur(1); adieu le service divin et les chants de l'Eglise; qu'on ne
me parle plus de faucons ou de filets, de danses de Flamands
ou de rondes de Bretagne; et vous-même, quand vous daignez
m'approcher, vous me semblez insupportable; je préfèrerais à
vos étreintes celles d'un dogue ou d'un bouc, car je pourrais me
délivrer plus promptement de leur poursuite. En un mot, je
n'ai plus qu'une image devant lesyeux; mes salles en sont rem
plies,je la trouve sur mon siége, dans mon livre de prières ,
dans tous mes songes de la nuit. Partout je vois Garin, partout
son souvenir me poursuit. Toutefois gardez-vous de l'accuser,
c'est le plus fidèle, le plus loyal de vos barons ;je lui ai décou
vert ma'pensée, il m'en a grandement blâmée. Que tardez
vous donc maintenant ? Privez-moi de la lumière dujour , fai
tes-moi brûler vive ou précipiter dans la mer, je l'ai mille fois
mérité. »
Disant ces mots, la dame sejette aux genoux de l'empereur.
Celui-ci demeure immobile de saisissement ; puis il roule les
yeux et fronce les sourcils ; il vafrapper sa coupable épouse; mais
sa beauté retient sa vengeance,il s'éloigne sans l'avoir maltraitée
et sans même avoir répondu par un seul reproche à son impru
dent aveu.Je dis imprudent, car en rendant justice à sa sin
cérité, on peut déjà conjecturer qu'elle eût tout aussi bien fait
de se taire. Ne devait-elle pas, en effet, prévoir qu'en dépit de
ses protestations, l'empereur prendrait en grand soupçon la
conduite de Garin et ne lui pardonnerait jamais la préférence
dont il est l'objet.
Des amis empressés ne manquèrentpas de prévenir Garin des
dispositions de l'empereur. Le sénéchal n'alla de trois jours au

(1) Por li ne m'asavor né char né venoison,


Né puimens né clarés, né daintés, né poison ,
Né je ne puis dormir en nesune saison ;
Né je ne puis oïr né sautier, né leçon ,
Né harpe né vielle, tant ait envoisié son ;
I)anser, né caroler né Flamenc né Breton,
Véoir voler ostoir né gerfaut né faucon,
Esprevier né moschet, né vol d'esmerillon.
Quant vous sentiez moi desous mon peliçon,
Plus amoie assés miex sentir un grand carbon
Ou un chien ou un chat, ou un bouc ou mouton; etc.
– 347 -
palais. Le quatrième, Charlemagne l'ayant expressément mandé,
Garin crut devoir, avant d'obéir, assembler ses parents et ses
amis. « Entendez-moi , seigneurs, » leur dit-il. « Le roi de
France est irrité; je l'ai vivement contrarié sans qu'il y ait
eu rien de ma faute ; et maintenant il m'ordonnne de venir le
trouver. J'ignore dans quelle intention, mais je sais bien que
je mettrai au nombre de mes meilleurs amis celui qui lacera
sa cuirasse, avant de me suivre. » A ces mots, tous s'ar
mèrent secrètement ; sous les draps richement tissus ils coulent
un glaive acéré; malheurà qui s'avisera de les quereller ! Puis
ils sortent de l'hôtel et se présentent devant l'empereur. Charles
en voyant Garin rougit de colère et ne sait d'abord quels
reproches lui adresser. Enfin , après avoir fait à ceux qui l'en
touraient un signe d'intelligence, comme pour leur recomman
der la prompte exécution de ses volontés : « Garin,» s'écrie-t-il,
« d'où venez-vous, et pourquoi avez-vous tant tardé?–Sire,»
reprit Garin, « nous sommes restés à mon hôtel ; nous y avons
joué aux tables et aux échecs, sans y perdre ou gagner beau
coup. - Aux échecs !» reprend Charlemagne. « Ah!vous avez
joué aux échecs! Eh bien! je prétendsvous être agréable; or
sus! que nous jouions encore ensemble.
« Nous jouerons aux conditions que je vais dire : d'abord, je
jurerai sur les reliques des saints que si tu parviens à me
mater (1), je t'abandonne tout ce que je possède, mes trésors,
ma femme et le royaume de France ; tout, à l'exception de
mes armes. Mais si j'ai l'avantage, je te le dis en vérité,
sur-le-chaump je te fais trancher la tête. -Ma tête? » répond
Garin ; « par Dieu! sire, il faut que vous en ayiez une fu
rieuse envie, pourtant je n'ai pas mérité votre malveillance;
je vous ai souvent servi de mon bras, j'ai souvent reçu, pour
vous défendre, de graves blessures. Pour vous, j'ai quitté ma
terre et mon héritage ; c'est pourquoi je vous jure, par le nom
du fils de Dieu, qu'il n'y a pas un homme en France excepté
vous, qui pourrait ainsi me menacer sans recevoir de mon poing
fermé sur le visage (2). Et s'il m'accusait de trahison, je n'atten

( )sé tu me pues au geu né vaincre né mater.


(2) Ne sai home fors vous, de ci en Lombardie,
S'il m'éust aati de si faite aatie,
Ne li donaisse jà del poing de lez l'oie.
drais pas le coucher du soleil pour le forcer à confesser qu'il en
a menti.-Vous parlez bien, » dit Charlemagne, « mais si vous
n'étiez pas un traître couard, vous ne refuseriez pas le jeu que
je propose. Mal savez-vous jouer aux échecs, mal savez-vous sou
tenir votre honneur.Vous en serez blâmé, sire Garin,je vous le
dis. - Non, sire, » s'écria le chevalier, « il en sera ce que vous
voudrez; mais je vous déclare hautement que si le gain de la
partie me reste, vous vous enfuirez de France, sans retard et
comme un misérable mendiant. »
Alors on fit venir l'Evangile et la croix sainte. Charlemagne
d'abord et Garin ensuite jurèrent de tenir les conventions pro
posées. Puis des écuyers apportent l'échiquier au milieu de la
salle.Jamais nul n'en vit de plus riche et de plus admirable. Les
cases en étaient alternativement d'or et d'argent; la bordure
était en rubis, parsemée de cinq cents émeraudes ou saphirs
dont les moindres valaient plus de 1oo sous parisis. Charle
magne ne se lassait pas de le voir; c'était un gardien des marches
d'Espagne qui l'avait reçu du roi Galafron de Cordoue, et qui
l'avait ensuite transmis en présent à l'empereur.
Le rois'assied le premier sur un riche tapis ; Garin, sans rien
perdre de sonassurance, imitesonexemple.Ils s'inclinent, le coude
appuyésurl'échiquier, ils dressent leurs pièces(1) dans un silence
grave et terrible. Autour d'eux sont réunis les barons ; ceux de
France derrière Charlemagne, ceux d'Aquitaine derrière Ga
rin; et, d'abord, son frère le duc de Saint-Giles, puis le baron
Anseaume d'Hauterive, puis plus de quatre cents chevaliers,
tous ayant l'épée ceinte sous le manteau d'hermine.Alors le duc
de Saint-Giles se penchant à l'oreille de Garin : « Beau très
« douxfrère, ne vous troublezpas : montrez un visage serein.
« Nous n'avons pas peur de Charles, s'il se fâche,il nous trou
« vera pour lui répondre.Jouez hardiment, et advienne qui doit
« advenir !–Grand merci, frère, » répondit Garin ; et il dressa
la dernière pièce. -
L'empereur est avec son vassal, c'est à lui de commencer (2).
(1) Lors s'est assis li rois desor un paile bis,
Et Garins d'autre part, qui n'est pas esbahis.
Lors se sont acouté, s'ont les eschès assis. .. --
A cel comencement n'i ot né jeu né ris.
Tout entor sunt assis li baron del pais.
(2 ) Tirez premièrement, juer devez premier.
- 349 -
Le jeu s'engage, et déjà les deux rivaux, l'œil avidement attaché
sur les échecs, laissent échapper de fréquents soupirs d'inquié
tude et de colère. Garin réclame les secours de Dieu ;puisse-t-il
défendre son corps de toute atteinte! Pour Charlemagne, il
exhale des menaces et des outrages. Si Dieu daigne y consentir,
la nuit ne viendra pas avant qu'il n'ait faitvoler la tête de
Garin (1). -
Cependant l'impératrice apprenait la lutte engagée et les
conditions de la victoire. Quel sujet dedésespoir pour son cœur !
« Malheur à noi, » s'écria-t-elle, «à moi qui, par ma folie, ai
mis en pareil danger et mon doux ami et mon noble seigneur.
Hélas, Garin ! pourquoi vous ai-je vu! Je connais l'empereur,
tout l'or de Bénévent ne l'empêcherait pas de me faire mourir ;
mais avant de me punir, ilvoudra consommer sur vous sa ven
geance, survous qui ne lui avez fait aucune injure ! Pourquoi
vous ai-je aimé; pourquoi vous ai-je nommé devant le roi ! »
Disant ces mots, la dame demeura pâmée sur les dalles de sa
chambre, et quand elle rouvrit les yeux, ce fut pour continuer
ses doléances. « Je suis coupable, mais la faute est-elle à moi
seule, pour n'avoir pas résisté à l'amour ? Dieu seul en doit être
blâmé, lui qui forma mon cœur, mon corps et mes pensées. L'a
mour existerait-il, si Dieu n'y consentait? pourquoi fit-il Garin
si séduisant, si doux et si rempli de bonne grâce ? Pourquoi le
créa-t-il si parfait ; lui forma-t-il la bouche si belle et l'haleine
si parfumée ? n'était-ce pour qu'on imprimât sur elle force bai
sers ?Oui, sans doute, et pourtant ce fut lui qui put résister à
mes prières. Ah! s'il eût étéplus complaisant, personne ne sau
rait nos doux entretiens ;je serais heureuse et Garin n'aurait à
se plaindre de personne (2). º . .. , , , ,
Ainsi pleure et se démène l'impératrice. Cependant Garin et

(1) Garins réclame Dieu de cuer profondément,


Mais Carles l'empereur ot le cœur monlt dolent,
Moult sovent le menace en son porposement,
Et dist que sé Diex plaist, le père omnipotent,
Il li taura la teste, ains le seriement.
(2) La roïne le sot, moult ot le cuer dolent.
Garins, mar vos conui et vis premièrement,
Car par le vostre amor morraiprocainement.
Mais ancois prendra-il de Garin vengement?
Au roi le di-je lasse, mais à tort m'en repent
Lors se pasme la dame desor le pavement.
– 35o - -

Charles ont engagé la partie. Le roi avance un roc. Garin a lieu


de s'inquiéter, car bientôt sa meilleure pièce en est emportée(1).
Encore un coup pareil, et la partie est décidée contre lui. Que
faire ? Il dit rapidement une pieuse oraison , puis avance un
aufin avec lequel il s'empare d'un chevalier (2). La colère du
roi parut alors terrible ; il frappa du poing sur l'échiquier qu'il
fendit dans la partie la plus forte. Puis roulant des yeux et re
levant la tête : « Garin, Garin, tu sais bien menacer ; mais, je
t'en préviens, tu le paieras cher avant qu'une autre heure soit
arrivée. »
A ces mots, les barons indignés se lèvent de concert, et le
duc de Normandie prenant la parole : « Sire roi, » dit-il,« vous
avez tort envers Garin. Nous sommes ici plus de quatre cents de

ses parents et de ses amis, et nous ne souffrirons pas que vous


le maltraitiez sans motifs, comme vous le faites. Apaisez votre
colère et suivez patiemment les aventures du jeu. - Par le fils
de sainte Marie!» dit Charles à demi-voix, « je ne me soucie ni
de lui ni de vous, et si je gagne l'honneur du jeu, je jure Dieu
qu'avant l'heure de complies il aura la tête détachée des épau
les. » Garin, qui l'entend, serre de ses deux mains le tablier;il
en va frapper le roi sur les tempes ; mais il songe qu'on pourrait
lui faire un reproche de sa juste vengeance ; il retient ses mains,
il reste maître de sa langue (3).
Charles se rassied, il avance un paon et bientôt il enlève un
aufin; puis, le coup suivant, il renverse un roc (4), et le fait éga
Et quant se reliève, si crie hautement :
Lasse ! que pui je, mais sé s'amor me surprent ?
Nul n'en doit avoir blasme, fors que Dieu ensement.
Coment peut nus aimer, sé Dieu ne le consent?
Por coi le fist-il douc si dous et si plaisant. .
Et sa très-douce bouce, que je désir forment
Ne fu-ce pour baisier ?Oil, tout vraiement.
Et il le me véa, si ovra folement.
(1) Un roc a trait li rois, qui Garin courrouça ,
Que le meillor des siens à tel cop emporta.
(2) Garin trait un aufin, si prent un chevalier.
(3) Et s'on ne le tenist à laide vilonie
Du tablier le ferist par de joste l'oïe,
Mais pour s'onor le laisse.
(4) Un autre trait a fait Carles, li fils Pepin,
A un petit paon emporta un aufin.
A l'autre trait après jeta un roc souvin.
-- 35 1 -

lement disparaître. Alors son visage reprend toute sa sérénité.


Pour Garin, il pâlit et garde le silence; il suit de l'œil les pièces
de son cruel adversaire; il médite la conséquence de chaque
trait, il adoube (1) un chevalier, puis un paon ; enfin il touche
un aufin, met un roc en échec, le prend, et menace un cheva
lier quitombe également sans résistance. Le roi voit le ravage
de ses deux champions, il gémit,il maudit vingt fois son mal
heur. Que vous dirai-je davantage ? Vainement il lutte et se
défend contre les atteintes de son ennemi, il perd, l'un après
l'autre, ses paons et le dernier de ses rocs. Son roi lui-même
est mis en échec; où se réfugiera-t-il ? Encore un coup, et le
mat sera prononcé. Heureusement Garin regarda l'empereur ;
il le vit sombre et abattu, il en eut compassion : « Sire roi, »
lui dit-il, « laissons là notre jeu, nous y avons donné trop de
temps.A Dieu ne plaise qu'on me reproche de vous avoir maté,
de mon plein gré. » Aces mots l'empereur se lève , et lui tou
chant la main : « Garin, Garin , vous en devez faire comme
il vous plaira;je me rappelle nos communs serments ; si vous
me matez, je vous rends mon empire et ma femme et ma cou
ronne ; quoi qu'il arrive, je ne serai pas trouvé parjure. De
mandez donc ce que vous voudrez, une fois ma perte complète,
je n'ai rien à vous refuser. » Mais Garin, en voyant l'humilité
de l'empereur, ne put retenir ses larmes : « Moi vous déshériter,
ô mon seigneur, vous enlevervotre couronne ! oh! que jamais
cela ne puisse être dit à la honte du père qui me nourrit, de mes
parents et de tous mes amis ! Tort avez-vous eu, je pense, en
souhaitant mon malheur et pensant à me donner la mort.Je ne
l'avais pas mérité, et s'il arrive qu'une femme ait dans l'esprit
quelque folle pensée, faut-il s'en étonner, s'en émouvoir et
prendre pour elle ses meilleurs. amis en haine. Je vous le dis,
sire empereur,tort vous eûtes et tort vous me fîtes. Maudite la
femme qui put éloigner de moi votre affection; maudite celle de
notre premier père qui donna l'exemple du mal à toutes les
autres ! Mais pour que vous sachiez réellement que je n'eus en

(1) Adouber. Ce mot signifiait précisément autrefois armer, et dans le langage


ordinaire il exprimait l'action de se revêtir d'armes défensives. Les lices et les no
bles luttes étaientfermées à celuiqui n'avaitpas eu ses adoubs, qui n'avaitpas été
armé chevalier.Voilà pourquoi, au jeu des échecs, pour indiquer qu'on ne veut pas
avancer la pièce touchée, on prononce le mot j'adoube, c'est-à-dire :je ne joue pas,
mais je prends mes mesures pour le faire, je m'habille.
– 352 -
vers vous aucun tort, écoutez, sire roi, ce que j'aurais à vous
proposer. Devers l'Aquitaine, et tandis que vous passez ici les
jours à jouer et à demander l'amour des femmes, les félons Sar
rasins dévastent les champs et pillent les églises. Au milieu de
leur camp est un château le plus fort et le plus haut du monde.
Il a nom Monglave; Julius César l'a bâti, les Sarrasins l'ont for
tifié de nouvelles tours.Accordez-moi la seigneuriede Monglave,
si je parviens à le ravir aux félons ennemis de Dieu. Aussitôt, je
quitterai votre cour, et la douce France où vous séjournerez
à loisir ; seul, j'irai demander un héritageà la race maudite des
adorateurs de Mahom, de Jupiter et de Tervagant.»
« Mais, » dit l'empereur, « voulez-vous sitôt nous quitter ?
Quand songez-vous à partir?-Demain sans faute, » répondit
Garin.- « A quelle heure ?- Dès la pointe dujour. - Garin,
c'est à présent que je reconnais votre loyauté; partez, que
rien ne vous arrête et que Dieu vous conduise. »
Il dit, et le lendemain nul ne vit Garin dans la cité de Paris ;
mais, à quelques mois de là, un messager vint annoncer à
Charlemagne, comme il descendait du moutier, que Garin avait
crié sur la plus haute tour de Monglave : « Montjoie ! Montjoie !
l'enseigne Saint-Denis ! » . . , ' ' -
La Chanson de geste, dont Garin de Monglave est, le héros,
se conserve à la Bibliothèque du Roi, dans deux manuscrits.
Le premier, faisant partie de l'ancien fonds du duc de Laval
lière, n. 78, est celui que je viens de traduire ; le second est
coté n. 7542. Dans cette deuxième leçon, la partie d'échecs est
racontée avec plus de détails et enrichie d'autres circonstances.
Nos lecteurs ne seront pas fâchés de comparer. Le style étant
un peu plus rajeuni, je donnerai le texte, en me contentant
d'expliquer les endroits obscurs.

Or est le roi de France assis à l'échiquier,


Et Garin d'autrepart où n'y eut qu'esmayer (1).
Chascun a commencé ses jeuxà arengier.
« Garin, ce dit le roi, juons ore au touchier (2).
- Sire, ce dit Garin, juez devez premier. » -
Le roi traittout premier, pour sonjeu comencier,

(1) Chez lequel on ne voyait aucun sentiment de crainte.


(2) Jouons maintenant à qui commencera.
- 353 -
Et Garin trait après, qui prist à soustillier
Comment il puist le roi donner d'un tour bien fier (1).
Leurs paonés ont trait et puis leur chevalier;
Garin a fait avant sa chierge carrier (2), . . . ,
D'un chevalier la garde, qu'ele puistgaaignier (3).
Garde ne s'en donna Charles o le vis fier (4),
Si le prist d'un aufin, et Garin sans dangier
D'un chevalier le prist et se ihist à huchier(5):
« Beaus sire roi, eschiec! pour votre roi mater. »
Et quand le roi le vit, cuida vifenrager,
Bien voit
-
qu'à l'autre coup son jeu perd tout entier.
-

Or fuc dolens le roi quand eschiec oï dire ;


Ft Garin li a dit : « Sire vos jeu empire, »
Et quand li roi l'oï, si n'eut talent de rire;
Il remua son roi qui point n'estoit de cire,
Ains estoit de fin or, couleur de mainte tyre (6).
Et Garin puist ung roc et puis si le remire,
Et puis dit à Charlon : « Plus nejuerez, sire. »
Le roi fut si dolent qu'à pou il ne soupire,
Tant fut plains de mesaise.
Li roi eut moult le cuer courocié et iré;
Ung chevalier a trait sur le destre costé;
Et quandGarin le vit s'a son roc ramené(7);
Le roi à l'autre coup li a eschiec hué;
Et Garin a son roi assis et eslevé,
Ungchevalier perdi ; ce fut par niceté(8),
Mais la histoire dit qu'il le fit tout de gré.
Lors li a dit li rois: « Eschiec! par grant fierté. »
Mais Garin, en un tour, a son jeu ramendé,
Si qu'au tiers coup il a ung chevalier happé,
(1) Qui se mit à chercher finement comment il pourra faire un mauvais tour
à Charlemagne.
(2) Garin a fait avancer sa fierce.
(3) Pour qu'elle pût gagner.
(4) Charles, au visage terrible.
(5) Il prit l'aufin avec son chevalier, et se mit à dire hautement :
(6) Couleur de certain genre de pourpre.
(7) S'a. Il a.
(8) Niceté. Maladresse.
- 354 -
Le roi a enchacié (1) et telement mené
Qu'il li a tost son roi en l'anglet rejeté.
Et quand le roi le vit, son cuer eut aïré (2),
A tel malaise estoit qu'il a tout oublié.
Et quand Garin le voit, si l'en prit grant pitié;
Si lui dit : « Mon seigneur, oroyez mon pensé:
Laissons là notre jeu, séil vous vient à gré. » etc., etc.
(Manuscrits, n° 78, fonds de La Vallière )

Nous devons ce curieux fragment de l'un de nos plus anciens


poèmes français à M. Paulin Pâris, premier employé au cabinet
des manuscrits du roi.

(1) Poursuivi.
(2) Airé. Irrité.
- 355 -

Nous recevons l'article suivant de l'un de nos plus illustres généraux, amateur
d'échccs d'une force remarquable. Nous nous empressons de le publier :

NOUVELLE NOTATION

roUR LEs PARTIEs ou LEs coUPs n'ÉcHEcs, QUELLE QuE soIT LA couLEuR DEs PiècEs
ÉcuuEs A cHAcUN DEs souEuRs.

Par P. P. E. F., à Commercy. 1836.-In-12.

Tel est le titre d'une brochure de trente-deux pages que le


Palamède a reçue d'un de ses correspondants, amateur distin
gué.Cet objet intéressant tous lesjoueurs qui se livrentà quel
ques études, nous nous faisons un devoir d'en rendre compte à
nos abonnés.
Dans les éditions primitives des anciens ouvrages sur les échecs,
dit l'auteur, les mouvements successifs des pièces de chaque
joueursont indiqués par desphrases courtes et précises ; on a
cherché depuis, pour économiser le temps et l'espace, à rempla
cer ces phrases par des signes abréviatifs : plusieurs systèmes
différents ont été mis en usage.
Les auteurs du Traité, dit des Amateurs, imprimé à Paris
en 1786, se sont servis d'une notation employée précédemment
par Philippe Stamma, et qui parut alors aussi simple qu'ingé
nieuse : les huit grandes pièces de chaque parti sont représen
tées par les huitpremières lettres de l'alphabet, et les pions par
la lettre P. Les cases que ces pièces occupent, avant l'ouverture
du jeu, sont désignées par la lettre de chaque pièce, qui sert
aussi à désigner les cases des pions correspondants et toutes
celles qui sont vides entre les deux camps.Un chiffre particulier
à chaque ligne de cases parallèle à la base de l'échiquier sert à
indiquer le rang; ainsi, le chiffre 1 marque le rang des pièces
blanches, 2 celui des pions blancs, et ainsi de suite jusqu'au
rang des pièces noires qui reçoit le chiffre 8.Ce système de no
tation a le défaut de faire désigner des pièces de même nature
par des lettres différentes, ce qui souvent fatigue l'attention du
lecteur; ainsi, A et H sont les deux tours, B et G les deux cava
- 356 -
liers, C et F les deux fous. Notre auteur pense, en outre, que
c'est trop de huit chiffres pour marquer les rangs,parce qu'on
prend quelquefois le cinquième pour le sixième, le sixième pour
le septième.
Montigny, en publiant à Strasbourg les Stratagémes des échecs,
y a fait usage de la même notation, modifiée parMosès Hirschel,
joueur allemand, qui a cru qu'en désignant la case d'où part une
pièce et la case où elle va, on pouvait se dispenser de désigner
la pièce elle-même. Ce changement n'a pas eu beaucoup de par
tisans, et on a remarqué que si, dans une longue suite de coups,
le lecteur s'est trompéune fois,il manque de points de repère
pour se retrouver, et il lui faut tout recommencer. C'est, sans
doute, pour ce motif que Montigny, suivant encore le même
système de notation dans sa jolie édition de Philidor, y a ajouté
la désignation de chaque pièce par la première lettre de son
nom. Ainsi,pour dire, par exemple, le cavalier de la dameà la
troisième case du fou de la dame, le Traité des Amateurs écrit :
B C3, Mosès B 1 - C 3, et Montigny, dans son second ou
vrage, C b 1- c 3. Mais l'indication du point de départ de la
pièce, quand elle est nommée, paraît à notre correspondant
chose superflue et même fastidieuse ; et il regrette que M. de la
Bourdonnais ait employé cette notation dans le traité qu'il a
donné au public en 1833 et 1834. -
Aux trois systèmes ci-dessus décrits il préfèrerait la méthode
de Stein, qui (dans son ouvrage imprimé à La Haye en 1789)
reprend les phrases courtes et claires des anciens auteurs, et se
bornepour toute abréviation à mettre la lettre initiale de chaque
pièce au lieu d'en écrire le nom tout entier. C'est la notation
qu'emploie aujourd'hui le Palamède,
Les phrases courtes et claires ont cet avantage qu'on peut les
suivre, soit qu'on joue avec les blancs, ou avec les noirs ; elles
s'adressent aux uns comme aux autres. Il n'en est pas de même
des notations abréviatives ; ainsi, lorsqu'un joueur, malheureu
sement accoutumé à avoir sa dame à droite , veut faire marcher
le cavalier de la dame de sa case à la troisième case du fou de
la dite dame, il trouve écrit dans le Traité des Amateurs B C 3,
tandis qu'il faudrait B C6 pour le cavalier noir. L'auteur fait de
cela un grand sujet de reproche aux systèmes abréviatifs. Pour
quoi, dit-il, désigner chaque joueur par la couleur de ses pièces,
puisque le succès et la conduite de la partie ne dépendent au
– 357 -
cunement de la couleur ?Il résulte de cette méthode qu'on ne
peut substituer le noir au blanc qu'en renversant l'ordre alpha
bétique. Cet inconvénient ne nous touche pas beaucoup, persua
dés, comme nous sommes , qu'un amateur, assez heureux pour
avoir le temps et la patience d'étudier des parties d'échecs dans
les livres, ne trouvera pas de difficulté à se pourvoir de deux
échiquiers dont l'un sera noté à rebours de l'autre, au moyen de
quoi il fera jouer par les noirs, et sans aucun embarras, toutes
les parties notées pour les blancs.
L'objet de la nouvelle notation de notre correspondant est :
1° de ne faire aucune acception du noir ou du blanc ; 2° de re
produire, par des moyens abréviatifs, les phrases courtes et
claires des anciens, négligées aujourd'hui fort mal à propos,
dit-il. Or, voici son système : - - » - -
Lesgrandes pièces sont représentées par les initiales majus
cules de leurs noms ; ainsi, roi R, dame D, tour, cavalier, fou ,
TC F, et pour désigner celles de ces pièces qui sont du côté du
roi, l'auteur les couronne de deux points- , , , ,,
Les pions sont représentés par les mêmes lettres que les pièces
auxquelles ils appartiennent, mais en minuscules, et,du côté du
roi, ils reçoivent aussi les deux points.
L'ordre des cases est marqué par le chiffre qui en indique le
rang, etc., jusqu'à 4 pour chacun des joueurs séparément ; le
chiffre 1 n'est pas employé pour le rang des grandes pièces, ce
qui ne peut donner lieu à aucune erreur.
Ces signes se rapportent toujours à celui quijoue, quelle qne
soit la couleur de ses pièces ; mais, comme il y a souvent occa
sion de mentionner les pièces ou les cases du jeu de l'adversaire,
l'auteur, pour les faire distinguer, les accompagne d'une apos
Un point. seul après la lettre qui représente un pion signifie
que ce pion fait un pas.Il est suivi de deux points .. lorsqu'il fait
deux pas. . , ...
Deux points placés l'un au-dessus de l'autre : indiquent la
prise d'une pièce, et la lettre qui, les suit désigne cette pièce.
Si le pion, en prenant, passe d'une colone à la colonne voisine,
ce mouvement se représente par le signe= qui se lit devient.
- L'échec donné au roi est marquérir suivant l'usage, et, lors
que e'est un échec à la découverte, la croix est suivie de l'initiale
de la pièce qui donne cet échec. -
- 358 -

- indique le roquc; les coups joués de part et d'autre sont


disposés en deux colonnes, comme il est d'usage dans tous les
systèmes de notation abréviative.
Enfin, une troisième colonne, à gauche des deux autres, in
dique l'ordre des coups.
L'auteurfait remarquer, en forme de reproche à Stamma et
au livre des amateurs, qu'ils emploient dans leurs notations neuf
grandes lettres et huit chiffres,total dix-huit caractères; il ac
cuse Montigny d'en employer vingt-un. Je ne me sers, dit-il,
que de cinq grandes lettres pour les pièces, de cinq petites pour
les pions, et de trois chiffres, en tout treize caractères ; les ac
cessoires dont je les accompagne rendent la description des coups
plus positive etplus nette.Soit; mais ces accessoires constituent
des caractères différents : on peut donc dire que l'auteur emploie
cinq grandes lettres, et cinq grandes lettres couronnées de deux
points,plus cinqpetites lettres et troispetites lettres couronnées,
plus trois chiffres, totalvingt-et-un caractères.Au reste, ce n'est
pas le grand nombre de caractères qui offusque le lecteur, mais
plutôt la quantité de choses inutiles qn'on lui donneà déchiffrer.
Une autre observation à faire, c'est que les mêmes cases ne sont
pas toujours désignées de la même manière.
Nous ne nous permettrons pas de prévoir l'avenir qui attend
la proposition faite au public des joueurs d'échecs par notre cor
respondant, mais, s'il nous était permis d'émettre une opinion
dans une matière aussi grave, nous ferions remarquer que, soit
qu'on use des phrases courtes et claires, ou de notations abré
viatives, plus on présente d'idées à l'esprit du lecteur, plus on le
fatigue, plus on l'expose à se tromper, et plus on détourne son
attention des coups qu'il veut étudier. Nous croyons donc qu'il
suffit de lui indiquer la pièce qu'il doit toucher et la case où il
doit la mettre : la désignation de la case d'où part la pièce n'est
indispensable que lorsque deux pièces peuventvenir occuper la
même case.Quant aux signes abréviatifs, nous les croyons utiles
dans bien des cas, et particulièrement lorsqu'il s'agit de suivre
une partie dans toutes ses variantes, ainsi qu'on le verra dans
les tableaux intéressants que M. Alexandre va publier.
Parmi toutes les notationsproposées jusqu'ici, celle du Traité
des Amateurs est la plus connue et mérite pour cela une certaine
preférence. La seule correction nécessaire à y faire, suivant
nous, serait de désigner lespièces par leurs initiales, au lieu de
- 359 -
lunr donner le nom de la case qu'elles occupent au commence
ment de lapartie.
Nous proposerions aussi, pour la désignation des cases, de
substituer des chiffres aux lettres, c'est-à-dire de remplacer la
lettre A par 1, B par 2, etc., H par 8; au moyen de quoi la case
A 1 se nommera 11, celle C4.34, H 1.81, H 8.88, etc. Nous y
trouvons ce grand avantage que, pour la désignation de la case ,
un seul signe se présente à l'œil du lecteur, une seule idée à son
esprit. En outre, on n'aura plus, en lisant, à confondre le C
avec le G, l'E avec l'F. Si le fou de la dame blanche prend le
pion du gambit, on écrira F64, au lieu de F F 4, qui fait con
fusion de deux F. Si c'est le cavalier placé en H 3 qui prend le
même pion, on écrira C64 et non C F4 qui expose à lire FC4.
Cette notation peut être utile aussi auxpersonnes qui s'exer
cent à jouer de mémoire et sans voir l'échiquier, parce qu'elle
indique la couleur des cases , les blanches ayant toujours un nu
méro composé d'un chiffrepair et d'un chiffre impair.
Le général H*.
- 36o -

GAMBIT MUZIO.

Ce début est l'un des plus brillants et des plus fertiles en res
sources que l'on aitimaginés. L'attaque que donne l'abandon du
cavalier est tellement forte que si celui qui gagne la pièce ne
joue pas dans le début tous les coups justes, il a infailliblement
perdu. - - -
Mais nous croyons que l'on peut prendre le cavalier hardi
ment, et que l'on doit alors gagner la partie. Nous sommes re
devables de cétte ouverture de jeu ingénieuse à Salvio, qui la
tenait du signor Muzio,'son ami. "
M. Sarrat, fort joueur anglais mort il y a quinze ans, a été
le premier à donner la défense de ce début difficile. Nous pré
senterons, dans les prochains numéros du Palamède, la véri
table défense de ce gambit.

premier bébut.
BLANCS, NOIRS.
1 Le P du R 2 c. - 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du Rà la 4 c. du Fde la D. | 4 Le P du C du Rune c.
5 Le R roque. - | 5 Le P prend le C (a).
6 La D prend le P. 6 Le F du R à la 3 c. de sa T(b).
7 Le P du F de la D une c. 7 Le C. de la D à la 3 c. de son F.
8 Le P de la D 2 c. 8 La D à la 2 c. de son R.
9 Le F de la D prend le P. 9 Le P de la D une c.
1o La D à la 5 c. de la T du R. 1o Le F prend le F.
1 1 La T prend le F. 1 1 Le C de la D à la c. de la D (c).
12 Le C de la D à la 2 c. de sa D. 12 Le F de la D à la 3 c. de son R.
13 La T de la D à la c. du F du R. | 13 Le P du F de la D une c.

(a) L'abandon de ce C constitue le gambit Muzio.


(b) Mauvais coup de défense; la D à la 3 c. du F du R était le coup juste.
(c) Ce coup forcé enferme le jeu des noirs; les blancs gagneront avant qu'il soit
dégagé.
- 361 -
BLANCS, NOIRS,
14 Le P de la D une c. - 14 Le F de la D à la 2 c. de sa D (a).
15 Le P prend le P. 15 Le F de la D à là 3 c. du R.
16 Le F prend le F. 16 Le D prend le F.
17 Le premier P du F de la D une c. | 17 Le C du R à la 2 c. de son R (h).
18 Le P prend le C et fait D, échec. | 18 Le R prend la D.
19 La Tprend le P.
Les blancs doiventgagner.

Deuxième ébut. - -a -

BLANCS. NOIRS ,
1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le Fdu R à la 4 c. du F de la D. | 4 Le P du C du R une c.
5 Le R roque. 5 Le P prend le C. ,
6 La D prend le P. (5 La D à la 2 c. du R (c).

7 Le P de la D 2 c. 7 Le C de la D à la 3 c. de son F.
8 La D prend le P.
9 Le F du R prend le P. Échec. 9 Le R à la c. de sa D.
1o La D à la 2 c. du F du R. , | 1o Le F du R à la 2 c. du C.
11 Le C de la D à la 3 c. de son F. 1 1 Le P du F de la D une c.
12 Le F de la D à la 3 c. du R. 12 Le C de la D à la 3 c. du R.
13 Le F prend le C de la D. 13 La D prend le F.
n4 Le F de la D à la 4 c. de la D. | 14 La D à la 3 c. de la T du R.
15 Le P du R une c. 15 Le C du R à la 2 c. de son R.
16 Le C de la D à la 4 c. du R. 16 La T du R à la c. de son F.
17 Le F de la D donne échec. 17 Le R à sa c. (d).
18 Le C donne échec. 18 La D prend le C.
19 Le P prend la D. - 19 La T prend la D.
2o Le F prend la T.
Les blancs ont le meilleur jeu.

(a) Si les noirs avaient pris le P au lieu de retirer ce F, ils auraient perdu une
pièce, ne pouvant ôter le F sans perdre la D.
(b) Si les noirs voulaient sauver la pièce ils perdraient tout de suite la partie.
(c) Dans ce début il faut, au lieu de ce coup, porter la D à la 3 c. du F du R ;
c'est, je crois, le seul coup de défense. La D à la 3 c. du F du R empêche celui qui a
donné le gambit de pousser le P de la D 2 c., ce qui lui donnerait une grande at
taque, et elle défend pendant quelques coups le P qui apris legambit.
(d) Si les noirs prenaient le F, ils seraient obligés, le coup suivant, de donner leur
Dpour un C.
28
– 362 -

(iroieième bébut.

BLANCS. NOIRS.

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 4 Le P du C du R une c.
5 Le R roque. 5 Le P prend le C.
6 La D prend le P. 6 La D à la 3 c. du F du R.
7 Le P du F de la D une c. 7 Le F du R à la 3 c. de sa T.
8 Le P de la D 2 c. 8 Le C de la D à la 3 c. de son F.
9 Le P du R une c. (a). 9 La D à la 2 c. du C du R.
1o Le F de la D prend le P. 1o Le F du R prend le F.
1 1 La Dlprend le F. n 1 Le C du R à la 3 c. de sa T.
12 Le C de la D à la 2 c. de la D. 12 Le C de la D à la 2 c, de son R.
13 Le C de la Dà la 4 c. du R. 13 Le C de la D à la 3 c. du C du R.
14 La D à la 5 c. du C du R. 14 Le P de la D une c. (b).
15 Le C donne échec. 15 Le Rà la c. de sa D (c).
16 Le Cà la 5 c. de la T du R. Éch. 16 Le P du F du R une c.
17 Le P prend le Pdu F du R. 17 La D à la c. du F. du R.
18 Le P un pas. Échec. 18 Le C de la D à la 2 c. du R.
19 La D à la 6 c. du F du R. 19 Le C du R à sa 5 c.
2o La D prend la T. 2o La D prend la D.
2 1 Le P fait D.
Les blancs ont le meilleur jeu.

(a) Ces pions avancés gênent le développement du jeu des noirs.


(b) Si les noirs avaient roqué au lieu de pousser ce P, les blancs auraient gagné
en donnant l'échec du C, puis attaquant l D avec ce C.
(c) Si les noirs jouent leur R à la c. de son F, les blancs gagnent en jouant le C à
la 5 c de la T du R.
– 363 -

DÉFI ENTRE MM. BONCOURT ET SZÈN.

Les amateurs du Cercle des échecs apprendront avec peine le


départ de M. Szèn pour Londres.Son séjour à Paris nous a valu
de fort belles parties. Il faut mettre en première ligne celles où
M. de La Bourdonnais a fait l'avantage du pion et deux traits ;
vingt-cinq parties ont été jouées, M. Szèn a gagné une partie
de plus que notre grand maître.
La plupart de nosjoueurs de troisième force se sont essayés
avec ce formidable étranger, et presque tous ont été vaincus ;
c'est alors que M. Boncourt, cet infatigable joueur qu'on re
trouve dans toutes les occasions difficiles, n'a pas craint de
compromettre sa vieille gloire en défiant le joueur étranger.
Les deux redoutables adversaires se sont retirés après un long
combat avec tous les honneurs de la guerre, ayant gagné cha
cun un nombre égal de parties.
Lejeu de M. Szèn, qui rappelle en grande partie celui de
M. Mouret, nous paraît unir à une méthode savante et sage
un jugement sain, une correction rare; peut-être pourrait-on
lui reprocher un peu de froideur,trop de circonspection; mais
M. Szèn est un joueur jeune encore, qui n'a pas le sentiment
de ses forces. A mesure que ses succès les lui revèleront, ses
combinaisons prendront une direction nouvelle plus étendue,
où la défense et l'attaque marcheront également de front.
M. Szèn n'a rencontré en Allemagne qu'un seul joueur de sa
force, c'est M. Wilhom, à Vienne.
Dans les parties qui suivent M. Boncourt avait les blancs.
NOIRS. BLANCS,
r Le P du R 2 c. - r Le P du R 2 c.
, 2 Le C du R à la 3 c. de son F. 2 Le C de la D à la 3 c. de son F.
3 Le F du Rà la 4 c. du F de la D.| 3 Le F du Rà la 4 c. du F de la D.
4 Le P du F de la D une c. 4 Le P de la T du R une c.
5 Le P de la D 2 c. 5 Le P du R prend le P.
6 Le P prend le P. 6 Le F du R donne échec.
7 Le F de la D à la 2 c. de la D. 7 Le F prend le F. Échec.
8 Le C de la D prend le F. 8 Le P de la D une c.
– 364 -
NOIRS. BLANCS,

9 Le R roque. 9 Le C du R à la 2 c. de son R.
n o La D à la 2 c. de son F. 1o Le R roque.
1 1 Le P de la D une c. 1 1 Le C de la Dà la 4 c. du R.
12 Le C prend le C. 12 Le P prend le C.
13 Le F du R à la 3 c. du C de la D. 13 Le C du R à sa 3 c.
14 La T de la D à la c. de son F. 14 La D à la 4 c. du C du R (a).
15 Le C à la 3 c. du F du R. 15 La D à la 5 c. du F du R.
16 La T du R à la c. de son R. 16 Le F de la D à la 6c. de la Tdu R.
17 Le P prend le F(b). 17 La D prend le C.
n8 La T du R à la 3 c. de son R. 18 La D à la 4 c. de laT du R.
19 La D à sa c. 19 La D à la 4 c. du C. du R.Échec.
2o La D à la 4 c. du C du R. 2o La D à la 3 c. de son F du R.
21 La T du R à la 3 c. du C du R. 21 Le C. à la 5 c. du F du R.
22 Le F à la c. de la D. 22 Le P du C. du R une c.
23LaTde la D. prendle Pdu Fde la D. 23 La D à la 3 c. de son C.
24 La T de la D à la 2 c. de son F. 24 La D à sa 5 c.
25 La D à la 3 c. du F du R. 25 La T de la D à la c. de son F.
26 La T de la D à la 3 c. de son F. 26 La T prend la T.
27 Le P prend la T. 27 La D à sa 7 c.
28 Le R à la c. de sa T. 28 La T à la c. du F de la D.
29 Le F à la 3 c. du C de la D. 29 Le C à la 7 c. de son R.
3o La Tprend lePdu C du R.Échec. 3o Le R à la c. de son F(c).
31 La T à la c. du C du R. 31 Le C prend la T.
32 Le R prend le C. - 32 La T prend le P.
33 La D à la 6 c. du F du R. 33 La D à la 8 c. du R. Échec.
34 Le R à la 2 c. de son C. 34 La D prend le P. Échec.
35 Le P du F du R une c. 35 La D à la 3 c. du C du R. Échec.
36 La D prend la D. 36 Le P prend la D.
Les noirs abandonnent la partie.

(a) Les blancs commencent iciune attaque sur le roi adverse qu'ils suivent très
bienpendantplusieurs coups, et qui finit par leur faire gagner la partie.
(b) Mauvais coup; il eût mieux valujouer laT du Rà la3 c. du R.
(c) Si les blancs, au lieu de ce coup, avaient pris la T, les noirs auraient décou
vert leur F par échec et ils auraient eu beau jeu.
- 365 -

DEUxIÈME PARTIE.

NOIRS , BLANCS,

1 Le P du R 2 c. n Le P du R une c.
2 Le P de la D 2 c. 2 Le P de la D 2 c.
3 Le P du R prend le P de la D. 3 Le P prend le P.
4 Le P du F de la D2 c. 4 Le C du R à la 3 c. de son F.
5 Le C de la D à la 3 c. de son F. 5 Le F du R à la 5 c. du C de la D.
6 Le P de la T de la D une c. 6 Le F prend le C. Échec.
7 Le P prend le F. 7 Le C du R à la 5 c. du R.
8 La D à la 3 c. de son C. 8 Le P du F de la D une c.
9 Le F du Rà la 3 c. de sa D. 9 Le R roque.
1o Le C du R à la 2 c. de son R. 1o Le P prend le P.
11 Le F prend le P. 1 1 Le P du C de la D 2 c.
12 Le F du R à la 3 c. de la D. 12 Le F de la D à la 4 c. du F du R.
13 La D à la 2 c. de son F. 13 La T à la c. de son R.
14 Le R roque. 14 Le F du R à la 3 c. du C du R.
15 Le C à la 4 c. du F du R. 15 Le C du R à la 3 c. de sa D.
16 Le C prend le F. 16 Le P de la T du R prend le C.
17 Le F de la D à la 4 c. du F du R. 17 Le C de la D à la 3 c. de sa T.
18 La T du R à la c. du R. n8 La D à sa 2 c.
19 Le P de la T de la D une c. 19 Le C de la Dà la 2 c. de son F.
2o Le F de la D prend le C. 2o La D prend le F.
21 La T prend la T. Échec. 21 La T prend la T.
22 Le P prend le P. 22 Le P prend le P.
23 La T prend le P(a). 23 La T donne échec.
24 Le F couvre l'échec. 24 La D à la 3 c. de son F.
25 La D à sa 2 c. 25 La T à la 8 c. du C de la D.
26 La D à sa 3 c. 26 La T à la 8 c. du F de la D.
27 La T de la D à sa 3 c. 27 Le C à la 4 c. de sa D.
28 La D à la 3 c. du F du R. 28 Le P du F du R une c.(b)
29 La D à sa 3 c. 29 Le C à la 5 c. du F du R.
3o Le P de la D une c. 3o La D prend le P.
31 La D prend la D. 31 Le C prend la D.
32 Le P du C du R une c. 32 Le C prend le P.
Les blancs ont gagné cette partie, qui n'a plus offert rien de bien intéressant.
(a) Mauvais coup; il force à couvrir l'échec avec le F, qui se trouve par la éné
pendant plusieurs coups.
(b) Ici se présente un coup qui, au premier abord, paraît bon, mais qui ne l'est
pas : c'est de prendre le P avec le C. Certes les noirs perdraient en prenant la D,
mais ils gagneraient en donnant l'échcc de la T.
- 366 -

TRoIsIÈRIE PARTIE.

BLANCS. NOIRS .

1 Le P du R 2 c. n Le P du R 2 c.
2 Le Fdu R à la 4 c. du F de la D. Le F du R à la 4 c. du F de la D.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. Le C de la D à la 3 c. de son F.
4 Le P du F de la D une c. Le C du R à la 3 c. de son F.
5 Le P de la D une c. Le F du R à la 3 c. du C de la D.
6 Le P du C de la D 2 c. Le P de la T de la D une c.
7 Le R roque. Le P de la D une c.
8 Le P de la T de la D 2 c. Le R roque. -
9 Le F de la D à la 3 c. du R. 9 Le Fde la D à la 3 c. du R.
1 o Le C de la D à la 2 c de sa D. 1 o Le F du R prend le F.
1 1 Le P prend le F. 1 1 Le P de la D une c.
12 Le P du R prend le P. 12 Le C prend la P.
13 Le F prend le C. 13 La D prend le F.
14 Le C de la D à la 4 c. du R. 14 La T du R à la c. de sa D.
15 La D prend le P(a). - t-
15 Le C du R à sa 5 c.
16 La D à la 5 c. de la T du R. 16 Le P de la T du R une c. :
17 Le C prend le F. - 17 Le P prend le C.
18 La D à la 6 c. du C du R. 18 Le R à la c. de sa T. ' '
19 La T du R à la 7 c. de son F. 19 La Tdu R à la c. de son C. .
2o La T de la D à la c. du F du R. 2o La T de la D à la c. de son F.
21 LaTdu R prend le Pdu Cdu R(b). 2 1 La D prend le P du R. Échec.
22 Le R à la c. de sa T. 22 La T prend la T.
23 La D prend le P du R. 23 La T de la D à la c. du C du R.
24 Le C à la 6 c. du Fdu R. 24 La D à la 7 c. de son R.
25 La T à la c. du C du R. 25 Le C à la c. de sa D.
96 La D à la 3 c. de la T du R. 26 Le C à la 2 c. du F du R.
27 Le C prend la T. 27 La T prend le C.
28 La D à la 6 c. de son R. 28 La D à la 7 c. du F du R.
29 Le P du F de la D une c. 29 La D à la 5 c. du F du R.
Les blancs abandonnent la partie.

(a) Ce coup est assez mauvais, il permet aux blancs de prendre l'attaque.
( ) Ce coup est intempestif et fait perdre la partie aux blancs, qui avaient fort
beau jeu.
– 367 -

DES CARTES A JOUER.

(Second article.)

Malgré les recherches d'ungrand nombre de savants, il règne


une grande incertitude sur la découverte du jeu ingénieux des
cartes, qui, comme le dit l'abbé Bullet, fait une partie si consi
dérable de nos mœurs. Non-seulement il serait impossible de ci
ter les ncms de ceux qui inventèrent les cartes et les différents
jeux auxquels on les adapta, mais on ne saurait même préciser
la date de leur apparition, ni le pays où elles ont pris naissance.
L'opinion la plus répandue en France sur l'origine des cartes
à jouer, c'est qu'elles ont été inventées pour distraire Charles VI.
C'est une erreur ; il existe des preuves incontestables que les
cartes étaient connues avant cette époque ; mais s'il est facile de
détruire ce préjugé, il nous sera plus difficile de fixer le lieu et
l'époque de leur invention ; car nous ne trouvons plus de textes
clairs et précis pour nous éclairer au milieu du dédale des faits
relatifs à notre sujet, épars dans les historiens.
En remontant vers l'antiquité, et en parcourant tous les ou
vrages dans lesquels il pouvait être parlé des jeux des anciens,
on ne trouve pas la moindre mention du jeu des cartes.
Ovide, qui cite les différents jeux qu'une jeune Romaine doit
savoir, et nomme les osselets, les dés, le trictrac, ne dit pas un
mot qui puisse se rapporter au jeu de cartes ; de plus, on sait
que sur les peintures des vases et sur les mosaïques, qui donnent
des renseignements si précis et si détaillés sur les usages des
anciens, on n'a trouvé aucune trace des cartes. En redescendant
vers les temps chrétiens, nous trouvons un curieux ouvrage qui
a été cité comme favorableà l'opinion de ceux qui assignent aux
cartes une origine antique ; c'est le Traité des spectacles et des
jeux du hasard, d'un père de l'église du III° siècle, saint Cy
prien, évêque de Carthage, mort en 258. Mais nous pouvons
assurer que, dans le dénombrement des jeux contenus dans ce
traité, il ne se rencontre pas un mot qui puisse directement ou
indirectement s'appliquer aux cartes.
Le dernier qui se soit occupé en France de cette question
– 368 -
d'archéologie fort difficile à résoudre, est le bibliophile Jacob(1).
Après avoir déploré l'incertitude qui règne sur l'invention des
cartes, il s'exprime ainsi :
« En attendant que je rassemble dans une dissertation spéciale
mes recherches, peut-être curieuses et nouvelles après celles de
mes devanciers, je vais énoncer mon sentiment, appuyé sur
l'examen comparé des anciennes cartes à jouer.
« L'abbé Legendre a répété, d'après le Traité de la police de
Lamare, qui cite le conteur Polydore Virgile comme une auto
rité, que les Lydiens inventèrent les cartespendant une extrême
disette, et que ce jeu la leur fit presque oublier. Il est possible
que les Lydiens aient connu un jeu qui se jouait avec des ta
bleauxfigurés (tabulæ sigillatæ), à l'instar du Jeu de l'Oie des
Athéniens ; mais, à coup sûr, ce n'étaientpas les cartes de notre
jeu de piquet. Cependant les cartesvinrent de l'Orient avec les
échecs : cette origine semble incontestable, sans adopter toute
fois les rêveries de Court de Gébelin, qui fait honneur à l'Égypte
de l'invention des cartes, et qui les explique à la manière des
liiéroglyphes. Il existe entre les cartes et les échecs certains
rapports qu'on ne saurait attribuer au hasard. On a même des
raisons de croire que primitivement les cartes offraient une re
présentation exacte des échecs : pour laisser quelque chose à
décider au sort, et pour mieux égaliser les chances, les fous, les
chevaliers et les tours ou rocs se retrouvaient sans doute dans les
premières cartes, dont le jeu n'était qu'un jeu d'échecs double ;
peut-être le jouait-on à quatre, chaque adversaire ayant sa cou
leur, et, pour ainsi dire, son armée à faire manœuvrer.
« Ces analogies des cartes avec les échecs sont presque prou
vées par l'inspection des vieux tarots du XV° siècle, dans lesquels
il y a le fou et la tour, dite maison de Dieu. Quant au sens allé
gorique, il est à peu près identique dans les deuxjeux, qui sont
une image de la guerre. On trouve encore dans les tarots une
carte qui devait, par son apparition, produire le résultat de l'é
chec et mat : c'est la Mort, montée sur le cheval pâle que lui
donne l'Apocalypse. - -
« Originairement, les cartes n'étaient donc pas plus nom
breuses que les pièces de l'échiquier, divisées en deux bandes,
l'une rouge et l'autre noire ; une augmentation de cartes exigea

(1) Mon Grand I'autcuil, nouv cl ouvrage du Dibliophilc Jacob


bientôt de nouvelles combinaisons, et les deux jeux ne furent
plus soumis à des règles identiques : les Arabes, ces grands
joueurs d'échecs, donnèrent-ils cette autre forme à leur jeu fa
vori ?
« Quoi qu'il en soit, les cartes étaient en usage bien avant
l'année 1392, à laquelle on a prétendu fixer leur invention : le
synode de Worchester, en 124o, défend aux clercs les jeux dés
honnêtes, et entre autres celui du Roi et de la Reine (ne susti
neant ludos fieri de Rege et Regina); un manuscrit italien
de 1299 parle des cartes appelées naibi; des statuts monastiques
de 1337 proscrivent les cartes sous le nom de paginae; enfin, un
édit du roi de Castille, à la date de 1387, les met au nombre des
jeux prohibés. -
« Un ancien ouvrage en langue française ne laisse pas de
doute sur l'existence des cartes antérieurement à la date de
1392 ; car on lit dans le roman de Renard le contrefait, composé
par un anonyme en 1328 :
Jouent aux dés, aux cartes, aux tables
Qui à Dieu ne sont délectables.

« Ce passage indique en quels lieux se tenaient les tripots, et


en quelles mains était déjà tombé le jeu du Roi et de la Reine.
Quant à la chronique du Petit Jehan de Saintré. où l'on remar
que cette phrase : Vous qui étes noiseux et joueux de cartes et
des dés, cette chronique, dont le héros est page à la cour de
Charles V, en 1367, ne doit pas être invoquée en témoignage,
puisque l'auteur,Antoine de la Sale, né en 1398, n'écrivait que
sous Charles VII.
« On a longuement et vainement disserté pour savoir si les
cartes étaient françaises, allemandes, espagnoles ou italiennes :
il me paraît toujours certain qu'elles ne sont pas françaises, du
moins les cartes de taroc.Un vieux livre, le Jeu d'or, imprimé à
Augsbourg en 1472, assure, dit-on , qu'elles prirent naissance
en Allemagne vers 13oo; l'abbé Rive pense qu'elles ont été in
ventées en Italie, par Nicolaï Pepin,vers 133o; l'abbé de Lon
guerue veut bien que ce soit en Italie, maisà une époque anté
rieure. Toujours est-il que les signes et couleurs des cartes
diffèrent dans ces pays : les Français ont pique, trèfle, carreau
et cœur; les Espagnols, épée, baton, denier et coupe ; les Alle
mands, vert, gland,grelot ct rouge : ces coulcurs doivent être
– o7o -
contemporaines du jeu de piquet, qui fut trouvé sous Charles VII,
en même temps que les cartes avec lesquelles on le joue encore
aujourd'hui.Jusque-là les tarots seuls étaient en usage en toute
l'Europe ; mais depuis l'invention dujeu de piquet, ils ont beau
coup perdu de leur bizarre physionomie, et ne sont pas restés
en France, malgré la faveur marquée deplusieurs illustres Fran
çais du XVII° siècle : Breitkopf est allé chercher les premiers
tarots en Sibérie, où les paysansjouent le taappoia avec des
cartes semblables à celles dites de Charles VI. Ces dix-sept
cartes, que l'on conserve au Cabinet des Estampes de Paris, et
qu'on attribue à l'imagier du roi, Gringonneur, faisaient partie
d'un jeu qui était certainement une imitation de la célèbre danse
macabre, cette allégorie si philosophique de la vie humaine,
que le moyen-âge avait tant multipliée à l'aide de tous les arts
Ces cartes, peintes et dorées, représentent le pape, l'empereur,
l'ermite, le fou, le pendu, l'écuyer, le triomphateur, les amou
reux, la lune et les astrologues, le soleil et la Parque, la justice,
la fortune, la tempérance, la force, puis la mort, puis lejuge
ment des âmes, puis la maison de Dieu ! N'est-ce pas là cette
danse des morts qui met en branle les vivants de toute condi
tion, et qui dirige une ronde immense où sont emportés tour à
tour grands et petits, heureux ou malheureux ? Le nom de ta
rots dérive de la province lombarde, Taro , où ce jeu fut d'a
bord inventé ; à moins qu'on ne préfère le tirer d'une allusion
à la tare que la Mort fait éprouver au monde (phtora, corrup
tion), ou bien de la fabrication même de ces cartes, enlumi
nées sur un fond d'or piqué à compartiments (tèrèin, trouer).
« On a cru qu'il s'agissait de ce même jeu de tarots dans un
compte de Charles Poupart, argentier du roi pour l'année 1392 :
« A Jacquemin Gringonneur, peintre, pour trois jeux de cartes
à or et à diverses couleurs, de plusieurs devises,pour porter
devant le ditseigneur (Charles VI), pour son ébattement ,
Lv1 sols parisis. » Mais les costumes me paraissent plus con
formes aux modes du temps de Charles VII qu'à celles de la cour
d'Isabeau de Bavière, qui avait donné le hennin ou bonnet en
cœur pour coiffure aux dames.
« C'est donc au règne de Charles VII qu'il faut rapporter l'in
vention des cartes françaises, et du jeu de piquet, imité peut
être du jeu allemand le lansquenet. Les cartes cessèrent alors
d'être une redite joyeuse de cette danse macabre, qui revenait
- »,« -
sans cesse attrister les regards et jeter une pensée de deuil parmi
tous les plaisirs, cette danse burlesque et terrible, dessinée sur
les marges des missels, ciselée sur les manches des poignards ,
peinte dans les églises, dans les palais, dans les cimetières , ri
mée chez les poètes et mise en musique par les ménétriers.Tou
tefois, la Mort ne disparut pas entièrement du jeu de cartes ,
qui redevint ce qu'il était d'abord , le jeu de la guerre.
« Charles VI,par une ordonnance de 1391 , avait probibé,
sous peine de 1o sous d'amende, tous les jeux qui empêchaient
ses sujets de se livrer à l'exercice des armes pour la défense du
royaume : Tabularum, paleti, quilliarum, boularum, billarum
que ludos et similes quibus subditi nostri ad usum armorum pro
defensione nostri regni nullatenùs exercentur vel habilantur.
« Ce fut pour éluder cette ordonnance que , pendant les lon
gues guerres du règne suivant, quelqu'un, le brave I ahire ,
dit-on, ou plutôt un servant d'armes, qui s'est personnifié dans
l'image du valet de trèfle sans se nommer, réforma ce jeu des
tarots de manière à le mettre au rang des exercices militaires :
le trèfle figurant la garde d'une épée; le carreau, le fer carré
d'une grosse flèche; lepique, la lance d'une pertuisane; le cœur,
la pointe d'un trait d'arbalète , étaient les armes et les compa
gnies armées , les as, nom d'une monnaie ancienne, signifiaient
l'argent pour la paie des troupes ; les quatre rois représentaient
les quatre grandes monarchies, juive, grecque, romaine et
française, car Charles VII , comme successeur de Charlemagne,
pouvait prétendre à l'empire d'Occident : David, Alexandre et
Césarportaient aussi le manteau d'hermine et le sceptre fleur
delisé; les quatre dames remplaçaient les quatre vertus des ta
rots, Judith au lieu de la force, Pallas au lieu de la justice ,
Rachel au lieu de la fortune, et Argine au lieu de la tempé
rance ; cette Argine, anagramme de regina , doit être Marie
d'Anjou, femme de Charles VII, recommandable par sapiété et sa
douceur. Les quatre valets, ou varlets, personnifiaient la noblesse
de France, depuis son époque héroïque jusqu'à la chevalerie :
Hector de Troie, père de ce fameux Francus qui passait pour
le premier roi franc; Ogier le Danois, l'un des pairs de Charle
magne : Lahire , le plus brave capitaine de Charles VII et le va
let de trèfle, qui s'est cru digne de paraître en si vaillante com
pagnie par sa qualité d'inventeur ou de réformateur du jeu de
cartes. Je ne nommerai pourtant pas ce gentilhomme) Nicolaï
- 372 -
Pepin, en dépit d'une étymologie bizarre forgée par l'abbé Ri
ves, qui prétend que les cartes italiennes furent appeléesnaipes
en Espagne, parce qu'elles portaient le chiffre du cartier (N. P.).
« Il y a lieu de croire que ce jeu tout français fut d'abord imité
par les Allemands, qui se l'approprièrent avec de légères modi
fications : les noms des figures furent supprimés, et les quatre
valets ne paraissant pas suffisants, on en ajouta quatre autres,
soit comme chevaliers, soit comme pages ; on remplaça le car
reau par le lapin, le cœur par le perroquet ou papegai, le pique
par l'œillet : le trèfle ne subit aucune métamorphose. Ces cartes
allemandes étaient rondes et gravées au burin.
« Plus tard, en Allemagne, on imposa aux cartes un nouveau
changement, en yintroduisant le grelot et le gland ou vert : le
gland exprimait l'agriculture, le grelot la folie, le cœur l'amour,
et le trèfle la science. Ces cartes-là étaient plus larges que lon
gues et ornées de sujets relatifs à chacune des quatre divisions ;
elles eurent cours à la fin du XVe siècle et au commencement
du XVIe . -
« Lagravure entaille de bois n'ayant été découverte qu'en 1423,
les cartes auparavant étaient enluminées de même que les ma
nuscrits et coûtaient fort cher, puisqu'en 145o, Visconti, duc de
Milan, paya 1,5oo pièces d'or à un peintre français pour un
seul jeu; mais aussitôt que la gravure permit de reproduire à
l'infiniune empreinte grossière, qui, à quelques années de là,
créa l'imprimerie par les soins ingénieux de Laurent Coster,
lesgraveurs d'Allemagne répandirent dans toute l'Europe leurs
jeux de cartes à bas prix. La ville d'Ulm faisait un tel commerce
de cartes, qu'on les envoyait par ballots en Italie et en Sicile
pour les échanger contre des épices et des marchandises. Les
cartes s'appelaient Brief(c'est-à-dire en latin epistolæ),et le car
tier brief-malher. Il est certain que le lansquenet est né en Alle
magne, ainsi que le piquet en France.
« Le caractère espagnol, toujours fidèle aux distinctions de
rangs et d'états, se fit sentir dans la substitution des copas, es
padas, dineros et bastos, aux quatre couleurs du jeu de cartes
français, dans lequel on n'avait fait entrer que des armes : les
calices (copas) des ccclésiastiques, les épées (espadas) des no
bles, les deniers (dineros) des marchands,et les bâtons(bastos)
des cultivateurs, marquèrent les quatre états du peuple en Es
pagne. On a voulu mal à propos interpréter de la même ma
- 373 -
nière les couleurs de nos cartes, en supposant que le cœur repré
sente le clergé, qui siège au chaeur : le pique, la noblesse, qui
commande les armées ; le carreau, la bourgeoisie, à cause du
pavé des villes, et le trèfle, les habitants de la campagne, à
cause de leurs prairies.
« En dépit des ordonnances civiles et cléricales qui ont fré
quemment renouvelé la prohibition des cartes àjouer, ce jeu,
varié par d'innombrables combinaisons, s'est toujours maintenu
à la tête des jeux avec les échecs et les dames. Le lansquenet,
le piquet, la triomphe, la prime, le flux, le trente-et-un, la con
demnade, le mariage et une foule d'autres, eurent successive
ment la vogue dans les tavernes et dans les cours lesplus élégantes :
Louis XII jouait au flux en son camp à la vue des soldats , dit
Hubert-Thomas dans la Vie du palatin Frédéric II : Panta
gruel, dit Rabelais, trouva les matelots, à Bordeaux, qui
jouaient à la luette sur la grève.
« Enfin, les cartes elles-mêmes semblèrentparticiperà la mé
tempsycose des êtres, tant les rois, les reines et les varlets, qui
président à ce jeu, furentsoumis à des transformations de noms
et de costumes dans notre France capricieuse ! Le règne de
Charles IX amena des varlets de chasse, de noblesse, de cour et
de pied, pour accompagner Auguste, Constantin , Salomon et
Clovis; Clotilde, Elisabeth, Penthésilée et Didon; le règne de
Louis XIV, qui imposait aux cartes cette devise :J'aime l'amour
et la cour,vive la reine ! vive le roi ! ne se contenta pas de ces il
lustrations royales, et choisit de préférence César, Ninus,
Alexandre et Cyrus major; Pompéia, Sémiramis, Roxane et
Hélène ; Roger, Renaud et Roland; quant au valet de trèfle, il
n'avait jamais d'autre nom que celui du cartier.
« On écrirait tout un livre sur les révolutions des cartes jus
qu'aux cartes b. patriotiques de la république française, une
et indivisible, où'les quatre dames furentsupplantées par quatre
vertus républicaines, les quatre valets chassés par quatre réqui
sitionnaires républicains, et les quatre rois détrônés par quatre
philosophes, Voltaire, Rousseau, La Fontaine et Molière.
TRoIsIÈME LEçoN ÉLÉMENTAIRE.

Des pièces du jeu des échecs et de leurs valeurs relatives, et


quelques principes généraux.

LE ROI .

Comme le roi ne peut jamais être pris, sa véritable valeur,


comparée à celle des autres pièces, peut être difficilement es
timée. Le roi est une pièce fort difficile à bien jouer. Il faut évi
ter de le faire marcher dans le commencement de la partie, il
serait exposé à trop de dangers. Il faut choisir avec soin le côté
où l'on doit le faire roquer.
Ne laissez jamais le roi ou la dame exposée à recevoir un
échec double ou un échec à la découverte. Retirez-les de la di
rection des pièces de l'adversaire. Lorsque les plus fortes pièces,
et particulièrement les dames, ne sont plus sur l'échiquier, le
roi peut rendre de grands services et décider la partie ; il de
vient alors une pièce très-forte; il doit soutenir ses pions dans
leur marche vers dame.
Il faut, sur la fin de la partie, se garder de retirer son roi sur
une des cases angulaires de l'échiquier et de pousser un pion
qui l'empêche d'en sortir,à moins que dans une situation déses
pérée vous n'ayez d'autre ressource que de compter vous faire
pat.
LA DAME.

La dame est la meilleure pièce de toutes; elle vaut au moins


les deux tours, et elle est supérieure à trois petites pièces.
La dame peut être échangée avec avantage contre une tour et
deux petites pièces.
En général vous placerez bien votre dame sur la seconde ligne
de l'échiquier pour soutenir les pions de cette ligne, en obser
vant qu'elle ne gêne pas la sortie de vos pièces.
Gardez-vous bien de prendre un pion ou même une pièce
avec la dame lorsque par ce coup vous l'éloignez de manière
– 375 -
qu'elle vous devienne inutile, soit pour la défense ou pour l'at
taque.
Opposez votre dame à celle de l'adversaire lorsqu'il voudra
entrer dans votre jeu avec la sienne.
Quand vous aurez l'avantage, opposez égalementvotre dame
à la sienne pour le forcer au dame pour dame, ou, s'il s'y refuse,
établir la vôtre dans son jeu, ce qui est fort avantageux.
Quand vous aurez l'attaque, combinez les échecs que vous
pourrez donner avec la dame de manière qu'ils soient doubles, et
qu'après en avoir tiré tout le parti possible vous puissiez, si cela
est nécessaire, la ramener à une case où elle vous sera néces
saire pour votre propre défense.
LA TOUR.

La tour est la meilleure pièce après la dame; elle vaut une


petite pièce et au moins un pion.
La tour est la seule pièce,excepté la dame, qui puisse donner
l'échec et mat avec son roi contre un roi seul.
Il faut se procurer la libre communication de ses tours ; il
faut les placer sur des lignes où il n'y ait plus de pions qui
puissent les arrêter, si toutefois elles ne sont pas nécessaires
ailleurs.
Il faut les établir le premier dans le jeu de l'adversaire, et
s'il attaque une tour ainsi postée avec la sienne, vous la sou
tiendrez avec l'autre tour plutôt que de prendre.
LE FOU .

Le fou vaut au moins trois pions.


Le fou du roi est une excellente pièce d'attaque qu'il faut
conserver autant que possible.
Le fou, aussi bien que le cavalier, faitpartie remise contre
la tour. Les deux fous, aussi bien que le cavalier et le fou, font
échec et mat.
A la fin d'une partie, les deux fous sont plus fortsque les deux
cavaliers. Mais généralement un fou et des pions ne valent pas
un cavalier et le même nombre de pions ; car le cavalier peut
attaquer les pions sur toutes les couleurs ; il n'en est pas ainsi
du fou.
Il faut sortir un fou avant de pousser un pion qui rendrait ce
fou inutile. -
Quand un fou est attaquépar un cavalier, vous pouvez, s'il
n'est pas de votre intérêt de souffrir la pièce pour pièce, re
tirer ou avancer ce fou d'une case, ce qui arrête les progrès ul
térieurs de ce cavalier. -
Un fou, soutenu d'un pion de sa couleur, établi dans le jeu
de l'adversaire qui n'aura plus de pions pour le déposter, gê
nera la marche de ses pièces, tandis que vous mettrez en jeu
les vôtres.
LE CAVALIER.

Le cavalier est estimé avoir la même valeur que le fou.


Il faut autant que possible ne sortir les cavaliers qu'après avoir
poussé deux pas les pions des fous.
Quand un cavalier est inutile à une case où il est posté, il
faut le porter dans le moins de coups possible à une case où il
puisse servir pour l'attaque ou la défense.
Un cavalier soutenu d'un pion et qui ne pourra être déposté
par les pions ou pièces de l'adversaire sera de la plus grande
utilité pour le gain de la partie.
DES PIONS,

L'intelligence de la manœuvre des pions décide toujours le


gain d'une partie.
Les pions du centre sont les meilleurs ;tâchez toujours d'éta
blir vos pions au centre.
Ne poussez pas en avant un pion qui doit être employé à en

Ne prenez pas toujours un pion offert.


Evitez d'avoir des pions isolés.
Ne poussez pas un pion qui arrête les progrès des pièces de
votre adversaire. Par la même raison, poussezun pion quand il
peut interdire l'entrée de votre jeu à ces pièces.
Évitez d'avoir des pions doublés, surtout sur vos ailes.
Tâchez d'avoir un pion passé, c'est-à-dire dont la marche à
dame est libre. -
Tâchez de sacrifier un pion pourvous procurer le service
d'une pièce.
Employezvos pions de manière à découvrir le roi de votre ad
versaire et à permettre à vos pièces de l'attaquer.
Évitez, à moins que vous ne vouliez une remise, d'enlacer
vos pions avec ceux de votre adversaire.
DEs PIECES EN GÉNÉRAL.

La manière de dégager et de sortir ses pièces est très-impor


tante; elle doit être subordonnée à la marche de celles de son
adversaire. -
Observez en sortant une pièce qu'elle ne gêne pas le jeu et la
sortie d'une autre pièce. -
Observez aussi en jouant une pièce à une case plutôt qu'à une
autre qu'elle ne masque pas la direction d'une autre pièce, et
que cela ne donne pas le tempsà l'adversaire de pousser un pion
ou de jouer une pièce qui déciderait dugain de la partie.
Ne placez jamais des pièces en avant sans être soutenues.
Sacrifiez une pièce pour gagner dans le moins de coups pos
sible.

DES TEMPS.

La connaissance du jeu des échecs consiste à savoir gagner


des temps. C'est par les temps gagnés qu'on parvient, soit à
forcer une pièce ou un pion, ce qui doit, toutes choses égales,
valoir le gain de la partie, soit à renfermer les pièces de son ad
versaire, qui, devenues par là inutiles, laissent un champ libre
aux vôtres pour former une attaque; soit, enfin, à avancer vos
pions de manière que sur la fin de la partievous arriviez le pre
mier à dame.
Vous perdrez des temps quand vous porterez en avant une
pièce que l'adversaire pourra déposter ; quand vous attaquerez
une pièce qu'il a intérêt de porter ailleurs; quand, en faisant
pièce pour pièce, vous mettez en jeu celles de l'adversairc; en
fin, quand vous donnerez des échecs inutiles.
Un seul coup, un seul temps perdu cause presque toujours la
perte d'une partie. -
Vous gagnerez des temps, quand vous pourrez obliger vo
tre adversaire à jouer des coups contraints, et en faisant à propos
pièce pour pièce;quand, au lieu de prendre un pion offert, vous
emploierez mieux le tempsà dégager une piècc; quand, au lieu
29
– 378 -
de profiter sur le coup d'un avantage quelconque qui ne peut
vous échapper,vous emploierez mieux le tempsà vous procurer
le service d'une pièce pour assurer la réussite de votre attaque.
Ne vous pressez pas de suivre un projet d'attaque avant d'avoir
dégagé vos pièces pour la soutenir ou pourvoir d'ailleurs à votre
propre défense.
Lorsque votre adversaire se sera mis en défense de manière
que vous ne voyez pas jour à l'entamer d'un côté, changez
promptement la destination de vos pièces, soit pour former une
autre attaque, soit pourvous mettre sur la défensive.
Ne manquez jamais l'occasion de jouer un coup qui peut avoir
en même temps deux objets.
Calculez si une pièce ou un pion est en prise, quels en seront
les résultats, et ce quevous avezde mieux àfaire.
Enfin, ne jouez jamais un coup que vous n'ayez prévu et que
vous ne vous soyez rendu compte du projet que peut avoir l'ad
versaire dans celui qu'il vient dejouer ou qu'il peut jouer par
la suite, pour savoir si vous avez les temps nécessaires pour
suivre votre attaque, ou s'il ne vous faut pas d'abord pourvoir à
votre propre défense.

SOLUTIONS DES PROBLÈMES DU NUMÉRO PRÉCÉDENT.

soLUTIoN DU N° XLI.
BLANCS. NOIRS.
1 La T prend le P. Échec. 1 Le R prend la T.
2 Le C à la 5c du C de la D. Échec. | 2 Le R où il peut.
3 Le C donne échec et mat.

soLUTIoN DU N° XLII.

1 La T du R à la 8 c. de son F. Éch. l 1 Le R à la 2 c. de son C.


2 Le Fde la D à la6c.de la Tdu R.É | 2 Le R prend le F.
3 La T du R à la 8 c. de son C. 3 Le F à la 2 c. du F du R.
4 La Tdela Dàla5c.delaT du R.É. | 4 Le F prend la T.
5 Le P une c. Échec et mat.
– 379 -
soLUTIoN DU N° XLIII.
BLANCS. NOIRS,

1 La T du R prend le C. Échec. 1 La T prend la D.


2 La T du R prend le P. Échec. 2 La T prend la T.
5 La T de la Dprend le P. Échec. 3 Le F prend la T.
4 Le P du F de la Dune c. Échec. 4 Le F prend le F.
5 Le C donne échec et mat.

soLUTIon Du N° XLIV.
1 Le P du C du Rune c. 1 Le P du C du R une c. Échec.
2 Le R prend le P. 2 Le P du C du R une c.
3 Le R à la 5 c. de son F. 3 Le P du F de la D une c.
4 Le P de la T du R 2 c. 4 Le P du C du R prend le P.
5 Le P du C du R une c. Éch. et mat.
Ce coup présente plusieurs variantes, mais elles sont toutes très-faciles.
soLUTIoN nU N° XLV.
1 Le C à la 3 c. du C de la D. Éch. 1 Le R à la 3 c. de la T de la D.
2 Le C à la 5 c. du F de la D. Éch. 2 Le R à la 4 c. de la T de la D.
3 Le F de la D. à sa 3 e. 3 Le F à la 4 c. de son R. Échec.
4 La T à la 8 c. du C de la D. Éch. 4 Le F prend le F.
5 Le P du C de la D 2 c. Échec. 5 Le F prend le P.
6 Le P prend le F. Échec et mat.
soLuTIoN DU N° XLVI.

1 La D à la 6 c. de sa T. 1 La D à la c. de son C.
2 La D à la 3 c. de sa T. 2 Le C du R à sa 3 c.
3 Le F prend le C. 3 Le F à la c. de son R.
4 La T prend le F. 4 Le P de la T de la D une c.
5 La T prend la D. Échec. 5 Le R prend la T.
6 La D donne échec et mat.

soLUTIoN nu N° XLVII.

Dans la planche qui représente ce coup il s'est glissé une erreur : les trois
pions noirs sont tous les trois trop avancés ; il faut les faire reculer tous
les trois d'une case, alors le coup se jouera ainsi :
BLANCS. NOIRS.

1 Le P de la T du R une c. 1 Le R à la c. de son C.
2 Les blancs doivent forcer le R à 2 Si les noirs jouent le P du C de la
marcher, en conséquence ils D une c., les blancs doivent
– 38o -
BLANCS. NOIRS.

jouent leur R à la c. de son C jouer leur R à la 2 c. du C de


de la D. Tout autre coup ferait la D, et ils gagneront tous les P
perdre. - ou forceront le R à marcher,
mais s'ils jouent le P de la T de
- la D UlI10 C.
3 Le R à la 2 c. de la T de la D. 3 Le P du F de la D une c.
4 Le R à la3 c. de son C de la D. 4 Le R à la c. de son F.
5 Le P de la T du R une c. et gagne.
1* soLUTIoN DU N° XLVIII.
1 Le P du R une c. - 1 Le R prend le P.
2 Le P de la D un pas fait une D. | 2 Le R prend la D.
Échec. . " -
3 LaTprend la T. Échecet gagne.
2° 8OLUTION. -
1 Le P du R une c. 1 La T prend la T.
2 Le P de la D une c. fait D et les
blancs restent avec nne D con
tre une T.

3° soLUTIoN.
1 Le P du R une c. 1 La T de la D à sa c.
2 Le P de la D une c. fait D. 2 La T prend la D.
3 Le P prend la T. 3 La T prend la D.
4 La T prend le P du C du R, et les
blancs, ayant deux pions de
plus, doivent gagner. .
Dans les planches qui suivent chaque pièce est désignée par
sa lettre initiale ; les lettre à jour désignent les pièces blanches.
Les blancs ont toujours le trait. Le mat n° XLIX est de Ml. L.
Bénard, amateur plein de zèle; le mat n° L est de M. de Tour
nay ; les mats n° LI et LII sont de l'anonyme de Modène; les
mats n° LIII, LIV sont de M. Bolton; enfin, les n° LV et LVI sont
de M.Szèn. En Hongrie, assezordinairement, au lieu de rendre
une pièce , l'on s'engage, dès le commencement de la partie, à
donner l'échec et mat sur une case désignée d'avance.
Le rédacteur et gérant responsable,
DE LA BOURDONNAIS.

PARIS. - Imprimerie de DEzAUCHE, faub. Montmartse, n. 1 1 •


Mat en trois coups.

-2/
" zzzz

Mat en quatre coups,


Noir,

Mat en cinq coups.


Mat en cinq coups.

Mat en cinq coups,


Les blancs doivent donner le mat en huit coups,
à la cinquième case de leur dame.

Les blancs doivent donner le mat à la cinquième


case de leur dame en neuf coups.
- 385 -

TAMERLAN, AMATEUR D'ÉCHECS.

Parmi les conquér nts fameux qui ont dévasté le monde se


place en première ligne ce héros tartare que les Orientaux ap
pellent Timour, et que nous connaissons vulgairement sous le
nom de Tamerlan. Ce prince fut, sans contredit, le modèle des
grands capitaines, et nul ne le surpassa en talents et en courage.
Sobre, actif, intrépide, vigilant, robuste,infatigable, il détesta
toujours le mensonge et regarda la bravoure comme la qualité la
plus essentielle.
· A l'exemple de Gengis-Kan, Timour rêva la monarchie uni
verselle : cefut sa passion prédominante. La terre, disait-il, ne
doit avoir qu'un maître, comme il n'y a qu'un Dieu dans le ciel;
et qu'est-ce que la terre et tous ses habitants pour l'ambition
d'un grand homme! Plein de cette idée, les obstacles, la résis
tance, irritèrent son caractère et le rendirent cruel.Tel fut le
principe de son insatiable ambition ; telles furent les causes de
ses continuelles et sanglantes guerres, de ses longues dévasta
tions, de ses massacres épouvantables.
Tamerlan, dans sa vie privée, n'étaitplus le farouche con
quérant, le fléau de l'humanité; il déposait l'orgueil du trône et
se montrait sensible à l'amitié, à la reconnaissance, à tous les
sentiments de la nature. Il ne connaissait d'autres délassements
que la chasse et le jeu des échecs, qu'il avait beaucoup compli
qué afin d'en faire une image plus complète de la guerre, et
d'occuper ainsi son esprit d'une manière plus intéressante et plus
conforme à ses goûts.
Tamerlan appelait notre jeu des échecs les petits échecs, et le
jeu qu'il avait perfectionné les grands échecs. L'échiquier de ce
dernier jeu était de cent quarante-quatre cases, douze sur
douze. Voici le nom des pièces des grands échecs : -
Shah, le roi.
Pherz, le général.
PVazir, le vizir.
Gjamal, le chameau.
Phil, l'éléphant.
3o
- 38 ti -

Zurapha, la girafe.
Talia , l'espion. - -
Debbaba, la balistre ou machine de guerre.
Pharas, le cavalier. -
Ruch, la tour.
Beidak, le pion.
Beidak al beidack, le pion du pion.
Ces pièces occupaient trois rangs de l'échiquier. -
L'Arabe Arabshahide, dans son Histoire de Tamerlan, nous
raconte les deux anecdotes suivantes. Nous empruntons la tra
duction de Vatier :
« Tamerlan fit bâtir une ville sur les bords du Sichone. Il la fit
appeler Shahruckie. Le sujet qui lui fit nommer son filsShah
ruch et cette ville Shahruckie fut qu'étant comme à son ordi
naire occupé au jeu des échecs avec quelqu'un de ses gens, de
puis qu'il eut donné l'ordre de bâtir cette ville sur le rivage, et
ayant pour lors avec lui une de ses plus chères concubines près
d'accoucher, il fit contre son adversaire l'échec de la tour du roi,
qui plaça celui-ci dans une position perdue. Pendant qu'il jouis
sait de son triomphe, voici deux messagers qui arrivent en même
temps, dont l'un lni apportait la nouvelle de la naissance d'un
fils et l'autre luiannonçait que la ville était achevée.C'est ce qui
fut cause qu'il leur donna à tous deux les noms que nous
avons dit. »
Le prince Shahruch, ou tour du roi,|fut l'un des successeurs
de Tamerlan.
« Tamerlan entretenait dans sa capitale des professeurs d'é
checs qui enseignaien ce jeu à la jeunesse. Les plus fameux
étaient Mahomet, fils de Garguise, et Zine le Jardien ; mais le
grand maître était Galaldin, qui donnait le pion aux deux autres
et les gagnait. Tamerlan, qui avait couru toute la terre en
orient et en occident, battant les princes dans tous ses combats,
et leur donnant échec et mat aussi bien sur l'échiquier que sur
le champ de bataille, lui en parlait en ces termes : Vous êtes l'u
uique pour le jeu des échecs comme je le suis pour le gouverne
ment des peuples; Galaldin et moi nous sommes les incompa
rables ; chacun en son espèce, nous ne trouvons point notre
pareil. -
« Galaldin avait à ce jeu une science et une adresse parttcu
lière ; personne ne pouvait deviner sa pensée en jouant avec
– 387 -
lui avant qu'il eût fait son coup. Homme de bonne humeur et
franc dans ses discours, il m'a conté autrefois qu'il avait vu en
songe le commandeur des croyants qui lui donnait des échecs
dans un sac, et que depuis cela personne n'avait pu legagner. Il
avait en ce jeu cette perfection, entre autres, de ne point songer;
sitôt que son adversaire avaitjoué après une longue méditation,
il remuait incontinent sa pièce sans jamais faire attendre. Il
jouait, sans voir l'échiquier, deux parties à la fois. Il faisait sou
vent la partie avecTamerlan aux grands échecs, tantôt sur un
échiquier rond, tantôt sur un échiquier carré. »

MOUVELLES ÉTRANGÈRES.

M. Schulten, l'un des meilleurs joueurs de notre Cercle, est de


retour d'un voyage en Belgique, où il a eu plusieurs succès.
M. Schulten a été fort bien accueilli par MM. les amateurs
d'échecs d'Anvers. Cette superbe ville compte un nombre assez
considérable de forts joueurs; elle a depuis plusieurs années un
très-beau club d'échecs qui, dès son origine, a été en relation
avec les principaux clubs d'Europe. Ce club a joué,il y a peu
d'années, deux parties par correspondance avec Amsterdam.
M. Scheffer en est le président. Les meilleurs joueurs sont
MM. A. de Bie, le chevalier E. de Cocquiel, Ed. Solvyns,
A. Wouters, le colonel Loix. -
Bruxelles possède aussi plusieurs amateurs distingués parmi
lesquels nous citerons MM. Michaels, Fétis, le capitaine Muller,
Destrooper, Previnaire, le colonel Moyart, de Mévius, Mossel
Il8lIlIl,

Le meilleur joueur de Gand est M. Mettepening, avocat.


L'un des hommes d'état les plus distingués de la Belgique,
" M. Lebeau,gouverneur de Namur, est en ce moment à Paris,
où il visite quelquefois notre Cercle des échecs, Nous avons ap
pris avec plaisir que le goût des échecs se répandait, grâce à ses
soins, dans la ville de Namur.
- 388 -

UNE PARTIE D'ÉCHECS


ENTRE PHILIDoR, CARLIER ET BERNARD,
Au café de la Régence.

Paris compte aujourd'hui près de quatre mille cafés; le nom


bre s'en augmente encore chaque jour. Plusieurs sont ornés
avec un luxe fastueux.
L'habitude de prendre le café est devenue un besoingénéral.
En jetant un coup d'œil sur le passé, nous voyons qu'ily a cent
cinquante ans le nom de café n'était pas même connu en France.
C'està Soliman-Aga, ambassadeur de la Porte, que nous sommes
redevables de son introduction chez nous. Honneur à ce digne
diplomate ! nous lui devons une jouissance de plus et ces beaux
vers de l'abbé Delile :

« Il est une liqueur au poète plus chère,


Qui manquait à Virgile, et qu'adorait Voltaire.
C'est toi, divin café, dont l'aimable liqueur,
Sans altérer la tête, épanouit le cœur.
Aussi, quand mon palais est émoussé par l'âge,
Avecplaisir encoreje goûte ton breuvage.
Que j'aime à préparer ton nectar précieux !
Nul n'usurpe chez moi ce soin délicieux.

Sur le réchaud brûlant moi seul tournant ta graine,


A l'or de ta couleur fais succéder l'ébène ;
Moiseulcontre la noix, qu'arment ses dents de fer,
Je fais en le broyant crier ton fruit amer.
Charmé de ton parfum, c'est moi seul qui dans l'onde
Infuse à mon foyer ta poussière féconde ;
Quitour à tour calmant, excitant tes bouillons,
Suis d'un œil attentiftes légers tourbillons.

Enfin, de ta liqueur lentement reposée,


Dans le vase fumant la lie est déposée ;
Ma coupe, ton nectar, le miel américain,
Que du suc des roseaux exprima l'Africain,
Tout est prêt : du Japon l'émail reçoit tes ondes,
Et seul tu réunis les tributs des deux mondes.
Viens donc, divin nectar,viens donc, inspire-moi,
Je ne veux qu'un désert, mon Antigone et toi.

A peine j'ai senti ta vapeur odorante,


Soudain de ton climat la chaleur pénétrante
Réveille tous mes sens. Sans trouble, sans chaos,
Mes pensers plus nombreux accourent à grands flots.
Mon idée était triste, aride, dépouillée;
Elle rit, elle sort richement habillée ;
Etje crois, du génie éprouvant le réveil,
Boire dans chaque goutte un rayon du soleil. »

L'Arménien Pascal fut le premier qui établit à Paris une bou


tique où l'on prenait du café : elle était située à la foire Saint
Germain. Cet essai eut un succès que ne purent obtenir ses suc
cesseurs. Le café commençait à se passer de mode, et ce fut
sans doute à cette époque que M"° de Sévigné écrivit que Ra
cine passerait comme le café, lorsqu'un Sicilien nommé Procope
le remit en vigueur.Son établissement, placéen face l'ancienne
Comédie-Française, fut long-temps la taverne mémorable des
Voltaire, Piron, Lesage, Sedaine, Lekain, Préville, Molé, etc.;
ses habitués étaient alors des petits-maîtres, des chevau-légers,
des marquis, des colonels, mais de ces colonels qui brodaient au
tambour; des abbés, mais de ces abbés qui mettaient des mou
ches et assistaient à la toilette des petites-maîtresses. Hélas! ces
temps sont loin de nous, et le café Procope d'aujourd'hui est
loin de ressembler à celui d'autrefois. Les grands hommes en
. perruque de l'autre siècle ont fait place aux étudiants à mous
taches, et le successeur des Procope, des Zoppi, n'est plus à
cette heure le desservant des comédiens, des financiers, des
mousquetaires; c'est l'homme du moka rhétoricien et des bava
roises universitaires. Les grands seigneurs (si toutefois nous
avons encore des grands seigneurs) ne vont plus au café.
Le café le plus ancien après le café Procope est sans contredit
le café de la Régence, établi sous le gouvernement du duc d'Or
léans. Il fut pendant longtemps le rendez-vous des hommes les
– 39o -
plus célèbres du XVIIIe siècle, qui généralement joignaient au
goût des lettres celui des échecs. Nous citerons parmi eux Vol
taire, le duc de Richelieu, J.-J. Rousseau, J.-B. Rousseau, le
maréchal de Saxe, Franklin , Marmontel, Phili lor, Chamfort,
Saint-Foix, etc. Leur souvenir fut long-temps cher au café de la
Régence, et il y a peu d'années encore les maîtres de ce café
disaient avec orgueil à leurs garçons : « Servez à Jean-Jacques,
servez à Voltaire, » désignant ainsi les tables où ces illustres ha
bitués se plaçaient ordinairement.
Le café de la Régence, réservé alors exclusivement aux ama
teurs d'échecs, présentait une physionomie particulière. Un
écrivain distingué, un homme politique courageux, Louvet,
lui a consacré quelques lignes ; nous lui emprunterons sa des
cription gaie, satirique; il la place dans la bouche du cheva
lier de Faublas :

« J'entrai au café de la Régence, je n'y vis que des gens pro


fondément occupés à préparer un échec et mat. Hélas! ils étaient
moins recueillis, moins rêveurs, moins tristes que moi. Je m'as
sis d'abord près d'une table, mais l'agitation que j'éprouvais ne
me permettant pas de rester en place, bientôt je me promenai à
grands pas dans ce café silencieux, bientôt aussi l'un des joueurs
haussant la voix, levant la tête et frottant ses mains, dit d'un
ton fier : « Au roi !-Grands dieux! s'écria l'autre. la dame for
cée!. la partie perdue !. une partie superbe!.. Oui, mon
sieur, frottez-vous les mains !Vous vous croyez un Turenne ; sa
vez-vous à qui vous avez l'obligation de ce beau coup ? A mon
sieur; oui, à monsieur! Maudits soient les amoureux !. » Étonné
de la manière vive dont on m'apostrophait, je fis observer au
joueur mécontent que je ne comprenais pas. « Vous ne com
prenez pas!... Eh bien! regardez-y! un échec à la découverte !
– Eh bien! monsieur, qu'a de commun cet échec. ?-Com
ment ce qu'il a de commun !.. Il y a une heure, monsieur, que
vous tournez autour de moi. Et ma chère Sophie par-ci, et ma
jolie cousine par-là !. Moi, j'entends ces fadaises et fais des
fautes d'écolier.Monsieur, quand on est amoureux, on ne vient
pas au café de la Régence !» J'allais répliquer, il continua avec
violence : «Un échec à la découverte! Il faut couvrir le roi ; nul
moyen de le sauver ! On profite des distractions que monsieur
me donne.Un misérable coup de mazette!. Un homme comme
– 391 -
moi !.. (Il se retourna vers moi. ) Monsieur, une fois pour tou
tes, sachez que toutes les cousines du monde ne valentpas une
dame qu'on force ! Elle est forcée;il n'y a pas de ressources !.
Au diable soient la bégueule et son doucereux amant !»
« De toutes les exclamations du joueur la dernière fut celle qui
* me piqua le plus; emporté par ma vivacité, je m'avançai brus
quement, mais chemin faisant je rencontrai sur la table voisine
un échiquier qui débordait; mes boutons l'accrochèrent, il
tomba, les pièces roulèrent de tous côtés. Voilà pour moi deux
adversaires nouveaux. L'un me dit : « Monsieur, prenez-vous
quelquefois garde à ce que vous faites ?» L'autre s'écrie : «Mom
sieur, vous m'enlevez une partie ! -Vous aviez perdu, inter
rompit son adversaire. - J'avais gagné, monsieur! - Cette
partie-là je l'aurais jouée contre Verdoni! - Et moi, contre Phi
lidor ! - Hé! messieurs, ne me rompez pas la tête; je vais la
payer votre partie!- La payer !. vous n'êtes pas assez riche!
– Que jouez-vous donc ? - L'honneur! Oui, monsieur, l'hon
neur ! Je suis venu en poste tout exprès pour répondre au défi
de monsieur, qui croit n'avoir pas d'égal. Sans vous,je lui don
nais une leçon. - Une lecon !... eh mais ! vous êtes fort heureux
que l'étourderie de monsieur vous ait sauvé! Je forçais la dame
en dix-huit coups! -- Eh! vous n'alliez pas jusqu'au onzième ;
en moins de dix coups, vous étiez mat! - Mat !.. mat !. C'est
pourtant vous, monsieur, qui êtes cause que l'on m'insulte ! -
Apprenez, monsieur, que dans le café de la Régence on ne doit
pas courir! » Alors un autre joueur se leva : « Hé! messieurs,
dans le café de la Régence on ne doit pas crier, on ne doit pas
parler! Quel train vous faites!» Nous nous sauvâmes au Palais
Royal... »

Louvet connaissait bien les joueurs d'échecs, qu'il plaisante ici


d'une manière très-spirituelle. -
Le café de la Régence, de nos jours, est un café comme tous
les autres ; il a des tables de marbre, de belles glaces, plusieurs
joueurs d'échecs, beaucoup de joueurs de dominos, et toutes les
gazettes; seulement l'on peut aujourd'hui, quoique amoureux,
aller au caféde la Régence.
Nous nous sommes un peu éloignés du sujet que nous nous
proposions de traiter en commençant cet article, nous allons y
revenir, au grand désir sans doute de nos lecteurs.
Le joueur le plus extraordinaire qui ait jamais paru , Phi
lidor, donnait le pion et trait auxplus fortsjoueurs après lui;
il lesgagnait individuellement, mais il perdait ou faisait diffici
lement partie égale lorsqu'il jouait au même avantage contre deux
d'entre eux réunis et ayant le conseil. Un contemporain de ce
grand maître nous a communiqué la partie suivante jouée en
t78o entre Philidor d'une part, Carlier et Bernard d'une autre.
Nous l'offrons à nos lecteurs avec quelques observations.
PARTIE AU PION ET TRAIT *.
(Il faut ôter le P du F du R des noirs.)

BLANCS.

n Le P du R 2 c. 1 Le P du R une c.
2 Le P de la D 2 c. 2 Le P de la D 2 c.
3 Le P prend le P. 3 Le P prend le P.
4 La D à la 5 c. de la T du R. Éch. 4 Le Pdu C du Rune c.
5 La D à la 5 c. du R. Échec. 5 La D à la 2 c. du R.
6 Le F de la Dà la 4 c. du F du R. 6 Le P du F de la D une c.
7 Le F du R à la 2 c. de son R. 7 Le F du R à la 2 c. de son C.
8 La D prend la D. Échec. 8 Le C prend la D.
9 Le C du R à la 3 c. de son F. 9 Le R roque.
1o Le F de la D à la 5 c. du R. 1o Le C de la D à la 2 c. de la D.
11 Le R roque. 11 Le C de la D prend le F.
12 Le C prend le F (a). 12 Le F prend le C(b).
13 Le P prend le F. 13 LaT du Rà la 5 c. de son F (c).
14 Le F du R à la 3 c. de sa D. 14 Le F de la D à la 4 c. du F du R.
15 Le F prend le F. 15 Le C prend le F.
16 Le P du C du R une c. 16 La T du R à la 5 c. du R.
17 Le P du F du R 2 c. 17 La T du R à la 7 c. de son R.
18 Le C de la D à la 3 c. de sa T. 18 Le C à la 6 c. de son R.
n9 La T du Rà la 2 c. de son F. 19 La T prend la T.
2o Le R prend la T. 2o Le C à la 5 c. du C du R. Échec.
2 1 Le R à la 2 c. de son C. 2 1 La T de la D à la c. de sa D.
22 Le P de la T du R une c. 22 Le C à la 3 c. de sa T du R.
23 Le P du C du R une c. 23 Le P de la T de la D une c.

(a)Les blancs reprennent du C plutôt que du Ppour faire place au P du F du R,


quisoutiendra ce C porté dans le jeu de l'adversaire.
(b) Les noirs, en prenant le C, donnent aux blancs un P passé qui leur fait gagner
la partie.
(c) Pour empêcher de soutenir le P passé avec celui du Fdu R et entrer la T dans
le jeu.
BLANCS. NOIRS.
24 La T de la D à la c. de la D. 24 Le C à la 2 c. du F du R.
25 Le P de la T du R une c. 25 Le P du F de la D une c,
26 Le P du F de la D une c. 26 Le P du C de la D 2 c.
27 Le C à la 2 c. du F de la D. 27 Le P de la T de la D une c.
28 Le C à la 3 c. de son R. 28 Le P de la D une c.
29 Le P prend le P. 29 Le P prend le P.
3o Le C à la 2 c. du F de la D. 3o Le P de la D une c.
31 Le C à la c. de son R. 31 Le P de la D une c,
32 Le C à la 3 c. du F du R.
Les noirs abandonnent la partie.

CORRESPONDANICH .

On nous écrit de Londres que M. Szen a jusqu'à présent eu


l'avantage sur tous les joueurs anglais avec lesquels il a joué.
Nous croyons cependant qu'il est inférieur à M. Lewis, et que
MM. Frazer, George Walker, Slous, Popper, sont de sa force.
– 394 -

GAMIBI* * MIU7ZIO.

premicr bétut.
* BLANCS. NOIRS,

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du Fde la D. 4 Le P du C du R une c.
5 Le R roque. 5 Le P prend le C.
6 La D prend le P. 6 La D à la 3 c. du F du R.
7 Le P du R une c.(a) 7 La D à la 4 c. du F du R(b).
8 Le P de la D 2 c. 8 Le F du R à la 3 c. de sa T.
9 Le C de la D à la 3 c. de son F. 9 Le C du R à la2 c. de son R.
1o Le C de la D à la 4 c. du R. 1o Le R roque (c).
1 1 Le C donne échec. n 1 Le R à la c. de sa T.
12 Le F du R à la 3 c. de sa D. 12 La D à la 3 c. de son R.
13 La D à la 5 c. de la T du R. 13 Le C du R à sa c.
14 Le F de la D prend le P. 14 Le R à la 2 c. de son C.
15 Le F prend le F. Échec.

Les blancs gagnent facilement.

Deuxième bébut.

BLANCS. NOIRS.

1 Le P du R 2 c. r Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 4 Le P du C du R une c.
5 Le R roque. 5 Le P prend le C.
6 La D prend le P. 6 La D à la 3 c. du F du R.

(a) Le sacrifice de ce P est regardé comme le meilleur coup d'attaque; les noirs
doivent prendre ce P, en ne le prenant pas ils ont mauvais jeu.
(b) Les noirs pouvaient, au lieu de ce coup, donner échec avec leur D, mais cet
échec était également mauvais.
(c) S'ils avaient joué le F du R à la 2 c. du C, vous auriez dû prendre le P du
gambit avec votre F de la D.
BLANCs. NOIRS.

7 Le P du R une c. 7 La D prend le P.
8 Le P de la D une c. 8 Le F du R donne échec (a).
9 Le R à la c. de la T. 9 Le F du R à la 6 c. de son R.
1o Le F de la D prend le F. 1o La D prend le F.
1 1 La D à la 5 c. de sa T du R. 1 1 La D à la 2 c. de son R.
12 Le C de la D à la 3 c. de son F. 12 Le C du R à la 3 c. de son F.
13 La D à la 6 c. de la T du R, 13 Le P de la D une c.
14 La D prend le P du ganbit. 14 Le C du R à sa 5 c.
15 Le G de la D à la 5 c. de la D. 15 La D à sa 2 c.
16 La T de la D donne échec. 16 Le R à la c. de sa D.
17 La T de la D à la 7 c. du R. Perdu.

BLANCS. NOlRS .

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 4 Le P du C du R une c.
5 Le R roque. 5 Le P prend le C.
6 La D prend le P. 6 La D à la 3 c. du F du R.
7 Le P du R une c. 7 La D prend le P.
8 Le P de la D une c. 8 Le F du R à la 3 c. de la T.
9 Le F de la D à la 2 c. de la D. 9 Le C du R à la 2 c. du R.
1 o Le C de la D à la 3 c. du F. 1o Le P du F de la D une c.
1 1 Le C de la D à la 4 c. du R. 1 1 Le P de la D 2 c.
12 Le F de la D à sa 3 c. 12 Le P prend le C.
13 Le F prend la D. 13 Le P prend la D.
14 Le F prend la T. | 14 Le P prend le P.
15 Le R prend le P. 15 Le F de la D à la 3 c. du R.

Dans ce début, les noirs ont joué les coups justes. Ils restent avec un pion
et une pièce de plus; ils doivent gagner. ---

(a) Ce coup fait perdre; il fallait jouer le F du R à la 3 c. de sa T, tout autre


coup est mauvais.
- 396 -

Ouatrième bébut.

RLANCS, NOIRS,

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du Rà la 4 c. du F de la D. 4 Le P du C du R une c.
5 Le R roque. 5 Le P prend le C.
6 La D prend le P. 6 La D à la 3 c. du F du R.
7 Le P du R une c. 7 La D prend le P.
8 Le P de la D une c. 8 Le F du R à la 3 c. de sa T.
9 Le F de la D à la 2 c. de la D. 9 Le C du R à la 2 c. du R.
1o Le F de la D à sa 3 c. 1o La D à la 4 c. du F de la D. Éch.
1 1 Le R à la c. de sa T. 1 1 La T du R à la c. de son C.
12 Le C de la D à la 2 c. de sa D. 12 Le P de la D 2 c.
13 La D à la 5 c. de la T du R. 13 La D à sa 3 c.
14 Le F du R à la 3 c. du C de la D. 14 Le Fdela D à la 5 c. du C duR(a)
15 La D à la 4 c. de la T du R. 15 Le C de la D à la 3 c. de son F.
16 La T de la D à la c. du R. 16 Le R roque avec la T de la D.
Dans cette position les noirs ont joué tous les coups justes de défense; ils
ont la pièce de plus et une bonne position; ils ontgagné forcément.

PREMIÈRE PARTIE.

BLANCS.

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du Fde la D. 4 Le P du C du R une c.
5 Le R roque. 5 Le P prend le C.
6 La D prend le P. 6 La D à la 3 c. du F du R.
7 Le P de la D une c. 7 Le C de la D à la 3 c. de son F(b).
8 Le F de la D prend le P. 8 Le F du R à la 3 c. de sa T.
9 Le F de la D prend le P. 9 La Dprend la D.
1o La T prend la D. 1o Le P du F du R une c.

(a) Sur ce coup les noirs prennent l'attaque.


(b) Ce coup est mauvais et compromet la partie des noirs, le F du R à la 3 c. de
la T était le coup juste. ll faut, pour bien défendre ce gambit, que celui qui prend
le C défende tant qu'il pourra le P du gambit, et ne le perde qu'en faisant pièce
pour pièce,
– 397 -
BLANCS. NOIRS.

1 1 Le C de la D à la 3 c. de son F. 11 Le C de la D à la 4 c. du R(a).
12 Le F de la D prend le C. 12 Le P prend le F.
13 Le C de la D à sa 5 c. 13 Le R à sa 2 c.
14 La T de la D à la c. du F du R. 14 Le P de la T de la D une c.
15 Le Cde la D à la 7 c. du F de la D. 15 La T de la D à la c. de son C.
16 Le C donne échec. 16 Le R à la 3 c. de sa D.
17 La T du R à la 6 c. du F du R. 17 Le C prend la T.
Échec (b).
18 La T de la D prend le C. Échec. 18 Le R à la 4 c. du F de la D.
19 Le P du C de la D 2 c. Échec.
19 Le R à la 5 c. de sa D.
2o Le P du F de la D une c. Échec
et mat.

DEUxIÈME PARTIE.

BLANCS. NOIRS.

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. du F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 4 Le P du C du R une c.
5 Le R roque. 5 Le P prend le C.
6 La D prend le P. 6 La D à la 3 c. du F du R.
7 Le P du R une c. 7 La D prend le P.
8 Le P de la D une c. 8 Le F du R à la 3 c. de sa T.
9 Le Fde la D à la 2 c. de sa D. 9 Le C du R à la 2 c. de son R.
1o Le C de la D à la 3 c. de son F. 1o Le C de la D à la 3 c.de son F.
11 La T de la D à la c. de son R. n 1 La D à la 4 c. de son F. Échec.
12 Le R à la c. de sa T. 12 Le P de la D une c.
13 Le C de la D à la 5 c. de la D. 13 Le C de la D à la 4 c. du R.
14 La D à la 5 c. de la T du R. 14 Le C du R prend le C.
15 La T de la D prend le C. Échec. 15 Le P prend laT.
16 La D prend le P du R. Échec. 16 Le F de la D à la 3 c. du R.
17 La D prend la T. Échec. 17 La D à la c. du F du R.
· 18 La D à la 5 c. de son R. 18 Le R roque.
Les blancs abandonnent la partie; ils ont une pièce de moins, et leur at
taque n'existe plus. Les noirs ont joué tous les coups de défense.

(a) Mal joué.


(b) Joli sacrifice qui conduit au mat.
-=
- 398 -

LEs CARTEs ET LEs ÉCHECS.

Je faisais un soir une partie dewhist chez M. A**, lorsque le


neveu de notre hôte entra et se mit aussitôt à exprimer son éton
nement de ce que des personnes de bon sens comme nous pussent
passer leur temps à mêler, à couper, à jeter et ramasser des ima
ges tout au plus bonnes à amuser des enfants ; puis, selon les
combinaisons du hasard, à se donner ou à se prendre mutuelle
ment de l'argent.
Lorsque nous l'eûmes remercié de la bonne opinion qu'il avait
de notre jugement, «je suis bien plus surpris, mon cher neveu,
ajouta son oncle , de vous voir souvent vous mettre l'esprità la
torture toute une soirée pour promener de petites figures de case
en case sur un échiquier, et cela uniquement afin de passer pour
un homme plus habile que votre adversaire. Vous n'avezpas
d'argent à gagner, et cependant vous avouez que ce jeu vous
ferait tout oublier.
– « Je ne comprends pas, répondit le neveu, comment vous
pouvez comparer les cartes aux échecs ; en effet, n'arrive-t-il
pas souvent qu'aux cartes les femmes et les enfants sont les ga
gnants, tandis que pour jouer aux échecs, il faut avoir le génie
des calculs, et que c'est à son mérite et non point au hasard que
l'on doit la victoire. Je ne craindrai même pas d'avancer que ce
lui quijoue bien aux échecs serait probablement un bon géné
ral. Enfin c'est un jeu si noble que son but est moins le gain que
la gloire. -
– « Cela peut être, reprit son oncle, mais alors comment
jouez-vous avec M. de La Bourdonnais, qui vous donne la tour et
le cavalier?Il y a beaucoup de femmes, voire même des enfants,
qui paraissent faire preuve d'autant de jugement à ce jeu que
l'homme le plus sage. Je nie aussi qu'il faille avoir, comme vous
le prétendez, le génie des mathématiques, car je connais nom
bre de personnes qui ignorent la signification du mot mathé
matiques, et qui néanmoins battent bien des mathématiciens.
Celui qui est doué d'une bonne mémoire locale et qui est sus
ceptible d'attention, gagnera toujours celui que la vivacité em
- 399 -
pêche d'avoir de la fixité dans son jeu. Vous dites que dans votre
amusement de prédilection vous devrez la victoire àvotre péné
tration, et vous ne tenez compte ni des fautes de votre adver
saire ni du hasard ; mais entre joueurs d'égale force, si tous deux
jouent le coup juste, celui qui a le trait devra gagner la partie,
et n'est-ce pas le hasard qui donne le trait ?Je me rechercherai
pas jusqu'à quel point les échecs peuvent être une école en mi
niature de l'art de la guerre , puisque l'absurdité de la compa
raison saute auxyeux; en effet, il est bien vrai que vous faites
des attaques, que vous vous défendez et que vous cherchez à
battre votre adversaire, mais ces manœuvres ont lieu sur une si
petite échelle et avec si peu de variété dans la disposition des
pièces, si on les compare aux évolutions militaires, que je ne
vois de point de rapprochement que dans l'attaque et la défense.
« Mais, s'adressant toujours à son neveu, je veux encore vous
battre avec un fait qui vous est personnel et auquel tous les
joueurs d'échecs se reconnaîtront.Vous devez vous rappeler qu'é
tant allé chez vous un jour, je vous trouvai à jouer aux échecs
avec M. B***,vous aviez gagné la première partie, et ce succès
vous avait rendu si insolent que vous traitiez votre adversaire
de mazette qui devait aller à l'école prendre encore des leçons
avant de se frotter à un joueur de votre force ; mais la seconde
partie mit un terme à vos fanfaronnades : vous aviez roqué mal
à propos, et après une douzaine de coups, M. B***vous fit échec
et mat. Votre amour-propre fut alors cruellement blessé, et,
quoique votre adversaire conservât le calme et le sang-froid
qu'il avait montrés après avoir été battu,vous étiez d'une hu
meur détestable; enfin, après avoir perdu les trois parties sui
vantes , vous avez quitté le jeu si brusquement que j'étais hon
teux de votre conduite. A diner, vous avez été incapable de
prendre part à la conversation. Votre sœur me dit alors à l'o
reille que quand vous gagniez on ne pouvait vous faire quitter
le jeu que lorsque le dîner était déjà froid ougâté, et que si vous
perdiez, les piècesétaient bientôt remises dans la boîte; alors vous
étiez triste et grondeur tout le reste de la soirée.Voilà donc les
résultats de ce noble jeu où la victoire n'est due qu'au mérite et
jamais au hasard. D'où cela vient-il? De ce que votre amour
propre se trouve intéressé à ne pas perdre, car vous voulez avoir
autant depénétration et d'esprit que votre adversaire.
- « Cela se conçoit, répliqua le jeune homme, car il peut se
faire qu'un jour je ne sois pas aussi bien disposé qu'un autre, et
je me souviens que le lendemain - je gagnai six parties de suite à

- « C'est bien, répondit l'oncle; quel dommage alors que


vous ne puissiez vous faire tirer votre horoscope, afin de
connaître vos jours d'heur et de malheur !
« Mais avant de briser sur ce sujet, je dois vous faire observer
que je ne veux pas déprécier le jeu des échecs, mais que je ne
le regarde que comme un passe-temps. Néanmoins, je crois que
c'est surtout après avoir été distrait par trop de plaisirs succes
sifs, que vous devez y jouer, afin de donner de la fixité à votre
esprit, tandis qu'au contraire les cartes me paraissentpréféra
bles lorsque des occupations sérieuses ont long-temps fatigué vo
tre attention ;il vous faut alors choisir un amusement où il soit
permis et possible de rire et de causer. En un mot, ne nous atta
chons jamais à un jeu aupoint d'en faire notre épée de chevet et
de mépriser celui des autres. » -
L. H.
DU vvHIST.

Le Palamède, quoique principalement consacré aux échecs,


n'a pas cependant banni de ses colonnes les autres jeux ; il se
propose donc de consacrer dans chaque numéro quelques pages
à entretenir ses lecteurs des jeux où le calcul est mêlé avec le
lasard, et dans lesquels les amateurs d'échecs doivent, plus que
les autres, obtenir la supériorité. Il est assez commun, en effet,
de voir les bons joueurs d'échecs forts aussi à tous les jeux qui
demandent des combinaisons, et sans en nommer plusieurs qui
sont membres du Cercle des Echecs à Paris, qui ne connaît le
nom de M. Deschapelles, le Philidor des temps modernes et le
plus fortjoueur dewhist de France ?
Parmi les jeux de cartes, le whist tient sans contredit la pre
mière place, car il n'y en a pas qui exigent autant de calcul,
d'observation , de finesse et d'attention.
C'est surtout en Angleterre que le whist est répandu, et les
nombreux traités qu'on y a publiés sur cette matière témoignent
des difficultés qu'il présente etde l'importance qu'ily a d'en bien
connaître les règles; mais comme dans ces différents livres on
rencontre une infinité de redites, de passages diffus et même de
contradictions, ce qui en rend la lecture fatigante et ennuyeuse,
nous extrairons des principaux auteurs, tels que Matthews,
Hoyle, Pigot, Payne, Jones,Withy, et surtout de l'ouvragetrès
estimé du major A***, les règles qui sont aujourd'hui adoptées.
Nous coordonnerons les matières, et de l'ensemble des lois et des
préceptes pour la théorie, nous formerons enfin un tout complet
qui pourra servir de code et de manuel pour les joueurs de
whist. Enfin, de même que pour les échecs, le Palamède pro
posera des problèmes à résoudre. Ce journalcontiendra aussides
exemples des mille et une difficultés qui peuvent se présenter,
et dont il donnera la solution; exercice dont on appréciera tous
les jours de mieux en mieux l'utilité. En effet, malgré les nom
breuses théories que l'on a publiées et la pratique si répandue de
ce jeu, à peine trouve-t-on dans une société un assez bon joueur
de whist. Telle personne que l'on prône en sait à peine l'alpha
- 31
bet; elle joint peut-être une bonne mémoire à une grande ha
bitude, mais elle est tout au plus capable de jouer passablement
ses cartes. Alors qu'arrive-t-il?C'est que ne connaissant les pré
ceptes généraux du jeu que par cœur ou par routine, elle les ap
plique sans discernement, et que, faute de les comprendre, elle
est souvent trompée dans leur application.
Nous commencerons par la marche du jeu.
Marche du jeu. Ce jeu se joue avec deux jeux complets com
posés de cinquante-deux cartes chacun, dont on se sert alterna
tivement.
Les joueurs sont au nombre de quatre et jouent deux contre
deux. Ordinairement le sort décide du choix des associés, que
l'on nomme partenaires. On peut convenir aussi de la formation
de la double société. Quand elle est formée par voie du sort, on
y procède alors de la manière suivante :
On étend en ligne circulaire avec le creux de la main à demi
fermée, l'un des deux jeux sur la table. Les quatre joueurs re
tournent chacun une carte.
Les deux joueurs qui se trouvent avoir tiré les deux plus bas
ses cartes sont associés ou partenaires; leurs adversaires sont
ceux à qui sont échues les deux plus hautes.
Quand il se trouve deux cartes qui sont pareilles, soit en nom
bre, soit en figures, ceux qui les ont détachées du tas circulaire
doivent retirer, si elles sont supérieures ou inférieures à celles
des deux autres joueurs, jusqu'à ce qu'il y ait deux cartes plus
hautes ou plus basses que celles des deux autres joueurs.
C'est encore par la voie du sort que l'on sait quel est celui des
quatre joueurs qui doit donner ou distribuer les cartes : on dé
fère cet honneur à celui qui a retourné la plus petite sur le tas.
On joue aussi en partie liée, c'est-à-dire que, pour être vain
queur, il faut en gagner deux de suite ou deux sur trois.On ap
pelle un robre ces deux parties réunies. -
Dans l'ordre des cartes, fas est toujours la plus petite quand
on tire au sort.
Après le tirage sa valeur change , il devient supérieur au roi,
et c'est le deux qui se trouve être la plus basse carte dans l'ordre
des levées. -
- soit que le sort ou la convention ait déterminé la formation
des deux sociétés, outre le droit de donner le premier, qui est
dévolu à celui qui a retourné ou tiré la plus basse carte, il a en
- 4o3 -
core la faculté de choisir la place et le jeu des cartes qui lui con
viennent le mieux.

Les partenaires ouassociés, comme on voudra, seplacent l'un


vis-à-vis de l'autre.
Chacun étantplacé, celui qui doit donner le premier distribue
les cartes.On fait cette distribution en donnant les cartes une à
une, en commençant par sa gauche, après avoir fait couper son
adversaire à droite.
Celui qui donne retourne la dernière; c'est celle qu'on appelle
atout.

Cette carte indique la couleur dominante dans chaque coup.


Chaque carte de cette couleur peut servir à faire la levée en cas
de renonce, c'est-à-dire dans le cas où l'on n'a pas de la couleur
dont on joue ; c'est ce qu'on appelle couper.
On suit, pour jouer les cartes, le même ordre que pour leur
distribution, de manière que le premier en main ou à jouer est
à la gauche de celui qui donne.
L'objet qu'on se propose dans ce jeu est de faire plus de levées
ou de gagner plus de points que les deux adversaires, ce qui de
mande une grande attention. On ne doit jamais se plaindre,
ni de la voix ni du geste, quand on a mauvais jeu, car un seul
mouvement imprudent pourrait nuire avec des adversaires ins
truits et qui vous observeraient.
L'as prend le roi, le roi prend la dame; au-dessous de la dame
sont le valet, le dix, et ainsi de suite jusqu'au deux, qui est la
plus basse darte. -
Pour gagner la partie, il faut avoir dix points.Chaque levée
que l'on fait, au-dessus de six, fait compter un point.
Outre les levées, qu'on nomme aussi tricks, on peut encore
gagner des points par les honneurs.
On appelle honneurs la quatrième majeure qui est compo
sée de l'as, du roi, de la dame et du valet, dans la couleur d'a
tOU1t.

Deux partenaires comptent et marquent deux points quand


ils ont entre eux trois honneurs en atout; s'ils les ont tous les
quatre, ils comptent quatre points.
Les honneurs se comptent, soit que ceux qui les ont gagnent
ou qu'ils perdent des tricks.
Il est cependant une position dans laquelle les honneurs ne
- 4o4 -
produisent pas de points, c'est lorsqu'on est à neuf et qu'on n'a
plus qu'un point à faire pour gagner la partie. -
Il faut avoir soin de marquer les points gagnés par les hon
neurs avant que la dernière carte, dans la donnée suivante,
soit retournée, car on n'est plus à temps alors de compter.
Lorsque deux partenaires ont huit points, celui qui a deux
honneurs dans son jeu peut appeler ou demander à l'autre s'il a
le troisième; si la réponse est affirmative, la partie se trouve ga
gnée sans jouer, c'est ce que l'on appelle chanter.
Les points se marquent avec quatre jetons que chaque joueur
a devant lui. -
Un, deux, trois points se marquent avec un, deux ou trois
jetons, enplaçant les autresà part ou les entassant sur ceux qui
servent à marquer.
Les quatrejetons placés en carré indiquent quatre points.
Pour marquer les points supérieurs, jusqu'à neuf exclusive
ment, on place un jeton tantôt au-dessus et tantôt au-dessous
des trois autres disposés en ligne horizontale.
Ce jeton , placé hors ligne, marque trois points lorsqu'il se
trouve au-dessus, et cinq points lorsqu'il est au-dessous.
Le point de neufest indiqué par la disposition de trois jetons
en ligne diagonale, le quatrième étant placé sur celui du milieu.
On marque ce que l'on gagne avec des fiches.
En commençant la partie, on conviendra de ce que vaudra la
fiche.
La partie se paie une, deux ou trois fiches, ou bien simple,
double ou triple, selon le nombre de points qu'ont gagnés les ad
versaires.
Elle est simple et ne vaut qu'une fiche, lorsqu'ils ont cinq
points ou au-dessus.
Elle est double et en vaut deux, lorsqu'ils ont un, deux, trois
ou quatre points.
Enfin elle est triple et se paie trois fiches, lorsque les adver
saires n'ont aucun point. -
Outre les trois, deux ou une fiche dont chaque partie ga
gnée procure le bénéfice, on paie encore à ceux qui gagnent les
deux parties ou le robre, des fiches de pari ou de consolation.
La consolation est ordinairement de deux fiches; elle peut être
plus forte si l'on en convient; elle n'excède pas quatre fiches or
dinaircment.
– 4o5 -
Ainsi, deux partenaires gagnent sept fiches quand ils ont ga
gné une partie triple et une partie double, et ils en gagnent
neuf s'il a été convenu, avant de commencer, que la consolation
serait de quatre fiches.
Si les deux parties ne sont pas gagnées de suite, on déduit le
nombre des fiches qu'a produit aux adversaires le gain de la troi
sième partie, de sorte que le produit d'un robre gagné, composé
d'une partie triple et d'unepartie double, est réduità six fiches
quand les adversaires ont gagné la troisième partie simple.
Si deux partenaires font toutes les levées, ce qu'on appelle
faire la vole ou le slam (onprononce schlem),ilsgagnent huit,
si la consolation est de deux fiches; ils en gagnent dix, s'il a été
convenu qu'elle serait de quatre. -
Mais, dans ce cas, on ne compte pas de points à raison des le
vées ou des honneurs, et la partie reste comme elle se trouve.
Si(ce qui arrive assez souvent) lesjoueurs conviennentque le
schlem ne sera pas payé, les tricks et les honneurs restent comme
à l'ordinaire.
– 4o6 -

DEs LoIs Du wHisT,


n'APRÈs MATTHEws,

I.

Si une carte est tournée en donnant, les adversaires, en la


nommant, peuvent exiger une nouvelle donne, à moins qu'un
d'eux ait regardé ses cartes ou les ait touchées de manière à oçca
sioner la faute. Mais si quelque carte (excepté la dernière) se
trouve tournée dans le jeu, c'est indubitablement une nouvelle
donne.
II.

Si quelque joueur n'avait que douze cartes, et que les autres


eussent leur nombre, la donne serait bonne, et celui qui n'au
ait que douze cartes encoure l'amende pour chaque renonce
qu'il aurait faite mal à propos; mais si quelqu'un des autres
joueurs se trouve avec quatorze cartes, il faut refaire.
III.

Si celui qui fait les cartes omet de retourner la dernière, il


perd la donne.
IV.

Celui qui donne les cartes doit laisser la tourne sur la table
jusqu'à ce qu'il ait joué, après quoi personne ne peut la deman
der, quoiqu'on puisse s'informer à volonté quelle couleur est
l'atout. La laisserait-il sur la table après le premier tour, elle se
rait appelée, comme si elle eût été montrée par accident.
V.

Chaque personne a le droit, avant qu'elle joue, d'exiger des


joueurs qu'ils placent les cartes chacun devant soi, ce qui est en
d'autres mots de demander qui les a jouées.C'est donc une chi
cane de dire qu'on n'a pas le droit de faire cette demande, c'est
à-dire avant de jouer.
- 4o7 -

VI.

Le partenaire qui rappelle à son partenaire de chanter après


que l'atout est tourné, perd un point.
VII.

Si un des joueurs omet de jouer sur une levée et qu'il reste


avec une carte de trop, les adversaires peuvent exiger une nou
velle donne.
VIII.

Si C (1)joue avant son tour sur l'invite de son partenaire A,


le dernier en main, D, peut jouer avant son partenaire B aussi ;
si c'est l'invite de l'adversaire, son partenaire peut être forcé ou
empêché de prendre la levée à volonté.

IX.

Toutes erreurs de compte relatives aux levées de la main pas


sée peuvent être rectifiées en tout temps pendant la main ac
tuelle ; il en est de même quant aux honneurs, s'il est prouvé
qu'ils ont été annoncés à temps, quoique non marqués ; mais ils
ne peuvent être réclamés après que l'atout est tourné.
X.

Si un des joueurs chante ou appelle à tout autre point dujeu


que huit, les adversaires peuvent, après s'être consultés, de-
mander une nouvelle donne. La même peine est applicable à ce
luiqui appelle sans deux honneurs , ou qui répond sans un hon
neur.
XI.

Si quelque joueur appelle après qu'il a joué, les adversaires


peuvent, chacun de son chef, demander une nouvelle donne,
mais sans se consulter. -
XII.

Si quelqu'un joue hors son tour, les adversaires ont le choix


d'appeler cette carte à volonté, ou d'obliger le joueur ou son
partenaire dont est le tour, dejouer telle couleur qu'ils choi
Sl88CIlt ,

(1) Dans le cours de ces exemples, A et B sont censés être adversaires, ayant C
et D respectivement pour partenaires.
XIII.
Si A, supposant qu'il aitfait une levée, joue de nouveau avant
que son partenaire C ait joué, les adversaires peuvent obliger ce
partenaire à la prendre, s'il peut.
XIV.

Celui qui a tiré une carte de son jeu, et l'a présentéeà décou
vert pour la jouer, est obligé de la laisser aller, d'après le prin
cipe bien reconnu : Carte vue, carte jouée, si un des joueurs la
nomme etprouve la séparation de la main ; mais si l'adversaire
se trompe en la nommant, il est assujetti à son tour à avoir ou sa
plus forte ou sa plus basse carte d'une couleur quelconque ap
pelée à volonté pendant la main.
XV .

Des cartes abattues et connues dans la persuasion de gagner,


ne peuvent être relevées et elles peuvent être appelées par les
adversaires. Mais elles peuvent être montrées impunément par
le joueur, s'il est sûr de toutes les levées.
XVI.

Il y a dans le fait trois peines sur une renonce mal à propos,


lesquelles tiennent lieu de tout autre point de la marque. Les
adversaires peuventprendre trois levées matérielles du parti re
nonçant, ou réduire trois points de sa marque, ou ajouter trois
à leur propre marque; et s'il en restait encore assez pour faire
gagner la partie à celui qui renonce, il ne peut sortir, mais il
doit rester à neuf. -
XVII.

Une renonce n'est pas consommée avant que le parti renon


çant n'ait rejoué, ou que la levée n'ait été tournée et quittée ;
mais les adversaires peuvent appeler à leur choix la plus haute
ou la plus basse carte de la couleur au moment même, ou bien
le carte vue à volonté pendant toute la donne.
XVIII.

Si, malgré une renonce dénoncée, les présumés coupables,


ne voulant pas en convenir, mêlent les cartes avant que la ques
- -

tion soit déterminée, ils encourent toujours la peine de la re


IlOIlCC .

XIV .

Aucune renonce ne peut être réclamée après que les cartes


sont coupées pour la prochaine donne.
XX.

Quiconque appelle les honneurs n'en ayant qu'un seul dans


sa main, devra perdre en proportion de l'avantage quipourrait
résulter de la faute commise.Si cette faute avait empêché un des
adversaires de chanter, la peine sera qu'après que la main aura
été jouée, les honneurs l'emporteront sur les levées (1). * '
XXI.

Si la dernière carte dont il est question à l'art. 3 a été vue par


quelqu'un des joueurs, de manière à être nommée avant de tom
ber dans le cas de cette loi, alors la donne restera bonne.
XXII.

Si quelqu'un joue une carte lorsque c'étaità son partenaire de


jouer, et que les adversaires auront exercé leur droit de deman
der un atout ou toute autre couleur à celui dont il était le tour
de jouer, et que celui-ci au lieu d'obéir joue une autre couleur
(ce qui laisse supposer que c'est par impuissance), si l'on vient à
découvrir pendant le jeu que la partie ainsi appelée avait eu de
la couleur demandée, l'on sera tenu à revenir sur le coup, cha
cun reprendra ses cartes, et l'atout ou couleur demandée sera
jouée par qui de droit. -
XXIII.

Nulle personne n'est obligée de répondre à l'appel de sonpar


tenaire, quoiqu'il ait même les deux autres honneurs dans sa
XXIV .

" Nulle personne ayant trois honneurs ne peut être empêchée


d'en tirer avantage à volonté, préalablement avant qu'il ait joué

(1)Cette loi et les cinq qui suivent ont étéintroduites par M. Matthews lui-même
aux salons de jeu à Bath, en Angleterre.
– 41o -
XXV.

Quiconque par parole ou geste découvrira son approbation ou


son improbation de la manière de jouer de son partenaire, ou
fera quelques questions pendant le coup autres que celles spécia
lement autorisées par les lois existantes du whist, les adversai
res seront en droit d'ajouter un point à leur marque, ou d'en
déduire un de celui de la partie transgressante, à leur choix.

Matthews termine la rédaction de ce code par le commentaire


8lllVaInt :

D'abord, quant aux lois 16, 17, 18 et 19, sur la renonçe, il


dit qu'il est maintenant arrêté que l'un ou l'autre des joueurs
peutinsister pour que les cartes soient placées à tout temps avant
d'être mises ensemble. Il est aussi arrêté, quand un pari est fait,
que l'une ou l'autre des parties marquerait deux points de la
main, que la gageure est gagnée par les honneurs, quoique
l'adversaire ait gagné par les cartes.Supposez que l'on parie que
A fera 2 points, et que B, son adversaire, étant à 7, ait fait 3
points par les levées, si A peut compter 2 par les honneurs, le
pari sera gagné. - -
Ensuite, quant aux lois additionnelles 2o, 21,22, 23,24, 25,
tirées de ses propres décisions nouvelles sur des coups embarras
sants, l'auteur les appuie par ces raisonnements sur les cas.
Quoique les lois existantes, dit-il,fussent aussi bonnes qu'elles
puissent l'être jusqu'à un certain point, néanmoins l'expérience
a démontré qu'elles étaient insuffisantes pour prévoir les diffé
rents cas qui se présentent journellement aux tables de whist.
De là naissent les disputes, les paris, les arbitrages, etc., qui
sont souvent décidés différemment par plusieurs arbitres à la
non-satisfaction des disputants, et quelquefois sans pouvoir en
rendre compte aux intéressés. Il a donc été long-temps désiré
qu'un code fût entrepris, et qui, ayant subi l'épreuve de l'exa
men par des juges compétents, serait, avec quelques additions
qu'ils croiraient bonnes à y faire, affiché dans les différents
cercles, comme autorité décisive pour y avoir recours dans
toutes les occasions. Cependant, comme aucune personne,
dont le jugement reconnu préviendrait toute différence d'opi
nions, n'a encore entrepris cette tâche nécessaire, l'auteur a tenté
– 41 1 -
quelque chose de cette espèce. Les cas, avec leurs décisions que
l'on cite, sont réellement arrivés, et les règles qui en dérivent,
qu'il a tâché d'établir, sont fondées sur le principe suivant de
toutes les lois, c'est-à-dire que les amendes doivent être en pro
portion exacte avec les avantages qui pourraient résulter de la
transgression. Que ces lois supplémentaires soient adoptées ou
non, si elles stimulent quelqu'un de plus capable à remplir la tâ
che où l'auteur ait pu échouer, il déclare qu'il ne regrettera en
aucune manière la peine qu'il a prise, ni ne sera affligé du rejet
de ses opinions.
1* cAs. - Les parties opposées étaient toutes deux au point de
huit,A, qui avait la main, chante, n'ayant qu'un honneurdans
son jeu, et son partenaire n'y répondant pas, B, l'adversaire le
plus près à gauche, quoiqu'il eût deux honneurs, ne chante pas,
parce qu'il croyait que c'était inutile. Le jeu étantjoué fut em
porté contre les honneurs. Il en fut sur-le-champ référé à la ga
lerie, et la décision fut en faveur des levées ; mais, dans l'opinion
de l'auteur, si injustement, qu'il n'a pas hésité à proposer la loi
numérotée 2o pour être ajoutée au code actuel.
2° cAs. -Celui qui donne, après avoir fait voir la retourne,
la laisse tomber par maladresse sur sa face ; il fut arrêté sur le
champ que la donne serait nulle. Mais la carte ayant été vue,
comme il ne pouvait résulter aucun avantage ni désavantage pos
sible de l'erreur, l'auteur fut donc d'une opinion différente et
proposa la loi additionnelle 21, en supplément à la troisième,
comme elle est arrêtée dans ce livre.
3° cAs. - Ajouant hors son tour, C, son partenaire, fut assu
jetti à jouer un atout, C cependant joua une autre couleur, et
trois ou quatre cartes furent jouées avant qu'on découvrît que C
avait en effet un atout dans la main. On s'en rapporta à M. Mat
thews, parce qu'aucune loiimprimée ne prévoyait le cas. Il dé
cida que les cartes seraient reprises par chacun et que C joue
rait un atout comme il avait été commandé. Cette décision fut
approuvéepar les deux parties et l'auteur proposa qu'elle devien
drait loi dans une occasion semblable.(Voy. n° 22.)
4° cAs. - A appela à huit, son partenaire ne répondit pas
quoiqu'il eût un honneur, ayant un pari sur la levée. Les ad
versaires prétendaient que la main fût refaite, et un exposé fut
convenu en conséquence et reporté à la décision de l'auteur. Il
décida que la partie était gagnée de bcnne foi, parce qu'il ne
– 412 -
pouvait être tiré aucun avantage possible de la circonstance, en
tant que cela regardait la partie, quoiqu'il pût en avoir relative
ment à la levée, mais cela (c'est-à-dire la levée) ne formaitpoint
partie de la question qui lui était soumise. L'auteur pensa donc
qu'il serait impossible de faire d'objections au projet de la loi
n°23.

5° cAs. - A, au point de huit, en découvrant peu à peu son


jeu, yvit deux honneurs et en informa immédiatement son par
tenaire qui ne fit point de réponse.A, continuant de 1egarder
ses cartes, trouva un troisième honneur et les fitvoir.On pré
tendit qu'il n'avait pas le droit de le faire, et on décida contre
lui comme l'auteur l'entendait, mais l'auteur fut tellement con
vaincu du contraire, qu'il proposa comme loi l'art. 24. -
Finalement, il entreprit derédiger une loi qui, si les joueurs s'y
conforment, mettra empêchement à une pratique, laquelle n'é
tant peut-être pas faite dans cette intention, n'est cependant pas
loyale, et ce qu'il y a de pis, c'est qu'elle est la source de ces dis
putes et altercations désagréables qui font les seules objections
contre un jeu qui, à tous autres égards, est calculé pour former
un amusement raisonnable et honnête. Il n'est guère besoin d'a
jouter que l'on veutdire la découverte par mots ou gestes de votre
approbation ou blâme au jeu de votre partenaire, avant que la
main ne soit entièrement jouée. On ne prétend pas empêcher de
parler sur la dernière main entre les donnes, mais qu'il serait
absolument interdit, sous une amende sévère, de dire un mot
entre la tourne de la carte d'atout et le jeu de la dernière carte
de la main, excepté ce qui est toujours permis par les règles du
jeu, tel que de demander ce qui est atout, désirer que les cartes
soient placées, etc. La loi que M. Matthews a proposée cst la
dernière de ce code.
– 413 -

DU JEU DE TRICTRAC,
DE SON ORIGINE ET DE SON ANTIQUITÉ.

Les recherches faites par quelques savants et plusieurs anti


quaires, sur cejeu, sont peu satisfaisantes. Ce que l'on peut en
conclure, c'est qu'il remonte à une haute antiquité, et que l'é
poque de son invention se perd dans la nuit des temps. L'abbé
Barthélemy, dans son Voyage d'Anacharsis, dit qu'il était connu
à Athènes; il était probablement différent du nôtre : en effet,
chez les Grecs, il avait seulement dix flèches et douze dames de
couleur, et il paraît qu'ils y jouaient à trois dés. Agathias le dé
crit dans son épigramme sur le roi Zénon, que l'on trouve dans
l'Anthologie. Il y a cependant des savants quidoutent si c'est du
trictrac que cet Agathias a voulu parler, et ils présument que
les anciens l'ont ignoré.
Mais ce qui détruit cette présomption ou plutôt cette opinion,
c'est le témoignage des Latins qui nous fournit le plus de do
cuments sur ce chapitre. On sait que les Romains tenaient pres
quc tous leurs usages des Grecs , leurs maîtres et leurs institu
teurs; il est donc presque indubitable que cejeu était très-connu
dans la Grèce, où il avait été apporté par les Phéniciens qui
peuvent en avoir été les inventeurs, à moins qu'ils ne le tinssent
encore de plus loin, soit de l'Egypte ou de l'Inde.
En dernier résultat, quelles que soient son origine et son an
cienneté, toujours est-il avéré que les Romains le connaissaient
et qu'il faisait l'amusement du peuple-roi.
On n'a rien trouvé jusqu'à présent de certain sur l'étymologie
du mot trictrac. Les plus érudits scoliastes du XVII° siècle pré
tendent que ce mot a été formé, par onomatopée, du bruit que
font les dés et les dames ; c'était l'opinion de Gilles Ménage, de
Furetière et de Pasquier.
Quant à la marche du jeu chez les anciens, voici ce que nous
en savons : La table sur laquelle on jouait était carrée; elle était
partagée par douze lignes sur lesquelles on arrangeait lesjetons
comme on le jugeait à propos, en se réglant néanmoins sur les
-- 414 -
points des dés qu'on avait amenés. Cesjetons ou dames nommés
calculs étaient, chez les Romains, au nombre de quinze de cha
que côté et de deux couleurs différentes.

Discolor ancipiti sub jactu calculus astat,


Decertantque simul candidus atque niger :
Ut, quanvis parili scriptorum tramite currant,
Is capiet palmam quem sua fata vocant.

Ainsi la fortune et le savoir dominaient également dans ce jeu,


et un joueur habile pouvait réparer par sa capacité les mauvais
coups qu'il avait amenés, suivant ce passage de Térence : lta
vita est hominum quasi cum ludas tesseris, si illud quod maximè
opus est jactu, non cadit, illud quod accidit id arte ut corrigas.
On pouvait par cette même raison se laisser gagner par com
plaisance, en jouant mal les jetons; c'est le conseil qu'Ovide
donne à un amant quijoue avec sa maîtresse :

Seu ludet numerosque manu jactabit cburnos,


Tu malè jactato, tu malè jacta dato. eno

- Lorsqu'on avait avancé quelque jeton, ce que l'on appelait


dare calculum, et qu'on s'apercevait avoir mal joué, on pouvait,
avec la permission de son adversaire, recommencer le coup, ce
que l'on appelait reducere calculum. -
Les douze lignes étaient coupées par une ligne transversale
appelée linea sacra, qu'on ne passait point sans y être forcé,
d'où était venu le proverbe : Je passerai la ligne sacrée; c'est-à
dire je passerai par-dessus tout. Lorsque les jetons étaient parve
nus à la dernière ligne, on disait qu'ils étaient ad incitas. On se
servait de cette métaphore pour dire que les personnes étaient
poussées à bout; témoin ce passage de Plaute :

SY. Profecto ad incitas tenonem rediget, si eas abduxerit.


MI. Quin primo disperibit saxa, quàm unam calcem civerit.

. Cette marche a dû subir une infinité de changements avant


d'arriver au point où elle est chez nous aujourd'hui ; d'ailleurs il
y a un certain nombre de jeuxdifférents qui se jouent dans le ta
blier du trictrac. Les anciens en connaissaient-ils plusieurs ou
– 4 15 -
n'en avaient-ils qu'un seul ?C'est ce qu'on ne peut décider. Nous
en avons, nousautres modernes, plusieurs espèces dont les plus
connues sont le toutes-tables ou gammon, le jacquet, le garan
guet, les dames rabattues, etc. Mais revenons au véritable tric
trac par excellence, et à l'époque où il fut introduit en France.
Il résulterait de la lecture de nos auteurs qu'il n'ya pas trois siè
cles qu'il a été apporté chez nous, et il est constant qu'il y a un
peu plus de cinquante ans qu'on le joue, comme on le fait à pré
sent, sans que ses règles aient subi de variations importantes.
Tel nous voyons le trictrac aujourd'hui, tel il se jouait du temps
de Louis XIV, à quelques différences près. -

QUATRIÈME LEçoN ÉLÉMENTAIRE.

Après avoir fait connaître à nos lecteurs la marche des piè


ces, les règles dujeu et les principes généraux, nous passerons
aux débuts et aux fins de partie. Nous commencerons par les
plus simples et les plus faciles, et nous arriverons progressive
ment aux plus compliqués et aux plus difficiles.
pREMiER DÉBUT DE PARTIE.

Le point essentiel pour le gain ou la meilleure défense d'une


partie d'échecs, c'est de jouer régulièrement, soit qu'on ait le
trait ou qu'on ne l'ait pas, c'est-à-dire de bien dégager ses piè
ces. L'on conçoit combien celui qui aura son jeu bien développé
aura de l'avantage sur celui qui aura ses pièces enfermées.
Les combinaisons du jeu des échecs varient à l'infini. Le gain
ou la perte d'une partie, entre joueurs d'une forçe égale, dé
pendra du premier coup maljoué, du premier temps perdu de
part et d'autre. Le trait seul n'est point un avantage assez dé
cisif pour faire gagner la partie. Celui qui n'a pas le trait la
gagnera lui-même, si son adversaire manque une fois de jouer
le coup juste; en toutes choses égales, c'est-à-dire en supposant
les coups joués régulièrement de part et d'autre, la partie doit
être remise. - -
– 416 -

PARTIE DU FOU IDU ROI.

8I,ANCS. NOIRS.
1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.

Il est fort bon de débuter par le P du R 2 c., l'on en retire l'avantage de


dégager tout de suite la D ou le F du R.
2 Le F du R à la 4 c. du F de la D. | 2 Le F du R à la 4 c. du F de la D.
C'est la meilleure case que puisse occuper le F du R au commencement de
la partie. Dans ce poste il bat sur le P du F du R adverse, et c'est sur ce P
que se forme en général les premières attaques.
3 Le P du F de la D une c. |

Vous poussez ce P pour vous préparer à masquer la direction du F de l'ad


VerSaIre,

3 Le C du R à la 3 c. de son F.
4 Le P de la D 2 c. 4 Le P prend le P.
5 Le P prend le P. 5 Le F du R donne échec.

Si les noirs négligeaient de donner cet échec, les blancs parviendraient à


établir leurs pions au centre, ce qui pour eux serait fort avantageux et arrê
terait le développement des pièces de leur adversaire Les noirs jouent ici les
coups justes.
6 Le F de la D à la 2 c. de la D. 6 Le F prend le F. Échec.
7 Le C de la D prend le F. 7 Le P de la 1D 2 c.
8 Le P prend le P. 8 Le C prend le P.
9 La D à la 3 c. du F du R. 9 Le F de la D à la 3 c. du R.

Dans cette position, la partie est parfaitement égale.

PREMIÈRE FIN DE PARTIE.

Sur la fin des parties les rois sont les meilleures pièces pour
soutenir les pions qu'on se propose de conduire à dame ; c'est la
marche respective des deux rois, leur position plus ou moins
avancée sur l'échiquier, le plus ou moins de proximité où ils

sont de leurs pions, qui décident la perte ou le gain de la partie.


Vous devez donc, lorsqu'il n'y a plus de pièces sur le jeu qui
puisse faire rétrograder votre roi, le porter sur vos pions pour les
pousser ensuite en avant sous sa protection.
Dans ce cas, le premier des deux qui parvient à se mettre en
- 417 -
opposition à son adversaire a l'avantage; on entend par ce mot
opposition la plus grande proximité où les deux rois peuvent être
l'un de l'autre, qui est une case de distance, ne pouvant s'appro
cher de plus près. --
Le premier des deux rois parvenu à cette opposition, c'est-à
dire à cette case de distance de son adversaire, a l'avantage,
toutes choses égales d'ailleurs. Cet adversaire n'ayant rien à
jouer ne peut, de deux choses l'une :
Ou se maintenir dans cette opposition en portant son roi à
droite ou à gauche, toujours à une case de distance du premier,
auquel cas il fera partie remise ;
Ou être forcé par l'adversaire à rétrograder jusqu'à une ligne
extrême de l'échiquier, ce qui, suivant les positions, amènera
le pat ou la partie remise s'il peut se maintenir en opposition,
ou la perte de la partie s'il est forcé à céder le terrain à son ad
versaire et de souffrir qu'il mène son pion à dame. -
La fin de la partie suivante va démontrer ce que nous venons
de dire. Bien comprise, elle servira à l'intelligence de la IIna -
nœuvre des rois et de leur opposition , qui décide toujours le
gain, la perte ou la remise de la partie. -- -

uN PIoN sEuL coNTRE UN RoI.

Situation des pièces. | , -

IBLANCS. N()IRS,

Le R à la c. de son C. Le R à la c. de son C.
Le P du C du R à sa c.

Dans cette situation, si c'est aux blancs à jouer ils gagneront la partie,
parce qu'ils parviendront les premiers en opposition, c'est-à-dire à une case
de distance de leur adversaire,, et
et parce
narce q
que celui-ci sera obligé
3 de leur céder
le terrain et de leur laisser mener leur P à dame.
BLANCS. - NOIRS,
1 Le R à la 2 c. de son F. 1 Le R à la 2 c. de son C.
2 Le R à la 3 c. de son C. 2 Le R à la 3 c. de son C.
3 Le R à la 4 c. de son C. 3 Le R à la 3 c. de son F(a).
4 Le R à la 5 c. de sa T. 4 Le R à la 2 c. de son C.

(a) Si au lieu de ce coup votre adversaire eût joué le Ràla3 c. de sa T, vous au


riez joué au quatrième coup le R à la 5 c. de son F, et cela aurait amené le même
résultat.
32
– 418 –
NoIRs.
5 Le R à la 5 c. de son C. 5 Le R à la 2 c. de sa T.
6 Le R à la 6 c. de son F. 6 Le R à la 3 c. de sa T.
7 Le P deux pas. 7 Le R à la 2 c. de sa T.
8 Le P un pas. 8 Le R à la c. de son C.
9 Le R à la 6 c. de son C(a). 9 Le R à la c. de son F.
n o Le R à la 7 c. de sa T. 1o Le R à la 2 c. de son F.
1 1 Le P un pas. Perdu.

Mais, dans la même situation donnée, si c'est aux noirs à jouer, la partie
sera remise.

NOIRS. BLANCS.

1 Le R à la 2 c. de son C. - 1 Le R à la 2 c. de son F.
2 Le R à la 3 c. de son C. 2 Le R à la 3 c. de son C.
3 Le R à la 4 c. de son C(b). 3 Le R à la 3 c. de son F.
4 Le R à la 4 c. de son F. 1 Le P 2 c. Échec.
5 Le Rà la 4 c. de son C. 5 Le R à la 3 c. de son C.
6 Le R à la 3 c. de son C. 6 Le R à la 4 c. de son F.
7 Le R à la 3 c. de son F. 7 Le P un pas. Échec.
8 Le R à la 3 c. de son C. 8 Le R à la 4 c. de son C.
9 Le R à la 2 c. de son C. 9 Le R à la 5 c. de son F.
1o Le R à la 2 c. de son F. 1o Le P une c. Échec.
1 1 Le R à la 2 c. de son C. 1 1 Le R à la 5 c, de son C.
12 Le R à la c. de son C. 12 Le R à la 6 e. de son F.
13 Le R à la c. de son F. 13 Le P une c. Échec.
14 Le R à la c. de son C. 14 Le R à la 6 c. de son C.
15 Pat.

Il résulte du gain forcé de cette fin de partie si vous avez le trait, et de la


remise forcée si vous ne l'avez pas, que ce gain ou cette remise se décide par
l'opposition des deux rois.

(a) Si au neuvième coup, au lieu de jouerle Rà la 6 e. de son Cvous aviez poussé


le P une c., les noirs auraient remis la partie en jouant leur R à la c. de son F, alors
il nevous auraitplus étépossible de leurfaireperdre l'oppositionàvotre R, ce qui
eût empêché les progrès de votre P.
(b) Le R des noirs, arrivé à cette case, ne peut plus être forcé à rétrograder que
par votre P; en tel cas il faut, en rétrogradant, le placer toujours vis-à-visvotre roi,
et il fera ainsi partie remise, parce que vous ne pourrez mener votre P à dame et
qu'il sera pat.
– 419 -

SOLUTIONS DES PROBLÈMES DU NUMÉRO PRÉCÉDENT.

soLUTioN Du N° XLIX.
BLANCS. NOIRS.

Le P du R une c. Échec. 1 Le R à la 2 c. de la T.
Le C de la D à la 6 c. du F du R. 2 Le R à la 2 c. dé son C.
Échec.
Le P du R une c., prend un C.
Échec et mat.
soLUTION DU N° L.

Le C du R à sa 3 c. Échec. 1 Le R à sa 3 c.
La D à sa 6 c. Échec. - 2 La T prend la D.
La T prend la T. Échec. 3 Le F prend la T.
Le P de la D une c., fait un C.
Échec et mat.

soLUTioN DU N° LI.
Le C du R prend le P du Fde la D. 1 Le F prend le G(a).
Échec.
2 La D prend le F. Échec. | 2 Le R prend la D.
3 Le F donne échec. 3 Le R où il peut.
4 Le C donne échec et mat.

soLUTIoN nu N° LII.
1 La D à la 8 c. du C de son R. É. 1 Le R prend la D.
2 Le C de la D donne échec. 2 Le R à la c. de sa T.
3 Le C du R donne échec. 3 La T prend le C.
4 La T prend la T. Échec. 4 La T couvre.
5 La T prend la T. Échec et mat.
sOLUTION DU N" LIII.
1 La T du R donne échec. 1 La T du R couvrc.
2 La T de la D à la 3 c. du F du R. 2 La T de la D prend le F.
Échec. -
3 La T du R prend la T. Échec. 3 Le R prend la T.
4 Le F donne échec double,et le coup
suivant la T donne échec et mat.

(a) Si les noirs ne prenaient pas le\Cils seraient mat en trois coups.
- 42o -

souUTIoN Du N° LIV .

N()1RS .
1 La T du R à la 3 c. de son F. É. | 1 La D prend la D.
2 Le C de la D à la 4 c. de son R. É. | 2 La T couvre l'échec.
3 La T de la D donne échec. 3 Le C couvrc.
4 Le F prend la T. Échec 4 Le R prend le F,
5 Le C du R donne échec et mat.
soLUTioN nu N° LV.
1 La D à la 8 c. de son F. Échec. 1 Le R à sa 2 c.
2 Le R à la 5 c. de son F. 2 Le R à la 2 c. de son F,
3 Le R à la 5 c. de son C. 3 Le R à sa 2 c.
4 Le R à la 6 c. de son C. 4 Le R à la 3 c. de sa D.
5 Le R à la 6 c. de son F. 5 Le R à la 4 c de sa D.
6 Le R à la 5 c. de son F. 6 Le R à la 3 c. de sa D.
7 La D à la 7 c. de son F. Échec. 7 Le R à la c. narquée.
8 La D donne échec et mat.

soLUTIoN Du N° LV I.

1 Le F à la 4 c. du C du R. n Le R à la 3 c. de sa D.
2 Le R à la 6 c. de son F. 2 Le R à la 4 c. de sa D.
3 Le F à sa 5 c. 3 Le R à la 3 c. de sa D.
4 Le R à la 7 c. de son F. 4 Le R à la 4 c. de sa D.
5 Le R à la 7 c. de son C. 5 Le R à la 3 c. de sa D.
6 Le R à le 6 c. de son F. 6 Le R à la 4 c. de sa D.
7 Le F à la 3 c. de sa D. 7 Le R à la 3 c. de sa D.
8 Le F à la 5 c. du C de la D. · 8 Le R à la c. narquée. »
9 La D donne échec et mat.

Dans les planches qui suivent chaque pièce est désignée par
sa lettre initiale ; les lettres à jour désignent les pièces blanches.
Les blancs ont toujours le trait. Les mats n° LVII, LVIII et LX
sont de M. d'Orville, d'Anvers, que nos lecteurs connaissent
déjà pour quelques jolis mats; le n° LIX est d'un Indien, le
n° LXI est de M. Bolton, le n° LXII de l'anonyme de Modène,
le n° LXIII de M. Cochrane, enfin le n° LXIV de Ponziani.
Le rédacteur et gérant responsable,
De LA BOURDONNAIS.

PARIS, - imprimerie de DrzAucnr, faub. Montmartre, n. 1 .


%%

--
- 4 /

Mat en quatre coups.


Les blancs forcent les noirs à leur donner le mat
en cinq coups.

Mat en cinq coups.


Mat en six coups.

. .. Mat en sept coups.


Blanc.

Le côté qui a le trait gagne.

Les blancs gagnent.


- 425 -

A NOS LECTEURS.

En terminant sa première année, le Palamède remercie ses


abonnés de la bienveillance qu'ils ont bien voulu lui montrer.
Il leur promet de faire tous ses efforts pour s'en rendre toujours
digne.
Encouragé par beaucoup d'entre eux, il voit arriver avec
confiance sa seconde année (1). -
Plusieurs personnes nous ayant manifesté la crainte de nous
voir manquer de matériaux, pour les rassurer à cet égard,voici
les titres des articles que les prochains numéros du Palamède
contiendront :
Le jeu des échecs à quatre.
Le jeu des échecs à trois.
Lapartie des pions, par M. le comte B***.
Le jeu des échecs chez les Indiens.
Le jeu d'échecs de Charlemagne et autres jeux d'échecs cu
rieux.
Lettre critique de l'anonyme de Modène sur l'ouvrage de
Philidor, avec des remarques par M. de La Bourdonnais.
Le café Morillon, ou les échecs en 95.
Des extraits des manuscrits de la Bibliothèque du roi. Nous
citerons parmi ces manuscrits ceux de Nicolaüs de Nicholaï, la
Vieille, poème; la Moralité des nobles hommes, par Jean de
Vignay; les Échecs d'amour, etc., etc.
Des extraits des auteurs dont voici les noms : Allgaier, Be
noni, Carrera, Jacques Cesolis , Cochrane, de Courcelles, le
comte Cozio, Damiano, Gianutio, Greco, le docteur Hyde, Koch,
Lewis, Lolli, de Masures, Middleton, Mohamed, Lopez, du
Peyrat, Piacenza, Ponziani, del Rio, Sarrat, Salvio, Selenus,
Severino, Silberschmit, Stamma, Mauvillion, Montigny, Stein,
(1) Nous citerons parmi ces encouragements une lettre du premier magistrat de
l'une de nos grandes villes, qui se termine ainsi: « Continuez, je vous prie, votre
journal.Vous ne sauriez croire quel bien il fait dans notre ville ; nos jeunes gens en
grande partie ont abandonné la bouillote et les cafés pour s'adonner au beau jeu
des échecs, que vous propagez ici chaque jour. »
33
Vida, Duchi, W. Jones, Georges Walker, Mendheim , Petrof
De temps à autre quelques articles sur les jeux où le calcul
est mêlé au hasard ou à l'adresse ; les difficultés qui peuvent s'é
lever et leurs solutions d'après les meilleurs joueurs.
Le Palamède continuera toujours de donner huit problêmes
à chaque numéro; il renfermera aussi des leçons élémentaires
et progressives.
Voici les débuts de partie qui seront examinés pendant la se
conde année : -
Les gambits d'Allgaier, de Salvio, de Cochrane, de Cuning
ham, de Lopez.
Le gambit refusé, le double gambit.
Les débuts français, les débuts à pion et trait et ceux à pion
et deux traits.
Nous donnerons aussi les plus belles parties jouées par les
forts joueurs pendant le cours de cette seconde année.
-- 427 -

UNE PARTIE D'ÉCHECs


ENTRE MM. DE JOUY ET DE LA BOURDONNAIS

Pendant que la jeune France s'amuse avec bruit, la France


grave s'amuse en silence ; le whist et les échecs, voilà ses loi
sirs. Une magnifique partie d'échecs est en ce moment le sujet
de toutes les conversations de cercles, clubs ou sociétés. M. Méry
nous en envoie le récit, que nous nous empressons d'offrir à nos
lecteurs :
« Les amateurs du noble jeu d'échecs conservent les tradi
tions des héros de leur légende ; ilsvous citeront des parties de
Tamerlan et de Philidor; ils ont enregistré tous les bulletins de
la grande armée de l'échiquier, de cette bataille éternelle dont
le monde fut le théâtre, et qui n'a étéensanglantée qu'une seule
fois par Renaud de Montauban (1). On a du plaisir vraiment à
prêter l'oreille aux érudits du jeu, lorsqu'ils entament cette lon
gue histoire, ces glorieux faits d'armes qui ont illustré le Cau
case, l'Inde, la Laponie, la zone de glace et la zone de feu. Il n'y
a pas long-temps que le docteur Gaimard, ce savant et intrépide
voyageur, m'apportait les salutations amicales de l'évêque d'Is
lande, qui charme le semestre de ses nuits avec le jeu d'échecs,
et console ses ouailles polaires avec des mats surprenants. Rien
n'est mieux constaté que le catholicisme de l'échiquier : il réunit
dans la même communion la tiare, la mitre , la couronne , le
casque, le turban et le chapeau.
« Entre autres prodiges de science stratégique légués par la
1radition, on citait un singulier tour de force inventé par Ta
merlan, continué par Boï le Syracusain, renouvelé de nos jours
par Philidor : c'était la fameuse partie jouée le dos tourné à l'é
chiquier. On se récriait toujours d'admiration sur cette merveil
(1) Nous lisons dans le Bell" life in London l'histoire suivante, qui nous rap
pelle celle que cite M. Méry :
«M.Sydney Smith raconte qu'étant au collége avec l'archevêque actuel de Can
torbéry, il fut frappé par lui avec un échiquier parce qu'il lui avait donné un échec
et mat. C'est peut-être le seul acte de violence que ce prélat ait à se reprocher. »
– 428 -
leuse faculté de suivre les innombrables combinaisons des pièces
et tous les inextricables engagements d'une mêlée sans les noter
du doigt, sans les suivre et les calculer des yeux. Aux époques
héroïques de l'échiquier, Boï le Syracusain s'était conquis, avec
ce tour de force, l'amitié de Charles-Quint, de don Juan d'Au
triche et du pape Urbain VIII. Philidor, doué de la même puis
sance de calcul, donnait à Londres des soirées d'échecs à une
guinée la place ;il y jouait une partie et deux parties à la fois, le
dos tourné à l'échiquier. Ce spectacle, qu'il avait inventé, et
dont il rendait tributaires nos opulents voisins, lui rapportait un
revenu annuel de quelques milliers d'écus, ce qui lui permettait
de faire des opéras et de donner des leçons à J.-J. Rousseau, qui
jouait fort mal, bien qu'il ne le confesse pas dans ses Confes
sions.
« Nous sommes heureux d'annoncer aux nombreux et savants
amateurs de l'Allemagnc, de l'Italie, de la Turquie et de l'An
gleterre, que le fameux tour de force par lequel Philidor avait
vaincu Tamerlan vient d'être renouvelé, ces jours derniers,
sous nos yeux, au club français. Les deux joueurs étaient M. de
La Bourdonnais et M. de Jouy, de l'Académie française ; les té
moins et juges du camp, MM. le vicomte de Vaufreland, Lécri
vain, comte de Richebourg, Saint-Amant, le docteur Miquel, le
général Duchaffault, Bonfil, Devinck, Sasias, tous amateurs d'é
lite et maîtres en fait d'échecs. L'Allemagne était représentée
par M. Schulten, l'Italie par M. Calvi, la Russie par M. le baron
de Pogogeff, l'Orient par Noury Effendi, ambassadeur de la
Porte-Ottomane.
« M. le baron du Mesnil servait d'intermédiaire et désignait
les coups joués par M. de Jouy à M. de La Bourdonnais, qui,
le dos tourné au jeu , tenait les yeux fixés sur un angle du
salon.
« La partie n'a pas été plus longue qu'une partie ordinaire ;
elle s'est composée de trente coups. M. de La Bourdonnais indi
quait lestement la pièce à jouer, comme s'il avait eu le casier
sous les yeux. Son assurance ne s'est pas démentie lorsque la
mêlée est venue : c'était toujours la même netteté, la même pré
sence d'esprit, la même promptitude de coup d'œil. M. de Jouy
ne ménageait pas son adversaire; il n'affectait point de complai
sance, il se battait de franc jeu comme s'il eût tiré à brûle-pour
point. M. de Jouy n'a pu éviter la gloire d'une défaite, et ce
- 429 -
revers n'ôte pas une feuille à la couronne de la Vestale et de
Sylla.
« L'esprit s'étonne lorsqu'il essaie d'analyser les ressorts qui
composent le mécanisme d'une si forte intelligence ; cela ne se
conçoit pas, la physiologie s'y perd comme dans un abîme. Il
faut bien que la nature soit avare de ces sortes de facultés excep
tionnelles, puisque les siècles n'en reproduisent les analogies
qu'à de longs intervalles. M. de Jouy, qui a voyagé sur la terre
classique de l'échiquier, dans l'Inde, en est demeuré confondu
d'étonnement. M. de Jouy a joué aux bords du Gange, avec les
porteurs de son palanquin, et sur un échiquier improvisé de -
sable et de cailloux. Il pense que si pareil miracle s'opérait de
vant ces Indiens enthousiastes,ils se prosterneraient aux pieds
du Brama du jeu. Nous pouvons affirmer que le monde parisien
des échecs s'est vivement ému de cette nouvelle; elle a circulé le
même soir chez lesgrands dignitaires du Luxembourg et parmi
les corps savants. Tous les Orientaux attachés à l'ambassade se
sont rendus au club dans l'espoir de voir recommencer la partie
incroyable. Cette fois, M. de La Bourdonnais n'a pas voulu res
ter en arrière; au lieu d'une partie, il en afait deux ! Cela ne
double point la valeur du miracle, cela le centuple; alors on ne
prend plus la peine de raisonner le fait; on est au moins dis
pensé des erreurs de l'analyse, on se tait. Toutefois, il fallait
donner le procès-verbal d'une histoire si curieuse, etinscrire en
tête le nom de M. de La Bourdonnais; c'est ce que j'ai cru devoir
faire, moi qui suis devant lui comme un pion devant le roi ! »
Nous offrirons à nos lecteurs la partie qui a donné lieu à ce
charmant article, que nous empruntons à la Presse.
M. de Jouy avait les blancs et le trait.
BLANCS. NOIRS,

n Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P de la D 2 c. 2 Le P prend le P.
3 La D prend le P. 3 Le C de la D à la 3 c. de son F.
4 La D à sa 3 c. 4 Le C du Rà la 3 c. de son F.
5 Le P du F du R une c. 5 Le F du R à la 4 c. du F de laD.
G Le F de la D à la 3 c. de son R. 6 La D à la 2 c. de son R.
7 Le F du R à la2 c. de son R. 7 Le R roque.
8 Le C de la D à la 3 c. du F. 8 Le C de la D à la 4 c. du R.
9 La D à sa 2 c. 9 Le F prend le F.
– 43o -
BLANCS. NOIRS.

1 o La D prend le F. 1o Le P de la D une c.
1 1 Le R roque. 1 1 Le F de la D à la 3 c. du R.
12 Le P du C de la D une c. 12 Le P de la T de la D 2 c.
13 Le C de la Dà la 4 c. de la T. 13 Le P du C de la D 2 c.(a).
14 Le F prend le P. 14 La T du R à la c, du C de la D.
15 Le P du F de la D 2 c. (b). 15 Le P du F de la D une c.
16 Le C de la D à sa 6 c. 16 Le P prend le F.
17 Le C prend la T. 17 La T prend le C.
18 Le P prend le P. 18 Le P de la T de la D une c.
19 Le R à la 2 c. du C de la D. 19 Le P prend le P.
2o Le P prend le P. 2o Le P de la D une c.
21 La T de la D à sa c. 2 1 La T prend la T.
22 Le R prend la T. 22 La D à la 6 c. de sa T. Échec.
23 Le R à la c. du C de la D. 23 Le P prend le P.
24 Le R à la 2 c. du F de la D. 24 La D à la 7 c. de sa T. Échec.
25 Le R à la c. de sa D. 25 Le F prend le P. Échec.
26 Le R à sa c. 26 Le C donne échec.
27 Le Rà la c, de son F. 27 La D à la8 c. de son C. Échec.
28 Le R à sa 2 c. 28 La D donne échec et mat.

, (a) Les noirs sacrifient ce P pour découvrir le R adverse.


(b) Faute grave qui fait perdre une pièce.
- 431 -

CORRESPONDANCE .

La lettre qui suit a été adressée, il ya peu dejours, aux mem


bres du Cercle des échecs de Paris, par M. George Walker, elle
traite de l'art de jouer aux échecs sans voir l'échiquier.

« MessnEURs,

« Vous m'avez fait l'honneur de me nommer membre honoraire


du Cercle des échecs de Paris. Veuillez recevoir mes sincères re
mercîments.
«Je ne m'attendais pas à cette faveur, et j'étais loin de la méri
ter, ne prétendant pas me placer comme joueur sur le même
rang que Philidor, Deschapelles et Labourdonnais. Mais per
sonne n'a plus d'amour et d'admiration que moi pour le noble
jeu des échecs, et je suis fier de penser que mes faibles travaux
ont été accueillis avec tant de bienveillance dans une autre con
trée.
« D'ici à peu de temps,j'espèreavoir le plaisirdevisiter le Cer
cle des échecs de Paris, et profiter de votre invitation pleine de
politesse; en attendant, nous combattrons sous la même bannière.
« En Angleterre,il est d'usage dans plusieurs sociétés savantes
que les nouveaux membres signalent leur admission en présen
tant un essai sur quelque branche particulière de l'art ou de la
science dont le progrès est l'objet spécial de la société. C'est
avec un pareil sentiment que je me hasarde d'offrir quelques
observations sur l'art de jouer aux échecs sans voir l'échiquier;
le jeu a été, jusqu'à présent, très-peu considéré sous ce point
devue; et c'est le Palamède que j'ai choisi comme le plus digne
dépositaire de l'offrande que je fais au public. Il est difficile d'exa
gérer les difficultés qu'on trouve à bien jouer le jeu d'échecs.
Parmi des milliers d'amateurs, un très-petit nombre seulement
arrivent à quelque degré d'excellence. Ce jeu exige un talent
particulier; la supériorité qu'on y obtient dépend en général
moins de l'habileté de l'individu, que d'une organisation spé
ciale des facultés intcllectuelles. Jc connais desgens qui ont joué
- 432 -
vingt ou trente ans sans relâche, gens qui, à tout autre égard,
sont doués d'une grande supériorité d'esprit, même dans les
sciences exactes, et qui, néanmoins, sont inférieurs à un joueur
de première force, d'une tour ou d'un cavalier. J'en connais
d'autres qui acquièrent en peu de mois un degré étonnant de
force à ce jeu, et, quoique fort médiocres en toute autre chose,
développent un génie brillant dans l'art de combiner leurs plans,
et de faire marcher leurs guerriers sur le champ de bataille des
échecs. Napoléon, Tamerlan, Charles XII et tant d'autres, qui
s'entendaient si bien à faire manœuvrer des armées, auraient
peut-être été assez embarrassés à faire manœuvrer les armées
de l'échiquier.Qu'on puisse être fort joueur d'échecs sans être
fort habile en d'autres choses est donc certain ; mais à quoi l'at
tribuer, sinon à une disposition particulière,à un génie spécial
pour ce jeu ! disposition que l'étude et l'application constante
peuvent développer mais non donner.
« Telle est la difficulté de ce jeu, que, même avec le génie
nécessaire, il faut encore des années de pratique et d'étude
pour y exceller, tandis qu'en beaucoup moins de temps on
peut devenir grand.. médecin, légiste, ou mathématicien. Si
l'on voulait appliquer ici la science phrénologique, on trou
verait que pour être fort joueur d'échecs, il faut que les or
ganes de nombre et d'harmonie soient fortement développés
dans le sujet; or, l'organe de la musique dérive de ces deux sour
ces, d'où il faut conclure (ce qui d'ailleurs est conforme à l'ex
périence) que les bons joueurs d'échecs sont à la fois profonds
calculateurs, et, en général, amateurs de musique.Si je ne crai
gnais de m'engager dans une discussion crânologique, je pour
rais appuyer ce que j'avance de quelques faits, parmi lesquels
je pourrais citer Philidor, Lewis et d'autres grands joueurs. La
même faculté d'exceller aux échecs paraît se lier aussi à une
certaine habileté dans les autres jeux ; les grands joueurs d'é
checs sont en général bons joueurs de whist, de piquet, de
dames. Si ce noble jeu est si difficile, quand on a l'échiquier et
les pièces sous les yeux , combien ne doit-il pas l'être plus quand
on est privé de la partie matérielle du jeu, quand échiquier,
pièces et combinaisons sont représentés seulement dans l'esprit,
quand tout est laissé aux efforts de la mémoire et d'une concep
tion mentale ?Si je ne me faispas illusion, c'est un effort pres
que surhumain.
- 433 -
« Voilà le travail que je me propose d'offrir aux joueurs d'é
checs, en implorant leur indulgence. Mon but est seulement
d'offrir ici l'esquisse rapide d'un art, que d'autres, plus labiles,
complèterontpeut-être par la suite.
« Procédant par le commencement, nous lisons que plusieurs
anciens étaient renommés dans l'exercice de ce talent merveil
leux, et pouvaient jouer sans échiquier sous leurs yeux. La
preuve authentique la plus ancienne remonte à l'an 97o après
Jésus-Christ; à cette époque, un Grec nommé Joseph Tchelebi,
qui avait voyagé dans l'Inde, la Perse, etc., joua une partie
d'échecs lesyeux bandés, dans la ville de Tripolien Syrie ; cette
partie n'était pas, pour ainsi dire, légitime, puisqu'en ayant les
yeux bandés, il lui était laissé la faculté de toucher les échecs
et le tableau, et que les pièces étaient d'une grandeur au-delà
de l'ordinaire. Un cas pareil n'était pas précisément rare en
Orient, comme il paraît d'après les écrits de Sokeiker, ancien
historien arabe, qui en rapporte plusieurs exemples.Je conti
nue d'en citer quelques-uns. - Dans l'année 1266,un fameux
joueur sarrasin, nommé Busecca, visitant Florence, joua, dans
lepalais du comte Gopoli, trois parties d'échecs à la fois, contre
trois des meilleurs joueurs du temps. Deux de ces parties furent
conduites par Busecca sans voir l'échiquier, tandis que dans la
troisième il avait les yeux sur l'échiquier, comme dans les par
ties ordinaires. On ajoute qu'il annula une partie etgagna les
deux autres, en sorte qu'il eut tous les honneurs de la journée.
« A cette époque où le jeu d'échecs était si fort cultivé chez les
Sarrasins, il est bon de remarquer que les plus hautes sciences
l'étaient aussi, entre autres la médecine et l'astronomie. Cepen
dant Philidor surpassa tout ce qui l'avaitprécédé, dans l'art de
jouer sans voir l'échiquier, car il me semble plus difficile de
jouer deux parties seules, les yeux fermés, que trois ou quatre
à la fois, si le joueur a la faculté d'en jouer une seule avec l'é
chiquier, car cette circonstance l'aide toujours un peu pour les
autres. - Carréra , dans son inappréciable ouvrage, fait aussi
mention de quelques joueurs de son temps qui excellaient dans
l'art qui m'occupe, entre autres Mangiolini de Florence et Ze
rone, Medrano et Ruy Lopez d'Espagne. Il en nomme plusieurs
autres ; et il nous informe que les Turcs, en Hongrie, avaient
coutume de jouer entre eux aux échecs, de mémoire et pendant
qu'ils cheminaient à cheval. Ceci me rappelle une anecdote
-- 434 - -
qu'on a citée de notre grand joueur, M. Sarrat, qui mourut en
182 r. Dans ses eourses à pied aux environs de Londres, avec un
de ses amis, M. Hippolyte du Bourblanc, il jouait avec lui tout
en se promenant, et parconséquent de mémoire seulement.Tous
deux avaient une telle habitude du jeu, qu'ils commettaient rare
ment une erreur d'échiquier, quelque compliqué que fût le jeu.
M. du Bourblanc était francais et supérieur à tout autre joueur
de l'Angleterre excepté Sarrat. - J'ai quelquefois entendu dire
en plaisantant à M. Macdonnell, quand il jouait ainsi de mé
moire, que les échecs et leur table étaient les seules choses qui
gâtaient le noble jeu d'échecs. -
« Le renommé Paolo Boi, de Syracuse, contemporain de Léo
nardo et Ruy Lopez, était dans l'habitude de jouer trois parties
à la fois, les yeux bandés , conversant, tout le temps, avec les
spectateurs, sur différents sujets. Il mourut vers la fin du
XVI° siècle. Ce célèbre joueur, que personne peut-être ne sur
passa, excita si fort l'admiration de Philippe, roi d'Espagne,
que ce dernier voulut en faire un évêque! - Espèce de récom
pense assez bizarre pour un joueur d'échecs. Boi répondit au
prince qu'il préférait une vie plus active et demandait à servir
comme militaire, et le roi lui accorda une commission dans son
armée. Il eut l'honneur de jouer aux échecs avec plusieurs têtes
couronnées et entre autres avec le célèbre et romanesque don
Sébastien de Portugal. Salvio appelle Paolo Boi et Léonardo
« la lumière et la gloire des échecs. » Ces deux terribles cham
pions se livrèrent aux échecs une bataille qui dura trois jours,
Boi jouant le gambit et Léonardo l'acceptant. Le troisième jour,
Eéonardo fut le vainqneur, mais son biographe avoue que
Boi était malade à cette époque. Les deux champions ne jouèrent
plus ensemble. Léonardo, aussi bien que d'autres célèbres
joueurs contemporains, pouvait jouer sans voir l'échiquier. On
nous dit aussi que Girolamo Saccheri, qui vivait au commence
ment du dernier siècle, pouvait jouer trois parties à la fois, sans
échiquier, et même quatre, sans commettre une faute; Saccheri
était d'ailleurs grand calculateur et mathématicien. L'Italie
fut pendant long-temps supérieure aux autres pays d'Europe
dans l'art des échecs ; sa gloire fut soutemne par une foule de
héros en ce genre, qu'il est superflu de nommer ici et dont on
trouve les noms dans le petit ouvrage de Rocco.
« Italie ! Italie ! nc contiens-tu donc plus de joueurs digncs de
- 435 -
ton antique réputation! plus de joueurs en état de briser une
lance avec les grands maîtres de la joyeuse France ... - Oh !
sans doute, il en existe quoique inconnus à leurs frères du nord,
et probablement, parl'intermédiaire du Palamède, de nouvelles
voies de communication seront ouvertes ! Le grand-duc de Flo
rence, si libéral dans son encouragement des arts, est, nous le
savons, dévoué à ce jeu vraiment royal. - Il est bon d'observer
ici un fait assez singulier. L'expérience prouve que celui qui
joue le mieux avec l'échiquier sous les yeux, n'est pas toujours
le plus fort joueur quand il est privé de l'échiquier. De même
que l'habileté aux échecs est un don de la nature, il paraît que
le talent de jouer sans tableau sous les yeux en est un aussi.
Ainsi, il existe, soit en France, soit en Angleterte, de très-forts
joueurs qui ne pourraient pas pousser leurs combinaisons ( sans
échiquier ) au-delà de douze ou quinze coups, tandis que d'au
tres joueurs, inférieurs en force, pourraient (sans pièces) pous
ser leurs combinaisons beaucoup plus loin. Le jeu de quelques
uns des plus habiles dans les deux pays est fondé tant sur une
expérience pratique et continue que sur une étude théorique
approfondie, et je crois sincèrement que ceux qui cultivent le
jeu par pratique sont, en général, les plus aptes à parvenir aux
sommités de l'art. Leurs idées sont plus concentrées, leurs fa
cultés de calcul plus vigoureuses que celles qu'on acquiert par
l'étude seule des livres Ceux qui étudient le jeu par les livres
affaiblissent le brillant de l'imagination ; leurs esprits errent
sur l'échiquier, et , pour s'être accoutumés à manier les pièces à
discrétion pour trouver le meilleur coup, ils sont sujets à ou
blier, quand ils jouent réellement avec d'autres, qu'ils ne font
pas un cours de philosophie expérimentale, comme quand ils
jouent seuls.
« Est-ce à dire pour cela qu'il faille se passer des livres de l'art ?
Dieu m'en préserve, cette pensée est bien loin de moi. Ma pro
pre expérience, s'il m'est permis de l'alléguer ici, m'a prouvé le
contraire; car, avant d'avoir joué plus de cinquante parties d'é
checs dans ma vie,et par l'étude seule des livres, j'étais parvenuà
ce degré de force qu'atteint le commun des joueurs; mais je crois
que si je n'avais jamais ouvert de livres, je serais devenu plus
fort, en proportion du temps que j'y ai consacré. - Pour en re
venir à mon sujet, je dis donc que, dans mon opinion, ccux
qui ont étudié le jeu par un exercice solitaire sur les livrcs,
– 436 --
sontplus propres à jouer sans pièces que ceux qui n'ont acquis
la connaissance dujeu que par la pratique seule;d'où il est naturel
de conclure que la culture du jeu sans échiquier contribue peu
à augmenter la force réelle du joueur, puisqu'en général ceux
qui étudientpar les livres, et qui, par conséquent, sont plus
propres àjouer sans pièces, sont moins forts que ceux qui ne
cultivent le jeu que par pratique, et que même les plus forts
joueurs sont d'un cavalier au moins au dessous de leur force
réelle, enjouant de cette manière.- Il semble d'abord qu'il y
a contradiction dans ce que j'écris, mais je pense que non.
Quand je loue l'art dejouer sans pièces, est-ce que je prétends
maintenant le contraire de ce que j'ai avancé? non sans doute,
j'applique spécialement l'art de jouer sans pièces aux joueurs
d'une grande force; car pour le commun des joueurs, cetart ne
pourrait leur servir qu'à éblouir la foule des mazettes (style
d'échecs)qui les entourent, et, dans ce cas, l'art que je recom
mande ne serait qu'un charlatanisme.
« La question maintenant est donc réduiteà ces termes :quelle
doit être la force du joueur d'échecs pour étudier l'art de jouer
sans pièces? Philidor, que je prends pour type de l'excellence
aux échecs, pouvaitjouer plusieurs parties à la fois sans échi
quier et les jouer à un pion de différence de sa force réelle. La
plus grande partie de la vie de Philidor se passa à Londres où
il jouait chaque jour dans le club de la métropole avec les per
sonnages les plus distingués d'Angleterre.
«En 1814fut publié à Bombay un ouvrage original sur les échecs
par un natifdes Indes, très-connu dans les possessions anglaises
de l'Indoustan, comme un joueur du premier ordre et professeur
'échecs. L'ouvrage fut d'abord écrit en langage sanscrit, mais
fut imprimé en anglais. M. Lewis nous en a donné une traduc
tion sous le titre de Oriental chess, possédant cet avantage sur
l'original, que les problèmes sont tous séparément exposés en
diagrammes, rendus ainsi beaucoup plus faciles à l'étudiant.
« Quelques-unes des positions sont d'une beauté exquise, et
j'ai été charmé d'en voir plusieurs dans le Palamède. Le nom
de l'auteur indien était Travansadacharia Shastree. Il était cé
lèbre pour jouer sans échiquier ; un de mes amis l'a vu jouer
trois et même quatre parties à la fois de cette manière, avec les
plus forts joueurs anglais. -
«On m'a assuré que M. Cochrane, le célèbre joueur anglaisà
– 437 -
qui nous devons un traité sur les échecs, ajoué, dans les Indes,
sans avoir l'échiquier sous les yeux. Parmi les joueurs de nos
jours, il y en a plusieurs en Angleterre quipeuvent jouer sans
échiquier. Feu M. Macdonell, dont la perte m'est si douloureuse,
était, dans cette espèce de jeu, le plus fort que j'aie jamais vu.
ll pouvait jouer sans échecs à un cavalier de différence de sa
force réelle, et pouvait suivre deux parties à la fois : on trouve
des échantillons de son talent extraordinaire en ce genre dans
l'ouvrage de M. W. Greenwood Walker. Parmi les autres
joueurs , MM. Keen et Slous sont réputés comme jouant bien
sans échiquier (1). Quant à moi, je puis le faire aussi, mais,
faute de pratique en ce genre, il me coûte beaucoup de travail.
Cependant je puisjouer sans pièces, à une tour de différence de
ma force actuelle ; dans le courant de l'été dernier,j'ai joué
quelques parties de cette manière avec un joueur à qui je rends
la tour, les yeux sur l'échiquier. Sur quatre parties jouées de
mon côté sans échiquier, nous en gagnâmes chacun deux.Si je
me nomme ici, après tant de noms célèbres, je supplie de croire
que je ne suis mu par aucune sotte vanité de m'égalerà eux,
mais pour montrer, dans toute la sincérité de mon cœur, que, si
j'étais fort dans ce genre de talent, je n'hésiterais pas à le dire.
Ceuxpour qui j'écris spécialement me comprendront aisément.
« Un amateur, membre du club d'Édimbourg, me causa beau
coup de surprise, il y a quelques mois, en conduisant le cavalier
sur les soixante-quatre cases de l'échiquier, alternativement,
sans voir la table. Ce joueur se placera le dos tourné à la table,
et vous permettra de placer le cavalier sur la case qu'il vous
plaira commme point de départ ;il vous nommera ensuite suc
cessivement les soixante-trois autres cases, et, commençant où
vous voulez, il est toujours exact. Je connais maintenant la clé
de ce tour de force, et il n'y a pas de merveille quand on la
connaît; mais il est juste d'ajouter que le joueur l'exécutait de
tête, sans clé écrite. Plusieurs des anciens auteurs, comme Car
rera et Damiano, ont laissé de nombreuses instructions sur l'art
de jouer sans pièces. Leurs conseils à cet égard me semblent
assez superficiels.J'ai réuni ce qui m'a paru le plus substantiel,
avecexplication de ma part; mais au-dessus de tous les préceptes
en cegenre, je mets une pratique constante et continue.
« Un joueur de troisième force peut acquérir le talent de jouer
sans échiquier, aussi bien qu'un joueur de première force,dans la
– 438 -
proportion de leurgénie. Ceux qui ont pris l'habitude de résoudre
les problèmes des livres sont dans une bonne voie pour acquérir
le talent de jouer sans pièces. Remarquez bien queje ne vous
recommande point du tout de consacrer votre temps à apprendre
le jeu d'échecs en jouant sans pièces ;je m'adresse seulementà
ceux qui cherchent à connaître spécialement cette manière de
jouer. Elle tient en apparcnce du prodige, et il est si doux de
paraître un prodige aux yeux des spectateurs ordinaires, et sur
tout des dames! il est si flatteur d'entendre répéterpartout :
Monsieur tel peut jouer aux échecs sans échiquier.
« Le premier conseil que je donnerai est d'exécuter toujours
avec des pièces de la même couleur, au moins au commence
ment : vous aurez ainsi toujours votre roi et votre reine dans la
même position ;votre adversaire nepeut raisonnablement s'y op
poser, comme au jeu ordinaire. M.Mac-Donnell jouait toujours
avec les noirs quand il jouait sans échiquier ; mais il me disait
que, s'il avait àjouer deuxparties à la fois , iljouerait avec des
pièces de différentes couleurs, pour rendre le début plus distinct,
et il croyait que Philidor faisait de même. Il est digne d'observer
que, quand Philidor jouait ainsi plusieurs parties à la fois, il
variait ses débuts autant que possible , afin sans doute de rendre
les parties plus distinctes, car il est plus difficile de conduire à
la fois deux parties dans lesquelles les premiers mouvements sont
long-temps les mêmes, que celles qui découlent de débuts dif
férents.
«Au commencement devotre carrière dans cejeu aveugle, de
mandez toujours le trait, ce qu'on ne peut guère vous refuser, et
vous serez ainsi maître de vos débuts. Au commencement, l'ami
avec qui vous vous exercezvous donnera d'abord la reine, ou
d'autres avantages considérables qui diminueront à mesure.
« Faites des échanges de pièces autant que possible, vous dimi
nuez ainsi le travail ; échangez surtout les cavaliers, dont la
marche est la plus pénible. Avant de commencer la partie, ré
servez-vous le droit de demander laposition des pièces, dans le
cas où vous seriez partrop embarrassé, mais continuez toujours
la partie. Peu à peuvous renoncerezà cet avantage.- Commen
cez par vous servir d'un échiquier sans pièces, tandis que votre
adversaire jouera sur un autre échiquier avec toutes ses pièces.
Il déclare son coup, et vous répondez les yeux sur votre échi
quier vide. - Peu à peu substituez un échiquier plus petit, puis
un simple carré de papier, etc., etc.- La manière de décrire les
coups devrait être celle qui est adoptée dans le Palamède.-Ce
n'est pas assez de dire : « Le pion avance », mais la case d'oùil
part devrait être nommée aussi bien que la case où il arrive--
De même encore, si votre adversaire annonce : « Le fou prend
le fou », vous avez le droit de faire annoncer en même temps
les cases.
« Jouez d'abord douze ou quinze coups à l'aveugle, et continuez
ensuite la partie sur un échiquier de la manière ordinaire.
« Placez les rois avec quelques pions dans une position donnée,
essayez de jouer sans regarder.- Il aurait atteint la perfection
du genre, celui qui pourrait donner échec et mat de cette ma
nière avec le fou et le cavalier, ou qui pourrait manœuvrer la
tour et lefou contre la tour, de manière à gagner une des po
sitions où le gain de la partie est possible. Voilà l'exercice qu'il
faut faire.
« C'est une erreur de croire qu'en jouant sans voir l'échiquier.
la personne doit former mentalement une représentation visible
de la table et des pièces, et qu'ellejoue d'après cela : non, il n'en
cst pasainsi, mais c'est plutôt acquis par une sorte de sentiment
ou d'instinct dans l'esprit et en dehors de la situation , si je puis
m'exprimer ainsi. Cette explication n'est pas aussi claire que je
le voudrais, mais la nature du sujet ne comporte pas de défini
1ion plus claire, comme beaucoup d'autres sujets métaphysiques.
- Quand le jeu devient obscur, et que la position relative des
pièces commence à se brouiller dans votre esprit, il n'y a pas
d'autre remède que de recommencer la partie, et d'en reprendre
le fil jusqu'aupoint où vous avezété arrêté; ne vous souciez ni
d'être long, ni d'ennuyer votre adversaire par vos longueurs ;
ne jouez pas pour faire parade de votre vitesse : la partie est
assez difficile sans cela.-Vous devez connaître parfaitement le
nom de chaque case de l'échiquier ; il vous faut connaître aussi
si sa couleur est noire ou blanche. Rappelez-vous que la der
nière case du coin le plus bas àvotre droite est toujours blanche:
cela vous mettra en état de suivre la couleur des cases.-Deplus,
vous devez connaître quelles sont les cases qui se suivent en
droites lignes, et quelles sont celles qui sont en lignes obliques,
les premières étant toujours de couleur différente alternative
ment, et les dernières de même couleur. L'exacte situation de
chaque pièce ou pion, aussibien que des cases autour, doit être
/ /

dans votre esprit; vous devez, en outre, vous rappeler chaque


point que pièces et pions attaquent.
« Avant et après chaque échange de pièces ou de pions, exa
minez bien les situations des pièces et pions qui restent, et ne
continuez que quand vous en êtes parfaitement sûr.
« Rappelez-vous que les fous gardent toujours la même couleur,
tandis que les cavaliers vont toujours d'une couleur à l'autre ;
c'est un point très-important. - Généralement parlant, il faut
roquer le plus tôt possible, et roquer avec la tour du roi, de pré
férence à l'autre. -
« Le roi, dans le milieu de l'échiquier, commande huit cases ;
quand il est placé à l'un ou l'autre des quatre coins, il n'en com
mande que trois.A toute autre case de la ligne extérieure,il en
commande cinq :donc, il peut toujours jouer sur huit, cinq ou
trois cases, si la position des pièces le permet.-La reine est une
combinaison de la tour et du fou. Au milieu de l'échiquier, elle
commande vingt-sept cases ; en d'autres positions, ce nombre
est réduit, mais doit s'apprendre par cœur dans tous les cas.
Toute pièce qui attaque la reine doit se mettre par là en prise
de cette pièce importante, excepté le cavalier. Le roi adverse ne
peut approcher la reine qu'à une distance moindre d'une portée
de cavalier.- Le mouvement de la tour estplus facile à suivre
sans échiquier que celui du fou, puisqu'il est beaucoup moins
difficile de calculer les opérations en droite ligne qu'en diago
nale. La tour a ceci de particulier, qu'elle commande toujours
le même nombre de points. Placez la tour dans une position
quelconque ; elle peut être jouée à quatorze cases. Les deux
tours peuvent se soutenir l'une par l'autre, ce qui double leur
force ; il n'en est pas de même des fous : ils ne peuvent se sou
tenir ou se doubler. Le fou, dans le centre exact de l'échiquier,
commande treize cases ; sa puissance diminue graduellement
comme il approche les côtés. Dàns les angles, lefou ne commande
que sept cases. Il est important de se rappeler qu'à chaque case
où le fou est mis, il monte ou descend un rang sur l'échiquier.
-Le cavalier est la pièce la plus difficile à jouer, et demande
une attention proportionnée à ses facultés et qualités. Les deux
cavaliers peuvent se défendre réciproquement l'un par l'autre,
à peu près comme les tours. Au centre de l'échiquier, le cavalier
commande huit cases ;plus près des côtés, il en commande six ,
et seulement deux à l'une des cases de coin. Calculez la manière
– 44 1 -
la plus prompte d'attaquer un certain point avec un cavalier
éloigné. Le cavalier peut être jouéà une case quelconque don
née, de tous les points du tablier, dans un nombre de mouve
ments qui n'excède pas six. Le cavalier ne peut pas, en moins
de deux coups, attaquer une case d'une couleur différente de
celle sur laquelle il se trouve.-Le calcul des mouvements et po
sitions des pions est difficile, parce qu'on est sujet à les oublier
quand on joue sans échiquier. Le pion, quand il prend, a la
marche du fou, et par conséquent, s'il continue deprendre, il
va sur des cases de même couleur. Mais , dans sa marche ordi
naire, il va alternativement sur une case de couleur différente,
excepté quand on lui fait faire deux pas à la fois dans le premier
mouvement. Ces petites distinctions sont d'une très-grande im
portance quand on joue sans voir les pièces.
« Donnez la préférence à un début d'attaque plutôt qu'à unjeu
serré, et prévenez la complication du jeu par le moyen des
échanges. L'attaque estplus facile que la défense : c'est l'inverse
de la partie ordinaire, où il est certain que l'attaque est ce qui
s'apprend en dernier lieu. - Les fins de partie sont plus diffi
ciles à conduire que les débuts, dans le jeu sans voir. - Ne
visez pas à un jeu brillant ; mais, si vous obtenez un avantage,
contentez-vous deprendre les pièces de votre adversaire. Il vaut
mieux mater en douze coups que de le tenter en trois, au risque
de perdre la partie.-Sivous avez une galerie, priez-la de garder
le silence, s'il est possible, ou d'éviter tout chuchotement, ce qui
brouillerait bientôt vos idées.- L'effort de jouer deux parties à
la fois, l'une sans échiquier et l'autre avec l'échiquier, est plus
difficile en apparence qu'en réalité, parce qu'il n'est pas impos
sible de vous aider en quelque sorte de l'échiquier quevous
avez sous les yeux pour celle où vous en êtes privé.J'aivu une
fois un amateur qui prétendait jouer sans échiquier, mais qui
avait un petitdiagrammereprésentantl'échiquierfixé à sa montre.
Alors, sous prétexte de regarder l'heure, il regardait son petit
tableau, ce qui suffisait pour le guider. Mais un tour pareil est
plutôt un escamotage dans le jeu que le jeu même.-Le secours
d'un tapis divisé en cases carrées, une fenêtre distribuée en pe
tits carreaux de verre, ou d'autres imitations de l'échiquier,
peuvent aider ou faciliter le joueur dans certaines difficultés,
telles que la position relative d'un cavalier, etc., etc.
« Il serait aisé d'étendre beaucoup plus loin ces remarques et
34
– 442 -
directions, mais j'excèderais les limites que m'impose la forme
de ce premier essai.Si ce que je présente est accueilli favorable
ment par l'honorable société à laquelleje le dédie, comme par
les lecteurs du Palamède en géneral, j'aurai beaucoup de plai
sir à continuer une série de lettres sur les échecs. Il existe beau
coup de points de pratique et de sujets relatifs à l'histoire du
jeu, qui s'adaptent fort bien à des feuilles périodiques, quoique
à peine assez importants pour prendre la forme de publications
séparées. Peut-être aussi l'exemple d'un étranger venant offrir
le faible tribut de ses connaissances au trésor commun,peut
être le moyen d'amener de plus précieuses contributions de la
même manière. Les joueurs d'échecs devraient être tous comme
frères, pendant qu'ils sont liés par une chaîne si précieuse,
et ce sera l'un des plus grands avantages du Palamède, de
devenir un point intermédiaire au moyen duquel les joueurs
d'échecs du monde entier pourront correspondre et se commu
niquer leurs idées.
« Messieurs les membres du club des échecs de Paris et frères
en échecs, que votre institution puisse continuer à prospérer,
qu'elle se perpétue sur une base aussi ferme, aussi solide, que
le mérite ce jeu si beau que nous pratiquons en commun! tel
est mon vœu le plus sincère.
« J'ai l'honneur d'être, avecun profond respect,
« Messieurs,
« Votre très-humble serviteur,
« George WALKER.
« Londres, 7 janvier 1837. »
-

Nous terminerons cet article en donnant à nos lecteurs trois


parties qui ont été jouées, en même temps et sans voir l'échi
quier, par Philidor, le 8 mai 1783.
Ces parties sont fort belles, et nous ne pquvons nous lasser
d'admirer le talent et la puissance de mémoire que notre grand
maître y a déployés.
PREMIÈRE PARTIE.

Le premier adversaire de Philidor était le comte Bruhl, qui avait l'avantage


du trait.

BLANCS. NOIRS,
1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le F du R à la 4 c. du F de la D.| 2 Le P du F de la D une c.
3 La D à la 2 c. de son R. 3 Le P de la D une c.
4 Le P du F de la D une c. 4 Le P du F du R 2 c. -
5 Le P de la D une c, 5 Le C du R à la 3 c. de son F.
6 Le P du R prend le P (a). 6 Le F de la D prend le P.
7 Le P de la D une c. 7 Le P du R une c.
8 Le F de la D à la 5 c. du C du R. | 8 Le P de la D une c.
9 Le F du R à la 3 c. du C de la D. 9 Le F du R à la 3 c. de sa D.
1o Le C de la D à la 2 c. de sa D. n o Le C de la D à la 2 c. de sa D. .
11 Le P de la T du R une c. 1 1 Le P de la T du R une c.
12 Le F de la D à la 3 c. du R, 12 La D à la 2 c. de son R( ).
13 Le P du F du R 2 c. (c). 13 Le P de la T du R une c.
14 Le P du F de la D une c. 14 Le P de la T de la D une c.
15 Le P prend le P. 15 Le P prend le P.
16 La D à la 2 c. du F du R. 16 Le R roque avec sa T.
17 Le C du R à la 2 c. du R. 17 Le P du C de la D 2 c.
18 Le R roque avec sa T. 18 Le C de la D à sa 3 c.
19 Le C du R à sa 3 c. 19 Le P du C du Rune c.
2o La T de la D à la c. de son F. 2o Le C de la D à la 5 c. de son F.
2 1 Le C du R prend le F. 21 Le P prend le C.
22 La D donne échec. 22 La D couvre.
23 La Dprend la D. Échec. 23 Le R prend la D.
24 Le F du R prend le C. 24 Le P du C de la D prend le F.
25 Le P du C du R une c. 25 La T de la D à la c. de son C.
26 Le P du C de la D une c. 26 Le F à la 6 c. de la T de la D.
27 La T de la D à la 2 c. deson F. 27 Le P prend le P. -
28 Le P prend le P. , 28 La T du R à la c. du F de la D.
29 La T prend la T. 29 La T prend la T.
3o La T à la c. de la T de la D. 3o Le F à la 5 c. du C de la D.
31 La T prend le P. 31 La T à la 6 c. du F de la D.

(a) Grande faute qui établit au centre les P de son adversaire.


(b) Les blancs, en débutant mal, ont enfermé deux de leurs pièces pendant plu
sieurs coups, le C et la T du R.
(c) Ce coup donne un P passé aux noirs, Il est très-mauvais,
– 444 -
BLANCS. NOIRS .

32 Le R à la 2 c. de son F. 32 La T à la 6 c. de sa D.
33 La T'à la 2 c. de la T de la D. 33 Le F prend le C.
34 La T prend le F. 34 La T prend le P du C de la D.
35 La T à la 2 c. du F de la D. 35 Le P de la T du R une c.
36 La T donne échec. 36 Le R à la 3 c. du C.
37 Le P prend le P. 37 Le C à la 4 c. de laT du R.
38 La T à la 7 c. de sa D. 38 Le C prend le P.
39 Le F prend le C. 39 La T à la 6 c. du F du R. Échee.
4o Le R à la 2 c. de son C. 4o La T prend le F.
41 La T prend le P. 41 La T à la 6 c. du F du R.
42 La T à la 8 c. de sa D. 42 La T à la 6 c. de sa D.
43 Le P de la D une c. 43 Le P du F du R une c.
44 Le P de la D une c. 44 La T à la 7 c. de sa D. Échec.
45 Le R à la c. de son F. 45 Le R à la 2 c. de son F.
46 Le 1 P doublé une c. 46 Le P du R une c.
47 Le 1 P doublé une c. 47 Le P du F du R une c.
Les blancs abandonnent la partie.

DEUxIÈME PARTIE.

Jouée contre M. Bowdler, qui avait le trait.


BLANCS. NoIRs.
1 Le P du R 2 c. n Le P du F de la D 2 c. (a)
2 Le Fdu R à la 4 c. du F de la D. 2 Le P du R une c.
3 La D à la 2 c. de son R. 3 Le C de la D à la 3 c. de son F.
4 Le P du F de la Dune c. 4 Le P de la T de la D une c.
5 Le P de la T de la D 2 c. 5 Le P du C de la D une c.
6 Le P du F du R 2 c. 6 Le P de la D une c.
7 Le C du R à la 3 c. de son F. 7 Le C du R à la 2 c. de son R.
8 Le F du R à la 2 c. de la'T de la D. 8 Le P du C du R une c.
9 Le P de la D une c. 9 Le F du R à la 2 c. de son C.
1o Le F de la D à la 3 c. de son R. 1o Le P de la D une c.
11 Le C de la D à la 2 c, de la D. 1 1 Le R roque.
12 Le R roque avec sa T. - 12 Le P du F du R 2 c.
13 Le P du R une c. 13 Le P de la T du Rune c.
14 Le P de la D une c. n4 Le P du F de la Dune c.
15 Le P du C de la D 2 c. 15 Le P du C de la D une c.

(a) Il est avantageux pour celui qui joue sans voir l'échiquier de varier ses dé
buts.
– 445 -
BLANCS. NOIRS,

16 Le F du R à la c. du C de la D. 16 Le F de la D à la 2 c. de sa D.
17 Le F du R à la 2 c. du F de la D. 17 La D à la 2 c. de son F.
n8 Le P de la T du R une c. 18 Le R à la 2 c. de sa T.
19 Le R à la 2 c. de sa T. 19 Le C de la D à la 2 c. de sa T.
2o Le P du C du R 2 c. 2o Le P du C de la D prend le P.
21 Le F du R prend le P. 21 Le C de la D à sa 4 c.
22 Le F du R prend le C. 22 Le F prend le F.
23 La T du R à la c. du C du R. 23 La T du R à la c. du C du R.
24 La T du R à la 3 c. du C du R. 24 Le P de la T de la D une c.
25 Le P du C de la D prend le P. 25 La T de la D prend le P.
26 La T du R à la c. du C du R. 26 La T du R à la c. de la T de la D.
27 La T de la D prend la T. 27 La D prend laT.
28 La T à la c. du F de la D. 28 La D à la 6 c. de sa T.
29 Le C de la D à la c. du F du R. 29 La D à la 6 c. de son C.
3o La D à sa c. 3o La T donne échec.
31 Le F à la 2 c. de sa D. 31 La D prend la D.
32 La T prend la D. 32 Le F à la 5 c. de la T de la D.
33 La T à la c. du C de la D. 33 Le F à la 6 c. du C de la D.
34 Le R à la 3 c. de son C. 34 Le C à la 3 c. du F de la D.
35 Le C de la D à la 3 c. du R. 35 Le F du R à sa c.
36 Le F de la D à sa c. 36 Le F du R à la 6 c, de la T de la D.
37 Le P de la T du R une c. , 37 Le F prend le F.
38 La T prend le F. 38 Le C à la 2 c. de son R.
39 Le P de la T du R une c. 39 LaT à la 7 c. de son R.
4o La Tà la c. de son R. 4o La Tprend laT.
41 Le C prend la T. 41 Le P du F du R prend le P.
42 Le R prend le P. 42 Le C à la 4 c. du F du R.
43 Le C prend le C. 43 Le P du C prend le C. Échec.
44 Le R à la 3 c. de son C. 44 Le F à la 8 c. de sa D.
45 Le C à la 3 c. du F du R. 45 Le F prend le C.
46 Le R prend le F. 46 Le Rà la 2 c. de son C.
47 Le R à sa 3 c. 47 Le R à la 2 c. de son F.
48 Le R à la 2 c. de sa D. 48 Le R à sa 2 c.
49 Le R à la 2 c. du F de la D. 49 Le R à la 2 c. de sa D.
5o Le R à la 2 c. du C de la D. 5o Le R à la 3 c. du F de la D.
51 Le R à la 3 c, de la T de la D. 51 Le R à la 4 c. du C de la D.
Partie remise.
- 446 -

TRoISIÈME PARTIE.

Jouée contre M. Mazères, Philidor donnant le P et trait.

(Il faut ôter le P du F du R des noirs.)

BLANCS . N0IRS,

Le P du R 2 c, Le C du R à la 3 c. de sa T.
Le P de la D 2 c. 2 Le C du R à la 2 c. de son F.

Le F du R à la 3 c. de la D. 3 Le P du R une c.
Le C du R à la 3 c. de son F. 4 Le P de la D 2 c.
Le P du R une c. 5 Le P du F de la D 2 c.
Le P du F de la D une c. 6 Le C de la D à la 3 c. de son F.
Le F de la D à la 3 c. du R. 7 Le P du C de la D une c.
Le F du R à la 5 c. du C de la D. 8 Le F de la D à la 2 c. de la D.
9 Le P de la T de la D 2 c. 9 Le P de la T de la D une c.
I O Le F du R à la 3 c. de la D. IC) Le P du C du R une c.
1 I Le R roque. 1I La D à la 2 c. de son F.
La D à la 2 c. de son R. I 2 Le P du F de la D une c.

13 Le F du R à la 2 c. du F de la D. 13 La T de la D à la c. de son C.
14 Le C de la D à la 3 c. de sa T. 14 Le F du R à la 2 c. de son R.
15 Le P de la T du R une c, 15 Le R roque.
16 Le C du R à la 2 c. de sa T. 16 Le P du C de la D une c.

17 Le P prend le P. 17 Le P prend le P.
18 La D à la 4 c. du C du R, 18 Le R à la 2 c. de son C.
19 Le P du F du R 2 c. 19 Le C du R à la 3 c. de sa T.
2O La D à la 3 c. du C du R. 20 Le C du Rà la 4 c. du F du R.
2I
Le F du R prend le C. 2 1
La T du R prend le F.
*) 2 La D à la 3 c. du F du R. 22 Le P du C de la D une c.
23 Le P prend le P. Le C prend le P.
24 Le P du C du R 2 c. 24 La T du R à sa c. du F du R.
25 La D à la 2 c. du C du R. 25 Le C à la 6 c. de sa D.
26 Le F de la D à sa c. 26 La D à la 3 c. de son C.

27 Le C de la D à la 2 c. de son F. 27 Le C prend le F.
28 La T de la D prend le C. 28 La D prend le P du C de la D.
29 Le C de la D à la 3 c. du R. 29 La D prend la D.
3o Le R prend la D. 3o La T de la D à la 6 c. de son C.
3 1 La T du R à la 3 c. de son F. La T de la D à la 6 c. de sa D.
3 » La T de la D à la c. dc la D. 32 Le F de la D à la 5 c. de sa T.
33 La T prend la T. 33 Le P prend la T.
34 Le C du R à la c, du F du R. 34 Le F du R à la 5 c. du C de la D.
– 447 -
BLANCS, NOIRS.

35 La T à la 2 c. du F du R. 35 Le F du R à la 6 c. du F de la D.
36 La T à la 2 c. de la T de la D. 36 Le F de la D à la 6 c. de son C.
37 La Tà la 2 c. de son F du R. 37 Le F prend le P.
38 La T à la 2 c. de la D. 38 La T prend le P.
39 La T prend le P. 39 Le F de la Dà sa 5 c.
4o Le C prend le F. 4o Le P prend le C.
41 LaTà la 3 c. du F du R. 41 La T prend la T.
42 Le R prend la T. 42 Le F prend le P.
43 Le R à sa 4 c. 43 Le Fdu R à sa 3 c.
44 Le C à la 3 c. de son R. 44 Le P du F de la Dune c.
45 Le R à la 3 c. de sa D. 45 Le R à la 2 c. de son F.
46 Le C à la c. de sa D. 46 Le R à sa 2 c.
47 Le C prend le P. 47 Le F prend le C.
48 Le R prend le F. 48 Le R à la 3 c. de sa D.
49 Le R à la 4 c. de sa D. 49 Le P du R une c. Échec.
5o Le R à sa 4 c. 5o Le R à sa 3 c. - -
51 Le P de la T du R une c. 51 Le P de la T du R une c. -
52 Le R à sa 3 c. -- 52 Le R à la 4 c. de sa D.
53 Le P du R une c. Échec.
53 Le R à la 3 c. de sa D.
54 Le R à sa 3 c. 54 Le R à sa 4 c.
55 Le P du C du R une c. 55 Le P de la T du R une c.
56 Le R à sa 2 c, - 56 Le R à la 5 c, de son F. -
57 Le R à la 2 c. de son F. 57 Le R à la 5 c. de son c. -
58 Le R à sa 3 c. 58 Le R prend le -
59 Le R prend le P. 59 Le R prend le P.
Les blancs abandonnent la partie.
- -
Les variantes qui suivent sont de l'invention de M. Macdo
nell. Elles sont fort ingénieuses; nous croyons en donner la vé
ritable défense.

premier bébut.
BLANCS. NOIRS .

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du Rà la 4 c. du F de la D. 4 Le P du Cdu R une c.
5 Le R roque. 5 Le P prend le C.
6 La D prend le P. 6 La D à la 3 c. de son F. .
7 Le P du R une c. 7 La D prend le P(a).
8 Le P du C de la D une c.(b) 8 La D prend la T.
9 Le C de la D à la 3 c. de son F. 9 Le Fdu R donne échec.
1o Le R à la c. de sa T. 1o Le C du R à la 2 c. de son R.
1 1 Le P de la D 2 c. 11 Le F prend le P. -
12 La D prend le P du gambit. 12 La Dprend le F de la D(c).
13 La D prend le F du R(d). 13 La D prend la T. Échec.
14 Le F prend la D. 14 La T du B à la c. de son F.
La position des noirs est gênée, mais ils ont deux tours et un cavalierpour
une dame, et par conséquent le meilleur jeu.

(a) Si les noirs ne prenaient pas le P, les blancs, en poussant le P de leur D 2 c.,
auraient beau jeu.
(b) Ce nouveau sacrifice est aventuré; il enferme la D, il est vrai, pendant plu
sieurs coups, et par conséquent enlève un puissant moyen de défense aux noirs,
mais il leur sera toujours possible de sacrifier leur D pour deux pièces, et ils reste
ront avec le meilleurjeu.
(c) Si les noirs avaient pris le C ils étaient échec et mat.
(d) Si les blancs avaient, au lieu de ce coup, pris tout de suite la D, les noirs au
raient pris avec leur F le C de la D, et ils auraient eu quatre pièces pour la D.
– 449 -

Deuxième bébut.

RLANCS, NOIRS,

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 4 Le Pdu C du R une c.
5 Le C de la D à la 3 c. de son F(a). 5 Le P prend le C.
6 La D prend le P. 6 Le P de la D2 c.(b).
7 Le F prend le P(c). 7 Le P du F de la D une c.
8 Le F à la 3 c. du C de la D. 8 Le F de la D à la 3 c. de son R.
9 Le F prend le F. 9 Le P prend le F.
1o La D donne échec. 1o Le R à la 2 c. de sa D.
1 1 Le P de la D 2 c. n 1 La D à la 3 c. du F du R.
12 Le P du R une c. 12 La D à la 4 c. du F du R.
13 La D à la 3 c. du F du R. 13 Le F du R à la 5 c. du C de la D.
14 Le F de la D prend le P. 14 Le C du R à la 2 c. de son R.
15 Le R roque avec sa T. 15 Le F prend le C.
16 Le P prend le F. p6 Le C de la D à la 3 c. de sa T.
Les noirs doivent gagner la partie.

( roisième bébut.

BLANCS . NOIRS •

1 Le P du R 2 c. 1 Le P du R 2 c.
2 Le P du F du R 2 c. 2 Le P prend le P.
3 Le C du R à la 3 c. de son F. 3 Le P du C du R 2 c.
4 Le F du R à la 4 c. du F de la D. 4 Le P du C du R une c.
5 Le C de la D à la 3 c. de son F. 5 Le P de la D 2 c.
6 Le F prend le P. 6 Le P du F de la D une c.
7 Le F du R à la 3 c. du C de la D. 7 Le F de la D à la 3 c. du R.
8 Le F prend le F. 8 Le P prend le F.

(a) Ce coup nouveau est fort ingénieux; il est dirigé contre la D à la 3 c. du F


du R, regardé comme le meilleur coup de défense.
(b) C'est le coup juste; dans cette position, la D jouée à la 3 c. du F du R eût été
très-mauvais. Pour voir l'attaque de cette variante, nous engageons nos lecteurs à
consulter le numéro 9 du Palamède.
(c) C'est la meilleure manière de prendre,
– 45o -
BLANCs. NOIRS,

9 Le C du R à la 5 c. de son R. | 9 La D donne échec.


1o Le R à la c. du F du R. 1 o Le P du F du R une c.
1 1 Le P prend le P. 11 Le C du R à la 3 c. de son F.

Dans cette position les noirs doivent gagner.


En ne prenant pas le C dans cette position on acquiert une très-bonne at
taque.
- 451 -

DU JEU DE BILLARD.

Le Palamède, sans renoncer à sa spécialité, ayant promis de


passer en revue les jeux les plus en vogue, ne pouvait omettre
le billard, car s'il est en France quelque chose qui soit vraiment
en progrès, c'est bien ce jeu, dont le goût est maintenant ré
pandu dans toutes les classes de la société. -
Le jeu de billard remonte très-loin dans nos annales, et, sans
lui préciser une origine certaine, nous voyons que sous Char
les VI il fut placé au nombre des jeux défendus ; et sous Fran
çois I° une salle à Fontainebleau fut destinée à son usage ; nous
voyons encore dans les Mémoires de Saint-Simon que le grand
roi aimait avec passion le billard, et qu'ily était d'une certaine
force; s'il faut même en croire le caustique frondeur, le premier
ministre Chamillard, le successeur des Louvois et des Colbert,
ne dut son élévation qu'à son habileté à cejeu, ce qui lui avait
acquis les bonnes grâces de Louis XIV.
Plus récemment , un autre ministre, l'élégant de Calonne,
encourut la disgrâce de la cour, pour s'être servi en jouant, à
Versailles, d'une queue en bois de sandal spécialement réservée
à la belle etinfortunée Marie-Antoinette; maisà cette époque ce
jeu n'était réservé qu'aux riches et auxpuissants, aussi était-il
qualifié de noble jeu.
Maintenant il a pénétré dans toutes les classes de la société,
il est devenu le délassement du riche et du pauvre.
Pendant une longue période de temps, le billard est resté sta
tionnaire; on a jouépendant plus d'un siècle la partie française,
dite le méme, en vingt-quatre points ;il ne fallait alors qu'un coup
d'œil juste pour faire entrer une bille rouge ou blanche dans une
blouse large et facile; le carambolage était très-rare, et le coup
le moins apprécié ; toute la science de ce jeu consistait à faire
parcourir aux billes la ligne la plus droite et la plus directe d'un
point du billard à l'une des six larges blouses. Ce jeu, âgé de
quelques siècles, était naguère encore dans l'enfance.
« Enfin Malherbe vint, »
ou plutôt M. Maingot est arrivé de la Provence à Paris pour y
opérer une révolution bien innocente du reste, mais bien com
- 452 - -
plète , bien radicale. Cet homme s'est dit : « En frappant une
bille d'ivoire avec une queue en bois, je ne puis imprimer à cette
bille que des mouvements secs, plus ou moins rapides, mais
toujours droits ou à angles droits; que si, au contraire, j'attaque
cette bille avec un corps élastique, je communiquerai l'élasticité
à cette bille , et lui ferai parcourir non plus seulement des lignes
droites, mais des convexes, mais des courbes, mais des rétro
grades. » Il dit, et recouvrit l'extrémité d'une queue d'un mince
morceau de cuir,et dès lors un grand problêmefut résolu, mille
combinaisons inconnues jusque-là surgirent sur le tapisvert
du billard ; ce jeu devint alors un art. Pour augmenter les diffi
cultés, et partant le plaisir, les blouses, jusqu'ici assez larges pour
pouvoir contenir et la bille d'ivoire et la main qui devait la reti
rer, n'eurent plus que la circonférence sphérique et exacte de
la bille même , une soupape à bascule l'offrit officieusement
au joueur. De ces deux inventions date donc le vrai jeu de billard.
Les Spolard, les Jacfier, les Collé, les Dolleys s'étaient fait, avant
M. Maingot,une certaine réputation, mais qu'ils se trouveraient
petits et humiliés, ces grands joueurs, avec leur queue sèche en
bois, contre nos illustres modernes armés dela queue à procédés,
et sur des billards à petites blouses! Il ne s'agit plus maintenant
de faire entrer une bille dans une des six tracées, la classique
partie du méme n'est plus de mode, c'est le doublet qui règne de
nos jours, c'est le romantique carambolage qui tient le sceptre ;
il n'est plus maintenant de positions nulles au billard, nos ha
biles trouvent à faire des points partout, et quelque bizarre que
soit la position des billes, tout est soumis à l'imagination du
joueur, et la bille docile suit aveuglément l'impulsion de sa vo
lonté; un morceau de cuir, un peu de craie et un homme à ta
lent ont opéré tous ces prodiges.
Honneur donc à M. Maingot ! Dès qu'il eut fait ses premières
découvertes il en tira lui-même tout le parti possible; doué d'un
coup d'œil rapideet d'une main sûre, il porta de suite le jeu de bil
lardpresque aupoint deperfection où nous le voyonsaujourd'hui;
il ouvrit la carrière et la parcourut à pas de géant : surses traces
s'élancèrent d'habiles joueurs. MM.Noël, Charrié, Auguste,etc.,
ajoutèrent aux découvertes du nouveau Galilée.
M. Noël, quitint long-temps le sceptre, n'a encore rien perdu
de son jeu élégant et précis ;personne ne possède à un plus haut
degré la connaissance du billard.
– 453 -
M. Carriése fait aussi admirer des connaisseurs par son jeu
correct et pur.
Ces professeurs eurent bientôt des élèves qui les rivalisèrent,
et nous voyons, dans cette bienheureuse année 1837, réunis à
Paris les plus illustres joueurs de billard, à leur tête le plus jeune
et le plus habile de tous, M. Eugène, ce virtuose est aujourd'hui
le joueur à la mode , les établissements publics et les salons les
plus élégants se l'arrachent, et partout où il joue la foule l'ac
compagne et l'applaudit. Après lui, MM. Sauret, Lepaysan ,
Bedock, Constant, etc., rivalisent d'adresse et de talent. Rien de
plus curieux que de voir jouer ces habiles, et l'on ne peut
comprendre à quel degré d'adresse et de précision il faut attein
dre , pour opérer les effets merveilleux qu'ils exécutent.
Outre ces maîtres , Paris possède des amateurs de première
force , MM. de Nanteuil, James, Bouvard, Berthoud, Char
tier , etc., se sontfait une réputation brillante à ce jeu d'adresse.
L'Angleterre, notre éternelle rivale, a, dit-on,uneillustration
à nous opposerà cejeu. M. Jonanthan de Brighton jouit dans
les trois royaumes d'une immense réputation , mais qu'il soit aussi
fort que M. Eugène, c'est ce dont il est permis de douter ;
au surplus, ces deux grandes célébrités ne peuvent manquer de
se mesurer un jour, quelques mots de défi ont déjà été pronon
cés , le gant n'est pas encore jeté , mais le Pas de Calais est fa
cile à franchir , et si la lutte a lieu , ce sera, nous l'espérons,
une nouvelle palme à ajouter à celle naguère obtenue par nos
champions aux échecs.
Les amateurs du jeu de billard affluent depuis quelques jours
dans l'établissement de M. Noël, faubourg Montmartre, no 2 ,
pour y admirer un magnifique billard à table de fer: c'est le
premier de ce genre établi en France ; ce beau billard est d'une
justesse parfaite, les bandes sont établies aussi d'après un pro
cédé nouveau qui leur donne un surcroît d'élasticité.
– 454 -

SOLUTIONS DES PROBLÈMES DU NUMÉRO PRÉCÉDENT.

soLUTIoN Du N° LVII.
BLANCS. NOIRS .

1 Le C à la 2 c. de sa D. Échec. 1 Le R à sa 5 c.
2 La D à la 4 c. du F du R. Échec. 2 Le R prend la T.
3 Le C donne échec et mat.

soLUTIoN DU N° LVIII.

1 La D à la c. de son F. Échec. 1 Le R prend le C.


2 Le C à la 5 c. de son R. Échec. 2 Le R à la 5 c. de sa D.
3 La D à la 4 c. de son F. Échec. 3 Le R prend le C.
4 Le P donne échec et mat.
soLUTIoN DU N° LIX.
1 La T à la 8 c. du C du R. Échec. 1 Le R à la 5 c. de la T.
2 Le Fde la D à la5 c. du Cdu R.É. 2 Le R à la 5 c. du C.
3 Le C du R à sa C. Échec. 3 Le C prend le F.
4 Le F à la 3 c. de son R. Échec. 4 Le R à la 5 c. de la T.
5 Le F à la 2 c. du F du R. Échec. 5 Le C prend le F et donne échec et
Inat.

soLUTIoN DU N° LX.
1 Le F du R à sa 3 c. Échec. 1 La T prend le F.
2 La T à la 5 c. du R. Échec. 2 Le R à la 5 c. de son F.
3 La D à la 4 c. du R. Échec. 3 Le C prend la D.
4 La T à la 5 c. du F du R. Échec, 4 Le R prend la T.
5 Le C donne échec et mat.

soLUTIoN DU N° LXI.

1 Le C, qui se trouve à la 6 c. du 1 Le R à la 3 c. de la T.
R, à la 8 du F.
2 Le P du R une c. 2 Le R à la 4 c. de la T. .
3 Le R à la 7 c. du C. . 3 Le R à la 4 c. duC.
4 Le C à la 7 c. de la T. Échec. 4 Le R à la 4 c. de la T.
5 Le C à la 6 c. du F. Échec. 5 Le R à la 4 c. du C.
6 Le P donne échec et mat.
– 455 -
soLUTIoN Du N° LXII.
BLANCS. NOIRS,

1 La D à la 8 c. de son C. Échec. 1 La T couvre l'échec.


2 La D à la 5 c. de son R. Échec. 2 La T couvre.

3 La T prend le P. Échec. 3 Le R prend la T.


4 La D à la 5 c. de la T du R. Éc. 4 Le R à la c. du C.
5 La D à la 8 c. du R. Échec. 5 Le R à la 2 c. de sa T.
6 Le C à la 6 c. du F. Échec. 6 Le R à la 3 c. de sa T.
7 La D à la 5 c. de la T de son R,
donne échec et mat.

SOLUTION DU N° LXIII.
1 Le P du F une C. 1 Le R à la 4 c. du C.
2 Le R à la 2 c. de la T(a). 2 Le P du C une c.
3 Le R à la 2 c. du C. 3 Le P du F une c.
4 Le R à la c. du C. 4 Le P de la Tune c.
5 Le R à la 2 c. de la T. 5 Le R à la 3 c. de la T.
6 Le P du F une c, 6 Le R à la 2 c. de la T.
7 Le P du C une c. 7 Le R à la c. du C.
8 Le P de la T une c. 8 Le R à la 2 c. de la T.
9 Le P du F une c., et le coup après
fait D.

VARIANTE A U 3e couP. .. . -
3 3 Le P de la Tune c, Échec.
4 Le R à la 3 c. du C. 4 Le P du F une c. Échec.
5 Le R à la 2 c. de la T. | 5 Le P du F une c.
6 Le R à la 3 c. du C. -
vARIANTE A u 7° coUP.
7 • • • - - . - • • - 7 Le R à la c. de la T.
8 Le P du F une c. 8 Le R à la 2 c. du C.
9 Le P du C une c. 9 Le R à la c. du F.
1o Le P de la Tune c. Gagné. 1o Le R à la 2 c. de la D.

vARIANTE AU 8° coUP.
8 Le P du C une c. 8 Le R à la c. de la T.
9 Le P du Fune c. 9 Le R à la 2 c. du C.
1o Le P de la T une c. 1o Le R à la c. du F.
1 1 Le P de la T une c. - 1 1 Le R à la 2 c. du C.
12 Le P de la T fait échec. 12 Le R prend la D.
13 Le P du F fait D et donne éc. et mat.

(a) Le R à la 2 c. du Cferait perdre la partie.


– 456 -

soLUTIoN DU N° LXIV.
BLANCS. NOIRS.
1 Le C donne échec. 1 Le R à la 3 c. de son F.
2 Le C à la 4 c. du F de sa D. 2 Le R à la 3 c. du C.
3 Le C à la 3 c. de son R. 3 Le P de la T une c.
4 Le P prend le P. 4 Le R à la 4 c. de sa T.
5 Le C prend le P et gagne.
I * VARIANTE.

1 Le C donne échec. 1 Le R à la 3 c. de la T.
2 Le Cà la 7 c. du F. Échec. 2 Le R à la 3 c. du C.
3 Le C à la 6 c. de sa D. 3 Le P de la Tune c.
4 Le P prend le P. 4 Le R à la 4 c. de la T.
5 Le C prend le P et gagne.
2* vARIANTE.

1 Le C donne échec. 1 Le R à la 3 c. de son F.


2 Le C à la 4 c. du F de la D. 2 Le R à la 3 c. de son C.
3 Le C à la 3 c. du R. 3 Le P du F de la D une c.(a)
4 Le C prend le P du F du R. 4 Le P du F de la D une c.
5 Le C à la 4 c. de la T. Échec. 5 Le R à la 3 c. de son F.
6 Le R à sa 3 c. et gagne.
Dans les planches qui suivent chaque pièce est désignée par
sa lettre initiale; les lettres à jourdésignent les pièces blanches.
Les blancs ont toujours le trait. Les coups n° LXV et LXXI sont
de l'anonyme de Modène ; le premier offre une position très-cu
rieuse : si les noirs avaient le trait ils donneraient aussi l'échec
et mat à leur adversaire en quatre coups, et les deux rois se
trouvent être mat à la même case. Les n° LXVII et LXVIII sont
de M. d'Orville, d'Anvers ; le n° LXVI est de Mendheim ; le
n° LXIX est d'un Indien qui croyait que le mat ne pouvait être
donné qu'en quatre-vingt-un coups, nous devons à M. Bolton
une solution qui permet de faire ce mat difficile en trente-neuf
coups ; le n° LXX est de M. Lewis, enfin le n° LXXII est de
M. Montigny, l'auteur des Stratagèmes des échecs.
Le rédacteur et gérant responsable,
DE LA BOURDONNAIS.

(a) Si le C prenait le P la partie serait remise.

PARIS. - Imprimerie de DEzAucHE, faub. Montmartre, a. 1 ».


Blanc.

Celui qui a le trait donne mat en quatre coups à son


adversaire. Les deux rois sont mat à la même case

Celui qui a le trait donne mat en cinq coups.

35
Mat en six comps

LXVIII.
Noir.

Iles blancs forcent les noirs à les faire mat en six


coups.
Blanc.
Les blancs donnent le mat avec le P du F de la D.
sans prendre aucun des P noirs, ni souffrir qu'ils
changent de place, en trente-neuf coups

Noir,

Les blancs gagnent.


| %| |* / /

Les blancs remettent la partie


TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES

DANS LEs DOUZE PREMIERS NUMÉROS.

Pages.
. .5
8-
Napoléon amateur d'échecs. . . . . . . . . .. .. . . . . . . . . . I2
14
n8
" •' • • • • • 23
Une partie d'échecs, poème par M. Méry. . . . . . . . . . .. . .
33
Problêmes I à IV (planches). .. . . .. . . .. . .. . . .. . .. . .. . . 37
41
" . . . 45
Seconde partie du défi par correspondance. . . . . .. . . . . . . . 5o
54
Du jeu des échecs des Indiens.. . . . . .. . .. . .. . .. . .. . . . . 6o
La dame et le pion, fable.. .. . . . . . . . . . . . . .. . . . . . - 69
- 72
Problêmes V à VIII (planches). . .. .. . . . . . . . . . . . . . . 75
Table des matières des deux premiers numéros. .. . .. . . . . .. . . 79
La vie et les aventures de l'automate joueur d'échecs. . . . . . . . 81
- e - s - - s - - s - - - 88
97
1 o5
Club des échecs. . .. . . . . • • • • • • • • • • • • • • • • • - 1o8
- 1o9
Défi par correspondance entre Londres et Paris. . .. . . . .. . . .. . 11 O
Au Bell's life in London.. .. . . .. . .. . . . . - -1I I
Solutions des problêmes V à VIII. .. . . . . .. . . . . .. . . .. . . - 1 14
1 17

Partie jouée par correspondance entre Londres et Édimbourg. .. . . . - 134


L'origine du jeu des échecs.. . . . .. . . . . .. . . . . . . . . : 138
– 462 -
Pages.
Mélanges et correspondance.. .. . .. . . . .. . . . . .. . . . . .. . n46
Biographie (Philidor). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Solutions des problêmes IX à XII. .. . . . . . . . . . . . . . . . 155
Problêmes XIII à XVI(planches). . . . . . . . . . . . . . . . 157
L'amour et le jeu des échecs. . . . . .. . . . . . · .* . . - · - 161
167
Défi par correspondance. . .. . . . . . . . . . . . - - - - s - - 178
179
181
Partie du Calabrois. . . . . . . . . . . .. . . .. . . . . . . . . 184
M. Saint-Amant à Londres. . . .. . . . . • • • • • • . • • • • • • • 186
Hommage au nouveau club des échecs. . .. . . . • • • « • • « - « « 92
Solutions des problêmes XIII à XVI. . .. . . . . . « .. : . .. .. .. 194
197
Une revanche de Waterloo. .. . . . .. . . . .. . . .. . .. .. , ... - - 2OO
2o4
2o8
Solutions des problêmes XVII à XX. .. . . . . .. . .. . . . . . . 2 17

Problêmes XXI à XXIV (planches).. . . . . .. . . . .


Revue générale. . . . . . . .. . .- • • • • • • • • « « •. . . . . 225
* - • • • •, . . .. . 236
Gambit du roi. . .. . . . . . . . . . . . - • • • • • • --. . .. . .. 246
Défi de M. Saint-Amant et de M. G. Walker. . .. . .. . .. , . . . 25o
Défi à pion et deux traits. . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . 256
Correspondance des départements (Bordeaux). . . .. . .. . . . . . 258
259
Problêmes XXV à XXXII (planches). .. . . . .. . . • • • • • « », 261
L'abbé Roman . . . . . .. .. . . • • • • • » • • • • • • • • • • 265
28o
. . - • • • • • « • . . 2b3
Défi entre M. Macdonnel et M. Frazer.. . .. . .. . . .. . . .. . . . 288
Défi à pion et deux traits.. . . . . . .. . . . . . . . . . . - . . . 292
Nouvel ouvrage sur le jeu des échecs. . . . . . . . . . . - . - . 295
Prenière leçon élémentaire. . . .. . . . . . . .. . . . . . . . . . 296
Solution des problêmes XXV à XXXII. .. . .. . . . .- . .. . ... . 298
Problêmes XXXIII à XL (planches).. .. . . . . .. . . . . . . . .. 3o1
La partie d'échecs du diable. .. . . .. . . . . . . . . • • • -- • • 3o5
Nouveau cercle des échecs. . . . . . . . . .. . . . . . . .. . . . 311
, .. 315
Défi entre M. Deschapelles et M. Lewis.. .. .. .. .. . . . .. 38
Correspondance. .. .. .. . . . . . .. • • • • • • • • • • • • • • * 323
Pages

*
Nouvelles règles du jeu des échecs. . . . . . . . . .. . . . . . . 334
Solutions des problêmes XXXIII à XL. .. . . . . . . . . .. . . . 338
Problêmes XLI à XLVIII (planches). . . . . . . . . . . . . . . 341
Une partie d'échecs entre Charlemagne et Garin de Monglave. .. . . . 345
Nouvelle notation. .. . .. . . - • • • • • • • • • • • • • • • • - 355
36o
363
Des cartes à jouer (second article). . .. . . . .. . . . . . . . . . 367
374
Solutions des problêmes XLI à XLVIII. .. . .. . .. . . . .. . .. . . 378
Problêmes XLIX à LVI (planches). .. . . . . . . . . . . . .. . . 381
385
387
Une partie d'échecs entre Philidor, Carlier et Bernard. . .. . .. , . . 388
393
Gambit Muzio.. .. . . . • • • • • • • • • • • .. • • • • • • • • • 394
Les cartes et les échecs.. .. . .. . . . .. . . . . .. . . . . - . . - 398
4o1
4o6
Du jeu de trictrac.. . .. . . - • • • • • - s - • • - - s - - a - 413
415
Solutions des problêmes XLIX à LVI. .. . .. . . . . . .. . . . . 419
Problêmes LVII à LXIV (planches). . . . .. . . .. . .. . . .. . . 421
A nos lecteurs. . . .. . .. . - . - . - - - . - - . - . - - . . - . 425
Une partie d'échecs entre MM. de Jouy et de La Bourdonnais. . . 427
Correspondance. . . .. . .. . . - - . - - . . - . - - . - • . .. . 431
Gambit Muzio. .. . .. . . .. . . . . - - - e - e - - - . . .. . .. 448
Sur le billard.. . . . . . . - • • • • • • • • • - - s - - e - - 451
Solutions des problêmes LVII à LXIV.. . . .. . .. . .. . . . .. . .. 454
Problêmes LXV à LXXII(planches). .. . .. .. . .. . . . » . .. .. . 457

FIN DE LA TABLE.
-
|

|
|

-
| --
| --
| -- -

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