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L. Paolozzi
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d’autres espèces, peut devenir rapidement matériel d’étude pour de nombreux chercheurs. Le
choix du modèle peut aussi avoir été dicté par des exigences expérimentales. Un certain nombre
de critères de choix sont communs à plusieurs organismes modèles ; ils concernent le cycle de
développement, qui si possible doit être court, les dimensions de l’organisme (petite taille de
l’adulte chez les organismes supérieurs, pour des raisons d’encombrement), la facilité de
reproduction en laboratoire ou la facilité à pouvoir en disposer, le coût, et encore d’autres
critères. Certains sont plus ou moins spécifiques du domaine d'étude envisagé. Les mêmes
concepts s’appliquent aux organismes de tous les domaines et aux virus.
2
mays), devient aussi un modèle grâce à sa souplesse d'utilisation (mutations, reproduction,
croisements contrôlés). En 1953, après une vingtaine d’années d’expériences de cytogénétique
et de génétique formelle sur cette plante, Barbara McClintock (Prix Nobel de biologie et
médecine en 1983) établit le concept de transposition génique. En 1963, Sydney Brenner (prix
Nobel de biologie et médecine en 2002) propose d’utiliser le ver nématode Caenorhabditis
elegans pour l’étude de la différenciation et du développement des animaux (développement
neuronal) par l'approche moléculaire. D’autres modèles, le batracien Xenopus laevis (pour
différentes problématiques de biologie moléculaire), la souris (Mus musculus) pour les études
d’immunologie et de pharmacologie, sont aussi devenus classiques. Le cas de X. laevis, choisi
pour la facilité de son élevage, est intéressant : on peut induire l’ovulation à n’importe quelle
période par injection d’hormone gonadotrope, et ses œufs, de grandes dimensions, permettent
d’observer facilement l’embryogenèse. La souris est le modèle du mammifère le plus proche de
l’Homme, avec un génome de dimension presque identique, dont 99 % des gènes ont un
homologue chez l’Homme.
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démonstration par S.E. Luria et M. Delbrück en 1943 de l’origine spontanée des mutations et du
rôle de la sélection dans ce processus, avec comme modèle la résistance à l’infection au
bactériophage T1 (Chap. 10), découverte qui permettra d’étendre les concepts développés dans
ce travail à tout organisme vivant, montrant la possible universalité de ce modèle. On disposera
très vite d'un vaste nombre de mutants nutritionnels de cette bactérie ; on en découvrira la
sexualité, ce qui permettra d’effectuer des croisements génétiques (Chap. 12). Les études
effectuées sur cette bactérie, et celles qui continuent de nos jours, constituent une bonne partie
du contenu des différents chapitres de ce livre.
Caractéristiques
Physiologie Facile à cultiver, dans des milieux nutritionnels synthétiques,
avec de nombreuses sources alternatives de carbone, ou dans
des milieux complexes
Temps de génération rapide (de l’ordre de 20 min en milieux
riches)
Génétique Parmi les nombreuses souches, la souche K12, non-pathogène,
est l’un des organismes les plus connus au niveau moléculaire.
Système excellent pour l’approche génétique : génome de
dimension moyenne parmi les procaryotes, disponibilité d’une
vaste collection de mutants, croisements génétiques faciles,
hôte de nombreux types de plasmides et bactériophages.
Possibilité de transformation artificielle.
E. coli K12 et ses phages ont été à la base de découvertes
fondamentales en biologie moléculaire et un outil précieux pour
la mise au point de techniques de génétique et biologie
moléculaire
Biochimie et Biologie La biochimie de cette bactérie est très développée
moléculaire Hôte excellent de nombreux vecteurs obtenus par les
techniques de génie génétique
Si E. coli a été un organisme idéal pour l’étude d’un grand nombre de processus de biologie
de base, son absence de reproduction par un processus de sexualité a été pour de nombreux
chercheurs des années 1940 une limite à l’extension de la génétique mendélienne. Ainsi dès la
fin des années 1940, le généticien Boris Ephrusi fit le choix de la levure Saccharomyces
cerevisiæ, organisme unicellulaire eucaryote qui se multiplie par division végétative et par
croisement, pour les études sur l’expression mendélienne des gènes. Ce choix devait conduire à
la découverte inattendue d’une forme nouvelle de génétique dite non mendélienne, celle d’une
hérédité « en dehors du noyau », qui a été localisée ultérieurement dans « des particules extra-
nucléaires que sont les mitochondries » comme affirmaient B. Ephrussi et P. Slonimski, dans un
article de 1949. Au cours des décennies qui suivront, les études sur S. cerevisiæ devaient
conduire au concept fondamental que les principales fonctions cellulaires et leur modalité
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d’exécution sont conservées de la levure aux mammifères, Homme compris (voir cours de
biologie cellulaire).
La situation était un peu différente en ce qui concernait les bactéries pathogènes, dont
beaucoup ont été isolées pour leur infectiosité spécifique, puis étudiées pour en comprendre la
pathogénicité et élaborer des moyens en vue de leur neutralisation (Chap. 17 ; 18).
Inversement, la reconnaissance des spécificités des Archées, qui constituent actuellement un
domaine distinct, a longtemps été oblitérée. Peu connues encore maintenant en raison de leur
identification récente et des difficultés d'étude d'une majorité d'entre elles, ces procaryotes
étaient soit ignorés soit assimilés aux autres Bactéries. L'établissement de leurs originalités, et
donc la remise en question de la généralisation appliquée antérieurement, ont permis d'enrichir
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considérablement nos connaissances et notre conception du monde procaryote. Un certain
nombre d’Archées, méthanogènes, halophiles, thermophiles, servent actuellement de modèles,
probablement bien limitatifs, à ce domaine du monde vivant.
Bibliographie
Correns C.E. 1909. in Hagemann R. 2000. Erwin Baur or Carl Correns : Who Really Created
the Theory of Plastid Inheritance ? J. Hered. 91(6): 435-40
Ephrusi B. 1949. in Unités biologiques douées de continuité génétique. Paris, Juin-Juillet 1948,
Editions du C.N.R.S. Paris. 165-180
Escherich T. 1886. Die Darmbakterien des Saüglings und ihre Beziehungen zur Physiologie der
Verdauung. Stuttgart. Ferndinand Enke
Lister J. 1878. On the Lactic Fermentation and its Bearing on Pathology. Transactions of the
Pathological Society of London. 29 : 425-467
Luria S.E. & Delbrück M. 1943. Mutations of Bacteria from Virus Sensitivity to Virus
Resistance. Genetics 28 : 491-511
Morgan T.H., Sturtevant A.H., Muller H.G., Bridges C.B. 1915. The Mechanism of Mendelian
Heredity. New York, Henry Holt, xiii
Slonimski, P.P & Ephrussi B. 1949. Action de l'acriflavine sur les levures. V. Le système des
cytochromes des mutants "petite colonie". Ann. Inst. Pasteur, 77 : 64-83
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Web 4 Fiche 4.2
J.-C. Liébart
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colonies isolées sont récupérées, mélangées et ré-ensemencées sur le même milieu. On procède
ordinairement à un minimum de trois ré-isolements successifs, pour trois raisons : (1) il faut
éliminer le cas toujours possible où l'une des colonies, visible sur la boîte comme unique, serait
en fait due à la croissance de deux bactéries très voisines ; (2) existe aussi le risque que l'une des
colonies repiquées soit mutée (ou contienne des mutants formés au cours de la croissance de la
colonie) pour un caractère quelconque non déterminé et non discriminatoire dans les conditions
utilisées ; cette éventualité est en fait très probable, compte tenu de la fréquence de mutation
spontanée comparativement au nombre de cellules dans une colonie (voir ci-après) ; (3) enfin,
compte tenu de la polyploïdie de fait des procaryotes, une cellule pourrait posséder deux
chromosomes, dont l’un serait muté par rapport à l’autre. Les ré-isolements successifs de
plusieurs colonies minimisent ces risques, et pallient donc au mieux ces inconvénients. Après
vérification de leurs propriétés et mise en culture, les « clones » ainsi isolés sont conservés, sous
forme d'échantillons provenant d’au moins deux colonies indépendantes (pour ces mêmes
raisons), en collection dans des conditions appropriées (Web 4 Fiche 4.5).
Toute expérience de microbiologie procaryote implique ordinairement de réaliser une culture
de l’organisme à étudier. Habituellement, la souche à étudier, conservée en collection, est remise
en culture par ensemencement préalable sur milieu gélosé, ce qui permet d’obtenir des colonies
isolées (et de vérifier la « pureté » de l'échantillon) à partir desquelles on peut procéder à une
culture en milieu liquide.
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Il est fondamental de toujours avoir à l’esprit cet état de fait. Notamment, la conservation
d’une souche oblige à procéder à une vérification systématique de son phénotype au cours des
réensemencements successifs, le séquençage du génome total n’étant pas encore suffisamment
routinier et bon marché pour assurer ce genre de vérification. C’est la meilleure garantie du
maintien en l’état de la souche, évitant au mieux tout risque de dérive génétique.
Il est bien sûr licite de se poser la question de l'influence d’une telle dérive dans les
conditions naturelles pour les procaryotes, qui sont de fait des organismes à croissance clonale.
Il est probable que les conditions imposées aux organismes vivant dans ces milieux n’ont rien à
voir, notamment au niveau de la compétition intra- ou interspécifique, avec les conditions
édéniques de la croissance en laboratoire, et qu’une telle situation assure un maintien
relativement stable du génotype des organismes microbiens par le jeu permanent de la
compétition du plus performant et du plus apte à s'adapter en réponse aux fluctuations de ce
milieu (Chap. 2).
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Web 4 Fiche 4.3
DES BACTÉRIES
J.-C. Liébart
Dans des conditions hostiles à la croissance, certaines Bactéries peuvent survivre sous forme de
structures particulières : les spores (chez Bacillus subtilis), qui résistent à de nombreux stress
(déshydratation, radiations ionisantes, choc thermique) (Chap. 15) ; les cystes (chez Azotobacter
vinelandii), structures moins résistantes à la dessiccation ou à une augmentation de
température ; enfin les akinètes (chez les cyanobactéries telles Anabæna, ou chez les spirochètes
tels Borrelia), des cellules physiologiquement inactives enveloppées d'une carapace protectrice.
Comment les bactéries qui ne développent pas de telles structures de résistance survivent-elles
aux conditions hostiles ? Certaines peuvent maintenir une activité métabolique détectable sans
pour autant être cultivables (c'est-à-dire se multiplier) selon les critères classiques. Cet état a été
défini comme « viable mais non cultivable » (VBNC), une définition un tantinet contradictoire
avec le fait qu’on définit ordinairement les micro-organismes à partir de leur cultivabilité, la non
cultivabilité étant considérée comme non viabilité. D’autres ont suggéré la définition cellules
« actives mais non cultivables » (ABNC).
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Par ailleurs, une étude protéomique réalisée sur Enterococcus fæcalis montre des profils
d’expression différents dans les trois états physiologiques étudiés, croissance exponentielle,
bactéries carencées, bactéries VBNC. Dans ce dernier cas, la synthèse de plusieurs protéines
impliquées dans les voies cataboliques est fortement diminuée, en accord avec une diminution
de l'activité métabolique chez ces bactéries. Il est possible que des voies alternatives de synthèse
soient au contraire activées pour permettre la survie en conditions défavorables. Ainsi la sur-
expression de la fructose–bisphosphate aldolase, une enzyme clé du métabolisme des sucres,
pourrait aider à remplir ce rôle.
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la séparation des deux types cellulaires en gradient de densité. Les résultats obtenus restent
contradictoires. Certains auteurs font état de résurrection de l’état VBNC, d’autres ne
l’observent pas.
Il est clair qu’une telle résurrection aurait des conséquences importantes, notamment dans le
cas de bactéries pathogènes. Toutefois, indépendamment ou non de cette propriété potentielle de
résurrection, l’état VBNC joue sans aucun doute un rôle important dans le fonctionnement des
écosystèmes microbiens.
Bibliographie
Barcina I. & Arana I. 2009. The Viable but non Culturable Phenotype : a Crossroad in the Life-
Cycle of Non-Differentiating Bacteria ? Rev. Environ. Sci. Biotechnol. 8 :245-255
Hayes C.S. & Low D.A. 2009. Signals of Growth Regulation in Bacteria. Curr. Opin. Microbiol.
12(6) : 667-673
Ducret A., Chabalier M., Dukan S. 2014. Characterization and Ressucitation of «Non-
culturable » Cells of Legionella pneumophila. BMC Microbiology 14(3)
12
Web 4 Fiche 4.4
« Un fluide nutritif stérile est placé dans un flacon désinfecté, afin d'être à l'abri d'un
contaminant. Ce fluide est inoculé avec le matériel contenant les micro-organismes que l'on
veut obtenir en culture pure. S'il y a croissance dans ce premier flacon, des inoculations seront
pratiquées à partir de là dans des récipients préparés comme l'a été le premier. En fait, c'est
presque exactement ce qui se produit quand une maladie infectieuse se transmet d'un animal à
un autre. »… Il est indispensable que « le produit inoculé ne contienne que le micro-organisme
dont la culture pure est souhaitée ».
Robert Koch, in Encyclopaedia Universalis
Les besoins nutritionnels d'une cellule peuvent être déduits en bonne partie de sa composition
chimique élémentaire, mais leur connaissance dérive surtout de données empiriques, quoique le
séquençage ouvre dans ce domaine de nouveaux horizons. Une bactérie comme E. coli est
constituée (Chap. 1) pour 95 % de son poids sec de six éléments, C, O, H, N, S et P. C’est ce
que l’on définit comme les macro-éléments, ou encore macronutriments, qui sont à la base de la
construction des macromolécules biologiques. Les 5 % restant sont constitués essentiellement
des ions K+, Ca++, Mg++, Fe++, qui ont le rôle de cofacteurs d’activités enzymatiques ou de
constituants de macromolécules (par exemple le Fe++ des cytochromes). De nombreux autres
éléments sont présents sous forme de traces.
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COMPOSITIONS CHIMIQUES DES MILIEUX DE CULTURE
Un milieu de culture est un mélange équilibré des éléments nutritionnels nécessaires pour
permettre le développement d'un organisme. Les milieux de cultures peuvent être soit liquides
(pour la culture des micro-organismes), soit solidifiés par addition d’une substance gélifiante, en
général de l’agar ; ces milieux solides sont la plupart du temps préparés dans des récipients
stériles fermés, les boîtes de Petri étant les plus courants, permettant toutes les manipulations de
la bactériologie classique comme celles de génétique et de biologie moléculaire. Les cellules
peuvent être ensemencées soit en surface du milieu solidifié, soit dans le milieu lui-même.
On distingue ordinairement deux types principaux de milieux de culture : les milieux dits
synthétiques, dont la composition est contrôlée et connue, et les milieux complexes, ou
bouillons, dont le contenu n’est généralement pas connu de manière exhaustive. Parmi les
milieux complexes, une place importante est occupée (dans la recherche de base et surtout dans
la bactériologie médicale) par l’emploi des milieux dits différentiels (tab. F4.4-1).
L’élaboration d’un milieu de culture synthétique consiste à préparer une solution dans
laquelle les concentrations des macro-éléments et des micro-éléments sont ajustées en
proportions bien définies, en relation avec l'organisme à cultiver. Les concentrations requises
des éléments nécessaires en traces sont si basses que la quantité contenue normalement à l'état
d'impuretés dans l’eau est suffisante. Il faut en général ajouter à ce milieu une source de carbone
et d’énergie, dont la nature varie selon les groupes trophiques des organismes traités (Chap. 2),
et souvent des vitamines, ou d'autres petites molécules organiques, dont la nature et le nombre
dépendent des espèces. En effet, si bon nombre de procaryotes sont capables d’assurer la
synthèse de l’ensemble de leurs vitamines et des constituants de leurs macromolécules (ils sont
donc prototrophes pour ces molécules), certaines espèces ne le sont pas (elles sont auxotrophes
pour ces produits) ; leur milieu doit donc être complémenté par un apport exogène de ces
molécules, dits facteurs de croissance. C’est le cas de la vitamine B1 pour Bacillus anthracis, de
la riboflavine pour Clostridium tetanii, de la vitamine B12 pour Lactobacillus spp., de la
nicotinamide pour Proteus vulgaris.
Les bouillons de culture sont des milieux riches en matériaux organiques, qui fournissent
aux cellules les constituants élémentaires, comme les milieux synthétiques, mais pour l'essentiel
sous forme de petites molécules organiques (amino-acides, nucléotides, sucres, acides gras,
vitamines, etc.) directement assimilables par les cellules si elles peuvent les intérioriser. Tous
ces précurseurs et facteurs de croissance sont issus de différents types d’hydrolysats de viandes
ou d'autres substances riches. Généralement la composition chimique exacte de ces milieux
n’est pas déterminée. Les espèces cultivables en milieu synthétique le sont la plupart du temps
aussi en milieu riche. Cette règle, qui pourrait sembler logique, est vraie pour la majorité, mais
pas toutes, des souches devenues des « bêtes » de laboratoire, mais ne l’est pas pour les souches
isolées dans les environnements naturels qui bien souvent exigent des milieux plus pauvres pour
croître. À l’opposé, nombres d’espèces ne consentent, au moins en l'état de nos connaissances, à
croître que dans des milieux complexes, bien que cette limitation puisse quelques fois être levée
(Web 4 Fiche 4.5).
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Tableau 4.4-1 - Quelques milieux sélectifs gélosés
Ce milieu empêche la
croissance des Gram+
15
Milieu MacConkey contient deux inhibiteurs des permet l’isolement de Gram– :
Gram+ (des sels biliaires et du Salmonella, Shigella, les coliformes
cristal violet) de l’eau
Gélose au sang Milieu enrichi avec du sang sur permet la lecture des caractères
lequel pousse bien hémolytiques des souches
Streptococcus
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souches cultivées sur milieux solides, des milieux gélosés en boîtes de Petri peuvent être
conservés pour de courtes périodes à 4 °C, en évitant leur dessiccation. Ces modes de
conservation, outre leur aspect temporaire et encombrant lorsque le nombre de souches à
conserver est grand (centaines, milliers, sinon plus), ont aussi le désavantage de permettre
l'accumulation de mutations, puisque ces conditions correspondent à une phase stationnaire
prolongée (Chap. 4). De nombreux systèmes de conservation ont été développés, comme
l’ensemencement des souches dit « en gélose profonde » (tubes stériles contenant un 1 ou 2 mL
de milieu gélosé complet peu riche). Ces tubes, fermés de façon hermétique, permettent la
conservation des souches pendant des années.
D’autres systèmes, beaucoup plus sûrs et plus pratiques, sont la conservation par congélation
en tubes scellés, en milieux additionnés de glycérol stérile (20 %) à -20 ou -80 °C, et la
lyophilisation. L'ajout de glycérol protège les structures cellulaires, et amoindrit ainsi la
mortalité liée à ce processus. La seconde technique est une cryo-dessiccation, c'est-à-dire une
dessiccation poussée, compatible avec de longues durées de conservation. Le redémarrage des
cultures se fait en mettant des aliquotes des suspensions conservées dans les conditions
appropriées pour leur croissance. Ces procédures ne sont cependant pas (ou pas toutes)
compatibles avec toutes les souches.
17
d’entrée du milieu permet en outre une modulation du taux de croissance (nombre de divisions
par heure), ce qui peut être précieux pour des expériences portant par exemple sur l’expression
de certains gènes en fonction du taux de croissance. Ces dispositifs sont donc très précieux pour
étudier (ou exploiter industriellement) des organismes dans un état physiologique déterminé.
Les chémostats ont été et sont également l’outil de choix pour des expériences de compétition
soit interspécifique soit intraspécifique (Encart F4.4-1).
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avantage sélectif de la présence de l’élément mobile. Il en est ainsi du transposon Tn5 : il
semble que l’avantage sélectif qu’il confère serait dû à son gène conférant la résistance à la
bléomycine, antibiotique génotoxique ; la résistance conférée par ce gène est due à une plus
grande efficacité de la réparation de l’ADN. La présence de Tn5 améliore aussi la survie des
souches porteuses de ce transposon en phase stationnaire. Le cas du transposon Tn10 est plus
difficile à expliquer ; en co-culture en chémostat de la souche sauvage et de la souche porteuse
de Tn10, la compétition conduit à l’élimination de la souche sauvage, mais avec sélection de
souches porteuses d’une seconde insertion de Tn10, toujours localisée dans le même gène,
désigné fit ::Tn10. Jusqu’à présent, la fonction de ce gène n’a pas été identifiée. D’une façon
globale, le caractère mutateur des éléments mobiles a été évoqué pour expliquer l’avantage
sélectif qu’ils pouvaient procurer. Cela est à rapprocher de l’avantage sélectif que confèrent les
gènes mutateurs impliqués dans l’élimination des mésappariements (mutS, mutL, mutH) (Chap.
10) en coculture en chémostat avec la souche sauvage.
Bibliographie
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Web 4 Fiche 4.5
J.-C. Liébart
Les conditions d’études en laboratoire imposent habituellement d’utiliser des cultures pures
d’un organisme donné (Web 4 Fiche 4.2). Il va de soit que ces conditions ne sont pas celles des
milieux naturels. Rappelons d’autre part que l’immense majorité des espèces procaryotes n’est
actuellement pas cultivable, les raisons de cette non cultivabilité n’étant généralement pas
connues. Toutefois, certains cas de non cultivabilité peuvent être abordés expérimentalement.
Nous en citerons deux : le cas assez général de la syntrophie, et le cas particulier de la Bactérie
Tropherima wippleii.
Souche MoH :
4 H2 + CO2 CH4 + 2 H2O
∆G’O = –131 kJ par mole de méthane
Co-culture :
2 CH3CH2OH + CO2 2 CH3COO- + 2 H+ + CH4
∆G’O = -112 kJ par mole de méthane
20
Ces deux souches prises séparément ne peuvent pas métaboliser l’éthanol. Leur association
est nécessaire, la seconde maintenant une pression partielle en H2 suffisamment faible pour
permettre thermodynamiquement la première réaction. Cette dépendance s’est avérée
problématique dans la définition d’un milieu permettant la co-culture de ces deux espèces de
procaryotes.
À l’heure actuelle, il est possible de cultiver les partenaires d’une syntrophie donnée sous
forme de culture pure à partir d’une combinaison précise de substrats. En conséquence, la
syntrophie n’est pas un état obligé pour les différents systèmes syntrophiques connus, même si
l’obtention de cultures pures de ces micro-organismes s’avère parfois acrobatique. Dans
l'exemple précédent, le maintien de l’hydrogène à très faible pression partielle par des moyens
non biologiques s’avère peu efficace pour permettre l’oxydation de l’éthanol. Une culture pure
de souches telles que la souche S peut cependant se réaliser en utilisant comme substrats des
molécules plus oxydées que l’éthanol telles que l’acétylène, selon le scénario suivant :
C2H2 + H2O CH3CHO
∆G’O = –111,9 kJ
21
Ce cas est intéressant à plus d’un titre. Il montre que le séquençage et l’analyse informatique
peuvent permettre l’identification du génome d’une espèce bactérienne sans nécessairement
passer par des cultures pures. Il en a été de même pour Wolbacchia, un parasite intracellulaire
des insectes, dont la drosophile (Chap. 5 ; 17). Il révèle en outre que l’analyse informatique des
données issues du séquençage apporte des informations précieuses sur les capacités et les
exigences métaboliques d’une espèce donnée, avec pour conséquence une approche moins
incertaine, moins empirique, de la définition d’un milieu de culture potentiel. Enfin, dans le cas
de la maladie de Whipple, elle a ainsi révélé que la bactérie responsable n’était pas un hôte
obligé des cellules humaines mais pouvait se développer dans des conditions axéniques.
Bibliographie
Renesto P., Crapoulet N., Ogata H., La Scala B., Vestris G., Claverie J-M., Raoult D.
2003. Genome Based Design of a Cell-free Culture Medium for Tropheryma wippleii. The
Lancet 362 : 447-449
Singh S., Eldin C., Kowalczeweska M., Raoult D. 2013. Axenic Culture of Fastidious
and Intracellular Bacteria. Trends Microbiol. 21(2) : 92-9
22
Web 4 Fiche 4.6
23
Figure F4.6-1 - Chambre de Petroff-Hausser.
24
carence nutritionnelle. Cette méthode permet en outre, en modifiant la nature du milieu ou les
conditions de croissance, de dénombrer sélectivement différentes populations dans la
suspension (par exemple clones auxotrophes ou mutants thermosensibles parmi des cellules
sauvages). Son inconvénient réside dans le délai nécessaire, variable avec les espèces (de un à
plusieurs jours), de formation de colonies discernables à l’œil.
La technique consiste à diluer la culture en examen et à ensemencer une série de boîtes de
Petri contenant le milieu approprié avec des échantillons dilués (généralement 0,1 mL) (Web 4
Vidéo 4.2). Après incubation des boîtes le temps nécessaire à la température voulue, on compte
les colonies présentes sur ces boîtes. On choisit les boîtes dont le nombre de colonies est
compris dans une marge de l’ordre de 50 – 200 colonies (pour éviter les erreurs
d’échantillonnage lorsque le nombre des colonies est trop bas, et les erreurs de lecture par
superposition des colonies lorsque le nombre de celles-ci est trop élevé). Dans ces conditions, le
nombre, de colonies, multiplié par 10 (pour rapporter ce nombre à un volume d’1 mL) et par le
facteur de dilution, permet de déterminer le titre de la culture, exprimé en ufc (unités formant
colonies) par mL. Les erreurs d’échantillonnage sont déterminées en effectuant des
prélèvements et titres indépendants sur plusieurs boîtes et en appliquant aux résultats l’analyse
statistique classique. Cette technique est couramment utilisée dans toutes les manipulations de
génétique et de physiologie bactériennes.
NÉPHÉLOMÉTRIE ET TURBIDIMÉTRIE
À partir de environ 107 unités/mL, une suspension cellulaire devient trouble, et sa turbidité
augmente proportionnellement à la concentration des cellules, au moins jusqu'à une certaine
limite. Cette propriété peut être mise à profit pour déterminer la concentration cellulaire, après
étalonnage. Il est possible de mesurer ce trouble (turbidité) par spectroscopie.
La néphélométrie mesure la quantité de lumière diffractée par passage du faisceau à travers
les obstacles que représentent les cellules, qui bloquent le transfert des photons. C'est donc une
mesure directe de la densité de la suspension.
La turbidimétrie renseigne sur la quantité de lumière diffusée après passage à travers la
suspension cellulaire. C'est donc une mesure par différence entre influx et efflux de lumière. Ce
système exploite la loi de Beer-Lambert qui établit la relation entre l’intensité de la lumière
incidente et celle transmise lorsqu’un faisceau de lumière monochromatique traverse un milieu
absorbant. Dans ces conditions l’absorbance (A) est donnée par la relation :
A = log Io/I = e l c
où (e) est le coefficient d’extinction molaire, (l) la longueur de traversée du faisceau de lumière
dans la suspension, (c) la concentration du solvant (ici milieu de culture), (I0) l'intensité de la
lumière incidente et (I) celle de la lumière transmise. Dans le cas des suspensions de micro-
organismes, (A) est appelé densité optique (DO).
La suspension à mesurer, diluée pour être dans les limites de sensibilité de l'appareil de
mesure, est placée dans une cuve dont la longueur de traversée par le faisceau lumineux, (l), est
connue (généralement 1 cm). La lumière peut être blanche (néphélométrie) ou
monochromatique (turbidimétrie). Dans ce cas il est préférable d'utiliser une longueur d'onde
non absorbable par des constituants (pigments) cellulaires, dont la concentration pourrait varier
25
avec l'état physiologique, ce qui perturberait l'étalonnage, donc la mesure. Pour des cellules non
pigmentées, telles E. coli ou B. subtilis, cette longueur d'onde est ordinairement 600 nm.
Ces méthodes sont très simples et très rapides. Dans les deux cas elles nécessitent un
étalonnage du spectrophotomètre permettant d’établir la correspondance entre quantité de
lumière mesurée et concentration cellulaire, pour chaque espèce considérée. Des variations de
taille importantes au cours de la croissance peuvent modifier la valeur de l'étalonnage.
MÉTHODES BIOCHIMIQUES
Outre les méthodes décrites ci-dessus, les études de biochimie ont souvent recours à d’autres
systèmes pour déterminer la concentration cellulaire. Celles-ci peuvent être la détermination
directe de la masse de matériel cellulaire soit en poids sec (au moins 10 11 quand il s'agit de
bactéries, lavées, desséchées et pesées) ou encore en poids humide (un échantillon adsorbé sur
filtre, pesé après élimination de l’eau adsorbée par séchage à 40 °C). Il est aussi possible de
déterminer la concentration de composants structurels (lipides, protéines de membranes,
protéines totales, ou autres composants).
26
Web 4 Fiche 4.7
J.-C. Liébart
27
Figure F4.7-1. Fréquence de cellules persistantes de Staphylococcus aureus au cours
du traitement à la pénicilline.
La courbe obtenue (ci-dessus le premier cycle de traitement) est la même pour 4 cycles successifs de
traitement à l’a pénicilline.
28
conservées que les colonies qui ne croissent pas sur milieu additionné de pénicilline mais qui
croissent sur le même milieu débarrassé de l’antibiotique. Les mutants ainsi obtenus ont été
nommés hip (HIgh Persister). Ces mutants, après traitement à la pénicilline, présentent une
fraction survivante de 10-2 alors que celle-ci est de 10-6 chez la souche sauvage. Il ne s’agit pas
de mutants résistants à l’antibiotique, l’immense majorité de la population de ces mutants se
comportant comme la souche sauvage dont ils dérivent (voir ci-dessous).
29
MUTANTS PRÉSENTANT UNE FRÉQUENCE ACCRUE DE CELLULES
PERSISTANTES
a) Persistance et système toxine–antitoxine
hipA est le premier gène identifié comme conférant le phénotype « persistant ». Il appartient à
un système toxine-antitoxine (TA). Ces systèmes ont été d’abord identifiés chez certains
plasmides, dont le facteur F : ils consistent en un opéron de deux gènes, l’un synthétisant une
toxine stable, l’autre une antitoxine instable. Si une bactérie perd son plasmide, elle ne contient
plus que la toxine, l’antitoxine étant instable, ce qui conduit à son élimination, ou au moins à sa
non-prolifération. En conséquence, l’ensemble de la population contient essentiellement des
cellules possédant le plasmide. D’autres systèmes similaires (dont celui codé par hipA) sont
localisés sur le chromosome, leur rôle n’étant pas clairement défini.
Le système hipA est classique, avec un opéron de deux gènes, hipAB. HipA, la toxine, est une
kinase qui phosphoryle la protéine EF-Tu, un facteur d’élongation de la synthèse peptidique
(Chap. 13), ce qui inhibe la traduction et conduit à un état de dormance de la cellule. HipB est
un inhibiteur de l’activité kinase de HipA. L'inhibition se fait par interaction protéine-protéine.
Chez le premier mutant hipA isolé, l’interaction entre HipA et HipB est atténuée, ce qui permet
le maintien d’une activité kinase de HipA, et l’inhibition du facteur de traduction EF-Tu.
Le second crible génétique a permis d’identifier des gènes de systèmes toxine-antitoxine
(dinJ, yoeB et yefM), qui sont sur-exprimés chez les mutants, conduisant au phénotype de
cellules persistantes. Le gène yoeB est un homologue de relE, qui fait lui-même partie d’un
système TA et qui code un inhibiteur des synthèses protéiques ; la surexpression de RelE
conduit au phénotype cellules persistantes. Un autre gène ainsi identifié, ygiU, est également
induit dans les biofilms. Il constitue un opéron avec le gène ygiT, l’ensemble ressemblant aussi
à un système TA.
30
Figure F4.7-2. Cellules résistantes et cellules persistantes.
Chez les cellules résistantes la cible de l’antibiotique est modifiée et échappe à son action (flèche bleue). Chez les
cellules sensibles, la cible est reconnue par l’antibiotique. Outre l’effet inhibiteur du fonctionnement de cette cible, celle-
ci conduit à la formation de produits toxiques pour la cellule. Chez les cellules persistantes, cet effet annexe n’a pas
lieu. Certaines protéines des cellules persistantes agissent par blocage de la cible de l’antibiotique. Les cellules ne
croissent pas mais ne sont pas tuées. (D’après K. Lewis, 2010).
31
CELLULES PERSISTANTES ET PATHOLOGIES
L’échec du traitement de maladies infectieuses par antibiotique est assez fréquent, même lorsque
le pathogène responsable reste sensible à l’antibiotique. Dans la plupart des cas, de telles
infections chroniques s’accompagnent de la formation de biofilms, forme sous laquelle les
bactéries présentent un phénotype de plus forte insensibilité à l’ensemble des antibiotiques
(Chap. 14). Cette résistance apparente peut être attribuée aux cellules persistantes présentes dans
la population du biofilm. Le modèle explicatif peut se résumer ainsi : lors du traitement,
l’antibiotique tue la majorité des cellules du biofilm ; de même, les cellules détachées du biofilm
sont prises en charge par l'antibiotique et/ou sont éliminées par le système immunitaire. Seules
survivent les cellules persistantes maintenues au sein du biofilm ; celles-ci, à la suite de l’arrêt
du traitement, peuvent le recoloniser. Ce modèle a pu être testé ; une application périodique à un
biofilm d’une dose létale d’antibiotique conduit effectivement à une augmentation du niveau de
cellules persistantes. De même, des patients atteints de mucoviscidose et traités périodiquement
par le même antibiotique montrent une augmentation du niveau de cellules persistantes de
Pseudomonas æruginosa au fil du traitement. On peut rappeler le cas de Mycobacterium
tuberculosis, qui conduit à une infection chronique échappant au système immunitaire.
L’infection peut disparaître soit spontanément soit après thérapie antimicrobienne. Mais dans les
deux cas, le pathogène demeure sous une forme latente. On sait peu de chose sur cet état latent,
mais des données récentes montrent l’existence de cellules persistantes de M. tuberculosis.
Comme d’autres bactéries, dont E. coli, M. tuberculosis est doté de nombreux systèmes TA. On
ne sait pas actuellement si les cellules persistantes caractérisées chez cette dernière sont
également affectées dans l’expression d’un ou plusieurs de ces systèmes.
Il demeure que l’existence de cellules persistantes représente un sérieux problème dans le
traitement des maladies infectieuses, problème qui jusqu’à présent avait été plus ou moins
ignoré. À l’heure actuelle, on ne connaît pas de méthode apte à éliminer cette fraction de
cellules présente dans toute population bactérienne.
Bibliographie
32
Web 4 Fiche 4.8
J.-C. Liébart
Nous avons vu (Chap. 4) que chez une bactérie telle que E. coli, la phase stationnaire n’était en
rien un état statique et passif, mais correspondait à la mise en place d’un véritable programme
génétique sous le contrôle d’un gène, le régulateur positif rpoS (Chap. 13). Celui-ci contrôle,
directement ou non, 10 % des gènes de la bactérie. On peut observer qu’il y a encore des
bactéries en division active après 10 jours de phase stationnaire. En outre, il est possible
d’observer une survie importante (de l’ordre de 10-3) de la population bactérienne maximale
mesurée en début de phase stationnaire, et ce, selon certains auteurs, même après plusieurs
années de culture (fig. 4.8-1). Cette longue phase de survie est appelée phase stationnaire
prolongée.
Comme pour la phase stationnaire, on observe une gestion programmée de cette phase par la
bactérie, grâce à la mise en place de nouveaux facteurs permettant la survie d’une partie de la
population. L’approche génétique en est simple. À partir de cultures bactériennes en phase
stationnaire depuis des temps variés, on réalise des mélanges de deux populations d'âges
différents : une majorité de cellules en phase stationnaire récente (1 jour), avec une minorité de
cellules en phase stationnaire plus ancienne (10 jours). Les deux populations sont repérables
chacune par un marqueur génétique neutre facilement identifiable. L'incubation prolongée
entraîne une élimination totale de la population en phase stationnaire récente par la population
ancienne. Ce phénomène n’est pas dû à une adaptation physiologique mais est le résultat de
mutations. Il est probable que l’avantage sélectif des bactéries en phase stationnaire depuis dix
jours est dû à leur plus grande efficacité dans l’utilisation des nutriments relargués par les
cellules mortes. Le phénotype de ces mutants a été baptisé GASP (Growth Advantage in
Stationary Phase) par R. Kolter. D’autre part, il se produit une apparition et une disparition
séquentielles de mutants GASP en fonction du temps passé en phase stationnaire. Les mutations
GASP peuvent affecter différents gènes, et certaines d’entre elles restent difficiles à interpréter.
Nous n’aborderons ici que celles pour lesquelles une interprétation a pu être proposée.
33
Figure F4.8-1. Survie de E. coli en fonction du temps.
(D’après S.E. Finkel, 2006).
34
DÉLÉTION DE LRP, UN RÉGULATEUR TRANSCRIPTIONNEL DE LA
PHASE STATIONNAIRE
Une deuxième mutation entraînant ce phénotype est une délétion partielle du gène codant le
régulateur transcriptionnel intervenant en partie dans la phase stationnaire, le gène lrp (Leucine-
responsive Regulatory Protein). Le taux d'expression de lrp est inversement proportionnel au
taux de croissance. La protéine Lrp sauvage, active sous forme dimérique, affecte l’expression
de 400 gènes, dont les trois quarts sont des gènes de phase stationnaire, y compris ceux
impliqués dans la réponse à la carence en nutriments. Cette mutation de lrp conduit à la
production d'une protéine tronquée qui, associée au produit du gène fonctionnel, conduit à un
dimère inactif, comportement classique d’un dominant négatif. L’avantage d’un tel mutant est
de conduire à un phénotype d’inactivation de la fonction directement observable et à action
immédiate au niveau phénotypique. Ces mutants ont l’aptitude de piéger efficacement les
amino-acides relâchés par les cellules mortes, en particulier la sérine, la thréonine et l’alanine.
Cependant, cette propriété ne rend pas compte à elle seule du phénotype GASP. Il est probable
que, comme pour le mutant rpoSalt, la protéine étant un régulateur global, la mutation affectant
lrp agit sur d’autres facteurs qui restent à déterminer. De même, chez Pseudomonas
aureofaciens, une mutation dans le gène lysR, un autre régulateur global, conduit au phénotype
GASP.
GÉNÉRALITÉ DU PHÉNOMÈNE
Décrit initialement chez E. coli, le phénotype GASP a été également observé chez d’autres
entérobactéries telles que Enterobacter cloacæ, Salmonella enterica ou Shigella dysenteriæ,
mais aussi chez d’autres Gram– (Pseudomonas putida, Vibrio choleræ, Geobacter
sulfuroreducens) et chez des Gram+ (Mycobacterium smegmatis, Staphylococcus aureus,
Listeria monocytogenes). Il a été également observé chez l'eucaryote Saccharomyces cerevisiæ.
Il semble donc que le phénotype GASP corresponde à une réponse du monde microbien soumis
aux conditions de carence générées par la phase stationnaire. Rappelons enfin que c’est dans les
35
conditions de phase stationnaire prolongée que se révèle le phénomène connu entre autres sous
le nom de mutagénèse adaptative (Chap. 10).
Bibliographie
Finkel S.E. 2006. Long Term Survival during Stationary Phase : Evolution and the GASP
Phenotype. Nature Reviews Microbiology 4 : 113-12
Harwani D., Zangaoui P., Mahadevan S. 2012. The β-glucoside (bgl) Operon of E. coli is
Involved in the Regulation of oppA, Encoding an oligopeptide Transporter. J. Bacteriol. 194(1) :
90-99
Zambrano M.M. & Kolter R. 1996. GASPing for Life in Stationary phase. Cell. 86 : 181-184
Zambrano M.M., Almiron M., Tormo A., Kolter R. 1993. Microbial Competition : E.coli
Mutants that Take Over Stationary Phase Cultures. Science 259 : 1757-1760
Zinser E.R & Kolter R. 2000. Prolonged Stationary Phase selects for lrp Mutants in E coli K12.
J. Bacteriol. 182 : 4361-65
36