Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
que vous avez <vu> tout à l’heure et que nous avons effacé, la
fonction de l’image réelle du vase l’illusion du vase renversé, ce vase
qui vient se produire pour faire semblant d’entourer la base des tiges
florales qui symbolisent élégamment le petit a, c’est de cela qu’il
s’agit, c’est l’image, le fantôme narcissique qui vient remplir dans le
fantasme la fonction de se coapter au désir, l’illusion de tenir son
objet, si l’on peut dire. Dès lors, si S est cette place qui peut de
temps en temps se trouver vide, à savoir que rien ne vienne s’y
produire de satisfaisant concernant le surgissement de l’image
narcissique, nous pouvons concevoir que c’est peut-être bien cela à
quoi répond [à son appel] la production du signal d’angoisse.
J’ai dit que je faisais un saut, c’est-à-dire que je ne prouve pas tout
de suite où je vous mène. Maintenant, faisons les pas qui vont
2
Il semble qu’il s’agit du même schéma que celui produit le 7 juin, cf. séance 1961-06-07
permettre de comprendre ce dont il s’agit. Une chose nous est donc
donnée, c’est que le signal de l’angoisse se produit quelque part, ce
quelque part que peut occuper i(a), le Moi en tant qu’image de
l’autre, le Moi en tant que foncièrement fonction de [la connaissance]
<méconnaissance>. Il l’occupe, cette place, non pas en tant que
cette image l’occupe mais en tant que place, c’est-à-dire en tant qu’à
l’occasion cette image peut y être dissoute. Observez bien que je ne
dis pas que c’est le défaut de l’image qui fait surgir l’angoisse.
Observez bien ce que je dis depuis toujours, c’est que le rapport
spéculaire, le rapport originaire du sujet à l’image spéculaire [s’installe]
<s’instaure> dans la réaction dite de l’agressivité. Dans mon article
sur Le stade du miroir, je l’ai d’ores et déjà indiqué, cette même
relation spéculaire, <je l’ai> définie, fondée, car le stade du miroir
n’est pas sans rapport avec l’angoisse, j’ai même indiqué que le
chemin pour saisir [comment on coupe] <comme en coupe>,
transversalement, l’agressivité, c’était de voir qu’il fallait s’orienter
dans le sens de la relation temporelle. En effet, il n’y a pas de
relation spatiale qui se référencie à l’image spéculaire comme telle, à
savoir quand elle commence de s’animer, quand elle devient l’autre
incarné, il y a un rapport temporel : « J’ai hâte de me voir semblable
à lui, faute de quoi, où vais-je être ? »
Mais si vous vous reportez à mes textes, vous pourrez voir aussi
que je suis là plus prudent et que si je ne pousse pas jusqu’au bout la
formule, c’est pour quelque raison. La fonction de la [hâtérologie] <hâte
en logique>, ceux qui sont très attentifs à mes œuvres savent que je
l’ai traitée quelque part dans une sorte de petit sophisme qui est
celui du problème des trois disques. Cette fonction de la hâte, à
savoir cette façon dont l’homme se précipite dans sa ressemblance à
l’homme, n’est pas l’angoisse. Pour que l’angoisse se constitue, il
faut qu’il y ait rapport au niveau du désir. C’est bien pourquoi c’est
au niveau du fantasme que je vous conduis aujourd’hui par la main
pour approcher ce problème de l’angoisse. Je vais vous montrer très
en avant où nous allons et nous reviendrons en arrière pour faire des
petits détours de lièvre.
Chez les animaux sociaux, chez les bêtes de troupeau, chacun sait
le rôle que joue le signal. Devant l’ennemi du troupeau, le plus malin
ou le veilleur parmi les bêtes du troupeau est là pour le sentir, le
flairer, le repérer. La gazelle, l’antilope dressent le nez, poussent un
petit bramement, et cela ne traîne pas, tout le monde s’en va dans la
même direction. La notion de signal dans un complexus social,
réaction à un danger, voilà où nous saisissons au niveau biologique
ce qui existe dans une société observable. S’il se laisse apercevoir, ce
signal d’angoisse, c’est bien de l’alter ego, de l’autre qui constitue
son Moi, que le sujet peut le recevoir.
C’est qu’en fait le précieux Mitleid, cet altruisme, pour le sujet qui
se méconnaît, n’est que la couverture d’autre, chose, et vous
l’observerez toujours à condition toutefois d’être dans le plan de
l’analyse. Travaillez un peu le Mitleid d’un obsessionnel et ici le
premier temps est de s’apercevoir, avec ce que je vous pointe, avec
ce que d’ailleurs toute la tradition moraliste permet en l’occasion
d’affirmer, [à savoir] que ce qu’il respecte, ce à quoi il ne veut pas
toucher dans l’image de l’autre, c’est à sa propre image. Mais c’est
pourquoi, [si elle] <s’il> n’était pas soigneusement préservé <de>
l’intactitude, l’intouchabilité de cette propre image, ce qui surgirait
de tout cela serait bel et bien l’angoisse et l’angoisse devant quoi ?
pas devant l’autre où il se mire, celle que j’ai appelée tout à l’heure
« la pauvre gosse » – qui ne l’est que dans son imagination car elle
est toujours bien plus dure que vous ne pouvez le croire – et c’est
devant « la pauvre gosse » qu’il a l’angoisse, devant a, non pas
l’image de lui-même mais devant l’autre, a comme objet de son désir.
Je dis cela pour bien illustrer ce qui est très important, c’est que,
si l’angoisse se produit topiquement à la place définie par i(a) c’est-
à-dire (comme la dernière formulation de Freud nous l’articule) à la
place du Moi, il n’y a pas de signal d’angoisse sinon en tant qu’il se
rapporte à un objet de désir, cet objet de désir en tant qu’il perturbe
le Moi Idéal i(a), celui qui s’origine dans l’image spéculaire.
3
Unbestimmt : indéfini, indéterminé.
qu’il y a à ajouter pour la définir pleinement c’est que de même [que]
la définition achevée de l’hystérie [ou de l’obsession] <quant au fantasme
a
est> : A la métaphore de l’autre au point où le sujet se voit
comme castré, confronté au grand Autre.
Si vous n’en tenez pas compte dans l’économie d’une analyse, vous
vous tromperez grandement. Vous en serez, dans bien des cas, à
vous creuser la tête pour savoir d’où vient en telle occasion [que] ce
petit resurgissement d’angoisse au moment où vous l’attendiez le
moins. Ce n’est pas forcément de la sienne, de celle dont vous êtes
déjà avertis par la pratique des mois antérieurs d’analyse, il y a aussi
celle des voisins qui compte et puis la vôtre. Vous pensez que là, bien
sûr, vous vous y retrouverez. Vous savez bien que déjà on vous a
donné là-dessus des avertissements. Je crains que cela ne vous
avertisse pas de grand-chose car justement une question introduite à
partir de cette considération, c’est de savoir ce que cet
avertissement implique, [à savoir] que votre angoisse à vous ne doit pas
entrer en jeu <que> l’analyse doit être aseptique concernant votre
angoisse. Qu’est-ce que cela peut vouloir dire, sur le plan où j’essaie
de vous soutenir toute une année, sur le plan synchronique (celui qui
ne permet pas [les façons] <d’invasion> de la diachronie, à savoir que
votre angoisse vous l’avez déjà largement dépassée dans votre
analyse antérieure, ce qui ne résout rien) car ce qu’il s’agit de savoir,
c’est dans quel statut actuel vous devez être, vous, quant à votre
désir pour que ne surgisse pas de vous, dans l’analyse, non
seulement le signal mais aussi l’énergie de l’angoisse, pour autant
qu’elle est là, si elle surgit, toute [faite] <prête> pour se reverser dans
l’économie de votre sujet, et ceci à mesure qu’il est plus avancé dans
l’analyse, c’est-à-dire que c’est au niveau de ce grand Autre que vous
êtes pour lui qu’il va chercher la voie de son désir. Tel est le statut de
l’analyste dans la synchronie concernant l’angoisse.
Quoi qu’il en soit, pour boucler cette première boucle [il] <qui> fait
intervenir la fonction de l’Autre, grand A, concernant la possibilité de
surgissement de l’angoisse comme signal, vous voyez à la fois que la
référence au troupeau pour autant que ce signal s’exerce à
l’intérieur d’une fonction de communication imaginaire [et] <est>
nécessaire, car c’est par là que je veux vous faire sentir que si
l’angoisse est un signal cela veut dire qu’elle peut provenir d’un
autre ; il n’en reste pas moins, pour autant qu’il s’agit d’un rapport
au désir, que le signal ne s’épuise pas dans la métaphore du danger
de l’ennemi du troupeau, et justement en ceci qui distingue le
troupeau humain du troupeau animal, c’est que pour chaque sujet,
comme chacun le sait sauf les entrepreneurs en psychologie
collective, l’ennemi du troupeau c’est lui.
prière sous la forme de quelqu’un qui n’est pas là, à savoir Pélée, le
père d’Achille qu’il représente. C’est lui qui prie, mais dans sa prière
(il est nécessaire que cette prière passe par quelque chose qui n’est
même pas l’invocation du père d’Achille) il lui trace la figure d’un
père qui, lui, est peut-être pour l’instant même, dit-il, bien ennuyé
parce que ses voisins sont en train de lui faire des misères. Il sait
qu’il a encore un fils qui n’est pas le dernier venu, Achille ici présent.
Vous retrouverez dans toute prière ce que j’appelle la place de
l’orant à l’intérieur même de la demande de celui qui prie.
Le désirant, c’est pour cela que je fais ce détour, cela n’est pas
pareil, je veux dire que le désirant, en tant que tel, ne peut rien dire
de lui-même sinon à s’abolir comme désirant. Car, c’est ce qui définit
la place pure du sujet en tant que désirant, c’est qu’à toute tentative
de s’articuler il ne sort rien d’autre que syncope du langage [est] <et>
impuissance à dire parce que dès qu’il dit il n’est rien plus que
quémandeur, il passe au registre de la demande et c’est autre chose.
6
Pindare, Pythiques, huitième Pythique, trad. Aimé Puech, Paris, « Les Belles Lettres »,
1977, v. 96-97.