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Sébastien Rozeaux
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1. Pour de plus amples considérations sur la formation du milieu littéraire et de la littérature nationale
au Brésil à l’époque impériale, voir Sébastien Rozeaux, As Letras Pátrias : la genèse du « grand monument
national » des Lettres brésiliennes au Brésil à l’époque impériale (1822-1889), Lille, Presses universitaires
du Septentrion, à paraître fin 2014.
2. Les écrivains fondateurs des Letras Pátrias au Brésil, en particulier Gonçalves de Magalhães, sont
l’objet d’une analyse plus approfondie dans un article à paraître dans un ouvrage collectif : Sébastien
Rozeaux, « Les prophètes du “Cinquième Empire” : les intellectuels romantiques au service de l’Empire
brésilien (1822-1889) », dans Les Intellectuels et le politique (XIXe -XXe siècles), Anaïs Fléchet, Olivier
Compagnon, Diogo Cunha (dir.), Limoges, Lambert-Lucas.
Dans son ouvrage intitulé Les Républicains des lettres, Daniel Roche cerne la
dynamique paradoxale qui accompagne dans la France du XVIIIe siècle la formation
du champ littéraire : « Le monde des intellectuels et des auteurs reste celui des fidélités
anciennes et des dépendances acceptées, où le service, les charges, sont le moyen
d’obtenir gratifications et protections. En multipliant le nombre des pensions, en
créant à l’intérieur des académies de véritables carrières, en offrant les postes des
administrations culturelles ou autres, la monarchie absolue a renforcé à la fois la
dépendance des écrivains et des savants, et permis la première autonomisation du
“champ littéraire3 ”. » Si les moyens dont dispose l’État impérial sont sans commune
mesure avec ceux de la monarchie française, la distribution des postes et l’octroi de
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3. Daniel Roche, Les Républicains des Lettres, Paris, Fayard, 1988, p. 254.
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au sein d’une cohorte qui vit désœuvrée, pour ainsi dire proscrite au sein de sa
chère patrie4 .
Quelques années plus tard, l’artiste et écrivain Manuel de Araújo Porto-alegre
s’adresse lors d’une session solennelle de l’Instituto Histórico e Geográfico Brasileiro
(IHGB), institution culturelle fondée en 1838 sous le parrainage de l’État, aux
représentants de l’État pour les rappeler à leurs devoirs vis-à-vis des « écrivain[s]
officiel[s] » dont il se fait ici le héraut :
Il me semble, messieurs, que nous avons déjà atteint ce point à partir duquel
plus un seul mot ayant trait à l’História Pátria comme à l’homme en charge de
l’écrire, en particulier l’écrivain officiel, ne sera perdu. Le Grand chroniqueur de
l’Empire doit être protégé avec largesse, afin que son esprit ne soit distrait par
les contraintes de la vie matérielle. Notre gouvernement ne pourra rencontrer
dans le pays de Thucydide jouissant de la gloire d’enrichir la Literatura Pátria au
milieu de l’abondance de ses mines, ni de Xénophon protégé de la misère par la
générosité populaire, pas plus, par-dessus tout, qu’il ne trouvera un nombre de
lecteurs suffisant à compenser les fatigues de l’écrivain5 .
Familier du monde des lettres européen, Araújo Porto-alegre constate ici le fossé
qui sépare la situation de l’écrivain de part et d’autre de l’Atlantique : faute de
pouvoir s’appuyer sur des « lecteurs » trop rares pour être d’un quelconque secours,
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4. « O nosso theatro dramatico », Guanabara, 1852, t. 2, p. 98. « Esta indifferença dos que nos
governam é a causa do abatimento dos nossos poucos escriptores [...] Partidistas, como somos da unidade,
estamos convencidos de que a mão do governo é só capaz de combater o mal geral, e de reagir para a
elevação da arte, da litteratura nacional, e prosperidade dos infelizes a quem o céo obrigou por uma força
irresistivel a se arregimentarem em uma cohorte, que vive abandonada, e quasi que proscripta no seio de
sua querida patria. » Cette citation, comme les suivantes, est traduite par nos soins.
5. « Relatorio do 1o Secretario o Sr. Manoel d’Araujo Porto-Alegre », Revista do Instituto Histórico
e Geográfico Brasileiro, 1858, t. 21, p. 464. « Parece-me, senhores, já que estamos neste ponto, que não
será perdida uma palavra ácerca da historia patria e do homem encarregado de escrevê-la, mórmente do
escriptor official. O chronista-mor do imperio deve ser largamente subsidiado, para não distrahir o seu
espirito com as necessidades da vida material. O nosso governo não encontra no paiz Tucidides gozando
da gloria de enriquecer a literatura patria no meio da abundancia de suas minas, nem Xenophontes
acobertados da miseria pela generosidade popular, e nem, o que é mais que tudo, acha um numero de
leitores que compensem as fadigas do escriptor. »
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9. Manoel de Araujo Porto-Alegre, « Discurso pronunciado na Academia das Belas Artes em 1855,
por ocasião do estabelecimento das aulas de matemáticas, estéticas, etc. », 19&20, 2008, vol. III, n° 4.
« Ha um orgão maravilhoso na humanidade, que quando sôa acorde á gloria de um principe entrega-lhe o
século em que elle viveu : assim o fez aos Medices, á Francisco 1o, á Luis 14, aos Philippes, á Pedro - o
Grande, á Napoleão 1o, e a todos esses lumminares da antiguidade. Este orgão sonoro e harmonioso, que
se repercute na posteridade, é composto das filhas das Musas; é hynno da intelligencia, é a vós de uma
época inteira que para melhor atravessar a humanidade se resume nas melodias do poéta, nas voses do
historiador, nos monumentos das artes, e nos prodigios da industria. / Esse orgão começa agora a abrir as
suas primeiras voses no Brasil. »
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Cette métaphore du « grand siècle », qui fait écho à la fondation d’une História
Pátria à partir du culte rendu aux « héros », aux « hommes illustres » et aux « grands
génies », s’inscrit plus largement dans une mise en scène discursive et textuelle
de l’empereur en « Protecteur des arts et lettres » dont les ressorts s’éclairent à la
lumière de l’économie mécénique. Un tel portrait reflète tout à la fois l’image d’un
empereur qui veut apparaître dans l’histoire sous les traits glorieux du Prince éclairé
et cette économie de l’échange mécénique qui redéploie à chaque négociation et
transaction l’image symbolique susceptible d’ancrer dans les imaginaires la croyance
en l’avènement possible du « siècle de dom Pedro II ». L’art du portrait impérial
témoigne de la construction d’une représentation publique officielle de l’empereur
sous les atours du protecteur des arts et des lettres. La lithographie de Léon Noel en
1861 reproduit cette mise en scène de l’empereur en érudit qui pose en tenue civile,
installé à son bureau et entouré des attributs du savoir.
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Figure 1. Lithographie de Léon Noel d’après une photo tirée par Victor Frond, c. 1860, dans Brazil
Pittoresco. Album de vistas, panoramas, paisagens, monumentos, costumes, etc., Paris, Lemercier, 1861.
L’IHGB est le lieu de prédilection dans lequel s’échafaude cette mythologie d’un
règne qui profite de manière remarquable à la vie de l’Institut. Ainsi, José Feliciano
de Castilho, Portugais installé à Rio de Janeiro, prononce lors de la session solennelle
du 6 avril 1848 un « discours sur la nécessité de protéger les sciences, les lettres et les
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arts dans l’Empire du Brésil10 » qui fait l’éloge des vertus du mécénat princier dans
l’histoire :
Félicitations, Messieurs, mes frères, frères de lettres et frères de patrie ! Félicitations
de voir assis à votre vénérable trône le souverain qui n’oublie pas l’état d’homme –
le puissant qui s’honore aussi d’être un savant – le jeune homme qui sans peine a
acquis la prudence et le savoir des sages – le protecteur des lettres qui est en même
temps son juge le plus compétent, son amateur le plus distingué. Une nouvelle
ère s’ouvre devant ce règne que, doté de tels éléments, l’on peut qualifier non par
prophétie mais par simple rigueur logique de glorieux. Puisse se préparer pour le
Brésil littéraire ce que les générations devront désigner comme le siècle de Pedro
II11 .
L’alliance entre le prince et l’artiste est présentée comme une relation éminemment
vertueuse, puisque les faveurs matérielles concédées par le premier permettent à l’artiste
de donner libre cours à ses talents et à la nation qu’il incarne de briller – une alliance
dont le mérite rejaillit sur l’aura d’un prince dont le règne sera consacré par les
générations futures. Son pouvoir de protection se double de compétences spécifiques
qui font de l’empereur un digne représentant du culte des lettres. À la fois mécène et
critique, l’empereur exercerait une autorité suprême sur les arts et les lettres, à en croire
les membres de l’Institut. De facto, dom Pedro II n’est pas avare de commentaires
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Les hommes de lettres qui ont fait montre de leur loyauté en trempant leur
plume dans l’encre thurifère peuvent ainsi prétendre à user des voies du mécénat
impérial et du clientélisme politique pour espérer obtenir de l’État quelques faveurs,
sous la forme d’emplois ou de gratifications. Pierre Bourdieu évoque dans Les Règles
de l’art la puissance exercée par la tutelle publique sur le champ littéraire lorsque
celui-ci est encore incapable d’autonomie : « En l’absence de véritables instances
spécifiques de consécration, les instances politiques et les membres de la famille
10. José Feliciano de Castilho, « Discurso sobre a necessidade de se protegerem as sciencias, as lettras
e as artes no Imperio do Brazil », Revista do IHGB, 1848, t. 11, p. 259-266.
11. Ibid., p. 261-262. « Parabens, Senhores e irmãos meus, irmãos em lettras, e irmãos em patria !
parabens de ver sentado em vosso venerando throno o soberano que não esquece o ser homem – o poderoso
que tambem se honra de ser sabio – o mancebo que sem custo alcançou a prudencia e o saber das cans –
o protector das lettras, que é, ao mesmo tempo, o seu mais competente juiz, mais primoroso cultor. Longo
estadio se abre ante esse reinado, que, com taes elementos, não é vaticinio, mais logico rigor, denominar
glorioso. Possa para o Brazil litterario preparar-se o que as gerações hajam de chamar o seculo de Pedro
II. »
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impériale exercent une emprise directe sur le champ littéraire et artistique, non
seulement par les sanctions qui frappent les journaux et autres publications mais
aussi par l’intermédiaire des profits matériels ou symboliques qu’ils sont en mesure
de distribuer : pensions, accès à la possibilité d’être joué dans les théâtres, les salles
de concert ou d’exposer au Salon, charges ou postes rémunérateurs, distinctions
honorifiques12 [...]. »
L’empereur exerce dès les années 1840, dans un milieu littéraire confronté à la
pénurie des sinécures et des faveurs publiques, ses talents de mécène en prodiguant
à quelques protégés des faveurs particulières. Ce mécénat s’inscrit dans une logique
de consécration dont le caractère distinctif oblige à ce qu’il reste parcimonieux. « Le
mécénat ne pouvait produire d’effet pour la gloire de l’auteur et du donateur qu’à
la condition de rester hautement distinctif, donc fortement sélectif13 . » Alain Viala
éclaire ce faisant la nécessaire prudence avec laquelle le mécène, en l’occurrence
l’empereur, accepte de défaire les cordons de sa bourse afin de venir en aide à un
écrivain ou un artiste. Compte tenu de la rareté des commandes dont l’empereur est
l’initiateur, la logique de la reconnaissance prime dans cette économie du mécénat.
Pour cela, la dédicace comme la participation à des cercles renommés de sociabilité,
comme l’IHGB, sont les moyens de solliciter efficacement la personne de l’empereur.
Le bolsinho de l’empereur, cet argent dont l’État le dote pour son usage privé, lui
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12. Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992,
p. 78.
13. Alain Viala, Naissance de l’écrivain. Sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Minuit,
1985, p. 78.
14. « Discurso do orador o Sr. Dr. Joaquim Manoel de Macedo », Revista do IHGB, 1861, t. 24,
p. 810-811. « Longa vida, tormento incessante, cujo termo foi a morte : amor das letras sempre activo, e
pobreza sempre extrema ! Seu coração foi uma harpa dolorosa, cujas cordas só vibraram gemidos : o seu
viver foi um labor sem descanço, um trabalho ingrato, que só lhe dava pão amassado com lagrimas : em
sua velhice lutou com a miseria e com a fome que não receiava arrastar na mocidade, e succumbiria por
certo, se a providencia não lhe houvesse deparado com um augusto protector. »
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15. Voir Humberto Fernandes Machado et Lúcia Bastos Pereira das Neves, O Império do Brasil, Rio
de Janeiro, Editora Nova Fronteira, 1999, p. 274.
16. José Murilo de Carvalho, A construção da ordem : a elite politica imperial. Teatro de sombras, a
política imperial, 1822-1889, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 2008.
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La distribution exceptionnelle des titres nobiliaires n’a bénéficié qu’à un peu plus
d’un millier de personnes qui intègrent le cercle étroit de la noblesse d’Empire. Le
baronat, soit les trois quarts des titres distribués, est attribué en priorité aux grands
propriétaires terriens, dont la prospérité et la loyauté politique sont un élément
de stabilité pour le régime impérial. Seules quelque deux cents personnes peuvent
se prévaloir d’avoir reçu les honneurs afférents aux titres de vicomte, de comte,
marquis et duc sous le règne de dom Pedro II. La nature spécifique de cette noblesse
correspond à l’essor de trajectoires individuelles ainsi récompensées pour leur parcours
exceptionnel ou exemplaire. Comme le résume Lilia Moritz Schwarcz, « au Brésil, la
noblesse est un état passager qui naît à la faveur d’une situation politique, économique
ou intellectuelle privilégiée17 ». Parmi ce millier de nobles figurent quelques écrivains
qui ont reçu en fin de carrière les honneurs d’un titre de noblesse. Dix accèdent au
grade le moins élevé, le baronat, et quatre peuvent s’enorgueillir d’avoir été promus
au rang de vicomte, tels Gonçalves de Magalhães, le fondateur consacré des Letras
Pátrias. Précisons pourtant que la concession d’un titre de noblesse ne joue en réalité
guère de rôle dans la consécration des carrières littéraires, car ces titres sont remis
après 1870, lorsque le jeu du pouvoir au sein du champ échappe largement aux
écrivains anoblis. Soulignons également que quelques auteurs ont publiquement
refusé la concession de tels honneurs, à l’instar de Gonçalves Dias ou José de Alencar.
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17. Lilia Moritz Schwarcz, As barbas do Imperador. D. Pedro II, um monarca nos tropicos, São Paulo,
Cia das letras, 2008, p. 192.
18. José de Alencar, Sonhos d’Ouro, Rio de Janeiro, B. L. Garnier, 1872, p. 123.
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« Malheureusement, messieurs, nous voyons de nos jours une nuée d’hommes que ne
recommandent aucun mérite ni aucune vertu s’emparer des emplois publics19 . »
Les frustrations se nourrissent de l’incapacité prétendue de l’État à octroyer les
emplois publics aux plus méritants. L’empereur, auréolé de gloire et bien que tout-
puissant par les pouvoirs que lui confère la Constitution, ne peut qu’amender à la
marge un système mécénique et clientéliste qui ne saurait assurer en l’état le déroulé
serein de la carrière des acteurs du champ littéraire. Pour autant, le modèle organique
continue à perdurer, au vu du nombre conséquent des écrivains disciples20 de la
génération des fondateurs qui entretiennent tout au long du Segundo Reinado, avec
la bénédiction impériale, cette économie du mécénat, tandis que leurs prédécesseurs
se répartissent postes consulaires ou missions et trouvent une place au sein du petit
monde de la noblesse d’Empire. Les forces d’inertie qui exercent une forte pression au
sein de la société impériale militent pour le maintien d’un modèle qui s’accommode
parfaitement des moyens et des objectifs de l’État impérial centralisé. Nombreux sont
donc les écrivains qui, en dépit de la fragilisation d’un régime politique de plus en plus
contesté et de l’essor d’un nouveau régime moderne de la communication littéraire,
continuent à voir dans l’empereur et dans l’État les seuls protecteurs susceptibles
de leur garantir des conditions de travail optimum. Soulignons que la pérennité du
modèle de l’écrivain organique, soit le principal animateur de l’économie mécénique
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carrières des « écrivains officiels ». Cette évolution s’inscrit dans les voies inédites
de la professionnalisation qui accompagnent dès lors le recul du modèle mécénique
et la déréliction annoncée du « siècle de dom Pedro II », que la proclamation de
la République en 1889 achève d’effacer de la mémoire publique. Si la dépendance
du littéraire au politique ne disparaît pas avec l’avènement du nouveau régime, la
fin de l’époque impériale, longue de près de sept décennies, met un terme à une
situation d’« exception culturelle » en Amérique latine, celle d’un régime politique
suffisamment stable et solide pour cristalliser au XIXe siècle les ambitions de réussite
et d’exaltation patriotique de plusieurs générations d’hommes de lettres.
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