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Histoire de la biologie

JEAN THÉODORIDÈS
Directeur de Recherche honoraire au CNRS.
Membre de la Royal Society of Medicine (Londres).
Ancien Président de la Société Française d'Histoire de la Médecine.

Sixième édition corrigée.


QUE SAIS-JE ?

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Du même auteur :
Zoologie
Contribution à l'étude des parasites et phorétiques de Coléoptères terrestres, Hermann, Paris, 1955.
Eugrégarines parasites de Coléoptères du Parc National Albert (avec P. JOLIVET), Bruxelles, 1959.
Faune terrestre et d'eau douce des Pyrénées-Orientales, fasc. 8 : Sporozoaires et Cnidosporidies, Hermann,
Paris, 1963.
Nématodes parasites et phorétiques d'Invertébrés, in : Traité de Zoologie, vol. IV, Masson, Paris, 1965.
Parasitology of marine zooplankton, Advances in marine Biology, 25, 1989.
Histoire des Sciences
Histoire de la Zoologie des origines à Linné (avec G. PETIT), Hermann, Paris, 1962.
Un grand médecin et biologiste : Casimir-Joseph Davaine (1812.1882), Pergamon Press, Oxford, 1968.
Stendhal du côté de la Science, Editions du Grand Chêne, Aran, 1972.
Alexandre de Humboldt, observateur de la France de Louis-Philippe, 1835-1847, Pedone, Paris, 1972.
Les sciences biologiques et médicales ü Byzance, C.N.R.S., Paris, 1977.
Un zoologiste de l'époque romantique, Jean-Victor Audouin (17971841), C.T.H.S., :ibliothèque Nationale,
Paris, 1978.
Constantin von Economo (1876-1931), The man and the scientist (avec L. VAN BOGAERT),
Osterreischische Akademie der Wissenschaften, Wien, 1979.
Histoire de la rage, Masson, Paris, 1986.
Des miasmes aux virus, Pariente, Paris, 1991.
La thèse prophétique d'Ernest Duchesne (1897) sur L'antagonisme entre les moisissures et les microbes
(présentation), Pariente, Paris, 1991.
Pierre Rayer (1793-1867) : un demi-siècle de Médecine française (sous presse).
ISBN 2 13 043930 6
Dépôt légal – 1ere édition : 1965 6eme édition corrigée : 1995, février
© Presses Universitaires de France, 1965, 108 boulevard Saint-Germain, 75006 Paris.
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NOTE DES ÉDITEURS
Maurice Caullery, membre de l'Académie des Sciences, avait tenu en des jours noirs, à être le premier
auteur de la collection «Que sais-je?», alors en projet et inconnue du public.
Son adhésion immédiate à une entreprise que le succès n'avait pas encore consacrée justifiait que son livre Les
étapes de la biologie, inaugurât une encyclopédie dont il ne cessa jusqu'à sa mort de suivre avec
amitié les progrès, qu'il appuya souvent de son autorité et à laquelle il apporta personnellement d'autres
précieuses contributions. Le présent ouvrage remplace par la force des choses celui paru en 1941 (et maintes
fois depuis réimprimé). Le nombre et l'importance des travaux publiés depuis cette date en matière
d'Histoire de la Biologie justifiaient la présentation au public d'une synthèse entièrement nouvelle sur ce
grand sujet.

INTRODUCTION :
Bien que le terme de Biologie ait été utilisé en 1802 simultanément par Lamarck et Treviranus, précédés par
Roose (1797) et Burdach (1800), l'étude de la vie et des êtres vivants avait déjà connu un passé de plusieurs
siècles.
De l'Antiquité au XVIIe siècle, la Biologie progressa à pas lents en raison de l'insuffisance des moyens optiques
pour observer les «infiniment petits» ou les fragments de tissus ou d'organes des êtres plus grands. L'invention
du microscope permit de combler cette lacune. En outre, dès le XVIIIe siècle, la Biologie devint expérimentale
et l'on voit se préciser à partir de 1850 les grands problèmes de la Biologie générale. La formulation de la
théorie cellulaire fera alors de la cellule l'unité de vie, tandis que de nos jours les perfectionnements de la
microscopie et de la chimie physique et biologique ont repoussé cette unité à l'échelle moléculaire.
Dans le présent ouvrage, de dimensions réduites, l'accent sera davantage mis sur la biologie animale et
humaine, l'histoire de la biologie végétale devant faire l'objet d'un autre volume de la collection «Que sais-je?».
Un dernier point : durant ces dernières années, diverses tendances se sont manifestées parmi les historiens des
sciences. L'historique d'une discipline scientifique doit-il être entrepris par des historiens, des philosophes ou
des spécialistes de cette discipline ? Sans vouloir ouvrir ici un débat, nous pensons personnellement qu'il est
impossible d'étudier correctement les étapes de la Médecine ou de la Biologie sans être soi-même médecin ou
biologiste, mais qu'il est d'autre part indispensable pour le faire d'avoir des bases historiques et philosophiques
suffisantes.

CHAPITRE PREMIER - LES ORIGINES


I. - La Préhistoire
L'homme du Paléolithique supérieur connaissait toute une faune habituée au climat froid : bouquetins, chamois,
rennes, antilopes saiga, mammouths, rhinocéros, ainsi que des espèces plus méridionales : lion, panthère, lynx,
hyène des cavernes, etc. Les steppes étaient parcourues par des troupeaux de chevaux sauvages, de bisons et
d'aurochs.

Non seulement l'homme préhistorique a laissé de ces animaux d'excellentes figurations sculptées ou peintes dans les
hauts lieux de l'art paléolithique que sont Lascaux, Le Mas d'Azil, Les Combarelles, Altamira, etc., mais il a su garder
dans ces représentations «une mémoire précise de la forme en mouvement » (G. Petit).

C'est ainsi que des observations biologiques intéressantes ont été faites sur ces espèces aujourd'hui disparues :
figurations de combats de mâles de bisons ou de rennes, de femelles gestantes de divers Mammifères bien
représentées, de bisons ou mammouths blessés perdant leurs intestins, des divers types de chevaux
préhistoriques (libyques, celtiques, nordiques, tarpans...) dont certains sont représentés en train de marcher, de
courir ou de hennir.
Certaines statuettes de l'Aurignacien représentent des formes humaines féminines dont les caractères sexuels
secondaires sont nettement exagérés. On a, semble-t-il, là les premières représentations plastiques du corps
humain.
Au Néolithique, l'homme est devenu cultivateur et éleveur et de nombreuses scènes de chasse sont les thèmes
des peintures rupestres du Levant espagnol ou d'Afrique. On y trouve figurées de nombreuses espèces
aujourd'hui absentes dans la même région, ce qui leur confère un caractère indiscutable de document
biogéographique.
Tout ceci montre que depuis les temps les plus reculés, l'homme s'intéressait au monde végétal et animal qui
l'environnait, pour assurer sa propre subsistance, par la chasse, la pêche, la culture et l'élevage. Comme l'a dit
Maurice Caullery: «Chacune de ces activités lui fournissait des connaissances d'ordre biologique fondées sur
l'observation et bientôt sur l'expérimentation.» En somme, tout comme Monsieur Jourdain, l'homme primitif
faisait de la biologie sans le savoir. D'autre part, il essayait de comprendre les problèmes posés par la maladie et
la mort, la médecine n'étant après tout autre chose qu'une partie de la biologie de l'Homo sapiens.
Ces notions empiriques allaient être précisées par les anciennes civilisations orientales.

II. - L'Antiquité orientale


1. La Chine. - A une période très reculée (de 4700 à 3000 av. J.-C.) les Chinois avaient déjà des connaissances
biologiques importantes sur divers animaux tels que les vers à soie, qu'ils élevaient en vue d'obtenir le précieux
textile. Ils s'intéressèrent également très tôt à d'autres insectes (cochenilles de la laque, grillons utilisés dans des
combats), à des Oiseaux employés pour la chasse et la pêche, aux Poissons (sélection de races à yeux
télescopiques et à queues multiples) et aux Mammifères domestiques dont la biologie était étudiée dans des
ouvrages zootechniques.
Enfin, de nombreux animaux et plantes sont cités, en raison de leurs propriétés thérapeutiques, dans les pen
ts'ao, traités de matière médicale. Dès le XIIe siècle, les Chinois savaient fabriquer les perles de culture en
introduisant des corps étrangers chez l'huître perlière. Les Chinois ont également donné les plus vieux schémas
connus d'anatomie humaine.

Pour eux, l'organisme se résumait à 5 organes (poumons, coeur, foie, rate, reins) en rapport avec les 5 éléments
cosmiques (bois, terre, métal, eau, fer) et 6 viscères (cholécyste, estomac, aesophage, intestin, vessie, 3 «cuiseurs»)
correspondant aux 6 émanations célestes. De plus, chaque organe était selon eux en rapport avec une «ouverture» (organe
des sens ou méat) reliant le monde organique au cosmique. Les organes et les viscères étaient unis par un système de 12
canaux pairs et symétriques où circulaient le «souffle vital», le yin (principe négatif femelle froid), le yang (principe
positif mâle chaud) et le sang.
Pour les Chinois, le transit du sang dans l'organisme se faisait d'une façon circulaire, ce qui a induit certains historiens
des sciences à affirmer qu'ils connaissaient la circulation du sang quarante siècles avant William Harvey. En réalité,
cette conception «n'a absolument rien d'harveyen et repose uniquement sur un rapport d'analogie, non démontré, mais
considéré comme évident, entre le cycle du sang dans les vaisseaux et celui des astres dans le ciel» (P. Huard).

2. L'Inde. - Les notions de Biologie humaine des anciens Indiens rappellent celles des Chinois : le corps humain
est composé de 5 éléments (terre, eau, feu, vent, espace) qui se retrouvent dans la nature. Les phénomènes
physiologiques sont expliqués en fonction de ces éléments (le vent serait le moteur premier de l'organisme, le
feu agit dans la digestion qui transforme les aliments, etc.).
Les anciens Indiens ont créé le terme de âyour véda (= science de la longue vie), que Filliozat propose de
traduire par «Biologie», car cette appellation désigne l'ensemble des phénomènes vitaux normaux ou
pathologiques. Leurs notions d'anatomie humaine étaient plus philosophiques que biologiques, mais la
chirurgie était chez eux assez avancée.
Les anciens Indiens avaient également des connaissances biologiques plus ou moins empiriques sur diverses
espèces animales utiles : exigences écologiques de la cochenille de la laque, croisements de divers
Mammifères domestiques, adaptation des poissons d'eau douce à leur habitat et observation de leurs périodes
de reproduction, etc. En outre, dans certaines de leurs classifications zoologiques, les anciens auteurs indiens
utilisaient des caractères biologiques, tels que le nombre de sens ou le mode de génération.

3. Le Proche-Orient. - La Mésopotamie fut le berceau des anciennes civilisations du ProcheOrient


(Sumériens, Babyloniens, Assyriens).
Les Sumériens pratiquaient la zootechnie (distinction de diverses races de chevaux, croisements entre cheval
et âne, etc.). Les Babyloniens avaient certaines connaissances biologiques : des modèles en terre cuite de
divers viscères (et notamment du foie) prouvent qu'ils pratiquaient la dissection des animaux. Pour eux, le
coeur était considéré comme le siège de l'intelligence et le foie comme celui de la circulation du sang qu'ils
divisaient en «clair» (artériel) et «sombre» (veineux). On trouve par ailleurs dans les tablettes cunéiformes
des listes de noms d'animaux et de plantes avec un rudiment de classification. Les Assyriens ont laissé sur
leurs bas-reliefs d'admirables représentations de fauves en mouvement ou blessés.
En Perse se manifesta très tôt une brillante civilisation et on trouve dans l'art Achéménide et »Sassanide
d'excellentes figurations d'animaux dont une classification est tentée dans l'Avesta, code sacerdotal du
Zoroastrisme. Quant à la Palestine, toutes les connaissances des anciens Juifs sont contenues dans leurs
livres sacrés : la Bible et le Talmud. On y trouve une distinction entre les quadrupèdes «purs» et «impurs»
pour ce qui est de l'alimentation ; les premiers ont le sabot fendu et ruminent et les seconds l'ont non fendu et
ne ruminent pas. La «rumination» du lièvre est également notée.
4. L'Egypte. - L'apport des anciens Egyptiens, dont on connaît bien la civilisation très avancée et raffinée, à
la Biologie consiste essentiellement en certaines connaissances en anatomie humaine et animale obtenues en
pratiquant l'embaumement des cadavres et en effectuant des interventions chirurgicales. Ils ont représenté
de plus avec une très grande fidélité divers animaux (Vertébrés et Invertébrés) dans leurs ceuvres d'art.
Ainsi, depuis une très haute Antiquité, les anciennes civilisations orientales avaient certaines connaissances
en Biologie, mais c'est dans la Grèce ancienne que cette science allait prendre son véritable essor.

CHAPITRE II - L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE


I. - La Grèce
1. Les Précurseurs. - Bien que la Grèce ait reçu d'Egypte et d'Asie une partie de ses matériaux intellectuels,
la culture hellénique représente la première systématisation de la science et de la philosophie.
Certains philosophes grecs s'occupèrent de questions biologiques, on les appelle les «physiologues».
Les plus anciens d'entre eux vivaient en Tonie, ainsi Anaximandre (vers 610 - 545 av. J.-C.) successeur de
Thalès de Milet et très lointain précurseur du transformisme. En effet, pour Anaximandre, la mer recouvrait
à l'origine toute l'écorce terrestre et c'est de l'élément liquide que naquirent les premiers Vertébrés couverts
d'écailles et semblables à des poissons qui s'adaptèrent graduellement à la vie terrestre. Toujours pour
Anaximandre : « l'homme a dû naître d'animaux d'une autre espèce ». On peut donc voir ici un rudiment de
la théorie de l'Evolution bien que ceci soit contesté par E. Mayr (1989).
Un autre représentant de l'Ecole ionienne : Héraclite d'Ephèse (vers 510 - 450 av. J.-C.) soutenait que la
mutabilité est l'essence même de l'existence.
D'autres savants grecs, la plupart médecins, vivaient dans le sud de l'Italie : Empédocle d'Agrigente (vers
492 - 430 av. J.-C.) a abordé dans ses poèmes diverses questions biologiques : distinction des caractères
sexuels, formation du foetus, respiration des animaux, etc. Il a, de plus, été l'un des premiers à rapprocher
les organes et les fonctions dans le règne animal et végétal (par exemple, les plumes et les écailles seraient
comparables aux feuilles et aux poils).
Pour lui, tous les phénomènes biologiques seraient régis par des causes mécaniques et des changements des
conditions du milieu qui ont imposé à l'être vivant une adaptation par des organes appropriés. Si ces
conditions changent, l'organe se modifie ou bien l'organisme doit en acquérir de nouveaux.
Empédocle est donc un précurseur de l'Ecologie, branche de la Biologie qui étudie les organismes en
fonction du milieu. Mais il a été encore plus loin : les êtres vivants inadaptés doivent périr et il y a là sous
une forme obscure un lointain pressentiment de la théorie darwinienne de la sélection naturelle.
Alcméon de Crotone (vers 500 av. J.-C.) s'occupa d'anatomie et de physiologie. Il aurait été un des premiers
Grecs à faire des dissections et peut-être même pratiquait-il la vivisection.
Pour lui, ce n'est pas le cceur qui est le siège de pensée et de la sensation comme le prétendaient les Grecs de
l'Ouest, mais le cerveau. Il étudia cet organe (ce qui fait de lui un des fondateurs de la Neurologie) et montra
les voies qui le relient aux yeux, découvrant probablement ainsi les nerfs optiques. Il découvrit également 2
000 ans avant Eustache le canal qui fait communiquer l'oreille moyenne avec l'arrière gorge (trompe
d'Eustache), ouvrit des oeufs d'oiseaux à divers stades pour observer le développement embryonnaire et
chercha à préciser le rôle du système nerveux dans la copulation.
Il faut aussi mentionner la célèbre Ecole médicale de Cos, dont le plus illustre représentant est Hippocrate
(vers 459-377 av. J.-C.), qui rédigea seul ou avec ses élèves un important recueil connu sous le nom de
Corpus hippocratique, où il est question de Biologie (anatomie, physiologie, embryologie) et de Médecine
(pathologie, gynécologie, diététique).
Selon les doctrines hippocratiques, le corps humain serait composé de quatre éléments : le feu, l'air, l'eau et
la terre auxquels correspondent le sang, le phlegme, la bile jaune et la bile noire, en relation chacun avec un
organe particulier (foie, poumons, vésicule biliaire, rate). C'est la théorie des quatre humeurs dont dériva
celle des quatre tempéraments (sanguin, phlegmatique, bilieux, cholérique).
En effet, pour Hippocrate, la santé résultait de l'équilibre des humeurs et si l'une ou l'autre était en excès ou
en défaut, le malade souffrait du trouble correspondant, les maladies étant également classées suivant ces
modalités.
L'anatomie hippocratique est assez rudimentaire, les dissections humaines étant alors très rares. Comme
physiologiste, il attribue à la respiration le rôle de refroidir le coeur qui serait pour lui le lieu de rencontre du
sang et de l'air, tandis que le cerveau était considéré comme une glande « humide » éliminant du corps le
mucus par l'intermédiaire du nez. On trouve cependant énoncé chez des auteurs hippocratiques plus tardifs
qu'il est le centre de la pensée, de la sensation et du mouvement. Les nerfs sont confondus avec les tendons,
parfois avec les veines, toutefois, certains nerfs cérébraux sont déjà décrits et nommés. L'épilepsie est
attribuée pour la première fois à des causes naturelles (lésion du cerveau) et non magiques et religieuses.
Pour ce qui est de l'hérédité, Hippocrate et ses disciples pensent que la semence provient de toutes les
parties du corps (théorie de la pangenèse qui sera encore soutenue par Darwin en 1868). Le développement
de l'embryon humain est comparé à celui du poulet et le rôle des deux semences est reconnu dans la
formation de celui-ci.
Enfin, pour Hippocrate et son école, la Physiologie et la Biologie sont soumises à des lois immuables. Il faut
citer aussi les écoles médicales de Cnide et de Sicile.
2. Aristote. - Né à Stagire en Macédoine en 384 av. J.-C. et mort à Chalcis en 322 av. J.-C., Aristote est le
véritable fondateur de la Biologie en tant que discipline scientifique, bien qu'il ait été aussi un philosophe
formé à l'Ecole de Platon. Son progrès décisif sur ce dernier est d'avoir établi l'induction comme base de la
connaissance scientifique.
Ses principaux écrits biologiques sont : Histoire des animaux, Des parties des animaux, De la génération des
animaux, De l'âme. Il écrivit également un ouvrage d'anatomie et un traité de botanique qui se sont perdus
ainsi que les illustrations de ses ouvrages zoologiques.
Comme l'a bien dit M. Caullery : « Aristote imaginait la vie comme un principe immatériel animant la
matière et la nature ordonnée par une intelligence suprême en vue d'un but, d'où le rôle primordial des
causes finales. » C'est la notion d'entéléchie qui sera encore reprise au xixe siècle. Malgré
ce côté animiste et finaliste de ses conceptions biologiques, Aristote a été un remarquable observateur des
êtres vivants dans leur milieu et lorsqu'il ne pouvait les observer lui-même, il interrogeait des pêcheurs,
chasseurs, bergers, etc., pour obtenir des renseignements de première main.
Il a tenté de classer les quelque 400 espèces animales qu'il connaissait et dont il avait disséqué une
cinquantaine, les divisant en deux grands groupes : les enaima, pourvus de sang rouge (= Vertébrés) et les
anaima, qui en sont dépourvus (= Invertébrés). Sa conception de l'espèce (eidos) est encore actuelle, tandis
que son « genre » (gens) va du sous-genre au phylum actuels.
Comme morphologiste, il a établi le premier le principe d'homologie structurale s'opposant à la simple
analogie fonctionnelle.
Ses observations anatomiques ou éthologiques sur des animaux terrestres ou aquatiques (Mollusques,
Poissons) sont remarquables et certaines n'ont été confirmées qu'au siècle dernier (ainsi les mœurs du
Siluridé Parasilurus aristotelis mâle surveillant ses orufs, la pseudo-placentation du squale Mustela laevis, la
locomotion de l'argonaute, ses observations sur les Cétacés et les chauves-souris qu'il est le premier à avoir
placées correctement dans les Mammifères, etc.). Il a de même pressenti la parthénogenèse chez l'abeille.
Aristote est aussi un précurseur de l'Ecologie (étude des organismes en fonction du milieu) et de la
Biogéographie, tandis que sa Physiologie est supérieure à celle des écrits hippocratiques.
En Embryologie, il a été le premier à distinguer la conception préformiste et épigénétique (la sienne) dont
nous reparlerons plus loin. Il réfuta la théorie hippocratique de la pangenèse ; pour lui, la semence provient
du sang.
Tels sont, très résumés, les principaux apports du Stagirite à la Biologie, qu'il devait influencer pendant des
siècles et dont il demeure aujourd'hui encore une des plus grandes figures.
3. Lea successeurs d'Aristote. - Théophraste (vers 370-285 av. J: C.) succéda à Aristote qu'il connut bien, à
la direction du Lycée ; ce polygraphe écrivit deux traités de Botanique qui font de lui un des fondateurs de
cette discipline.
Les autres savants grecs ayant contribué à l'avancement de la Biologie furent tous médecins. Deux d'entre
eux appartiennent à l'Ecole d'Alexandrie : Hérophile (vers 280 av. J.-C.) et son contemporain Erasistrate ; le
premier fut surtout anatomiste, reconnaissant le cerveau comme centre du système nerveux et comme siège
de l'intelligence, tandis que le second fut un physiologiste qui avait distingué les nerfs moteurs des nerfs
sensitifs. Il fut également le premier théoricien de la conception mécaniste de l'organisme humain.
Galien (Galenos) (130 - 200) est « le dernier grand biologiste de l'Antiquité classique » (Nordenskioeld).
Il était originaire de Pergame, en Asie Mineure, pratiqua la médecine et la chirurgie à Rome et écrivit un très
grand nombre d'ouvrages médicaux. Il fut anatomiste, disséquant des animaux (éléphant, porc, singes) dont
il étudia le système nerveux et le cœur. Il est aussi le fondateur de la Physiologie expérimentale, pratiqua la
vivisection et comprit le rôle du cerveau et des nerfs.
Son oeuvre aurait été encore plus importante s'il ne s'était pas laissé égarer par le principe des causes finales,
l'abus du raisonnement a priori et de la dialectique. « Il a construit ainsi un système dogmatique, dominant le
corps de ses observations ou expériences et en faussant le sens» (M. Caullery). C'est ainsi qu'il affirma
l'existence, entre les deux ventricules du coeur, de pores par où passait le « souffle vital » (pneuma) et le
sang.
Comme l'a bien dit encore Maurice Caullery, « Son système devait dominer la science de façon tyrannique
jusqu'au seuil du XVIIe siècle. »
Citons enfin Dioscoride (Ier siècle de notre ère) et son traité de matière médicale où sont mentionnés plus de
600 plantes et quelques animaux.
II. -- Rome
L'apport des Romains à la Biologie est beaucoup moins important que celui des Grecs. Pline l'Ancien (23 -
79) est l'auteur d'une Historia Naturalis, vaste encyclopédie en 37 livres, dont plusieurs traitent des êtres
vivants (plantes, animaux, homme). Il s'agit d'une compilation sans esprit critique qui eut cependant le
mérite d'être pendant 15 siècles le principal ouvrage de référence en Histoire naturelle. On trouve également
des passages biologiques intéressants dans les ouvrages des agronomes latins (Columelle, Caton, Varron,
etc.).
Après le second siècle de notre ère, la Biologie comme les autres sciences devait entrer dans une période de
décadence particulièrement nette en Occident et ce ne sera qu'au XVIe siècle qu'elle prendra un nouvel
essor. Cependant, au Moyen Age certains esprits positifs firent oeuvre de biologistes, comme nous allons le
voir.

CHAPITRE III - LE MOYEN AGE


C'est grosso modo la période comprise entre la prise de Rome par les Barbares (ve siècle) et celle de
Constantinople par les Turcs (1453).
I. - L'Occident : un évêque, un empereur.
Trois phases de l'évolution religieuse (conquête chrétienne, apogée et déclin de l'Eglise) permettent de
diviser cette période en haut et bas Moyen Age, séparés par l'apogée médiévale (XIe-XIIIe siècle),
l'influence de l'Eglise étant prépondérante pendant dix siècles.
Les rares auteurs ayant contribué à la Biologie sont ceux qui échappant à la scolastique et notamment à la
dictature d'Aristote firent des observations originales dans la nature. Nous ne citerons ici que les deux
principaux : un évêque, Albert le Grand (1193-1280) et un empereur : Frédéric II de Hohenstaufen (1194-
1250).
1. Albert le Grand (Albertus Magnus), originaire d'Allemagne, écrivit en 1270 un Traité d'inspiration
aristotélicienne et galénique sur les animaux (De animalibus) en 26 livres dont 21 sont consacrés à
l'anatomie comparée de l'homme et des animaux. Il donna une classification de ces derniers qui sur certains
points perfectionne celle d'Aristote, fit quelques observations originales sur des Invertébrée terrestres et
marins et sur divers Vertébrés (Cétacés, castor, races géographiques de l'écureuil, etc.). Ses idées en
Embryologie sont inspirées d'Aristote et sa Physiologie est encore hippocratique. Pour lui, le coeur est le
siège de la chaleur vitale. Son oeuvre biologique rompt un long silence et marque une transition entre
l'Antiquité et la Renaissance.
2. Quant à Frédéric II de Hohenstaufen, roi de Sicile puis empereur d'Allemagne, il écrivit un remarquable
traité de fauconnerie (De Arte venandi cum avibus), qui est en fait une encyclopédie ornithologique, car il y
est question de la morphologie et des moeurs de divers Oiseaux.
Il étudia notamment chez eux l'adaptation du bec, la mécanique du vol (il aurait découvert la pneumaticité
de leurs os). Les miniatures illustrant ce Traité sont au nombre de 900 ; certaines d'entre elles, très fidèles,
auraient peut-être été exécutées par l'empereur lui-même.
Passionné pour la recherche scientifique, Frédéric II promulgua en 1241 un édit autorisant la
dissection des cadavres humains, qui fut malheureusement rapporté par l'Eglise après sa mort. Cette
interdiction de disséquer les corps humains explique qu'à la célèbre Ecole de Médecine de Salerne,
l'anatomie était enseignée dès le XIe siècle d'après celle du porc et d'autres Vertébrés. A partir du
XIVe siècle, cet interdit sera levé et permettra à l'Italien Mondino dei Liuzzi (vers 1270 - 1326) de
perfectionner sur certains points les notions d'anatomie humaine de l'Antiquité.
II. - L'Orient
1. L'Islam. - Le Moyen Age vit l'apogée de la civilisation islamique : de nombreux savants arabes et persans
ont laissé un important apport en Médecine et en Biologie. Les plus importants d'entre eux sont Razès (Al-
Razi) (vers 850 - 930), Avicenne (Ibn Sina) (980 - 1037), Abulcasis (Xe siècle) et Avenzoar (1091 - 1162).
Les dissections humaines étaient interdites et les anatomistes islamiques restèrent fidèles aux
méthodes galéniques. Pour eux, l'anatomie était une partie de la théologie et de la cosmologie et l'aspect
téléologique d'une structure était plus important que la structure elle-même. Leur embryologie était un
mélange de données indiennes et grecques. Cependant, certains médecins estimèrent l'observation directe
supérieure à la lecture ou au commentaire de Galien.
C'est ainsi que l'Islam a à son crédit
1) La réalisation des plus anciens schémas anatomiques de l'ceil (Hunain 809 - 873).
2) La découverte de la «petite circulation» (pulmonaire) par Ibn-al-Nafis (1210 - 1288) (qui sera précisée au
XVIe siècle par Michel Servet).
3) D'importantes innovations en Pharmacologie végétale.
Par ailleurs, les savants islamiques et juifs rendirent d'utiles services en traduisant du grec en arabe les écrits
biologiques de l'Antiquité (Aristote, Galien, etc.) qui devaient être ensuite retraduits en latin.
2. Byzance. - De 330 à 1453, l'Empire byzantin maintint la tradition hellénique, mais l'apport original de
cette civilisation à la science est assez faible.
Les grands médecins grecs du Moyen Age (Alexandre de Tralles, Aétios d'Amida, Paul d'Egine, etc.) sont
restés fidèles aux données de la Grèce classique et notamment à Hippocrate, Aristote et Galien. Ils ont eu
cependant le mérite de préserver leurs œuvres et de laisser parvenir jusqu'à nous des manuscrits richement
illustrés comme le célèbre Codex Julianae Aniciae de la Bibliothèque de Vienne (VIe siècle) où sont
figurées la plupart des plantes citées dans la Matière médicale de Dioscoride.
3. Les Juifs. - Comme nous l'avons dit brièvement au chapitre Ier, on trouve dans les Talmuds,
encyclopédies religieuses juives, des données biologiques. En outre, les traducteurs et lexicographes juifs du
Moyen Age qui résidaient dans la région méditerranéenne ont donné d'intéressants renseignements sur les
noms des plantes ou d'animaux ayant cours alors dans les diverses langues européennes et orientales.
Il faut citer enfin l'oeuvre du médecin et philosophe Moïse Maimonide (1135 - 1204) qui écrivit un Traité
des Poisons où sont cités des plantes vénéneuses et des animaux venimeux avec les remèdes à utiliser pour
s'en préserver.
Ces quelques indications montrent qu'en Occident comme en Orient, la Biologie médiévale était caractérisée
par un goût très vif pour la scolastique et que seuls les esprits plus libres observant directement les êtres
vivants (médecins, chasseurs, agriculteurs, etc.) apportèrent du nouveau en ce domaine.
CHAPITRE IV - LES XVIe ET XVIIe SIÈCLES
Aux siècles obscurs du Moyen Age où la pensée scientifique était noyée dans les flots de la scolastique va
succéder une période pendant laquelle elle va tenter de se libérer de la tutelle des Anciens, c'est la
Renaissance. Pour les auteurs français et italiens, cette période va en général de la seconde moitié du XVe
siècle à 1600, alors que pour les Anglo-Saxons, elle dure jusqu'à 1650.
Nous préférons donc réunir ici dans un même chapitre l'exposé sommaire des connaissances biologiques aux
XVIe et XVIIe siècles.
1. Zoologie et Botanique. - Sur le plan de l'histoire des idées, c'est un siècle contradictoire, où se manifesta,
d'une part, un humanisme à tendance compilatoire et, d'autre part, un souci de l'observation directe, voire de
l'expérimentation. La première attitude se rencontre chez les naturalistes de cabinet qu'avec G. Petit nous
avons qualifiés d'érudits polygraphes : Conrad Gesner (1516 - 1565), Ulysse Aldrovandi (1522 - 1605),
tandis que d'autres zoologistes : Pierre Belon (1517 - 1564), Guillaume Rondelet (1507 - 1556), Hippolyte
Salviani (1514 - 1572) firent d'excellentes observations dans la nature, soit en Europe, soit dans le Proche-
Orient dans le cas de Belon. Ces «spécialistes» perfectionnèrent la classification des animaux en corrigeant
beaucoup d'erreurs de l'Antiquité.
D'autres, naturalistes, la plupart espagnols (Oviedo, Acosta, Hernandez, etc.) prirent part aux voyages des
conquistadores dans le Nouveau-Monde et en décrivirent la flore et la faune jusqu'ici inconnues.
Comme la Zoologie, la Botanique devint alors une discipline vraiment scientifique et des médecins (1)

(1) Au xvi' siècle comme déjà au Moyen Age, les plantes et les animaux étalent surtout étudiés pour leur utilisation
éventuelle dans la pharmacopée. Jusqu'au xviii' siècle, la Polypharmncie en fera grand cas et la plupart des
naturalistes du xvi. siècle étaetnt médecins.

entreprirent l'étude de la flore de leur pays. Ainsi Ruellius (1479 - 1531) et Charles de l'Ecluse (1526 -
1609) en France, Fuchs en Allemagne, Platter et Bauhin en Suisse, Cesalpino (1519 - 1603) en Italie. D'autre
part, plusieurs importants jardins botaniques furent alors fondés : Padoue (1545), Pise (1547), Bologne
(1567), Montpellier (1593).
2. Anatomie et Physiologie. - Léonard de Vinci (1452 - 1519) a laissé de nombreux dessine anatomiques,
qui ne furent étudiés qu'au XIXe siècle et n'eurent par conséquent aucune influence sur l'évolution de
l'Anatomie de son temps.
Il s'agit chez lui d'une anatomie dynamique : disséquer, c'est pour Léonard mettre à nu les diverses pièces
d'une machine complexe, c'est démonter une mécanique (on connaît d'autre part son intérêt pour les
machines). Il disséqua des animaux (porc, boauf, cheval, ours) mais également des cadavres humains,
reconnut les quatre cavités cardiaques, décrivit admirablement bien les valvules et expliqua le premier le
rôle du faisceau modérateur interventriculaire. Il fit des coupes d'yeux inclus dans du blanc d'œuf coagulé,
injecta de cire les ventricules du cerveau de bœuf, étudia les organes génitaux humains et précisa la position
du foetus dans l'utérus maternel.
Comme physiologiste, il s'intéressa passionnément au vol des oiseaux, au mécanisme de la vision, à la
physiologie sexuelle, etc.
Mais le plus grand anatomiste du XVIe siècle est le Belge André Vésale (1514 - 1564), élève de l'Ecole de
Paris et de Padoue qui révolutionna l'Anatomie humaine avec la publication de son traité De humani
corporis fabrica (Bâle, 1543), illustré d'admirables planches gravées. Toutes les parties du corps y sont
décrites et figurées avec le plus grand soin (squelette, muscles, vaisseaux sanguins, nerfs, viscères...). Bien
qu'il se montre souvent encore influencé par Aristote et Galien, il réfute cependant des erreurs de ce dernier,
niant par exemple l'existence des pores interventriculaires du cœur.
Cette attitude non orthodoxe lui valut d'être en butte aux attaques des anatomistes officiels résolument
galénistes et notamment de Jacques Dubois (Sylvius). Pour expliquer les différences entre les descriptions de
Vésale et celles de Galien, les partisans de ce dernier allèrent jusqu'à supposer que la structure anatomique
de l'homme avait dû se modifier depuis!
Il disparut prématurément au cours d'un voyagede retour de la Terre Sainte vers l'Italie. C'est à lui que nous
devons les techniques et méthodeb in dispensables au développement de l'anatomie moderne et il doit être
considéré comme un des plus grands anatomistes de tous les temps.
L'Espagnol Michel Servet (1511 - 1553) décrivit dans sa Christianismi Restitutio (1553) la circulation
pulmonaire (petite circulation) et ayant attaqué Calvin dans cet ouvrage, il fut brûlé vif à Genève sur l'ordre
de ce dernier. Citons encore les Italiens Gabriel Fallope (1523 - 1562) qui étudia le système nerveux et
l'appareil reproducteur (la trompe de Fallope porte son nom) et créa le terme de placenta et Fabrice
d'Acquapendente (1533-1619) qui fut l'élève de Fallope et le maitre de William Harvey. Son oeuvre
anatomique est considérable. Il étudia l'anatomie comparée des organes sensoriels des Mammifères (1600) et
donna en 1603 la première description détaillée des valvules des veines de l'homme. Il fit également des
recherches embryologiques sur le poulet, inférieures toutefois à celles de Malpighi.
3. La Paléontologie. - Bernard Palissy (1510-1589) précédé, il est vrai, par Fracastor et Léonard de Vinci
«fut le premier... qui osa dire dans Paris et à la face de tous les docteurs que les coquilles fossiles étaient de
véritables coquilles déposées autrefois par la mer dans les lieux où elles se trouvaient encore» comme l'avait
souligné Fontenelle dès 1720. Les Anciens n'avaient en effet vu dans les fossiles que des «jeux de la nature»
ou des témoins du Déluge. Georg Bauer (Agricola) (1494 - 1555) avait publié en 1530 son De natura
fossilium et créé le mot de «fossile».
II. - Le XVIIe siècle
A cette époque, la Biologie, comme d'ailleurs les autres sciences, va faire des progrès considérables, en
raison d'une part, d'un nouvel état d'esprit des savants vis-à-vis de la recherche scientifique, d'autre part, du
perfectionnement des moyens techniques de recherche.
Dès 1620, Francis Bacon dans son Novum organum prônait l'observation et l'expérience, tandis que René
Descartes dans son Discours de la Méthode (1637) formulait les règles de la recherche scientifique, plus
heureux en cela que dans ses travaux de physiologie. Par ailleurs, l'invention du microscope réalisé à la fin
du XVIe siècle et perfectionné au cours du XVIIe siècle allait permettre une étude beaucoup plus poussée
des êtres vivants.
D'autre part, les idées et découvertes faites en Italie par le physicien Galilée (Galileo Galilei) (1564 - 1642)
allaient amener certains biologistes à utiliser l'expérience quantitative. Celle-ci donna des résultats
particulièrement heureux en ce qui concerne les recherches de William Harvey dont nous allons parler
maintenant.
1. William Harvey (1578 - 1657) et la découverte de la circulation du sang (1628). - Ce savant fit ses études
médicales à Cambridge et à Padoue où il fut l'élève de Fabrice d'Acquapendente déjà cité. Là il s'imprégna
de la méthode de Galilée pour qui l'expérience quantitative, c'est-à-dire la mesure, était le procédé
fondamental de la recherche scientifique. Ce procédé avait déjà été appliqué par un médecin d'Istrie :
Santorio Santorio (1561-1636) également élève de l'Université de Padoue qui utilisait divers appareils de
mesure (balance, thermomètre, hygromètre, etc.) pour faire des observations physiologiques chez l'homme.
Les affirmations de Harvey (1) s'appuient, d'une part, sur des observations anatomiques et d'autre part sur
l'expérience quantitative. En effet, bien que la contraction rythmique du coeur ait été admise depuis
l'Antiquité, sa fonction exacte était encore inconnue au début du XVIIe siècle. Cependant, comme nous
l'avons vu précédemment, Michel Servet avait déjà reconnu la circulation pulmonaire (petite circulation) qui
fut précisée par Colombo en 1559.

(1) Exercitalio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus (Francfort, 1628).


Les observations de Harvey l'amenèrent à réaliser que le sang passait des artères dans les veines, les
battements du coeur provoquant un mouvement perpétuel dans un circuit fermé. Harvey avait étudié les
mouvements du coeur non seulement chez des animaux à sang chaud, mais également chez ceux à sang froid
dont le coeur bat plus lentement.
De nombreux auteurs ont insisté sur les données quantitatives dans ces expériences. En effet, Harvey
calcula que la quantité de sang lancée en une demiheure par le coeur dans l'aorte est supérieure à la
quantité totale de sang de l'organisme; il fallait donc admettre que c'est le même sang qui revenait à l'aorte
par un mouvement circulaire. Ceci apparalt aujourd'hui comme évident, mais, à l'époque de Harvey, on
n'utilisait guère l'expérience quantitative en Biologie et on était loin de réaliser l'importance de la méthode
expérimentale dans cette discipline.
2. Les biologistes microscopistes : Hooke, Leeuwenhoek, Swammerdam, Malpighi. - Dès 1625, l'Italien
Francesco Stelluti publia un Apiarium où sont données de très bonnes figures d'abeilles vues au microscope
(1) ; on y voit notamment le détail de leur tête et de leurs pièces buccales.

(1) Les premiers microscopes étaient de simples tubes avec une lentille à chaque bout (perspicillum de Galilée).

Mais les plus célèbres microscopistes du XVIIe siècle sont l'Anglais Robert Hooke (1635 - 1703), les
Hollandais Antoni van Leeuwenhoek (1632 - 1723) et Jan Swammerdam (1637 - 1680), l'Italien Marcello
Malpighi (1628 - 1694).
Dans sa Micrographia (1665), R. Hooke décrit et figure divers objets vivants ou inanimés vus au
microscope. Il a notamment vu et représenté les cellules d'un morceau de liège, mais la portée de son
observation lui a échappé et ce n'est qu'au XIXe siècle que sera énoncée la théorie cellulaire (2) comme nous
le verrons au chapitre VI. Comme animaux, il décrit et figure des détails du corps de divers Insectes,
Arachnides et Mollusques et précise la structure des plumes d'Oiseaux.

(2) Un autre microscopiste anglais, Nehemiah Grew (1641 - 1712) décrivit et figura les tissus végétaux dans son
Analomla planlarum (1682).

Antoni van Leeuwenhoek, bourgeois aisé autodidacte de Delft est une des figures les plus pittoresques mais
aussi des plus attachantes de la Biologie au XVIIe siècle. Il construisit des centaines de «microscopes», qui
étaient en fait des loupes dont il taillait lui-même les lentilles serties entre des lames d'argent (fig. 1), et fit
grâce à elles des observations biologiques fondamentales : découverte des Protozoaires et des Bactéries,
étude en 1677 des spermatozoïdes (découverts par un autre Hollandais : Hamm), observation de divers
animaux microscopiques (Spongiaires, Coelentérés, Nématodes, Rotifères, Insectes, etc.). Il décrivit de plus
les globules sanguins de divers Vertébrés et Invertébrés et observa chez les premiers leur circulation
dans les capillaires. Il a également étudié au microscope divers tissus animaux (muscles striés, dents) et
doit être considéré avec Malpighi comme un des fondateurs de l'Histologie.
Jan Swammerdam fut un pionnier des techniques d'étude d'anatomie fine et notamment de l'injection de
colorants dans les organes humains ou animaux. Ses dissections d'Insectes (éphémère, abeille, pou)
sont étonnantes pour l'époque et font de lui un des créateurs de l'anatomie des Invertébré.
Il fut également physiologiste (sa thèse de médecine, 1667, porte sur la respiration) et embryologiste (il fut
un des premiers partisans de la théorie de la préformation dont nous allons parler plus loin). Quant à
Marcello Malpighi, il est le fondateur de l'anatomie microscopique et occupe de ce fait une place
considérable dans l'histoire de la Biologie.
Dans son De pulmonibus (1661), il décrit les vaisseaux capillaires du poumon de la grenouille (fig. 2) et
montre leur rôle dans le passage du sang des artères aux veines ; cette observation capitale complétait
celles de William Harvey sur la circulation sanguine.
Malpighi étudia également au microscope la structure de l'écorce cérébrale (découverte des cellules
pyramidales), du rein (glomérules de Malpighi), de la langue (papilles gustatives), de la rate (corps folliculaire
de Malpighi). Il décrivit aussi dans deux ouvrages (1669, 1672) le développement embryonnaire du poulet,
écrivit (1669) un Traité sur l'Anatomie du ver à soie (Bombyx mori), qui est «la première monographie
anatomique ayant pour objet un Invertébré» (Singer), y décrivant l'appareil respiratoire (trachées) et excréteur
(tubes de Malpighi nommés en son honneur). Malpighi fit également d'importantes observations sur l'anatomie
des végétaux et la structure des galles, montrant que leur formation était due à des insectes.
3. Francesco Redi et la «génération spontanée». - Comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents, on
croyait, depuis l'Antiquité, que certains Invertébrés (insectes, vers, etc.) et Vertébrés (crapauds, grenouilles,
anguilles, etc.). naissaient spontanément des milieux où ils vivaient (boue, vase, fragments organiques en
décomposition). C'est la théorie de la génération spontanée, qui fut combattue par le naturaliste italien
Francesco Redi (1626 - 1697). Dans ses Expériences sur la génération des insectes (1668), il prouva que les
vers qui apparaissent dans la viande putréfiée sont les asticots issus des oeufs qu'y pondent les mouches. En
recouvrant de gaze les récipients contenant la viande, on empêche les insectes d'y pondre et les vers
n'apparaissent pas (fig. 3).
Cette expérience paraît aujourd'hui d'une simplicité enfantine, mais à l'époque elle était tout à fait
révolutionnaire. Comme l'a dit justement Jean Rostand, « L'expérience de Redi avait une portée
considérable... Il faut d'après lui renoncer à la vieille doctrine qui fait naître le vivant du non-vivant. Entre le
vif et l'inerte, la séparation est beaucoup plus tranchée qu'on ne l'imaginait de prime abord. Si la matière
vivante peut périr, la matière morte, elle, ne peut s'animer, et donc tout ce qui vit provient nécessairement
d'une vie préexistante. Ainsi naquit, en 1668, la conception de la continuité vitale qui est encore aujourd'hui
la nôtre, mais qui ne devait s'imposer à tous que deux siècles plus tard, après d'interminables controverses».
Francesco Redi fut également un des fondateurs de la Parasitologie par son ouvrage sur les parasites
d'animaux (1684) où sont décrits une cinquantaine d'espèces d'Helminthes, d'Acariens et d'Insectes.
De plus, c'est sur ses conseils que deux de ses élèves, Bonomo et Cestoni, recherchèrent, trouvèrent à l'aide
du microscope et décrivirent (1687) le sarcopte de la gale, minuscule Acarien, agent de cette maladie
cutanée de l'homme et des animaux. Cette découverte a une grande importance en Biologie et en Médecine,
car c'était la première fois qu'un être vivant était reconnu comme la cause d'une maladie. C'est une des
étapes de la théorie du contagium vivum, admettant que certaines maladies infectieuses étaient dues à des
êtres vivants microscopiques et qui sera, comme nous le verrons plus loin, entièrement confirmée par les
découvertes microbiologiques du XIXe siècle.
4. L'Embryologie. - Au début du XVIIe siècle, on ignorait le rôle des ovaires des Mammifères, les
spermatozoïdes étaient encore inconnus et par conséquent on ne pouvait savoir en quoi consistait la
fécondation de l'oeuf.
Les auteurs de l'Antiquité (Empédocle, Hippocrate, Aristote, Galien, etc.) croyaient à l'existence d'une
semence femelle qui, mêlée au sperme dans l'utérus maternel, donnerait un mélange d'où proviendrait le
foetus : c'est la théorie de la double semence qui est encore adoptée par Ambroise Paré, Bacon, Van
Helmont, et René Descartes (1596 - 1650) (1). Cette théorie était surtout utilisée pour expliquer la
génération humaine : on ne cherchait pas à rapprocher les animaux vivipares (dont les petits naissent
complètement formés) des ovipares (pondant des oeufs).

(1) Descartes qui écrivit, nous l'avons vu, en 1637, le Discours de la méthode, est également l'auteur des Traités de
l'homme et de la formation du foetus publiés après sa mort (1662). Tout en adoptant les idées de Harvey sur la
circulation du sang qui étaient alors vivement combattues en France, Descartes soutenait en physiologie et en biologie
des théories qui ne reposaient que sur des vues de l'esprit.

Dans la seconde moitié du XVIIe siècle va apparaître une nouvelle théorie : celle de l'ovisme ou système des
oeufs, selon laquelle c'est l'oeuf engendré par la mère qui constituerait uniquement l'élément reproducteur, le
mâle n'intervenant que par une vapeur (aura seminalis) émise par le sperme.
Pour que cette théorie ait une valeur générale, il fallait prouver que les animaux vivipares sont issus
également d'oeufs. C'est ce que s'efforça de démontrer William Harvey dans ses Exercitationes de
generatione animalium (1651) où il étudia le développement de l'oeuf de poule, et également celui des
premiers stades de la formation du foetus des Mammifères. En effet, toujours dans le même ouvrage,
Harvey, qui était le médecin du roi Charles Ier, rapporte avoir observé chez des biches du parc de Windsor,
sacrifiées et disséquées après l'accouplement, de très jeunes embryons en voie de développement non encore
fixés à la paroi des cornes utérines. Il en déduisit que «le premier produit de la conception est toujours une
espèce d'œuf » et formula le célèbre adage Ex ovo omnia, c'est-à-dire « tous les êtres proviennent d'un oeuf.
En fait, il n'avait pas observé l'oeuf proprement dit (qui ne sera découvert qu'en 1828 par Karl von Baer),
mais ce qu'il appelait le conceptus primus et qui était en fait le chorion et le sac amniotique avec un foetus
déjà formé. (Depuis l'Antiquité, la présence d'oeufs chez des animaux vivipares avait été démontrée :
Aristote, nous l'avons vu, les avait observés chez des Sélaciens, également chez la vipère.)
L'anatomiste danois Nicolas Sténon (1638-1686), qui fut également géologue et paléontologiste, devait
confirmer et compléter ces observations d'Aristote en démontrant en 1667 chez un Sélacien vivipare que les
oeufs provenaient de l'ovaire (appelé alors «testicule femelle») et qu'ils se développaient dans l'utérus de
l'animal. Il étendit ultérieurement ses observations à des Mammifères chez qui il confirma le rôle de l'ovaire
(1675). Entretemps, un médecin hollandais Kerckring (1671) prétendait avoir observé des « neufs » dans les
ovaires de la femme. Il s'agissait de simples kystes ovariens.
C'est un autre Hollandais, Régnier de Graaf (1641-1673), qui décrivit en 1672 les véritables follicules
ovariens (qui portent encore aujourd'hui son nom) chez la femme et divers Mammifères. Il nota aussi la
présence des «corps jaunes» (transformation des follicules après l'expulsion de l'oeuf) et montra qu'il y en
avait autant que de foetus en développement. Ainsi se trouvait établie pour la première fois une relation
entre les transformations des ovaires et les premiers stades du développement utérin de l'embryon.
Mais le problème de la formation du foetus demeurait irrésolu. Pour les partisans de la théorie de la
préformation, le foetus existerait déjà, minuscule, dans l'oeuf d'où il sortirait graduellement de ses
enveloppes (développement, au sens étymologique du terme). Un des premiers partisans de cette théorie fut
Swammerdam, qui observa les oeufs de divers animaux (pou, fourmi, papillon, grenouille, etc.).
Au contraire, pour les partisans de l'épigenèse, le foetus se construirait par addition de parties successives.
Cette façon de voir fut déjà celle d'Aristote, puis de Harvey, qui employa le premier cette expression.
Les recherches de Malpighi, déjà citées, sur l'embryologie du poulet (1669, 1672) semblaient confirmer la
justesse de la théorie de la préformation. En effet, observant un oeuf non incubé pondu la veille, il crut y voir
un embryon en développement. En réalité, ses recherches avaient lieu pendant un été très chaud et l'oeuf
avait déjà subi un commencement de développement. Ces observations sur les oeufs allaient être suivies par
celles sur les spermatozoïdes, découverts, nous l'avons vu précédemment, en 1677 par Louis Hamm, un
correspondant de Leeuwenhoek ; ce dernier les décrivit dans une lettre adressée à la Royal Society de
Londres et les retrouva par la suite chez divers Vertébrés et Invertébrés. Certains auteurs attribuèrent aux
spermatozoïdes le rôle déterminant dans la formation du foetus : ce sont les animalculistes. Parmi eux,
certains s'imaginèrent que le foetus était préformé dans le spermatozoïde ; ainsi Hartsoeker (1694), qui
représenta un petit homme (homunculus) accroupi à l'intérieur de la tête d'un spermatozoïde !
A la fin du XVIIe siècle, la question de la fécondation et du développement embryonnaire était par
conséquent loin d'être clarifiée.
5. Autres aspects de la Biologie au XVIle siècle
A) Sociétés, Institutions scientifiques et Académies.
- En 1635 fut créé sous Louis XIII le Jardin du Roi, première ébauche du Muséum National d'Histoire
Naturelle. Cet établissement devait jouer un rôle considérable dans le développement des sciences
biologiques, tant en Botanique qu'en Zoologie.
Il en fut de même des grandes Sociétés et Académies scientifiques fondées au cours du XVIIe siècle (1)
Royal Society (Londres, 1660), Académie des Sciences (Paris, 1666), Academia Naturae Curiosorum
(Schweinfurt, 1652), etc., dont certains membres étaient biologistes.

(1) L'Accademia dei Lineei avait été fondée à Rome dès 1601.
Nous ne citerons ici qu'un seul exemple : celui de l'Académie des Sciences de Paris où Claude Perrault
(1613 - 1688), médecin, anatomiste et architecte, et Duverney donnèrent l'impulsion à d'importantes
recherches sur l'anatomie des Vertébrés.
B) Iatromécanisme et iatrochimie. - Le premier de ces deux systèmes est plus ou moins lié aux théories
physiologiques de Descartes. Ce dernier séparait radicalement l'âme et le corps. Pour lui, les animaux
dépourvus d'âme sont de simples machines analogues à des automates.
Ces idées furent développées par Borelli (16081679) qui considérait l'organisme comme une mécanique (les
membres étaient comparés à des poutres mises en mouvement par les muscles assimilés à des leviers,
poulies ou ressorts, le coeur étant comparé à une pompe, l'estomac à un appareil triturateur, etc.). Les mêmes
idées étaient partagées par Cl. Perrault déjà cité et par Georges Baglivi (1668 - 1707).
Bien qu'appuyé sur l'observation directe, contrairement aux spéculations théoriques de Descartes, le
iatromécanisme (ou iatrophysique) a tiré des conclusions prématurées, car l'analyse qualitative des
problèmes biologiques était alors encore insuffisante.
Quant à la iatrochimie, elle voulait expliquer la physiologie animale par des réactions chimiques. Pour les
iatrochimistes «l'homme était devenu une cornue» comme l'a dit si justement P. Delaunay. Ils s'inspiraient
des écrits de Paracelse (1493 - 1541), qui avait introduit les substances chimiques en thérapeutique.
Les principaux iatrochimistes furent J. B. Van Helmont (1577 - 1644) et François Le Boë (Sylvius) (1)
(1614 - 1672).

(1) A ne pas confondre avec Jacques Dubois (Sylvius) (1478-1555), anatomiste parisien.

Van Helmont créa le mot «gaz», pressentit le rôle du gaz carbonique et fit de bonnes expériences en
physiologie végétale. Sa physiologie animale repose sur des notions totalement imaginaires (archée :
principe immatériel présidant aux fonctions du corps humain, archées secondaires, blas, etc.). Sylvius rejette
la notion d'archée ; pour lui, ce sont la digestion et la nutrition qui dominent la physiologie et les troubles
humoraux (acidité et alcalinité des humeurs) commandent sa pathologie.
Le mérite de la iatrochimie est d'avoir pressenti le rôle des processus enzymatiques dans les phénomènes
biologiques, mais l'état de la chimie de l'époque en interdisait l'explication véritable.
C) La Paléontologie. - Comme nous l'avons vu précédemment, Bernard Palissy avait reconnu le premier que
les fossiles étaient les restes pétrifiés d'animaux n'existant plus à son époque. Il avait également réfuté
l'hypothèse émise par certains théologiens suivant laquelle ces organismes seraient les témoins du déluge
(théorie diluvienne). Cette théorie fut cependant encore soutenue au XVIIe siècle par un savant de la classe
de Nicolas Sténon, qui fut le créateur de la Paléontologie moderne. Il chercha à concilier les données de la
Bible avec celles de la Géologie (sédimentation, stratification, âge des couches suivant leur distribution
verticale). Selon certains auteurs (Nordenskioeld), il dut interrompre ces recherches car, au fur et à mesure
qu'il les poursuivait, il entrevoyait des divergences avec la théorie diluvienne adoptée encore à la fin du
siècle par Th. Burnet (1681) dans sa Telluris theoria sacra dont Buffon devait dire «C'est un roman bien
écrit et un livre qu'on pent lire pour s'amuser, mais qu'on ne doit pas consulter pour s'instruire.»
Tel était l'état de la Biologie à la fin du XVIIe siècle.
On a pu récemment (Grmek, 1990) parler de «première révolution biologique» à propos de
l'expérimentation, du raisonnement quantitatif et de l'interprétation mécaniste de la vie exprimée par divers
savants du XVIIe siècle, la plupart naturalistes ou médecins.
Les grands problèmes étaient posés, et ils seront partiellement résolus au siècle suivant, qui va marquer le
début de la Biologie expérimentale.
CHAPITRE V - LE XVIIIe SIÈCLE
C'est le «siècle des Lumières», celui où des philosophes et savants à l'esprit indépendant vont réagir contre
les excès de la théologie pour tenter de faire triompher le rationalisme et lutter contre la scolastique, le
merveilleux et la superstition. En ce qui nous concerne, c'est la période où la Biologie commença à devenir
une science expérimentale, notamment dans la seconde moitié du siècle qui, à beaucoup d'égards, annonce
déjà les découvertes du XIXe siècle.
Mais, au cours du XVIIIe siècle, devait également se poursuivre l'oeuvre des naturalistes descripteurs dont
les noms les plus illustres sont ceux de Linné et Buffon ainsi que celle des anatomistes.
C'est de cette double approche à la fois taxonomique et biologique des êtres vivants que naîtra dès la fin du
siècle la conception transformiste qui mènera à la théorie de l'Evolution.
I. - Deux grands naturalistes : Linné et Buffon
Le botaniste Linné et le zoologiste Buffon furent des contemporains et leurs oeuvres s'étendent sur presque
tout le XVIIIe siècle.
1. Carl Linné (1707 - 1778) était un Suédois d'origine très modeste ; il étudia la médecine et les sciences
naturelles (surtout la Botanique) aux Universités de Lund et d'Uppsala, fit un voyage en Laponie (1732),
puis poursuivit ses études aux Pays-Bas où il obtint en 1735 le titre de docteur en médecine. Il publia la
même année la première édition de son Systema naturae qui devait immortaliser son nom, puis ses
Fundamenta botanica (1736). En 1741, ii fut nommé professeur de médecine et de botanique à l'Université
d'Uppsala où il demeura jusqu'à sa mort.
Linné fut avant tout un classificateur des espèces animales et végétales connues à son époque qu'il entreprit
de nommer en latin. C'est lui qui adopta le premier la nomenclature binaire consistant à désigner chaque être
vivant par un double nom, le premier correspondant au genre, le second à l'espèce (exemples : Felis catus, le
chat, Phaseolus vulgaris, le haricot). Avant Linné, chaque espèce était définie par une diagnose ayant
parfois plusieurs lignes dont on conçoit toute l'incommodité.
Tout en rapprochant dans un même genre les espèces qui avaient entre elles suffisamment de ressemblances,
Linné, dans ses premiers écrite fut résolument fixiste, ne concevant pas que ces espèces puissent dériver
l'une de l'autre.
Pour lui, fidèle à la tradition biblique, chacune d'elles s'était maintenue identique depuis la Création :
Species tot sunt diversae quoi diverses formas ab initio ereavit infinitum ens. Cependant, à partir de 1742,
ayant observé des «variations» chez certaines plantes (nous dirions aujourd'hui des mutations), Linné «sera
conduit à réviser ses conceptions initiales et à remplacer son farouche immutabilisme par une sorte de
transformisme restreint » (J. Rostand). Il concevra alors l'immutabilité du genre, tandis que les espèces
pourraient se modifier par hybridation et sous l'influence du milieu.
Bien qu'étant surtout botaniste, Linné a également donné une nouvelle classification des animaux
dans son Systema naturae. Il a créé l'embranchement des Mammalia (Mammifères) dans lequel il a placé les
Cétacés et a classé l'espèce humaine avec les singes dans l'ordre des Primates conservé encore dans la
Systématique actuelle.
De plus, Linné a employé pour la première fois les termes de flore et faune pour désigner le peuplement
végétal et animal d'une région ou d'un pays et c'est un des fondateurs de l'Ecologie et de la Biogéographie
par l'attention qu'il a accordée aux localités de récolte des plantes et animaux et à l'influence des conditions
du milieu sur leur développement et leur répartition (cf. P. Acot, 1988).
2. Au contraire de Linné, Georges-Louis Leclerc, chevalier, puis comte de Buffon (1707 - 1788) était d'une
famille noble et aisée. A la tête d'une importante fortune personnelle, il mena une vie de grand seigneur,
partagée entre le Jardin du Roi à Paris dont il fut nommé intendant en 1739 et son domaine de Montbard en
Bourgogne.
Ses premiers travaux scientifiques lui valurent d'être admis à l'Académie des Sciences dans la section de
Mécanique dès 1733, mais c'est aux sciences naturelles et particulièrement à la Zoologie, la Géologie et la
Minéralogie que Buffon va désormais se consacrer entièrement, publiant une série d'ouvrages qui
constitueront une Histoire naturelle en 44 volumes in-4o dont certains seront posthumes (1749 - 1804).
Pour réaliser cette imposante somme de travail, Buffon s'assura la collaboration de divers savants :
l'anatomiste Louis Daubenton (1716 - 1800), l'abbé Bexon, Gueneau de Montbeillard. Les derniers volumes
posthumes furent publiés par Lacepède.
Le contenu de cette vaste collection se répartit ainsi
1) Histoire naturelle générale et particulière (15 volumes : 1749 - 1767);
2) Suppléments (7 volumes : 1774 - 1789) ;
3) Histoire naturelle des oiseaux (9 volumes : 1770 - 1783) ;
4) Histoire naturelle des minéraux (5 volumes et un atlas 1783 - 1788) ;
5) Ovipares, Serpents, Poissons, Cétacés par Lacepède (8 volumes : 1788 - 1804).
C'est en somme une Histoire naturelle complète du règne minéral et du règne animal à l'exclusion des
Invertébrés ; on a reproché à Buffon sa partialité envers les naturalistes de son temps (il n'aimait pas Linné ni
Réaumur), son style pompeux, son mépris pour les Invertébrés qu'il ne voulait pas s'abaisser à étudier, sa
croyance à la génération spontanée qui marque «un notable recul sur la pensée de son temps» (Jean
Rostand).
Il fut cependant un des grands biologistes de son siècle et son influence sur ses contemporains et ses
successeurs fut considérable. Voyons l'essentiel de sa pensée biologique, qui marque un important progrès
sur le XVIIe siècle.
Il faut tout d'abord noter que malgré son côté descriptif, Buffon se montre déjà un vrai biologiste. Comme
l'écrit Jean Rostand, «Dans sa vaste enquête sur les espèces animales, il recueille soigneusement toutes les
données concernant la proportion sexuelle, le degré de fécondité, la durée de gestation, l'âge où
commence et finit l'aptitude à la reproduction, les possibilités de croisement, etc. Généticien avant la lettre, il
comprend que seule l'expérimentation aura qualité pour éclairer la notion d'espèce, et il sait, à l'occasion,
retirer ses manchettes de dentelle pour expérimenter lui-même sur l'animal.»
De plus, Buffon a eu le grand mérite de considérer les phénomènes biologiques dans leur intégralité et la
nature comme un tout. En cela, il a été certainement influencé par les idées de Leibniz et de Newton (dont il
avait traduit un ouvrage dans sa jeunesse). Frappé par les lois gouvernant l'Univers, à la lumière des
dernières découvertes physiques et astronomiques, le Cosmos lui apparaît comme un imposant mécanisme
soumis également à des lois bien déterminées et dont le passé et le futur peuvent être calculés
mathématiquement (Nordenskioeld).
Ainsi, une fois encore, on le voit, les découvertes de la Physique influençaient la Biologie. (On a vu
précédemment le rôle de la méthode galiléenne sur les recherches biologiques au XVIIe siècle.)
Cette conception unitaire de la Nature chez Buffon l'amena à s'opposer vigoureusement au système de
classification de Linné. Pour lui, les notions de famille, genre, espèce sont abstraites et arbitraires : « La
Nature n'a jamais rangé ses ouvrages par tas, ni les êtres par genre. Chaque espèce réclame une place isolée
et doit avoir son portrait à part », dit-il.
Il considère qu'il n'y a pas de limite entre le règne végétal et le règne animal. Pour lui «le polype d'eau douce
sera, si l'on veut, le dernier des animaux et la première des plantes» (Des animaux). Plantes et animaux ont
le même pouvoir de se reproduire identiques à eux-mêmes et de croître. Pour Buffon, tout le règne animal
dérive d'un certain nombre de types originels dont certains se sont maintenus sans changement jusqu'à
l'époque actuelle, alors que d'autres ont «dégénéré». Pour Buffon, la mutabilité d'une espèce, loin de
marquer un progrès, un perfectionnement, est signe de dégradation, de déchéance. Comme le dit si bien Jean
Rostand, pour lui «Il en est des espèces comme des métaux : plus elles sont nobles et plus elles sont fixes,
inaltérables, réfractaires aux causes de changement. L'idée d'une variation progressive, tirant le supérieur de
l'inférieur, est donc étrangère à Buffon. Elle est même contraire à l'ensemble de sa philosophie naturelle.
Faire dériver une espèce «noble» d'une espèce basse eût paru scandaleux à cet aristocrate de la Biologie. »
Selon Buffon, les types originels (au nombre de 38) auraient apparu par génération spontanée (nous avons
vu qu'il y croyait encore). Les êtres vivants auraient été formés à partir de «molécules organiques» (1)
distinctes de la matière ordinaire qui en se groupant d'une certaine façon auraient donné des «moules
primitifs» dont seraient issus à leur tour les animaux aquatiques (Crustacés, Mollusques à coquilles,
Poissons) puis les animaux terrestres (Quadrupèdes et Oiseaux).

(1) Pour Buffon, ce sont ces «molécules» qui constituera.ent!. a base des semences mâles et femelles de divers
Mammifères (avec le microscopiste Needham, il crut en observer dans des broyats d'ovaires alors qu'il s'agissait en
réalité d'Infusoires ayant contaminé les liquides étudiés).
Pour lui, il y aurait eu une succession de faunes mais sans filiation entre elles. Son transformisme est donc
extrêmement limité. «Buffon ne soupçonne pas que les êtres vivants aient pu se modifier dans le sens d'une
complexité toujours croissante » (J. Rostand).

Il ne reconnut pas ouvertement l'hypothèse de l'Evolution qui pour lui n'était pas nécessaire puisqu'il faisait
dériver même les animaux supérieurs des molécules organiques.
Cependant, certains passages de l'Histoire naturelle et notamment le chapitre De l'Âne où il écrit
«L'âne et le cheval sont-ils de la même famille, comme le veulent les nomenclateurs? S'ils le sont vraiment,
ne pourra-t-on dire également que l'homme et le singe ont eux aussi une origine commune?» ont amené
certains auteurs modernes à penser que Buffon était partisan du transformisme généralisé (cf. J. Roger,
1989).
Il en est de même dans le chapitre De la dégénération des animaux (1766) où Buffon envisage des
modifications chez ceux-ci sous l'influence du climat, de la nourriture et de la domestication.
Il note aussi les ressemblances entre certaines espèces de l'Ancien et du Nouveau Monde où elles auraient
«dégénéré»; c'est ainsi qu'il compare le tapir à l'éléphant, le pécari au porc, le lama au chameau, le jaguar à
la panthère, etc.
Pour E. Guyénot, Buffon aurait été un transformiste convaincu mais aurait feint de revenir sur ses idées
pour échapper aux tracasseries de l'Eglise (de même qu'après la publication en 1744 de sa Théorie de
la terre qui avait fait scandale, il avait dû se rétracter publiquement.)
Jean Rostand n'est pas de cet avis et pense «qu'au moment où Buffon écrivait ces lignes il n'avait même pas
élaboré son transformisme restreint et qu'il était beaucoup plus préoccupé d'attaquer les nomenclateurs que
d'insinuer par fraude une opinion subversive.»
En conclusion, Buffon est surtout intéressant par sa «philosophie biologique», qui annonce les ouvrages de
Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire.
Dans le domaine des faits (descriptions anatomiques, expérimentation), il est bien inférieur à certains de ses
contemporains dont nous allons parler plus loin et l'on comprend fort bien le surnom de «Pline du XVIIIe
siècle» qu'on lui a parfois donné, car, tout comme le polygraphe latin, Buffon a laissé un gigantesque
ouvrage encyclopédique dont l'influence sur ses successeurs devait être considérable.
II. - L'Anatomie comparée
Cette discipline apparaît au XVIIIe siècle comme en continuation directe avec l'apport du siècle précédent.
Aucune grande découverte ne fut faite en ce domaine, mais il faut cependant mentionner ici les noms de
quelques anatomistes particulièrement habiles et brillants.
L'avocat hollandais d'origine française Pierre Lyonet (1707 - 1789) publia en 1760 un Traité anatomique sur
la chenille du saule (Cossus ligniperda) qui est un modèle du genre, illustré de splendides planches gravées
représentant avec une très grande exactitude les muscles, nerfs, trachées de cet insecte.
Pour ce qui est de l'anatomie des Vertébrés, il faut citer le Hollandais Petrus Camper (1722 - 1789) et
l'Anglais John Hunter (1728 - 1793).
Le premier fut le pionnier de la craniologie moderne (il établit chez l'homme la mesure de l'angle facial qui
porte son nom), étudia l'anatomie des anthropoides et de divers autres Mammifères (éléphant, rhinocéros,
etc.), établit l'existence de la pneumaticité des os des oiseaux (déjà entrevue au Moyen Age par Frédéric II
de Hohenstaufen) et fit une importante étude sur l'appareil auditif des Vertébrés.
Le second, fut un autodidacte qui devint un chirurgien renommé à Londres où il fit construire à ses frais un
Musée anatomique. Parmi ses œuvres (essentiellement médicales), il faut signaler ses observations sur
l'origine et la croissance des dents.
III. - La Biologie expérimentale
Contrairement à Linné et à Buffon, qui étaient avant tout des descripteurs et des classificateurs, les
naturalistes dont nous allons parler maintenant furent des expérimentateurs, qui s'attaquèrent à quelques-uns
des grands problèmes de la Biologie.
1. René Antoine Ferchault, Seigneur de Réaumur, originaire de La Rochelle (1683 - 1757), fut un savant
universel s'intéressant aussi bien à la Physique et aux Techniques qu'à la Biologie. Il fut comme Buffon un
grand seigneur cultivé étudiant les sciences pour son bon plaisir, mais ces deux savants s'opposèrent
vivement par leurs conceptions scientifiques tout à fait différentes. Comme l'a bien dit Maurice Caullery de
Réaumur : «C'était un esprit positif, précis et ingénieux, porté surtout vers l'exacte constatation des faits »; il
fut, de plus, un des pionniers de l'étude biologique des Invertébrés (et surtout des Insectes) que Buffon
méprisait. Ses Mémoires pour servir à l'histoire des insectes (1734 - 1742) constituent en effet un des
premiers ouvrages publiés sur leur développement, leurs moeurs et leur comportement, en un mot leur
éthologie.
Réaumur étudia tous les groupes d'Insectes : papillons, pucerons, mouches, Hyménoptères, etc. Les
observations qu'il fit sur les Hyménoptères sociaux (abeilles, guêpes, etc.) sont extrêmement importantes : il
fit construire des ruches avec des parois de verre pour observer ce qui s'y passait ; il précisa
aussi le rôle exact de la reine dont, nous l'avons vu précédemment, Swammerdam avait fait d'excellentes
dissections.
Réaumur fut également un des pionniers de l'étude des Insectes entomophages, c'est-à-dire qui vivent en
parasites d'autres insectes, et fit aussi d'intéressantes observations biologiques sur divers animaux marins
(Coslentérés, Echinodermes, Mollusques, Poissons, etc.).
De plus, l'apport de Réaumur à la Physiologie est de la plus grande importance : c'est lui qui fit, en 1752, les
premières expériences pour préciser la nature exacte de la digestion chez les Oiseaux.
Faisant avaler à des gallinacés à estomac musculeux des tubes en laiton ou en plomb ouverts aux deux bouts
et contenant des graines ou de la viande, il montra que ces substances ne sont pas digérées au bout de 48
heures, ce qui prouve que ce n'est pas seulement la trituration dans le gésier qui provoque la digestion
comme on le croyait alors.
Faisant avaler des tubes identiques à une buse dont le gésier est membraneux, il observa que l'oiseau les
rejetait le lendemain et que la viande était presque totalement dissoute. Il en conclut que la digestion était
«opérée par un dissolvant dans tous les oiseaux dont l'estomac est simplement membraneux».
Pour tenter de préciser la nature de cette substance, il fit avaler à la buse des tubes contenant des fragments
d'éponge et ceux-ci furent rejetés imbibés de suc gastrique dont il tenta de préciser l'action in vitro, c'est-à-
dire dans un tube contenant de la viande.
Mais Réaumur ne put terminer ces expériences qui, comme nous allons le voir, furent reprises par
Spallanzani. Il s'intéressa également à l'Embryologie et à la Génétique, cherchant à préciser le mode de
fécondation de l'oeuf de grenouille, la durée d'incubation des oeufs d'Oiseaux et à étudier les croisements
entre diverses variétés de volailles. Comme on le voit par ces quelques indications, son apport à la Biologie
expérimentale est considérable.
2. L'abbé Lazzaro Spallanzani (1729 - 1799), originaire de Reggio Emilia en Italie, doit être considéré
«comme un des authentiques fondateurs de la Biologie moderne» (J. Rostand). Il s'intéressa en effet aux
principaux aspects de la Physiologie et de la Biologie générale : digestion, respiration, reproduction,
régénération, origine des animalcules des infusions, etc.
C'est sur cette dernière question qu'il fit ses premières recherches. Un prêtre irlandais, Turberville Needham
(1713 - 1781) mettait du jus de viande dans un récipient soigneusement bouché, chauffé pendant une demi-
heure pour détruire les germes qui auraient pu s'y trouver et prétendait que malgré cette précaution, on
observait très rapidement des quantités d'animalcules dans le liquide d'expérience. Needham en concluait
que ces organismes apparaissaient par génération spontanée, celle-ci étant encore admise à l'époque pour les
organismes microscopiques malgré les expériences de Francesco Redi.
Les partisans de cette manière de voir étaient les spontanistes (Needham, O. F. Müller, etc.), les adversaires :
les antispontanistes (Réaumur, Spallanzani, Ch. Bonnet, etc.).
Ces deux catégories de biologistes adoptaient respectivement les vues des partisans de l'épigenèse et de la
préformation. En effet, pour les spontanistes, les animalcules se formeraient aux dépens d'éléments contenus
dans le milieu par le jeu d'une «force végétative» (Needham), tandis que leurs adversaires prétendaient qu'il
était impossible qu'ils ne proviennent pas de parents semblables à eux.
Spallanzani refit vers 1770 l'expérience de Needham et montra que celle-ci comportait une double cause
d'erreur d'une part, le récipient était insuffisamment obturé, ensuite le chauffage n'avait pas été assez intense
pour détruire tous les microorganismes contenus dans le liquide. En remédiant à ces deux imperfections,
Spallanzani montra que le liquide n'est plus envahi par les animalcules. Mais Needham et ses partisans ne
s'avouèrent pas vaincus, ils prétendirent qu'en pratiquant un chauffage excessif on détruisait la «force
végétative» de l'infusion et qu'on altérait l'air du récipient qui devenait impropre à maintenir en vie les
animalcules.
Spallanzani refit des expériences de plus en plus précises mais ne parvint pas à vaincre l'incrédulité des
spontanistes.
Comme nous le verrons au chapitre suivant, la question devait être à nouveau soulevée au XIXe siècle.
D'autres recherches très importantes de Spallanzani concernent la fécondation de l'ceuf de grenouille. A
cette époque, on ignorait encore tout de la fécondation. Le savant italien précisa tout d'abord que chez les
Amphibiens la fécondation était externe, les oeufs prélevés dans l'utérus ne se développant jamais
spontanément. Il eut donc l'idée de collecter au moment de l'accouplement la semence des mâles en leur
plaçant de petits caleçons en tissu (Réaumur avait déjà utilisé mais en vain cet ingénieux procédé) où il
recueillait la liqueur séminale. En déposant celle-ci sur les oeufs vierges, il obtint leur développement et la
production de têtards, réalisant une des premières inséminations artificielles (1777) (1).

(1) En 1763, Jacobi avait déjà realisé l'insémination artificielle chez des Poissons (truite et saumon).

Il fallait encore préciser quel était l'élément de la semence qui possédait le pouvoir fécondant. On croyait en
effet alors à l'action sur l'oeuf d'une «vapeur spermatique» (aura seminalis).
Pour vérifier cette hypothèse, Spallanzani mit des oeufs vierges de grenouille dans un verre de montre au-
dessus duquel il en plaça un autre garni de liqueur séminale. Les œufs ainsi traités ne donnèrent aucun têtard
et le biologiste italien en déduisit qu'un contact matériel entre le sperme et les oeufs est indispensable pour
que ceux-ci soient fécondés.
Malheureusement, Spallanzani ayant des idées préconçues ne comprit pas la portée de ses expériences, car il
était oviste et préformationniste. Il crut avoir démontré que la fécondation pouvait s'opérer par de la semence
diluée dépourvue selon lui de spermatozoïdes, et méconnut complètement le rôle de ces derniers. Parmi les
recherches physiologiques de Spallanzani il faut encore mentionner celles sur la digestion (1780), qui
complètent celles de Réaumur citées précédemment : Ayant obtenu du suc gastrique d'oiseaux sur de petites
éponges qu'il leur faisait avaler ou par prélèvement direct dans l'estomac, Spallanzani en mit dans de petits
tubes métalliques contenant de la viande ou des graines et les plaçant sous ses propres aisselles pendant deux
ou trois jours, pour maintenir une chaleur ambiante adéquate, il constata que les substances étaient liquéfiées
mais non putréfiées. Il venait de réaliser la première digestion artificielle, mais n'avait pas encore reconnu la
nature exacte du suc gastrique qui ne sera précisée que plus tard.
Vers la fin de sa vie (1794), Spallanzani fit également de très intéressantes observations sur l'orientation des
chauvessouris dans l'obscurité et leur faculté d'éviter les obstacles même si on les aveugle. Il pressentit le
rôle joué par l'ouïe et l'on sait effectivement aujourd'hui que les Chiroptères s'orientent par écholocation
(émission d'ultrasons par le pharynx qui se réfléchissent sur les obstacles et sont captés
par l'oreille).
Nous dirons quelques mots plus loin du mémoire posthume de Spallanzani sur la respiration et
mentionnerons maintenant l'œuvre de deux biologistes suisses : Trembley et Bonnet.
3. Abraham Trembley (1700 - 1784), originaire de Genève, découvrit en 1740 l'hydre ou polype d'eau
douce (Hydra viridis), qui appartient à la classe des Cnidaires, montra qu'il s'agit d'un animal capable de se
régénérer lorsqu'on le coupe en deux ou plusieurs morceaux. Il prouva aussi qu'on peut greffer deux
individus l'un sur l'autre et qu'on peut retourner sans dommage un polype comme un doigt de gant. Ces
expériences eurent un grand retentissement dans les milieux scientifiques de l'époque, car c'était la première
fois que l'on arrivait à reproduire un animal en le sectionnant en plusieurs parties.
D'autres naturalistes (Spallanzani, Ch. Bonnet, etc.) allaient confirmer la découverte de Trembley et montrer
que divers autres animaux (Vers de terre, escargots, Amphibiens) pouvaient régénérer diverses parties de
leurs corps si on les coupait. Voltaire lui-même s'intéressa à ce problème.
Sur cette question de la régénération vont également s'opposer les partisans de la préformation et de
l'épigenèse, car la reproduction des parties manquantes soulevait les mêmes problèmes que la production
d'un organisme entier (1).

(1) C'est également au XVIIIe siècle que commencèrent les études vraiment scientiflques sur les êtres anormaux ou
monstres ; ce sont là les débuts d'une nouvelle discipline : la Tératologie.
Mais les biologistes étaient divisés pour expliquer l'origine des monstruosités : pour les uns, les germes seraient
originairement monstrueux, tandis que pour les autres des causes accidentelles (maladies, compressions, etc.) auraient
agi sur le fœtus en voie de développement (discussion à l'Académie des Sciences vers 1740).
On retrouve ici les thèses de la préformation et de l'épigenèse.

Pour les préformationnistes comme Ch. Bonnet, les germes se trouveraient dans tout le corps de l'animal
régénérant en entier (polype par exemple) et dans le cas d'Invertébrés ne régénérant qu'une partie de leur
corps (la patte de l'écrevisse par exemple) les germes ne seraient présents que dans l'organe considéré.
Les épigénistes eux croyaient que les parties sectionnées se reproduisaient sous l'influence mystérieuse
amenant une « formation mécanique».
4. Charles Bonnet (1720 - 1793), originaire comme Trembley de Genève, découvrit en 1740, à peine âgé de
vingt ans, la parthénogenèse (reproduction à partir d'une femelle vierge) chez les pucerons ayant isolé un
individu nouveau-né, il observa quelques jours après que celui-ci donnait naissance à 95 individus. De même
que la régénération de l'hydre, cette découverte annoncée par Réaumur à l'Académie des Sciences fit
sensation et Albrecht von Haller alla jusqu'à appeler le puceron «un être important en physique».
Comme le dit justement Jean Rostand :
«Ces deux découvertes, quasi simultanées, eurent une grande influence sur le progrès des sciences
naturelles, car elles contribuèrent à orienter l'attention vers les animaux inférieurs, en même temps qu'elles
illustraient le côté philosophique de la Biologie en révélant la diversité des moyens employés par la nature et
en inspirant une saine défiance à l'égard des règles trop générales.»
La reproduction parthénogénétique des pucerons allait être un argument de poids pour les ovistes suivant
lesquels c'est la femelle qui produirait le germe de l'embryon.
Des troubles de la vue empêchèrent Bonnet de poursuivre ses recherches de Biologie expérimentale qui
s'annonçaient fructueuses : il avait refait les expériences de Trembley sur la régénération de l'hydre et de
divers autres Invertébrés et étudié le géotropisme (attirance vers le sol) des racines des plantes.
Il s'adonna ensuite à des études spéculatives dont l'aboutissement fut sa Palingénésie philosophique (1768).
Il entrevit l'idée de l'Evolution, en admettant la variation des espèces et l'apparition d'espèces nouvelles et
eut le premier l'idée de comparer l'ontogénie (développement individuel de l'espèce) avec la phylogénie
(histoire de celle-ci dans les temps géologiques). Il émit malheureusement sur l'évolution humaine des
hypothèses qui nous font aujourd'hui sourire : pour lui, l'homme quitterait un jour la terre pour devenir une
sorte d'ange et laisserait la place aux singes et aux éléphants parmi lesquels apparaîtraient peut-être un jour
des Newton ou des Leibniz ! Il exprima cependant l'idée intéressante d'une échelle des êtres vivants.
En définitive, Bonnet fut un préformationniste acharné mais qui eut «le mérite d'apercevoir très clairement
les insurmontables difficultés où se heurte la théorie de l'épigenèse, telle qu'elle se présentait à son époque»
(J. Rostand).
Sa pensée est souvent difficile à saisir, car dans ses ouvrages ses observations biologiques sont noyées dans
un flot de considérations théologiques et spéculatives qui annoncent la «Naturphilosophie» du XIXe siècle.
IV. - L'Embryologie
Comme nous venons de le voir à propos des recherches de Spallanzani, Trembley et Bonnet, les partisans de
la préformation et de l'épigenèse continuèrent à s'opposer au XVIIIe siècle, comme ils l'avaient fait au siècle
précédent.
La découverte de la parthénogenèse des pucerons par Ch. Bonnet avait, nous l'avons vu, renforcé les
convictions préformationnistes.
Mais ces vues devaient rencontrer des contradicteurs, c'est ainsi que Maupertuis (dont nous reparlerons plus
longuement à propos de ses idées transformistes), véritable précurseur de la Génétique, s'opposait au
système des germes, incompatible selon lui, avec des observations d'hybridation d'espèces et de transmission
d'anomalies héréditaires chez les animaux et l'homme (sexdigitisme par exemple).
Ces anomalies sont transmises par les deux parents et Maupertuis se déclarait partisan de la vieille théorie
du mélange des semences, que nous avons rappelée au chapitre précédent. Pour lui, chaque semence
contiendrait une multitude de «particules séminales» représentant une sorte d'extrait de toutes les parties du
corps parental et se combinant dans l'embryon.
Buffon, nous l'avons vu, assimilait ces particules à des «molécules organiques» qui se trouveraient dans les
semences (mâle et femelle) et croyait voir naître les spermatozoïdes à partir de ces «molécules» qui étaient
en fait de vulgaires infusoires ayant contaminé le milieu d'observation.
La grande difficulté, comme l'a bien souligné E. Guyénot, était de comprendre les facteurs réglant la
construction d'un organisme perfectionné, composé de parties dissemblables concourant à la réalisation d'un
ensemble fonctionnel. La préformation résolvait d'un seul coup la difficulté en supprimant «l'épineux
problème de l'embryologie causale». Ce fut, toujours selon Guyénot, la cause de son succès durable.
Cette théorie allait cependant être sérieusement ébranlée par l'oeuvre de Caspar-Friedrich Wolff (1733 -
1794), savant allemand qui se fixa en Russie et qui étudia au microscope le développement du poulet,
publiant ses résultats dans deux mémoires Theoria generationis (1759) et De formations intestinorum
(1768).
Wolff montra que les organes ne sont pas préformés et qu'ils se forment petit à petit au cours du
développement embryonnaire. Il vit par exemple que l'intestin du poulet est d'abord «une simple
membrane» qui se plisse, forme une gouttière, puis un tube. Il en conclut «qu'on peut tenir pour certain que
cet intestin a été évidemment formé et non q u’il existait préalablement entier et complet et apparaissait
seulement à ce moment.»
Il étudia également la formation de l'appareil circulatoire, du système nerveux et fut un remarquable
précurseur en embryologie descriptive. Il fut moins heureux dans ses explications théoriques, admettant que
la matière (animale et végétale) était douée d'une «force essentielle» (vis essentialis), notion purement
imaginaire.
Albrecht von Haller, dont nous allons reparler à propos de ses recherches physiologiques, fut d'abord
partisan de l'épigenèse puis, effectuant vers 1760 des recherches sur le développement du poulet, il crut
avoir démontré que l'embryon de l'oiseau existait préformé dans l'oeuf. Il combattit de ce fait vivement les
travaux de Wolff qui ne seront appréciés qu'au début du siècle suivant lorsque d'autres auteurs étudieront le
développement embryonnaire du poulet.
V. - La Physiologie
Divers historiens des sciences soulignent que les physiologistes du XVIIIe siècle bénéficièrent des progrès
faits par la Physique et la Chimie, à cette époque : recherches sur la chaleur et l'électricité, sur la combustion
et l'oxydation, analyse des gaz, invention de nouveaux instruments (thermomètre, calorimètre).
Pour ce qui est de la Physiologie dans la première moitié du siècle, il faut rappeler les contributions de
Stephen Hales, Réaumur (1) et Albrecht von Haller.

(1) Nous avons vu précédemment l'apport de Réaumur à la physiologie de la digestion.

L'Anglais Stephen Hales (1677 - 1761) publia en 1727 ses Vegetable Staticks, ouvrage consacré à la
transpiration des végétaux et aux variations de pression de la sève dans les racines et les branches.
Dans un mémoire ultérieur (Haemastatics, 1733), il étendit ses observations au sang des Mammifères dont il
mesura la pression à l'aide de manomètres branchés sur des vaisseaux sanguins. Il nota que la pression
sanguine diffère dans les artères et les veines et qu'elle varie selon que le caeur est en systole ou en diastole.
Albrecht von Haller (1708 - 1777) originaire de Berne fut un esprit encyclopédique (médecin, botaniste,
poète et diplomate), auteur de 650 publications. Parmi celles-ci figurent ses Elementa physiologiae . . . (8
vol., 1756 - 1766), véritable compendium physiologique de l'époque. Le principal mérite de von Haller est
d'avoir discuté l'hypothèse cartésienne des «esprits animaux» comme cause du mouvement musculaire, à la
suite d'expériences faites sur des animaux décapités ou sur des foetus anencéphales (c'est-à-dire dépourvus
de cerveaux) et d'avoir distingué diverses propriétés de différents organes.
Pour lui, l'irritabilité est propre aux muscles, la sensibilité aux nerfs, la contractilité au tissu conjonctif. «En
somme Haller nommait irritabilité ce que les physiologistes nomment contractilité, il nommait contractilité
ce qu'ils nomment élasticité, il nommait sensibilité ce qu'ils nomment la conductibilité du nerf»
(Canguilhem).
Il faut également citer ici le nom de Julien Offroy de La Mettrie (1709 - 1751) qui fit ses études médicales
avec le célèbre médecin hollandais Boerhaave dont il traduisit quelques ouvrages. La Mettrie publia à son
tour un livre intitulé L'Homme machine (1748) où il reprend les thèses de Descartes et des iatromécanistes.
L'intérêt de cet écrit polémique et résolument matérialiste réside dans les vues prophétiques de l'auteur
sur la localisation des fonctions mentales dans le cerveau et sa croyance à l'inexistence de l'âme.
Mais c'est surtout dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que des découvertes physiologiques très
importantes allaient être réalisées, en particulier en ce qui concerne la respiration avec la contribution de
Priestley et surtout celle de Lavoisier, qui allait anéantir la théorie du phlogistique de l'Allemand Georg
Ernest Stahl (1660 - 1734) (1).

(1) Ce fut également Stahl qui propagea la doctrine de l'animisme suivant laquelle c'est l'âme qui réglerait tous les
phénomènes biologiques normaux ou pathologiques. Pour les partisans du vitalisme dont les principaux sont les
Montpelliérains Th. de Bordeu (1726-1776) et P.-J. Barthez (1734-1806), c'est un principe vital (ou force vitale) qui
présiderait aux destinées de l'organisme. Nous n'insisterons pas ici sur ces doctrines qui relèvent davantage de
l'histoire de la Médecine que de celle de la Biologie.

On sait aujourd'hui que les métaux (corps simples) se combinent avec l'oxygène pour former des oxydes
(corps composés). Pour Stahl et ses partisans, c'était tout le contraire : les oxydes (pour eux corps simples)
consisteraient en des métaux (pour eux corps composés) ayant perdu un principe capable d'entretenir la
combustion : le phlogistique. Autrement dit l'égalité : métal + O2 = oxyde, était remplacée chez eux par :
métal – phlogistique = oxyde.
Comme l'a très bien dit Emile Guyénot : «Le système était, en somme, l'image inverse de la réalité. Il
était cependant cohérent et logique ; il expliquait en apparence les phénomènes et permettait même de
prévoir des résultats.»
Le savant anglais Joseph Priestley (1733 - 1804) montra dès 1771 qu'une plante placée dans une cloche à
eau dégage de l'«air déphlogistiqué» (= oxygéné) qui permet d'y laisser une bougie allumée.
Quelques années après (1775) il précisa qu'une souris pouvait respirer sans dommage cet air. Priestley
voulut ensuite aller plus loin, cherchant à savoir pourquoi «l'air contribue à conserver la vie, et pourquoi ce
même air respiré plusieurs fois, ne peut plus remplir son objet». Il expérimenta donc avec le sang et nota
qu'il devient noir, tel le sang veineux au contact de l'«air fixe » (gaz carbonique) et rouge vif au contact de
l'«air déphlogistiqué» (oxygène). Il en conclut que le sang entre dans le poumon chargé de phlogistique et
qu'il en sort «déphlogistiqué».
Malgré son interprétation erronée due aux idées de son époque, Priestley a eu le grand mérite de comprendre
qu'un échange gazeux était à la base du phénomène respiratoire.
Nous en arrivons maintenant à l'oeuvre capitale d'Antoine-Laurent Lavoisier (1743 - 1794) interrompue
prématurément par sa mort tragique sur l'échafaud révolutionnaire.
Lavoisier montra dès 1777 que si l'on calcine du mercure dans un volume connu d'air, il se forme une chaux
mercurique, que le volume d'air diminuait d'un cinquième et que le gaz restant (azote) était impropre à la
combustion et à la respiration.
Faisant l'opération inverse, c'est-à-dire réduisant l'oxyde de mercure, il en extrayait l'air respirable qui,
ajouté à l'air méphitique obtenu après la calcination, redonnait l'air que nous respirons.
Il en conclut que l'air atmosphérique était composé d'un cinquième d' «air respirable» (oxygène) et de
quatre cinquièmes d'une «mofette » (azote) irrespirable.
Dans le même mémoire il relatait une autre expérience : un moineau placé dans un volume d'air limité meurt
en moins d'une heure ; l'air restant précipitait l'eau de chaux et contenait donc de l'«acide crayeux
aériforme» (gaz carbonique).
Lavoisier en déduisait que la respiration soustrait de l'oxygène et déverse du gaz carbonique dans
l'air. Et il se demanda si un échange gazeux n'avait pas lieu dans les poumons.
Avec le célèbre physicien Laplace (1749 - 1827), Lavoisier s'attaqua en 1780 au problème de la «chaleur
animale» en plaçant des cobayes dans un calorimètre inventé par lui. Mesurant la quantité de chaleur qui s'y
dégageait, les deux savants conclurent que celle-ci est liée à la respiration et précisèrent :
«La respiration est donc une combustion, à la vérité fort lente, mais d'ailleurs parfaitement semblable à celle
du charbon ; elle se fait dans l'intérieur des poumons, sans dégager de lumière sensible, parce que la matière
du feu, devenue libre, est aussitôt absorbée par l'humidité de ces organes ; la chaleur développée dans cette
combustion se communique au sang qui traverse les poumons et de là se répand dans tout le système
animal.»
Ainsi, non seulement était expliqué le phénomène respiratoire mais du même coup l'origine de la chaleur
animale attribuée jusque-là à un «feu obscur et inné du coeur que la respiration avait pour mission de
tempérer» (E. Guyénot). Un grand pas était donc franchi. On sait cependant aujourd'hui que le siège de la
combustion n'est pas le poumon, mais l'intimité des tissus où l'oxygène est véhiculé par les hématies (1).

(1) Par des Mémoires sur la respiration posthumes de Spallanzani publiés par Senebler (1803), on sait que le grand
biologiste italien avait consacré les dernières années de sa vie à l'étude de la respiration des animaux (Invertébrés et
Vertébrés) et qu'il avait établi qu'elle se fait au niveau des organes et des tissus et pas seulement dans les
poumons.

Dans des études ultérieures faites en collaboration avec Seguin (1789 - 1790), Lavoisier posa les bases de
l'énergétique biologique en montrant le rôle combiné de la respiration, de la transpiration et de la digestion.
Il dit lui-même «La machine animale est principalement gouvernée par trois régulateurs principaux : la
respiration qui consomme de l'hydrogène et du carbone et qui fournit du calorique ; la transpiration qui
augmente ou diminue, suivant qu'il est nécessaire d'emporter plus ou moins de calorique ; enfin la digestion
qui rend au sang ce qu'il perd par la respiration et la transpiration».
Cette «oeuvre sans précédent dans le domaine de la chimie et de la physiologie» (E. Guyénot) avait été
réalisée grâce à l'expérience opposée à la spéculation. De même que le nom de William Harvey domine la
Physiologie au XVIIe siècle, celui de Lavoisier fait briller d'un éclat jusqu'alors inégalé cette discipline au
XVIIIe siècle.
C'est également à la fin du siècle (1791) que l'Italien Luigi Galvani (1737 - 1798) publia ses expériences sur
l'électricité animale inhérente à l'organisme (contractions du muscle gastrocnémien de la grenouille
observées sous l'action d'un arc électrique composé de deux métaux différents), que contestait Volta.
Ce sont là les débuts de l'électrophysiologie qui allait prendre son véritable essor au siècle suivant.
VI. - Les naturalistes voyageurs
Les expéditions scientifiques entreprises aux siècles précédents vont se poursuivre activement au XVIIIe
siècle et permettre une meilleure connaissance de la flore et de la faune des régions éloignées du globe.
Dès le début du siècle (1700), Joseph Pitton de Tournefort (1656 - 1708) qui est par ailleurs un des
fondateurs de la systématique botanique va explorer la Turquie d'Asie, l'Arménie, et une partie de la Perse.
En 1735, Joseph de Jussieu (1704 - 1779) de la célèbre famille de botanistes va accompagner La Condamine
dans son voyage en Amérique du Sud. Citons encore les expéditions en Océanie de Bougainville (1766 -
1769) et de La Pérouse (1785 - 1788) auxquelles participaient des naturalistes.
James Cook (1728 - 1779) entreprit trois voyages dans le Pacifique ; lors du premier (1768 - 1771), se
trouvaient à bord de l'Endeavour les naturalistes Joseph Banks et Daniel Solander, un élève de Linné. La
Nouvelle-Zélande et une partie de l'Australie furent alors explorées et c'est Cook lui-même qui donna une
des premières descriptions du kangourou. De 1772 à 1775, Cook fit un second voyage dans le Pacifique où
l'accompagnaient les naturalistes allemands R. et G. Forster et fut massacré par les indigènes des îles
Sandwich lors de son troisième et dernier voyage (1776 - 1779). Enfin c'est la dernière année du XVIIIe
siècle (1799) que A. von Humboldt (1769 - 1859) et Aimé Bonpland s'embarquèrent pour l'Amérique latine
qu'ils devaient explorer méthodiquement jusqu'en 1804.
VII. - Les précurseurs du transformisme
C'est au cours du xvme siècle que l'idée d'une transformation lente et graduelle des espèces au cours des
époques géologiques allait se faire jour.
Sous l'influence des progrès de la Géologie et de la Paléontologie (découverte de nombreux fossiles (1)
permettant d'affirmer la très grande ancienneté du globe terrestre) et de la mise en évidence des
«variations» des espèces (notamment chez les végétaux), divers naturalistes commencèrent à entrevoir la
possibilité d'une modification des espèces végétales et animales.

(1) Nous ne pouvons nous étendre ici sur les découvertes paléontologiques de divers savants du XVIIIe siècle : John
Hunter, Antoine de Jussieu (un des premiers paléobotanistes), Buffon, Réaumur, etc., qui avaient tous compris que les
fossiles étaient bel et bien des êtres vivants pétrifiés alors que des auteurs tels que Lange, Robinson et Voltaire
(article Coquilles du Dictionnaire philosophique, 1746) ridiculisaient ces hypothèses qui devaient s'avérer justes par
la suite et proposaient à la place des explications fantaisistes.

D'autre part, l'émancipation des esprits sous l'influence d'«hommes nouveaux» dépourvus de préjugés
religieux comme le furent les encyclopédistes, allait permettre de rejeter la tradition biblique qui voulait que
le Créateur soit responsable de l'apparition sur terre des êtres vivants, restés identiques à eux-mêmes depuis
leur création (créationnisme).
Enfin, comme l'a bien fait remarquer Emile Guyénot, les biologistes de la seconde moitié du XVIIIe siècle
prirent très nettement conscience de la continuité des êtres vivants. Selon lui, pour eux « Les êtres organisés sont
infiniment nuancés. Nos classifications en espèces, genres, familles, etc., ne sont que des découpages
commodes, mais artificiels. La Nature les ignore, car elle offre, en fait, une continuité réelle. Entre ce que nous
appelons deux genres, deux espèces, il y a des intermédiaires, des formes de passage. Mêmes transitions entre le
règne animal et le règne végétal, et croyait-on, entre ce dernier et le règne minéral. Il n'y aurait nulle part de
hiatus, de discontinuité : Leibniz n'avait-il pas précisément affirmé que la nature ne fait jamais de sauts ? ».
Et, comme le note également Guyénot, il ne faut pas oublier que si c'est en 1800 que Lamarck exposa pour
la première fois les grandes lignes du transformisme, il avait alors déjà plus de cinquante ans et était donc
par sa formation scientifique un biologiste du XVIIIe siècle.
Benoist de Maillet (1659 - 1738) et Jean-Baptiste Charles Robinet (1735 - 1820) sont les «précurseurs du
transformisme spéculatif» (J. Rostand).
Le premier de ces auteurs, diplomate et philosophe, fit imprimer en 1735 son Telliamed (anagramme de son
nom) qui ne parut qu'après sa mort (1749). Dans cet ouvrage, de Maillet exposa assez bien le mécanisme
de la sédimentation et la signification des fossiles, puis essaya d'expliquer l'origine des êtres vivants par une
sorte de pangenèse : ils proviendraient de semences invisibles mais partout présentes. Les premiers animaux
auraient apparu dans la mer et les Poissons se seraient graduellement transformés en Oiseaux, modifiant
leurs nageoires en pattes et les rayons de ces nageoires en plumes, leur peau se recouvrant de duvet, leur cou
s'allongeant et le bec se développant. De même, l'Homme et les Mammifères proviendraient d'ancêtres
marins.
On a là des idées justes, mais leur interprétation est le plus souvent fantaisiste et bien qu'écrit au «siècle des
Lumières», cet ouvrage relève plus de la fable que de la science.
Robinet, dans un ouvrage publié en 1768, souligna la continuité des êtres vivants et leur perfectionnement
graduel aboutissant à l'Homme, mais crut qu'à l'origine il y eut des sortes de «pierres vivantes» représentant
des tentatives vers la réalisation de l'Homme. Il appuyait sa façon de voir en citant des fossiles en forme
d'organes humains (cœur, rein, crâne, main, etc.) et en comparant à ces derniers des Invertébrés présentant
avec eux une très vague ressemblance (Alcyonium ou «main de mer», holothurie ou «verge de mer», etc.).
Point n'est besoin d'insister sur cette argumentation puérile et dénuée de toute valeur scientifique ; cependant,
comme le note E. Guyénot, l'ouvrage fit réfléchir et c'est par les réflexions qu'il suscita qu'il a «pu jouer un
certain rôle dans la genèse de la conception transformiste».
Beaucoup plus sérieuses sont les thèses soutenues par Pierre-Louis Moreau de Maupertuis (1698 - 1759),
mathématicien et géodésien (il participa à une expédition au pôle nord pour vérifier la forme du globe
terrestre) qui s'intéressa également à des questions biologiques, notamment dans sa Vénus physique (1744),
son Systeme de la nature (1751) et son Essai sur la formation des corps organisés (1754).
Pour ce qui est du problème de la génération, il n'était, nous l'avons vu plus haut, ni oviste ni animalculiste et
expliquait les phénomènes d'hérédité par le jeu d'une double semence. Il fit des expériences d'hybridation,
nota l'existence de variétés chez l'homme et les animaux, pressentit les mutations et fut de ce fait un
véritable précurseur de la Génétique moderne.
Tout en reconnaissant le rôle du climat et de la nourriture dans la production de ces variétés, il pensa que
«le fond de ces variétés se trouve dans les liqueurs séminales mêmes».
Pour Maupertuis, ce sont ces variétés se transmettant de génération en génération qui expliqueraient la
transformation des espèces. Comme le dit E. Guyénot : «Il n'est guère possible de poser à l'époque, en
termes meilleurs, l'hypothèse d'une évolution par mutations.»
Maupertuis entrevit même, un siècle avant Darwin, le rôle de la sélection naturelle lorsqu'il écrivait
«Mais, ne pourrait-on pas dire que dans la combinaison fortuite des productions de la Nature, comme il n'y
avait que celles où se trouvaient certains rapports de convenance qui puissent subsister ici, il n'est pas
merveilleux que cette convenance se trouve dans toutes les espèces qui actuellement existent ? »
Ce grand précurseur avait également entrevu la notion de préadaptation et celle de l'hérédité des caractères
acquis qui sera un demi-siècle plus tard un des piliers de l'édifice lamarckien.
Parmi les précurseurs du Transformisme, il faut encore citer Erasmus Darwin (1731 - 1802), le grandpère
de Charles Darwin, qui publia une Zoonomia ou Lois de la vie organique qui eut deux éditions (1794, 1801).
On trouve exposées dans cet ouvrage des idées intéressantes sur la variation progressive des espèces qui
serait due, suivant l'auteur, à la domestication, au climat, à l'hybridation, au régime alimentaire, aux
maladies, etc. E. Darwin exprima également avant Lamarck la notion de besoins créateurs d'organes comme
le groin du porc, la trompe de l'éléphant, etc., et entrevit également le rôle de la sélection sexuelle et des
colorations protectrices des animaux qui sera précisé un demi-siècle plus tard par son petit-fils.
Il faut encore rappeler qu'en 1790 le célèbre écrivain allemand Goethe (1749 - 1832) publia son Essai sur la
métamorphose des plantes, dans lequel il soutint la théorie suivant laquelle les Phanérogames ne sont que
des feuilles modifiées ayant pour ancêtre un prototype végétal.
De même, Kielmeyer, entre 1790 et 1796, affirmait devant ses élèves qu'il y avait une marche progressive de
la nature : pour lui, les grenouilles passeraient par un stade Poisson (le têtard) et les Mammifères auraient
dans leurs premiers stades de développement une circulation de Reptiles.
Tous ces exemples montrent qu'à la fin du XVIIIe siècle, les idées transformistes étaient «dans l'air» et
allaient être précisées au siècle suivant avec la formulation de la théorie de l'Evolution, «une des plus
prestigieuses constructions du cerveau humain» (Emile Guyénot).

CHAPITRE VI - LE XIXe SIÈCLE


Ce siècle marque une étape capitale dans le développement de la Biologie. C'est en effet entre 1800 et 1900
que vont être formulés des concepts biologiques d'une très grande importance, tels que la théorie de
l'Evolution, la théorie cellulaire, les lois de Mendel, l'origine microbienne des maladies infectieuses, pour
ne citer que les principaux.
Ces nouvelles découvertes ne furent rendues possibles, comme nous le verrons, que grâce au
perfectionnement des techniques et en particulier aux progrès de la microscopie qui permirent la formulation
de la théorie cellulaire et le développement de la Microbiologie.
I. - Lamarck, Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire
Par leurs dates de naissance, Jean-Baptiste Pierre-Antoine de Monet, chevalier de Lamarck (1744 - 1829),
Georges Cuvier (1769 - 1832) et Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772 - 1844) sont des hommes du XVIIIe
siècle, mais c'est à partir de 1800 qu'ils publièrent les ouvrages résumant leur pensée biologique.
Ces trois savants se trouvèrent réunis au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, nouvelle appellation du
Jardin du Roi à la suite des réformes entreprises par la Convention (1793).
1. Lamarck destiné d'abord à la prêtrise, puis au métier des armes va ensuite devenir botaniste et publier une
Flore française (1778) qui lui valut d'entrer l'année suivante à l'Académie des Sciences. Mais il fut aussi un
zoologiste à qui Daubenton offrit en 1793 la chaire nouvellement créée des «Animaux sans vertèbres» au
Muséum de Paris. Dès lors, il s'intéressa à la systématique des Invertébrés actuels et fossiles sur lesquels il
devait publier deux importants ouvrages : Système des animaux sans vertèbres (1801) et Histoire naturelle
des animaux sans vertèbres (1815 - 1822).
Mais l'ouvre de Lamarck qui devait immortaliser son nom est sa Philosophie zoologique (1809), où se
trouve exposée «la première théorie positive de l'évolution des êtres vivants» (J. Rostand), que nous
résumerons très brièvement.
Suivant Lamarck, les êtres vivants les plus primitifs (infusoires) naîtraient par génération spontanée et la
nature aurait produit à partir de ceux-ci les organismes plus compliqués en organisation pour aboutir aux
Mammifères. Influencé par les idées de Buffon, Lamarck distingue parmi les êtres vivants un certain nombre
de «masses naturelles» où l'on peut dénoter un progrès continu de l'organisation. Ce progrès organique est
accompagné de ce que Emile Guyénot appelle «un progrès en quelque sorte psychologique». En effet,
Lamarck nota l'importante étape représentée par l'acquisition chez les animaux primitifs d'un système
nerveux permettant d'acquérir l'irritabilité et la volonté chez ceux plus évolués qui possèdent des
hémisphères cérébraux.
Lamarck n'explique pas très clairement comment s'est fait le perfectionnement dans l'organisme des êtres
vivants ; pour lui, les «fluides internes» de l'animal pourraient sous certaines influences édifier des organes
nouveaux dans ses parties souples. Il distingue deux «causes générales» de ce perfectionnement et de cette
complication de l'organisation : une tendance primitive de la matière vivante vers le perfectionnement et
l'influence des circonstances nouvelles. Ces dernières modifieraient les besoins de l'animal et lui feraient
acquérir de nouvelles habitudes modifiant à leur tour son organisation.
Si l'animal se trouve amené à utiliser un organe, celui-ci se développera et s'accroîtra ; au contraire, s'il doit
réduire son usage, celui-ci diminuera et disparaîtra peu à peu. Et Lamarck donne plusieurs exemples : les
oiseaux aquatiques dont les pattes sont palmées (Palmipèdes) à force d'avoir frappé l'eau, les Echassiers dont
les pattes se sont allongées par suite de leurs efforts pour ne pas s'enfoncer dans la vase, la girafe dont le cou
s'est allongé à force de brouter les feuillages élevés, etc. Comme exemple de régressions, Lamarck cite le
raccourcissement des membres chez les Cétacés, l'atrophie des yeux chez la taupe, l'allongement du corps
chez les serpents, etc., toutes ces modifications étant survenues en raison du milieu et du mode de vie de ces
animaux. Celles-ci s'inscriraient dans le patrimoine héréditaire des organismes affectés et se transmettraient
à leurs descendants ; c'est le postulat de l'hérédité des caractères acquis, dont la réalité n'a pu encore être
reconnue jusqu'ici malgré certaines constatations faites par des immunologistes (cf. R. B. Taylor, Nature,
286, 1980, 837-838).
Pour Lamarck, le facteur temps aurait une très grande importance et ce n'est qu'au bout d'une durée
considérable que l'action du milieu se ferait sentir et que les transformations morphologiques ou
physiologiques deviendraient héréditaires.
Malgré ses imperfections et son finalisme latent, la Philosophie zoologique marque une grande étape dans
l'histoire de la Biologie car c'est la première fois qu'était si nettement formulée l'idée d'Evolution.
Ajoutons que les travaux de Lamarck sur les Invertébrés cités précédemment constituent une contribution
des plus importantes à l'anatomie et à la systématique de ces animaux, et que c'est lui qui, en 1802, dans son
ouvrage intitulé Hydrogéologie, employa le nouveau terme de «Biologie», discipline qui «comprend tout ce
qui se rapporte aux corps vivants et particulièrement à leur organisation, à leur développement, à leur
complication croissante dans l'exercice prolongé des mouvements de la vie». Lamarck avait l'intention
d'écrire une Biologie mais ce projet ne fut jamais réalisé. La même année 1802, Treviranus publia en
Allemagne un ouvrage intitulé : Biologie ou philosophie de la nature vivante.
2. Georges Cuvier, qui - nous allons le voir - critiqua souvent injustement et excessivement les idées de
Lamarck, fut avant tout un anatomiste. Né à Montbéliard en 1769 (la même année que Humboldt, Napoléon
et Wellington), qui dépendait alors du duché de Wurtemberg, il fit ses études à l'Académie Caroline de
Stuttgart (1784 - 1788), puis en France ; au moment de la tourmente révolutionnaire il était précepteur dans
une famille normande et profitait du voisinage de la mer pour disséquer des animaux marins. Ses talents
d'anatomiste étaient déjà reconnus et, en 1795, Geoffroy Saint-Hilaire le fit venir au Muséum de Paris où il
demeura jusqu'à sa mort (1832), obtenant diverses hautes fonctions et honneurs des différents régimes
politiques de l'époque auxquels il sut s'adapter avec un habile opportunisme.
De 1800 à sa mort, Cuvier, seul ou avec divers collaborateurs publia de nombreux ouvrages dont les plus
importants sont : Leçons d'anatomie comparée (1800 - 1805), Recherches sur les ossements fossiles (1812 -
1813), Le Règne animal . . . (1817), Discours sur les révolutions de la surface du globe (1825), Histoire
naturelle des Poissons (1828). Les principaux apports de Cuvier aux sciences biologiques concernent
l'Anatomie comparée, la classification zoologique et la Paléontologie.
En Anatomie comparée, il a étudié les groupes les plus divers d'animaux (Insectes, Crustacés, Mollusques,
Vertébrés) prolongeant ainsi les travaux de Buffon, Daubenton, Camper et Vicq d'Azyr et faisant preuve
d'une clarté et sobriété de jugement rarement égalées jusqu'alors. Il évita les spéculations philosophiques et
fut aussi éloigné des vues de Ch. Bonnet que de celles de la Naturphilosophie allemande (il avait pourtant
été l'élève de Kielmeyer à Stuttgart).
Il s'inspira au contraire de la rigueur d'Aristote en cherchant comme lui à établir les lois d'une anatomie
fonctionnelle.
C'est ainsi qu'il formula son célèbre principe de corrélation des formes dont voici un exemple qu'il donna
dès 1812 : «Si les intestins d'un animal sont organisés à ne digérer que de la chair et de la chair récente, il
faut que ses mâchoires soient construites pour dévorer une proie ; ses griffes, pour la saisir et la déchirer ;
ses dents, pour la couper et la diviser.» De même, une bête de proie n'aura jamais de sabots ni de molaires
plates, ces deux caractères ne convenant qu'aux herbivores.
Ce but que s'était assigné Cuvier était la création d'un système anatomique basé sur cette corrélation des
organes. En Zoologie proprement dite, il divisait le «règne animal» (Titre de son grand ouvrage de 1817) en
quatre groupes principaux : Vertébrés, Mollusques, Articulés et Radiés. A l'intérieur de chacun de ceux-ci, il
distinguait un plan de base à partir duquel se seraient différenciés les divers types d'organismes. Pour lui, on
ne pouvait comparer les organismes des divers groupes et il pensait que les espèces étaient immuables
(fixisme). Au contraire, Geoffroy Saint-Hilaire, comme nous allons le voir, rapprochait des organes très
différents dans les divers groupes d'animaux (Vertébrés et Invertébrés), croyant à une «unité de plan de
composition ».
Ces comparaisons parfois assez simplistes (segments des Articulés comparés aux vertèbres des Vertébrés,
carapace de la tortue à la coquille de la moule) irritaient énormément Cuvier, pourtant autrefois le
collaborateur et l'ami de Geoffroy Saint-Hilaire, et en 1830 éclata entre eux une controverse célèbre.
Le prétexte en fut un mémoire de deux élèves de Geoffroy Laurencet et Meyranx qui comparaient
l'organisation des Mollusques Céphalopodes avec celle des Vertébrés. La seiche y était assimilée à un
Vertébré dont l'orifice anal se serait trouvé dans la région céphalique, dont le cartilage correspondrait aux os
crâniens et dont les autres organes étaient assimilés à ceux des Vertébrés.
Cuvier critiqua vivement cette façon de voir en montrant la différence fondamentale existant entre les
organes d'un Mollusque et d'un Vertébré et le fait que certains de ceux-ci présents chez l'un sont absents
chez l'autre.
De plus, Cuvier était partisan d'un «fixisme intransigeant, croyant à la préexistence des germes, opinion peu
compatible avec l'idée transformiste » (Jean Rostand). Au contraire, Lamarck et Geoffroy Saint-Hilaire
étaient partisans de l'épigenèse et furent transformistes. Toute l'Europe cultivée (et notamment Goethe) se
passionna pour cette controverse qu'arrêta brusquement la mort de Cuvier (1832).
Ce dernier est également le véritable fondateur de la Paléontologie en montrant de façon irréfutable
que des espèces aujourd'hui éteintes avaient jadis vécu sur notre globe.
Appliquant sa loi anatomique des corrélations organiques à l'étude des Vertébrés fossiles, Cuvier put
reconstituer leur squelette à partir de certains de leurs os. La plupart des genres qu'il étudia (Palaeotherium,
Anoplotherium, Lophiodon, etc.), provenaient des carrières à plâtre de la région parisienne. Malgré cette mise
en évidence des ancêtres des Vertébrés actuels, Cuvier n'admettait pas que ces derniers pussent dériver d'eux
par des transformations graduelles, car, selon lui, on ne trouvait pas les formes intermédiaires. Il pensait que les
espèces fossiles avaient disparu par suite de cataclysmes qu'il appelait les «révolutions du globe» et qui auraient
été au nombre de trois, la dernière correspondant au Déluge.
Cuvier, malgré ses intransigeantes opinions fixistes, amena une véritable révolution en Anatomie et
rendit - à son corps défendant - un immense service au Transformisme en créant définitivement la
Paléontologie.
3. Le dernier savant de cette triade, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire commença par s'intéresser à la
Minéralogie, et, en 1794, comme l'avait fait le botaniste Lamarck, devint zoologiste, étant appelé à occuper
la chaire de Zoologie (Mammifères et Oiseaux) du Muséum de Paris et collabora avec Cuvier.
Puis, en 1798, il participa à la célèbre expédition d'Egypte de Bonaparte au cours de laquelle il fit
d'importantes observations sur les Reptiles et les Poissons. On lui doit des travaux très importants
d'Anatomie comparée sur ces deux groupes zoologiques et également sur les Mammifères. Il est de plus un
véritable précurseur de la Tératologie (étude des monstres) expérimentale en soumettant des oeufs de poule
à divers traitements. Ses principaux ouvrages sont : Philosophie anatomique (1812 - 1822), Principes de
philosophie zoologique (1830).
Comme nous venons de le voir, à propos de sa controverse avec Cuvier, la grande idée dominant depuis
1796 la pensée scientifique de Geoffroy Saint-Hilaire fut l'unité de plan de composition du règne animal, ce
par quoi il doit figurer parmi les partisans des idées transformistes.
En effet, si un même plan d'organisation se retrouve dans le règne animal, il est logique de supposer que tous
les êtres vivants dérivent d'un même prototype ancestral.
Pour Geoffroy Saint-Hilaire, la variabilité des espèces serait assez restreinte actuellement, mais aurait été
très grande dans le passé. Pour lui, ces modifications ne seraient pas dues comme pour Lamarck à des
changements d'habitudes, mais à une action directe du milieu agissant sur les organismes au cours de leur
développement. Comme le dit Jean Rostand : «Il était d'autant plus enclin à imaginer de telles
transformations qu'il était entièrement acquis à la doctrine de l'épigenèse.»
Ainsi, dès le début du siècle, l'hypothèse transformiste avait été avancée par Lamarck et Geoffroy Saint-
Hilaire et combattue par Cuvier. Nous verrons plus loin l'explication qu'en donnera Ch. Darwin cinquante
ans plus tard.
II. - La théorie cellulaire
Comme l'a dit justement Maurice Caullery «Le XIXe siècle a vu s'accomplir une des étapes majeures de la
Biologie, l'édification de la théorie cellulaire. Il a acquis la notion de cellule et, avec elle, il a atteint l'unité
structurale de tous les organismes, animaux et végétaux, acquisition primordiale pour la compréhension de
la vie».
Dès 1665, nous l'avons vu au chapitre IV, Robert Hooke avait décrit et figuré la structure alvéolaire du liège,
qualifiant les alvéoles de «cellules» (du latin cellula, petite chambre), mais sans soupçonner leur véritable
signification. Plus tard, en 1672, Malpighi et Grew avaient également remarqué que diverses parties des
plantes étaient constituées de petites vésicules ou utricules. Leeuwenhoek fit des observations analogues en
1679 et avait décrit les globules rouges du sang dès 1674.
Ce sont les perfectionnements des microscopes et notamment l'emploi d'objectifs achromatiques à partir du
début du XIXe siècle (microscope de Selligues construit par Chevalier dès 1824) qui allaient permettre la
formulation de la théorie cellulaire et la naissance d'une nouvelle discipline, la Cytologie ou étude des
cellules, précédée par l'Histologie.
Les précurseurs furent des botanistes : François Brisseau de Mirbel dans divers travaux parus entre 1802 et
1839 reconnaissait que les tissus végétaux sont constitués d'utricules et de vaisseaux tandis que François
Turpin publiait en 1826 des Observations sur l'origine et la formation primitive du tissu cellulaire . . . où il
reconnaît que les tissus végétaux sont constituée de «vésicules».
François-Vincent Raspail (1794-1878), biologiste et homme politique publia en 1827 - 1828 divers
mémoires sur la structure des tissus végétaux et animaux dans lesquels il se montre un précurseur non
seulement de la théorie cellulaire, mais également de l'histochimie et même de la cytochimie, en préconisant
l'emploi de réactions chimiques pour mettre en évidence diverses substances (gluten, graisses, etc.).
Un autre précurseur de cette théorie fut Henri Dutrochet (1776 - 1847) médecin, botaniste et physiologiste
(il découvrit en 1827 le phénomène d'osmose), qui publia en 1837 ses Mémoires pour servir à l'histoire
anatomique et physiologique des végétaux et des animaux dans lesquels il entrevoit la composition cellulaire
non seulement des végétaux mais aussi des animaux (1).

(1) Cf. J. et T. SCHILLER, Henri Dutrochet (Henri du Trochet, 1776-1847). Le matérialisme mécaniste et la
physiologie générale, Paris, Blanchard. 1975.

Le noyau cellulaire était connu depuis longtemps - Leeuwenhoek l'avait figuré dès 1702 chez des hématies de
Poissons et Fontana en 1781 dans des cellules épithéliales d'anguille (fig. 4 A), mais ces auteurs n'avaient pas su
l'interpréter. Chez les végétaux, il fut découvert en 1831 par Robert Brown (1773 - 1858).
C'est en 1838 - 1839 que la théorie cellulaire végétale fut explicitement formulée par un botaniste, Mathias-
Jacob Schleiden (1804 - 1881) et étendue au règne animal par un élève de J. Müller : Théodore Schwann
(1810 - 1882) qui devait ensuite se fixer en Belgique.
Dans son mémoire sur le développement des végétaux (Beitraege sur Phytogenesis, 1838), Schleiden écrit
«La cellule est un petit organisme. Chaque plante . . . est un agrégat de cellules complètement
individualisées et ayant une existence propre» (fig. 4B).
C'est plus ou moins influencé par les idées de Schleiden, que Schwann publia en 1839 ses célèbres
«Mikroskopische Untersuchungen . . . » dans lesquelles il décrit la structure microscopique des plantes et
des animaux (fig. 4 C). Dans ce très important mémoire, Schwann considère la cellule comme l'unité
élémentaire de la vie et cette affirmation devait révolutionner la Biologie et ouvrir la voie aux conceptions
modernes de l'Embryologie, de la Génétique et de l'Evolution. Il est curieux de constater que Schwann,
esprit très religieux, fut à la suite de sa découverte victime d'une grave crise mystique dont il ne se
remit jamais. (1)

(1) Cf. M. FLORKIN, Naissance et déviation de la théorie cellulaire dans l'oeuvre de Théodore Schwann, Hermann,
Paris. 1960.

Cette conception de la cellule suivant Schleiden et Schwann comportait des inexactitudes : ils pensaient que
celle-ci se formait à partir du cytoblaste. Pour eux, ce n'était qu'une vésicule contenant un liquide et le noyau
n'était qu'un organite parmi d'autres.

Fig. 4. - Représentations de cellules aux XVIIIe et XIXe siècles :


A : cellules épithéliales de l'anguille (d'après FONTANA, 1781) ; R cellules végétales avec noyau dans la
paroi (d'après SCHLEIDEN, 1838) ; C : Cellules du cartilage d'une larve d'Amphibien (d'après SCHWANN,
1839) ; D : cellules tumorales humaines multinucléées (d'après R.VIRCHOW, 1851 (d'après A. HUGHES).

La conception actuelle de la cellule ne sera acquise qu'à la suite des observations de divers microsopistes du
XIXe siècle, dont certaines précédèrent la formulation de la théorie cellulaire. Nous ne citerons ici que les
plus importants : Félix Dujardin (1801 - 1860) protistologue français qui créa en 1835 le terme de sarcode
pour désigner le protoplasme des infusoires, notion qui fut appliquée en 1836 par G. Valentin aux cellules de
Métazoaires. C'est le physiologiste tchèque Purkinje dont nous reparlerons au paragraphe VII du présent
chapitre qui employa le premier en 1839 - 1840 le terme de protoplasme.
La structure des cellules végétales fut précisée par H. von Mohl, K. Naegeli, etc. En 1854, Max Schultze
définit le premier correctement la cellule comme «une petite masse de protoplasme renfermant un noyau».
Comme noms l'avons dit plus haut, Schleiden et Schwann n'avaient pas interprété correctement le
développement et la formation des cellules. Comme on le sait aujourd'hui, cette dernière se fait soit par
division directe (étranglement du corps cellulaire et du noyau qui se divisent en deux), soit par division
indirecte plus compliquée (mitose ou caryocinèse) dans laquelle le noyau se résout en chromosomes se
divisant en deux et se dirigeant vers chacun des pôles de la cellule originale qui se divise en deux après
apparition d'une cloison médiane.
Des cellules animales en voie de division avaient été déjà vues par A. K. Slliker (1844), R. Remak (1852) et
divers autres observateurs, tandis que le grand médecin allemand Rudolph Virchow (1821 - 1902) étudiant
au microscope des tissus pathologiques (fig. 4 D) formulait dès 1855 le célèbre adage omnis cellula e
cellula, c'est-à-dire toute cellule provient d'une cellule antérieure.
Mais la démonstration expérimentale de la division cellulaire ne fut réalisée que vingt ans plus tard, en 1875,
par le botaniste allemand E. Strasburger (1844 - 1912) qui vit dans des cellules végétales (poils des étamines
de Tradescantia) la mitose et la fragmentation du noyau en particules colorables se divisant en deux. Le
même phénomène fut observé par un autre Allemand, le zoologiste W. Flemming chez des Amphibiens
(1879 - 1882) (fig. 5). Comme l'a fait remarquer à ce propos Jean Rostand, «On notera le va-et-vient
constant de la recherche entre le matériel végétal et le matériel animal.»

Fig. 5. - Chromosomes dans les cellules é ithéliales de la salamandre selon W. FLEMMING, 1882 (d'après E.
HINTZSCHE).

Flemming appela chromatine les particules colorables du noyau et le terme de chromosome fut créé par
Waldeyer (1888). Nous verrons au paragraphe suivant comment ces chromosomes furent mis en évidence
dans les cellules sexuelles (ovules et spermatozoïdes).
Les progrès de la Cytologie (étude des cellules) furent précédés par ceux de l'Histologie (étude des tissus
dont les cellules sont les constituants élémentaires). Dès 1801, le médecin français Xavier Bichat (1771 -
1802) avait montré dans son Anatomie générale appliquée à la Physiologie et à la Médecine que les divers
organes sont constitués de tissus dont il distinguait vingt et une sortes. Cependant, il se refusa à se servir du
microscope et à illustrer de figures ses observations : esprit du XVIIIe siècle, il fut autant théoricien
qu'expérimentateur. Après la formulation de la théorie cellulaire, l'Histologie se développa grâce à
l'apparition de nouvelles techniques : fixation, inclusion des tissus débités en coupes fines grâce au
microtome et colorés à l'aide de diverses substances (colorants d'origine végétale, sels métalliques, etc.).
Parmi les pionniers de l'Histologie, il faut citer les Français Charles Robin (1821 - 1883) et Louis Ranvier
(1835 - 1922), l'Allemand A. Koelliker (1817 - 1905) déjà cité, également l'Italien Camillo Golgi (1844 -
1926) qui préconisa l'imprégnation du tissu nerveux par le nitrate d'argent et l'Espagnol Ramon y Cajal
(1852 - 1934) qui précisa la nature des cellules nerveuses (neurones) et leurs connexions à l'aide de la même
technique.
L'influence de la théorie cellulaire sur la Biologie fut considérable. Nous avons déjà vu comment elle fut
adoptée par Virchow qui l'appliqua à la Pathologie. Comme l'a écrit si justement Jean Rostand, «Substituant
un seul élément constitutif, la cellule, aux vingt et un éléments, ou tissus, qui, d'après Bichat, formaient les
matériaux de l'organisme, elle (la théorie cellulaire) ouvrait des perspectives toutes neuves aux
physiologistes et aux médecins, qui, désormais, à l'exemple de Claude Bernard, s'efforceront d'expliquer les
phénomènes normaux ou pathologiques de l'organisme par les propriétés des éléments cellulaires ».
L'Embryologie allait être également influencée par cette conception nouvelle lorsque, d'une part la nature
cellulaire des gamètes (ovule et spermatozoïde) fut confirmée et que la théorie cellulaire permit «en
définitive de ramener tous les épisodes de la formation de l'être à des divisions, des transformations ou des
déplacements de cellules » (Jean Rostand).
III. - Sexualité et Embryologie
1. Sexualité. - Au XIXe siècle, les phénomènes de sexualité furent étudiés de façon très approfondie tant
chez les Invertébrés que chez les Vertébrés. Chez les Protozoaires (dont beaucoup se reproduisent
asexuellement), des phénomènes sexuels furent mis en évidence par divers biologistes (conjugaison des
Ciliés étudiée par Maupas en 1888 - 1889, sexualité des Sporozoaires découverte par Schaudinn, Siedlecki,
Léger, etc., à la fin du siècle).
Chez d'autres Invertébrés furent observés des cas d'intersexualité : les larves sexuellement indifférenciées
de la bonellie (ver marin) qui deviennent mâles ou femelles suivant qu'elles se fixent à un support rocheux
ou à la trompe de la femelle furent étudiées par Spengel (1879). L'intersexualité de certains Invertébrés
parasités par d'autres organismes (Vers, Crustacés, etc.), fut notée dès 1837 par Rathke ; la notion de
castration parasitaire est due à Giard (1888).
Des cas de gynandromorphisme (individu présentant simultanément des caractères sexuels mâles et
femelles) furent signalés chez des Invertébrés (Crustacés, Insectes) et des Vertébrés (Poissons, Oiseaux) par
divers zoologistes du XIXe siècle.
Enfin fut mise en évidence chez certains Invertébrés (Caelentérés, Trématodes, Tuniciers) la notion
d'alternance de générations (sexuées et asexuées) par le poète et naturaliste allemand Adalbert von
Chamisso en 1819 et par le biologiste danois Steenstrup en 1842 - 1845.
2. Embryologie. - Comme nous l'avons vu au chapitre précédent, les biologistes de la fin du XVIIIe siècle
étaient encore divisés en préformationnistes et épigénistes, admettant ou non la préformation de l'embryon
dans l'oeuf, et en ovistes et animalculistes attribuant le rôle essentiel dans le développement de l'organisme à
l'œuf ou au spermatozoïde. *
Au début du XIXe siècle, d'importantes recherches sur la fécondation vont être entreprises par le médecin
suisse Jean-Louis Prévost (1790 - 1850) et le chimiste français Jean-Baptiste Dumas (1800 - 1884).
En 1824, ces deux savants reprennent l'étude de la fécondation de l'oeuf de grenouille entreprise par
Spallanzani au siècle précédent et montrent en filtrant la semence mâle que celle-ci perd son pouvoir
fécondant, alors que le résidu le conserve. Ils notent en outre une relation entre la présence des
spermatozoïdes dans la semence et le pouvoir reproducteur : chez les mulets ou chez des animaux trop jeunes
ou trop vieux, inaptes à la reproduction, les animalcules font défaut.
Comme l'a dit Jean Rostand à propos de ces observations : «Voilà donc ressuscité et plus vivant que jamais
l'animalcule de Leeuwenhoek qu'avaient tué pour quarante ans les expériences de Spallanzani.»
Prévost et Dumas pensaient également qu'en pénétrant dans l'oeuf, le spermatozoide donnait certains organes
de l'embryon (le système nerveux par exemple) tandis que d'autres étaient formés à partir de l'oeuf et de sa
membrane.
En 1825, examinant des ovaires de chienne, les deux mêmes auteurs notent la présence dans les vésicules
ovariennes de petits ovules de 1 à 2 millimètres de diamètre et pressentent qu'il s'agit là des véritables œufs
beaucoup plus petits que les vésicules ovariennes avec lesquelles on les confondait jusque-là.
Ce fait très important sera confirmé par le biologiste germano-russe Karl von Baer (1792 - 1876) dans une
lettre adressée à l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg et intitulée : De ovi mammalium et hominis
genesi (1827). Comme Prévost et Dumas, c'est chez la chienne que von Baer fit cette découverte capitale en
incisant les vésicules ovariennes. Il compara l'œuf des Mammifères à la vésicule germinative de l'œuf
d'oiseau décrite par Purkinje (1825). L'embryologiste français Coste devait rectifier cette façon de voir en
1837.
Von Baer publia également un très important ouvrage sur le développement embryonnaire des animaux
(Über Entwicklungsgeschichte der Thiere, 1828 - 1837) où il formula des notions aussi nouvelles que
fondamentales. Il montra que l'œuf en cours de développement se divise en plusieurs couches de tissus ou
feuillets germinatifs déjà décrits en 1817 par son collègue Pander, qui donneront chacun naissance à des
organes bien déterminés de l'embryon. Chacun de ces feuillets sera nommé en 1845 par Remak : ectoderme,
mésoderme, endoderme suivant qu'il est externe, médian ou interne.
Une autre très importante notion nettement formulée pour la première fois par von Baer, pressentie déjà par
Meckel (1815) et dont Haeckel fera sa loi biogénétique fondamentale. Elle est constituée par les quatre
propositions suivantes :
1. Dans le développement, les caractères généraux apparaissent avant les caractères particuliers.
2. Les caractères les moins généraux se développent après les plus généraux et sont suivis par le
développement des caractères particuliers.
3. Au cours du développement d'une espèce donnée, celle-ci s'écarte de plus en plus des animaux
appartenant à d'autres espèces.
4. Au cours de leur développement, les espèces supérieures passent par des états embryonnaires qui
rappellent ceux d'espèces inférieures.
Von Baer découvrit chez l'embryon des Vertébrés la corde dorsale (notochorde), ébauche du squelette.
Mais revenons aux cellules sexuelles (gamètes) et en particulier aux spermatozoïdes. Dans la première
moitié du XIXe siècle, ils sont encore interprétés par divers auteurs (de Blainville, von Baer, Burdach, etc.)
comme étant des parasites de la semence. Leur véritable origine à partir des tubes séminifères (pressentie dès
1827 par Peltier et Dujardin) ne sera définitivement admise qu'après les travaux de Koelliker (1841),
Wagner et Leuckart (1849). Après la formulation de la théorie cellulaire, on reconnut que l'œuf et le
spermatozoïde sont des cellules dans lesquelles, entre 1883 et 1887, le biologiste belge E. Van Beneden
utilisant l'ascaride du cheval, mettra en évidence les chromosomes (déjà connus alors, nous l'avons vu, dans
des cellules non sexuelles) en montrant qu'ils se trouvent en nombre égal dans le noyau de l'ovule et dans
celui du spermatozoïde. Il nota également que le noyau des gamètes contient deux fois moins de
chromosomes que celui des cellules germinales d'où ils proviennent. C'est le phénomène de méiose ou
réduction chromatique, qui sera confirmé en 1887 par l'Allemand Th. Boveri.
La fécondation fut observée par Thuret (1854) chez des algues (Fucus), puis par O. Hertwig chez l'oursin
(1875) et l'Ascaris (1893) (fig. 6) et, en 1877, par H. Fol chez l'étoile de mer, ces deux auteurs ayant vu la
pénétration du spermatozolde dans l'ovule.
Hertwig décrivit le phénomène dans ses différentes phases : pénétration d'un seul spermatozoide, formation
d'une membrane vitelline, individualisation du noyau spermatique qui s'approche du noyau femelle et se
fusionne avec celui-ci, puis segmentation de l'œuf. Cette segmentation avait été déjà vue dès 1824 par
Prévost et Dumas chez la grenouille, mais ils n'avaient su l'interpréter correctement. Elle fut observée dans
tous les groupes d'animaux (Invertébrés et Vertébrés) dans la première moitié du XIXe siècle et, en 1850, V.
Coste confirma la généralité de ce processus.

Fig. 6. - Différents stades de la fécondation de l'aeuf d'Ascaris megalocephala selon O. HERTWIG, 1893. (On voit à
partir du stade h la formation et l'expulsion des globules polaires et les chromosomes
sont bien visibles aux stades e et f) (d'après HUGHES).

Comme nous l'avons dit plus haut, à partir des conclusions de von Baer sur le développement embryonnaire,
fut formulée en 1866 par le biologiste allemand Ernst Haeckel (1834 - 1919) la loi biogénétique
fondamentale suivant laquelle l'ontogenèse serait une courte répétition de la phylogenèse, c'est-à-dire de la
lignée à laquelle appartient l'animal considéré.
Haeckel s'appuyait sur des observations d'un autre naturaliste allemand Fritz Müller qui avait supposé, dès
1864, en étudiant au Brésil le développement de crevettes Penaeidae que ces arthropodes avaient des stades
larvaires rappelant ceux d'autres Crustacés plus primitifs.
Haeckel proposa aussi une théorie suivant laquelle les animaux inférieurs (Spongiaires, certains Cnidaires)
ayant l'aspect général de la gastrula (caractérisée par la présence des deux feuilleta : ectoderme et
endoderme) représenteraient l'ancêtre hypothétique des Métazoaires supérieurs. C'est la théorie de la
gastraea.
Il reste peu de chose aujourd'hui de ces postulats de Haeckel : sa loi biogénétique n'est valable que pour
les organes et non pour l'organisme entier.
Par ailleurs, A. Kovalewsky (1867) avait montré les similitudes existant dans le développement
embryonnaire des Céphalocordés (Amphioxus) et des Tuniciers encore considérés comme des Mollusques
dégradés, et des Vertébrés. Ces recherches furent confirmées par E. Metchnikoff.
Pour ce qui est de la gastraea, on sait maintenant que la gastrula n'existe pas dans tous les groupes
zoologiques (elle manque chez la plupart des Cnidaires) et l'homologation des feuillets germinatifs y est
restreinte car les mêmes organes de divers animaux peuvent avoir une origine entièrement différente.
Comme nous le verrons plus loin, Haeckel fut un partisan de la première heure des idées de Darwin, fit
d'importants travaux sur les Protozoaires (c'est lui qui réunit les unicellulaires animaux et végétaux pour en
faire le règne des Protistes) et créa le terme d'Ecologie (1866) pour désigner l'étude des organismes en
fonction de leur milieu (cf. P. Acot, 1988).
Pendant la plus grande partie du XIXe siècle, l'Embryologie avait été uniquement descriptive. A la fin du
siècle, elle devint expérimentale avec le perfectionnement des techniques de microdissection.
Les principaux promoteurs de l'embryologie expérimentale furent le Français Laurent Chabry et deux
Allemands : Wilhelm Roux et Halas Driesch.
Laurent Chabry (1855 - 1894) étudia en 1887 le développement embryonnaire des Ascidies, nota la présence
de demi-embryons anormaux et montra que l'on pouvait les obtenir en détruisant des blastomères de l'œuf au
stade 2.
Wilhelm. Roux (1850-1924) travailla, lui, sur l'œuf de grenouille et d'oursin; chez le premier il détruisit,
comme Chabry, un blastomère au stade 2 et obtint des demi-embryons tandis qu'en séparant chez le second
des blastomères à divers stades, par secouage, il nota que chacun peut donner une larve complète
(régulation). Ce dernier phénomène devait être précisé et expliqué par H. Driesch (1867-1941) qui en donna
la démonstration expérimentale.
D'autres expériences faites à cette époque concernent la parthénogenèse expérimentale (1) : des œufs vierges
sont soumis à divers traitements mécaniques, physiques ou chimiques destinés à provoquer leur
développement sans fécondation. Les premiers essais sont dus à divers auteurs (Tichomiroff, R. et O.
Hertwig, Th. Morgan, etc.) et c'est l'Américain Jacques Loeb (1899) qui obtint des larves à partir d'œufs
d'oursins plongés dans une solution d'eau de mer sursalée (2).
Il faut enfin noter la découverte à la fin du siècle (P. Marchal, 1897) du curieux phénomène dit de
polyembryonie chez un Hyménoptère parasite (Encyrtus) : chaque œuf se développe en donnant plusieurs
embryons, et rappeler les progrès de la Tératologie expérimentale avec Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1805
- 1861) (fils d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire) et C. Dareste qui étudièrent les anomalies survenant au cours
du développement embryonnaire en cherchant à en provoquer l'apparition.

(1) Comme noua l'avons vu au chapitre précédent, la parthénogenèee naturelle avait été découverte en 1740 par
Bonnet chez les rucerons. D'autres cas furent observés dans le courant du XIXe siècle et le Phénomène fut interprété
de diverses manières. C'est Claus (1964) qui comprit qu'il s'agissait d'un ovule se développant sans le concours du
spermatozoïde.
Lorsque furent précisées les notions d'haploïdie et de diploïdie on chercha à expliquer le maintien de cette dernière
dans les neufs parthénogénétiques (Weismann, 1886 ; Blochmann, 1887).
(2) Notons aussi la découverte de la pédogenèse (larves pouvant se reproduire parthénogénétiquement) chez des
larves de Diptères par N. Wagner (1861).

IV. - Darwin et le darwinisme


1. Darwin et son oeuvre. - Charles Darwin (1809 - 1882), petit-fils d'Erasmus Darwin cité au chapitre
précédent, innova en Biologie par la publication de son célèbre ouvrage The Origin of Species by Means of
Natural Selection (1859). Il commença sa médecine à Edimbourg, mais interrompit rapidement ses études et
décida de se consacrer à la Théologie en suivant des cours à Cambridge (1828 - 1831). Déjà attiré par
l'histoire naturelle et en particulier par l'entomologie et la géologie, il fut proposé par le botaniste Henslow
comme naturaliste pour accompagner le Beagle, navire qui devait faire le tour du monde. Au cours de ce
voyage qui dura de 1831 à 1836, Darwin visita l'Amérique du Sud, Tahiti, l'Australie, l'Afrique du Sud. A
partir de 1842, son mauvais état de santé (1) l'obligea à se retirer dans la campagne anglaise à Down (Kent),
où sa maison transformée en musée existe toujours.

(1) Suivant certains auteurs récents (Adler, Kohn), Darwin aurait peut-être contracté au Brésil la maladie de Chagas
due à un trypanosome (Protozoaire parasite) inoculé à l'homme par des insectes Hémiptères.
C'est là que Darwin va étudier les matériaux d'histoire naturelle rapportés de son voyage et formuler sa
célèbre théorie de l'Evolution. Dès 1839, il publia son Journal de Voyage, puis en 1842 un ouvrage sur les
récifs coralliens et en 1854 une monographie des Crustacés Cirripèdes.
Mais c'est surtout la question de l'évolution des espèces qui le passionnait et sur laquelle il méditait dès
1837. Comme le dit Jean Rostand, «à ce moment, la thèse transformiste est nettement en discrédit. Contre
Lamarck, contre Geoffroy Saint-Hilaire, le fixisme créationniste l'a emporté, de par la haute autorité de
Cuvier, soit que l'on admette une création unique d'êtres organisés, soit qu'avec d'Orbigny on admette des
créations successives.»
Darwin, quant à lui, était convaincu de la variabilité des espèces par diverses observations faites au cours de
son voyage (existence d'ossements de tatous fossiles ressemblant beaucoup à ceux vivant encore dans la
même région d'Amérique du Sud, présence dans l'archipel des Galapagos de tortues différentes mais
voisines dans chacune des îles, etc.). Il rapprocha très habilement cette variabilité de celle que l'on
observe chez les animaux domestiques et les plantes cultivées où l'homme crée des races nouvelles en
choisissant comme géniteurs, pendant plusieurs générations successives, des espèces possédant un
caractère déterminé.
Il lui restait à préciser comment cette sélection s'opère dans la nature, lorsqu'en 1838, il découvrit l'ouvrage
de Malthus : On the Principle of Population (1798), dans lequel l'économiste anglais montrait que toute
population d'êtres vivants s'accroissant beaucoup plus vite que la quantité de nourriture disponible, il s'ensuit
alors une concurrence vitale entre les individus et les espèces en présence qui entraînera la survivance des
plus aptes, c'est-à-dire des plus forts et des mieux adaptés dans la lutte pour la vie.
Darwin rapprocha ces idées de ses observations sur la variabilité des espèces et en déduisit que certains
caractères morphologiques ou physiologiques conféraient aux individus les possédant un avantage dans
la lutte pour l'existence.
Ces caractères se transmettent héréditairement à leurs descendants. C'est donc la sélection naturelle qui,
dans la nature, joue le rôle de l'éleveur d'espèces domestiques pratiquant la sélection artificielle. Pendant
vingt ans, Darwin «recueillit patiemment les éléments d'une argumentation serrée et minutieuse» (J.
Rostand), se documentant auprès des éleveurs et horticulteurs, faisant lui-même des observations sur
des animaux domestiques (pigeons, lapins).
En 1858, un an avant la parution de son grand ouvrage, Darwin reçut d'un autre naturaliste anglais, explorant
alors la Malaisie, Alfred Russell Wallace (1823 - 1913) un mémoire manuscrit résumant l'essentiel de ses
propres idées sur la variation et l'évolution. Wallace avait également voyagé en Amérique et en Asie et lu
aussi Malthus. C'est alors que sur les conseils du géologue Lyell et du botaniste Hooker, Darwin lut un
abrégé de sa théorie à une séance de la Linnean Society de Londres (ler juillet 1858), où fut également
présenté le mémoire de Wallace.
The Origin of Species . . . parut enfin en novembre 1859 et le succès de l'ouvrage fut considérable (le
premier tirage fut épuisé en une semaine) car les vues de Darwin étaient appuyées sur des exemples
concrets, fruits de l'observation directe. En plus de ceux concernant la variabilité, la domestication, la lutte
pour la vie et la sélection, Darwin donnait des arguments empruntés à la Paléontologie (succession des
fossiles dans les couches géologiques), à l'Embryologie (parenté entre les embryons d'un même groupe
zoologique, persistance chez certaines espèces d'organes rudimentaires qui sont des vestiges ancestraux).
Comme le souligne à juste titre Jean Rostand, les acquisitions biologiques ou géologiques de l'époque
(travaux paléontologiques de Cuvier, progrès de l'embryologie avec von Baer, théorie cellulaire, principe des
causes actuelles de Lyell) allaient contribuer au succès des idées darwiniennes. Celles-ci furent cependant
combattues, d'une part par les défenseurs du fixisme comme Richard Owen et également par le clergé car
«Darwin avait en beau ne faire aucune allusion à l'origine de l'homme, on sentait bien que ses conclusions ne
visaient pas moins notre espèce que n'importe quelle autre des espèces animales» (J. Rostand), et ses
explications demeuraient résolument mécanistes.
Cependant, la plupart des naturalistes de l'époque (Lyell, Hooker, Huxley, Haeckel, etc.) adoptèrent avec
enthousiasme la nouvelle théorie. Comme nous l'avons vu dans le paragraphe précédent, c'est pour l'appuyer
que Fritz Müller publia en 1864 son Für Darwin qui inspira à Haeckel sa Loi biogénétique fondamentale.
Darwin publia encore plusieurs ouvrages importants sur les variations des animaux et des plantes (1868) (1);
la descendance de l'homme (1871) (2), la fécondation des orchidées, les plantes insectivores, le rôle des vers
de terre dans la formation de la terre végétale, etc., qui dénotent ses talents de naturaliste complet et de
biologiste.

(1) A la fin de cet ouvrage, Darwin proposa une nouvelle théorie de l'hérédité dite de la pangenèse suivant laquelle
chaque partie élémentaire de l'organisme produirait un petit germe ou gemmule pouvant provoquer la formation d'une
partie semblable à celle d'où il provient. Ces germes s'accumuleraient dans les gamètes. Cette théorie n'est pas sans
rappeler les idées hippocratiques et celle des molécules organiques de Buffon.
(2) C'est dans cet ouvrage que Darwin ajouta à sa théorie le principe de la sélection sexuelle (choix par les femelles
des mâles les plus beaux et les plus torts).

2. Weismann et le néo-darwinisme. - La théorie darwinienne impliquait, nous venons de le voir, que les
variations triées par la sélection naturelle se transmettraient héréditairement. En cela, comme Lamarck,
Darwin admettait comme évidente l'hérédité de l'acquis. Cette notion allait être sévèrement critiquée par
le biologiste allemand August Weismann (1834 - 1914) qui publia en 1883 sa célèbre théorie de la
continuité du plasma germinatif.
Selon lui, tous les organismes pluricellulaires sont composés de deux sortes de cellules : celles du corps ou
soma et les cellules reproductrices (germen), totalement indépendantes les unes des autres. Autrement dit, les
modifications affectant le soma n'agissent pas sur le germen et ne sont par conséquent pas héréditaires. La
lignée germinale qui donnera les gamètes dans une génération ultérieure reste inchangée ce qui explique la
continuité du plasma germinatif.
Cette théorie qui constitue le néo-darwinisme, s'oppose formellement, comme on le voit, à la possibilité
d'une hérédité des caractères acquis (1).

(1) Certaines constatations faites récemment par des immunolostes permettraient cependant de l'expliquer dans
certains cas (cf. p. 70).

Weismann supposait également une concurrence entre les éléments constituants du plasma germinatif avec
comme résultante une sélection germinale.
Comme nous le verrons plus loin (cf. p. 117), ce sont les mutations observées chez les plantes et les animaux
sur lesquelles s'appuiera le néo-darwinisme.
V. - Les débuts de la Génétique
Nous avons exposé précédemment qu'au XVIIIe siècle, des biologistes tels que Réaumur ou Maupertuis
s'étaient déjà intéressés à la question de l'hérédité chez l'homme et chez les animaux.
La science de l'hérédité ou Génétique ne se constituera véritablement qu'à partir de 1900, mais des
expérimentateurs habiles du XIXe siècle lui avaient ouvert la voie : Jean-Antoine Colladon (1755 - 1830),
pharmacien de Genève, fit vers 1820 des expériences d'hybridation entre souris grises et blanches et nota que
les descendants d'un tel croisement étaient toujours tout blancs ou tout gris et que la couleur blanche pouvait
se maintenir pendant plusieurs générations. Comme l'a dit J. Rostand, qui a récemment commenté ces
observations : «Colladon avait parfaitement vu quelques-uns des faits essentiels de l'hybridation raciale et
notamment la dominance d'un caractère ainsi que la stabilité de ce caractère, lequel peut se maintenir
comme pur à travers plusieurs générations en dépit des croisements réitérés » et il ajoute : «Ces expériences,
d'une inspiration fort remarquable pour l'époque, introduisaient en Génétique animale un matériel qui devait
être abondamment et fructueusement utilisé par la suite.»
Mais ce sont surtout les plantes qui avaient été utilisées avec succès pour des expériences d'hybridation par
divers naturalistes. En 1826, Sageret avait croisé des melons et observé leur descendance, notant déjà la
disjonction des caractères parentaux chez les hybrides. Charles Naudin (1815 - 1899) publiait en 1865 un
mémoire sur l'hybridation chez divers végétaux (Datura, Linaria, Nicotiana) où il observait également cette
disjonction.
Mais la plus importante contribution à la Génétique du XIXe siècle est sans contredit celle du moine Johann
Gregor Mendel (1822 - 1884) originaire de Brunn en Moravie (aujourd'hui partie de la Tchécoslovaquie).
De 1856 à 1863, il fit des croisements entre diverses races de pois (Pisum sativum) et en dégagea les lois de
l'hybridation, appelées aujourd'hui Lois de Mendel dans un mémoire publié en 1865 : Versuche, über
Pflanzen-Hybriden. Pour Jean Rostand, «Le mémoire de Mendel sur l'hybridation végétale est un véritable
chef-d'œuvre d'expérimentation et de logique. On peut, pour l'importance historique, le ranger auprès de
l'ouvrage de Schwann sur la théorie cellulaire et de l'Origine des espèces, de Charles Darwin.»
Les deux lois essentielles formulées par Mendel sont celles de la disjonction des caractères déjà vue par
divers précurseurs et celle de l'indépendance de ces caractères.
Voyons en quoi consistèrent les expériences de Mendel : l'exemple le plus simple qu'il étudia concerne le
croisement entre des pois à graines lisses (L) et à graines ridées (r). A la première génération (dite F1), on
n'obtient que des pois à graines lisses. Si on croise ces derniers entre eux par autofécondation, on observe à
la seconde génération (F2) 75 % de pois du type L et 25 % du type r.
Chez l'hybride F1, le caractère r (récessif) était masqué par le caractère L (dominant) et il reparaît en F2.
On explique très bien ce qui s'est passé si l'on admet que l'hybride F1 de type Lr possède deux catégories de
gamètes L ou r en nombre égal. Lors des croisements entre de tels hybrides, les combinaisons entre ces
gamètes donneront les quatre possibilités suivantes d'hybrides F2: LL, Lr, Lr, rr. Or comme nous l'avons
vu, les hybrides LL seront lisses, les hybrides rr ridés (types parentaux) tandis que ceux du type Lr seront
lisses (L étant dominant sur r). On retrouve donc les proportions de 75 % de type L et 25 % de type r
mentionnées plus haut.
On peut résumer ces deux croisements par le schéma suivant :

LL X rr

Mendel croisa également des variétés de pois présentant non plus un seul, mais plusieurs caractères, par
exemple des graines rondes et jaunes ou des graines vertes et ridées. Cette fois, il y aura 4 sortes de gamètes
mâles et femelles (rond-jaune, ridé-jaune, rond-vert, ridé-vert) et par conséquent 16 combinaisons possibles
correspondant aux caractères Jaune et Rond, Jaune et ridé, vert et Rond, vert et ridé dans la proportion 9, 3,
3, 1, les caractères jaune et Rond étant dominants et vert et ridé récessifs : (cf. fig. 7).
Comme l'a dit Maurice Caullery : «Au caprice, qui jusque-là semblait le caractère essentiel de l'hérédité,
était substituée une parfaite régularité prévisible.»

Ces résultats de Mendel montraient que les caractères héréditaires étaient liés à des éléments dissociables et
suggéraient une discontinuité du patrimoine héréditaire.

Fig. 7. - Diagramme montrant les 16 combinaisons possibles dans le croisement entre les hybrides (F 1) issus du
croisement : pois à graines rondes et jaunes x pois à graines vertes et ridées (d'après SINGER).

Comme nous le verrons plus loin, les lois de Mendel ne seront redécouvertes qu'en 1900 et l'on verra à ce
moment-là qu'elles peuvent être généralisées à l'ensemble des êtres vivants.
C'est également au début du XXe siècle que des biologistes découvriront que c'est le noyau de la cellule et
plus particulièrement les chromosomes qui sont le siège des propriétés héréditaires, les idées de Weismann
ayant frayé la voie à cette conception.
L'oeuvre de Mendel est un exemple typique dans l'histoire des sciences d'une découverte qui demeura,
inaperçue de ses contemporains. Son mérite et sa valeur ne furent en effet reconnus que trentecinq ans plus
tard.
VI. - La Microbiologie
Cette discipline biologique dont l'importance est considérable tant en médecine que dans l'industrie prit
naissance au XIXe siècle grâce aux progrès de la microscopie. Les microorganismes (bactéries,
protozoaires) avaient, nous l'avons vu, été découverts dès le XVIIe siècle par Leeuwenhoek ; ils furent revus
par divers naturalistes du XVIIIe siècle (O. F. Müller, Trembley, Joblot, etc.).
Ces organismes unicellulaires firent au XIXe siècle l'objet des recherches des Allemands Ehrenberg, Perty et
surtout Ferdinand Cohn (1828 - 1898) qui est le véritable fondateur de la bactériologie morphologique. Il
faut rappeler aussi les importants travaux sur les protozoaires de Félix Dujardin déjà cité précédemment.
Presque simultanément, le Français Cagniard-Latour (1836) et les Allemands Schwann et Kützing (1837)
montrent que les levures (Champignons Ascomycètes) sont les agents de la fermentation de la bière.
Le rôle des bactéries dans les fermentations allait être précisé par Pasteur à partir de 1855, comme nous
allons le voir plus loin. Mais c'est la démonstration du rôle pathogène pour l'homme et les animaux de divers
microorganismes qui allait révolutionner la Médecine dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Dès 1835, l'Italien Agostino Basai (1773 - 1836) avait prouvé qu'une maladie des vers à soie «la
muscardine, était provoquée par un champignon parasite.» En 1836 - 1837, Alfred Donné isola et décrivit
Trichomonas vaginalis, Protozoaire Flagellé parasite du vagin humain, tandis que de 1841 à 1844 un
médecin d'origine hongroise David Gruby (1810 - 1898) allait individualiser les champignons responsables
des principales mycoses humaines. Et, comme nous l'avons vu au chapitre IV, on savait depuis le XVIIe
siècle que la gale était due à un Acarien parasite.
Donc, jusqu'à présent, seuls des protozoaires, un arthropode et des champignons étaient reconnus
comme agents de maladies. Ainsi se trouvait confirmée expérimentalement la théorie du contagium vivum,
suivant laquelle certaines maladies contagieuses de l'homme ou des animaux domestiques étaient causées
par des parasites invisibles à l'aeil nu.
C'est le médecin français Casimir Davaine (1812 - 1882) qui montra pour la première fois le rôle pathogène
d'une bactérie : la bactéridie charbonneuse, agent de la maladie du charbon. Ses recherches furent
confirmées et poussées plus loin par le médecin allemand Robert Koch, qui réussit à cultiver la bactéridie, à
obtenir ses spores (1876) et dont nous reparlerons plus loin.
Mais c'est Louis Pasteur (1822 - 1895) qui devait donner à la Microbiologie un important essor. Chimiste et
minéralogiste à ses débuts, il devait par ses découvertes et celles de ses collaborateurs influencer la
Médecine et la Biologie en démontrant le rôle pathogène des microbes, dont il décrivit un grand nombre,
et en mettant au point les vaccinations destinées à les combattre.
Les recherches de Pasteur sur les fermentations commencèrent en 1855. Il étudia tour à tour la
fermentation lactique (1857), alcoolique (1858 - 1860), butyrique (1861), acétique (1861 - 1864), montrant
le rôle joué dans les phénomènes biologiques par des bactéries et des levures. Il s'intéressa également aux
altérations du vin et de la bière et préconisa afin de les prévenir, le chauffage de ces liquides en dessous de
100 °C : c'est le procédé bien connu aujourd'hui de pasteurisation. Entre 1860 et 1864, Pasteur va s'attaquer
à la question de la génération spontanée encore très débattue à cette époque. En effet, bien que dès 1668,
Francesco Redi ait démontré l'inexistence de celle-ci pour ce qui est des insectes, divers auteurs croyaient
encore expliquer ainsi l'apparition des «animalcules des infusions» et de divers autres microorganismes.
En 1859, F. A. Pouchet publia un ouvrage de 700 pages intitulé Hétérogénie, dans lequel il soutenait
l'existence de la génération spontanée. L'Académie des Sciences proposa en 1860 un prix à qui traiterait le
problème suivant : «Essayer par des expériences bien faites de jeter un jour nouveau sur la question des
générations dites spontanées.» Pasteur va s'occuper de ce problème et entreprendre de 1860 à 1864 une série
d'expériences qui vont porter le coup de grâce à cette théorie.
En faisant chauffer des ballons contenant des liquides putrescibles (infusions, jus de viande, sang, urine,
etc.) Pasteur montre qu'aucun germe ne s'y développe par la suite. Ses adversaires prétendant que c'était le
chauffage qui enlevait à l'air des ballons sa «faculté génésique», Pasteur refit des expériences consistant à
ouvrir ceux-ci dans des endroits où l'air n'est pas pollué (caves de l'Observatoire, haute montagne, etc.). En
1872, un Anglais, Bastian, publiait un ouvrage de plus de mille pages sur la génération spontanée et Pasteur
n'eut pas de mal à prouver que les résultats de ce nouveau contradicteur provenaient d'expériences conduites
avec une rigueur insuffisante (emploi de liquides impurs, résistance des spores bactériennes, etc.).
Pasteur précédé par Béchamp et Balbiani étudia de 1865 à 1870 les maladies des vers à soie, principalement
la pébrine due à la Microsporidie (ordre créé par Balbiani) Nosema bombycis.
A partir de 1877, Pasteur et ses élèves Roux, Chamberland, Duclaux, etc., s'attaquèrent aux maladies
infectieuses de l'homme et des animaux domestiques et notamment au charbon où ils confirmèrent les
observations antérieures de Davaine, Koch et Toussaint et mirent au point un procédé de prévention de la
maladie : la vaccination anticharbonneuse (célèbre expérience de Pouilly-le-Fort, 1881, où sur 50 moutons
inoculés avec le charbon, les 25 sujets vaccinés résistèrent à la maladie, tandis que les 25 autres périrent) (1).

(1) Cette expérience avait été précédée par des observations faites par Pasteur sur le choléra des poules dont le
microbe avait été isolé par Toussaint. Il s'avéra que des cultures âgées de celui-ci une fois inoculées ne tuaient plus
les oiseaux et les immunisaient contre la maladie. Le terme de vaccination avait été introduit par le médecin anglais
Jenner qui avait montré dès 1796 que la vaccine (cow-pox) du bétail immunisait l'homme contre la variole.

De 1880 à 1885, Pasteur, précédé par Galtier, étudia la rage, redoutable maladie due à un virus, et mit au
point la vaccination antirabique par injection de moelle desséchée de lapins inoculés avec le virus rabique.
Le traitement appliqué pour la première fois chez l'homme en juillet 1885 marquait le couronnement de
l'oeuvre pastorienne. Un an après, 2 500 personnes avaient été vaccinées avec succès et, le 14 novembre
1888, était inauguré l'Institut Pasteur de Paris, qui fut suivi par la création de nombreux autres
établissements analogues dans le monde entier.
Ainsi avait été découvert un nouveau monde : celui des microbes (terme créé par Sédillot en 1878) dont de
nombreuses espèces pathogènes allaient être individualisées dans le dernier quart du XIXe siècle (bacille
lépreux : Hansen, 1874; gonocoque : Neisser, 1879 ; bacille typhique : Eberth. 1880 ; staphylocoque,
streptocoque : Pasteur, 1880 ; bacille tuberculeux Koch, 1882 ; bacille pesteux : Yersin, 1894, etc.).
Ceci avait de plus sérieusement ébranlé les théories médicales dites humorales selon lesquelles la
Pathologie s'expliquait par un trouble des humeurs de l'organisme («La maladie est en nous, de nous, par
nous», proclamait Pidoux, adversaire de Pasteur).
Parmi les grands microbiologistes du XIXe siècle, il faut encore citer l'Allemand Robert Koch (1843 -
1910), déjà nommé à propos du charbon, qui perfectionna les techniques d'étude des bactéries, isola le
bacille tuberculeux et le vibrion cholérique (1884) ; un autre Allemand, Paul Ehrlich (1854 - 1915)
améliora les procédés de coloration des microbes et s'occupa de questions d'immunité et de chimiothérapie.
Il faut également mentionner Joseph Lister (1827 - 1912) célèbre chirurgien anglais qui appliqua les
méthodes pastoriennes afin d'obtenir l'antisepsie des pansements appliqués sur les plaies.
Pour ce qui est des recherches sur l'immunité, il faut citer Elie Metchnikoff (1845 - 1916) qui montra dès
1883 que les globules blancs du sang peuvent absorber les microbes dans l'organisme (phagocytose). C'est
l'immunité cellulaire.
Par la suite d'autres chercheurs, en particulier l'Allemand Emil von Behring (1854 - 1917), montrèrent
l'existence d'une immunité humorale (le sérum d'un animal, ayant eu le tétanos ou la diphtérie, injecté à un
autre animal le préserve de ces maladies) et c'est l'immunologiste belge Jules Bordet (1870 - 1961) qui
devait démontrer entre 1898 et 1903 la présence dans les sérums d'anticorps (substances antagonistes des
protéines d'origine microbienne, les antigènes).
Les premières recherches sur les virus datent de la fin du siècle : virus de la fièvre aphteuse (Loeffler et
Frosch, 1898), de la mosaïque du tabac (Ivanovsky, 1892; Beijerinck, 1898).
Notons enfin que les progrès de la microscopie et de la Parasitologie permirent en 1880 la découverte de
l'hématozoaire du paludisme qui est un Protozoaire Sporozoaire par A. Laveran (1880).
VII. - La Physiologie
Précédée par les remarquables travaux de Lavoisier exposés au chapitre précédent, c'est au XIXe siècle que
la Physiologie prit son véritable essor. Nous allons examiner successivement la contribution des savants
français, puis celle des Ecoles étrangères.
1. L'Ecole française. - Aux environs de 1800, on imputait tous les phénomènes de l'organisme à un principe
général présidant à l'ensemble des fonctions de la vie (force vitale) et non à des facteurs physico-chimiques.
C'est la doctrine du vitalisme, qui fut professée à la Faculté de Médecine de Montpellier par Bordeu et
Barthez (cf. p. 59). Même Xavier Bichat, le génial fondateur de l'anatomie générale rebaptisée l'histologie
(1819), qui rapportait les propriétés de l'organisme à celles des tissus, croyait encore, dans une certaine
mesure, à l'existence d'une force vitale. Pour lui, la vie ne serait que le conflit des forces vitales et des forces
physiques : c'est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort, cette dernière représentant le triomphe des
forces physiques sur les forces vitales.
Cette notion de «force vitale» va être sérieusement critiquée par les physiologistes du XIXe siècle et en
particulier par François Magendie (1783 - 1855), qui utilisa la méthode expérimentale en s'appuyant avant
tout sur les résultats obtenus au laboratoire. Il publia dès 1816 un Précis de Physiologie et fut nommé en
1831 titulaire de la chaire de médecine du Collège de France.
En 1822, il étudia les propriétés des racines des nerfs rachidiens et démontra définitivement ce qu'avait
entrevu en 1811 l'anatomiste anglais Charles Bell, à savoir que la racine antérieure a une fonction motrice
tandis que la racine postérieure est sensitive. Magendie étudia également les fonctions digestives, la chaleur
animale, etc. Il fut le maitre de Claude Bernard.
Pierre Flourens (1794 - 1867), élève de Cuvier, fut professeur au Muséum et au Collège de France. Ses
principales découvertes concernent la physiologie du système nerveux : localisation du centre respiratoire
(noeud de Flourens) dans le bulbe, près du trou occipital, vers l'origine des nerfs de la huitième paire (1837),
étude des fonctions du cervelet, du rôle des canaux semi-circulaires dans le sens de l'équilibre (1828).
Claude Bernard (1813 - 1878), dont J.-B. Dumas disait qu'il était «la Physiologie elle-même», fut peut-être
le plus grand physiologiste de tous les temps. Jusqu'à l'âge de 30 ans, il ne donna aucune preuve de son
génie, puis, en dix ans, il révolutionna la Physiologie par toute une série de découvertes capitales qu'il réalisa
tout d'abord comme élève de Magendie puis comme son successeur au Collège de France en 1855.
Les premières recherches de Claude Bernard portèrent sur la Physiologie de la digestion (1) ;

(1) Cf. F. L. HOLMES, Claude Bernard and animal chemistry. The emergence of a scientist, Cambridge (Etats-Unis),
Harvard University Press, 1974.

Sur l'étude du suc gastrique (1845), de la salive (1847), du suc pancréatique dont il montra le rôle dans la
digestion des graisses (1849, 1856). Puis c'est la découverte fondamentale de la fonction glycogénique du
foie (1848) et l'isolement du glycogène (1857).
C'était là la première sécrétion interne connue, suivant le terme créé par Claude Bernard lui-même. De plus,
il était désormais démontré que le glucose déversé dans le sang brûle dans les tissus et qu'il est à l'origine de
la chaleur animale étudiée, nous l'avons vu, au siècle précédent par Lavoisier.
D'autres recherches tout aussi importantes de Claude Bernard concernent la physiologie nerveuse découverte
du rôle du nerf pneumogastrique dans la respiration et de celui du système nerveux sympathique sur le
calibre des vaisseaux sanguins, etc. C'est également lui qui formula le premier la très importante notion de
milieu intérieur, c'est-à-dire l'ambiance physiologique de chaque être vivant dont la régulation se fait à la
fois par le système nerveux, les glandes endocrines et les phénomènes physico-chimiques intimes. Ce milieu
est fixe et réagit pour rétablir cette fixité lorsqu'on le perturbe (homéostasie suivant Cannon). Claude
Bernard étudia également l'action sur l'organisme de divers poisons tels que l'oxyde de carbone, le curare et
la strychnine.
Vers la fin de sa vie, il attira l'attention sur l'unité des phénomènes vitaux dans le règne animal et végétal et
écrivit en 1865 son très important ouvrage, «Introduction d l'étude de la médecine expérimentale », véritable
guide pour le biologiste expérimentateur et modèle de clarté dans la formulation des idées et des concepts de
base dont dépend toute recherche expérimentale.
L'influence de Claude Bernard sur la Physiologie fut considérable ; comme l'a dit son élève Dastre, «Il en a
fait une science indépendante ayant ses méthodes et son but.»
Parmi les élèves de Claude Bernard, il faut surtout mentionner Paul Bert (1833 - 1886), auteur de travaux
sur la Physiologie de la respiration (influence des hautes et basses pressions des gaz de l'atmosphère), sur les
greffes animales, sur l'action de divers anesthésiques, etc. Malheureusement, à partir de 1870, il abandonna
la Science pour la politique et termina sa vie comme résident général en Indochine. Un autre élève de
Claude Bernard, Arsène d'Arsonval (1851 - 1940) s'occupa de physique médicale et préconisa en 1895
l'utilisation thérapeutique des courants électriques à haute fréquence (d'Arsonvalisation).
Charles-Edouard Brown-Séquard (1817 - 1894), originaire de l'île Maurice, succéda à Claude Bernard au
Collège de France. Ses recherches portèrent essentiellement sur la Physiologie nerveuse (moelle épinière,
nerfs moteurs, mouvements réflexes, etc.) ; il fut en outre un des pionniers de l'endocrinologie, étudiant en
1856 la fonction des glandes surrénales et se faisant lui-même à partir de 1889, des injections d'extraits
testiculaires dont il croyait constater une action bénéfique en grande partie illusoire. Ce sont néanmoins là,
les débuts de l'opothérapie (utilisation en médecine d'extraits d'organes animaux).
Il faut encore citer les noms de Jules Marey (1830 - 1904) qui utilisa avec succès la méthode graphique
inaugurée par Karl Ludwig et déjà préconisée par le Français Poiseuille (1799 - 1869) pour enregistrer
l'activité cardiaque et pulmonaire, la locomotion, etc., et fut par sa technique de photos prises au ralenti
(chronophotographie) un des précurseurs du cinématographe, et celui de Charles Richet (1850 - 1935) qui
étudia la physiologie nerveuse, la chaleur animale et découvrit en 1902 l'anaphylaxie avec Paul Portier.
2. Lu écoles étrangères.
A) L'Allemagne. - Au début du XIXe siècle, la Physiologie, comme les autres disciplines biologiques, en
Allemagne, fut considérablement influencée par la Naturphilosophie. Selon les partisans de cette doctrine
(Schelling, Oken, etc.) l'organisme représenterait la nature en plus petit et posséderait trois forces la
reproduction, la sensibilité et l'irritabilité. D'autres auteurs allèrent encore plus loin en comparant le système
nerveux au soleil et les globules sanguins aux planètes!
C'est avec Johannes Müller (1801 - 1858) que la Physiologie allemande devint réellement scientifique car,
dès 1824, il s'écarta de la Naturphilosophie qui l'avait influencé dans sa jeunesse. En 1826, il publia une
étude sur la physiologie comparée du sens visuel chez l'homme et les animaux, suivie en 1827 de ses Leçons
sur la Physiologie et de la confirmation sur des grenouilles de la loi de Bell-Magendie. Nommé à Berlin en
1833, il publia l'année suivante son Handbuch der Physiologie des Menschen qui sera terminé en 1840.
L'influence de cet ouvrage fut considérable et Du Bois-Reymond la considérait comme équivalente à celle
des Elementa physiologiae d'A. von Haller au XVIIIe siècle.
Les trois élèves de J. Müller dont l'œuvre physiologique est particulièrement importante sont : Du Bois-
Reymond, Helmholtz et Brücke.
Emil Du Bois-Reymond (1818 - 1896) est un des fondateurs de l'électrophysiologie dont nous avons
mentionné les débuts avec Galvani et Volta, au chapitre précédent. Il construisit en 1843 un appareil
électrique basé sur le principe du galvanomètre, lui permettant d'enregistrer le courant électrique nerveux.
Son grand ouvrage, Untersuchungen über thierische Elektrizitaet parut à Berlin entre 1848 et 1884. Il publia
en outre de nombreux mémoires sur la physique des nerfs et des muscles (1875 - 1877), construisant lui-
même des appareils très sensibles pour étudier l'électricité animale (multiplicateurs, électrode impolarisable,
etc.).
Dans tous ses travaux, il attaqua très vivement la notion de force vitale et c'est lui qui avec Ludwig, Helmholtz
et Brücke perfectionna l'usage des instruments de physique en physiologie, fondant avec ces deux derniers la
Société allemande de Physique (1845), qui est «l'événement capital de l'histoire de la physiologie allemande»
(Georges Canguilhem).
Hermann von Helmholtz (1821 - 1894) fut à la fois physicien, médecin et naturaliste. Il publia en 1847 un
important mémoire sur la conservation des forces et, en 1848, identifia le travail musculaire comme source
de chaleur animale ; en 1850, il mesura, le premier, la vitesse de transmission du message nerveux le long
de la fibre nerveuse et annonça la découverte de son ophtalmoscope. Ses autres travaux concernent l'optique
et l'acoustique physiologiques (Handbuch der physiologischen Optik, 1867). Ce fut «le plus éminent
physiologiste mathématicien du XIXe siècle » (Georges Canguilhem).
Ernst Brücke (1819 - 1892) s'occupa de Physiologie digestive et sensorielle.
L'autre très importante école allemande de Physiologie fut celle de Karl Ludwig (1816 - 1895). Ce dernier
fut médecin et enseigna successivement à Zurich, Vienne et Leipzig, où il créa en 1869 un Institut de
Physiologie où vinrent travailler de nombreux savants étrangers. C'est Ludwig qui introduisit en Physiologie
l'utilisation des méthodes d'enregistrement graphique : on lui doit l'invention du kymographe (tambour passé
au noir de fumée sur lequel un stylet inscrit des courbes, 1846), et la construction de la pompe à mercure
(1859). Il fit des recherches sur la sécrétion, l'absorption, la circulation, la perméabilité rénale, l'endosmose,
etc.
Comme physiologistes allemands du XIXe siècle, on doit encore citer les noms de G. Valentin, E. Pflügger
(à qui l'on doit le concept de quotient respiratoire, 1877), F. Goltz, etc.
B) Autres pays d'Europe. - Le savant tchèque Jan Evangelista Purkinje (1787 - 1869) fit ses études à
Prague et les termina avec une remarquable thèse médicale sur la vision. Il enseigna ensuite la Physiologie et
la Pathologie aux Universités de Breslau et Prague et s'occupa de microscopie, Cytologie, Histologie, etc.,
tout en poursuivant diverses recherches physiologiques (mécanisme de la respiration, irritation des muscles
et des nerfs, etc.) qui sont en partie le résultat de remarquables auto-observations.
Pour l'Italie, il faut citer les noms de Carlo Matteucci (1811 - 1868), pionnier de l'électrophysiologie avec
son Essai sur les phénomènes électriques chez les animaux (1840), Luigi Vella (1825 - 1886), élève de
Claude Bernard, Angelo Mosso (1846 - 1910) qui inventa en 1890 l'ergographe pour déterminer les lois de
la fatigue, étudia les effets physiologiques de la vie aux hautes altitudes et l'irrigation sanguine du cerveau.
La Physiologie anglaise est représentée par Charles Bell (1774 - 1842), qui a entrevu le premier, en 1811, la
différence fonctionnelle entre les racines ventrales et dorsales des nerfs rachidiens qui, nous l'avons vu, fut
démontrée en 1822 par Magendie ; Marshall Hall (1790 - 1857), qui établit définitivement en 1833
l'existence du réflexe déjà pressentie au siècle précédent ; Charles Sherrington (1859 - 1952) et son école,
qui se consacra également à la Physiologie du système nerveux (rigidité de décérébration, innervation
réciproque, révision des théories du réflexe).
Les principaux physiologistes russes du XIXe siècle sont : I. R. Tarchanov (1848 - 1909), élève de Claude
Bernard, I. M. Setchenov (1829 - 1905), qui découvrit l'inhibition centrale des réflexes médullaires (1863)
et fut le maître de Ivan Pavlov (1849 - 1936), qui étudia la sécrétion gastrique à l'aide de la technique du
«petit estomac» ou «poche de Pavlov», ce qui lui permit d'analyser les relations existant entre le cortex
cérébral et les sécrétions involontaires des glandes digestives. Il démontra l'existence de liaisons fixes mais
temporaires entre certaines excitations périphériques (sons, couleurs, etc.) et les sécrétions glandulaires :
c'est la célèbre théorie des réflexes conditionnés.
C) Les Etats-Unis d'Amérique. - William Beaumont (1785-1853) fit dès 1824 des observations sur la
sécrétion gastrique chez un homme blessé par un coup de feu ayant occasionné une fistule à l'estomac et
publia en 1833 une importante étude sur cette question. Ce n'était cependant là qu'un travail isolé et c'est à la
fin du siècle que la Physiologie américaine prit son véritable essor avec les travaux de Bowditch (1840-
1911), Harvey Cushing (1869-1939), W. B. Cannon (1871-1945), etc.
Pour conclure, il faut noter que le grand essor de la Physiologie au xrxe siècle est en grande partie lié,
comme l'a justement souligné Georges Canguilhem, au perfectionnement des instruments physiques de
mesure (kymographe, sphygmographe, etc.).
Mais, comme nous allons le voir maintenant, ces progrès furent également associés aux débuts de la Chimie
biologique ou Biochimie.
VIII. - La Biochimie
Dès le début XIXe siècle, des chimistes avaient extrait diverses substances des êtres vivants et notamment
les alcaloides des plantes : strychnine, vératrine, quinine, etc. (travaux de Pelletier et Caventou, 1817-1822).
En 1828, le chimiste allemand F. Woehler (1800 - 1882) obtint artificiellement l'urée sans qu'il s'agisse d'une
synthèse réelle. La vraie sythèse organique commencera avec les travaux de Marcelin Berthelot (1827 -
1907) en 1858 - 1860.
Un des fondateurs de la Chimie biologique est Justus von Liebig (1803 - 1873), qui «fit de la petite
Université de Giessen en Allemagne, un pôle d'attraction pour tous les chimistes d'Europe» (G.
Canguilhem). Dès 1851, dans ses Nouvelles lettres sur la chimie, il soulignait la dépendance étroite de la
Physiologie à la Chimie pour ce qui touche les questions suivantes : respiration, chaleur animale, rôle
énergétique des aliments, etc. Dans d'autres ouvrages, il posa les bases de l'énergétique biologique et montra
le peu de valeur des théories vitalistes.
Ces recherches furent poursuivies par Helmholtz, Béclard et Marcelin Berthelot, qui publia un Mémoire sur
la chaleur animale (1865) et un Essai de mécanique chimique (1879). Il étudia également la fixation de
l'azote par les bactéries du sol, et contribua ainsi à la compréhension du cycle de l'azote.
En Allemagne, la Physiologie chimique se développa sous l'influence de F. Hoppe-Seyler (1825 - 1895) qui
publia sa Physiologische Chemie (1877 - 1881). Son élève F. Miescher découvrit en 1869 la nucléine
extraite de noyaux cellulaires. Altman (1889) précisa qu'il s'agissait d'acide nucléique.
Les diastases ou ferments solubles furent isolées dès le début du siècle (Payen et Persoz, 1833 diastase
isolée du malt).
En 1864, Béchamp broyant des cellules de levures isola la zymase, substance chimique (ferment soluble)
transformant le sucre en alcool qui fut retrouvée par Büchner (1897). A. Chauveau (1827-1917) avait
supposé dès 1879 que les microbes pathogènes agissaient sur l'organisme infecté par des ferments solubles :
les toxines qui seront isolées par Roux et Yersin (toxine diphtérique) et Faber (toxine tétanique) en 1889.

CHAPITRE VII - LE XXe SIÈCLE


A partir de 1900, les progrès de la Biologie ont été considérables, et nous n'en retiendrons ici que les
principaux, renvoyant pour plus de détails le lecteur aux ouvrages de Biologie moderne.
I. - Biologie cellulaire et moléculaire
Grâce au perfectionnement des microscopes, les divers constituants cellulaires cytoplasmiques (chondriome,
appareil de Golgi, ergastoplasme, etc.) furent mis en évidence et leur rôle fut précisé par divers cytologistes
(Golgi, Perroncito, Bouin, Carnier, Parat, etc.). Après la seconde guerre mondiale, l'introduction en Biologie
du microscope électronique a permis d'obtenir des grossissements de 50 000 à 70 000. Les cellules furent
également examinées en lumière ultraviolette ou polarisée et l'emploi des colorants vitaux se généralisa.
Le noyau fut aussi étudié très en détail et la persistance des chromosomes entre les mitoses fut démontrée
par divers chercheurs (Th. Boveri, E. Guyénot, C. Darlington, P. Grassé et ses élèves, etc.).
Les progrès de l'histochimie et de la cytochimie ont permis de préciser la composition chimique des divers
éléments cellulaires.
Une véritable «révolution biologique» est survenue an milieu de notre siècle. J. de Rosnay (1988) en
distingue trois grandes étapes : avènement de la biologie moléculaire (1955 - 1965), perfectionnement de la
biologie cellulaire (1965 -1975), apparition du «génie biologique» (génie génétique (1), immunotechnologie,
biotechnologies (2), 1975 - 1985).

(1) Biotechnologie utilisée pour modifier l'information héréditaire d'une cellule vivante.
(2) Processus industriels impliquant l'utilisation des organismes vivants (bactéries, levures, cellules végétales ou
animales) (cf. P. Douzou, G. Durand, P. Kourilsky, G Siclet, Les biotechnologies, «Que sais-je?» n, 2127, Paris, PuF,
1983).

L'acide nucléique, avait été isolé, comme nous l'avons vu précédemment, des noyaux cellulaires, dès la fin
du XIXe siècle. A partir de 1930, on précisa qu'il y avait deux acides nucléiques : ribonucléique (ARN) et
désoxyribonucléique (ADN). Ce dernier est notamment présent dans les chromosomes au niveau des gènes.
On peut le mettre en évidence par la réaction de Feulgen (1924) et son importance pour la vie cellulaire et la
transmission de la vie est considérable. Ces acides sont présents à la fois dans le noyau et dans le
cytoplasme.
Les acides nucléiques se présentent dans la cellule sous forme de macromolécules dont Watson et Crick
(1953) ont proposé un schéma attribuant à ces molécules une forme hélicoidale.
Cette découverte fondamentale fut complétée par les Français A. Lwoff, J. Monod et F. Jacob (Prix Nobel de
Physiologie et Médecine, 1965), qui montrèrent que la synthèse protéique s'effectuait dans le cytoplasme
au moyen d'un ARN messager et qui précisèrent les mécanismes de régulation de cette synthèse qui est sous
la dépendance de plusieurs gènes.
Les cellules se sont avérées constituées de protéines, molécules géantes composées d'acides aminés, dont il
existe cinq mille sortes différentes.
Une autre acquisition importante du XXe siècle est celle de la culture des tissus, autrement dit du
développement in vitro, c'est-à-dire en dehors de l'organisme, d'organes ou de leurs fragments sur divers
milieux de culture.
Les premiers essais furent pratiqués tout au début du siècle (J. Jolly, 1903, R. G. Harrison, 1907). Ils prirent
un essor plus important à partir de 1910 avec le biologiste français Alexis Carrel (1873 - 1944), qui utilisa
les techniques pastoriennes pour obtenir des milieux de culture aseptiques, auxquels, en 1912, il ajouta des
extraits embryonnaires (tréphones) pour activer la croissance des cellules qu'il repiquait tout
comme des cultures bactériennes.
Ce procédé a permis de nombreuses études relatives à la nutrition cellulaire, à l'action de divers agents
physiques et chimiques, à la nature des chromosomes humains, à la virologie, etc.
Les progrès de la biologie cellulaire ont permis de préciser la structure de divers tissus (par exemple le tissu
conjonctif dont les fibres collagènes intercellulaires ont pu être étudiées en microscopie électronique). Le
sang a fait l'objet non seulement de recherches morphologiques (ultrastructure des hématies et des
leucocytes), mais également d'importantes acquisitions immunologiques. L'Autrichien Karl Landsteiner
(1868 - 1943) à la suite de Jules Bordet qui avait découvert en 1895 l'hétéroagglutination (agglutination des
hématies d'une espèce par le sérum d'une autre) mit en évidence en 1900 l'isoagglutination qui se produit
chez des individus d'une même espèce. Il définit ainsi les groupes sanguins A, B, O qui seront complétés par
la découverte du groupe AB (Jansky 1907, Moss 1910). En 1939 - 1940, Landsteiner et Wiener découvrent
que chez 85 % des hommes de race blanche, les hématies sont agglutinées par du sérum de lapin immunisé
contre les hématies du singe Macacus rhesus, d'où le nom de facteur rhésus donné à ce phénomène.
Le système H.L.A. (human leucocyte antigens) découvert en 1965 - 1967 par J. Dausset (Prix Nobel 1980)
comprend de nombreux antigènes leuco-plaquettaires dépendant d'une trentaine de gènes. Ce système joue
un rôle essentiel dans l'histocompatibilité dans le cas de greffes d'organes.
II. - Sexualité et Embryologie
1. Sexualité. - Les cellules sexuelles (gamètes) et leur différenciation ont fait l'objet d'études microscopiques
très poussées (le spermatozoïde a été une des premières cellules étudiées au microscope électronique).
L'hypothèse de Weismann sur la continuité de la lignée germinale et son indépendance vis-à-vis des cellules
somatiques a été dans l'ensemble vérifiée, cependant les recherches faites en Belgique par P. Brien et son
école ont montré que chez divers Invertébrés (Caelentérés, Bryozoaires, Oligochètes, Planaires), les
cellules germinales peuvent se reconstituer à partir de cellules somatiques.
Le mécanisme de la fécondation de l'oeuf a été précisé et Lillie (1912) mit en évidence chez l'oursin le rôle
des fertilisines, substances chimiques provenant des ovules et attirant les spermatozoïdes. Loeb (1906)
reconnut deux phases dans le processus de fécondation : l'activation et la régulation.
Les essais de parthénogenèse expérimentale commencés au siècle précédent furent poursuivis en 1910, le
Français Eugène Bataillon (1864 - 1953) réalisa la parthénogenèse traumatique en obtenant le
développement d'oeufs vierges de grenouille piqués avec un stylet jouant le rôle d'activateur, celui de
régulateur étant rempli par un globule sanguin introduit avec le stylet. Ces recherches furent continuées par
divers biologistes (J. Loeb, Voss, J. Rostand (1), etc.) et en 1939, Pincus obtint le développement
parthénogénétique du lapin.

(1) Qui a fait des expériences sur la pnogenèse (cas où le spermatozolde déclenche le développement de l'ovule sans
que leurs noyaux fusionnent) obtenue par le froid chez divers Amphibiens, dès 1934.

2. Embryologie. - Divers perfectionnements dans l'expérimentation permirent une meilleure connaissance du


mécanisme du développement embryonnaire : technique des marques colorées de W. Vogt (1925)
appliquées sur diverses parties de l'œuf des Amphibiens et permettant de voir la destinée de chacune d'elles,
continuation des expériences de Roux, Chabry et Driesch (ablation de blastomères, ligatures, etc.). En 1921,
l'Allemand Hans Spemann (1869 - 1941) montra qu'une région de la gastrula (lèvre du blastopore) a un
pouvoir organogène : si on la greffe dans la région ventrale de l'embryon, on y voit apparaître par induction
les structures caractéristiques de la région dorsale (tube nerveux, chorde, somites). Un tel territoire est
qualifié d'organisateur et des recherches biochimiques ont été entreprises pour en préciser la nature : il
s'agirait de ribose-nucléoprotéines associées à des groupements sulfhydrilés.
Des recherches d'Embryologie chimique ont été poursuivies à partir de 1930 par J. Needham et son école
(répartition des substances chimiques tels que corps métaboliques, enzymes, etc., dans l'oeuf au cours de son
développement).
Enfin, des recherches de tératogenese expérimentale ont été poursuivies sur des embryons de Vertébrés à
l'aide de corps chimiques (colchicine, trypaflavine, etc.) ou d'agents physiques (rayons X) par divers
biologistes (P. Ancel, E. Wolff, etc.).
III. - Génétique et Evolution
Dès 1900, trois botanistes : le Hollandais Hugo de Vries (1848 - 1935), l'Allemand Carl Correns (1864 -
1933) et l'Autrichien Erich von Tschermak (1871 - 1962) redécouvrirent indépendamment l'un de
l'autre les lois de l'hybridation végétale énoncées par Mendel dès 1865. Peu après, de Vries publia son
ouvrage intitulé, Die Mutationstheorie (1901 - 1903) dans lequel il décrit des variations brusques
héréditaires ou mutations chez une plante : l'ornothère (Œnothera lamarckiana). Ces mutations seraient le
point de départ d'espèces nouvelles et par cela même, une nouvelle théorie explicative de l'Evolution
était proposée.
Bientôt, divers zoologistes (Lucien Cuénot, William Bateson, etc.) vont étendre la validité des lois de
Mendel au règne animal (croisements de souris, d'oiseaux, etc.).
Dès 1880, comme nous l'avons vu précédemment, les chromosomes avaient été individualisés dans les
gamètes et certains biologistes avaient entrevu qu'ils devaient être le siège des propriétés héréditaires.
Comme le dit très bien J. Rostand, «Restait à faire maintenant la jonction entre les faits du mendélisme et
l'hypothèse chromosomique, autrement dit, à montrer que les unités héréditaires ou facteurs mendéliens ont
bien pour siège les chromosomes.»
Cette étape fut franchie par le biologiste américain Thomas Hunt Morgan (1866 - 1945), qui introduisit en
Génétique un nouvel animal d'expérience la drosophile, petite mouche facile à élever, présentant un grand
nombre de mutations et ne comportant que 8 chromosomes au stade diploïde (c'est-àdire 4 dans les gamètes).
Avec ses collaborateurs Bridges, Sturtevant et Muller, il montra que chaque chromosome de la
drosophile contient un nombre déterminé d'unités mendéliennes ou gènes (le terme est de Johannsen)
dont il put dresser de véritables cartes.
Ceci fut confirmé en 1933 par Bridges et Painter qui découvrirent dans les cellules des glandes salivaires des
larves de drosophiles des chromosomes géants (300 fois plus grands que les autres) où l'on voit au
microscope des bandes verticales correspondant à l'emplacement des gènes. L'absence de telle ou telle de
celles-ci, correspond à celle du caractère conditionné par les gènes.
Dès le début du siècle, McLung (1901), E. B. Wilson et ses élèves (1905 - 1908) montrèrent le rôle des
chromosomes sexuels ou hétérochromosomes (appelés X, Y, Z, W) dans la détermination du sexe (premier
type: femelle XX et mâle XY; second type: femelle Z ou ZW et mâle ZZ).
Nous ne pouvons nous étendre ici sur la très grande importance prise par la Génétique dans la Biologie et la
Médecine modernes. Rappelons seulement que certaines graves affections humaines (daltonisme,
hémophilie, etc.) sont liées aux chromosomes sexuels. Plus récemment, R. Turpin, Jérôme Lejeune et
Gautier (1959) ont montré que le mongolisme était dû à la présence d'un chromosome surnuméraire (47 au
lieu de 46).
On a également signalé des cas d'hérédité cytoplasmique qui serait due à des gènes cytoplasmiques ou
plasmagènes (Sonneborn, L'Héritier, etc.).
La Génétique physiologique essaie de préciser comment les gènes réalisent dans l'organisme les caractères
héréditaires et la Génétique évolutive considère les mutations et la sélection comme facteurs essentiels de
l'Evolution.
Néanmoins, le lamarckisme continua encore à avoir des adeptes au XXe siècle tant en France (Giard,
Bonnier, Le Dantec, Houssay, etc.) qu'en Russie (Mitchourine). Des constatations faites par des
immunologistes et des biologistes moléculaires pourraient expliquer, dans certains cas, l'hérédité des
caractères acquis.
IV. - La Microbiologie
De nombreux microorganismes (Protozoaires, Bactéries, etc.) agents de maladies infectieuses furent
découverts à partir de 1900 : trypanosome de la maladie du sommeil (Castellani, 1903), tréponème de la
syphilis (Schaudinn, 1905), coccobacille de la coqueluche (Bordet et Gengou, 1906), rickettsies (agents du
typhus) (Ricketts, 19061910), etc. L'étude cytologique, physiologique et même génétique des bactéries a pu
être réalisée grâce aux progrès de la Biochimie et notamment de l'Enzymologie.
La Virologie ou étude des virus a fait des progrès considérables grâce au microscope électronique. Ils ont pu
être vus et mesurés (leur dimension va de quelques millimicrons (nm, millionième de millimètre) à 400
millimicrons (nm). Le virus de la mosaïque du tabac a pu être isolé (Stanley, 1935) sous forme de cristaux
de nucléoprotéines capables de se reproduire et de muter. Ces étonnantes propriétés posent le problème des
limites de la vie. Les virus ont pu être cultivés sur des cultures de tissus ; certains d'entre eux, comme celui
du sarcome de Rous, ont une action cancérigène. Le virus du S.I.D.A. découvert en 1983 (équipes de L.
Montagnier et R. Gallo) détruit les lymphocytes (1).

(1) Cf. J.-P. CASSUTO, A. PESCE, J.-F. QUARANTA, Le S.I.D.A., «Que sais-je?» n° 2332, Paris, PUF, 1990.

Une autre grande découverte microbiologique du XXe siècle est celle des antibiotiques, substances extraites
de végétaux inférieurs (bactéries, champignons, levures, etc.) détruisant les bactéries et empêchant leur
développement tant in vitro, qu'in vivo, c'est-à-dire dans l'organisme.
Ces propriétés antagonistes des microorganismes avaient été vues par Pasteur et Joubert (1877) et certains
précurseurs (Tiberio, 1895; E. Duchesne, 1897) avaient observé l'action antibiotique des moisissures sur
divers microbes avant les observations de l'Anglais Alexander Fleming (1881 - 1955) sur l'action des
Penicillium sur divers microbes pathogènes (1929). La pénicilline fut isolée par Florey et Chain (1939).
Dubos avait déjà isolé la gramicidine (1938) et découvrit la tyrothricine (1940 - 1942). Ce fut ensuite
l'isolement de la streptomycine (Waksman, 1944) et de nombreux autres antibiotiques couramment utilisés
aujourd'hui en médecine.
L'immunologie fit également de grands progrès et permit d'importantes découvertes médicales : vaccination
contre la tuberculose par le B.C.G. (bacille de Koch modifié de Calmette et Guérin) pratiquée dès 1922,
vaccination contre la diphtérie et le tétanos par l'anatoxine de G. Ramon (1923). Enfin, ces dernières
décennies, a été mise au point la vaccination antipoliomyélitique (Salk, 1954; Lépine, 1956).
L'interféron (Isaacs et Lindenmann, 1957, précédés par Vieuchange et Galli, 1939, et Nagano, 1954) est une
protéine libérée par des cellules exposées à un virus permettant à d'autres cellules de résister à l'infection
virale.
Les vaccins de synthèse consistent en des inoculations d'acides aminés contenus dans des protéines virales
amenant la production d'anticorps immunisants.
V. - Physiologie et Biochimie
Au cours du XXe siècle, la Physiologie a progressé dans différents domaines. La Neurophysiologie
bénéficia des découvertes histologiques sur le tissu nerveux (théorie du neurone de Waldeyer). L'onde de
dépolarisation (ou potentiel d'action) fut mesurée à l'aide de l'oscillographe cathodique : travaux de Erlanger
et Gasser, 1922 - 1929; Hill, 1929; Lapicque, 1939 ; de Sherrington (qui avait formulé dès 1906 le concept
de fonction intégrative du système nerveux). O. Lcewi (1921) précisa le rôle des substances chimiques
(acétylcholine, adrénaline) dans l'action régulatrice du système nerveux organique.
L'étude électrophysiologique de l'audition et de la vision a été très poussée (le pourpre rétinien avait été
extrait des bâtonnets par W. Kuehne dès 1878). Pavlov et ses collaborateurs poursuivirent leurs études sur
les réflexes conditionnée mentionnés au chapitre précédent.
La Physiologie musculaire bénéficia des progrès de la Microscopie et de la Biochimie (étude de
l'organisation moléculaire de la myofibrille, isolement de la myosine et de l'actine : Edsall, 1930 ; Weber,
1934 ; Boronowski, 1939 ; Szent-Gyoergyi, 1948 ; etc.). La Physiologie respiratoire a pu être étudiée à
l'échelle de la cellule (méthode de Warburg, isolement des enzymes respiratoires et des cytochromes ou
pigments respiratoires).
L'Endocrinologie née au XIXe siècle progressa à pas de géant à partir de 1900 : Aldrich et Takamine
(1901) découvrent l'adrénaline dans la glande surrénale, Bayliss et Starling (1904) étudient la sécrétine
qui déclenche la sécrétion interne du pancréas et Starling (1905) emploie le terme d'hormone. En 1909, J.
de Meyer appelle insuline l'hormone sécrétée par les ilots de Langerhans du pancréas dont Paulesco, Banting
et Best (1921) précisèrent l'action antidiabétique chez le chien puis chez l'homme. Citons encore la
découverte de l'hormone parathyroidienne (Collip, 1925), des hormones hypophysaires, thyroïdiennes,
testiculaires, ovariennes, etc.
Le XXe siècle vit également la découverte des vitamines (Funk, 1912), substances existant dans les
aliments et dont l'absence provoque dans l'organisme des maladies de carence (scorbut, béribéri, etc.).
Funk isola en 1911 la vitamine B antibéribérique, McCollum (1913) découvrit la vitamine A anti-
héméralopique, Mellanby (1919) la vitamine D antirachitique. D'autres vitamines (C, E, K, PP, P)
furent isolées entre 1920 et 1940 (Szent-Gyorgyi, 1928 ; Elvehjem, 1938; etc.).
Par ailleurs, c'est toujours au XXe siècle que J. Reilly (1887 - 1974) bouleversa les conceptions
classiques de la biologie médicale. Son oeuvre montre notamment le rôle primordial du système ner-
veux végétatif dans la genèse des maladies et les réactions non spécifiques de l'organisme aux
agressions («phénomènes de Reilly») (1).

(1) C'est pour les inhiber que Ph. Decourt (1951) a créé la thérapeutique chimique des maladies mentales à la suite
d'expériences faites sur divers organismes végétaux et animaux (Protistes, Invertébrés).

CONCLUSION
L'histoire de la Biologie est un passionnant exemple des progrès de l'esprit humain. Quel chemin parcouru
depuis les idées des physiologues de la Grèce ancienne jusqu'aux découvertes de la Biologie moderne !
Dans cette progression continue, plusieurs facteurs sont intervenus : tout d'abord l'emploi graduel d'une
méthodologie adéquate sachant subordonner les hypothèses aux faits d'observation ; ensuite, le
perfectionnement continuel des instruments d'optique et des techniques d'examen des êtres vivants.
Par ailleurs, l'évolution de la Biologie a été solidaire de celle des autres sciences et notamment de la
Physique et de la Chimie ; la Médecine qui n'est qu'un aspect de la biologie de l'Homme a, de plus,
puissamment contribué au développement de la Biologie générale.
Chaque siècle a vu se construire telle ou telle partie de l'édifice : le XVIIe siècle a été l'époque des débuts de
l'application de la méthode quantitative en Physiologie, le XVIIIe, celle des premières tentatives de
Biologie expérimentale, tandis que les siècles suivants ont vu l'essor de la microscopie appliquée à la
Biologie, puis celui de la Biochimie et de la Génétique. Parallèlement, l'idée d'Evolution des êtres vivants a
fait son chemin depuis l'Antiquité pour s'épanouir au siècle dernier.
Jean Rostand a souligné quelle avait été «l'extraordinaire diversité des hommes qui ont construit la science
de la vie», par leur origine sociale, leur personnalité, leurs goûts, leurs idées philosophiques.
Il faut noter aussi, comme pour les autres sciences, le caractère international de l'apport de ces constructeurs
venus de tous les pays : de Grèce (Hippocrate et Aristote), d'Italie (Redi, Malpighi, Spallanzani), de France
(Réaumur, Buffon, Lamarck, Cuvier, Claude Bernard, Pasteur), d'Allemagne (Wolff, J. Müller, Schleiden,
Schwann, Haeckel, Weismann, Koch), de Belgique (Vésale), des PaysBas (Leeuwenhoek, Swammerdam, de
Graaf, de Vries), de Suisse (Haller, Bonnet, Trembley, Prévost), de Tchécoslovaquie (Purkinje, Mendel), de
Russie (Pavlov, Metchnikoff), d'Angleterre (Harvey, Darwin, Wallace), des Etats-Unis (Beaumont,
Morgan).
Tous ces hommes se sont attentivement penchés sur les problèmes que pose la science de la Vie et ont tenté
de les résoudre avec les moyens techniques de leur époque, s'opposant souvent aux vues de leurs
prédécesseurs et de leurs contemporains et énonçant des idées nouvelles génératrices de découvertes et de
lumineux progrès.

BIBLIOGRAPHIE
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ACOT (Pascal), Histoire de l'écologie, Paris, PuF, 1988, et . Que
sais-je 7 •, n° 2870, Paris, PUF, 1994.
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ROGER (Jacques), Les Sciences de la vie dans la pensée française du XVIII- siècle, Paris, A. Colin, 1971. -
Buffon, un philosophe au Jardin du Roi, Paris, Fayard, 1989.
ROSNAY (Joël de), L'aventure du vivant, Paris, Le Seuil, 1988.
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SZYPMAN (Léon), Jean-Baptiste Lamarck et son époque, Paris, Masson, 1982.

2) Périodiques
Archives internationales Claude Bernard.
Histoire des Sciences médicales.
Histoire et Nature.
History and Philosophy of Life Sciences.
Journal of the History of Biology.
Studies in the History of Biology.

TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER. - Les origines
I. La Préhistoire, 7. - II. L'Antiquité orientale, 8.
CHAPITRE II. - L'Antiquité classique
I. La Grèce, 12. - II. Rome, 18.
CHAPITRE III. - Le Moyen Age
I. L'Occident : un évêque, un empereur, 19. - II. L'Orient,
CHAPITRE IV. - Les XVIe et XVIIe siècles
I. Le xvi' siècle, 23. - Il. Le xvii• siècle, 27.
CHAPITRE V. - Le XVIIIe siècle
I. Deux grands naturalistes Linné et Bufton, 41. -
Il. L'Anatomie comparée, 47. - III. La Biologie expéri
mentale, 48. - IV. L'Embryologie, 55. - V. La Physio
logie, 57. - V I. Les naturalistes voyageurs, 62. - VII. Les
précurseurs du transformisme, 63.
CHAPITRF VI. - Le XXe siècle
I. Lamarck. Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire, 68. - II. La
théorie cellulaire, 75. - III. Sexualité et Embryologie, 82. -
IV. Darwin et le darwinisme, 89. - V. Les débuts de la
Génétique, 93. - VI. La Microbiologie, 97. - VII. La
Physiologie, 102. - VIII. La Biochimie
CHAPITRE VII. - Le XXe siècle
I. Biologie cellulaire et moléculaire, 112. - II. Sexualité et
Embryologie, 115. - III. Génétique et Evolution, 117. -
IV. La Microbiologie, 119. - V. Physiologie et Biochimie, 121.
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

Imprimé en France, Imprimerie des Presses Universitaires de France, 73, avenue Ronsard, 41100 Vendôme
Février 1995 - No 41 195.

Fig. 3. - Expérience de F. REDS (1668) montrant l'inexistence de la génération spontanée. (Le bocal A est
recouvert d'une gaze fine empêchant les mouches D d'y pénétrer, mais permettant à leurs eeuts de passer et
de donner des asticots F tombant sur le tond du bocal A et sur le dessus du bocal B recouvert d'une gaze plus
fine qui les empêche de passer, ce qui permet au morceau de viande C d'entre dépourvu) (d'après Th.
CRAANEN, 1689, cliché L. BELLONI).

122 123

2 125

6 115

7 117

8 119
12 121'

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