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BULLETIN d’INFORMATION
et de LIAISON
de l’Association
des Amis de Panaït Istrati
– no 19-20 -
36e année
Automne 2018 - Hiver 2019
Prix : 6 €
2
les années d’apprentissage
du futur écrivain
un article inédit en langue française
Chères amies, chers amis,
1924
: le manuscrit de 406 pages de septembre 1922 suivi en décembre de celui qui devien-
dra le premier récit des aventures d’Adrien Zograffi se métamorphosent, grâce à Romain
Rolland, en deux livres publiés par les éditions Rieder, Kyra Kyralina et Oncle Anghel. La
chrysalide est devenue papillon. Le succès est mondial. La réception de Kyra Kyralina en Roumanie s’accom-
pagne d’une polémique qui s’étale jusque dans les premières pages des journaux et à laquelle Panaït Istrati
participe en envoyant des articles. Kyra Kyralina est publié en Roumanie par un traducteur anonyme dans une
version bâclée, infidèle et fautive que Panaït Istrati dénoncera dans une lettre qui servira d’introduction au
premier ouvrage édité par ses soins dans son pays en 1925, Trecut şi viitor Pagini auto-biografice [Passé et Avenir
Pages autobiographiques 1]. S’il y a bien un avant et un après 1924 dans la vie et dans l’œuvre d’Istrati, il serait
cependant erroné de croire qu’entre la chenille et le papillon il n’y ait pas eu une période de maturation déci-
sive dans la formation du futur écrivain dont le talent s’était déjà exercé par la rédaction de nombreux articles
parus depuis 1906 dans la presse roumaine, plus particulièrement celle du mouvement ouvrier.
Hormis par quelques rares textes traduits et publiés dans les Cahiers Panaït Istrati, cet aspect de l’activité jour-
nalistique d’Istrati est inconnu du lecteur francophone qui ne lit pas le roumain. À ce seul titre la parution dans
notre bulletin de l’article inédit en langue française Comment j’ai débuté est importante ; mais elle l’est surtout
par le fait que Panaït Istrati s’adresse à ses lecteurs de Roumanie, les plus lettrés comme les plus populaires,
pour leur raconter d’où il vient et qui étaient ceux qui ont eu une influence décisive sur le cours de son existence
avant son succès littéraire : en Roumanie, ce ne sont pas les critiques sentencieuses qui m’intéressent, mais la confiance
profonde du monde opprimé dans l’étoile d’un opprimé, qui s’est élevé victorieux du néant des éternelles défaites. Aussi
cette manière de parler de son passé nous en révèle une autre dimension que celle de ses entretiens et de ses
textes autobiographiques publiés dans la presse française, ou encore que celle de son évocation dans ses cor-
respondances 2. Pour la première fois, après les vives réactions de la presse roumaine, Panaït Istrati éprouve le
besoin d’exprimer sa dette envers ses années d’apprentissage et sa première naissance à l’écriture, avant que
Romain Rolland ne l’assiste dans sa seconde naissance d’écrivain accompli. Cette préhistoire d’Istrati ne pou-
vait pas mieux illustrer et mettre en relief la publication, au printemps prochain, de l’édition par Daniel Lérault
et Jean Rière de la Correspondance Panaït Istrati-Romain Rolland chez Gallimard dont la parution de Comment j’ai
débuté en constitue, d’une certaine façon, une éclairante introduction.
D’autre part nous continuons les illustrations graphiques de la vie et de l’œuvre de Panaït Istrati avec le
portrait par Denis Taurel d’une figure incontournable de la bande dessinée en Roumanie, Dodo Nita, et par un
article de Jean-Pierre Longre sur le Codine de Simon Géliot et de Jacques Baujard ainsi que quelques mots de
Christian Delrue sur Golo.
Nos habituelles rubriques montrent l’importance grandissante de l’écho que rencontre l’œuvre du prince des
vagabonds… là où parfois on ne l’attendait pas !
Avec la disparition de Christian Golfetto c’est tout un pan de la mémoire affective de notre association qui
resurgit comme le soulignent les nombreux témoignages que nous avons reçus, particulièrement ceux de nos
amis roumains. Nos pensées vont également à Guy Le Breton, président du Cadratin de Jouy qui édite notre
bulletin.
Christian Delrue, le 19 mars 2019