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Problématique et définitions
par Michel CARTIER
Responsable du département Mécanique des surfaces et Tribologie de HEF R & D
(Hydromécanique et Frottement)
et Philippe KAPSA
Directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Directeur du laboratoire de Tribologie et Dynamique des systèmes, UMR CNRS 5513
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Rt µm Rugosité maximale
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■ L’étude des problèmes de frottement-usure en mécanique fait — l’industrie américaine a estimé, dans les années 1980, à 0,7 %
appel au concept de système tribologique (cf. [BM 5 066]) dont les de la consommation énergétique totale des États-Unis, les pertes
principales composantes sont les différents éléments en présence par frottement dans le système piston-segments-chemise des
(propriétés et interactions) et les variables opératoires (sollicita- moteurs à combustion interne en comptant que 3 % de l’énergie
tions). Les paramètres du contact, dont l’étude fait appel à des disci- fournie par le carburant y est dissipée.
plines aussi diverses que la mécanique, la métallurgie, la physique
du solide, la chimie, sont très nombreux et sont liés par un réseau de Les enjeux liés à une meilleure maîtrise des problèmes tribolo-
relations complexes. Aussi, les propriétés tribologiques, telles que giques concernent, en définitive, tous les gains induits par l’accrois-
les caractéristiques de frottement, la résistance à l’usure, ne sement des performances, de la longévité, de la fiabilité ainsi que
peuvent s’exprimer par des critères et valeurs simples, ni se modé- par la réduction des contraintes d’exploitation-entretien des compo-
liser facilement, contrairement à certains domaines telles que la sants et machines :
résistance des matériaux. La tribologie n’étant pas une science
exacte, il s’ensuit également que : — réduction des usures, des niveaux sonores, des temps de
rodage, des frottements (amélioration des rendements) ;
— la résolution des problèmes de frottement-usure ne repose
que sur des lois générales, souvent empiriques ; — accroissement des limites d’utilisation (vitesses, pressions de
— l’étude de ces problèmes, même au stade de l’approche indus- contact admissibles...), de la sûreté et de la fiabilité de fonctionne-
trielle (sélection, validation des solutions...), fait largement appel à ment, de la productivité... ;
l’expérimentation ;
— les résultats d’expérience sont difficilement extrapolables — conservation de l’intégrité des surfaces, par exemple qualité
d’une situation à l’autre. d’aspect des produits finis dans la mise en forme des matériaux ;
Malgré sa complexité, l’analyse du système tribologique consti- — maîtrise des frottements (frottement contrôlé) ;
tue l’outil de référence d’aide à la définition et à l’étude d’une confi-
guration de frottement. Cette analyse doit permettre en particulier : — simplification ou suppression du graissage ;
— d’exprimer rationnellement le cahier des charges du problème — espacement des opérations de maintenance, etc.
à résoudre, condition préalable à l’étape de recherche et de sélec-
tion des solutions possibles ; Les enjeux du frottement et de l’usure dans notre industrie néces-
— d’identifier les situations à risques, les probabilités d’incidents, sitent des efforts soutenus à plusieurs niveaux et notamment :
pour arrêter certains choix de conception ;
— d’appréhender les implications liées à telle ou telle option — sensibilisation à l’importance de la tribologie visant à la prise
technologique (conception géométrique, cinématique...). À cet en compte de cette problématique dans un projet mécanique, au
égard, il est important de prendre conscience que les matériaux ne même titre que les disciplines de base telles que la cinématique, la
constituent qu’une des composantes du système tribologique, c’est- résistance des matériaux ;
à-dire qu’une partie de la solution à un problème d’usure. De nom-
— élargissement et perfectionnement de la panoplie des solu-
breux exemples de la pratique industrielle montrent que des solu-
tions rationnelles (tant sur le plan des performances que sur l’aspect tions disponibles (matériaux, lubrifiants, traitements et revêtements
économique) peuvent être mises en place en agissant prioritaire- de surfaces...).
ment sur l’optimisation de la géométrie ou de la topographie
des contacts, sur une meilleure gestion du milieu environnant Ces efforts sont d’autant plus justifiés que notre civilisation tech-
(incluant la lubrification)... nologique, toujours plus exigeante du point de vue des niveaux de
performances, des durées de fonctionnement, des cadences, est
La principale difficulté à surmonter dans l’analyse d’un problème aussi soumise à d’autres contraintes conduisant souvent à accroître
tribologique réside dans la phase de hiérarchisation des paramètres la complexité des cahiers des charges, par exemple :
qui doit conduire à la définition des facteurs prépondérants, pour la
situation de frottement concernée. Cette démarche de travail, qui — optimisations économiques : simplification – voire suppres-
s’avère notamment indispensable lorsqu’une simulation expéri- sion – du graissage, utilisation de matériaux moins nobles ou de
mentale du problème est nécessaire, s’appuie en effet sur un raison- gammes de mise en œuvre simplifiées, mise en place de solutions
nement plutôt déductif, analogique, en prenant en compte des capables de satisfaire à plusieurs exigences (par exemple frotte-
informations plus souvent qualitatives que quantitatives. Cette par- ment + corrosion)... ;
tie de l’analyse sera toujours facilitée en utilisant les acquis anté-
rieurs et retours d’expérience, par exemple l’expertise des contacts — adéquation aux réglementations pour la maîtrise des ressour-
après fonctionnement en contexte réel. Dans les cas les plus diffi- ces énergétiques, la protection de l’environnement : réduction des
ciles, il pourra être utile de faire appel aux experts dont le métier nuisances sonores, de la pollution de l’air et des sols (ce qui suppose,
repose sur l’accumulation d’une certaine expérience dans la pra- en particulier, une meilleure gestion, voire l’élimination des lubri-
tique de cette démarche. fiants)...
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3. Définitions
3.1 Accommodation-adaptation
● La liaison qui s’établit entre les deux corps peut être telle que
l’interface est moins résistante que l’un ou l’autre des matériaux. La
3.2 Adhésion séparation se fait alors dans cette interface : c’est la rupture adhésive.
● Lorsque la liaison qui s’établit entre les corps est suffisamment
■ L’adhésion entre deux corps en contact peut avoir de multiples forte et que la force d’adhérence excède la résistance mécanique de
origines, allant des attractions purement électrostatiques (entre l’un des matériaux, la séparation s’effectue non plus à l’interface
charges électriques opposées) jusqu’aux liaisons de nature méca- mais par arrachement de ce matériau : c’est la rupture cohésive.
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C
Q
T A A R A
Q Q
H
B B B
3.3.1 Formulation
■ Soient deux corps A et B appuyant l’un sur l’autre avec une force
Q, et se mouvant l’un par rapport à l’autre en restant en contact. Le
cas le plus général est celui du « frottement de glissement »
(figure 3 a). Si l’on désigne par T la force tangentielle parallèle au
plan tangent commun à A et B, le coefficient de frottement de glis-
sement f est un nombre sans dimension :
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3.3.2 Coefficients de frottement statique En général, le coefficient de frottement statique est plus grand
et dynamique que le coefficient de frottement dynamique. Cette loi s’applique à
toutes les situations où, consécutivement à une immobilisation
sous charge (phase de repos), la composante de frottement due aux
Les forces tangentielles T (figure 3 a) prises en compte pour cal- forces d’adhérence devient prépondérante. L’immobilisation totale
culer les coefficients de frottement statique et dynamique corres- des surfaces ne représente en fait qu’un cas extrême du frottement
pondent respectivement : à très basse vitesse, qui favorise, par suite de l’augmentation du
— aux efforts résistants à vaincre pour provoquer le temps de contact en un même point, l’établissement de liaisons
mouvement ; interfaciales.
— aux efforts résistants à vaincre pour maintenir le mouvement à
vitesse constante.
3.3.5 Importance du coefficient de frottement
3.3.3 Origine des efforts résistants. Conséquences ■ Le coefficient de frottement est l’expression directe de l’énergie
pratiques dépensée qui se dissipe sous forme de chaleur. Cette énergie est
proportionnelle aux trois facteurs Q, v, f, correspondant respective-
ment à la charge, à la vitesse, au coefficient de frottement.
Les forces tangentielles opposées au déplacement trouvent leur
origine dans deux groupes de phénomènes qui agissent conjointe- Le réseau de contraintes mécaniques superficielles évolue dange-
ment dans la plupart des situations : reusement avec l’accroissement du coefficient de frottement.
— les phénomènes mécaniques : déformation des surfaces à Sauf cas particuliers de l’utilisation positive du frottement, par
échelle microscopique (rugosités) ou macroscopique (aire de exemple pour accroître les caractéristiques d’adhérence entre deux
contact) ; corps (mécanismes d’entraînement, assemblages frettés...) ou pour
— les phénomènes physicochimiques : liaisons interfaciales et absorber de l’énergie (freinage), on cherchera donc à abaisser le
forces d’adhérence entre les deux corps en présence. plus possible le coefficient de frottement.
Le coefficient de frottement n’est donc pas une propriété intrin- ■ Les fluctuations du coefficient de frottement peuvent être à l’ori-
sèque des matériaux, puisqu’il dépend de toutes les variables du gine d’instabilités de comportement agissant sur la précision des
système tribologique qui influent sur ces phénomènes. mouvements, la génération de vibrations et de bruits. Tel est le cas
De plus, le coefficient de frottement est le plus souvent une fonc- notamment de certains phénomènes de broutage (ou stick-slip), qui
tion aléatoire de la plupart des paramètres du contact. se manifestent plus particulièrement dans les situations où les
vitesses de déplacement sont faibles ou très faibles et la rigidité
Ainsi, par exemple, pour un couple de matériaux donnés frottant mécanique du contact insuffisante ; c’est-à-dire lorsqu’il y a défor-
à sec, le coefficient de frottement dépend des propriétés mécani- mations élastiques des composants, utilisation de matériaux visco-
ques, physiques, chimiques des surfaces qui évoluent elles-mêmes élastiques (par exemple frottement sur élastomère).
avec la charge, la vitesse, le produit pression × vitesse (température)
(cf. [BM 5 066]), l’ambiance... Pour résoudre ce genre de problème, les couples de matériaux
doivent être choisis parmi ceux procurant le coefficient de frotte-
Même pour une situation parfaitement définie (matériaux, sollici- ment statique le plus bas possible et plus particulièrement ceux
tations...), le coefficient de frottement est susceptible d’évoluer for- dont les énergies d’adhésion sont faibles [utilisation de matériaux à
tement au cours du temps sous l’effet des diverses transformations basse énergie de surface tels que le PTFE (cf. [BM 5 066])]. En
des surfaces et de l’interface. régime lubrifié, ces phénomènes peuvent être maîtrisés en utilisant
des lubrifiants additivés spécialement à cet effet (par exemple lubri-
fiants pour glissières de machines-outils).
3.3.4 Ordres de grandeur du coefficient
de frottement ■ La maîtrise du coefficient de frottement est un critère déterminant
pour la fiabilité et la sécurité de fonctionnement de certains compo-
sants tels que les assemblages frettés, vissés. Ainsi le rôle de cer-
Les ordres de grandeur du coefficient de frottement (glissement) tains traitements de surfaces est-il principalement dévolu au
sont présentés dans le tableau 1. contrôle des couples de serrage sur les éléments de visserie, de
(0)
boulonnerie...
• lubrifiants solides les plus ≈ 5 ⋅ 10 Ð2 Dans le cas particulier d’un contact surfacique non plan (paliers
performants cylindriques, rotules...), la surface prise en compte est la surface dite
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D
3.5 Contraintes résiduelles
Figure 4 – Surface projetée d’un palier
Les contraintes résiduelles sont les contraintes existant dans
une pièce au repos en l’absence de toute force extérieure ou
« projetée » ; dans ces exemples, elle correspond respectivement à d’inertie.
(figure 4) :
D·L
■ Les contraintes résiduelles de compression, appelées aussi
ou « précontraintes », résultent :
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Les effets d’étalement liés à la capillarité peuvent être mis en évi- ● Le second est réalisable avec l’emploi des additifs extrême-
dence en prenant en compte le facteur temps lors de la mesure des pression ou antiusure des lubrifiants, à condition bien sûr que les
angles de contact. conditions requises (température, réactivité des matériaux) soient
(0) satisfaites.
Tableau 2 – Contact lubrifié à l’eau (γ L ≈ 70 mJ · m− 2). de surfaces. Lorsqu’ils sont plus particulièrement dédiés à cette
fonction, les conditionnements peuvent mettre en œuvre des cou-
Rôle de l’énergie superficielle γS du solide ches consommables dont la durée de vie correspond en gros à la
durée du rodage. L’efficacité des traitements de surfaces du point de
Solide Géométrie du contact vue du rodage ne se juge donc pas en termes d’épaisseur ou de pro-
fondeur transformée, mais sur leur aptitude à améliorer les condi-
Polyéthylène brut tions de frottement dans la période initiale de fonctionnement :
(γS ≈ 35 mJ · m−2) θ = 75° protection des surfaces contre l’adhésion, accommodation, et, si le
frottement est lubrifié, adsorption – rétention des films lubrifiants.
γS < γL
3.10 Rugosité
Polyéthylène avec fartage
(semelle de ski) θ = 100°
Le lecteur pourra aussi se reporter à l’article Tolérances et écarts dimensionnels, géomé-
triques et d’états de surface [B 7 010] de ce traité.
3.9 Rodage
Défaut de forme
Le rodage est une phase cruciale dans la vie des mécanismes
puisqu’il correspond aux processus qui améliorent l’état géomé-
trique des pièces en mouvement et notamment la conformité des
surfaces, la rugosité, pour conduire à une situation stabilisée la plus
favorable possible du point de vue des conditions de frottement et Rugosité Ondulation
de la résistance à l’usure. Il permet par exemple la réduction des
pressions réelles de contact, l’amélioration de la lubrification, la for-
mation de films superficiels favorables. 2 500 à 800 2 500 à 8 000 Pas moyen (µm)
L’action du rodage sur la conformité des surfaces est également Rugosité Ondulation Défaut de forme
importante lorsque des fonctions d’étanchéité sont associées au
frottement (par exemple contact segment-chemise de moteur ou de
compresseur). Figure 6 – Classement des irrégularités de surface
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