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Disons-le d’emblée : voici sans aucun doute l’un des livres les plus importants parus
ces dernières années dans le domaine de l’ésotérisme musulman et même dans le
domaine des études traditionnelles en général. Dans cet ouvrage court (une centaine
de pages) mais extrêmement dense, difficile mais malgré tout accessible à tout
lecteur "de bonne volonté"1, l’auteur apporte tous les éléments indispensables à la
connaissance de la doctrine mariale en Islam, y compris dans ses aspects
métaphysiques et initiatiques les plus élevés. C’est dire qu’il ne s’agit pas ici d’un
ouvrage à caractère général et introductif destiné à présenter au lecteur occidental
d’aimables évidences sur le sujet. C’est dire aussi que cette étude n’est pas à
comprendre - l’auteur lui-même y insiste dans le premier chapitre - dans le cadre
d’un éventuel et problématique "dialogue islamo-chrétien" nécessairement voué à
l’échec si l’on s’en tient au plan des exotérismes respectifs. Dans un ordre d’idée
connexe, Charles-André Gilis fait également remarquer (p. 12) que Marie, loin d’être
étrangère à la révélation muhammadienne, lui est au contraire indissolublement liée ;
tout le livre est d’ailleurs la meilleure preuve que "la «tradition mariale» s’intègre
dans l’enseignement ésotérique" de l’Islam.
Comme il n’est de toute façon pas possible de résumer un tel livre, nous nous
contenterons de faire quelques remarques qui se rattachent au chapitre IV intitulé
1
Comme les autres livres du même auteur, celui-ci se fonde sur l'autorité du shaykh al-akbar Muhyîddîn Ibn
`Arabî (complétée parfois par celle de son illustre disciple l'émir `Abd al-Qâdir l'Algérien), ainsi que sur
celle de René Guénon et de Michel Vâlsan. Le lecteur possédant déjà une certaine connaissance de l'oeuvre
de ces maîtres sera à coup sûr aidé dans son étude du présent livre. Il serait également bon d'avoir lu, de Ch.-
A. Gilis, Le Coran et la fonction d'Hermès (Editions de l’Œuvre, 1984), qui est une traduction d'un
commentaire d'Ibn `Arabî sur les trente-six attestations coraniques de l'Unité divine, et dont certains
développements touchent de fort près au sujet qui nous occupe.
"Fille de son Fils", en référence naturellement au premier vers du dernier chant de la
Divine Comédie : "Vergine madre, figlia del tuo Figlio". Il y a évidemment ici une
formulation paradoxale, mais il faut tout d’abord noter que celle-ci s’appuie sur le
symbolisme des liens de parenté. Ce symbolisme est tellement courant en climat
chrétien qu’il semble aller de soi et que l’on n’y prête plus vraiment attention. Or les
choses ne sont peut-être pas tout à fait aussi simples qu’elles n’en ont l’air, et le
lecteur est ici amené à d’intéressantes réflexions sur leur signification profonde.
2
Nous ne pouvons insister ici. Voir Le Coran et la fonction d'Hermès, seizième Tawhîd, ainsi que H.Corbin,
L'imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn `Arabî, Flammarion, 1977, pp.98 sq., renvoyant pour
l'essentiel à des extraits des Fuçûç al-hikam.