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Objet 

: Formation des journalistes « Les Cahiers du Journalisme »

Formation des journalistes en Suisse

Une diversité qui cherche ses marques

Selon les sources, le nombre de journalistes en Suisse oscille entre


plus de 5'000 et plus de 10'000. Cette différence n’est pas dénuée
d’importance. Selon que le journaliste soit titulaire de l’une des
quatre cartes de presse existantes ou qu’il souscrive, par un
engagement signé, à la Charte des droits et devoirs du journaliste,
entre autres conditions, il sera considéré comme un « actif », inscrit
ou non au registre professionnel. Le métier garde en Suisse des
contours mal définis qui reflètent le caractère longtemps empirique
et sans grand encadrement de la formation en journalisme. Les
nouvelles filières de formation, en particulier académiques,
cherchent aujourd’hui à concilier connaissances théoriques et
expériences professionnelles en entreprise.

Philippe Amez-Droz*
La Suisse, pays de la diversité médiatique

Dans la publication European Journalism Education1, le chapitre consacré à la


Suisse livre un panorama exhaustif de l’état de la formation en journalisme à fin
2009. Thomas Hanitzsch et Annette Müller, respectivement professeur assistant et
collaboratrice scientifique à l’Institut de recherche des mass media à l’Université de

1
Georgios Terzis, European Journalism Education, coll., Intellect (UK), 2009.

1
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
Zurich, soulignent les caractéristiques du marché suisse des médias (plus de 100
quotidiens et plus de 200 périodiques paraissant au moins 1 fois par semaine, plus
de 1'000 magazines spécialisés dans le secteur de la presse imprimée, un service
public de radio télévision offrant 23 programmes en 4 langues qui cohabite avec une
cinquantaine de radios privées locales ou régionales, le tout pour une population de
moins de 8 millions d’habitants).

Les auteurs du chapitre consacré à la Suisse citent le professeur Roger Blum,


historien des médias2 et Marek Szer, juriste, qui fut secrétaire central auprès
d’Impressum en 2007 et auteur d’une publication remarquée sur la formation
professionnelle3, pour évoquer la « jungle » et « l’entrée tardive » de la formation
dans un marché par ailleurs très diversifié. Hanitzsch et Müller (adaptation de
l’anglais) :

« La première école professionnelle pour journalistes a été fondée en 1965 à


Lausanne par la Société suisse de radiodiffusion et télévision ainsi que par quelques
éditeurs. Il s’agit du Centre romand de formation des journalistes (CRFJ). Dans la
partie germanophone de la Suisse, ce sont des instituts privés qui ont pris l’initiative
en créant une Ecole d’études linguistiques appliquées (Schule für angewandte
Linguistik, SAL) en 1969 à Zurich. Une école de journalisme fut fondée en 1974 à
Zofingen par l’éditeur zurichois Ringier. En 1984, l’école encore aujourd’hui
considérée comme la plus influente des écoles de journalisme en Suisse, le MAZ
(Medienausbildungszentrum), vit le jour à Lucerne. »4 Le MAZ est unanimement
considéré comme la référence en matière de formation dans la partie germanophone
avec plus de 1'000 étudiants par an (cf. l’interview de sa directrice, Mme Sylvia Egli
von Matt). Un quart des 2’020 journalistes sollicités en 2000 dans une enquête sur
leur formation évoquait un parcours non-académique (MAZ ou CRFJ) alors que 44%
évoquaient un parcours académique, mais pas nécessairement en lien avec une
formation spécifique en journalisme.

2
Roger Blum, Die Schweiz als diversifizierter Spätzunder, Westdeutscher Verlag, pp.49-57, 2002.
3
Marek Szer, Journalismus Schweiz. Strategiekonzept zur Vereinheitlichung der Berufsbildung, Impressum,
Fribourg, 2007.
4
T. Hanitzsch and A. Müller, European Journalism Education, op. cit., p. 209.

2
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
Nouvelles filières académiques

Les universités ont, par étape et non sans une certaine réticence, pris pied dans la
formation en journalisme. L’Université de Fribourg proposa, de 1966 à 1998, un
diplôme en journalisme et communication. En 2008, l’Université de Neuchâtel, en
partenariat avec le CRFJ, a élaboré un programme de formation de niveau Master5 .
Le titre obtenu après deux années de formation est un Master of Arts (maîtrise
universitaire) en journalisme. L’Université de Genève propose depuis 2008
également une filière en journalisme dans le Master en information, communication
et médias créé en 1999 (cf. l’interview du Professeur Uli Windisch). Le titre obtenu
après deux ans de formation est un Master of Arts (maîtrise universitaire) en
sciences de la communication et des médias, avec une mention spécifique pour la
filière en journalisme.

Les Universités de Neuchâtel et de Genève offrent donc la possibilité de poursuivre


une formation académique couplée à des activités professionnelles, lors de stages
en entreprise. Mais la grande majorité des journalistes suisses se forment encore
« sur le tas », c’est-à-dire en faisant l’acquisition de leur carte de presse dans une
entreprise médiatique avec un suivi théorique de quelque 9 à 10 semaines sur deux
années. Pendant des décennies, cette filière « professionnelle » fut la norme en
Suisse. La question de l’attribution de la carte de presse y demeure une question
sensible. Celle-ci fait l’objet d’un document ad hoc qu’’Impressum a intitulé « Carte
de presse – informations sur la carte de presse suisse et le registre des
professionnels de médias RP » qui précise les trois conditions cumulatives pour une
inscription au registre professionnel, en substance : le fait d’être membre de l’une
des associations signataires (Impressum, Comedia, Syndicat suisse des mass
media) ; le fait d’exercer une activité principale comme professionnel des médias de
deux ans au moins ; le fait de reconnaître par sa signature la Déclaration des devoirs
et des droits du/de la journaliste6 comme référence absolue dans le cadre de son
activité.

L’association faîtière des éditeurs suisses, Presse Suisse, définit quant à elle ainsi le
droit d’accès à « sa » carte de presse : « Toute personne qui travaille à titre principal
5
Académie du journalisme et des médias (AJM), site : www2.unine.ch/ajm

6
Source : Impressum, lien : http://www.impressum.ch/impressum/fr/ethique.html

3
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
dans le domaine rédactionnel et qui bénéficie d’un rapport de collaboration
permanent avec un membre de l’Association Presse Suisse peut demander la carte
de presse. Le droit à la carte doit être confirmé par la rédaction en chef sur le
formulaire de demande. »7

La carte de presse attribuée par Presse Suisse, loin de faire l’unanimité, serait plutôt
au cœur d’une polémique. Proposée dès 2006, elle venait concurrencer la carte de
presse « historique » remise par l’organisation faîtière de journalistes, Impressum8,
alliée au syndicat suisse des médias Comedia9. Le journaliste Christian Campiche
relevait dans le quotidien La Liberté du 21 février 2006 les dimensions économique
et politique de cette « guerre des cartes »:

« La carte de Presse Suisse coûte 80 francs par année et accorde à ses
bénéficiaires des réductions de prix auprès de trois entreprises (…).. En
comparaison, la carte de presse d’Impressum coûte en moyenne 350 francs.
Garante d’une formation ou d’une expérience professionnelle correspondant aux
critères définis par la Déclaration des devoirs et des droits du journaliste, elle est aux
gens de la profession ce que le triple A est aux employés de banque. Mais les
avantages que les entreprises accordent aux titulaires de la carte se sont réduits au
fil du temps, même si les associations ont trouvé de nouvelles prestations pour leurs
membres. Quant à celle distribuée par Comedia, elle vaut encore plus cher : 650
francs. Le résultat est patent : outre-Sarine, 500 journalistes, soit près de 10% de
l’effectif d’Impressum, sont déjà détenteurs de la carte de Presse Suisse. »

Pas moins de quatre cartes de presse

7
Source : Presse Suisse, lien : http://www.pressesuisse.ch/article/Carte-de-presse.html

8
Impressum, les journalistes suisses. Site : http://www.impressum.ch/impressum/fr.html

9
Comedia, le syndicat suisse des médias. Site : http://www.comedia.ch/fr.html

4
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
Pierre-Henri Badel, secrétaire central auprès de l’Association suisse des journalistes
spécialisés (AJS)10, qui compte plus de 1'000 membres, rappelle l’existence d’une
carte de presse spécifique à l’AJS. « Si l’on regroupe les cartes d’Impressum, du
Syndicat suisse des mass media11 et de Comedia en un même groupe de carte de
presse qui répond aux critères d’application d’une convention collective de travail, la
fameuse CCT, celle de notre association, l’AJS, celle de CH-Media 12, association
issue d’une scission d’avec Impressum, et enfin la carte de Presse Suisse, cela fait
plus de 4 cartes de presse rien que pour la Suisse ! »

Des indications statistiques fournies par Alexandre Curchod, secrétaire central


d’Impressum, font état de 4’421 journalistes membres actifs RP. Il observe toutefois
que le nombre total de membres pour 2010 serait « un bon millier supérieur ». Soit
5'421 journalistes actifs, inscrits au registre professionnel (RP) ou non. Si l’on ajoute
le nombre de journalistes recensés par CH-media, 600 dont 480 inscrits au bénéfice
d’une inscription RP, celui de Presse Suisse, 500, et les 1'000 de l’Association
suisse des journalistes spécialisés, le total des journalistes suisses actifs au bénéfice
d’une carte de presse en 2010 s’élève donc à 7'521, avec ou sans inscription RP. Ce
qui recoupe le chiffre d’environ 8'000 journalistes en Suisse fréquemment utilisé dans
les milieux professionnels.

Une recherche effectuée auprès de l’Office fédéral de la statistique ne permet pas de


déterminer avec certitude combien de personnes exercent en Suisse le métier de
journaliste. Comme l’écrit le CRFJ sur son site : « La profession de journaliste ne
jouit pas de reconnaissance officielle. Aucun diplôme n’est formellement exigé pour
l’exercer. Aucune formation n’est requise pour prétendre à un poste dans un
quotidien ou un hebdomadaire, à la radio ou à la télévision. Le journalisme demeure
donc de nos jours une profession aussi ouverte qu’à ses origines. »13

Paysage journalistique suisse

10
Association suisse des journalistes spécialisés, AJS. Site : http://www.sfj-ajs.ch/

11
Syndicat suisse des mass media, SSM. Site : http://www.ssm-site.ch/fr/

12
CH-Media, Association indépendante des journalistes suisses. Site : http://www.ch-media.ch/

13
Source : Centre Romand de Formation des Journalistes, CRFJ, http://www.crfj.ch/public/imp_page1.php

5
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
En analysant les données recueillies auprès de l’Office fédéral de la statistique, à
l’occasion des recensements fédéraux de la population effectués tous les dix ans, et
lors du recensement des entreprises en 2008, la recherche du nombre de
journalistes actifs le plus proche possible de la réalité, journalistes inscrits ou non au
registre professionnel, un « paysage journalistique suisse » se dessine à l’aide de
plusieurs sources de données.

Première indication quantitative, l’évolution des effectifs de personnes actives


occupées par profession exercée dans le domaine des médias et par région
linguistique14 fournit un premier indice du nombre d’emplois, étonnamment stable,
pour les quatre périodes de recensements considérées (décennie 1970 / 1980 /
1990 et 2000) : le total s’élève à 78'693 postes de travail dont 17'580 pour la partie
francophone en 1970 ; respectivement 83'232 / 18'831 pour le recensement de
1980 ; 82'282 / 19'892 pour celui de 1990 ; 82'246 / 18'994 pour celui de 2000.

Le second tableau d’indicateurs de l’Office fédéral de la statistique relative à


l’évolution des personnes actives occupées dans le domaine des médias fournit un
libellé « Journalistes, rédacteurs » (code 81'101) qui établit leur nombre à 3'975 en
1970 ; 5'882 en 1980 ; 9'035 en 1990 ; 10'597 en 2000.

Le recensement fédéral des entreprises 200815 permet de recouper ces chiffres par
un autre biais : le nombre d’emplois recensés par unités institutionnelles (ou
entreprises) à travers quatre catégories: Edition de journaux (174 unités, 8'694
emplois) ; édition de revues et périodiques (339 unités, 3'572 emplois) ; édition et
diffusion de programmes radio (39 unités, 1'033 emplois) ; programmation de
télévision et télédiffusion (41 unités, 5'947 emplois). Soit un total de 19'246 emplois
dans le segment des médias dont 50% (9'623) au moins, selon une déclaration
recueillie auprès d’un responsable de l’Office fédéral de la statistique, ne sont pas
des journalistes.

14
Source 1, Office fédéral de la statistique, lien :
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/de/index/themen/16/04/key/approche_globale.Document.79107.xls

15
Source 2, Office fédéral de la statistique, lien :
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/dienstleistungen/geostenat/datenbeschreibung/eidgenoessische
_betriebszaehlung2.Document.126411.xls

6
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
Le nombre de journalistes actifs en Suisse oscille donc probablement entre 7'521
(nombre de titulaires en 2010 de l’une des 4 cartes de presse existantes) et 10'597
(nombre de « journalistes, rédacteurs » recensés en 2000). Le chiffre « moyen » de
8 à 9'000 journalistes actifs peut être considéré comme vraisemblable même si la
recherche souligne d’une part que les milieux associatifs et professionnels suisses
sont en désaccord sur les conditions d’attribution de la carte de presse, et donc de la
définition stricte de la profession de journaliste, et d’autre part que l’Office fédéral de
la statistique ne définit pas non plus strictement la profession de journaliste.

La formation professionnelle des journalistes permet de cerner les critères


constitutifs d’un « cadre normatif» définissant l’exercice du métier. Ainsi, le CRFJ
évoque-t-il des critères précis : collaboration à un média (ou pour plus d’un média
reconnu en ce qui concerne un journaliste indépendant), exercice du métier à titre
d’activité lucrative principale, revenu minimal régulier. Six journalistes sur dix
commencent leur formation après avoir acquis un titre universitaire, observe encore
le CRFJ.

Chute du nombre de stagiaires en 2009

Le rapport d’activité 2009 du CRFJ fait apparaître une chute brutale du nombre de
journalistes stagiaires (59 en 2009 contre 85 en 2008), liée en particulier à la baisse
du nombre de stagiaires issus de la presse écrite (34 contre 56 pour la période
précédente). Les indicateurs statistiques du CRFJ, pour une période allant de 1995 à
2009, montrent que le nombre de certificats de fin de stage et inscriptions au registre
professionnel (après deux années de formation) fluctue sensiblement : de 51 en
1995 à 81 en 2009, en passant par un pic de 118 en 2002. Le chiffre médian de
certificats de fin de stage sur une période d’observation de quinze années est de 78.
L’âge moyen des stagiaires était de 29 ans en 2009 et la répartition hommes/femmes
était de 44/55%.

La formation antérieure des stagiaires journalistes du CRFJ fait également l’objet


d’un intéressant tableau qui souligne l’importance du parcours universitaire
précédant le stage professionnel proprement dit : En 2009, 47 stagiaires sur 59, soit

7
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
79%, étaient porteurs d’un titre de niveau Bachelor ou Master. A titre comparatif,
cette proportion d’universitaires gradués s’élevait à 58% en 1989 et à 67% en 1999.

La création d’un Master en journalisme répond ainsi tout à la fois à une évolution
sociologique et à une attente des milieux professionnels : l’acquisition de
compétences tant théoriques que pratiques, notamment en matière de nouvelles
technologies de la communication et de l’information, s’effectue depuis 2008 dans un
cadre académique avec la participation d’enseignants « praticiens », issus de la
profession. L’obtention de la carte de presse d’Impressum est raccourcie d’une
année pour les diplômés de l’Académie du journalisme de l’Université de Neuchâtel,
qui ont effectué 16 semaines de stage en entreprise (source : article 5 de la
convention-cadre AJM-CRFJ) et dès lors qu’ils peuvent légitimer d’une activité
professionnelle dans un média reconnu durant au moins une année (source :
Impressum).

Comment définir « Qualité des médias » ?

Les évolutions des deux dernières décennies en matière technologique, avec


Internet proposé sur de multiples supports et des activités journalistiques nouvelles
en lien avec des rédactions numériques (pure player), ont également eu des
conséquences sur les entreprises médiatiques et le financement de la formation des
stagiaires ainsi que la formation continue des journalistes en exercice. Si les
politiques de réduction des coûts n’ont pas entraîné une diminution drastique de
l’engagement de nouveaux stagiaires, il est en revanche certain que les mass media
traditionnels (presse écrite, radio et télévision de service public) sont confrontés à la
baisse ou à la stagnation de leurs revenus (lectorat payant et surtout publicité) qui
ont des conséquences tant pour la politique d’engagement que pour celle de la
formation. La mutation des entreprises monomedia en fournisseurs de contenus
informatifs sur de multiples supports représente sans nul doute une perspective
stimulante mais délicate pour la redéfinition des programmes de formation et leur
mise à niveau.

8
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
De nouveaux acteurs économiques, en particulier les titres gratuits et les
fournisseurs de contenus informatifs plurimedia, comme Largeur.com16, magazine
diffusé exclusivement sur Internet fondé en 1999, ont créé des places de travail pour
des journalistes ou des rédacteurs.

Une étude de l’Université de Zurich, intitulé « Qualité des médias – Suisse »17 a


étonnamment écarté le critère économique, pourtant prépondérant pour analyser
l’évolution du paysage médiatique suisse, comme élément d’appréciation de la
qualité. Cette étude considère ainsi gratuité et concentration des médias comme des
facteurs de déclin de la qualité des médias : « Les médias suisses se trouvent dans
un processus de transformation fondamental : le glissement de l’utilisation des
médias vers une culture gratuite online et offline et la situation financière fortement
détériorée entraîne une érosion de la qualité dans la grande tradition journalistique
suisse. » (Extrait du communiqué de presse du 13 août 2010).

Selon les auteurs, partisans du service public et de la presse payante « sérieuse »,


la culture de la gratuité « affaiblit le prestige professionnel des journalistes et
augmente le mécontentement parmi ceux-ci. » Pourtant, malgré un système de
redevance considéré comme l’un des plus chers d’Europe, les médias audiovisuels
du service public suisse sont confrontés à une nécessité de convergence
(programme de restructuration), dictée par de nombreuses années de léthargie face
à la concurrence étrangère et par une faible compétitivité intermedia que l’ère
numérique a mis en évidence. Le succès d’audience le plus spectaculaire de ces dix
dernières années en Suisse est de surcroît le fait d’un éditeur privé, Tamedia, qui a
conquis le marché suisse des médias avec son titre gratuit 20 Minuten / 20 Minutes.
Ces deux titres totalisent près de deux millions de lecteurs cinq jours par semaine en
2010. Ils ont surtout contribué au bond spectaculaire du taux de lecture des Suisses
de moins de vingt ans, ralentissant aussi le déclin de la presse imprimée dans les
statistiques de la REMP18. Sans prise en considération de critères économiques
fiables et neutres, la « qualité des médias » s’apparente de toute évidence à un

16
Largeur.com. Lien : http://largeur.com/?page_id=2876

17
Annales 2010, « Qualité des médias – Schweiz Suisse Svizzera ». Lien : www.qualitaet-der-medien.ch

18
REMP Recherches et études des médias publicitaires. Lien statistiques Mach Basic 2010-2 :
http://www.wemf.ch/fr/mitteilungen/news/mach_publikation.php

9
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
concept ouvert aux interprétations idéologiques, en particulier si elles s’inspirent
essentiellement de l’Aufklärung cher à Habermas.

Quelle formation pour quel journalisme ?

La qualité des médias ne serait-elle pas d’abord issue de la formation des


journalistes? Autrement formulé, quelle formation est-elle nécessaire, selon les
spécificités requises par un bien médiatique défini notamment par sa ligne éditoriale,
pour répondre avec efficience aux attentes d’un environnement complexe et
multiforme (entreprise, audiences, corporation) ? Quels investissements les groupes
médiatiques, devenus aujourd’hui des fournisseurs de contenus informatifs
plurimedia, sont-ils prêts à consentir dans la formation de leurs journalistes ?

Les moyens mis à disposition de cette formation, durant les décennies écoulées, ont
toujours été modestes, voire négligeables en rapport aux dépenses consenties pour
l’évolution des supports ou le développement marketing. Le groupe de presse
Ringier, à Zurich, a fait preuve d’une vision remarquable en créant, en 1974, la
Ringier Journalism School, instrument « maison » de formation favorisant un certain
esprit d’entreprise et offrant de multiples cours pratiques et théoriques dont l’histoire
des médias ou le droit des médias.

Hanitzsch et Müller notent dans leurs remarques conclusives  (adaptation de


l’anglais): « Malgré la résistance culturelle à une approche par trop académique, il
existe de nombreux indices que la tendance actuelle en matière de formation en
journalisme est liée au développement de l’offre académique. L’un des exemples
récents est le lancement de deux programmes de niveau Master au Media Education
Center de Lucerne : un Master en journalisme a été introduit en 2006 en étroite
collaboration avec la Hamburg Media School et l’Université de Hambourg. Un
second Master en New Media Journalism a démarré en 2008 en collaboration avec
l’Université de Leipzig, le College of Mass Communication d’Hambourg et le College
for Journalism Education de Salzbourg. Une autre offre de niveau Master est aussi
proposée à l’Université de Genève. Le système de Bologne a contribué à modifier
sensiblement le système éducatif suisse de haut niveau et facilité l’introduction de
programmes d’éducation en journalisme à l’échelon universitaire. (…) Marek Szer,

10
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
secrétaire central d’Impressum, avait formulé en 2007 une réforme radicale du
système de formation du journalisme en Suisse (...) dans le but d’une
reconnaissance formelle et officielle de la profession selon des critères de qualité et
de contrôle. »19 En 2010, Szer ne travaille plus chez Impressum et, comme le
relèvent Hanitzsch et Müller, ses propositions n’avaient pas fait l’unanimité, loin s’en
faut, en particulier auprès des éditeurs et des écoles de journalisme existantes (MAZ
et CRFJ) qui les avaient perçues comme une remise en question de leur position
dominante. Qu’il s’agisse de « qualité des médias » ou de « qualité de la formation
en journalisme », le parcours est semé d’embûches multiples et variées.

Encadré 1

Interview : Sylvia Egli von Matt, directrice du MAZ

« Il y a une pression sur la durée de formation »

En votre qualité de directrice du MAZ (« Medienausbildungszentrum », l'école


suisse de Journalisme à Lucerne), vous êtes une observatrice avisée de la
formation des journalistes en Suisse et en Suisse alémanique en particulier.
Comment percevez-vous les grands changements survenus au cours de ces
dernières années, avec le développement des offres numériques et l'évolution
de la profession du "print" vers "Internet"?

Sylvia Egli von Matt : « Je vois trois aspects principaux. Tout d'abord, toutes les
institutions de formation intègrent le multimédia dans leur cursus. Tous les diplômés
doivent avoir une compréhension de l’ensemble des médias et pouvoir au moins
exercer professionnellement dans deux médias.

19
T. Hanitzsch et A. Müller, The Swiss Journalism Education Landscape, in European Journalism Education,
op.cit., pp. 214-215.

11
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
Pour cette raison, l’écart entre la transmission des bases du journalisme - recherche,
analyse, compétences linguistiques et d’expression, droit et éthique - et exercice des
nouveaux médias et formats médiatiques tend à se creuser. Il y a plus à enseigner et
à apprendre aujourd'hui qu'autrefois, sans que la durée de formation ne puisse être
allongée. Au contraire, il y a une pression perceptible dans le sens d’un
raccourcissement de celle-ci.

Une deuxième caractéristique est l'incertitude. Personne ne sait où se dirige à moyen


terme le monde des médias. Personne ne peut non plus savoir exactement comment
les journalistes travailleront à l'avenir et comment par conséquent ils doivent être
formés. Il est donc important de rendre ceux qui sont en formation aptes à faire face
à de perpétuels changements. Nous les incitons à garder une attitude à la fois
ouverte et critique, à aller au devant des innovations et à ne pas les considérer
d'emblée comme négatives.

Et troisièmement, il s'agit de sensibiliser au fait que le journalisme est le journalisme,


et non pas des RP. Un journalisme indépendant doit être défendu dans l'intérêt de la
démocratie et les acteurs des médias aborder et traiter les sujets d’une manière
critique et réfléchie. »

Quelles sont les principales évolutions dans l'offre de formation d'écoles


comme le MAZ, notamment quels sont les enseignements qui ont pris de
l'importance aux yeux des étudiants-es. Quelles sont d'ailleurs leurs attentes
principales en matière de contenus enseignés?

Sylvia Egli von Matt : « Nous avons tout d’abord conçu notre formation de diplôme
en deux ans, en cours d’emploi. Elle est associée à un stage, totalement orienté
multimédia. Le travail de diplôme doit être « bi-media ».

Deuxièmement, nous offrons de plus en plus de cours à l'international, comme le


Master of Arts in Journalism, avec Hambourg Media et l’Université de Hambourg. Les
étudiants suisses passent leur première année à Hambourg et la seconde au MAZ
de Lucerne. Ils intègrent ainsi deux cultures journalistiques et peuvent créer deux
réseaux, ce qui les prépare bien à la vie professionnelle.

12
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
Le master en cours d’emploi New Media Journalism , offert conjointement par le MAZ
à Lucerne, l'Université de Leipzig, la MediaSchool de Hambourg et le Conseil
autrichien de formation des journalistes, s'adresse quant à lui à des professionnels
expérimentés des médias.

Troisièmement, nous proposons des cours de certificat pour approfondir la formation,


par exemple dans les domaines du journalisme scientifique, et récemment dans celui
du journalisme sportif et de la presse spécialisée.

Et quatrièmement, nous étendons constamment notre département formation


continue/forum des médias dans les domaines de la gestion éditoriale et du
Leadership. Il y a une conscience accrue que les rédacteurs en chef doivent avoir
une attitude réflexive sur leur rôle de direction. »

La formation des journalistes connaît un développement spectaculaire à


l'échelon universitaire en Suisse romande. Qu'en est-il en Suisse alémanique
et comment  percevez-vous les rôles respectifs des écoles privées et des
établissements publics. S'agit-il d'une concurrence ou d'une complémentarité?

Sylvia Egli von Matt : « En Suisse allemande, les différentes offres de formation
fonctionnent ensemble, de manière complémentaire. Chacune d’entre elles a un
profil clair et distinct. Le MAZ est toujours considéré comme la principale institution
de formation en journalisme. Elle est clairement orientée sur le journalisme.
D’ailleurs, depuis 2003 le MAZ est appelé MAZ – Die Schweizer Journalistenschule 
(L’Ecole suisse de journalisme).

Sont également reconnues les différentes options d’études, y compris au niveau du


Master et des réseaux internationaux. Ainsi, l'approche pratique est basée sur des
principes scientifiques. Celle-ci est toujours mise en évidence par les rédactions. Les
hautes écoles spécialisées lient journalisme et communication et conduisent
exclusivement au Bachelor. Les universités se considèrent comme des accès aux
sciences des médias et de la communication, et explicitement pas pour le
journalisme. De petits établissements privés offrent des cursus bref et des cours
ponctuels. »

13
Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
Site Internet : www.maz.ch (en allemand). Présentation de synthèse en anglais:
http://www.maz.ch/service/maz_english.pdf)

Encadré 2 :

Interview : Uli Windisch, directeur du Programme du Master et de l’Ecole doctorale


en information, communication et médias, Université de Genève

« Il y a une pression sur la durée de formation »

Professeur en sociologie, vous avez créé en 1999 le Master en sciences de la


communication, de l’information et des médias au sein de l’Alma Mater
genevoise et, en 2008, initié une filière de formation en journalisme au sein du
Master principal. Quelles étaient vos motivations ?

Professeur Uli Windisch : « Paradoxalement, nous avions relevé dans les années
90 un sous-développement des sciences humaines et sociales en Suisse et leur
arrivée tardive dans les universités, par comparaison avec leur développement aux
Etats-Unis et en Europe. Il y avait aussi un retard encore plus marqué dans les
sciences de la communication et des médias, à fortiori en journalisme. Il n’existait
pas d’ailleurs de formation complète universitaire, au niveau du Bachelor, du Master,
et encore moins au niveau doctoral dans ces domaines. C’est ce sous-
développement qui est à la base de la création du Master (à l’époque : DEA) en
sciences de la communication et des médias en 1999. Le succès a été immédiat et
très important. La contrepartie du sous-développement de l’époque est que les
étudiants qui sortent de notre filière de formation trouvent aisément du travail. Nous
avons opté volontairement et stratégiquement pour le degré Master et pas celui du
Bachelor, ce qui a contribué à permettre à des étudiants de filières multiples

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Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
d’accéder à une offre de formation caractérisée elle-même par son aspect
multidisciplinaire mais aussi pratique. Cette « marque de fabrique », que nous avons
également appliquée à la filière en journalisme, est de réunir praticiens issus du
monde professionnel et professeurs invités pour tisser un réseau tout à la fois
national et international, académique et professionnalisant. En 2008, le besoin d’une
formation universitaire spécifique au journalisme s’est imposé pour répondre à
l’évolution des nouvelles technologies de l’information, faisant appel à de nouveaux
savoirs et à de nouvelles compétences. La formation professionnelle traditionnelle,
soit neuf semaines réparties sur les deux ans de stage en entreprise pour obtenir le
certificat de capacité, ne suffisait plus. Des conditions favorables ont été réunies à
l’Université de Genève pour proposer, en collaboration avec des universités et
écoles de journalisme à l’étranger et avec des entreprises de médias établies en
Suisse, un programme de formation ad hoc, couvrant les disciplines, connaissances
et techniques spécifiques à l’exercice du métier de journaliste. »

N’y-a-t-il pas, aujourd’hui, surabondance d’offre de filières de formation en


journalisme en Suisse, et en particulier en Suisse romande ?

Professeur Uli Windisch : « Non. Il s’avère après deux années complètes de notre
filière en journalisme que des étudiants bien formés pendant deux ans et disposant
d’un Master de 120 crédits issus de travaux tant académiques que pratiques,
incluant un ou deux stages en entreprise, trouvent aisément du travail et qu’ils sont
même recherchés. Nombre de celle et ceux qui ont effectué un stage en entreprise
se sont vus proposer un premier emploi, en particulier si l’employeur a pu apprécier
leur polyvalence et capacité d’adaptation. Une solide formation académique
complétée d’une initiation pratique et professionnelle en cours d’étude constitue, à
mes yeux, l’une de nos réussites les plus gratifiantes. La morale de l’histoire : pour
des étudiants bien formés et déterminés, il y a de la place dans le monde du
journalisme et de la communication en général, indépendamment de la conjoncture
et encore plus lorsque les anciennes structures sont en pleine mutation ! »

Qu’en est-il de la crainte formulée qu’une formation de journaliste acquise


dans le cadre d’un Département en sociologie soit insuffisamment proche des
réalités professionnelles ?

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Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »
Professeur Uli Windisch : « C’est une crainte sans fondement. Nous avons relevé
le défi, au sein de la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de
Genève, de conjuguer une formation académique interdisciplinaire approfondie et
une formation dispensée par un grand nombre de praticiens, parmi lesquels
beaucoup de personnalités de référence. Cette conjugaison constitue bien un atout
indéniable pour les étudiants issus de notre filière. Elle dément aussi l’image d’une
formation universitaire qui ne serait que théorique, sociologique, ou coupée des
réalités du monde du travail. Nous avons déjà pris un rythme de croisière avec une
équipe forte et prometteuse. »

Site internet : www.unige.ch/ses/socio/communication/bienvenue.html

32'000 caractères

Légendes photos (libres de droit):

1) Sylvia Egli von Matt, directrice du MAZ à Lucerne.

2) Professeur Uli Windisch, directeur du Progamme du Master et de l’Ecole doctorale en


sciences de l’information, communication et médias.

Eléments biographiques, Philippe Amez-Droz :

Collaborateur scientifique à l’Université de Genève (sciences de la communication, de


l’information et des médias), Philippe Amez-Droz est doctorant et chargé de cours (économie
et management des médias, techniques d’écriture de la presse écrite). Il consacre son projet
de thèse aux mutations économiques de la presse écrite, en particulier en Suisse. Son
mémoire de maîtrise en sciences de la communication (2007) portait sur la presse régionale
de Suisse romande. Il est également titulaire d’un diplôme en sciences politiques de
l’Université de Genève. Né à Bienne, ville frontière entre la Suisse alémanique et la Suisse
romande, Philippe Amez-Droz a été journaliste de radio (Canal 3) et de presse écrite
(quotidiens Le Journal du Jura, Le Journal de Genève et La Suisse).

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Les Cahiers du Journalisme – Article Philippe Amez-Droz  : «  La formation des journalistes en Suisse  »

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